Décision

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Modèle de décision CLP - avril 2013

Sûreté du Québec

2013 QCCLP 7004

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint-Hyacinthe

5 décembre 2013

 

Région :

Yamaska

 

Dossier :

493664-62B-1301

 

Dossier CSST :

138460886

 

Commissaire :

Michel Watkins, juge administratif

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Sûreté du Québec

 

Partie requérante

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

 

[1]           Le 30 janvier 2013, Sûreté du Québec, l’employeur, dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 15 janvier 2013 lors d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme sa décision initiale du 30 octobre 2012 et déclare que le coût des prestations reliées à la lésion professionnelle subie par la travailleuse le 22 septembre 2011 doit être imputé au dossier de l’employeur.

[3]           Le 15 juillet 2013, l’employeur a informé le tribunal qu’il renonçait à la tenue de l’audience devant se tenir le 18 septembre 2013 et lui a fait parvenir une argumentation écrite en lieu et place de sa participation à cette audience, argumentation à laquelle étaient joints divers documents pertinents. Une nouvelle argumentation, soit une mise à jour de la précédente, est ensuite produite le 28 août 2013. Le dossier est mis en délibéré le 18 septembre 2013.

 

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           L’employeur invoque les dispositions de l’article 326 (2) de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) et demande au tribunal de déclarer que les coûts reliés à la lésion professionnelle subie par la travailleuse ne doivent pas lui être imputés après le 15 novembre 2011 ou, subsidiairement, après le 8 février 2012, dans la mesure où « la maladie d’embolie pulmonaire dont a souffert la travailleuse a eu pour effet de faire supporter injustement le coût des prestations à l’employeur » [2].

LES FAITS

[5]           La travailleuse occupe un emploi de policière chez l’employeur lorsque le 22 septembre 2011, elle subit un accident du travail, se blessant aux côtes et au dos.

[6]           Le jour même, elle déclare l’événement à son employeur, cesse de travailler et consulte un médecin qui diagnostique une contusion musculaire au niveau du trapèze. La date prévisible de consolidation de la lésion est établie au lendemain, soit le 23 septembre 2011.

[7]           Le 25 septembre 2011, la travailleuse consulte de nouveau un médecin qui constate des douleurs thoraciques post-traumatiques. Les informations inscrites à la feuille de triage du centre hospitalier réfèrent à un trauma mineur, sans immobilisation. Un arrêt du travail est prescrit jusqu’au 29 septembre 2011.

[8]           Le 30 septembre 2011, le Dr Houle prend charge de la travailleuse et note la présence de douleurs costales gauches, maintenant l’arrêt du travail. De plus, le médecin s’interroge au sujet d’une possible fracture. Par ailleurs, le dossier révèle que la travailleuse est alors hospitalisée en raison d’embolies pulmonaires bilatérales, confirmées par une investigation lors d’une angiographie par tomodensitométrie (angio-tdm) thoracique avec contraste. Un Doppler veineux s’avère toutefois négatif, ne démontrant aucun signe de phlébothrombose profonde ou superficielle au niveau des membres inférieurs. La travailleuse quittera l’hôpital en date du 6 octobre 2011, le médecin ayant alors prescrit la prise d’anticoagulants, du Coumadin, pour une période de six mois.

[9]           Le 12 octobre 2011, le Dr Houle pose les diagnostics de contusions costale et pulmonaire, notant que ces conditions sont compliquées par de multiples embolies pulmonaires bilatérales. Il recommande un arrêt du travail pour un mois.

[10]        Le 31 octobre 2011, le Dr Houle revoit la travailleuse. Le médecin pose le même diagnostic et note que la travailleuse « va mieux ». Il recommande un arrêt du travail jusqu’au 13 novembre 2011 et ajoute : «  RAT avec restrictions?? ».

[11]         Le 16 novembre 2011, le Dr Houle indique, au rapport médical produit : « Contusion thoracique et pulmonaire + embolies pulmonaire, sous Coumadin; Apte au travail, mais ne doit pas être exposé à des situations où traumatisme possible, donc aucune patrouille; travail clérical » [sic].

[12]        Le même jour, l’agente Panagapka-Dufresne de la CSST note ceci :

Titre: Suivi à l’admissibilité standard ou particulière à 55 jours

 

Suivi de la condition médicale

 

T me dit que son médecin lui a dit qu’il n’est pas certain si elle pourra reprendre son travail régulier. T m’explique que son médecin lui a dit qu’étant donné qu’elle prend le médicament Coumadin, qui éclaircit le sang, et que dans son travail il y a des risques de recevoir des coups elle pourrait faire une hémorragie sanguine. Il lui a dit qu’il désirait avoir l’avis d’un autre médecin à ce sujet. T me dit qu’elle prendra ce médicament pendant 6 mois à 1 an.

 

T me dit que c’est la première fois qu’elle ressent de la douleur et qu’elle est blessée au niveau des côtes et des poumons.

 

Perception du travailleur de son emploi prélésionnel

T mentionne entretenir une bonne relation avec ses collègues de travail et son E. Elle me dit aimer son travail.

 

Perception du travailleur de ses perspectives de retour au travail

T ne peut me confirmer si elle sera de retour à son travail régulier d’ici 3 mois. Elle me dit qu’elle se sent prête physiquement à reprendre le travail, mais dû au Coumadin qu’elle prend et les risques s’y rattachant reliés à son travail de policière la rendent inquiète.

 

Perception de l’employeur du retour au travail à l’emploi prélésionnel

E mentionne entretenir une bonne relation avec la T. Je demande à l’E si l’ATT a été proposé et elle me répond par la négative. Je lui rappelle les bénéfices pour elle et pour la T de l’ATT. Je lui donne les coordonnées du médecin traitant de la T, Dr. Gabriel Houle, car elle enverra un formulaire d’ATT. [sic]

 

 

[13]        Le 17 novembre 2011, la Commission accepte la réclamation de la travailleuse à titre de lésion professionnelle survenue le 22 septembre 2011 retenant le seul diagnostic de contusions costale et pulmonaire, décision qui n’a pas fait l’objet d’une demande de révision.

[14]        Le 25 novembre 2011, le Dr Houle signe un formulaire d’assignation temporaire d’un travail autorisant pour la travailleuse diverses tâches de nature cléricale proposées par l’employeur, tâches décrites au formulaire.

[15]        Toutefois, tel qu’il appert du dossier, le 5 décembre 2011 la travailleuse refuse le travail proposé en assignation temporaire et offert par l’employeur, s’autorisant d’une disposition de la convention collective le permettant.

[16]        Le 13 janvier 2012, après consultation auprès de son médecin conseil, la CSST rend une décision par laquelle elle détermine que le diagnostic d’embolie pulmonaire, diagnostic posé par le Dr Houle depuis déjà plusieurs semaines, n’est pas en relation avec l’événement du 22 septembre 2011. On informe alors la travailleuse qu’elle n’a donc pas droit à des indemnités pour ce diagnostic, mais qu’elle continuera d’en recevoir en raison de ses contusions costale et pulmonaire.

[17]        Le 27 janvier 2012, l’agente Turcot de la CSST note ceci :

-SITUATION:

Jeune policière, condition CSST résolue;

Actuellement n’est pas au travail à cause de l’embolie pulmonaire (refusée CSST)

 

- OBJECTIFS [sic] 1:

Statut: En cours. Date cible: 2012-03

Obtenir RMF pour la condition générale

 

[Nos soulignements]

 

[18]        Le 8 février 2012, le Dr Houle parle d’une contusion thoracique et pulmonaire résolue ainsi que d’embolie pulmonaire. Le médecin note une dorsalgie basse qui persiste chez la travailleuse et pour laquelle il la réfère en physiothérapie.

[19]        Le 28 février 2012, la CSST confirme lors d’une révision administrative sa décision du 13 janvier précédent, refusant de relier le diagnostic d’embolie pulmonaire à l’événement accidentel du 22 septembre 2011. Cette décision est finale.

[20]        Le 15 mars 2012, le Dr Houle produit un rapport final sur lequel il pose les diagnostics de « contusions thoracique et pulmonaire compliquée d’embolies ». Le médecin détermine que la lésion est consolidée le même jour et mentionne que la période de six mois de traitement par anticoagulants se termine le 30 mars 2012.

[21]        Bien que la lésion ait été considérée consolidée le 15 mars 2012, la travailleuse demeurera en arrêt du travail jusqu’à 48 heures après la fin de son traitement par médication par anticoagulants. La travailleuse ayant repris son travail régulier à compter du 2 avril 2012, un surpayé pour les indemnités de remplacement du revenu versées à la travailleuse entre le 16 mars et le 1er avril 2012 en découlera[3].

[22]        À cet égard, la représentante de l’employeur a joint à son argumentation écrite un relevé informatisé « Portrait du travailleur » qui montre que la travailleuse a reçu de la CSST un total de 169 jours d’indemnités de remplacement du revenu, entre le 22 septembre 2011 et le 15 mars 2012, pour un montant total de 14 415,01 $. De plus, une note du 7 juin 2013 de madame Josée Séguin, technicienne en financement chez l’employeur, adressée à la représentante de l’employeur, précise que « jusqu’à présent le coût total de la réclamation imputé à la Sûreté du Québec, incluant le facteur de chargement, est de 34 784,57 $ ».

[23]        Le 24 août 2012, l’employeur produit une demande de transfert d’imputation à la CSST, invoquant l’application de l’article 326 (2) de la loi. On y précise notamment ceci :

[…]

Le 13-01-12, la CSST rend une décision à l’effet que le diagnostic d’embolie pulmonaire n’est pas en relation avec l’événement du 22-09-11. La Révision administrative confirme la décision de la CSST le 28-02-12.

 

Suite aux embolies pulmonaires, Mme Côté-Rioux a été traitée avec un anticoagulant pour une période de 6 mois, c’est-à-dire jusqu’au 30-03-12. La période d’absence prévisible pour les diagnostics de contusions costales et pulmonaires est de 4 à 6 semaines. Or, Mme Côté-Rioux a été absente du travail jusqu’au 31-03-12.

 

Il est injuste de faire supporter à l’employeur les coûts qui ne relèvent pas de la lésion professionnelle, car la preuve démontre que c’est parce que la travailleuse était traitée pour une pathologie intercurrente d’embolie pulmonaire non reliée à l’accident du travail que la période de consolidation a duré 28 semaines au lieu de la période habituelle de 4 semaines.

 

Les 24 semaines supplémentaires ont entraîné des coûts qui doivent être assumés par l’ensemble des employeurs.

 

En conséquence, nous demandons à ce que les indemnités de remplacement du revenu versées depuis le 15-11-11 jusqu’au 15-03-12, soient imputées à l’ensemble des employeurs.

 

[Notre soulignement]

 

[24]        Le 30 octobre 2012, la CSST rejette la demande de transfert de coûts présentée par l’employeur. Cette décision sera confirmée le 15 janvier 2013 lors d’une révision administrative, d’où le présent litige.

[25]        Dans son argumentaire produit le 27 août 2013, la représentante de l’employeur insiste sur le fait que la lésion de contusion costale et pulmonaire subie par la travailleuse le 22 septembre 2011 n’a nécessité des soins que pendant quelques jours, soit jusqu’au 26 septembre 2011. Par la suite, à compter du 30 septembre 2011, la travailleuse a été victime d’une maladie personnelle, des embolies pulmonaires bilatérales, nécessitant une hospitalisation d’une semaine et la prise subséquente d’une médication anticoagulante, du Coumadin, pour une période de six mois. Or, cette condition personnelle n’a pas été reconnue par la CSST en lien avec la lésion professionnelle du 22 septembre 2011, et la prise de médication requise pour son traitement a empêché la travailleuse de reprendre son emploi régulier, alors que la lésion professionnelle de contusion était résolue.

[26]        À cet égard, l’employeur a joint à son argumentation une note de service contenant une opinion du Dr Mitchell Pantel, médecin au service de santé et de sécurité de l’employeur, qui explique en quoi la prise de la médication Coumadin, un anticoagulant, présente un danger relativement aux opérations policières et « qu’il y a lieu de considérer que la prise de Coumadin est une contre-indication totale envers la participation aux opérations policières de première ligne », alors que selon les circonstances, l’employeur pourrait par ailleurs réaffecter temporairement un policier devant prendre une telle médication.

[27]        Pour l’employeur, cette même condition personnelle d’embolie pulmonaire a également fait en sorte que la travailleuse n’a pas occupé un travail administratif qui lui était proposé par l’employeur, après le 15 novembre 2011, bien qu’autorisé par le médecin traitant de la travailleuse.

[28]        L’employeur considère qu’en l’espèce, la seule raison ayant fait en sorte que la travailleuse n’ait pas repris son travail dès le 15 novembre 2011 découle du fait de la prise de médication anticoagulante en raison de l’embolie pulmonaire dont elle souffrait et, en conséquence, il demande « que les coûts après cette date soient retirés de son dossier »[4].

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[29]        En l’espèce, l’employeur demande un transfert partiel du coût des prestations versées à la travailleuse et imputées à son dossier financier à la suite de la survenue, en cours de lésion professionnelle, d’une maladie qui, en l’espèce, doit être considérée comme personnelle, une embolie pulmonaire. Il réclame en effet que les coûts imputés à son dossier après le 15 novembre 2011 soient retirés de son dossier.

[30]        Le tribunal retient de la preuve disponible que le seul diagnostic de lésion professionnelle retenu par la CSST chez la travailleuse, à la suite de l’accident du travail qu’elle a subi le 22 septembre 2011, est celui de « contusions costale et pulmonaire » alors que la CSST a expressément déclaré que le diagnostic d’embolie pulmonaire posé chez la travailleuse, dès le 30 septembre 2011, lors d’une hospitalisation, n’était pas relié à l’événement accidentel du 22 septembre.

[31]        La preuve au dossier révèle également clairement que la travailleuse a reçu des soins pour sa lésion professionnelle pendant une très courte période, mais qu’elle a dû, pour sa condition personnelle d’embolie pulmonaire, être hospitalisée durant une semaine puis recevoir de la médication anticoagulante, du Coumadin, pendant six mois, soit jusqu’au 30 mars 2012. Par ailleurs, la preuve disponible démontre que cette prise de médication était incompatible avec la reprise du travail régulier de policière par la travailleuse, selon l’avis du service médical de l’employeur.

[32]        De plus, l’analyse du dossier montre que la CSST a continué à verser à la travailleuse des indemnités de remplacement du revenu jusqu’à la date de consolidation de l’ensemble des pathologies de la travailleuse, soit le 30 mars 2012[5].

[33]        La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si l’employeur a droit au transfert de coûts qu’il réclame en application de l’article 326 de la loi, lequel prévoit :

 

326.  La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.

 

Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.

 

L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.

__________

1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.

 

 

[34]        Bien que l’employeur demande l’application du deuxième alinéa de l’article 326 de la loi, le soussigné estime que ce genre de demande de transfert d’imputation relève plutôt du principe général d’imputation prévu au premier alinéa, et ce, pour les motifs suivants.

[35]        Le soussigné partage l’opinion émise par le tribunal dans l’affaire Arneg Canada inc.[6], dans laquelle il est suggéré qu’il y a lieu de s’interroger sur l’applicabilité du principe général d’imputation, édicté au premier paragraphe de l’article 326 de la loi, avant même de s’interroger sur l’applicabilité des exceptions prévues au second paragraphe de cette même disposition. Le tribunal énonce alors ceci :

[16]  D’abord,  le premier alinéa énonce le principe général en matière d’imputation suivant lequel la CSST impute à l’employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident survenu à un travailleur alors qu’il est à son emploi.

 

[17]   Quant au deuxième alinéa, il prévoit deux exceptions à ce principe. Ces exceptions s’appliquent lorsque l’imputation faite en vertu du premier alinéa a pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d’un accident du travail attribuable à un tiers ou lorsque cette imputation a pour effet de l’obérer injustement.

 

[18]   Ainsi, dans la mesure où les prestations dont l'employeur souhaite ne pas être imputé ne sont pas dues en raison de l’accident du travail, au sens du premier alinéa,  ces prestations ne devraient pas être imputées au dossier de l'employeur, et ce, en application du principe général.

 

[19]   Par contre, si les prestations sont dues en raison de l’accident du travail, elles doivent être imputées au dossier financier de l’employeur, sauf si l’employeur démontre qu’il peut bénéficier de l’une des deux exceptions au principe général prévues au deuxième alinéa de l’article 326 de la loi.

 

[20]   Tel que mentionné, la première exception vise le transfert du coût des prestations lorsque l’accident du travail est attribuable à un tiers. La deuxième exception vise le transfert du coût des prestations lorsque l’imputation a pour effet d’obérer injustement l’employeur.

 

[Nos soulignements]

 

 

[36]        D’autre part, le soussigné souscrit également au principe mis de l’avant dans l’affaire Supervac 2000[7] voulant que de façon générale, une demande de transfert partiel du coût des prestations imputées à un employeur relève du premier paragraphe de l’article 326 de la loi, et, donc, du principe général d’imputation alors qu’une demande de transfert total des coûts imputés des suites d’un accident du travail est visé au second paragraphe de cet article.

[37]        Dans l’affaire Supervac 2000, précitée, la Commission des lésions professionnelles a procédé à une analyse approfondie de l’interprétation à retenir de l’article 326 de la loi. Dans cette affaire, il s’agissait d’une demande de transfert des coûts déposée en application de l’article 326 de la loi en raison d’une assignation temporaire rendue impossible par le congédiement disciplinaire et étranger à la lésion professionnelle du travailleur.

[38]        La Commission des lésions professionnelles procède alors à l’analyse de l’ensemble des principes d’imputation et de transfert des coûts, indiquant d’emblée que pour ce faire, il y a lieu de retenir la méthode dite de l’analyse contextuelle de la loi[8].

[39]        Par la suite, la Commission des lésions professionnelles procède à une revue historique de la jurisprudence du tribunal en ce qui a trait à l’interprétation donnée à l’article 326 de la loi. Cette analyse met en évidence que, traditionnellement et de façon majoritaire, la Commission des lésions professionnelles a examiné les demandes de transfert de coûts au motif d’interruption ou d’impossibilité d’exécution de l’assignation temporaire en raison de la survenue d'une condition personnelle en cours de consolidation d’une lésion professionnelle selon le deuxième alinéa de l’article 326 de la loi, exigeant que l’employeur fasse la preuve qu’il est « obéré injustement »[9]. Il est alors noté une vaste disparité d’opinion dans les décisions rendues par le tribunal en la matière, et ce, depuis de nombreuses années, disparité dans l’interprétation de l’article 326 (2) qui persiste encore aujourd’hui.

[40]        La Commission des lésions professionnelles dans cette affaire Supervac 2000 rapporte également que depuis 2003, quelques décisions[10] ont été rendues, traitant de ce type de demande, en ayant recours au premier alinéa de l’article 326 de la loi plutôt qu’au deuxième alinéa, au motif que le coût des prestations que l’employeur désire voir retirer de son dossier financier n’est pas directement « dû en raison de l’accident du travail » subi par le travailleur.

[41]        Partant, le tribunal estime donc nécessaire de s’interroger sur l’intention réelle du législateur et s’exprime comme suit :

[99]      Par conséquent, il apparaît nécessaire de s’interroger sur l’intention réelle du législateur lorsqu’il a édicté le principe général d’imputation au premier alinéa de l’article 326 de la loi et les exceptions à ce principe, notamment au deuxième alinéa du même article.

 

[100]    Pour y parvenir, il est essentiel de revenir à l’analyse contextuelle globale de la loi qui fait ressortir que le principe général d’imputation prévu au premier alinéa de l’article 326 de la loi vise à s’assurer que le coût des prestations versées en raison d’un accident survenu chez un employeur lui soit imputé.

 

[101]    Cependant, lorsqu’une partie de ces coûts est générée par une situation étrangère n’ayant pas de lien direct avec la lésion professionnelle, comme c’est notamment le cas du congédiement ou encore de la condition intercurrente ou personnelle interrompant une assignation temporaire, est-il justifiable que ces sommes demeurent imputées au dossier de l'employeur?

 

[102]    Dans de telles circonstances, ne serait-ce pas le premier alinéa de l’article 326 de la loi qui devrait s’appliquer plutôt que le second?

 

[103]    En vue de se prononcer à cet égard, le tribunal a analysé le libellé même de l’article 326 de la loi et en dégage les principes suivants.

 

[104]      Le deuxième alinéa de l’article 326 de la loi semble référer à un transfert total du coût des prestations. Pour en venir à cette conclusion, le tribunal se base notamment sur l’expression retenue par le législateur, soit d’imputer « le coût des prestations ».

[105]      Or, si l’on compare le libellé de cet alinéa à celui de l’article 329 de la loi où il est spécifiquement mentionné que la CSST peut imputer « tout ou partie du coût des prestations », il est possible de faire une distinction importante entre la portée de ces deux dispositions.

[106]      D’ailleurs, dans l’affaire Les Systèmes Erin ltée27, la Commission des lésions professionnelles s’est penchée sur la portée du deuxième alinéa de l’article 326 de la loi. Il apparaît pertinent d’en citer certains passages :

[26]         Finalement, il importe de souligner que l’article 326 de la loi permet un transfert du coût des prestations dues en raison d’un accident du travail, et ce, aux employeurs d’une, de plusieurs ou de toutes les unités afin de prévenir que l’employeur ne soit obéré injustement.

[27]         Cela implique, comme dans le cas de l’article 327, qu’il y a transfert de coût et non partage, comme c’est le cas en application des articles 328 et 329. Cette dernière disposition prévoit que la CSST « peut [...] imputer tout ou partie du coût des prestations aux employeurs de toutes les unités » alors que l’article 326 prévoit que la CSST « peut [...] imputer le coût des prestations [...] aux employeurs [...] ». Ainsi, lorsqu’il y a matière à application de l’article 326 alinéa 2, la totalité du coût des prestations ne doit plus être imputée à l’employeur, un transfert devant être fait : il ne saurait être question de ne l’imputer que d’une partie du coût. C’est, en quelque sorte, tout ou rien.

[28]         D’ailleurs, lorsqu’il est question d’un accident du travail attribuable à un tiers, la totalité du coût des prestations est toujours transférée ; il n’est jamais question de partage ou de transfert du coût pour une période donnée.9 Il a d’ailleurs déjà été décidé à plusieurs reprises qu’il devait obligatoirement en être ainsi.

[29]         Étonnamment, lorsqu’il est question d’éviter que l’employeur soit obéré injustement, un transfert du coût des prestations pour une période donnée, soit un transfert d’une partie seulement du coût total, a régulièrement été accordé, sans, par contre, qu’il semble y avoir eu discussion sur cette question.10

[30]         Avec respect pour cette position, la commissaire soussignée ne peut la partager, pour les motifs exprimés précédemment. Il en va des cas où l’on conclut que l’employeur serait obéré injustement comme de ceux où l’on conclut à un accident attribuable à un tiers : l’employeur ne saurait alors être imputé ne serait-ce que d’une partie du coût des prestations dues en raison de l’accident du travail.

[31]         Il importe cependant de préciser qu’il est possible, en application de l’article 326 (mais alinéa 1), de ne pas imputer à l’employeur une partie du coût des prestations versées au travailleur, pour autant que cette partie du coût ne soit pas due en raison de l’accident du travail. Un bon exemple de cette situation est la survenance d’une maladie personnelle intercurrente (par exemple, le travailleur fait un infarctus, ce qui retarde la consolidation ou la réadaptation liée à la lésion professionnelle) : les prestations sont alors versées par la CSST, mais comme elles ne sont pas directement attribuables à l’accident du travail elles ne doivent, par conséquent, pas être imputées à l’employeur. L’article 326, 1er alinéa prévoit en effet que c’est le coût des prestations dues en raison de l’accident du travail qui est imputé à l’employeur.

              

9          Voir notamment : General Motors du Canada ltée et C.S.S.T. [1996] C.A.L.P. 866, révision rejetée, 50690-60-9304, 20 mars 1997, E. Harvey; Centre hospitalier/Centre d’accueil Gouin-Rosemont, C.L.P. 103385-62-9807, 22 juin 1999, Y. Tardif; Ameublement Tanguay inc. et Batesville Canada (I. Hillenbrand), [1999] C.L.P. 509; Aménagements Pluri-Services inc. et Simard-Beaudry Construction inc., C.L.P. 104279-04-9807, 26 novembre 1999, J.-L. Rivard; Provigo (Division Maxi Nouveau concept), [2000] C.L.P. 321, Société immobilière du Québec et Centre jeunesse de Montréal, [2000] C.L.P. 582, Castel Tira [1987] enr. (Le) et Lotfi Tebessi, C.L.P. 123916-71-9909, 18 décembre 2000, D. Gruffy, Stone Electrique MC., [2001] C.L.P. 527.

10        Ville de St-Léonard et C.S.S.T. C.A.L.P. 73961-60-9510, 27 mars 1997, F. Dion- Drapeau; C.S.S.T. et Échafaudage Falardeau inc., [1998] C.L.P. 254; Abitibi Consolidated inc. et Opron inc., C.L.P. 35937-04-9202, 4 mars 1999, B. Roy (décision accueillant la requête en révision).

[Nos soulignements]

[107]      La soussignée souscrit au raisonnement et aux motifs retenus dans cette décision de même qu’à l’interprétation qui en est faite du second alinéa de l’article 326 de la loi.

[108]      De plus, un autre élément permet au tribunal de conclure que le deuxième alinéa de l’article 326 de la loi vise un transfert total des coûts et non un transfert partiel. Il s’agit du délai prévu pour effectuer une telle demande.

[109]      En effet, le législateur a spécifiquement prévu que l'employeur doit présenter sa demande dans l’année suivant la date de l’accident. Ceci s’explique, de l’avis du tribunal, par le fait que les demandes de transfert total de coûts visent généralement des motifs liés à l’admissibilité même de la lésion professionnelle. C’est clairement le cas à l’égard des accidents attribuables à un tiers et le libellé même de cet alinéa ne permet pas de croire qu’il en va autrement à l’égard de la notion d’obérer injustement. D’autant plus que l’application de ce deuxième alinéa à des demandes de transfert partiel a donné lieu à des interprétations variées de cette notion « d’obérer injustement » et mené à une certaine « incohérence » relativement à l’interprétation à donner à cette notion et à la portée réelle de l’intention du législateur.

[110]      La soussignée est d’opinion que le législateur visait clairement, par les deux exceptions prévues au deuxième alinéa de l’article 326 de la loi, les situations de transfert total du coût lié à des éléments relatifs à l’admissibilité même de la lésion professionnelle, ce qui justifie d’ailleurs le délai d’un an prévu au troisième alinéa de cet article. S’il avait voulu couvrir les cas de transfert partiel de coûts, le législateur aurait vraisemblablement prévu un délai plus long, comme il l’a fait à l’égard de la demande de partage de coûts prévue à l’article 329 de la loi qui ne vise pas des situations directement reliées à l’admissibilité, mais plutôt celles survenant plus tard, en cours d’incapacité.

[111]    Ceci semble d’autant plus vrai que la plupart des demandes de transfert total de coûts, liées principalement à l’interruption de l’assignation temporaire ou à la prolongation de la période de consolidation en raison d’une situation étrangère à l’accident du travail, surviennent fréquemment à l’extérieur de cette période d’un an puisqu’elles s’inscrivent au cours de la période d’incapacité liée à la lésion professionnelle. Il s’agit donc là d’un autre élément militant en faveur d’une interprétation selon laquelle les deux exceptions prévues au deuxième alinéa de l’article 326 de la loi visent un transfert total et non un transfert partiel.

[112]    Dans le cas à l’étude, puisqu’il ne s’agit pas d’une demande de transfert total, le tribunal en vient à la conclusion qu’il faut l’analyser en vertu du principe général d’imputation prévu au premier alinéa de l’article 326 de la loi.

(27) Précitée, note 26

 

[42]        Le soussigné souscrit entièrement à ce raisonnement et fait siennes l’analyse et les conclusions de la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Supervac 2000, ci-dessus, et, par conséquent, estime que la présente demande de l’employeur doit être analysée sous l’angle du premier alinéa de l’article 326. À cet égard, le soussigné retient également qu’une semblable analyse, menant à une conclusion identique, fut faite dans l’affaire Commission Scolaire des Samares[11], précitée.

[43]        Le soussigné considère que l’approche proposée dans l’affaire Supervac 2000, quant à l’interprétation à donner à chacun des deux premiers paragraphes de l’article 326 de la loi, permet de trouver un sens cohérent à cette disposition législative en la situant de façon comparative aux autres articles de la loi permettant à un employeur d’obtenir un partage ou un transfert de coûts qui lui sont imputés.

[44]        Cette approche a également l’avantage de proposer une solution valable à l’interprétation disparate donnée à l’article 326 (2) de la loi au fil des années, interprétation à laquelle le soussigné a lui-même contribué. En ce sens le soussigné, à des fins de cohérence jurisprudentielle, n’a donc pas d’hésitation à retenir l’approche proposée dans l’affaire Supervac 2000.

[45]        Appliquant ces principes au présent cas, le soussigné est d’avis que la requête de l’employeur doit être accueillie.

[46]        En l’espèce, la preuve disponible montre que la travailleuse a subi le 22 septembre 2011 une lésion professionnelle somme toute banale, soit une contusion costale et pulmonaire. En fait, le premier médecin consulté, le jour de l’événement accidentel, a plutôt posé le diagnostic de contusion musculaire au trapèze et indiqué au rapport médical produit que la lésion serait consolidée dès le lendemain, le 23 septembre 2011.

[47]        Quelques jours plus tard, un autre médecin constate des douleurs thoraciques post-traumatiques dans le contexte d’un trauma mineur, tel que noté à la feuille de triage. Un arrêt du travail est prescrit jusqu’au 29 septembre 2011.

[48]        Puis, le 30 septembre 2011, la travailleuse sera prise en charge par le Dr Houle qui notera alors la présence de douleurs costales gauches, maintenant l’arrêt du travail. De plus, le médecin s’interroge au sujet d’une possible fracture et c’est alors que la travailleuse est hospitalisée pour de multiples embolies pulmonaires. L’hospitalisation durera une semaine et la travailleuse débutera la prise d’une médication anticoagulante, du Coumadin, pour une durée de six mois.

[49]        De l’avis du soussigné, la suite du dossier montre indubitablement que la lésion professionnelle de la travailleuse, soit une contusion costale et pulmonaire telle que diagnostiqué par le Dr Houle le 12 octobre 2011, rentrera dans l’ordre rapidement, alors que la condition d’embolie pulmonaire dont elle a souffert à compter du 30 septembre 2011 a perduré, et ce, jusqu’au terme du traitement médicamenteux par le Coumadin, soit jusqu’au 30 mars 2012.

[50]        En effet, dès le 31 octobre 2011, le médecin traitant de la travailleuse note que celle-ci va mieux. S’il recommande alors pour la travailleuse de maintenir l’arrêt du travail jusqu’au 13 novembre 2011, le Dr Houle envisage cependant la possibilité pour celle-ci d’effectuer sous peu un retour au travail « avec restrictions ».

[51]        Puis le 16 novembre 2011, le Dr Houle pose toujours les diagnostics de contusion thoracique et pulmonaire et d’embolies pulmonaires au rapport médical produit, ajoutant que la travailleuse « est sous Coumadin ». Néanmoins, le Dr Houle détermine que la travailleuse est « apte au travail », mais qu’elle ne doit pas être exposée à des situations où un traumatisme est possible. Il évalue donc que la travailleuse ne peut reprendre son travail régulier de patrouilleur, mais qu’elle peut effectuer du « travail clérical ».

[52]        De l’avis du soussigné, la preuve démontre clairement que c’est uniquement en raison de la prise de médication Coumadin que la travailleuse ne peut reprendre son travail régulier dès ce moment, l’opinion du Dr Pantel, médecin conseil de l’employeur, allant dans ce même sens quant aux conséquences de la prise de cette médication sur l’affectation d’un policier à son travail de patrouilleur. Par ailleurs, cette médication est uniquement requise pour la condition d’embolie pulmonaire qui affecte la travailleuse depuis le 30 septembre 2011 et nullement en relation avec le diagnostic retenu pour sa lésion professionnelle, une contusion costale et pulmonaire.

[53]        En l’espèce, l’employeur invoque que les coûts imputés à son dossier après le 15 novembre 2011 doivent être retirés de son dossier justement en raison du fait qu’à son avis, la travailleuse aurait pu reprendre son travail régulier dès cette date, n’eut été la présence de l’embolie pulmonaire et la prise de médication Coumadin qui se poursuivait alors.

[54]        Le soussigné retient cet argument de l’employeur. Le tribunal est d’avis que l’ensemble du dossier montre que cette condition d’embolie pulmonaire débutée le 30 septembre 2011, combinée à la prise de médication anticoagulante, est entièrement responsable de l’absence du travail de la travailleuse, à son travail régulier, et ce, à compter non pas du 15 novembre 2011, mais bien du 16 novembre 2011.

[55]        Le tribunal retient cette dernière date puisqu’elle correspond à la date de consultation, par la travailleuse, auprès du Dr Houle, consultation à la suite de laquelle le Dr Houle s’est dit d’avis que la travailleuse était apte au travail, sous réserve des risques engendrés par la prise de la médication Coumadin pour l’accomplissement de son travail régulier.

[56]        Manifestement n’eut été la présence d’une embolie pulmonaire, la travailleuse aurait pu reprendre son travail régulier de patrouilleur dès le 16 novembre 2011. En fait, seule la prise de la médication Coumadin, requise pour cette condition d’embolie pulmonaire, a empêché le retour au travail régulier de la travailleuse. De l’avis du soussigné, l’opinion émise par le Dr Houle le 16 novembre 2011 permet clairement de tirer une telle conclusion. Le Dr Houle déclare alors que la travailleuse est « apte au travail », mais ajoute qu’elle ne doit pas être exposée à un traumatisme. Ce dernier commentaire de la part du Dr Houle est clairement attribuable à la prise de Coumadin par la travailleuse, ce qui est d’ailleurs confirmé par l’opinion du Dr Pantel, médecin conseil de l’employeur.

[57]        Ceci étant, le tribunal constate qu’il a fallu attendre au 13 janvier 2012 avant que la CSST, à la suite de l’avis de son médecin conseil, rende une décision refusant de relier l’embolie pulmonaire affectant la travailleuse depuis le 30 septembre 2011 à l’événement accidentel du 22 septembre lui ayant causé une simple contusion costale et pulmonaire, et jusqu’au 28 février 2012 pour que cette décision ne soit confirmée lors d’une révision administrative.

[58]        De même, il a fallu attendre au 15 mars 2012 pour qu’un rapport final soit produit au dossier par le médecin traitant de la travailleuse, rapport consolidant l’ensemble des pathologies diagnostiquées chez elle tout au long du dossier.

[59]        De l’avis du soussigné, dans les circonstances, il est indubitable que la CSST était bien fondée de poursuivre le versement des indemnités de remplacement du revenu à la travailleuse, encore qu’il aurait été bien sûr préférable que la décision refusant de relier l’embolie pulmonaire de la travailleuse à l’événement du 22 septembre 2011 soit rendue bien plus tôt, soit dès que ce diagnostic a été posé. Si tel avait été le cas, il est loisible de penser que le droit de la travailleuse de toucher des indemnités de remplacement du revenu aurait cessé bien plus rapidement, eu égard à l’évolution favorable de sa contusion costale et pulmonaire, puisque dès le 16 novembre 2011, le Dr Houle jugeait la travailleuse « apte au travail ».

[60]        Par ailleurs, l’employeur ne doit pas, de son côté, être pénalisé par l’évolution du dossier de la travailleuse et le soussigné est d’avis qu’il doit être donné un sens et une portée à la décision de la CSST du 13 janvier 2012 déclarant que l’embolie pulmonaire affectant la travailleuse n’est pas reliée à l’événement accidentel du 22 septembre 2011 lui ayant causé des contusions costale et pulmonaire.

[61]        En l’espèce, le soussigné en vient donc à la conclusion que les prestations imputées au dossier de l’employeur après le 16 novembre 2011 n’étaient plus « dues en raison de l’accident du travail » survenu le 22 septembre 2011 et doivent être retirées de son dossier financier.

[62]        Il en va ainsi des indemnités de remplacement du revenu versées à la travailleuse, bien que pour les motifs énoncés précédemment, celle-ci ait eu droit de toucher lesdites indemnités, après le 16 novembre 2011. Il en va également ainsi des frais d’assistance médicale dans la mesure où il peut être déterminé si ceux-ci sont en relation avec la condition d’embolie pulmonaire.

[63]        À cet égard, l’employeur n’a pas expressément fait état, à son argumentaire, de la nature desdits frais d’assistance médicale ayant été imputés à son dossier financier et, par ailleurs, la CSST, de son côté ne semble pas avoir distingué à ce jour les frais d’assistance médicale qui relèvent de la lésion professionnelle et ceux qui découlent exclusivement de la condition d’embolie pulmonaire de la travailleuse.

[64]        Dans ce contexte, le soussigné est d’avis qu’il revient à l’employeur de faire valoir à la CSST les arguments pertinents, s’il croit que des prestations d’assistance médicale attribuables à l’embolie pulmonaire de la travailleuse lui ont été imputées, et le soussigné se limitera donc à déclarer que les indemnités de remplacement du revenu versées à la travailleuse après le 16 novembre 2011, dans la mesure où celles-ci ne constituent pas des « prestations reliées à l’accident du travail subi le 22 septembre 2011» au sens de l’article 326 (1) de la loi , doivent être retirées du dossier financier de l’employeur.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de Sûreté du Québec, l’employeur, déposée le 30 janvier 2013;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 15 janvier 2013 lors d’une révision administrative;

DÉCLARE que l’employeur ne doit pas être imputé du coût de l’indemnité de remplacement du revenu versée à la travailleuse à compter du 16 novembre 2011.

 

 

_______________________________

 

Michel Watkins

 

 

 

 

Me Chantal Favreau

SÛRETÉ DU QUÉBEC (S.S.T.)

Représentante de la partie requérante

 



[1]          L.R.Q. c. A-3.001

[2]          Note du tribunal : tel qu’il appert de l’argumentation écrite produite le 28 août 2013.

[3]          Note du tribunal : tel qu’il appert de la note de l’agente Meilleur de la CSST du 18 juillet 2012.

[4]        Note du tribunal : l’employeur ne réfère pas à la notion de « prestations » et ne précise pas à son argumentaire du 28 août 2013 s’il ne réclame que le retrait de son dossier du coût des indemnités de remplacement du revenu versées à la travailleuse après le 15 novembre 2011, comme le demandait l’employeur à la demande produite à la CSST le 24 août 2012. Par ailleurs, le tribunal ignore si des frais d’assistance médicale requis pour la condition personnelle d’embolie pulmonaire de la travailleuse ont été imputés ou non par la CSST au dossier de l’employeur.

[5]        Note du tribunal : un trop-perçu a été créé pour les indemnités de remplacement du revenu versées entre le 16 mars et le 2 avril 2012; voir le paragraphe 22 de la présente décision et la note 3, supra.

[6]        C.L.P. 508845-62A-1304, 5 novembre 2013, C. Burdett; voir aussi : Centre de santé et de service sociaux de Rivière-du-Loup, C.L.P. 476342-01A-1207, 23 octobre 2013, M. Séguin, requête en révision pendante.

[7]        C.L.P. 502872-03B-1302, 28 octobre 2013, A. Quigley, requête en révision judiciaire pendante; voir également : Centre d’éveil Devenir Grand, C.L.P. 489177-07-1212, 12 novembre 2013, S. Séguin.

[8]        Note du tribunal : paragraphes 57 à 73 de la décision. Voir également à ce propos l’affaire Commission Scolaire des Samares, 2013 QCCLP 4572, citée avec approbation dans l’affaire Supervac 2000.

[9]        Voir notamment : Hôpital Laval et CSST, C.A.L.P. 76351-03-9601, 10 octobre 1997, B. Roy; Ballin inc., C.L.P. 176607-62B-0201, 11 octobre 2002, Y. Ostiguy; Les Industries Maibec inc., C.L.P. 257704-03B-0503, 6 janvier 2007, M. Cusson; Provigo (Division Montréal Détail), C.L.P. 281311-03B-0602, 20 septembre 2007, R. Savard ; Bois et Placages Généraux ltée, C.L.P. 358267-62-0809, 27 avril 2009, R. L. Beaudoin.

[10]       Groupe Admari inc. et CSST, C.L.P. 178321-01A-0202, 31 mars 2003, L. Desbois; Les Systèmes Erin ltée, C.L.P. 195814-01A-0211, 29 décembre 2005, L. Desbois; Hôpital Laval, C.L.P. 356825-31-0808, 15 janvier 2009, M. Beaudoin; Centre de Santé Orléans, C.L.P. 368396-31-0901, 19 juin 2009, C. Lessard; J.M. Bouchard & Fils inc., précitée, note 5 ; Les Serres Serge Lacoste inc., 2012 QCCLP 5308; Productions forestières Berscifor inc. (Scierie), 2013 QCCLP 926.

[11]         Supra note 8.

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