Commission de la construction du Québec c. Axim Construction inc. |
2016 QCCS 3678 |
|||
COUR SUPÉRIEURE |
||||
|
||||
CANADA |
||||
PROVINCE DE QUÉBEC |
||||
DISTRICT D’ |
IBERVILLE |
|||
|
||||
N° : |
755-17-002334-160 |
|||
|
|
|||
|
||||
DATE : |
22 janvier 2016 |
|||
______________________________________________________________________ |
||||
|
||||
L'HONORABLE CLAUDE DALLAIRE, J.C.S. |
||||
______________________________________________________________________ |
||||
|
||||
COMMISSION DE LA CONSTRUCTION DU QUÉBEC |
||||
Demanderesse |
||||
c. |
||||
AXIM CONSTRUCTION INC. |
||||
-ET- |
||||
9225-7120 QUÉBEC INC. |
||||
-ET- |
||||
9302-5377 QUÉBEC INC. |
||||
Défenderesses |
||||
______________________________________________________________________ |
||||
|
||||
JUGEMENT |
||||
______________________________________________________________________ |
||||
|
||||
[1] Dans le cadre des pouvoirs d’enquête prévus aux articles 7, 7.1 et 7.2, de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction[1], lesquels facilitent l’exercice de la juridiction qui lui est accordée à l’article 4 de cette loi, la Commission de la construction du Québec[2] recherche l’émission d’ordonnances d’injonctions provisoires et permanentes enjoignant aux défenderesses de lui communiquer de l’information et divers documents en lien avec des comptes de dépenses ainsi qu’au sujet de certaines personnes physiques et morales. À défaut par elles d’obtempérer, la CCQ recherche d’autres ordonnances l’autorisant à se présenter à la place d’affaires des défenderesses afin d’y pénétrer, même de force, pour aller chercher ce qu’elle considère avoir le droit d’obtenir à cette étape-ci de son enquête.
[2] La CCQ envisage entre autres la possibilité d’entreprendre les recours prévus aux articles 81 et 122 de la loi.
[3] Les deux premières défenderesses sont des entrepreneurs généraux qui œuvrent dans le domaine de la construction de bâtiments commerciaux et d’institutions, alors que la dernière se spécialise dans les travaux de murs secs et la pose de matériaux acoustiques[3]. La juridiction de la CCQ à leur égard ne fait l’objet d’aucune contestation.
[4] Les faits donnant ouverture aux ordonnances se trouvent dans 18 allégations et sont supportées par une déclaration assermentée, signée le 7 janvier 2016 par la technicienne Joly, qui est affectée à la vérification aux livres à la Direction des opérations tactiques de la CCQ. Cette déclaration couvre les paragraphes 4 à 18 de la requête. La requête est accompagnée de quatre pièces et a été signifiée le 8 janvier.
[5] Dans cet ensemble procédural, la CCQ situe son intervention auprès des défenderesses dans le cadre d’une vérification effectuée conformément aux articles 7.1 et 81 f) de la Loi. Elle allègue que le 16 novembre 2015, elle a fait parvenir une demande de renseignements et de documents à AXIM, afin d’obtenir des pièces justificatives en lien avec les comptes de dépenses pour tous ses chantiers couvrant la période entre le 28 septembre 2014 et le 27 juin 2015. Cette demande devait être exécutée au plus tard le 30 novembre 2015, à défaut de quoi AXIM s’exposait à des amendes[4].
[6] La CCQ laisse ainsi entendre que l’historique de ses relations avec les défenderesses remonte au 16 novembre 2015. Nous verrons plus loin que cela n’est pas tout à fait exact et que le choix éditorial de la CCQ entraîne certains effets sur l’appréciation que nous devons faire de ses demandes.
[7] L’on comprend ensuite que le 26 novembre, Joly s’est présentée chez AXIM et y a obtenu divers documents pour lesquels un accusé de réception a été signé[5].
[8] Même si la requête ne le dit pas, la pièce P-3 démontre que c’est 151 chèques et les pièces justificatives afférentes avec lesquels la CCQ repart de sa visite chez AXIM, le 26 novembre.
[9] La CCQ estime que les documents obtenus ne répondent que partiellement aux demandes[6] et allègue qu’AXIM « négligeait de remettre (…) la totalité des renseignements et documents demandés, empêchant ainsi (…) de s’acquitter de son mandat et de s’assurer du respect, par AXIM, de la convention collective applicable et de la réglementation adoptée en vertu de la Loi R-20 »[7]. Elle allègue aussi que les défenderesses tentent de se soustraire à leurs obligations[8].
[10] Cela donne le ton quant à la relation que semble entretenir les parties dès ce moment, mais encore là, il ne faut pas tirer trop vite de conclusions à ce sujet, car une bonne portion de l’information sur la nature des relations entre les parties, n’est pas exposée dans la requête, comme nous le verrons plus loin.
[11] La requête précise ensuite que le 7 décembre, la CCQ a transmis une lettre de rappel pour obtenir les documents demandés et a offert à AXIM de se présenter à son bureau pour aller prendre elle-même copie desdits documents[9].
[12] La requête ne précise pas que dans cette lettre de rappel, pièce P-4, la CCQ offre à AXIM d’expliquer les raisons pour lesquelles elle se prétend dans l’impossibilité de fournir les autres documents demandés le 16 novembre. C’est toutefois ce qui ressort de la pièce P-4, produite au soutien de cette allégation.
[13] La requête ne fait ensuite qu’alléguer que la procureure d’AXIM aurait indiqué son intention de produire un affidavit précisant que les documents recherchés n’existaient plus, de même que pourquoi et comment ils avaient été perdus ou détruits. La requête précise aussi que lors de la conversation qui a suivi la lettre de rappel, la CCQ a su qu’AXIM refusait de transmettre quelque information que soit au sujet de madame Mylène Pinsonnault et de Gestion Pagimax inc., la sous-traitante d’AXIM[10].
[14] L’allégation suivante de la requête mérite d’être citée, car elle a un impact significatif sur notre analyse :
« 11. Malheureusement, la demanderesse n’a pas reçu d’affidavit qui répondait à sa demande et n’a reçu aucun document additionnel. » (Nos soulignements)
[15] Il faut rappeler que cette allégation est assermentée le 7 janvier 2016. Comme nous le verrons plus loin, cette affirmation est inexacte, pour ne pas dire autre chose.
[16] À la suite du paragraphe 11, la CCQ n’allègue pas que la lettre de rappel P-4 donnait aux défenderesses jusqu’au 11 décembre à midi pour faire le suivi du dossier.
[17] Aucun autre fait spécifique n’est allégué pour justifier le droit aux ordonnances recherchées.
[18] De tout cela, l’on comprend finalement qu’à la suite de la lettre de rappel de la CCQ datée du 7 décembre, le prochain suivi, soit une visite de la CCQ pour la cueillette de documents ou la réception d’un affidavit contenant les éléments précisés ou les deux, devait avoir lieu le 11 décembre à midi, au plus tard.
[19] Or, la suite des choses, car il y en a bel et bien une, entre le 11 décembre 2015 et le 7 janvier 2016, n’est pas alléguée.
[20] Un tel trou est pour le moins surprenant lorsque l’on apprend la suite dans la déclaration assermentée signée par l’avocate des défenderesses, Me Nadine Arseneault, qui contient 59 paragraphes et est accompagnée de 22 pièces. Nous y revenons dans la prochaine section.
[21] Le reste de la requête en injonction est constitué des paragraphes 12 à 20. Ils portent sur le fardeau de la CCQ aux fins de l’obtention des ordonnances injonctives.
[22] L’on y lit que la CCQ prétend avoir droit au remède recherché, qu’une apparence sérieuse de droit à l’injonction se dégage de ce qui est allégué à sa requête, qu’il y a urgence, absence de préjudice pour AXIM, absence d’autre recours utile « pour empêcher les défenderesses de se soustraire à la loi »[11] et qu’il y a lieu de la dispenser de verser une caution.
[23] Sur l’apparence de droit, la CCQ allègue que les documents identifiés dans la demande du 16 novembre, qu’elle liste de nouveau, sont nécessaires pour colliger les heures travaillées par les salariés d’AXIM et s’assurer qu’ils ont reçu leur dû. Elle ajoute que le « refus de collaborer » d’AXIM empêche la CCQ de faire respecter les « conventions collectives et la Loi R-20 et, le cas échéant, de préparer les réclamations établissant les sommes payables en vertu de la loi » [12].
[24] Sur l’urgence, la CCQ invoque qu’il est à craindre que sans les ordonnances, elle ne puisse pas effectuer la vérification des livres d’AXIM et qu’en conséquence, elle sera incapable de préparer les réclamations nécessaires afin d’intenter les recours visant à protéger les droits des salariés, parce que « la prescription du recours (prévue à l’article 122(1) de la loi) sera acquise si elle n’obtient pas les documents et renseignements demandés »[13].
[25] Sur le préjudice, elle allègue qu’AXIM n’en subit aucun, car elle doit respecter la Loi R-20, qui est d’ordre public[14].
[26] La rédaction des faits laisse donc le lecteur sur l’impression que les défenderesses n’ont pas donné suite à l’offre du 7 décembre, qu’elles ne se sont pas occupées de leurs affaires, qu’elles entravent l’exécution des fonctions de la CCQ[15] et qu’en date du 7 janvier 2016, il est grand temps de recourir aux injonctions pour faire avancer l’enquête.
[27] Pourtant, une fois les deux côtés de la médaille présentés, cette image préliminaire n’est pas la même.
[28] Voyons pourquoi.
[29] Il est très instructif de lire la déclaration sous serment de l’avocate Arseneault et de la comparer avec les pièces présentées par la CCQ au Tribunal.
[30] D’entrée de jeu, précisons que tout au long de la relation entre la CCQ et AXIM, le vis-à-vis de la technicienne Joly est Me Arseneault.
[31] Ensuite, nous apprenons que l’enquête de la CCQ ne débute pas le 16 novembre, comme la requête le laisse sous-entendre, mais plutôt en juillet 2015, un peu plus de cinq mois plus tôt.
[32] Nous retenons de la déclaration assermentée et des pièces déposées par AXIM que plusieurs chapitres de la relation entre les parties, ainsi que certains faits importants, manquent à la trame factuelle présentée par la CCQ.
[33] Il y manque les cinq premiers mois et les trois dernières semaines.
[34] L’omission des premiers chapitres teinte le dossier et fait mal paraître les défenderesses. La seule chose que l’on peut déduire du résumé épuré que présente la CCQ est que les défenderesses cherchent à éviter les demandes de la CCQ et qu’au mieux, elles font semblant de collaborer.
[35] Pourtant, après la lecture des demandes de renseignements et de documents qui remontent au 7 juillet 2015 et des échanges qui ont suivi, et que l’on établit la chronologie des relations entre les parties jusqu’au 16 novembre, cela dépeint un autre portrait des défenderesses en terme de collaboration.
[36] En effet, une fois tous les faits connus, l’image négative qui s’infère a priori que les défenderesses « négligent » de collaborer et « se soustraient à leurs obligations », comme l’allègue la CCQ, est loin d’être exacte.
[37] Toutes les visites effectuées par la CCQ chez AXIM depuis juillet, les livres et registres auxquels elle a eu accès, ainsi que les diverses boîtes de documents qu’AXIM a transmis à la CCQ pour donner suite aux diverses demandes avant celle du 16 novembre ne soutiennent plus une telle image[16].
[38] Même le jour où la demande du 16 novembre est signifiée, le contrôleur d’AXIM écrit un courriel à la CCQ indiquant qu’il attend l’échantillonnage auquel cette dernière fait référence afin de donner suite à ses demandes[17].
[39] Le fait d’omettre ce chapitre, même si la CCQ peut le considérer introductif et non pertinent, démontre l’une ou l’autre des deux choses suivantes, qui ne lui sont pas favorables : 1) ou bien AXIM a bien collaboré, entre juillet et la fin novembre 2015, ce qui ne justifie pas en apparence le remède recherché, 2) ou bien AXIM étire le temps et distribue les documents requis au compte-goutte depuis longtemps, et la CCQ a tardé à agir, car au moins depuis le 17 novembre 2015, elle considère que le « dossier traîne en longueur »[18], d’où un coup dur pour sa démonstration de l’urgence à intervenir.
[40] Ainsi, s’il n’y a ni négligence ni obstruction, rien n’empêche l’enquête débutée en juillet 2015 de se poursuivre, et ce, sans l’intervention de la Cour, car le chapitre du 16 novembre 2015 n’est que la suite de cette enquête et que rien ne démontre qu’il y ait péril en la demeure pour la CCQ lorsque l’on connaît le dernier chapitre portant sur les trois dernières semaines avant la demande d’injonction.
[41] Ce dernier chapitre est particulièrement instructif pour apprécier la manière dont la CCQ nous dépeint la supposée négligence des défenderesses, leur refus de collaborer et le fait qu’elles se soustrairaient à la Loi. En réalité, ce dernier chapitre nous permet d’avoir une image plus nette de la situation aux fins de l’exercice de discrétion que le Code nous confère en matière d’injonctions.
[42] Le premier élément factuel du dernier chapitre intervient le 8 décembre. Il s’agit d’une réponse écrite d’AXIM à la lettre de rappel du 7 décembre. Cette lettre rappelle la position d’AXIM au sujet de Pinsonnault et de Pagimax[19], position qui avait déjà été communiquée auparavant[20].
[43] Le deuxième élément factuel intervient le 14 décembre, donc trois jours après le délai imposé par la CCQ dans sa lettre du 7 décembre.
[44] Précisons au passage qu’après analyse de la preuve déposée par les défenderesses, ce court délai n’est pas significatif puisque depuis le début du dossier, en juillet, la CCQ a toujours imposé des délais stricts aux défenderesses et qu’elle a accepté de les prolonger de quelques jours, afin d’accommoder les agendas de ceux pouvant faire avancer le dossier[21].
[45] En début d’après-midi du 14 décembre, donc, la CCQ fait elle-même un suivi de l’affidavit attendu et impose un nouveau délai jusqu’à 16 h pour le recevoir[22].
[46] Le troisième fait omis se produit aussi le même jour et il n’est pas banal : AXIM transmet bel et bien un affidavit à Joly, dans le délai imposé[23].
[47] Le quatrième fait omis est le même jour, Joly analyse cet affidavit et écrit à AXIM pour l’informer qu’il manque, selon elle, divers éléments dans cet affidavit, en prenant soin d’indiquer lesquels. À aucun endroit ne dit-elle toutefois que l’affidavit soumis est inacceptable[24].
[48] Le cinquième fait omis intervient le 15 décembre. La CCQ relance AXIM pour l’obtention d’un affidavit portant sur Pagimax et Pinsonnault. Dans le but de la convaincre du bien-fondé de sa demande envers ces deux personnes, elle la réfère à un jugement[25].
[49] Les autres faits qui interviennent avant la signification de la requête ne sont pas à la connaissance de la CCQ. On ne peut donc lui faire reproche de ne pas les avoir allégués. Ils se retrouvent aux paragraphes 38 et suivants de la déclaration assermentée d’AXIM, déposée séance tenante lors de la présentation de la demande d’injonction. L’on y apprend que les bureaux d’AXIM ont été fermés du 18 décembre 2015 au 4 janvier 2016 et que le suivi du dossier a été la signification de la requête en injonction, le 8 janvier 2016.
[50] Ainsi, lorsque la CCQ arrête la chronologie de l’histoire au 7 décembre, elle omet un pan important d’informations concernant les relations entre les parties.
[51] Et quand la représentante de la CCQ, qui, rappelons-le, fait partie du Département des enquêtes, affirme solennellement qu’aucun affidavit n’a été transmis, cela est faux.
[52] Bien qu’il lui appartient de le considérer insuffisant, parce que ne répondant pas à l’ensemble de ses préoccupations, ce qui peut par ailleurs être bien légitime, il est toutefois inacceptable de laisser croire au Tribunal que rien ne s’est produit après le 7 décembre, car la CCQ ne peut être à la fois juge et partie de ce qui est pertinent aux yeux du Tribunal pour l’évaluation de sa demande d’injonction.
[53] Lorsque la CCQ omet de mentionner qu’un affidavit a été transmis, ce qui est un fait important à notre avis, qu’elle fait le choix éditorial de ne pas faire état de ce qu’elle a considéré comme « ne réponda(nt) pas à sa demande » dans cet affidavit, de même que lorsqu’elle allègue « qu’aucun document additionnel n’a été reçu », ou bien joue sur les mots, ou elle allègue des faussetés. Mais peu importe l’hypothèse, une telle stratégie doit être découragée, surtout qu’elle émane du Département des enquêtes et d’une direction stratégique d’un organisme public investi de pouvoirs aussi importants.
[54] La CCQ nous met donc devant une réalité factuelle qui n’est pas celle que nous retenons de la preuve contradictoire présentée par les défenderesses, et en ce faisant, elle ne nous permet pas d’apprécier le bien-fondé de sa position qu’elle présente.
[55] Les omissions que nous avons identifiées teintent le dossier et portent atteinte à l’obligation de transparence que tout requérant dans un recours en injonction doit respecter.
[56] Si l’on peut comprendre que la CCQ désire procéder avec diligence, qu’elle a beaucoup de travail et de nombreux dossiers à gérer, que ses enquêtes sont longues et complexes et qu’elle se heurte souvent à des assujettis qui l’évitent ou ne collaborent pas pleinement avec elle, cela ne justifie pas les défenderesses de payer le prix de cette réalité par les stigmates créés par l’émission d’ordonnances d’injonctions à leur endroit.
[57] Nous concluons donc que la CCQ ne s’est pas présentée devant nous « les mains propres », alors qu’il était de son devoir de ce faire.
[58] Ne serait-ce que pour et unique motif, son recours est irrecevable, et nous exerçons notre discrétion en rejetant les ordonnances recherchées.
[59] Outre ce motif, nous aurions eu d’autres raisons de rejeter la requête, sur le fond.
[60] Premièrement, la CCQ ne nous amène pas de preuve justifiant l’urgence d’intervenir, tel que nous l’avons abordé antérieurement[26].
[61] De plus, nous ne savons rien des dates précises nous permettant l’urgence fondée sur la prescription. Le seul fait de référer à la prescription d’un an sans nous dire quoi et quand les réclamations ou une partie de celles-ci seront prescrites est insuffisant.
[62] Deuxièmement, sur l’apparence sérieuse de droit, il ne suffit pas d’alléguer que la Loi R-20 est d’ordre public pour remplir le fardeau requis, ni d’alléguer que sans les ordonnances recherchées la CCQ ne peut faire son travail, d’autant plus qu’en l’espèce, la preuve démontre que jusqu’à maintenant, la CCQ a avancé dans son enquête sans de telles ordonnances et qu’il existe d’autres recours que l’injonction lorsque des assujettis refusent de collaborer, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
[63] D’ailleurs, à l’audience, les défenderesses se sont engagées à produire l’affidavit complémentaire discuté avant les Fêtes et répondant aux points 1 à 4 du courriel du 14 décembre de la CCQ. Elles ont aussi annoncé que pour les points 5 et 6, il s’agissait de sujets de droit et qu’il n’y aurait pas d’affidavit sur cela, leur position demeurant inchangée sur cet aspect.
[64] Lors de notre délibéré, l’affidavit promis a été transmis. Il s’agit en fait d’une déclaration sous serment du contrôleur d’AXIM, datant du 19 janvier 2016, qui fait le point non seulement sur les points 1 à 4, mais qui ajoute des éléments pour expliquer la position d’AXIM sur les points 5 et 6[27].
[65] Cette déclaration sous serment démontre qu’il y a toujours collaboration entre les parties et que l’enquête de la CCQ continue d’avancer.
[66] Après avoir analysé ladite déclaration, la CCQ soumet qu’elle règle certaines interrogations soulevées en décembre, mais pas tout. Elle maintient que pour ce qui est de Pinsonneault et Pagimax, les injonctions recherchées sont toujours nécessaires, et cela, même si la déclaration annoncée, qui ne devait pas viser ces deux personnes[28], y fait référence pour étoffer la position des défenderesses[29].
[67] Nous concluons de tout cela que l’enquête continue de progresser de manière suffisante pour ne pas donner suite à la requête, car la collaboration des défenderesses suffit à démontrer que la CCQ dispose d’autres recours que celui de l’injonction.
[68] Dans le contexte où la procédure intentée l’est sous le nouveau Code de procédure civile[30], qui prône la collaboration des parties et la conciliation plutôt que des procédures inutiles, longues et coûteuses, nous nous servons aussi de cette nouvelle philosophie exposée au 2e paragraphe de la disposition préliminaire et aux articles 9, 18(2), 19 et 20 Cpc pour exercer notre juridiction[31] en refusant l’émission des injonctions qui sont toujours recherchées après la réception de la déclaration assermentée du 19 janvier 2016.
[69] Troisièmement, sur le préjudice, la requête n’allègue que des généralités, sans dire en quoi la CCQ est dans l’impossibilité de faire son travail si nous n’émettons pas l’injonction demandée. Cela ne démontre certes aucun préjudice, et s’il devait y en avoir un, il n’est pas irréparable, selon les faits et le droit exposés.
[70] Le seul préjudice que nous puissions identifier à la lumière de tout ce qui nous est soumis est que l’enquête ne va pas au rythme que souhaiterait la CCQ. Or, selon l’ensemble des faits de ce dossier, il ne revient pas à la Cour supérieure d’assister la CCQ en rendant un jugement qui aura pour effet d’accélérer le tempo de son enquête.
[71] L’injonction provisoire étant exceptionnelle et sujette à la discrétion du Tribunal, et ce dernier étant convaincu que la demanderesse n’a pas satisfait son fardeau pour obtenir ce qu’elle demande, il y a lieu de rejeter la requête.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[72] REJETTE la demande d’injonction provisoire;
[73] AVEC LES FRAIS DE JUSTICE.
|
|
||
|
__________________________________ HONORABLE CLAUDE DALLAIRE, J.C.S. |
|
|
|
|
||
Me Rachel Laferrière |
|
||
Blaquière Corriveau Avocats |
|
||
Avocate de la demanderesse |
|
||
|
|
||
Me Karine Chênevert |
|
||
Mme Virginie Thibault, stagiaire |
|
||
BORDEN, LADNER, GERVAIS |
|
||
Avocate de la défenderesse AXIM Construction inc. |
|
||
|
|
||
Date d’audience : |
18 janvier 2016 |
||
[1] RLRQ., c. R-20, ci après Loi R-20.
[2] Ci-après la CCQ.
[3] Liste P-1.
[4] Pièce P-2.
[5] Pièce P-3.
[6] Allégation 6.
[7] Allégation 7.
[8] Allégation 17.
[9] Allégation 8.
[10] Allégations 9 et 10.
[11] Allégation 17.
[12] Allégations 12, 14 et 15.
[13] Allégations 13 et 18, mais la parenthèse est notre ajout aux fins de compréhension.
[14] Allégation 16.
[15] Allégations 14 et 17.
[16] Voir entre autres les pièces R-8 à R-12.
[17] Pièce R-12. Voir aussi les pièces R-14 et R-15.
[18] Pièce R-15 dans laquelle toute la chronologie jugée pertinente est exposée, contrairement à ce qui est fait dans la requête.
[19] Pièce R-19.
[20] Pièce R-20.
[21] Voir pièces R-21, R-22 et R-15, courriel du 18 novembre.
[22] Pièce R-22.
[23] Pièce R-21.
[24] Pièce R-22.
[25] Pièce R-22.
[26] Voir paragraphe 39 du présent jugement.
[27] À la suite de correspondances échangées en cours de délibéré, nous accordons la cote R-23 à cette déclaration.
[28] Sujets 5 et 6 du courriel du 14 décembre 2015.
[29] À la suite de correspondances échangées en cours de délibéré, nous accordons la cote R-24 en liasse aux deux lettres reçues à ce sujet.
[30] RLRQ c. C-25.01, ci-après Cpc.
[31] Art. 510 et 511 Cpc.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.