Chaumont et Ferme Bernex inc. |
2010 QCCLP 2749 |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Drummondville |
9 avril 2010 |
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Région : |
Mauricie-Centre-du-Québec |
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Dossier CSST : |
130711849 |
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Commissaire : |
Marie-Anne Roiseux, juge administratif |
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Membres : |
Alexandre Beaulieu, associations d’employeurs |
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Serge Saint-Pierre, associations syndicales |
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Assesseure : |
Dre Guylaine Landry-Fréchette |
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Partie requérante |
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et |
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Ferme Bernex inc. |
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Partie intéressée |
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[1] Le 28 décembre 2008, madame Francine Chaumont (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision rendue le 5 décembre 2008 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme la décision initialement rendue le 19 septembre 2008 donnant suite à l'avis du membre du Bureau d'évaluation médicale et déclare que les lésions professionnelles découlant de l’évènement du 26 septembre 2006, soit une entorse cervicale et céphalées mixtes cervico-géniques et tensionnelles sont consolidées le 28 avril 2008 sans nécessité de soins après cette date et sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. Elle déclare également que la travailleuse est capable d’exercer son emploi à compter du 28 avril 2008.
[3] L’audience s’est tenue à Drummondville le 3 août 2009. La travailleuse est présente et représentée. Ferme Bernex inc. (l’employeur) a avisé la Commission des lésions professionnelles de son absence.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] À l’audience, le représentant de la travailleuse précise que la date de consolidation et la fin des traitements au 28 avril 2008 ne sont pas contestés. La travailleuse prétend qu’elle conserve, à la suite de sa lésion professionnelle, une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles et qu’elle n’a pas la capacité de reprendre son emploi prélésionnel.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Le membre issu des associations d'employeurs et le membre issu des associations syndicales accueilleraient la requête de la travailleuse, la preuve médicale prépondérante démontre que la travailleuse a conservé une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles et qu’elle ne peut reprendre son emploi prélésionnel.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[6] Pour rendre sa décision, la Commission des lésions professionnelles a pris connaissance du dossier, des documents additionnels déposés dans le cadre de l’audience et entendu le témoignage de la travailleuse.
[7] La travailleuse est travailleuse agricole chez l’employeur. Le 26 septembre 2006, la travailleuse veut déplacer une vache dans une stalle. Elle s’est donc placée face à un poteau pour pousser la vache avec son dos, mais l'animal s’est cabré et a projeté la travailleuse vers l’avant, de sorte qu’elle a heurté le poteau avec la tête avant de tomber sur le sol.
[8] Se sentant étourdie, elle se dirige vers un autre enclos pour s’étendre jusqu’à ce que son employeur arrive et l'aide à se relever. Elle quitte le travail pour retourner chez elle, mais une fois arrivée, elle décide d’aller consulter à l’hôpital compte tenu de l'importance des douleurs cervicales et des céphalées.
[9] À l’urgence, elle est examinée par le docteur Lafleur qui conclut à un traumatisme facial, un traumatisme crânien mineur et un DIM[1] cervical. Le médecin prescrit des analgésiques, des anti-inflammatoires et le port d’un collier mou.
[10] Le 4 octobre 2006, le docteur Ghislain Lacroix revoit la travailleuse. Il recommande des traitements de physiothérapie. Ceux-ci débutent le 10 octobre 2006. À l’évaluation, on note des problèmes de douleurs cervicales sévères avec diminution de l’amplitude des mouvements du rachis cervical. Le physiothérapeute note une diminution de la force des mouvements, mais avec un examen neurologique normal.
[11] Le docteur Marc Lachance, omnipraticien, prend en charge la travailleuse à compter du 29 janvier 2007. Devant le peu d’amélioration, il met fin aux traitements de physiothérapie. Il retient un diagnostic de « céphalées post trauma » et recommande un retour progressif au travail.
[12] Le 12 mars 2007, le docteur Lachance met fin au retour progressif et dirige la travailleuse vers un neurologue.
[13]
Le 7 avril 2007, la CSST décide de faire examiner la travailleuse en
vertu de l’article
204. La Commission peut exiger d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'il se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'elle désigne, pour obtenir un rapport écrit de celui-ci sur toute question relative à la lésion. Le travailleur doit se soumettre à cet examen.
La Commission assume le coût de cet examen et les dépenses qu'engage le travailleur pour s'y rendre selon les normes et les montants qu'elle détermine en vertu de l'article 115 .
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1985, c. 6, a. 204; 1992, c. 11, a. 13.
[14] C’est le docteur Patrice Drouin, neurologue, qui voit la travailleuse le 25 avril 2007. Le rapport porte sur le diagnostic, les traitements, la consolidation, l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles.
[15] Le docteur Drouin conclut que les céphalées sont en relation avec le problème cervical. Il souligne que la travailleuse a encore certaines limitations de mouvements à la flexion latérale et à la rotation droite.
[16] Il est aussi d’avis que la travailleuse n’est pas encore consolidée à la date de son examen et recommande de la médication et un programme d’exercices à faire à domicile. Quant aux limitations fonctionnelles, il retient que la travailleuse a des limitations fonctionnelles de classe 1, mais est d'avis que celles-ci sont temporaires pour une durée de deux à trois mois. Au niveau de l’atteinte permanente, il accorde tout de même 2 % pour une entorse cervicale avec séquelles, le tout conformément au Règlement sur le barème des dommages corporels[3] (le barème).
[17] Le 28 mai 2007, la docteure Marie-Ève Arseneault, neurologue, prend en charge la travailleuse pour sa lésion professionnelle. Elle retient comme diagnostic des céphalées à caractère tensionnel post-commotion cérébrale et cervicogéniques, reliées à l'entorse cervicale. Au niveau des traitements, elle recommande de la physiothérapie.
[18] Le 1er juin 2007, une résonance magnétique cervicale permet d'objectiver de petites hernies discales de C3 à C7, sans évidence de sténose spinale ou foraminale associée.
[19] Le 24 septembre 2007, le docteur Lachance fait avec le docteur Line Lemay, médecin-conseil à la CSST, un bilan médical. Il y est mentionné que le docteur Lachance croit que la condition de la travailleuse est chronique, mais qu’il attend l’opinion du docteur Arseneault, neurologue, concernant les traitements.
[20] Le 8 janvier 2008, la docteure Arseneault, neurologue, fait parvenir un avis motivé à la CSST. Elle estime qu’il est pertinent de poursuivre les traitements de physiothérapie, compte tenu que la condition cervicale de la travailleuse s’améliore ainsi que les céphalées. Elle prévoit revoir la travailleuse au mois de juillet 2008.
[21] Entre-temps, la travailleuse reçoit des traitements d’acupuncture, de massothérapie et d’ostéopathie.
[22]
La CSST demande un nouvel examen en vertu de l’article
[23] À son examen objectif, il retrouve une flexion antérieure limitée à 30° et une extension à 10°. Les rotations et les flexions latérales sont par ailleurs dans la normale. Dans sa discussion, il écrit ceci :
Considérant le mécanisme de l'accident, il apparaît vraisemblable que cette patiente a subi une entorse cervicale le 26 septembre 2006. L'examen objectif de la patiente démontre des limitations antalgiques résiduelles au niveau du rachis cervical, au niveau des amplitudes articulaires, mais il n’y a aucune évidence d’atteinte radiculaire à l'examen objectif de cette patiente.
[…]
Pour ce qui est des céphalées, considérant la description clinique de celles-ci par la patiente, considérant l’examen objectif de la travailleuse, nous sommes tout à fait d'accord avec la docteure Arsenault à l'effet que la patiente présente vraisemblablement deux types de céphalées, à savoir que certaines des céphalées sont vraisemblablement d'origine cervicogéniques et il y a certainement une participation de type céphalée de tension surajoutée, considérant l’horaire des céphalées, les facteurs provocateurs, la description clinique des céphalées et l'examen neurologique objectif de la travailleuse.
[24] Compte tenu de l’histoire, des résultats de la résonance magnétique, de son examen, il retient comme diagnostics entorse cervicale et céphalées mixtes à la fois cervicogéniques et tensionnelles.
[25] Il estime que la lésion de la travailleuse est consolidée en date de son examen, soit le 28 avril 2008 et qu’il y a un déficit anatomophysiologique de 2 % pour l’entorse cervicale avec séquelles fonctionnelles objectivées.
[26] En ce qui concerne les limitations fonctionnelles, le docteur Delisle retient des limitations fonctionnelles de classe 1 selon l’IRSST pour la colonne cervicale qu’il résume ainsi :
- éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente des activités qui nécessitent de soulever, porter ou pousser des charges supérieures à environ 25 kilos;
- éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente des activités qui impliquent des mouvements avec de larges amplitudes au niveau de la flexion, de l'extension ou de la torsion du rachis cervical.
[27]
Conformément à l'article
205.1. Si le rapport du professionnel de la santé désigné aux fins de l'application de l'article 204 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.
La Commission peut soumettre ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216 .
__________
1997, c. 27, a. 3.
[28] Toutefois, le 23 juillet 2008, la docteure Arsenault adresse une note à la CSST où elle se dit d'avis que, compte tenu de l’amélioration objective et subjective de la condition de la travailleuse avec l’acupuncture et l’ostéopathie, elle recommande la poursuite de ces traitements.
[29] Le 18 juillet 2008, la CSST demande à la docteure Arseneault de préciser si elle est « en accord avec l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles de classe 1 que le docteur Delisle a inscrites dans son expertise du 28 avril 2008 ».
[30] Le 31 juillet 2008, la docteure Arseneault répond à la CSST « qu’elle est d'accord avec l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles déterminées par le docteur Delisle dans son expertise ».
[31] Malgré ce rapport, la CSST soumet le tout au bureau d'évaluation médicale. Le 11 septembre 2008, le docteur Pierre Bourgeau, neurologue et membre du Bureau d'évaluation médicale, rend son avis.
[32] Le docteur Bourgeau, après avoir examiné la travailleuse, conclut à un examen objectif normal. Dans sa discussion, le docteur Bourgeau souligne que la docteure Arsenault se disait d'accord avec le docteur Delisle en ce qui concerne l'atteinte permanente et les limitations fonctionnelles. Il mentionne une ambiguïté en ce qui a trait à la date de consolidation, puisque la docteure Arsenault estime qu’il y aurait lieu de poursuivre des traitements.
[33] Compte tenu de ses éléments, il rend son avis sur les quatre questions demandées par la CSST, et retient que la lésion de la travailleuse est consolidée le 28 avril 2008 et que les traitements ne sont plus nécessaires. Il estime que la travailleuse ne conserve aucune atteinte permanente et aucune limitation fonctionnelle de sa lésion professionnelle.
[34] Sur ces deux derniers sujets, il écrit :
En ce qui a trait à l'atteinte permanente à l’intégrité physique et les limitations fonctionnelles, nous sommes en désaccord avec les docteurs Drouin et Delisle et avec le médecin ayant charge.
[35] La CSST constatant l’accord du médecin qui a charge en ce qui a trait à la date de consolidation, et surtout l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles déterminées par le médecin désigné, pouvait-elle demander l’avis d’un membre du Bureau d'évaluation médicale sur ces sujets?
[36] De l'avis de la Commission des lésions professionnelles, la décision de la CSST de demander l’avis d'un membre du bureau d'évaluation médicale était irrégulière sauf sur le seul sujet où il y avait un désaccord, la nécessité de traitements.
[37]
En effet, l’article
205.1. Si le rapport du professionnel de la santé désigné aux fins de l'application de l'article 204 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.
La Commission peut soumettre ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216 .
__________
1997, c. 27, a. 3.
[38]
Le Bureau d'évaluation médicale a été créé pour décider des contestations
sur les sujets définis à l'article
1- le diagnostic;
2- la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;
3- la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;
4- l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;
5- l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.
[39]
Lorsque le médecin qui a charge confirme, par le biais de son rapport,
qu’il est d'accord avec le médecin désigné, il n’y a plus de contestation et il
ne peut y avoir de demande d'un avis du bureau d'évaluation médicale. C’est ce
qu’il faut comprendre de l'article
217. La Commission soumet sans délai les contestations prévues aux articles 205.1, 206 et 212.1 au Bureau d'évaluation médicale en avisant le ministre de l'objet en litige et en l'informant des noms et adresses des parties et des professionnels de la santé concernés.
__________
1985, c. 6, a. 217; 1992, c. 11, a. 19; 1997, c. 27, a. 6.
[40] Ainsi en a déjà décidé la Commission des lésions professionnelles notamment dans la cause Rona l’Entrepôt et Ducharme[4] dans laquelle le tribunal s’exprime ainsi :
[40] Mais il y a plus. Dès le 19 novembre, le médecin qui a charge mentionnait qu’il était complètement d’accord avec le docteur Lamoureux quant à l’absence de déficit anatomophysiologique et de limitations fonctionnelles. Il indique même que cette opinion résulte d’une lecture complète du dossier et de l’expertise du docteur Lamoureux. Force est donc de constater qu’à partir du 19 novembre 2003, il n’y avait plus de litige quant au sujet de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles puisqu’ils faisaient l’unanimité entre le médecin qui a charge et le médecin désigné par la CSST. Il devenait donc totalement inutile de référer le dossier au Bureau d'évaluation médicale et, si la CSST avait attendu le délai prévu par la loi avant d’effectuer la référence, ce dossier ne se serait jamais rendu sur le bureau du docteur Girard.
[41] En effet, le Bureau d'évaluation médicale est là
pour trancher des litiges et non pour en créer. Ainsi, s’il n’y a pas
contradiction entre l’avis du médecin désigné et celui du médecin qui a charge,
il n’y a aucune utilité ni nécessité de référer le dossier au Bureau
d'évaluation médicale. L’article
[42] En faisant ainsi référence à l’article 205.1, le législateur réaffirme son intention que le rapport complémentaire du médecin qui a charge fasse partie de l’envoi au Bureau d'évaluation médicale confirmant ainsi que le dossier ne peut être envoyé à cet organisme avant que le processus prévu à l’article 205.1 ne soit terminé.
[43] Comme le 19 novembre 2003 la question de l’atteinte
permanente et des limitations fonctionnelles était réglée, l’avis rendu par le
Bureau d'évaluation médicale le 21 novembre 2003 sur ces sujets doit donc être
annulé puisque irrégulier. Point n’est besoin de retourner le dossier à la CSST
comme l’employeur le demande puisque le présent tribunal, en vertu des pouvoirs
prévus à l’article
224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.
[41] Pour que la CSST demande un avis au membre du Bureau d'évaluation médicale, il faut d'abord qu’il y ait un litige entre le médecin désigné et le médecin qui a charge, comme l’a affirmé la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Guilbault et Flextronics (Canada) inc[5].
[42] Dans Favre et Témabex inc.[6], la Commission des lésions professionnelles rappelle cette nécessité d’une contradiction entre les rapports médicaux :
[37] Dans deux décisions récentes3, la Commission des lésions professionnelles commente l’ensemble des dispositions relatives à la procédure d’évaluation médicale. Elle retient particulièrement que le rôle du Bureau d’évaluation médicale est de régler un conflit entre deux conclusions médicales contradictoires. Son pouvoir est d’infirmer ou de confirmer des conclusions d’ordre médical, ce qui implique l’existence d’une différence ou d’une contradiction entre deux opinions de nature médicale. De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, cette interprétation du rôle du Bureau d’évaluation médicale respecte aussi le principe de la primauté de l’avis du médecin qui a charge du travailleur.
3 Gaston Blanchette et Pétroles
J. C. Trudel inc., CLP,
[43]
Dans la décision Lavoie et Dumas Contracting ltd[7],
la Commission des lésions professionnelles signale que même si l’article
[101] Dans bon nombre de décisions, la Commission des lésions professionnelles a décidé que, si la loi prévoit que le Bureau d’évaluation médicale peut émettre son avis sur un sujet sur lequel le médecin qui a charge ou le médecin infirmant l’une ou l’autre de ses conclusions ne s’est pas prononcé, il ne peut le faire sur une question réglée et non litigieuse3.
[102] Tel que le soulignait la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Gauthier et Ville de Shawinigan4, il n’y a aucune raison de « judiciariser médicalement » en demandant un avis au Bureau d’évaluation médicale sur un ou des sujets qui font l’objet d’un accord.
3 Armand Pagé ltée et
Ouellette, C.L.P.
4
[44] L’avis rendu par le membre du Bureau d’évaluation médicale sur les questions de la consolidation, de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles doit donc être annulé puisqu’il est irrégulier.
[45] Enfin, quant à la question de la nécessité de traitements, le représentant de la travailleuse a annoncé à l’audience que cette question n’était plus contestée par la travailleuse tout comme la date de consolidation.
[46] Tel qu’il en a été décidé par la Commission des lésions professionnelles, lorsque le médecin qui a charge exprime son accord avec l’opinion du médecin désigné (de la CSST ou de l'employeur), cette opinion devient celle du médecin qui a charge et lie la CSST et la Commission des lésions professionnelles.[8]
[47] La Commission des lésions professionnelles est donc liée par l’opinion du médecin qui a charge puisqu’elle a informé la CSST qu’elle était d'accord avec l'opinion du docteur Delisle quant au diagnostic, à la date de consolidation, à l’atteinte permanente et aux limitations fonctionnelles.
[48] Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles retient que tous les médecins qui ont vu la travailleuse, que ce soit à la demande de la CSST ou les médecins qui ont charge (soit le médecin traitant et la docteure Arseneault, neurologue), sont d'avis que la condition de la travailleuse est chronique et qu’elle a une atteinte permanente à son intégrité physique et psychique et des limitations fonctionnelles résultant de cette lésion.
[49] Ainsi, selon la Commission des lésions professionnelles, la preuve médicale démontre de façon prépondérante que la travailleuse conserve une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles de sa lésion professionnelle.
[50] La Commission des lésions professionnelles retient que la travailleuse conserve une atteinte permanente de 2 % et des limitations fonctionnelles de classe 1 pour la colonne cervicale tel que décrit par le docteur Richard Delisle.
[51] La Commission des lésions professionnelles doit maintenant décider si la décision de la CSST sur la capacité de la travailleuse à reprendre son emploi est correcte.
[52] D’abord, la Commission des lésions professionnelles constate que la CSST a décidé que la travailleuse était apte à exercer son emploi compte tenu des conclusions de l’avis du Bureau d'évaluation médicale.
[53] Compte tenu que la Commission des lésions professionnelles déclare que la travailleuse conserve une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles, la décision de la CSST sur la capacité de travail de la travailleuse est donc prématurée.
[54] En effet, la loi prévoit que la travailleuse, qui à la suite d’une lésion professionnelle conserve une atteinte permanente à son intégrité physique et psychique, a droit au service de réadaptation que requiert son état.
145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.
__________
1985, c. 6, a. 145.
146. Pour assurer au travailleur l'exercice de son droit à la réadaptation, la Commission prépare et met en œuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan individualisé de réadaptation qui peut comprendre, selon les besoins du travailleur, un programme de réadaptation physique, sociale et professionnelle.
Ce plan peut être modifié, avec la collaboration du travailleur, pour tenir compte de circonstances nouvelles.
__________
1985, c. 6, a. 146.
[55] La Commission des lésions professionnelles est donc d'avis de retourner le dossier à la CSST afin que celle-ci, avec la collaboration de la travailleuse, mette en place un plan individualisé de réadaptation.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête déposée le 28 décembre 2008 par madame Francine Chaumont, la travailleuse;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue en révision administrative le 5 décembre 2008;
DÉCLARE que l'avis du membre du Bureau d'évaluation médicale est irrégulier et sans effet;
DÉCLARE que la travailleuse conserve de sa lésion professionnelle une atteinte permanente de 2 % auquel s’ajoute le pourcentage prévu pour les douleurs et perte de jouissance de la vie;
DÉCLARE que la lésion professionnelle entraîne les limitations fonctionnelles suivantes :
Les restrictions fonctionnelles de classe I pour la colonne cervicale selon l’IRSST :
- Éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente des activités qui nécessitent de soulever, porter ou pousser des charges supérieures à environ 25 kilos;
- Éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente des activités qui impliquent des mouvements avec de larges amplitudes au niveau de la flexion de l'extension ou de la torsion du rachis cervical.
DÉCLARE que la travailleuse a droit à la réadaptation que requiert son état;
DÉCLARE que la travailleuse a droit à l’indemnité de remplacement du revenu tant qu’elle a besoin de réadaptation pour redevenir capable d’exercer son emploi ou un emploi convenable.
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Marie-Anne Roiseux |
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Me Jonathan Lamontagne |
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Représentant de la partie requérante |
[1] DIM soit dérangement intervertébral mineur ou une entorse (cervicale) légère.
[2] L.R.Q. C. A-3.001.
[3] (1987) 119 G.O. II, 5576.
[4]
[5] C.L.P. 335152-11-0712, 4 février 2009, L. Nadeau.
[6] C.L.P.
[7] C.L.P.
[8] Lachance et Québécor World St-Romuald, C.L.P.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.