Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier

J.B. 3620

 

 

 

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

LONGUEUIL

« Chambre civile »

N° :

505-32-018577-040

 

DATE :

28 octobre 2005

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

JUGE VIRGILE BUFFONI

______________________________________________________________________

 

 

Gisèle Guilbault

6160, rue Parny

Brossard (Québec)

J4W  1L3

Partie demanderesse

 

c.

Ville de Longueuil

2001, boul. Rome

Brossard (Québec)

J4W  3K5

Partie défenderesse

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]                La demanderesse réclame 5 000 $ en dommages-intérêts suite à une chute sur la chaussée, propriété de la défenderesse Ville de Longueuil («Ville»).

[2]                Le 29 novembre 2002, vers 19h00, la demanderesse a fait une chute alors qu'elle circulait à pied face au 6055 de la rue Pagé, à Longueuil, arrondissement de Brossard.

[3]                La demanderesse a glissé sur une plaque de glace dissimulée par une mince couche de neige.

[4]                La demanderesse était chaussée de bottes d'hiver neuves, ne tenait rien dans ses mains et sa vision n'était pas obstruée.

[5]                Elle a été conduite à l'hôpital Charles LeMoyne en ambulance où un orthopédiste a constaté une fracture de l'humérus proximal gauche.  Elle a dû subir une intervention et par la suite des traitements de physiothérapie pendant six mois à raison de deux traitements par semaine.

[6]                Le recours de la demanderesse prend appui sur les articles 1457 du Code civil du Québec et 585.7 de la Loi sur les cités et villes:

 

«1457.  Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s'imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.

Elle est, lorsqu'elle est douée de raison et qu'elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu'elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu'il soit corporel, moral ou matériel.

Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d'une autre personne ou par le fait des biens qu'elle a sous sa garde

 

«585. […]

7. Nonobstant toute loi générale ou spéciale, aucune municipalité ne peut être tenue responsable du préjudice résultant d'un accident dont une personne est victime, sur les trottoirs, rues ou chemins, en raison de la neige ou de la glace, à moins que le réclamant n'établisse que ledit accident a été causé par négligence ou faute de ladite municipalité, le tribunal devant tenir compte des conditions climatériques

[7]                La seule chute de la demanderesse, en soi, ne fait pas présumer de la négligence de la Ville.

[8]                La demanderesse a le fardeau de prouver la négligence de la Ville dans l'entretien de ses rues et trottoirs et notamment son omission de prendre les précautions, avec diligence, qu'une personne raisonnable et prudente prendrait en semblables circonstances.

[9]                Selon la jurisprudence applicable, la Ville n'a qu'une obligation de moyens et non une obligation de résultat; elle n'est pas l'assureur des piétons.

[10]            La Ville a adopté une politique de déneigement de ses rues et trottoirs contenue au Manuel des procédures de déneigement.

[11]            Cette politique prévoit l'épandage de sel ou d'abrasif «dès que la neige commence à tomber, sur les viaducs, boulevards et grandes rues» [1] mais non sur une rue secondaire telle la rue Pagé.

[12]            Cette politique prévoit le déneigement des rues principales à compter d'une accumulation de trois centimètres et des rues secondaires à compter d'une accumulation de cinq centimètres.

[13]            Il s'ensuit que la Ville ne procède à aucun épandage de sel ou d'abrasif sur la rue Pagé, malgré l'état glissant de la chaussée !

[14]            Le 29 novembre 2002, conformément à cette politique, la rue Pagé n'a fait l'objet d'aucun épandage de sel ou d'abrasif.  Elle n'a pas non plus été déneigée puisqu'il était tombé, au moment de l'accident de la demanderesse, moins de trois centimètres de neige.

[15]            L'application rigoureuse de sa politique de déneigement n'exclut pas nécessairement la responsabilité de la Ville si par ailleurs elle a fait preuve de négligence dans l'entretien de ses rues et de ses trottoirs.

[16]            Le témoignage de la demanderesse sur l'existence de plaques de glace sous la couche de neige n'a pas été contredit et est tout à fait crédible et probant.

[17]            En l'espèce, l'absence totale d'épandage de sel ou d'abrasif sur la rue Pagé malgré la présence de plaques de glace établit la négligence de la Ville dans l'entretien de ses rues et trottoirs.

[18]            Lorsqu'une chaussée est glacée et présente un risque sérieux de chute pour les piétons, une personne prudente et raisonnable doit prendre la précaution d'épandre du sel ou de l'abrasif sur la chaussée.

[19]            Le risque de chute des piétons sur une chaussée glacée ne se limite pas aux seuls «viaducs, boulevards et rues principales» de la Ville.

[20]            La Ville a fait preuve de négligence dans l'entretien de la chaussée de la rue Pagé le 29 novembre 2002.

[21]            La demanderesse a subi des dommages à titre de douleurs, souffrance, perte de jouissance de la vie, troubles, ennuis et inconvénients et frais médicaux.

[22]            La preuve n'a pas révélé cependant de perte de revenus d'emploi ou d'incapacité permanente.

[23]            Il y a lieu de fixer le montant des dommages-intérêts à la somme de 3 500 $ en compensation juste, adéquate et raisonnable des dommages subis par la demanderesse.

 

PAR CES MOTIFS, le Tribunal:

 

[24]           CONDAMNE la défenderesse à payer à la demanderesse la somme de 3 500 $ avec intérêts au taux légal plus l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec depuis le 18 décembre 2002, date de la mise en demeure, et les frais (143 $).

 

 

 

__________________________________

Virgile Buffoni, J.C.Q.

 

 

 

Date d’audience :

17 octobre 2005

 



[1]    Paragraphe 4.1 du Manuel, page 6.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.