Groupe de sécurité Garda inc. |
2011 QCCLP 6933 |
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[1] Le 18 octobre 2010, l’entreprise Groupe de Sécurité Garda inc. (l'employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles (le tribunal) une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 23 septembre 2010 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 8 juillet 2010. Elle déclare que l’employeur doit être imputé du coût des prestations versées en raison de l’accident du travail subi par monsieur Ghislain Desbiens (le travailleur) le 29 mars 2010.
[3] L’employeur a renoncé à la tenue de l’audience prévue le 20 octobre 2011 à Sept-Îles. Son représentant a toutefois déposé certains documents au dossier, dont une argumentation écrite.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] L’employeur demande au tribunal de déclarer que le coût des prestations versées en raison de l’accident du travail subi par le travailleur doit être imputé aux employeurs de toutes les unités.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[5] Le tribunal doit décider si l’employeur a droit au transfert d’imputation demandé.
[6] Au départ, il paraît opportun de faire un bref rappel chronologique des faits à l’origine du litige.
[7] L’employeur est une entreprise classée pour l’année 2010 dans l’unité de classification 65140, dont la désignation est « Agence de sécurité ou d’investigation; transport de valeurs par véhicules blindés ».
[8] Le 29 mars 2010, le travailleur alors âgé de 65 ans subit un accident du travail dans l’exercice de son emploi d’agent de sécurité pour l’employeur. L’événement accidentel survient dans un contexte d’accident de la route. Le travailleur le décrit de la façon suivante dans sa réclamation déposée à la CSST : « J’étais en direction vers Sept-Îles lorsqu’un camion semi-remorque en direction vers Baie-Comeau a perdu le contrôle de son camion et a heurté l’automobile que je conduisais, ce qui a causé l’accident » [Sic]. Selon les renseignements inscrits au rapport policier, « la plate-forme du V1 [camion] a dérapé et percuté le V2 [véhicule conduit par le travailleur] ». Dans son argumentation écrite, le représentant de l’employeur précise ce qui suit : « les deux travailleurs [le travailleur et un collègue] […] subissent un accident de la route en se rendant à l’hôpital de Sept-Îles à partir de leur lieu de travail situé au Centre Jeunesse de Sept-Îles. Les deux agents surveillaient un jeune lors de son transport ».
[9] Le travailleur subit de graves blessures à lors de cet accident.
[10] Dans les mois suivants, le travailleur reçoit des soins et traitements en lien avec les blessures subies. Durant cette période, il demeure en arrêt de travail.
[11] Entre-temps, le 22 juin 2010, l’employeur dépose une demande de transfert d’imputation à la CSST en invoquant que l’accident du travail survenu est attribuable à un tiers. Il mentionne n’avoir aucun lien avec le conducteur du camion semi-remorque. Il souligne que ce dernier est « le seul et unique responsable » de l’accident, qui a été causé par une perte de contrôle de son camion. Il précise que la tâche du travailleur consiste à assurer la sécurité des clients et du personnel d’un centre jeunesse et spécifie que le jour de l’accident, il « surveillait un jeune afin d’éviter toute tentative de fugue ». Il ajoute que l’employeur n’a « aucun autre événement de ce type à son actif ».
[12] Le 8 juillet 2010, la CSST rend une décision par laquelle elle refuse la demande de l’employeur. Cette décision est ultérieurement confirmée à la suite d’une révision administrative, d’où le présent litige.
[13] Ce résumé des faits étant présenté, examinons maintenant le cadre légal permettant de disposer de la requête de l’employeur.
[14]
L’article
326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.
L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.
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1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.
[15] Le premier alinéa de cet article établit le principe général en matière d'imputation du coût des prestations résultant d'un accident du travail, à savoir que ce coût est imputé au dossier de l'employeur au service duquel le travailleur occupait un emploi au moment de l'accident. Le deuxième alinéa prévoit certaines exceptions et le troisième édicte la procédure à suivre pour formuler une demande de transfert d'imputation.
[16] À ce stade-ci, le tribunal constate que l'employeur a présenté sa demande dans le respect de la procédure établie au troisième alinéa, l'ayant transmise à la CSST dès le mois de juin 2010, soit dans l'année suivant la date de l'accident du travail.
[17] Sur le fond, il est utile de rappeler que le fardeau de la preuve relativement à l'application du deuxième alinéa incombe à l'employeur[2].
[18] Dans l’affaire Ministère des Transports[3], une formation de trois juges administratifs a dégagé plusieurs principes applicables aux demandes de transfert de coût en raison d’un accident du travail attribuable à un tiers. Le soussigné adhère à ces principes, d’autant plus qu’ils reposent en grande partie sur la jurisprudence majoritaire en semblable matière.
[19] Les prochains paragraphes exposent certains de ces principes parmi les plus importants.
[20] Premièrement, le terme « tiers » — qui n’est pas défini dans la loi — fait référence à toute personne (physique ou morale) autre que le travailleur accidenté, son employeur et les autres travailleurs exécutant un travail pour ce dernier.
[21] Deuxièmement, au moment de vérifier si un accident du travail est effectivement « attribuable » à un tiers, le rôle du tribunal ne consiste pas à établir la responsabilité de chacun des intervenants selon la jurisprudence élaborée par les tribunaux civils, mais plutôt à déterminer si le tiers y a contribué de façon majoritaire (ou prépondérante), c’est-à-dire dans une proportion supérieure à 50 %.
[22] Troisièmement, en conformité avec l’interprétation jurisprudentielle très fortement majoritaire, la preuve que l’accident du travail est attribuable à un tiers ne suffit pas pour justifier un transfert d’imputation, l’employeur devant aussi démontrer que l’imputation à son dossier aurait pour effet de lui faire supporter « injustement » le coût des prestations dues en raison de cet accident.
[23] Quatrièmement, selon les faits particuliers à chaque cas, les facteurs suivants peuvent être considérés pour déterminer ce qui constitue une injustice pour un employeur :
- les risques inhérents à l’ensemble des activités de l’employeur, les risques inhérents étant appréciés en fonction du risque assuré alors que les activités doivent l’être, entre autres, à la lumière de la description de l’unité de classification à laquelle il appartient;
- les circonstances ayant joué un rôle déterminant dans la survenance de l’événement accidentel en fonction de leur caractère extraordinaire, inusité, rare ou exceptionnel, par exemple les cas de guet-apens, de piège, d’acte criminel ou autre contravention à une règle législative, réglementaire ou de l’art;
- les probabilités qu’un semblable accident survienne, compte tenu du contexte particulier circonscrit par les tâches du travailleur et les conditions d’exercice de son emploi.
[24] Au regard de ces principes, il appert que le conducteur du camion impliqué dans l’événement du 29 mars 2010 est un tiers et que l’accident du travail subi par le travailleur à cette occasion est attribuable à ce tiers.
[25] Il reste donc à vérifier si l’imputation au dossier de l’employeur aurait pour effet de lui faire supporter injustement le coût des prestations dues en raison de cet accident.
[26] Le représentant de l’employeur avance trois arguments au soutien de sa position voulant qu’il soit injuste pour l’employeur de supporter le coût de l’accident du travail survenu, soit :
- l’absence de contrôle de l’employeur sur l’accident;
- le fait que l’accident survenu ne fasse pas partie des risques inhérents aux activités de l’employeur;
- le fait que l’accident soit survenu dans des circonstances extraordinaires, inusitées ou exceptionnelles.
[27] Nous examinerons séparément chacun de ces arguments.
L’absence de contrôle de l’employeur sur l’accident du travail survenu
[28] Il est vrai que l’employeur n’avait aucun contrôle sur la survenance de l’accident.
[29] Partant de cette prémisse, le représentant de l’employeur plaide qu’il serait injuste pour un employeur de supporter les coûts d’un accident du travail qu’il ne pouvait prévenir et sur lequel il n’avait aucun contrôle. Il invoque les décisions rendues dans les affaires Ambulance Urgence de l’Est inc.[4] et Ambulance Mido ltée[5], dans lesquelles un transfert d’imputation a été accordé à un employeur pour ces motifs.
[30] Avec respect, le soussigné est toutefois d’avis qu’il ne s’agit pas d’un argument pertinent à considérer, puisqu’il est dans l’ordre des choses qu’un accident attribuable à un tiers échappe au contrôle de l’employeur, et ce, malgré tous les efforts de prévention que ce dernier peut faire. C’est d’ailleurs ce que rappelait le tribunal dans l’affaire Ministère des Transports[6] dans les termes suivants :
[317] Sans vouloir d’aucune façon nier les vertus de la prévention, son importance ni l’obligation que tout employeur a de la promouvoir, il n’en reste pas moins qu’en matière de financement, le législateur a décidé que ce serait les résultats qui comptent. Le risque assuré et l’expérience participent à la détermination de la cotisation de chaque employeur, sans égard aux efforts et mesures de prévention des accidents qu’il a ou n’a pas mises en œuvre et qui, en l’occurrence, n’auraient pas réussi.
[318] À n’en pas douter, la pratique active de la prévention peut avoir un impact bénéfique significatif sur l’expérience d’un employeur ; cela, en soi, devrait s’avérer un puissant incitatif. Mais c’est l’expérience qui sera prise en compte en bout de ligne, pas les moyens engagés pour la forger.
[319] C’est pourquoi, le contrôle n’est pas, en soi, un critère pertinent à l’analyse de l’injustice. La prise en compte de ce critère aurait pour effet que chaque demande serait accueillie puisque, comme le souligne la commissaire dans l’affaire C.B.M. Saint Mary’s Cement ltd214 , « il est presque de l’essence même d’un accident attribuable à un tiers d’échapper au contrôle de l’employeur », malgré la mise en place d’un bon programme de prévention.
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214 C.L.P.
[31] En conformité avec ce point de vue, le tribunal ne tire pas de conclusion du fait que l’employeur n’avait aucun contrôle sur la survenance de l’accident.
La question des risques inhérents aux activités de l’employeur
[32] Sous cet aspect, le représentant de l’employeur rappelle certains des principes émis par le tribunal dans l’affaire Ministère des Transports[7], citant notamment les paragraphes suivants de cette décision :
[322] La notion de risque inhérent doit
cependant être comprise selon sa définition courante, à savoir un risque lié
d’une manière étroite et nécessaire aux activités de l’employeur ou qui
appartient essentiellement à pareilles activités, en étant inséparable
(essentiel, intrinsèque…)215. On ne doit donc pas comprendre cette
notion comme englobant tous les risques susceptibles de se matérialiser au
travail, ce qui reviendrait en pratique à stériliser le deuxième alinéa de
l’article
[…]
[339] Il ressort de ce qui précède qu’en application de
l’article
- les risques inhérents à l’ensemble des activités de l’employeur, les premiers s’appréciant en regard du risque assuré alors que les secondes doivent être considérées, entre autres, à la lumière de la description de l’unité de classification à laquelle il appartient ;
[…]
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215 [Références omises]
[33] Le représentant de l’employeur soutient ensuite que lorsque les déplacements en véhicule ne constituent qu’une activité accessoire et secondaire à l’activité principale d’un employeur, ce dernier devrait bénéficier d’un transfert d’imputation lorsque l’un de ses travailleurs subit un accident de la circulation à l’occasion d’un tel déplacement et que l’accident est attribuable à un tiers. Sa position prend appui sur la décision rendue par la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles dans l’affaire Construction & Pavages Portneuf inc. et Jenkins[8], dont voici un extrait :
En l'espèce, l'employeur est classé dans l'unité 40352 : "Construction de ponts, de viaducs ou autres travaux similaires".
La Commission d'appel est d'avis que la circulation de camion de l'employeur sur la voie publique constitue une activité secondaire de l'unité dans laquelle il est classé et, qu'à ce titre, les risques qui y sont reliés ne doivent pas être pris en compte lorsqu'il s'agit de déterminer si cet accident du travail est attribuable aux risques particuliers qui se rattachent à son activité économique.
Il en aurait été autrement si un accident du travail, entièrement imputable à un tiers, était survenu au moment où des activités reliées principalement à la construction de ponts, de viaducs ou autres travaux similaires avaient été alors réalisées.
[34] Encore là, avec respect pour l’opinion contraire, le soussigné n’adhère pas à cet argument.
[35] À ce stade-ci, il faut rappeler que depuis 1998, l'expression utilisée à la loi et à la réglementation pertinente en matière de financement n'est plus l'activité économique exercée dans les établissements de l'employeur, mais bien la nature de l'ensemble des activités exercées par ce dernier. Conséquemment, le tribunal doit vérifier si l'accident résulte d'un risque particulier se rattachant à la nature de l'ensemble des activités exercées par l'employeur, soit non seulement son activité principale, mais également les autres activités qui s'y greffent[9].
[36] Cela étant dit, comme le spécifiait le tribunal dans l’affaire Bowater Pâtes et Papiers Canada inc.[10], « il ne s’agit pas de déterminer si l’activité est principale ou secondaire, mais il s’agit d’analyser le caractère inhérent de l’activité, à savoir si elle se rapporte à la nature de l’ensemble des activités de l'employeur ». Dans cette affaire où, comme en l’espèce, un accident de la circulation était à l’origine de la demande de transfert d’imputation, le juge administratif Marie Langlois écrit que l’analyse du caractère inhérent de l’activité « implique non seulement les activités principales, mais l’ensemble des activités, ce qui inclut les activités de déplacement pour rencontrer des clients ».
[37] De nombreuses autres décisions du tribunal ont conclu dans le même sens[11], par exemple dans l’affaire Commission scolaire de la Seigneurie des Mille-Îles[12]. Dans cette affaire, une travailleuse occupant un emploi de préposée aux élèves handicapés pour une commission scolaire subit diverses blessures lors d’un accident de la route qui survient à l’occasion d’une visite éducative. L’autobus scolaire dans lequel elle se trouve fait une sortie de route en tentant d’éviter un face à face avec un camion à ordures. L’employeur prétend que l’accident ne fait pas partie des risques inhérents à ses activités d’enseignements. Voici comment le tribunal dispose de la question :
[22] L’employeur fait valoir qu’il exerce des activités d’enseignement et, qu’en 2006, il est classé en fonction de ces activités dans l’unité 73010 intitulée «Services d’enseignement». Il signale que le transport scolaire n’est pas une activité de la Commission scolaire. La Commission scolaire utilise les services de transporteurs scolaires.
[23] Il fait valoir le caractère occasionnel des sorties éducatives. Il soumet qu’il s’agit d’un risque secondaire aux activités de l’employeur. Il prétend que l’employeur n’a pas à assumer le risque relié au transport puisque ce n’est pas le risque pour lequel il est assuré. Il soumet qu’il ne s’agit donc pas d’un risque inhérent à ses activités.
[24] La Commission des lésions professionnelles n’est pas de cet avis. L’employeur a raison en affirmant qu’il faut analyser la question des risques inhérents par rapport à un préposé aux élèves handicapés et non pas pour le chauffeur d’autobus.
[25] Cependant il faut se garder d’une interprétation restrictive des activités d’un employeur en se limitant uniquement au titre de son unité de classification. L’employeur offre des services d’enseignement. L’une de ses préposées aux élèves handicapés effectue avec son groupe une visite éducative. Cela s’inscrit dans les activités d’enseignement exercées par l’employeur. Les sorties éducatives font partie des activités d’enseignement, elles y sont reliées.
[…]
[30] Les activités éducatives font partie des activités de l’employeur. Les sorties éducatives à l’extérieur de l’établissement scolaire comportent des déplacements sur la route et ces déplacements impliquent des risques d’accident de la route. C’est ce qui est survenu en l’espèce.
[31] La Commission des lésions professionnelles considère que l’accident fait donc partie des risques inhérents aux activités de l’employeur.
[Nos soulignements]
[38] Dans la présente affaire, l'employeur offre des services d’agents de sécurité. Ceux-ci doivent effectuer des déplacements routiers, notamment pour accompagner et surveiller des jeunes lors de déplacements à l’extérieur du Centre jeunesse où ils travaillent.
[39] Ainsi, à la lumière de la preuve présentée, le tribunal constate que l’accident du travail survenu le 29 mars 2010 fait partie des risques inhérents aux activités de l’employeur, c’est-à-dire des « risques liés d’une manière étroite et nécessaire aux activités de l'employeur ». En effet, les agents de sécurité à son emploi étant appelés à se déplacer en véhicule routier dans l’exercice de leur travail, ils sont donc exposés aux risques liés à cette activité, dont les accidents de la route.
Les circonstances entourant l’accident
[40] Le représentant de l’employeur soulève que « la mise en portefeuille par un camion-remorque qui dérape et frappe un véhicule conduit par un agent devrait […] être considérée comme un événement inhabituel ou exceptionnel ». Il ajoute que cette conclusion s’impose, « d’autant plus lorsqu’on considère l’impact de cet événement sur la condition physique des travailleurs et sur l’ampleur des sommes portées au compte de l’employeur ». Il souligne également que selon ce que mentionne l’interlocuteur de l’employeur ayant déposé la demande de transfert d’imputation à la CSST, l’employeur n’a « aucun autre événement de ce type à son actif ».
[41] Pour les motifs ci-après énoncés, le tribunal ne partage pas non plus ces dernières prétentions.
[42] Rien dans la preuve présentée ne démontre que l’accident soit survenu dans des circonstances extraordinaires ou inusitées.
[43] En ce sens, il ne faut pas interpréter la décision rendue dans l’affaire Ministère des Transports[13] comme signifiant qu’il y a injustice pour un employeur dès qu’il est établi qu’un accident du travail résulte de toute contravention par un tiers à une disposition législative ou réglementaire ou à une règle de l’art (ce qui, de surcroît, n’est pas en preuve en l’espèce). Rappelons ici que la formation de trois juges administratifs qui a rendu la décision dans cette affaire s’est également prononcée sur plusieurs autres demandes d’employeurs portant sur des accidents du travail attribuables à un tiers ayant contrevenu au Code de la sécurité routière[14]. Par exemple, dans Ville de Montréal[15], où il s’agissait d’un accident subi par un agent de stationnement attribuable à un automobiliste ayant omis de faire un arrêt obligatoire, la formation de trois juges administratifs analyse ainsi les circonstances de cet accident :
[21] Le tribunal considère que rien ne démontre que les circonstances entourant la survenance de l’accident, telles que décrites, sont extraordinaires, inusitées, rares ou exceptionnelles; il s’agit d’un accident de la route qui ne recèle pas de particularité permettant de conclure à la présence d’un guet-apens ou d’un piège.
[22] Il n’est pas ici question de la commission d’un acte criminel.
[23] Il n’est pas démontré que la contravention révélée par la preuve (l’omission par le tiers de faire un arrêt obligatoire) ait ici un caractère inédit, au point où le tribunal devrait considérer que les circonstances de l’accident revêtent en l’espèce un caractère « extraordinaire, inusité ou rare ».
[24] Une contravention à une règle est d’ailleurs souvent à l’origine d’un accident; le présent cas n’a donc rien d’exceptionnel. [Notre soulignement]
[44] Par ailleurs, il n’est pas inusité qu’un accident du travail, survenu dans un contexte d’accident de la route, ait un impact important sur la condition physique des personnes impliquées. Accessoirement, il n’est pas rare non plus qu’un tel accident entraîne des conséquences importantes en matière d’imputation pour un employeur. De toute façon, ces facteurs ne font pas partie de ceux qui doivent être considérés pour déterminer ce qui constitue une injustice pour un employeur.
[45] Finalement, il importe peu que l’employeur n’ait « aucun autre événement de ce type à son actif » si les circonstances de l’événement n’ont, elles, rien d’exceptionnel ou d’inusité. C’est d’ailleurs ce que rappelait récemment le tribunal dans l’affaire C.T.A.Q.[16] dans les termes suivants :
[108] Que la fréquence d’un tel accident soit minime ne remet pas en cause ou ne permet pas de conclure qu’il s’agit d’un accident qui survient dans des circonstances exceptionnelles. Si la fréquence est exceptionnellement basse, les circonstances, elles, n’ont rien d’exceptionnel ou d’inusité.
[46] Somme toute, le tribunal conclut qu’il n’est pas injuste pour l’employeur d’assumer le coût des prestations versées en raison de l’accident du travail subi par le travailleur.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête du Groupe de Sécurité Garda inc., l'employeur;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 23 septembre 2010 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le coût des prestations versées en raison de l’accident du travail subi par monsieur Ghislain Desbiens le 29 mars 2010 doit être imputé à l'employeur.
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Raymond Arseneau |
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Me Érik Sabbatini, avocat |
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FASKEN MARTINEAU DUMOULIN, AVOCATS |
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Représentant de la partie requérante |
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[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] S.T.C.U.M. et Hamelin,
[3] [2007] C.L.P. 1804 .
[4] C.L.P.
[5] C.L.P.
[6] Précitée, note 3.
[7] Précitée, note 3.
[8]
[9] Voir notamment : Commission scolaire de la Pointe-De-L'Île,
[10] C.L.P.
[11] Voir à titre d’illustration : Commission
scolaire des Affluents, C.L.P.
[12] Précitée, note 11.
[13] Précitée, note 3.
[14] L.R.Q. C-24.2.
[15] C.L.P. 292048-71-0606-2, 1er avril 2008, J.-F. Clément, D. Lajoie et J.-F. Martel. Voir au même effet les décisions rendues le même jour par la même formation dans les dossiers C.L.P. 295313-71-0607-2, C.L.P. 295200-71-0607-2, C.L.P. 286037-61-0604-2 et C.L.P. 299322-62C-0609-2.
[16] 2011 QCCLP 2215 .
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.