Lamer c. Lasnier |
2013 QCCQ 13611 |
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COUR DU QUÉBEC |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
TERREBONNE |
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LOCALITÉ DE |
SAINT-JÉRÔME |
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« Chambre civile » |
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N° : |
700-22-028145-125 |
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DATE : |
24 OCTOBRE 2013 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
JIMMY VALLÉE, J.C.Q. |
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ANDRÉ-BERNARD LAMER |
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Demandeur |
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c. |
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MARIE LASNIER -et- PATRICE STRASBOURG -et- CENTRE D'INTERVENTION ANIMAL Défendeurs
-et-
YANNICK MOREL |
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Intervenant |
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JUGEMENT |
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[1] Les parties se disputent la propriété d'un chien de race Berger allemand, probablement croisé avec un husky.
[2] Ce chien se nomme Ami-Go, Léo ou Driver selon qu'il est en la possession de monsieur André-Bernard Lamer («Lamer»), de madame Marie Lasnier («Lasnier») et monsieur Patrice Strasbourg («Strasbourg») ou de monsieur Yannick Morel («Morel»).
[3] Lamer[1], qui a institué les procédures, réclame également la somme de 15 000 $ à Lasnier, Strasbourg et au Centre d'intervention animal («CIA») afin de compenser les dommages qu'il a subis pour stress, peine, insomnie et perte de jouissance de la vie.
[4] Ces derniers répliquent en se portant demandeurs reconventionnels pour réclamer le même montant non seulement à Lamer, mais également à l'intervenant Morel qui, lui aussi, se dit propriétaire de l'animal.
[5] Au cours de la première journée d'audience, les parties acceptent de se désister de leur réclamation monétaire, désistements qui sont acceptés sans frais par les autres parties.
Les faits pertinents à la solution du litige
[6] Morel et Lamer se réclament tous les deux propriétaires du chien. Lasnier & Strasbourg, qui en sont conjointement possesseurs, contestent leurs prétentions et demandent le rejet des procédures qu'ils ont intentées.
[7] Selon la trame factuelle établie à l'audience, les droits de Lamer sont tributaires de ceux de Jean-Christophe Bérubé («Bérubé»).
[8] Lamer prétend en effet que la propriété de l'animal lui a été cédée par Bérubé alors qu'il en était propriétaire. Conséquemment, il coule de source que si Bérubé n'a jamais été propriétaire du chien, il n'a pu en céder la propriété à Lamer.
[9] De son côté, l'intervenant Morel prétend être devenu propriétaire de l'animal avant même que les autres parties n'acquièrent connaissance de son existence.
Version et prétentions de l'intervenant Yannick Morel
[10] Morel est présent à l'audience et il témoigne. Il achète pour son fils le chien nommé Driver le 26 avril 2012 à l'établissement Le Berger blanc inc.. Il paie 229,95 $ pour ce chien, selon la facture d'achat produite (IN-1).
[11] Vers la fin juin 2012, suite à une séparation de sa conjointe, il se trouve dans l'obligation de confier temporairement son chien à une tierce personne. Il doit en effet aller habiter un certain temps chez sa mère. Il remet donc le chien à Bérubé, une connaissance, qui habite sur la rue A à Montréal, dans l'immeuble qu'habite également Lamer.
[12] À la fin de l'été, lorsqu'il veut récupérer son chien, il communique, non sans difficulté, avec Bérubé qui lui indique que son voisin Lamer est désormais en possession de son chien.
[13] Morel réussit à voir Lamer qui l'informe que le chien a été remis au CIA pour être confié à une famille d'accueil. Jamais Lamer ne lui dévoile que Bérubé lui aurait cédé la propriété du chien.
[14] Ayant été informé des procédures judiciaires intentées par Lamer, il produit une déclaration d'intervention agressive et une demande d'ordonnance de sauvegarde qui sera cependant rejetée par le juge Massol.
[15] Il est catégorique que le chien en question lui appartient depuis qu'il l'a acquis au mois d'avril 2012, que jamais il ne s'est départi de la propriété de ce chien et que toutes les transactions subséquentes sont nulles. Il désire donc récupérer son chien.
Version et prétentions de André-Bernard Lamer
[16] Lamer réside à Montréal dans le même immeuble que Bérubé. Il est gestionnaire de cet immeuble dans lequel il est interdit d'héberger un chien.
[17] Vers la fin du mois de juin 2012, Bérubé lui demande l'autorisation de garder chez lui un chien pour une durée d'à peine un mois. Il voit alors ce chien, constate qu'il ne jappe pas et autorise donc Bérubé à l'héberger pendant un mois.
[18] Vers la mi-septembre 2012, il entre en possession physique du chien, le recueillant à l'appartement de Bérubé qui semble être disparu depuis plusieurs jours. Il entre à peu près au même moment en contact avec madame Micheline Robitaille («Robitaille») du CIA qui elle, a vu une annonce sur internet. Cette annonce a été placée par une autre locataire de l'immeuble dans lequel résident Lamer et Bérubé.
[19] S'ensuivent divers courriels et conversations téléphoniques entre Robitaille et Lamer.
[20] Le 5 octobre 2012, une rencontre fortuite avec Bérubé mène à la rédaction et à la signature du document par lequel la propriété du chien est cédée par Bérubé à Lamer. Cette signature a lieu le 10 octobre, bien que le document ne porte que la date du 5 octobre.
[21] Lamer discute une nouvelle fois par la suite avec Robitaille. Il lui dit qu'il est maintenant propriétaire du chien et il se rend à Québec un week-end pour la rencontrer.
[22] Vers le 9 octobre, il contacte directement Lasnier et discute avec elle. Ils conviennent alors ensemble de certaines modalités qu'il qualifie de «certains droits de regard» et de droit de «garde partagée» de son chien. Le 13 octobre, il se rend chez elle avec le chien et le laisse sous ses soins.
[23] Il s'y rend une seconde fois le 16 octobre et joue pendant plusieurs heures avec le chien. Il discute de nouveau avec Lasnier et convient avec elle de ce qu'il appelle une «mini garde partagée». Lasnier lui propose deux semaines de sortie par année, lorsqu'elle sera en vacances.
[24] Cette relation tourne ensuite au vinaigre, Lasnier ne voulant plus avoir de contact avec lui. Il n'a aucune nouvelle par la suite.
[25] Jamais il n'a officiellement donné ou autrement cédé la propriété du chien lui appartenant au CIA, ni à Lasnier & Strasbourg. Il entreprend donc des procédures en revendication, faisant saisir au passage le chien au domicile de Lasnier.
[26] Par ailleurs, il admet avoir omis de parler de sa rencontre avec Morel qui, très tôt dans le déroulement de la trame factuelle, lui déclare être propriétaire du chien. Il omet ce détail autant dans ses procédures écrites, notamment dans sa requête introductive d'instance et dans l'affidavit qu'il souscrit le 5 décembre 2012 et qu'il produit au soutien de sa réquisition d'un bref de saisie avant jugement, que dans son témoignage en chef devant le Tribunal. Il dira à l'audience: « je ne voulais pas qu'il soit propriétaire» et «je ne voulais pas que cela cause un problème».
Version et prétentions des défendeurs
- Dre Brigitte Lasnier
[27] Les défendeurs font tout d'abord entendre la docteure Brigitte Lasnier, vétérinaire depuis 27 ans et sœur de la défenderesse. Elle examine le chien visé une première fois le 16 octobre 2012. Elle le trouve maigre et en mauvaise condition. Ses poils sont secs et ternes. Elle évalue alors son âge à environ deux ans, ce qui situe sa date de naissance vers les mois d'octobre à décembre 2010.
[28] Elle revoit le chien une seconde fois le 31 mai 2013 et constate à ce moment qu'il a pris du poids mais qu'il n'a pas grandi.
- Micheline Robitaille
[29] Madame Micheline Robitaille, représentante du CIA, témoigne sur les différentes discussions et courriels échangés avec Lamer. À au moins deux reprises, elle lui offre de devenir famille d'accueil et de garder le chien. Il lui répond qu'il ne peut pas, qu'il a déjà trois chats et qu'il n'a pas le droit de garder un chien dans l'immeuble qu'il habite.
[30] Elle entreprend alors une recherche sur internet pour trouver une famille d'accueil. Jamais il n'a été question avec Lamer de droit de regard ou de mini garde partagée. Il voulait seulement un bon endroit pour le chien qu'il avait, selon ses dires, secouru.
[31] Elle n'a jamais non plus entendu parler de la détention de ce chien par Bérubé pour le compte de Morel. Lamer ne lui a jamais parlé de cet élément.
[32] Elle affirme que Lamer était très content après être allé chez Lasnier le 13 octobre 2012. Il était alors émerveillé de la façon de faire du CIA.
[33] Lorsque contre-interrogée à ce sujet, elle précise qu'habituellement, la personne qui remet un chien pour fins d'adoption signe une renonciation, document qui, dans le présent cas, n'a pas été signé par Lamer. Elle ne lui a jamais transmis le document en question, ni le projet de contrat d'adoption soumis à Lasnier. Elle affirme cependant qu'il en était informé. Elle n'a jamais personnellement été en possession physique du chien.
- Marie Lasnier
[34] De son côté, Lasnier voit la publicité du CIA sur internet et s'intéresse rapidement au chien. Elle contacte Robitaille et parle aussi directement à Lamer vers le 9 octobre.
[35] Le 13 octobre, elle est surprise lorsque Lamer se présente chez elle et y laisse le chien dès cette première occasion. Il n'est resté que quelques minutes, dira-t-elle, avant de quitter. Jamais il n'est question de droit de regard ou de mini garde partagée.
[36] Lamer lui suggère simplement qu'il pourrait s'occuper du chien quand elle serait en vacances, ce à quoi elle répond qu'elle «verrait».
[37] Elle lui envoie le soir même des nouvelles concernant l'adaptation du chien ainsi que deux photos. Lamer retourne chez elle le 16 octobre et il passe l'avant-midi avec le chien.
[38] Elle admet avoir été quelque peu perturbée par la suite lorsqu'elle reçoit un courriel (D-9) adressé directement au chien Ami-Go. «Que devais-je faire», dira-t-elle, «le lire au chien» ? Elle coupe alors les ponts avec Lamer, du moins jusqu'à la réception des procédures et la visite du huissier qui procède à la saisie du chien.
[39] Elle argue qu'elle a adopté le chien légalement du CIA qui recueille des chiens abandonnés ou sans maître, et que le chien devrait demeurer chez elle puisque c'est à cet endroit qu'il pourra le mieux s'épanouir.
- Sylvie David
[40] Madame Sylvie David est propriétaire de l'immeuble habité par madame Lisette Beaulieu, mère de l'intervenant Morel. Elle produit le bail qui la lie à madame Beaulieu et confirme que celle-ci habite toujours l'immeuble en question.
[41] Elle a eu récemment une discussion avec Lisette Beaulieu qui lui a indiqué que son fils Yannick avait «élu domicile chez elle».
- Caroline Daoust
[42] Madame Caroline Daoust habite au [...] à Pointe-aux-Trembles. Il s'agit aussi de l'adresse indiquée pour Morel sur la facture d'achat du chien émanant du Berger blanc inc..
[43] Morel est un ami de son conjoint qu'ils ont hébergé chez eux d'août 2010 jusqu'au mois de juillet 2012. Elle ne se souvient pas des dates exactes mais se souvient que Morel a acquis un chien en avril 2012 et qu'il l'a eu pour une période d'environ deux mois. Morel a quitté son logement vers la fin juillet et, en ce qui a trait au chien, il lui a dit qu'il s'en était débarrassé.
- Jean-Christophe Bérubé
[44] Monsieur Jean-Christophe Bérubé a habité l'appartement nº 1 de l'immeuble où vivait aussi Lamer sur la rue A et ce, jusqu'au 1er décembre 2012. Il connaît Morel depuis juin 2008, ayant travaillé avec lui chez Hunt Réfrigération.
[45] Vers la fin juin 2012, alors qu'il se trouve au travail, il apprend d'un collègue de travail que Morel veut se débarrasser de son chien et que le chien est dans l'auto au soleil. Il décide de secourir ce chien et le prend, avec son collier et sa laisse, mais sans autres accessoires ni papiers. Morel lui donne le chien. Il n'a ensuite aucune nouvelle ni aucune visite de Morel.
[46] Bérubé sait qu'il n'a pas le droit de garder un chien dans l'immeuble qu'il habite mais Lamer, gestionnaire de l'immeuble, accepte qu'il l'héberge temporairement, le but étant de lui trouver une famille d'accueil.
[47] Or, le propriétaire de l'immeuble est informé de la présence du chien et, vers le 1er septembre, un ultimatum de deux semaines est donné à Bérubé pour qu'il s'en débarrasse. Lamer lui dit à ce moment qu'il trouverait une famille d'accueil pour l'adopter. De son côté, Bérubé songe à rapporter le chien au Berger blanc inc..
[48] Le 13 septembre, le chien saccage l'appartement de Bérubé et fait beaucoup de bruit. La police est appelée sur les lieux mais il n'y aura pas de suite.
[49] Le lendemain, Bérubé se rend chez une amie et revient chez lui le 15 septembre. Le chien n'y est plus. Il en conclut tout de suite que Lamer s'en est approprié afin de le remettre à une famille d'accueil, mais il n'en parle pas à Lamer, ni cette journée-là, ni par la suite.
[50] Ce n'est que le 5 octobre suivant qu'il revoit le chien, en la possession de monsieur Xavier Gignac, près d'un restaurant McDonald's. Lamer est également sur les lieux et une altercation survient entre les deux hommes.
[51] Bérubé est formel, jamais il n'a signé le document produit sous P-4. Ce n'est pas sa signature et il n'a jamais auparavant vu ce document qui ne contient ni la bonne adresse, ni le bon numéro de téléphone. Il produit par ailleurs à l'audience plusieurs documents montrant sa véritable signature.
[52] Il produit finalement un document, intitulé «Cession de droits», qu'il a signé le 9 août 2013, et par lequel il cède la propriété de son chien à Lasnier & Strasbourg.
ANALYSE ET DÉCISION
Le fardeau de preuve
[53] L'article 2803 du Code civil du Québec (C.c.Q.) énonce que celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention. À l'opposé, celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.
[54] L'article 2804 C.c.Q. ajoute que la preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante. Cet article impose donc un devoir de prouver les allégations soutenant ses prétentions et ce, par prépondérance de preuve.
[55] Il permet au Tribunal d'apprécier la preuve présentée de part et d'autre par les parties, afin de déterminer si, effectivement, l'existence d'un fait est plus probable que son inexistence.
Le droit applicable
[56] La relation d'un être humain avec son chien en est une tout à fait particulière. Elle peut être gratifiante au point où on en vient à considérer l'animal comme un pair.
[57] Juridiquement, il en est tout autrement. Le droit québécois est clair. Un chien est un simple meuble au sens des dispositions du Code civil du Québec.
[58] Le Tribunal n'a donc pas à décider à quel endroit il serait le mieux traité, ou encore qui s'en occuperait le mieux. La seule question en litige est de savoir lequel de Lamer ou de Morel a, le cas échéant, établi par prépondérance que ce chien lui appartient.
[59] Pour le déterminer, il va de soi que le Tribunal doit d'abord se pencher sur la preuve de Morel qui prétend avoir acheté le chien et en être devenu propriétaire bien avant que les autres parties ne soient même informées de son existence.
[60] Le témoignage de Morel n'est pas contredit en ce qui a trait à l'achat du chien au Berger blanc inc., seul un doute ayant été soulevé en ce qui a trait à l'âge du chien. La vétérinaire Lasnier opine en effet qu'au mois d'avril 2012, époque de l'achat allégué du chien par Morel, l'animal était âgé d'au moins 15 mois, établissant son mois de naissance entre octobre et décembre 2010. Le document émis par Le Berger blanc inc. lors de l'achat fait plutôt état d'un chien alors âgé de 3 mois.
[61] Plusieurs éléments de cette partie du témoignage de Morel sont même d'une certaine façon corroborés par Lamer, notamment lorsqu'il affirme que le chien est arrivé vers la fin juin au domicile de Bérubé et que celui-ci ne devait le garder que de façon temporaire.
[62] Certains témoins entendus en défense viennent cependant contredire plusieurs des éléments factuels entendus lors du témoignage de Morel, notamment en ce qui a trait à son domicile au cours des trois dernières années et aux raisons qui l'auraient poussé à se départir de son chien, de sorte que sa crédibilité en est affectée de façon importante. Aucune contre-preuve n'est venue atténuer ou expliquer ces divergences.
[63] Il en va de même en ce qui a trait à la nature de l'entente intervenue entre lui et Bérubé. Il affirme qu'il lui a confié le chien temporairement et avait l'intention de le reprendre. Bérubé affirme plutôt qu'il lui a donné le chien dont il voulait se débarrasser.
[64] La preuve est essentiellement ici contradictoire et composée exclusivement des versions divergentes des deux protagonistes. Le Tribunal se doit de noter l'absence de preuve satisfaisante émanant de Morel sur ce point alors que le fardeau de preuve repose sur ses épaules.
[65] Tout comme les procureurs des défendeurs, le Tribunal a eu tôt fait de remarquer que sa position, à prime abord contraire à celle de Lamer, n'est pas sérieusement remise en doute par ce dernier. Pourtant, si Morel n'a pas donné le chien à Bérubé, comment ce dernier aurait-il pu par la suite le lui donner ?
[66] De son côté, Bérubé n'est pas partie au litige. Il est un témoin indépendant qui, bien qu'ayant eu maille à partir avec Lamer, n'a pas d'intérêt véritable à favoriser l'une ou l'autre des parties. Son témoignage est apparu crédible aux yeux du Tribunal qui retient sa version selon laquelle Morel lui a fait don du chien à la fin du mois de juin 2012.
[67] Mais en a-t-il lui-même fait don à Lamer à la mi-septembre, ou encore au début octobre 2012 ? Il sait qu'il doit se départir du chien et il constate sa disparition le 15 septembre. Il croit alors que Lamer se l'est approprié mais il ne lui a d'aucune façon manifesté son intention de lui donner. Il n'enquête pas plus à fond.
[68] De toute évidence, Lamer ne croit pas à ce moment que Bérubé lui a fait don du chien et qu'il en est propriétaire puisqu'il prépare, le 5 octobre, le document produit sous P-4, qu'il affirme avoir fait signer à Bérubé le 10 octobre. Pourquoi procéder de la sorte s'il se croit déjà propriétaire du chien ?
[69] Le Tribunal s'interroge sérieusement sur la façon d'agir de Lamer qui rédige un document alléguant que Bérubé lui cède la propriété du chien alors qu'il sait à l'époque que Bérubé n'en est pas propriétaire. À tout le moins, il existe alors de sérieux doutes quant aux droits de Bérubé sur ce chien.
[70] Qui plus est, autant oralement que dans ses procédures écrites, Lamer omet de parler de sa relation avec Morel et ce, afin que cela ne nuise pas à ses chances d'être déclaré propriétaire du chien.
[71] Pour sa part, Bérubé affirme que le document P-4 n'est rien de moins qu'un faux, fabriqué de toutes pièces par Lamer. Il n'a jamais vu ni signé ce document. Encore là, aucune contre-preuve n'est venue ébranler cette partie de son témoignage.
[72] Comment croire que Bérubé ait pu signer un écrit dans lequel autant son adresse que son numéro de téléphone sont erronés ? Qui plus est, nul besoin d'un expert pour constater que la signature de Bérubé apparaissant sur ce document ne ressemble en rien aux échantillons produits en preuve.
[73] Sur ce point, le Tribunal retient de nouveau la version de Bérubé alors que le fardeau de preuve reposait sur les épaules de Lamer.
Conclusion
[74] Qui dit vrai ? Voilà la véritable question sur laquelle a dû plancher le Tribunal, déçu de constater que des témoignages contradictoires, du moins sur certains éléments, ont été rendus par Morel, Lamer, Bérubé, David et Daoust.
[75] Le demandeur Lamer ainsi que l'intervenant Morel avaient, chacun de leur côté, le fardeau de prouver par prépondérance de preuve, les faits au soutien de leur prétention voulant qu'ils soient propriétaires du chien. Ils n'ont pas réussi.
[76] La doctrine nous apprend que lorsque la preuve offerte n’est pas suffisamment convaincante ou encore si la preuve est contradictoire et que le Tribunal est dans l’impossibilité de déterminer où se situe la vérité, le sort du procès va se décider en fonction du fardeau de preuve. Celui sur qui reposait l’obligation de convaincre perdra.
[77] Comme le dit le professeur Royer[2] dans son traité sur la preuve civile :
La partie qui a le fardeau de persuasion perdra son procès si elle ne réussit pas à convaincre le juge que ses prétentions sont fondées.
[78] Telle est la situation en l'espèce.
[79] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
[80] REJETTE la requête introductive d'instance;
[81] REJETTE la déclaration en intervention;
[82] AVEC DÉPENS.
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__________________________________ JIMMY VALLÉE, J.C.Q. |
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Me Jasmine De Guise Me Anne-Catherine Larouche |
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Mes Lamarre, Linteau & Montcalm |
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Avocates du demandeur |
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Me Anne-France Goldwater Me Geneviève Lalonde |
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Mes Goldwater, Dubé |
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Avocates des défendeurs
Me Yannick Morin Mes Morin, Daoud Avocat de l'intervenant |
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Date d’audience : |
7 JUIN 2013 et 26 AOÛT 2013 |
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[1] L'utilisation des seuls noms de famille dans le présent jugement a pour seul but d'alléger le texte et ne doit aucunement être interprété comme un manque de courtoisie à l'égard des personnes concernées.
[2] Jean-Claude ROYER, La preuve civile, 2e éd. Cowansville, éditions Yvon Blais Inc., p. 109 par. 190
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.