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Dossier 240066
[1] Le 27 juillet 2004, monsieur Roland Bouchard (le travailleur) dépose, à la Commission des lésions professionnelles, une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST), rendue le 21 juillet 2004, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 12 juin 2003 et refuse le remboursement des services reçus en clinique privée. Le travailleur a contesté cette dernière décision le 22 juillet 2003, à la révision administrative. Le tribunal a relevé, séance tenante, le travailleur de son défaut d’avoir contesté dans le délai, puisque ce dernier a démontré un motif raisonnable.
Dossier 246086
[3] Le 20 octobre 2004, le travailleur dépose, à la Commission des lésions professionnelles, une requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 12 octobre 2004, à la suite d’une révision administrative.
[4] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 15 juillet 2004 donnant suite à l’avis du Bureau d’évaluation médicale du 7 juillet 2004.
[5] La CSST déclare que la lésion professionnelle du travailleur a une atteinte permanente de 3,3 %
Dossier 261509
[6] Le 9 mai 2005, le travailleur dépose, à la Commission des lésions professionnelles, une requête par laquelle il conteste la décision de la CSST rendue le 29 avril 2005, à la suite d’une révision administrative.
[7] Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 18 mars 2005 et refuse le remboursement pour des traitements au laser.
Dossier 273126
[8] Le 14 octobre 2005, le travailleur dépose, à la Commission des lésions professionnelles, une requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 23 septembre 2005, à la suite d’une révision administrative.
[9] Par cette décision, la CSST confirme la décision initialement rendue le 9 mai 2005 et déclare irrecevable la contestation du 24 mai 2005.
[10] À l’audience, tenue à Longueuil le 26 mai 2006, le travailleur est présent et représenté. Kronos Canada inc. (l’employeur) est non représenté bien que dûment convoqué.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[11] Le travailleur demande au tribunal d’infirmer les décisions refusant de lui rembourser les traitements au laser en clinique privée. Monsieur Bouchard demande aussi au tribunal de déclarer que son déficit anatomophysiologique soit établi à 4.25 %.
L’AVIS DES MEMBRES
[12] Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis d’accueillir les requêtes du travailleur, compte tenu de la preuve prépondérante et non contredite.
LES FAITS ET LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[13] Dans une réclamation signée le 27 avril 1995 et référant à un accident de travail survenu le 9 septembre 1991, monsieur Bouchard écrit :
Après ma journée de travail : ayant travaillé sous des tuyaux pouvant contenir du TICL 4, je me suis rendu compte de brûlures au front, a la tempe et a la poitrine. Ma lésion a la poitrine a dégénéré en chéloide sur lequel les médecins sont intervenus de multiples facons pour le reduire. [sic]
[14] En septembre 1991, monsieur Bouchard a donc reçu un mélange chimique au niveau du thorax qui, au départ, a provoqué une petite brûlure traitée avec une crème.
[15] Par la suite, il a développé une cicatrice chéloïdienne présternale pour laquelle il a reçu des traitements en 1995 par le docteur Daniel Barolet, Dermatologue. Ces traitements ont consisté en des applications de laser CO2 et des infiltrations de stéroïdes, traitements remboursés par la CSST.
[16] Le 5 décembre 2002, le travailleur produit une nouvelle réclamation à la CSST en mentionnant ce qui suit :
Dégradation d’une cicatrice sternale qui nécessite des traitements. Cette cicatrice est secondaire à l’accident survenu le 9 septembre 1991.
[17] Le docteur Barolet reprend les traitements au laser.
[18] Le 6 avril 2004, le docteur Serge Côté, chirurgien plasticien, est désigné par la CSST. Dans son examen, le docteur Côté mentionne la présence d’une cicatrice de 5 cm par 1 cm, qu’il décrit de la façon suivante :
Cicatrice de 5 X 1cm du thorax
La coloration est dépigmentée, la peau est d’aspect lustrée, amincie et élargie. Il s’agit d’une cicatrice d’aspect vicieux en raison de la largeur et de modification de la texture cutanée. [sic]
[19] Il décrit également une cicatrice de 3.5 cm x 1 cm au niveau du thorax :
Cicatrice de 3.5 X 1cm du thorax :
Elle est surélevée, épaissie, élargie, rouge, de type chéloïdienne, d’aspect vicieux en raison de l’aspect.
[20] Le docteur Côté conclut au diagnostic de cicatrice vicieuse du thorax. Il est d’avis qu’il pourrait y avoir des infiltrations de cortisone dans les cicatrices. Il estime qu’il n’y a aucune limitation fonctionnelle, mais accorde un préjudice esthétique de 4,25 % pour cicatrice vicieuse du thorax.
[21] Le 6 juillet 2004, le travailleur est évalué par le docteur Réjean Bérubé, membre du Bureau d’évaluation médicale, concernant le diagnostic, les traitements et l’atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique et limitations fonctionnelles.
[22] Le docteur Bérubé écrit ce qui suit :
EXAMEN OBJECTIF :
Il y a présence de deux cicatrices au niveau du thorax :
Une première cicatrice, localisée inférieurement au creux sous-sternal, mesure 6 cm x 1 cm. Elle est blanchâtre, souple, tout à fait plane, non adhérente et non douloureuse. Cette cicatrice, quoique visible, n’est pas vicieuse.
Au niveau du tiers supérieur du sternum, il y a présence d’un placard chéloïdien qui mesure 3 cm x 2 cm. Cette chéloïde est très hypertrophique, rougeâtre et douloureuse à la palpation.
DISCUSSION :
Il s’agit d’un travailleur qui a développé une cicatrice chéloïdienne au niveau présternal à la suite d’une brûlure chimique. Les traitements effectués jusqu’à présent, sous forme d’applications de laser et d’infiltrations intra-lésionnelles de stéroïdes ne semblent pas avoir amené d’amélioration de la lésion. Une cicatrice située plus haut a bien répondu aux traitements et est maintenant souple.
Quoique cette cicatrice n’entraîne aucune limitation fonctionnelle, elle est douloureuse et définitivement chéloïdienne.
En ce qui concerne un éventuel traitement, il semble bien que ceux-ci ont été jusqu’à présent inefficaces, ce qui est parfois le cas avec les chéloïdes présternales. Je suis cependant d’avis qu’on a rien à perdre à tenter de nouvelles injections intralésionnelles de corticoïdes pour une ou deux tentatives.
[23] Le docteur Bérubé attribue 3 % de préjudice esthétique (code 224386) pour une seule cicatrice du thorax, qu’il qualifie de vicieuse, et la mesure à 6 cm2.
[24] Au dossier, une expertise du docteur Chemir Mamode, Dermatologue, concernant les traitements au laser, se lit comme suit :
Monsieur Bouchard a développé deux chéloïdes (cicatrices vicieuses) secondairement à la brûlure chimique survenue au travail en septembre 1991. La première chéloïde apparue a parfaitement bien répondu au traitement de laser CO2 suivi de laser à colorant pulsé. La deuxième chéloïde, lorsque traitée seulement avec le laser CO2 sans laser à colorant pulsé a récidivé tandis que la deuxième intervention au laser CO2 suivie de traitements combinés de laser à colorant pulsé, d’azote liquide et de stéroïdes intra-lésionnels continue d’améliorer les symptômes du patient. Il est à noter que les traitements sont faits pour soulager l’allodynie du patient. En effet, dans certaines chéloïdes au lieu d’avoir une simple démangeaison ou prurit, les symptômes peuvent être intenses et des stimuli légers, tel que le frottement d’un vêtement peuvent amener une douleur intense, comparable à des stimuli très douloureux. L’intensité des symptômes de M. Bouchard justifie amplement les méthodes utilisées pour le traitement de ces chéloïdes. D’ailleurs l’efficacité de la technique a été démontrée sur la première lésion. La chirurgie plastie faite sur la première chéloïde a été suivie d’une récidive rapide. L’intervention faite par la suite, soit l’exérèse au laser CO2, a permis une guérison avec une cicatrice plane permise par l’effet du laser qui amène une déposition plus organisée des fibres de collagène. Par la suite, le traitement au laser à colorant pulsé permet de détruire les vaisseaux.
[…]
3- Nature des traitements et avantages associés:
Les traitements de laser reçus visent à faire disparaître la chéloïde pour réussir à faire régresser les symptômes du patient. L’exérèse au laser CO2 permet de rendre la cicatrice la plus plane possible tout en évitant de stimuler une prolifération de collagène pour empêcher que la cicatrice grossisse et devienne plus symptomatique. Par la suite, le traitement au laser à colorant pulsé permet de détruire les vaisseaux sanguins nécessaires à la formation du collagène désordonné composant une chéloïde et permet de réaligner les fibres de collagène de façon ordonnée de façon à la corriger. La combinaison de ces méthodes a permis la résolution de la première chéloïde et lorsque ces méthodes ne sont pas utilisées chez ce patient, il y a récidive de la chéloïde et les symptômes empirent.
[25] Les traitements au laser qu’a reçus le travailleur, en clinique privée, sont refusés par la CSST, et ce, plus d’une fois. La révision administrative motive essentiellement comme suit sa décision :
Après vérification, la Révision administrative constate qu’en vertu des politiques de la CSST, soit la politique 5.01, ainsi que la note provinciale datée du 19 mars 2004 (qui s’applique à la politique 5.01), la CSST ne rembourse pas ce qui est prévu à l’article 22 du Règlement sur l’application de la Loi sur l’assurance-maladie. Cet article édicte ce qui suit:
«22. Les services mentionnés sous cette section ne doivent pas être considérés comme des services assurés aux fins de la Loi:
[…]
c) […] ii. toute correction d’une cicatrice localisée ailleurs qu’à la face ou au cou et qui ne provoque pas d’interférence fonctionnelle.»
[26] À l’audience, le travailleur explique que fort des traitements reçus en 1995 au laser et qui ont été remboursés par la CSST, il a soumis sa réclamation pour les mêmes traitements en 2003. Monsieur Bouchard a donc utilisé les services de clinique privée, puisque les hôpitaux ne disposent pas de l’équipement nécessaire pour dispenser ce genre de traitement. Il précise qu’il reçoit les traitements toutes les six semaines environ, et ce, pour soulager la douleur.
[27] Le travailleur doit débourser 230 $ à chaque traitement et il en a reçu 15 depuis 2003.
[28] Finalement, monsieur Bouchard explique que, suite à ce traitement, une de ses deux cicatrices a disparu et l’autre a diminué considérablement.
[29]
Les articles
189
et
189. L'assistance médicale consiste en ce qui suit:
1° les services de professionnels de la santé;
2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);
3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;
4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons, les services ambulanciers et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;
5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.
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1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166.
194. Le coût de l'assistance médicale est à la charge de la Commission.
Aucun montant ne peut être réclamé au travailleur pour une prestation d'assistance médicale à laquelle il a droit en vertu de la présente loi et aucune action à ce sujet n'est reçue par une cour de justice.
__________
1985, c. 6, a. 194.
[30] En l’espèce, la preuve non contredite veut que les traitements au laser, que reçoit le travailleur en clinique privée, ne soient pas dispensés par les hôpitaux.
[31] De plus, la preuve révèle que lesdits traitements soulagent le travailleur de ses douleurs et font en sorte que ses cicatrices, soit disparaissent, soit diminuent de façon importante.
[32]
Force est donc de conclure que lesdits traitements sont nécessaires et
efficaces pour les séquelles de la lésion professionnelle du travailleur et
leur remboursement doit être effectué par la CSST, puisque ceux-ci sont prodigués
par un médecin qui est un professionnel de la santé, tel qu’édicté à l’article
[33] La révision administrative de la CSST déclare irrecevable la demande de révision du travailleur du 24 mai 2005, d’une décision du 9 mai 2005, au motif que d’autres décisions du même type ont été refusées dans le passé et en instance devant la Commission des lésions professionnelles.
[34] Or, le travailleur a contesté ladite décision en bonne et due forme et la CSST devait se prononcer de nouveau sur la question du remboursement des traitements demandés, puisque le travailleur a le droit de contester chaque refus.
[35] La CSST était donc mal fondée de déclarer irrecevable la contestation du travailleur du 24 mai 2005, de la décision rendue le 9 mai 2005.
[36] Concernant la question du déficit anatomophysiologique, l’ensemble des documents au dossier nous permet de comprendre que le travailleur a eu deux cicatrices suite à son événement, comme le démontrent l’expertise du docteur Côté (faite à la demande de la CSST) et l’évaluation faite au Bureau d’évaluation médicale par le docteur Bérubé. Toutefois, l’opinion de ces deux médecins diffère quant à la nature de la cicatrice dont la dimension se situe aux environs de 6 par 1 cm ou de 5 par 1 cm, selon l’observateur.
[37] Selon le docteur Côté, la cicatrice est pâle, la peau est d’aspect lustré, amincie et élargie. Il décrit cette cicatrice comme vicieuse en raison de la largeur et de la modification de la texture cutanée. Le docteur Bérubé, membre du Bureau d’évaluation médicale, décrit la même cicatrice comme étant blanchâtre, souple, tout à fait plane, non adhérente et non douloureuse. Bien que visible, il considère celle-ci comme non vicieuse.
[38] La preuve révèle finalement que le travailleur a subi des traitements pour améliorer ses cicatrices et qu’au moins une cicatrice a bien répondu audit traitement puisque cela justifie, selon le docteur Mamode, un autre essai thérapeutique pour l’autre cicatrice :
Il est à noter que la chéloïde traitée avec succès est asymptomatique alors que celle qui est présente aujourd’hui s’accompagne de douleur et d’inconfort […].
[39] Dans ce contexte et étant donné qu’il y a évolution, voire amélioration de la condition des cicatrices du travailleur, force est de conclure que la détermination du déficit anatomophysiologique est prématurée.
[40] Il y a donc lieu de retourner le dossier à la CSST pour que cette dernière enclenche avec le travailleur, et ce, à la fin des traitements qu’il reçoit, le processus de détermination de l’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 240066
ACCUEILLE la requête de monsieur Roland Bouchard;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, rendue le 21 juillet 2004, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que monsieur Roland Bouchard a droit au remboursement du coût des traitements reçus en clinique privée.
Dossier 246086
REJETTE la requête de monsieur Roland Bouchard;
DÉCLARE prématurée la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, rendue le 12 octobre 2004, à la suite d’une révision administrative;
RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour que l’évaluation de l’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique soit faite, à la fin des traitements que reçoit le travailleur.
Dossier 261509
ACCUEILLE la requête de monsieur Roland Bouchard;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, rendue le 29 avril 2005, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que monsieur Roland Bouchard a droit au remboursement du coût des traitements reçus en clinique privée.
Dossier 273126
ACCUEILLE la requête de monsieur Roland Bouchard;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, rendue le 23 septembre 2005, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE recevable la contestation de monsieur Roland Bouchard;
DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement du coût des traitements reçus en clinique privée.
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Éric Ouellet |
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Commissaire |
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Jean-François Lapointe |
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C.S.N. (Montérégie) |
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Représentant de la partie requérante |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.