DÉCISION
[1] Le 15 novembre 2000, monsieur Richard Poitras (le travailleur) dépose une requête auprès de la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue à la suite d’une révision administrative le 9 novembre 2000.
[2] Par cette décision, la CSST maintient une décision initiale rendue le 15 juin 1999, ayant refusé de lui rembourser les frais encourus pour la réparation de son alliance.
[3] Une audience a lieu à Montréal le 10 avril 2001 à laquelle assiste le travailleur. L’employeur a laissé savoir par écrit qu’il serait absent.
[4] Une date de fin d’enquête est fixée au 10 mai 2001, date à laquelle la joaillière, madame Claudine Boivert, confirme lors d’une conversation téléphonique avoir procédé elle-même à la réparation de l’alliance du travailleur pour la valeur mentionnée au certificat d’évaluation daté du 8 novembre 2000 (pièce T-1).
L'OBJET DE LA CONTESTATION
[5] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles le remboursement des frais encourus pour la réparation de son alliance.
L'AVIS DES MEMBRES
[6] Le membre issu des associations syndicales est d’avis que le travailleur a droit au remboursement des frais encourus pour son alliance. Il considère qu’une alliance étant incluse dans la définition du mot « vêtements » le travailleur a droit à son remboursement en vertu de l’article 112 de la loi.
[7] Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis qu’il y a lieu de refuser les frais encourus pour la réparation de l’alliance. Il est d’avis qu’une alliance participe davantage de la nature d’une parure ou d’une décoration que d’un vêtement, et, nécessairement n’est pas incluse au terme de celui-ci en vertu de l’article 112 de la loi. Par conséquent, ceci ne serait pas indemnisable.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[8] En l’instance, la Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a droit au remboursement des frais encourus pour la réparation de son alliance.
[9] Les faits à l’origine du présent litige se résument ainsi.
[10] Le 5 juin 1998, dans le cadre de son travail de superviseur chez Sears Canada inc. (l’employeur), le travailleur en voulant lever une boîte s’inflige une blessure à l’annuaire gauche. Le docteur T. Bélanger, son médecin de famille, diagnostique initialement une entorse sévère du 4e doigt de la main gauche avec une ankylose en flexum persistante. Par la suite, le travailleur est référé au docteur C. Proulx, chirurgien plastique, qui le réfère en ergothérapie pour une entorse de l’annuaire gauche. Le travailleur continue son travail régulier comme superviseur sauf qu’il est limité pour lever des poids lourds avec sa main gauche ainsi qu’aux manipulations impliquant le 4e doigt de la main gauche.
[11] Le docteur S. Roy, chirurgien plasticien, produit un rapport d’évaluation médicale le 16 mars 1999. Il conclut que le travailleur a subi un traumatisme d’hyperextension de l’interphalagienne proximale (l’I.P.P) avec une déchirure de la plaque palmaire de grade 2 ainsi qu’une ankylose persistante et fixe au niveau de l’extension de l’I.P.P. Il est d’opinion qu’il s’agit de séquelles permanentes qui s’amélioreront que très peu malgré les traitements d’ergothérapie consistant en des attelles de nuit et de jour pour essayer de rétablir l’ankylose. Il n’envisage pas l’option chirurgicale. Il émet le bilan des séquelles suivantes :
« Ankylose incomplète de l’articulation IPP du 4e doigt en position de fonction.
DAP : 0.3%
Code : 102016.
Ankylose incomplète de l’articulation IPD en position de fonction.
DAP : 0.3%
Code : 102025. »
(Dossier CLP page 46).
[12] Le 8 juin 1999, le docteur Bélanger émet un rapport final consolidant l’entorse sévère au 4e doigt pour le 14 décembre 1998.
[13] À l’audience, le travailleur précise être gaucher. Lors de sa deuxième visite médicale auprès du docteur Bélanger le 18 juin 1998, devant l’enflure de son doigt, ce médecin a dû couper son alliance.
[14] Le travailleur réclame les frais de réparation encourus. Il dépose un certificat d’évaluation effectué le 8 novembre 2000 par une joaillière estimant la valeur à neuf de remplacement de la bague à 314 $.
[15] Toutefois, il précise avoir égaré la facture attestant de la date à laquelle aurait été effectuée cette réparation. De plus, il ne se souvient pas de la date où aurait été réparée son alliance. Il mentionne avoir entrepris des démarches auprès de la joaillière, madame Claudine Boisvert, qui aurait effectué cette réparation, afin de lui demander une copie de la facture. Cette dernière lui aurait répondu avoir besoin de la date exacte à laquelle aurait été effectuée cette réparation afin de pouvoir retrouver plus facilement la facture, ce qu’il n’était pas en mesure de lui fournir.
[16] Au cours d’une conversation téléphonique avec madame Claudine Boivert, joaillière, celle-ci confirme avoir effectué la réparation de l’alliance pour la valeur mentionnée au certificat d’évaluation au montant de 314 $ (pièce T-1). Elle serait disposée à chercher et à fournir la facture pour cette réparation en autant que le travailleur lui donne la date précise où la réparation aurait été effectuée puisqu’elle ne dispose pas de personnel pour effectuer une tâche aussi fastidieuse.
[17] La Commission des lésions professionnelles est d'avis que c’est l’article 112 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) qui dispose du présent litige :
112. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit, sur production de pièces justificatives, à une indemnité maximale de :
1 300 $ pour le nettoyage, la réparation ou le remplacement des vêtements endommagés par suite d'un accident du travail;
2 300 $ par année pour les dommages causés à ses vêtements par une prothèse ou une orthèse au sens de la Loi sur la protection de la santé publique (chapitre P - 35) dont le port est rendu nécessaire en raison d'une lésion professionnelle.
________
1985, c. 6, a. 112.
[18] Le premier critère prévu à cet article 112 est rencontré puisque la preuve démontre que le travailleur a été victime d’une lésion professionnelle résultant d’un accident du travail non contesté dans le dossier.
[19] De plus, ce qui est particulier à ce dossier est le fait que la lésion professionnelle est localisée précisément au doigt où le travailleur portait son alliance. Il importe aussi de souligner que c’est le médecin qui a charge du travailleur, le docteur Bélanger, qui a procédé lui-même dans son cabinet à couper l’alliance du travailleur à cause de la présence d’une enflure. En conclusion, il est aisé de conclure que l’alliance a dû être sectionnée à cause de la lésion professionnelle.
[20] Par ailleurs, en vertu de cet article, le travailleur devait également répondre au deuxième critère à savoir produire des pièces justificatives afin d’avoir droit à l’indemnité maximale de 300 $ pour la réparation de vêtements endommagés par la suite d’un accident du travail.
[21] À ce sujet, il importe de souligner que la preuve révèle que le travailleur est demeuré avec des séquelles permanentes au doigt, de sorte qu’il a dû attendre un certain temps avant de faire réparer son alliance. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le travailleur ne se souvenait plus de la date exacte où il aurait fait réparer son alliance.
[22] Dans ce cas d’espèce, la Commission des lésions professionnelles est d'avis qu’à défaut de produire la meilleure preuve, soit la facture attestant de la réparation de l’alliance qui avait été égarée par inadvertance par le travailleur, ce dernier a présenté une autre pièce justificative suffisante compte tenu des circonstances, soit le certificat d’évaluation de l’alliance mentionnant un montant de 314 $ pour le remplacement de son alliance. En outre, la joaillière a confirmé avoir bel et bien procédé à la réparation de cette alliance au montant indiqué au certificat d’évaluation.
[23] Il y a lieu maintenant de se demander si le travailleur a droit au remboursement de ses frais pour la réparation de son alliance en vertu de l’article 112. Plus précisément, il y a lieu de déterminer si une alliance est incluse dans la définition du mot «vêtement» pour donner droit à l’indemnité maximale de 300 $ prévu à l’article 112 de la loi.
[24] Il faut donc se référer à l’usage usuel et courant du mot «vêtement» tel qu’on le retrouve dans le dictionnaire. Ainsi, le Petit Robert[2] décrit ainsi ce que comprend le mot «vêtement» :
« 1o Didact. objets fabriqués pour couvrir le corps humain, le cacher, le protéger, le parer (coiffure, chaussures, linge, habit et divers accessoires).
[…]
2o Cour. LES VÊTEMENTS : ensemble des objets servant à couvrir le corps humain; habillement (comprenant le linge mais non les chaussures).
[…]
3o Fig. Ce qui couvre, cache, pare, protège…
[…]»
[25] La Commission des lésions professionnelles estime qu’un bijou, telle une alliance, est inclus dans la définition usuelle du mot «vêtement» puisque cette définition comprend les parures et divers accessoires.
[26] Par conséquent, le travailleur a droit au remboursement des frais encourus pour la réparation de son alliance jusqu’à concurrence de l’indemnité maximale de 300 $ prévu à l’article 112 de la loi.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de monsieur Richard Poitras du 15 novembre 2000;
INFIRME la décision rendue à la suite de la révision administrative par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 9 novembre 2000; et
DÉCLARE que le travailleur a droit à l’indemnité maximale prévue à l’article 112 pour les frais encourus pour la réparation de son alliance endommagée à la suite d’un accident du travail.
|
|
|
Me Doris Lévesque |
|
Commissaire |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.