Décision

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Lévesque c. Vidéotron, s.e.n.c.

2013 QCCS 3868

JH5181

 
 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

N° :

500-06-000613-121

 

 

 

DATE :

18 juillet 2013

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

CAROLE HALLÉE, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

RAYMOND LÉVESQUE

Requérant

c.

VIDÉOTRON S.E.N.C.

et

VIDÉOTRON LIMITÉE

et

9227-2590 QUÉBEC INC.

Intimées

 

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]              Le requérant, Raymond Lévesque, « Lévesque[1] » demande l’autorisation d’exercer un recours collectif contre Vidéotron S.E.N.C., Vidéotron limitée et 9227-2590 Québec inc., « Vidéotron », concernant la période de location de certains contenus, lesquels seraient inférieurs à 24 heures.

1.     LA REQUÊTE EN AUTORISATION

[2]              Le  3 février 2012 , Lévesque signifie à Vidéotron une requête pour autorisation d’exercer un recours collectif et se voir attribuer le statut de représentant pour le compte de toutes les personnes faisant partie du groupe, « le Groupe » :

« Toutes les personnes physiques qui sont ou étaient abonnées aux services de télédistribution numérique offerts par les intimées et qui utilisent ou utilisaient le service illico sur demande (ci-après appelé le « canal 900 ») et qui ont commandé au moins une fois du contenu payant sous la rubrique "Films pour adultes, Torride" depuis le 1er février 2009. »

[3]              Le 7 février 2013, Lévesque signifie une requête pour permission d’amender la requête pour autorisation d’exercer un recours collectif, laquelle a été accueillie de consentement. Le Groupe se définit ainsi :

« Toutes les personnes physiques qui sont ou étaient abonnées aux services de télédistribution numérique offerts par les Intimées :

§   qui utilisent ou utilisaient le service Illico sur demande (ci-après appelé le « canal 900 ») et qui ont commandé au moins une fois du contenu payant sous la rubrique « Films pour adultes, Torride » depuis le 1er février 2009 ou depuis la date effective à laquelle il y a eu diminution de la durée de location de vingt-quatre (24) heures, si postérieure au 1er février 2009. »

[4]              Lévesque allègue que la période de location du contenu payant, sous la rubrique « Films pour adultes, Torride », était auparavant de 24 heures, de sorte qu’il louait ce type de contenu à une heure qui lui permettait de le visionner à nouveau, à l’intérieur de cette période de location de 24 heures, sans frais supplémentaires.

[5]              Lévesque soutient que Vidéotron a réduit sans aucun avertissement la durée de location du contenu sous cette rubrique, alors que ses capsules publicitaires continuaient de laisser croire que la durée de location de 24 heures s’appliquait à tout type de contenu sans distinction.

[6]              Lévesque demande par jugement final :

Ø la résiliation et le remboursement des commandes de contenu classé sous la rubrique « Films pour adultes, Torride » effectuées depuis le 1er février 2009 ou depuis la date effective à laquelle il y a eu diminution de la durée de location de vingt-quatre (24) heures, si postérieure au 1er février 2009;

Ø subsidiairement à la résiliation des commandes, le remboursement proportionnel aux heures de location manquantes par opposition à celles annoncées;

Ø une condamnation de Vidéotron à payer à chacun des membres du Groupe des dommages moraux établis en fonction des paramètres décidés par la Cour;

Ø une condamnation de Vidéotron à payer au Requérant et aux membres du Groupe une somme de 5 000 000 $ à titre de dommages punitifs.

2.     LE CONTEXTE

[7]              Lévesque est abonné aux services de télédistribution numérique de Vidéotron depuis plusieurs années. Il syntonise régulièrement le canal 900 et a souvent commandé du contenu classé sous la rubrique « Films pour adultes, Torride ».

[8]              Il soutient que la période de location de ce type de contenu était de 24 heures, comme pour n’importe lequel type de contenu.

[9]              Il allègue que ce n’est plus le cas puisque Vidéotron aurait réduit sans aucun avertissement la durée de location du contenu sous cette rubrique, alors que ses capsules publicitaires continuaient de laisser croire que la durée de location de 24 heures s’applique à tout type de contenu sans distinction.

[10]           Mécontent de ce changement qu’il avait d’abord cru être une erreur, Lévesque a tenté d’y trouver une explication par lui-même n’osant pas s’adresser directement à Vidéotron.

[11]           C’est dans ce contexte que Lévesque a constaté que l’interface du canal 900 affiche maintenant des périodes de location plus courtes pour le contenu classé sous la rubrique « Films pour adultes, Torride ».

[12]           Les durées de location répertoriées par Lévesque varieraient entre 9 heures et 18 heures pour un film standard et cette durée serait réduite à trois heures pour les bandes-annonces.

[13]           Seuls les forfaits « super nuit » possèdent une durée de location de 24 heures, moyennant le paiement de frais de 17,99 $ et plus.

[14]           Lévesque n’est pas en mesure d’affirmer depuis quand cette information est affichée à l’interface du canal 900, mais déclare dans son recours introductif qu’elle s’affiche uniquement lorsque des chemins précis de commande sont empruntés.

[15]           En effet, un abonné peut emprunter plusieurs chemins sur l’interface du canal 900 pour atteindre la page de confirmation de sa commande.

[16]           Tous les chemins parviennent à la page de confirmation où il est offert à l’abonné de « Démarrer la location », en contrepartie de quoi des frais de location sont facturés sans possibilité de retour en arrière.

[17]           Selon Lévesque, l’information relative à la durée de location n’apparaît qu’au chemin comportant le plus grand nombre d’étapes de sélection.

[18]           Or, Lévesque n’empruntait pas toujours ces chemins de commande pour sa location de "Films pour adultes, Torride" et prenait parfois le chemin plus court.

[19]           Il soutient que la durée de location de 24 heures était un élément important pour lui.

[20]           Lévesque écrit dans sa requête que s’il avait été informé préalablement à chacune de ses commandes de contenu sous la rubrique « Films pour adultes, Torride » de la durée de location inférieure à 24 heures qui y était applicable, il n’aurait tout simplement pas commandé ce type de contenu ou aurait contracté selon des termes différents.

[21]           Lévesque a cessé de commander ce type de contenu.

3.     LE DROIT APPLICABLE AU RECOURS COLLECTIF PROPOSÉ

[22]           Les dispositions suivantes de la Loi sur la protection du consommateur, « LPC », et du Code civil du Québec sont pertinentes au présent recours.

Loi sur la protection du consommateur[2]

 

41.     Un bien ou un service fourni doit être conforme à une déclaration ou à un message publicitaire faits à son sujet par le commerçant ou le fabricant. Une déclaration ou un message publicitaire lie ce commerçant ou ce fabricant.

 

219.   Aucun commerçant, fabricant ou publicitaire ne peut, par quelque moyen que ce soit, faire une représentation fausse ou trompeuse à un consommateur.

 

228.   Aucun commerçant, fabricant ou publicitaire ne peut, dans une représentation qu'il fait à un consommateur, passer sous silence un fait important.

 

272.   Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l’article 314 ou dont l’application a été étendue par un décret pris en vertu de l’article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas :

 

a)         l’exécution de l’obligation;

b)         l’autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant ou du             fabricant;

c)          la réduction de son obligation;

d)         la résiliation du contrat;

e)         la résolution du contrat; ou

f)           la nullité du contrat,

 

Sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs. 

 

Code civil du Québec

 

1400. L'erreur vicie le consentement des parties ou de l'une d'elles lorsqu'elle porte sur la nature du contrat, sur l'objet de la prestation ou, encore, sur tout élément essentiel qui a déterminé le consentement.

 

L'erreur inexcusable ne constitue pas un vice de consentement.

 

1401. L'erreur d'une partie, provoquée par le dol de l'autre partie ou à la connaissance de celle-ci, vicie le consentement dans tous les cas où, sans cela, la partie n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions différentes.

 

Le dol peut résulter du silence ou d'une réticence.

 

1407. Celui dont le consentement est vicié a le droit de demander la nullité du contrat; en cas d'erreur provoquée par le dol, de crainte ou de lésion, il peut demander, outre la nullité, des dommages-intérêts ou encore, s'il préfère que le contrat soit maintenu, demander une réduction de son obligation équivalente aux dommages-intérêts qu'il eût été justifié de réclamer.

4.     ANALYSE

       Les conditions d’autorisation

[23]           Les conditions applicables à l’étape de l’autorisation d’un recours collectif sont énoncées à l’article 1003 C.p.c. :

1003. Le tribunal autorise l'exercice du recours collectif et attribue le statut de représentant au membre qu'il désigne s'il est d'avis que:

 a) les recours des membres soulèvent des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes;

 b) les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées;

 c) la composition du groupe rend difficile ou peu pratique l'application des articles 59 ou 67; et que

 d) le membre auquel il entend attribuer le statut de représentant est en mesure d'assurer une représentation adéquate des membres.

[24]           Ces conditions sont cumulatives et le défaut de satisfaire à l’une d’entre elles entraîne le rejet de la requête[3].

[25]           L’Honorable Manon Savard, alors qu’elle était juge à la Cour supérieure, résumait ainsi les paramètres qui encadrent le rôle du Tribunal au stade de l’autorisation :

« (…)

[38]    Le processus d'autorisation du recours collectif est un mécanisme de filtrage[4] et de vérification visant à écarter les recours frivoles ou simplement inappropriés. C'est à l'étape de l'examen de chacune de ces conditions que le tribunal exerce sa discrétion afin de s'assurer que le recours collectif est le véhicule procédural approprié dans les circonstances du dossier soumis[5]. (…) »[6].

[26]           Vidéotron plaide que ce recours ne devrait pas être autorisé puisque les conditions requises à l’article 1003 C.p.c. ne sont pas satisfaites et plus particulièrement, en ce que la requête ne soulève aucune apparence sérieuse de droit.

[27]           Le Tribunal tient à préciser que Vidéotron a longuement plaidé, invoquant plusieurs arguments pour lesquels ce recours ne devrait pas être autorisé.

[28]           Or, Lévesque n’a pas répondu auxdits arguments. Bien que son plan d’argumentation réfère à la jurisprudence actuelle en matière d’autorisation de recours collectif, son analyse factuelle était peu explicite en regard des autorités et des conditions requises à l’autorisation du présent recours.

4.1  Les faits allégués paraissent-ils justifier les conclusions recherchées (art. 1003 b) C.p.c.)?

[29]           Cette condition prévue à l’article 1003 b) C.p.c. est ainsi énoncée :

1003. Le tribunal autorise l'exercice du recours collectif et attribue le statut de représentant au membre qu'il désigne s'il est d'avis que:

(…)

 b) les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées;

[30]           La Cour d’appel[7] nous enseigne qu’à l’étape de l’autorisation, le juge n’a pas à trancher le fond du litige, mais uniquement à s’assurer du sérieux prima facie du syllogisme juridique proposé.

[31]           La Cour d’appel a ainsi clairement établi les balises du test pour satisfaire les conditions de l’article 1003 b) C.p.c. :

« (…)

À moins de convenir que la demande à sa face même est frivole, manifestement vouée à l’échec ou encore que les allégations de faits sont insuffisantes ou qu’il soit « incontestable » que le droit invoqué est mal fondé, il me paraît, outre ces circonstances, qu’il n’est pas souhaitable en début d’analyse de décider de la valeur absolue d’un tel moyen de défense[8].(…)»

[32]        La difficulté de la preuve au fond ne peut constituer un motif de refus. Si les faits allégués établissent une apparence sérieuse de droit, l'autorisation doit être accordée.

[33]           La Cour suprême[9] rappelle par ailleurs que le recours collectif est un simple véhicule procédural et à ce titre, il ne peut en aucun cas affecter les droits substantiels des parties, ni justifier l’exercice d’un recours autrement sans fondement :

« (…)

52.     Notre Cour a affirmé à plusieurs reprises que le recours collectif ne constitue qu’un moyen procédural et que son utilisation n’a pas pour effet de modifier les règles de fond applicables au recours individuel (Bisaillon c. Université Concordia, 2006 CSC 19, [2006] 1 R.C.S. 666, par. 17; Dell Computer Corp. c. Union des consommateurs, 2007 CSC 34, [2007] 2 R.C.S. 801, par. 105-108; Ciment du Saint-Laurent, par. 111).  En d’autres termes, on ne peut s’autoriser du mécanisme du recours collectif pour suppléer à l’absence d’un des éléments constitutifs du droit d’action. Le recours collectif ne pourra réussir que si chacune des réclamations prises individuellement justifiait le recours aux tribunaux.(…) ».

[34]           Ainsi, l’autorisation est plus qu’une simple formalité.

[35]           Par ailleurs, le Tribunal jouit d’une discrétion qu’il doit exercer judiciairement tenant compte de la règle de la proportionnalité prévue à l’article 4.2 C.p.c.

[36]           Bien que cet article n’ait pas pour effet d’ajouter une condition prévue à l’article 1003 C.p.c., la Cour suprême sous la plume de la juge Marie Deschamps écrivait :

« (…)

[84]    Bien que je conclue que l’adoption de l’art. 4.2 C.p.c. n’a eu pour effet ni d’ajouter une condition à celles prévues par l’art. 1003 C.p.c., ni d’obliger le demandeur à démontrer que la procédure collective constituait le meilleur moyen de régler les questions communes, cela ne signifie pas pour autant que le principe de la proportionnalité n’a pas d’application en matière de recours collectif, au contraire. En effet, je crois qu’une interprétation mettant en valeur le rôle de gestionnaire du juge dans l’évaluation des quatre conditions de l’art. 1003 permet de donner tout son poids au principe de la proportionnalité.

[85]    Ainsi, en droit québécois, l’effet du principe de la proportionnalité sur l’art. 1003 C.p.c. concrétise et renforce la marge d’appréciation déjà reconnue au juge dans l’examen de chacune des quatre conditions d’autorisation du recours collectif. C’est dans ce contexte que ce principe est appliqué (voir Brito c. Pfizer Canada inc., 2008 QCCS 2231, [2008] R.J.Q. 1420, par. 47, la juge Grenier; Option Consommateurs c. Infineon Technologies AG, 2008 QCCS 2781, [2008] R.J.Q. 1694, par. 210-213, le juge Mongeau). Dans chaque cas, le tribunal doit analyser le libellé particulier de l’art. 1003 C.p.c., ce que n’a pas fait en l’espèce la Cour supérieure en raison de son interprétation des arrêts de la Cour d’appel en matière d’annulation de règlements municipaux. Pour sa part, la Cour d’appel a esquissé une analyse de l’al. 1003c) C.p.c., mais elle a rapidement conclu que la procédure collective était inutile du fait que le jugement sur l’action en nullité vaudrait pour tous les membres.  J’estime qu’une analyse plus complète s’impose. (…) »[10]

(Le Tribunal souligne)


[37]           Tant la Cour d’appel[11] que la Cour suprême[12] affirment que l’utilisation d’un recours collectif peut entraîner des coûts importants et être une source de complication et même d’injustice. Pour cette raison, le recours collectif ne doit pas être intenté à la légère et ne doit pas être autorisé s’il est inapproprié ou inopportun.

[38]           Ainsi, le recours collectif n’existe pas sur une base collective. L’évaluation des critères de l’article 1003 C.p.c. doit donc se faire à la lumière du seul cas dont le Tribunal est informé, soit celui de Lévesque.

[39]           La Cour d’appel, dans l’affaire Harmegnies[13], rappelle que même si le requérant n’a qu’un fardeau de démonstration, il doit néanmoins formuler des allégations suffisamment précises pour permettre au Tribunal de déterminer s’il existe une apparence sérieuse de droit.

[40]           Lévesque allègue que s’il avait été informé préalablement à chacune de ses commandes de produit sous la rubrique « Films pour adultes, Torride » que celui-ci était disponible pour une durée inférieure à 24 heures, il n’aurait tout simplement pas commandé ce type de contenu ou aurait contracté selon des termes différents.

[41]           Il fonde son recours sur deux (2) causes d’actions distinctes :

Ø  Des contraventions à la Loi sur la protection du consommateur :

§   Article 41 de la LPC : Obligation de conformité entre le bien ou le service et le message publicitaire;

§   Article 219 de la LPC : Interdiction de représentations fausses ou trompeuses;

§   Article 228 de la LPC: Interdiction de passer sous silence un fait important.

Ø  L’erreur provoquée par le dol (article 1401 C.c.Q.)

[42]           L’article 272 de la LPC prévoit que Lévesque peut entamer un recours civil pour violation desdits articles.

[43]           Or, Vidéotron soutient que la LPC ne peut servir d’assise au recours personnel de Lévesque car :


1.  La Requête est silencieuse relativement à plusieurs conditions d’ouverture du recours prévues à l’article 272 de la LPC; et

2.   les faits allégués ne peuvent justifier les conclusions recherchées.

                 i.       La fausse représentation (art. 219 de la LPC) et l’omission de divulguer un fait important (art. 228 de la LPC)

[44]           La fausse représentation et l’omission de divulguer un fait important constituent toutes deux une pratique interdite, lesquelles peuvent faire naître une présomption absolue de préjudice qui permettra au consommateur de demander l’une des mesures de réparation contractuelles prévues à l’article 272 de la LPC.

[45]           Pour qu’une telle présomption existe, la Cour suprême, sous la plume des juges LeBel et Cromwell, écrit que quatre conditions doivent être rencontrées :

(1)    La violation par le commerçant ou le fabricant d’une des obligations imposées par le titre II de la LPC;

(2)    La prise de connaissance de la représentation constituant une pratique interdite par le consommateur;

(3)    La formation, la modification ou l’exécution d’un contrat de consommation subséquente à cette prise de connaissance, et

(4)    Une proximité suffisante entre le contenu de la représentation et le bien ou le service visé par le contrat[14].

[46]           Ils s’expriment ainsi[15] :

[124]  L’application de la présomption absolue de préjudice présuppose qu’un lien rationnel existe entre la pratique interdite et la relation contractuelle régie par la loi. Il importe donc de préciser les conditions d’application de cette présomption dans le contexte de la commission d’une pratique interdite. À notre avis, le consommateur qui souhaite bénéficier de cette présomption doit prouver les éléments suivant : (1) la violation par le commerçant ou le fabricant d’une des obligations imposées par le titre II de la loi; (2) la prise de connaissance de la représentation constituant une pratique interdite par le consommateur; (3) la formation, la modification ou l’exécution d’un contrat de consommation subséquente à cette prise de connaissance, et (4) une proximité suffisante entre le contenu de la représentation et le bien ou le service visé par le contrat. Selon ce dernier critère, la pratique interdite doit être susceptible d’influer sur le comportement adopté par le consommateur relativement à la formation, à la modification ou à l’exécution du contrat de consommation. Lorsque ces quatre éléments sont établis, les tribunaux peuvent conclure que la pratique interdite est réputée avoir eu un effet dolosif sur le consommateur.  Dans un tel cas, le contrat formé, modifié ou exécuté constitue, en soi, un préjudice subi par le consommateur. L’application de cette présomption lui permet ainsi de demander, selon les mêmes modalités que celles décrites ci-dessus, l’une des mesures de réparation contractuelles prévues à l’art. 272 L.p.c.

(Le Tribunal souligne)

(1)     La violation par le commerçant ou le fabricant d’une des obligations imposées par le titre II de la LPC

[47]           Lévesque allègue que la durée de location constitue un fait important et que s’il avait été informé de la durée réelle pendant laquelle le film était disponible, il n’aurait pas commandé ce type de contenu ou aurait contracté selon des termes différents.

[48]           Vidéotron soutient que la durée pendant laquelle les produits contenus sous la rubrique « Films pour adultes, Torride » sont disponibles n’est pas de nature à influer sur la décision de contracter.

(2) La prise de connaissance de la représentation constituant une pratique interdite par le consommateur

[49]           Le Tribunal constate que Lévesque n’avait aucunement allégué dans son recours introductif avoir pris connaissance d’une représentation constituant la supposée pratique interdite de Vidéotron, pas plus qu’il n’a déposé en preuve la présentation précise et spécifique sur laquelle il s’était fondé.

[50]           Or, en prévision de l’audience de la requête pour autorisation du recours collectif et suite à la réception, par le procureur du requérant, du plan d’argumentation de Vidéotron, ce dernier a amendé le matin de l’audition de la requête en autorisation, les paragraphes 33-A et 33-B, lesquels se lisent comme suit :

« (…)

33-A     Pendant tout le temps pertinent aux présentes, le Requérant a pris connaissance à plus d'une occasion de la publicité de Vidéotron à l'effet que la durée de location de tous les films sur le canal Illico était de 24 heures;

33-B     Avant que le Requérant fasse la découverte décrite au paragraphe 33, il ne portait guère d'attention à cette publicité parce qu'elle ne faisait que confirmer que toutes ses locations étaient pour une durée de 24 heures; (…) »

[51]           Malgré ces amendements, Vidéotron plaide que la requête est muette quant au contexte dans lequel les pièces R-7 « Transcription textuelle d’un message publicitaire de Vidéotron relatif à son service de télédistribution numérique » et R-8 « Guides de l’utilisateur pour terminal numérique standard ou haute définition recensés et en vigueur pour la période pertinente au litige» auraient été préparées et seraient utilisées par Vidéotron. Quant au guide, on ne sait pas à quand remonte sa publication.

(3)  La formation, la modification ou l’exécution d’un contrat de consommation subséquente à cette prise de connaissance

[52]           Lévesque n’allègue pas avoir commandé un produit contenu sous la rubrique « Films pour adultes, Torride » après avoir pris connaissance de cette représentation faite par Vidéotron. Vidéotron soutient donc que le troisième critère n’est pas rencontré en l’espèce.

(4)  Une proximité suffisante entre le contenu de la représentation et le bien ou le service visé par le contrat

[53]           Vidéotron soutient que les allégations de la requête de Lévesque ne démontrent pas prima facie qu’une pratique interdite aurait influé sur son comportement relativement à la commande d’un produit contenu sous la rubrique « Films pour adultes, Torride ».

[54]           Vidéotron plaide que la durée pendant laquelle le produit est mis à la disposition de l’utilisateur est secondaire à l’objet du contrat liant les parties. La durée n’a aucun impact sur la capacité du produit ou du service d’être utilisé conformément à sa destination initiale.

[55]           Vidéotron conclut qu’elle a respecté son obligation de fournir un contenu spécifique à Lévesque pour son visionnement complet, ce qui est l’essence même du contrat convenu. Lévesque n’avance aucun fait spécifique permettant de justifier les conclusions recherchées quant aux articles 219 et 228 de la LPC.

L’obligation de conformité (art. 41 de la LPC)

[56]           Pour que le recours collectif soit autorisé, Vidéotron plaide que Lévesque devait démonter prima facie l’existence d’une violation à l’article 41 de la LPC. Or, l’obligation de conformité ne concerne que les représentations qui ont influencé la prise de décision du consommateur.

[57]           Vidéotron soutient que Lévesque n’a pas démontré que la durée pendant laquelle le contenu de la rubrique « Films pour adultes, Torride » était disponible pouvait avoir influencé sa prise de décision.

               ii.       Article 1401 C.c.Q.

[58]           Pour qu’il y ait dol, trois conditions s’imposent : 1) l’existence d’une erreur; 2) le fait que l’erreur a été causée par le dol de Vidéotron ou à sa connaissance; et enfin, 3) le fait que, n’eût été ce dol, Lévesque n’aurait pas contracté à ces conditions.

[59]           Vidéotron soutient qu’aucun fait allégué à la requête et aucun élément de preuve présenté ne permettent, même prima facie, de conclure au respect de ces trois critères. Lévesque n’a à aucun moment prétendu avoir été induit en erreur par une quelconque représentation de Vidéotron de telle sorte que n’eût été cette représentation, celui-ci n’aurait pas commandé le contenu sous la rubrique « Films pour adultes, Torride ». Une telle lacune serait fatale à son recours.

[60]           Lévesque allègue avoir subi des dommages moraux reliés au mécontentement et à l’embarras. Il prétend s’être senti floué. Il se plaint d’avoir dû téléphoner à Vidéotron et sortir de l’anonymat pour faire valoir ses droits.

[61]           Vidéotron plaide que de tels sentiments subjectifs ne sauraient constituer un préjudice direct découlant du dol s’il en était de Vidéotron et surtout, ils ne sauraient faire l’objet d’un recours collectif. Ses dommages, s’ils en sont, sont personnels et subjectifs.

Les faits allégués justifient les conclusions recherchées:

[62]           Certes, les arguments de Vidéotron sont non négligeables. Cependant, ils relèvent du fond du dossier. Au stade de l’autorisation, le Tribunal doit s’assurer du sérieux prima facie du syllogisme juridique proposé par le requérant et n’a pas à évaluer les risques et les écueils qui guettent le requérant[16].

[63]           Les faits tenus pour avérés paraissent prima facie justifier les conclusions recherchées puisque les membres du Groupe auraient été induits en erreur par l’emphase que Vidéotron met dans sa publicité sur la durée de location.

[64]           Considérant que le fardeau du requérant à l’étape de l’autorisation en est un de démonstration et non de preuve, les allégations de la requête pour autorisation amendée et les pièces à son soutien font ressortir une apparence de droit donnant ouverture à la responsabilité possible de l’intimée pour les dommages réclamés.

[65]           Cette condition énoncée à l’article 1003 b) est satisfaite.

4.2  Le recours de Lévesque soulève-t-il des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes (art. 1003 a) C.p.c.)?

[66]           Cette condition prévue à l’article 1003 a) C.p.c. est ainsi énoncée :

1003. Le tribunal autorise l'exercice du recours collectif et attribue le statut de représentant au membre qu'il désigne s'il est d'avis que:

 a) les recours des membres soulèvent des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes;

[67]           Au paragraphe 123 de sa requête amendée pour autorisation, Lévesque énonce les questions de fait et de droit identiques, similaires ou connexes reliant chaque membre du groupe comme suit :

« (…)

§  Vidéotron a-t-elle diffusé des messages publicitaires non conformes à ses services en contravention à l'article 41 LPC;

§  Les représentations faites par Vidéotron au sujet de la durée de location du contenu classé sous la rubrique « Films pour adultes, Torride » sont-elles fausses ou trompeuses en contravention à l'article 219 LPC;

§  Vidéotron a-t-elle passé sous silence un fait important en ne mentionnant pas dans ses messages publicitaires que la durée de location du contenu classé sous la rubrique « Fils pour adultes, Torride » n'était pas de 24 heures et pouvait varier, le tout en contravention à l'article 228 LPC;

§  Les agissements de Vidéotron constituent-ils du dol ayant eu pour effet de vicier le consentement du requérant et des membres du Groupe au sens des articles 1400 et 1401 C.c.Q.;

Dans l'affirmative à l'une ou l'autre de ces questions et en vertu de l'article 272 LPC ou de l'article 1407 C.c.Q.:

§  Le requérant et les membres du Groupe ont-ils droit à la résiliation de leurs commandes de contenu classé sous la rubrique « Films pour adultes, Torride » et subsidiairement à une réduction de leurs obligations pour le contenu commandé sous cette rubrique? Dans l'affirmative, de quelle façon ces dommages doivent-ils être calculés?

§  Le requérant et les membres du Groupe ont-ils droit à des dommages moraux et dans l'affirmative, de quelle façon ces dommages doivent-ils être calculés?

§  Le requérant et les membres du Groupe ont-ils droit à des dommages punitifs et dans l'affirmative, quel montant doit leur être octroyé à ce titre?

§  Les questions de faits et de droit particulières à chacun des membres du Groupe consistent à déterminer le quantum de la réclamation de chacun des membres du Groupe;

§  La nature du recours que le requérant entend exercer pour le compte des membres du Groupe est une action en dommages et intérêts, en résiliation ou subsidiairement en réduction des obligations; (…) »

[68]           La Cour suprême mentionne qu’une question identique, similaire ou connexe :

« (…)

Ø  est nécessaire pour le règlement des demandes de chaque membre du groupe;

Ø  est un élément important des demandes de chaque membre du groupe;

Ø  permet d'éviter la répétition de l'appréciation des faits ou de l'analyse juridique;

Ø  entraîne le succès de tous les membres du groupe, même si chaque membre n'en bénéficie pas de la même mesure (…) »[17].

[69]           Pour être commune, une question doit avoir un effet significatif sur le sort des réclamations de chacun des membres du Groupe. Ainsi, le Tribunal doit déterminer si une partie importante du litige sera réglée après avoir répondu de façon commune aux questions.

[70]           Vidéotron plaide que des éléments essentiels du recours entrepris en vertu des articles 41, 119 et 228 de la LPC et 1400 et 1401 C.c.Q. requièrent une analyse individuelle de la situation particulière de chaque membre. Vidéotron soutient donc que les questions communes du présent recours, s’il devait être autorisé, seraient noyées dans une mer de questions individuelles.

[71]           Vidéotron conclut que la situation de chacun des membres pourrait varier fortement. Le succès de Lévesque ne signifierait donc pas nécessairement le succès de tous les membres du Groupe.

[72]           Pour Vidéotron, seules deux questions pourraient être traitées collectivement :

(1)     Les représentations faites par Vidéotron au sujet de la durée de location du contenu classé sous la rubrique « Films pour adultes, Torride » sont-elles fausses ou trompeuses en contravention à l’article 219 de la LPC?

(2)     Vidéotron a-t-elle passé sous silence un fait important en ne mentionnant pas dans ses messages publicitaires que la durée de location du contenu classé sous la rubrique « Films pour adultes, Torride » n’était pas de 24 heures et pouvait varier, le tout en contravention de l’article 228 de la LPC?

[73]           Lévesque soutient que les membres du Groupe ont tous été victimes de fausses représentations de Vidéotron, par divers messages publicitaires quant à la durée de location du bien qu’ils ont commandé. Il plaide au contraire que les questions de droit et de fait soulevées par ce recours sont identiques pour l’ensemble de ses membres.

[74]           Il est vrai que toutes les questions de droit ou de fait n’ont pas à être identiques, similaires ou connexes, ni même que la majorité d’entre elles doivent l’être pour satisfaire au paragraphe 1003 a) C.p.c. Cet article n’exige pas non plus qu’il y ait prédominance mathématique de questions communes.

[75]           Même si la situation concrète de chacun des membres d’un Groupe ou de sous-groupes peut laisser apparaître un certain degré de diversité ou d’individualité, notamment dans les circonstances entourant le quantum réclamé par chacun des membres, le recours collectif peut être autorisé.

[76]        La Cour d’appel a confirmé ces principes dans un arrêt récent concernant des soins prodigués à des patients souffrant de problèmes de santé mentale :

« (…)

Or, la seule présence d’une question de droit commune, connexe ou similaire est suffisante pour satisfaire la condition à l’article 1003 a) C.p.c. si elle n’est pas insignifiante sur le sort du recours; elle n’a cependant pas à être déterminante pour la solution du litige : Comité d’environnement de la Baie inc. c. Société de l’électrolyse et de chimie de l’Alcan ltée, [1990] R.J.Q. 655 (C.A.), paragr. 22 et 23. Il suffit en fait qu’elle permette l’avancement des réclamations sans une répétition de l’analyse juridique (Pierre-Claude Lafond, Le recours collectif, le rôle du juge et sa conception de la justice, Cowansville, Yvon Blais, 2006, p. 92; Western Canadian Shopping Centres inc. c. Dutton, [2001] 2 R.C.S. 534, paragr. 39).

Il est fort possible que la détermination des questions communes ne constitue pas une résolution complète du litige, mais qu’elle donne plutôt lieu à des petits procès à l’étape du règlement individuel des réclamations. Cela ne fait pas obstacle à un recours collectif. Le professeur Lafond, précité, écrit aux pages 88-89 :

L’existence de différences entre les réclamations des membres et l’éventuelle nécessité pour chacun de prouver les dommages personnels subis ne font plus obstacles au recours collectif. Comme l’énonce avec pragmatisme un magistrat : « Advenant une condamnation pécuniaire, il faudrait tout au plus s’astreindre à d’inévitables travaux comptables[18].(…)»

[77]           Bien que certaines questions individuelles demeureront, les questions suivantes sont clairement communes, similaires et connexes à chacun des membres du Groupe :

§    Vidéotron a-t-elle diffusé des messages publicitaires non conformes à ses services en contravention à l’article 41 LPC ?

§    Les représentations faites par Vidéotron au sujet de la durée de location du contenu classé sous la rubrique « Films pour adultes, Torride » sont-elles fausses ou trompeuses en contravention à l’article 219 LPC ?

§    Vidéotron a-t-elle passé sous silence un fait important en ne mentionnant pas dans ses  messages publicitaires que la durée de location du contenu classé sous la rubrique « Films pour adultes, Torride » n’était pas de 24 heures et pouvait varier, le tout en contravention à l’article 228 LPC?

§    Les agissements de Vidéotron constituent-ils du dol ayant eu pour effet de vicier le consentement du requérant et des membres du Groupe au sens des articles 1400 et 1401 C.c.Q.?

[78]           À tout événement, la présence d’une seule question de droit commune est suffisante pour satisfaire la condition de 1003 a) C.p.c., pour autant qu’elle ne soit pas insignifiante et qu’elle fasse avancer les réclamations sans une répétition de l’analyse juridique[19].

[79]           Le Tribunal conclut que la condition énoncée au paragraphe 1003 a) C.p.c. est satisfaite.

4.3  La composition du Groupe (art. 1003 c) C.p.c.)

[80]           Cette condition prévue à l’article 1003 c) C.p.c. est ainsi énoncée :

1003. Le tribunal autorise l'exercice du recours collectif et attribue le statut de représentant au membre qu'il désigne s'il est d'avis que:

(…)

 c) la composition du groupe rend difficile ou peu pratique l'application des articles 59 ou 67; et que

[81]           Cette condition n'exige nullement que l'application des articles 59 ou 67 C.c.Q. soit impossible, mais plutôt que leur application soit tout simplement peu pratique ou difficile. Le nombre élevé de membres potentiels ainsi que la modicité de la réclamation de chacun constituent des facteurs à considérer à cet égard.

[82]           Cette condition doit être interprétée de façon à donner à la procédure en recours collectif son plein effet, soit de permettre la représentation d’un très grand nombre de personnes dans une seule procédure.

[83]           Le requérant doit fournir un minimum d’information sur la taille et les caractéristiques essentielles du groupe pour permettre au Tribunal de vérifier l’application des articles 59 et 67 C.p.c.[20] .

[84]           Lévesque plaide que le service de télédistribution de Vidéotron comptait 1 844 200 abonnés au 30 septembre 2011 et qu’il est raisonnable d’avancer que ce nombre d’abonnés est similaire à celui des trois (3) dernières années.

[85]           Lévesque peut vraisemblablement présumer que d’autres abonnés se retrouvent ou se sont retrouvés dans la même situation que lui. Ainsi, le nombre élevé de membres potentiels et la valeur des réclamations individuelles de chacun rend difficile ou peu pratique l’application des articles 59 ou 67 C.p.c.

[86]           Cette condition énoncée à l’article 1003 c) est satisfaite.

4.4  Le requérant est-il en mesure d’assurer une représentation adéquate des membres (art. 1003 d) C.p.c.)?

[87]           Cette quatrième condition est ainsi libellée :

1003. Le tribunal autorise l'exercice du recours collectif et attribue le statut de représentant au membre qu'il désigne s'il est d'avis que:

(…)

 d) le membre auquel il entend attribuer le statut de représentant est en mesure d'assurer une représentation adéquate des membres.

[88]           Lévesque doit démontrer avoir la capacité d’assurer une représentation adéquate de l’ensemble du Groupe lésé.

[89]           La capacité du requérant s'examine à la lumière des trois critères suivants :

Ø  l'intérêt à poursuivre;

Ø  l'absence de conflit avec les membres du groupe; et

Ø  sa compétence[21].

[90]           La Cour suprême du Canada a abordé ainsi le critère du caractère adéquat du représentant proposé dans l’affaire Western Canadian Shopping Centres inc. c. Dutton[22] :

« (…)

Quatrièmement, le représentant du groupe doit adéquatement représenter le groupe.  Quand le tribunal évalue si le représentant proposé est adéquat, il peut tenir compte de sa motivation, de la compétence de son avocat et de sa capacité d’assumer les frais qu’il peut avoir à engager personnellement (par opposition à son avocat ou aux membres du groupe en général).  Il n’est pas nécessaire que le représentant proposé soit un modèle type du groupe, ni qu’il soit le meilleur représentant possible.  Le tribunal devrait toutefois être convaincu que le représentant proposé défendra avec vigueur et compétence les intérêts du groupe :  voir Branch, op. cit., par. 4.210-4.490; Friedenthal, Kane et Miller, op. cit., p. 729-732. (…) ».

[91]           Sous la plume du juge Rochon, la Cour d’appel disposait en ces termes de la question relative à la qualité du représentant :

« (…)

Il est vrai que l'appelante (ou son avocat) a initié un recours en autorisation sans avoir de copie du contrat signé.  Cela étant, suivant les allégations de la requête, l'appelante a un intérêt personnel.  Elle a effectué des démarches, d'une part, auprès de l'intimée pour être remboursée et, d'autre part, pour rechercher d'autres personnes appartenant au groupe.  Ces éléments, me semble-t-il, suffisaient à qualifier l'appelante. (…) ».[23]

[92]           La requête allègue ce qui suit à cet égard :

« XII - LE REQUÉRANT

125.   Votre requérant est en mesure d'assurer une représentation adéquate des membres du Groupe qu'il entend représenter;

126.   De plus, le requérant est disposé à gérer le présent recours collectif dans l'intérêt des membres du Groupe qu'il entend représenter et il est déterminé à mener à terme le présent dossier, le tout au bénéfice de tous les membres du Groupe;

127.   Le requérant s'intéresse activement à la présente affaire;

128.   Le requérant est disposé à collaborer étroitement avec ses procureurs; 

129.   Le requérant est de bonne foi et entreprend les présentes procédures dans l'intérêt des membres du Groupe; »

[93]           Or, les paragraphes 117 et 118 de la requête amendée de Lévesque sont éloquents :

« (…)

117.      Le requérant ignore combien de personnes ont commandé au moins une fois du contenu classé sous la rubrique « Films pour adultes, Torride » depuis les trois dernières années;

118.      Le requérant ne connaît pas et ne peut connaître l'identité des personnes qui pourraient être membres du Groupe; (…) »

(Le Tribunal souligne)

[94]           Avant d’être reconnu comme représentant du groupe, le Tribunal souligne que le membre désigné doit démontrer qu’il a effectué une enquête raisonnable sur l’objet du recours, qu’il peut fournir une estimation des personnes visées par le groupe, et qu’il est en mesure de diriger les démarches requises pour son exercice[24].

[95]           Lévesque n’a pas mené d’enquête et n’a pas cherché à trouver d’autres abonnés ayant une situation similaire à la sienne. Lévesque se contente de dire qu’il ne connaît pas et ne peut connaître l’identité des personnes qui pourraient être membres du Groupe.

[96]           Lévesque n’a pas non plus fourni une estimation des personnes lésées. Le fait qu’il y ait un nombre élevé d’abonnés au service de Vidéotron, dispersés sur le territoire du Québec, ne peut constituer une justification à toute absence de démarche[25].


[97]           Le Tribunal estime que Lévesque n’a pas fait la démonstration qu’il peut être un représentant adéquat du Groupe.

5.    Conclusion

[98]           Les conditions énoncées à l’article 1003 C.p.c. étant cumulatives, le défaut de satisfaire à une seule d’entre elles entraîne le rejet de la requête. Bien que le Tribunal ait conclu que Lévesque avait rencontré les conditions de l’article 1003 b), a) et c) C.p.c., il n’a pas satisfait la condition de l’article 1003 d).

[99]           Par ailleurs, le Tribunal fait siens les propos de la Cour d’appel dans l’affaire Lallier[26] et conclut qu’en présence d’un recours envisagé périlleux, le Tribunal doit exercer son pouvoir discrétionnaire en tenant compte du principe de la proportionnalité :

« (…)

[42]    L’exercice d’un recours collectif entraîne des coûts importants et ne doit pas être intenté à la légère.  Son autorisation doit satisfaire le critère de proportionnalité que le législateur a maintenant codifié à l’article 4.2 C.p.c. :

4.2. Dans toute instance, les parties doivent s'assurer que les actes de procédure choisis sont, eu égard aux coûts et au temps exigés, proportionnés à la nature et à la finalité de la demande et à la complexité du litige; le juge doit faire de même à l'égard des actes de procédure qu'il autorise ou ordonne.

[43]    Celui que cherche à entreprendre le requérant est périlleux à sa face même en raison des sérieuses lacunes qui affectent le syllogisme développé dans la requête.  À mon avis, autoriser son exercice contreviendrait à l’exigence de l’article 4.2 C.p.c. appréciée en conjonction avec celle du paragraphe b) de l’article 1003 C.p.c. (…) »

[100]        Enfin, en matière de recours collectif, la Cour suprême[27] invite le Tribunal à ne pas faire abstraction du principe de la proportionnalité énoncé par l’article 4.2 C.p.c.

[101]        Le Tribunal n’ajoute pas une cinquième condition à l’article 1003 C.p.c. Il est cependant d’opinion qu’autoriser ce recours contreviendrait à l’article 4.2 C.p.c., apprécié en conjonction avec l’exigence du paragraphe d) de l’article 1003 C.p.c.

[102]        Dans les circonstances, le recours sera rejeté.


[103]        POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[104]        REJETTE la demande d’autorisation d’exercer un recours collectif de Raymond Lévesque;

[105]        AVEC DÉPENS.

 

 

 

__________________________________

CAROLE HALLÉE, J.C.S.

 

Me Laval Dallaire

GAGNÉ LETARTE SENCRL

Procureur du requérant

 

Me François Fontaine

Me Amélie Aubut

NORTON ROSE CANADA S.E.N.C.R.L.

Procureurs des intimées

 

Date d’audience :

21 juin 2013

 



[1]     L'utilisation du nom de famille dans le cadre du présent jugement vise à alléger le texte et l'on voudra bien n'y voir aucune discourtoisie à l'endroit de la personne concernée.

[2]     L.R.Q., c. P-40.1

[3]     Guimond, c. P. G. du Québec, [1996] 3 R.C.S. 347, paragr. 12 et 20.

[4]     Marcotte c. Longueuil (Ville), [2009] 3 R.C.S. 65, paragr. 22.

[5]     Bouchard c. Agropur Coopérative, 2006 QCCA 1342, paragr. 37-43; Lallier c. Volkswagen Canada inc., 2007 QCCA 920, paragr. 20; Voisins du train de banlieue de Blainville inc. c. Agence métropolitaine de transport, 2007 QCCA 236, paragr. 54 et Harmegnies c. Toyota Canada inc., 2008 QCCA 380, paragr. 22.

[6]     Morin c. Bell Canada, 2011 QCCS 6166.

[7]     Fournier c. Banque de Nouvelle-Écosse, 2011 QCCA 1459, paragr. 30; Collectif de défense des droits de la Montérégie (CDDM) c. Centre hospitalier régional du Suroît du Centre de santé et de services sociaux du Suroît, 2011, QCCA 826, paragr. [35].

[8]       Carrier c. Québec (Procureur général), 2011 QCCA 1231, paragr. 37.

[9]     Bou Malhab c. Diffusion Métromédia CMR inc., [2011] 1 R.C.S. 214.

[10]    Marcotte c. Longueuil (ville de), préc., note 4.

[11]    Bouchard c. Agropur Coopérative, préc., note 5.

[12]    Marcotte c. Longueuil (ville de), préc., note 4.

[13]    Harmegnies c. Toyota Canada inc., 2008 QCCA 380.

[14]    Richard c. Time inc. [2012] 1 R.C.S. 265.

[15]    Id.

[16]    Pharmascience c. Option Consommateurs, 2005 QCCA 437, paragr. 52.

[17]    Western Canadian Shopping Centres inc. c. Dutton, [2001] 2 R.C.S. 534; Jacques c. Petro-Canada, 2009 QCCS 5603, paragr. 83-84.

[18]    Collectif de défense des droits de la Montérégie (CDDM) c. Centre hospitalier régional du Suroît du Centre de santé et des services sociaux du Suroît, 2011 QCCA 826, paragr. 22-23.

[19]     Id., paragr. 22.

[20]    De Guidice c. Honda Canada inc., 2007 QCCA 922, paragr. 33.

[21]    Bouchard c. Agropur Coopérative, préc., note 5, paragr. 76-77; Côté c. Montréal (Ville de), 2011 QCCS 440, paragr. 30.

[22]    [2001] 2 R.C.S. 534, paragr. 41.

[23]    Comtois c. Telus Mobilité, 2010 QCCA 596, paragr. 45.

[24]    Perreault c. McNeil PDI inc. 2012 QCCA 713, paragr. 34, 83-86; Del Guidice c. Honda Canada inc. préc., note 26, paragr. 38

[25]    D’Amours c. Bell Mobilité inc., 2010 QCCS 206.

[26]    Lallier c. Volkswagen Canada inc., 2007 QCCA 920.

[27]    Marcotte c. Longueuil (Ville), préc., note 4.

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