Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Ouellet et un autre) c. Commission scolaire de Montréal

2014 QCTDP 5

 

JP1249

 
TRIBUNAL DES DROITS DE LA PERSONNE

 

 

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

DISTRICT DE

Montréal

 

 

 

 

 

N° :

500-53-000335-115

 

 

 

 

 

DATE :

17 mars 2014

 

 

 

 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

Michèle Pauzé

 

 

AVEC L'ASSISTANCE DES ASSESSEURS :           

 

Me Luc Huppé

Me Jean-François Boulais

 

 

 

 

 

Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, agissant en faveur de SUZANNE OUELLET et au nom de son fils X

 

            Partie demanderesse

 

c.

 

Commission scolaire de Montréal

 

            Partie défenderesse

 

et

 

SUZANNE OUELLET agissant pour elle-même et au nom de son fils X

 

            Parties victimes

 

 

 

 

JUGEMENT

 

 

 

 

 

[1]           Le Tribunal des droits de la personne (ci-après cité le « Tribunal ») est saisi d'une demande introductive d'instance par laquelle la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (ci-après citée la « Commission »), agissant au nom de madame Suzanne Ouellet et de son fils, monsieur X, allègue que la défenderesse, la Commission scolaire de Montréal (ci-après citée la « CSDM »), a compromis le droit de X à la reconnaissance et à l'exercice en pleine égalité de son droit à des services ordinairement offerts au public, soit des services éducatifs dans le cadre ordinaire d'enseignement avec les adaptations requises, sans discrimination fondée sur le handicap, contrevenant ainsi aux articles 10, 12 et 40 de la Charte des droits et libertés de la personne[1] (ci-après citée la « Charte »).

[2]           La Commission allègue également que, par la même occasion, la CSDM a compromis le droit de X et de sa mère à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, de leur droit au respect de leur dignité, sans discrimination fondée sur le handicap ou l'état civil, en contravention aux articles 4 et 10 de la Charte[2].

[3]           Dans sa demande introductive d'instance, la Commission demande au Tribunal :

D'ACCUEILLIR la présente demande;

DE CONDAMNER la Commission scolaire de Montréal à verser à la mère de X, Suzanne Ouellet, une somme de soixante mille huit cent quarante dollars (60 840 $), sauf à parfaire, répartie comme suit :

a)      Une somme de vingt mille dollars (20 000 $), à titre de dommages moraux;

b)      Une somme de quarante mille huit cent quarante dollars (40 840 $)[3], à titre de dommages matériels;

DE CONDAMNER la Commission scolaire de Montréal à verser à X une somme de vingt mille dollars (20 000 $), à titre de dommages moraux;

SUBSIDIAIREMENT, dans la mesure où le lien de causalité entre la faute et les dommages matériels réclamés n’est pas prouvé, CONDAMNER la défenderesse à verser à madame Suzanne Ouellet une indemnité de 10 000 $ à titre de perte de chance[4].

LE TOUT avec intérêt au taux légal et l'indemnité additionnelle, conformément à l'article 1619 C.c.Q., depuis la signification de la proposition de mesures de redressement, soit le 31 mai 2010, ainsi que les entiers dépens, incluant, le cas échéant, les frais d'experts, tant pour la préparation de leur rapport que leur présence à la Cour.

[4]           X agira pour lui-même dans le présent dossier ayant atteint l'âge de la majorité depuis les évènements litigieux et ayant signé son propre consentement aux présentes procédures[5].

 

I.          LE CONTEXTE

[5]           X est un jeune homme aujourd’hui âgé de 21 ans, affecté d’une trisomie 21 et présentant une déficience intellectuelle moyenne. Il a été scolarisé dans une classe régulière de la CSDM, depuis son entrée au primaire à l’âge de 4 ans jusqu’à la fin de son secondaire 2, en 2008, alors qu’il fréquentait l’école Sophie-Barrat depuis 2 ans. Il était alors âgé de 16 ans.

[6]           Le présent litige concerne, d’une part, les services octroyés à X alors qu’il fréquentait l’école Sophie-Barrat entre 2006 et 2008 et, d’autre part, la décision de la CSDM de l’orienter vers une école spécialisée.

[7]           En juin 2008, à la fin du premier cycle du secondaire, la direction de Sophie-Barrat a en effet décidé d’orienter X vers l’école Irénée-Lussier. Lorsque le Conseil des commissaires de la CSDM a confirmé cette orientation, les parents ont alors retiré X de l’école.

[8]           La Commission soutient que la CSDM n’a pas respecté son obligation d’adapter ses services éducatifs aux besoins de X durant les deux années pendant lesquelles il a fréquenté l’école Sophie-Barrat. De plus, la Commission soutient que la décision de la CSDM d’orienter X dans une école spécialisée à la fin de l’année scolaire 2007-2008 ne respectait pas ses obligations en matière d’évaluation.

[9]           Plus particulièrement, le niveau académique de X invoqué au soutien de l’orientation choisie, à savoir son incapacité à assimiler certains concepts de la programmation régulière (abstractions, synthèses et généralisation), ainsi que ses difficultés de langage, font partie de son handicap. De plus, la Commission soutient que la CSDM a invoqué des motifs non pertinents ou hypothétiques pour justifier son exclusion des classes régulières, à savoir l’éveil sexuel de X et la crainte que ce dernier fasse l’objet d’un rejet de la part de ses pairs s’il devait poursuivre son secondaire à Sophie-Barrat.

[10]        Pour sa part, la CSDM soutient qu’elle a fait tout ce qui lui était possible pour accueillir et accompagner X dans son parcours scolaire par la sensibilisation de son personnel enseignant et l’ajout d’un personnel spécialisé. Elle plaide qu’après avoir envisagé les adaptations possibles au programme, elle a conclu que cela aurait exigé la présence en permanence d’un pédagogue assigné uniquement à X, ce qui représentait une contrainte excessive sans pour autant être dans l’intérêt de ce dernier.

[11]        Enfin, elle soutient que la décision d’orienter X en classe spéciale a été prise suite aux observations des enseignants, d’une psychoéducatrice et d’une orthopédagogue, et ce, dans son seul intérêt.

 

II.         LA PREUVE

[12]        La Commission a produit trois témoins à l’audience : mesdames Suzanne Ouellet, la mère de X, Nathalie Boucher, l'accompagnatrice de X en secondaire 2, et Delphine Odier-Guedj, qui a été reconnue par le Tribunal comme témoin experte en intégration scolaire. De plus, elle a produit un affidavit de monsieur Jean Sicuro, le père de X, pour valoir témoignage, du consentement de la défenderesse.

[13]        En outre, la Commission a déposé, en vertu de l’article 398.1 du Code de procédure civile[6], les témoignages de mesdames Chantal Galarneau, directrice de l’école Sophie-Barrat, Annie-Emmanuelle Moreau, orthopédagogue, France Levasseur, psychoéducatrice, et Francine Demers, professeure d’Histoire, témoignages recueillis après le dépôt du mémoire de la CSDM. De plus, la Commission a produit plusieurs autres documents.

[14]        Les procureurs de la CSDM ont quant à eux déclaré que la défenderesse n’avait rien à ajouter aux témoignages de mesdames Galarneau, Moreau, Levasseur et Demers, tout en précisant qu’elle les aurait fait entendre si leurs témoignages n’avaient pas été déposés par la Commission. Quant aux documents que la défenderesse avait annoncés, ses procureurs ont dit que ceux-ci étaient contenus dans les pièces déjà déposées par la Commission.

[15]        Le Tribunal fera état de la preuve dans son ensemble et, à l’occasion, fera référence au contenu des documents rédigés par les témoins.

            A.  Les témoins de la Commission

                  1.   Le témoignage de madame Suzanne Ouellet

[16]        Madame Ouellet est mère de trois enfants. Durant les années 2006 à 2008, les deux plus jeunes, dont X, habitent avec elle et leur père dans la résidence familiale.

[17]        Né prématurément, X est hospitalisé à de nombreuses reprises avant l'âge de six ans. Depuis, et malgré un système immunitaire plus faible que la moyenne, il est relativement en bonne santé.

[18]        X a toujours été traité par ses parents de la même manière que ses deux frères. Il a toujours vécu dans sa famille et n'a jamais été mis à l'écart ou traité différemment. Toutefois, suivant les conseils d’un centre de réadaptation en déficience intellectuelle[7], ses parents ont adopté une approche éducative fondée sur la stimulation précoce. Cette approche avait pour but de lui assurer les « meilleures chances d'évoluer dans la vie », selon l’expression de madame Ouellet. Cet encadrement spécial a nécessité le recours à des services d'ergothérapie, de physiothérapie, d'orthophonie et d'éducation spécialisée.

[19]        Afin de favoriser l'intégration de X et de stimuler sa socialisation, ses parents l’inscrivent à la garderie régulière dès son jeune âge, et ce, pour une durée d'un ou deux ans avant qu'il commence sa scolarisation à l’âge de quatre ans.

[20]        À quatre ans, X est inscrit dans une école spécialisée pour y faire sa prématernelle. Il complète sa maternelle à la même école à l’âge de cinq ans. Constatant que cet environnement particulier ne permet pas à leur fils d'améliorer convenablement ses apprentissages et sa socialisation, les parents décident de l'inscrire dans une classe régulière à l'école Saint-Simon-Apôtre, l'école de son quartier, pour qu'il y fasse une seconde maternelle.

[21]        En tout, X a passé huit années au primaire à cette école, soit la maternelle, les six années du primaire régulier et une année supplémentaire suite à une autorisation spéciale. Madame Ouellet précise que pendant le primaire de X, elle a rencontré les professeurs pour s'assurer qu’ils acceptent X et que l'intégration de son fils ne leur pose pas de problème.

                        i.    L'année scolaire 2006-2007

[22]        L’année scolaire 2006-2007 marque l’arrivée de X au secondaire. Sa mère a fait l’inscription de son fils au printemps 2006. X est alors de niveau académique d’un élève de première année du primaire. À l’âge de 14 ans, il est inscrit en classe régulière à l’école secondaire Sophie-Barrat.

[23]        Les débuts sont difficiles. À l’automne, X n’a toujours pas reçu d’invitation à se présenter à la rentrée et madame Ouellet communique avec la direction pour apprendre qu’en raison d’une erreur administrative, X n’est pas inscrit. Une fois l'erreur corrigée, X ne peut toujours pas commencer ses classes, parce qu’il n’a pas d’horaire, d’accompagnateur, soit un préposé aux élèves handicapés (ci-après cité un « PEH ») et de transport scolaire. Madame Ouellet informe l’école que les besoins de X se situent davantage au niveau de ses difficultés d’apprentissage et que les services d’un préposé seulement ne sont pas suffisants.

[24]        Ses demandes pour obtenir les services d’un technicien en éducation spécialisée sont refusées. Le directeur, monsieur Sawyer, lui répond que c’est la CSDM qui décide des modalités d’accompagnement d’un élève. Il en est de même de sa demande pour des services d’orthophonie et d’aide à l’intégration psychosociale, demandes qui sont demeurées sans suites. À sa connaissance, aucun service adapté autre que la préposée aux élèves handicapés (PEH) n’a été offert à son fils pour l’année scolaire 2006-2007. En novembre, madame Ouellet assiste à une rencontre d'environ une demi-heure qui porte sur la confection du Plan d'intervention adapté de X. Elle affirme n’avoir participé à aucune autre rencontre, par la suite, durant cette année scolaire.

[25]        Lorsqu’elle signale l'insuffisance des services de soutien offerts à son fils, on lui répond qu'il ne revient pas aux enseignants d'adapter leurs cours ou à la préposée de l'accompagner dans ses apprentissages académiques. On ajoute que l'école spécialisée Irénée-Lussier demeure la meilleure solution. Elle porte la situation à l’attention de madame Diane De Courcy, une intervention qui demeure sans suite.

[26]        En cours d’année, les bulletins scolaires ne comportaient que des commentaires généraux des professeurs. Aucune évaluation de nature académique ou psychosociale n'a été complétée à sa connaissance.

[27]        Ainsi, le rapport rédigé par la psychoéducatrice, madame France Levasseur, portant la date du 30 août 2007 ne lui a pas été transmis et on ne l’a pas informé de son contenu ni de ses conclusions. Il en est de même d’un document du 12 avril 2007 intitulé « Profil des besoins de soutien de l'élève ayant une déficience intellectuelle », qui contenait la recommandation suivante : « Dans le contexte où la famille souhaite que X poursuive son intégration dans son école de quartier, le statu quo est maintenu et le plan d’intervention se poursuit. »

                        ii.   L'année scolaire 2007-2008

[28]        X a donc été maintenu en classe régulière pour l'année 2007-2008. En début d’année, madame Boucher, la nouvelle préposée (PEH), informe madame Ouellet qu’elle est disposée à faire de son mieux pour fournir une aide pédagogique à X.

[29]        En octobre, madame Ouellet assiste à une première rencontre visant à préparer le plan d'intervention adapté. On convient de certains objectifs : développer des compétences de base en lecture, en écriture et en mathématiques. Elle apprend que madame Annie-Emmanuelle Moreau, orthopédagogue, aidera madame Boucher dans l'accompagnement de son fils.

[30]        Madame Ouellet assiste à une seconde rencontre le 27 novembre. Sont présents madame Sandra Carrier, la directrice adjointe pour le deuxième secondaire, monsieur Stéphane Lapointe, conseiller pédagogique, madame Annie-Emmanuelle Moreau, orthopédagogue, madame Nathalie Boucher, préposée (PEH), madame France Levasseur, psychoéducatrice, et monsieur Benoît Moisant, du Centre de réadaptation en déficience intellectuelle l'Intégrale.

[31]        La rencontre s'avère particulièrement difficile. Monsieur Lapointe souligne que la préposée déborde largement le cadre de ses tâches en acceptant d'accompagner X dans ses apprentissages académiques. On lui demande à qui veut-elle rendre service en insistant pour que X soit scolarisé à l'école Sophie-Barrat. Madame Carrier relate un incident au cours duquel X lui a demandé de remettre à une jeune fille une lettre qu’il lui destinait, car il était trop timide pour le faire lui-même. Madame Carrier a poursuivi en s’interrogeant à haute voix sur ce qui serait arrivé si des parents avaient porté plainte suite au comportement inapproprié de X. Monsieur Lapointe a renchéri en soulignant que X était un adolescent qui désirait maintenant se trouver une copine et qu'il ne réussirait pas à en trouver une à l'école. Par conséquent, il serait préférable qu'il évolue avec des élèves ayant un handicap comme lui. Il est aussi question d'un commentaire de X à propos du physique de madame Boucher. Pour monsieur Lapointe il ne s’agissait pas d’une blague, mais plutôt d'une manifestation d'éveil sexuel, et il lui dit alors : « les pulsions sexuelles d'un homme, madame, c'est très fort; parlez-en à votre mari, vous allez voir ». On lui rapporte également que X s'était présenté à l'école avec un imprimé inspiré de son film préféré collé sur son chandail et qu’on a dû l’obliger à retirer.

[32]        Ses propres demandes sont refusées, par exemple que X s'absente pendant le cours de mathématiques, afin de travailler avec sa préposée ou qu’il puisse transporter ses livres dans un sac à dos plutôt que dans ses mains. On lui dit que c’est impossible et que X doit faire comme tout le monde.

[33]        Madame Ouellet déplore qu’au lieu de porter sur les objectifs du plan d'intervention adapté, la rencontre de novembre ait surtout été l’occasion de lui dire que son fils n'était pas à sa place à l'école Sophie-Barrat. Par la suite, et malgré les convocations, elle ne s'est plus présentée aux autres rencontres. Elle a toutefois été mise au courant des suivis par l'intermédiaire de madame Boucher.

[34]        Madame Ouellet témoigne que les objectifs identifiés au plan d'intervention ne figurent dans aucun des bulletins scolaires qui lui ont été transmis au cours de l'année. Seuls des commentaires généraux y apparaissent. Madame Ouellet signale une erreur dans le nom du professeur d'Anglais et des mentions « elle », au lieu de « il », dans un des bulletins, ce qui lui fait penser qu'il ne s'agit même pas du bulletin de son fils.

[35]        Interrogée sur le document intitulé « Profil des besoins de soutien en milieu scolaire » du 31 janvier 2008, un tableau rempli par madame Levasseur, madame Ouellet affirme ne pas avoir été appelée à participer à sa réalisation, pas plus qu'elle n'a été mise au courant de ses conclusions. La seule évaluation qu’elle connaît a été complétée par madame Annie-Emmanuelle Moreau[8] après la fin des classes.

[36]        Malgré qu’elle ait été convoquée, madame Ouellet ne participe pas à la décision d'orientation vers une école spécialisée. Elle explique s’être sentie très intimidée par la présence annoncée de monsieur Lapointe, à cause de ses interventions antérieures.

[37]        Lorsqu'elle est avisée de l’orientation choisie, elle la conteste auprès du Conseil des commissaires de la CSDM, sans succès. Elle n’est pas non plus d’accord avec une intégration progressive à Irénée-Lussier, car, selon elle, une telle démarche allait causer des difficultés d'adaptation supplémentaires à son fils.

[38]        Madame Ouellet souligne que, bien qu’il n'ait pu bénéficier de services personnalisés, l’expérience de son fils en classe ordinaire s'est avérée positive, car il a amélioré son vocabulaire et a développé un intérêt pour la lecture. Malgré le manque de soutien, madame Ouellet constate une progression dans ses apprentissages en matière de lecture, d'écriture et d'expression orale. De plus, les informations reçues des intervenants les plus près de son fils lui renvoient une image très positive de la présence de X à l’école Sophie-Barrat.

 

                        iii.  L'année scolaire 2008 et les suivantes

 

[39]        À compter de septembre 2008, madame Ouellet garde son fils à la maison pour travailler elle-même de façon intensive à l’amélioration de ses capacités de lecture, d’écriture et dénombrement. X sera donc scolarisé à la maison pendant trois ans, à raison d'environ quatre heures par jour entrecoupées de périodes de pause et d'activités diverses. Au terme de ces trois années, elle estime que X a atteint un niveau scolaire équivalent à celui d'un élève de première année du primaire.

[40]        En 2011, considérant qu’il est maintenant prêt, madame Ouellet décide d’inscrire son fils à l'école Irénée-Lussier. Malgré l'expérience généralement positive de cette fréquentation, elle note une régression dans le niveau de langage de son fils.  Selon elle, ce recul s'explique par le fait qu'il n'y a pas de cours de Français à cette école.

 

                        iv.  Les dommages matériels et moraux

 

[41]        Madame Ouellet explique qu’avant 2012, elle était travailleuse autonome spécialisée en programmation et entretien des systèmes informatiques. Elle a alors deux clients : l’École nationale de théâtre et Culture pour tous, un organisme sans but lucratif. De 2003 à 2007, ses revenus oscillent entre 13 000 $ et 29 000 $. Sa décision de scolariser X à la maison réduit considérablement ses revenus, car elle doit maintenir une présence constante auprès de son fils. À compter de 2011, lorsque X est inscrit à Irénée-Lussier, ses revenus se rétablissent et sont de l’ordre de 50 000 $.

[42]        Madame Ouellet s'est dite déçue de l'intégration de son fils à l'école Sophie-Barrat. La décision de l'orienter en classe spéciale lui a causé « énormément de stress » et d'incertitude. Elle dit s'être sentie impuissante et découragée. Comme elle l’exprime, elle a eu le sentiment d’un combat de David contre Goliath. En outre, ses démarches judiciaires lui ont causé beaucoup de problèmes de sommeil, en plus de ruiner son été. Toutefois, elle admet ne pas avoir consulté de médecin ou de psychologue pour ses problèmes d'angoisse et d'insomnie. Ses démarches ont aussi affecté sa vie de famille, car ses revendications ne faisaient pas l'unanimité dans son entourage. La scolarisation de X à la maison s’est poursuivie sur trois ans. Elle était très prenante et a mené à son isolement progressif.

[43]        Quant à X, même s’il n'a pu bénéficier d'une intégration optimale, il a beaucoup profité de son expérience à l'école Sophie-Barrat sur le plan social. En conséquence, il a vécu beaucoup de déception à la suite de la décision de la CSDM. Dans les derniers jours de sa fréquentation de cette école, il suivait des cours de théâtre et de guitare, activités qu'il affectionnait particulièrement. Il avait une copine à cette école, Virginia, avec qui il utilisait le même transport. Ils possédaient des casiers contigus. X aimait aussi beaucoup le café étudiant qu'il fréquentait souvent avec Virginia, principalement à l'heure du midi.

                  2    L'affidavit de Jean Sicuro

[44]        À l'audition, les parties ont convenu de déposer, pour valoir témoignage, l’affidavit du 13 septembre 2013 de monsieur Jean Sicuro, le père de X.

[45]        Monsieur Sicuro confirme le témoignage de sa conjointe. Il dit avoir toujours favorisé la socialisation et l’autonomie de son fils par l’apprentissage du langage et des modèles d’interactions sociales au moyen de la scolarisation en milieu scolaire régulier, d’un enseignement adapté et de l’aide spécialisée, en particulier en orthophonie.

[46]        En novembre 2007, il a été témoin du désarroi de sa conjointe qui revenait d’une rencontre concernant le plan d'intervention adapté de leur fils. Elle était très affectée et humiliée des commentaires alors entendus et craignait dès ce moment que leur fils ne puisse continuer son parcours scolaire dans le programme régulier de Sophie-Barrat.

[47]        Il confirme que sa conjointe n’a pas été en mesure de travailler autant qu’elle l’aurait espéré après le retrait de l’enfant du système scolaire. De plus, il a été témoin du fait que son fils, qui était fier d’aller à l’école, était maintenant gêné de devoir dire qu’il n’y allait plus.

[48]        Aujourd’hui, deux ans après avoir intégré l’école Irénée-Lussier, le niveau de langage de X a régressé : il émet parfois des sons bizarres, répète des mots sans raison et adopte certains tics en imitant ses pairs. X mange également la bouche ouverte, frappe son front avec ses mains, « crochit » ses yeux et sort la langue, comportements qui nécessitent de fréquentes interventions.

                  3.   Le témoignage de Madame Nathalie Boucher

[49]        Durant l’année scolaire 2007-2008 (secondaire 2), madame Nathalie Boucher était préposée aux élèves handicapée (PEH), une fonction qu’elle exerçait depuis sept ans. Ce travail ne nécessitait pas de spécialisation particulière autre qu’une certaine expérience, ce qu’elle avait acquis en partie avec une association de parents d’enfants handicapés qui offrait des périodes de répit à ses membres. C’est dans ce cadre qu’elle avait déjà rencontré des enfants affectés de trisomie.

[50]        À l'école Sophie-Barrat, elle n’exerçait ses fonctions qu’auprès de X. Ce dernier n’était pas suffisamment autonome pour se déplacer seul dans l’école (au début, à tout le moins), quoiqu’il se soit amélioré en cours d’année. Il s’agissait de l’accompagner toute la journée : le chercher à l’autobus, le diriger à son casier qu’il ne pouvait pas ouvrir facilement, l’aider à choisir le matériel approprié aux cours qui se donnaient dans des locaux différents selon la matière scolaire, l’accompagner vers le local approprié[9]. Elle l’assistait pendant l’heure du repas. En fin de journée, elle s’assurait qu’il reprenne l’autobus scolaire.

[51]        Madame Boucher accompagnait également l’élève en classe. Ce dernier était calme et très jovial, mais il ne comprenait pas l’enseignement et il n’interagissait que très peu. Parfois, il manifestait de la fatigue. X aimait beaucoup la musique et s’identifiait à certains personnages imaginaires, ce qui n’était pas toujours adéquat (par exemple, faire des pas de danse dans un cours de soccer), auquel cas elle pouvait intervenir pour le ramener à l’objet du cours. Il tentait d’entrer en relation avec ses confrères et consoeurs de classe, mais ce n’était pas réciproque. Parfois, les autres élèves n’étaient pas gentils avec lui. Par exemple, un élève lui a lancé une gomme à effacer et a été puni.

[52]        Elle tentait de le stimuler dans les quelques exercices propres à réaliser le plan d'intervention adapté, même si ce n’était pas dans sa tâche. Madame Moreau, l’orthopédagogue, la guidait. Elles se rencontraient une fois par mois (au début plus fréquemment) pendant au moins une heure[10]. Certains enseignants s’étaient procurés du matériel particulier : agenda visuel, tableau à effacement, etc. En général on se servait des documents destinés aux autres élèves pour réaliser certains objectifs pédagogiques déterminés dans le plan d'intervention[11].

[53]        Madame Boucher témoigne avoir participé à toutes les rencontres périodiques d’évaluation de la progression des objectifs du plan d'intervention adapté. Elle précise qu’à chaque occasion, des enseignants étaient présents, mais que toutes les personnes ne signaient pas nécessairement le document.

                 

                  4.   Le témoignage de madame Delphine Odier-Guedj

[54]        Madame Delphine Odier-Guedj (ci-après citée « l’auteure ») a déposé auprès du Tribunal un rapport complété le 2 mai 2013. Elle avait reçu son mandat de la Commission le 15 février 2013, qui consistait à répondre à six questions concernant l’intégration de X en classe régulière. Le Tribunal reproduit ci-dessous les six questions posées à l’auteure, ainsi que la conclusion à laquelle elle en est arrivée à l’égard de ces questions.

[55]        La première question était la suivante : « [l]’évaluation des besoins et des capacités de T.S. était-elle adéquate en secondaire 1 et secondaire 2? ». L’auteure conclut qu’il manque une évaluation ciblée et précise, consignée dans un document officiel et déposée au dossier de l’élève, qui respecte les critères théoriques requis pour l’évaluation des besoins, des capacités et des difficultés de l’élève. La plupart des préconisations pour la rédaction du plan d’intervention n’ont pas été respectées et aucun suivi n’a été fait du plan d’intervention. Elle répond à la question par la négative.

[56]        La deuxième question était la suivante: « [l]es plans d’intervention de T.S. étaient-ils adaptés à ses besoins et à ses capacités en secondaire 1 et en secondaire 2? ». L’auteure considère qu’il est difficile de répondre avec certitude à cette question, compte tenu que les besoins, les capacités et les difficultés de l’élève n’ont pas été évalués. Elle considère très peu probable que les objectifs ciblés et les moyens choisis étaient adéquats.

[57]        La troisième question était la suivante : « [l]es mesures d’adaptation mises en place par la Commission Scolaire De Montréal (CSDM) étaient-elles suffisantes pour favoriser la réussite de l’intégration de T.S. en classe régulière en secondaire 1 et en secondaire 2, au plan académique et de la socialisation? » (sic). L’auteure conclut qu’en secondaire 1, les mesures d’adaptation étaient inexistantes pour l’aspect académique et pour la socialisation. Elle répond donc par la négative à cette question. Pour ce qui est du secondaire 2, elle est d’avis que les mesures d’adaptation étaient minimales et insuffisantes.

[58]        La quatrième question était la suivante : « T.S. aurait-il eu besoin d’autres mesures d’adaptation et d’autres services que ceux mis en place? En quoi ces autres mesures auraient pu faciliter ses apprentissages et son insertion sociale? ». L’auteure se dit incapable de répondre à cette question avec précision, en raison du peu d’informations que comporte le dossier à ce sujet. Elle est d’avis que X aurait eu besoin d’adaptations pour favoriser son apprentissage et sa socialisation, mais ne peut préciser lesquelles.

[59]        La cinquième question était la suivante : « [l]’orientation en classe spéciale de T.S. en secondaire 3 était-elle conforme à ses besoins et à ses capacités, au niveau académique et au niveau social? ». L’auteure considère qu’aucune réponse ne peut être apportée avec précision, étant donné le peu d’informations que comporte le dossier à ce sujet.

[60]        La sixième question était la suivante : « [q]uelles sont les adaptations qui auraient pu favoriser l’intégration de T.S. en classe régulière en secondaire 3? ». L’auteure est d’avis qu’une approche macroscopique au niveau de l’école, ainsi que la mise en place d’un bilan précis permettant d’avoir un portrait global des connaissances de X auraient aidé à sa scolarisation en secondaire 3. Il aurait aussi fallu proposer des objectifs en écho à ses besoins et sélectionner plusieurs adaptations dans des zones spécifiées. Par la suite, il aurait été utile d’évaluer périodiquement leurs adéquations et les ajuster en conséquence. Selon l’auteure, l’orientation en classe spéciale s’est faite sans que l’ensemble des solutions possibles répondant aux besoins de X aient été étudiées, aucune solution alternative n’ayant été considérée.

[61]        Aux fins de la préparation de son rapport, l’auteure a consulté les interrogatoires au préalable de mesdames Garneau, Levasseur et Moreau, de même que les engagements fournis dans le cadre de ces interrogatoires. Elle a aussi pris connaissance des mémoires déposés par les parties auprès du Tribunal, du Journal de bord de madame Nathalie Boucher et du cartable de travail de X. Elle a rencontré ce dernier et ses parents pendant quatre heures, le 4 mars 2013, à leur résidence.

                 

                        i.    Le modèle d’intégration

 

[62]        Le rapport de l’auteure explique que le modèle de scolarisation des personnes handicapées qui a été retenu au Québec favorise l’intégration (« mainstreaming »), un concept qui signifie que les populations cibles sont desservies selon des modalités qui, tout en étant adaptées à leurs besoins, se rapprochent le plus possible de la norme. Selon ce modèle, les élèves handicapés ont le droit de progresser dans leurs apprentissages, ainsi que de découvrir le monde scolaire et social. Différentes aides leur sont fournies à cette fin, comme un ratio d’élèves moins important dans les classes et le soutien de spécialistes, tels des psychologues et des orthopédagogues.

[63]        La politique québécoise propose un système à huit niveaux, les élèves pouvant passer de l’un à l’autre selon leurs besoins. Ces niveaux sont les suivants :

 

Niveau 1 :       Groupe ordinaire avec l’enseignant, premier responsable de la prévention, du dépistage, de l’évaluation et de la correction des difficultés mineures de l’élève.

 

Niveau 2 :       Groupe ordinaire avec mesures d’appui et services à l’élève.

 

Niveau 3 :       Groupe ordinaire avec participation de l’élève à un groupe ressource.

 

Niveau 4 :       Groupe à effectif réduit dans l’école ordinaire située le plus près possible du lieu de résidence de l’élève, avec participation aux activités générales de l’école.

Niveau 5 :       École spécialisée sur le territoire de la commission scolaire.

 

Niveau 6 :       École spécialisée à l’extérieur du territoire de la commission scolaire.

 

Niveau 7 :       Enseignement à domicile.

 

Niveau 8 :       Enseignement à l’intérieur d’un centre d’accueil ou d’un centre hospitalier.

 

[64]        La politique gouvernementale vise à ce que l’élève se trouve en classe ordinaire, soit les niveaux 1 à 4. Le fait de placer l’élève dans les niveaux 5, 6 ou 8 entraîne des conséquences importantes pour lui : il évolue dans un monde isolé qui le prépare mal à vivre en société, ce qui rend difficile le transfert des compétences acquises dans le monde usuel et l’apprentissage du langage. Le processus suivi voudrait que l’élève ait la possibilité de finir sa scolarité en milieu ordinaire, de sorte que des services doivent lui être proposés, à la suite d’une analyse de ses besoins.

[65]        L’intérêt de l’intégration d’un élève handicapé dans une classe ordinaire est double. D’une part, cette intégration lui évite de vivre dans un monde parallèle à celui des autres élèves. Il permet à ces derniers de prendre conscience de la différence et d’apprendre à la respecter. D’autre part, l’intégration met l’élève handicapé en contact avec des modèles langagiers d’enfants de son âge et produit une stimulation par le savoir d’autres personnes. Bien qu’il ne puisse atteindre leur niveau, le contact avec eux pousse son propre avancement. Pour que l’élève handicapé puisse progresser à la mesure de ses capacités, il est nécessaire de ne pas le laisser à lui-même. Il faut aménager son environnement de manière conforme à ses besoins réels.

[66]        À partir des informations qui lui ont été fournies, l’auteure estime que les propositions d’orientation concernant X ont été faites de façon non justifiée et sans logique. Tout au long de l’école primaire, X a été scolarisé en classe régulière. À la fin de la sixième année, l’orientation en classe régulière a été suggérée par l’équipe éducative pour le secondaire, en dépit de l’écart important entre ses acquisitions et celles des autres élèves. Une préposée (PEH) a été assignée au soutien de T.S. en secondaire 1. Selon l’auteure, un technicien en éducation spécialisée aurait été plus approprié pour le soutenir, étant donné les difficultés répertoriées à la fin du primaire.

[67]        En raison de directives données par la directrice de l’école, X n’a reçu quasiment aucune formation académique pendant le secondaire 1 et le secondaire 2, l’objectif étant porté uniquement sur la socialisation. À la fin du secondaire 2, aucune évaluation sérieuse des besoins de X n’avait donc été réalisée. L’école a proposé un passage du niveau 2 au niveau 5 (selon la grille ci-dessus), soit un départ définitif de son milieu scolaire ordinaire. La possibilité que X demeure au niveau 2, ou qu’il passe au niveau 3, voire au niveau 4, n’a pas été étudiée par l’école ou la CSDM. L’auteure attribue une telle décision à une incompréhension du principe de l’intégration, tel que proposé au Québec. Elle considère que X a été laissé à lui-même pendant les deux premières années du secondaire. Son aptitude à progresser n’a guère été prise en considération et peu de moyens ont été mis en œuvre pour soutenir sa progression.

 

                        ii.   Les mesures favorisation l’intégration

 

[68]        Deux types de mesures peuvent être prises pour soutenir l’intégration d’un élève : les unes au niveau macroscopique, puisqu’elles concernent les équipes éducatives et le fonctionnement systémique de l’éducation, les autres au niveau microscopique, étant plus directement liées à l’action réalisée pour et avec un élève.

[69]        Au niveau macroscopique, divers facteurs influencent la réussite d’une intégration en milieu ordinaire : des valeurs éducatives positives et partagées au sein de l’école; une politique ministérielle favorisant l’intégration en milieu ordinaire par un dispositif financier et humain; divers types de soutien apportés à l’équipe éducative; des modalités pédagogiques proposées de façon collaborative. Au sein de l’équipe éducative, la mise en place des conditions suivantes est reconnue comme facilitant l’intégration d’un élève : des options claires quant au programme de formation; un aménagement précis au niveau académique, soutenu par des pratiques différenciées; une collaboration étroite avec l’élève et sa famille; des valeurs et des objectifs partagés entre les différents intervenants; la mise en place de stratégies pour favoriser le partage avec les pairs; la valorisation de la culture inclusive au sein de l’école.

[70]        Le processus repose sur un système de collaboration et non sur des initiatives isolées et disparates. L’approche collaborative est prescrite dans les politiques ministérielles. En 1999, le ministère de l’Éducation a identifié six voies d’action pour soutenir la politique d’adaptation scolaire :

 

  • reconnaître l’importance de la prévention ainsi que d’une intervention rapide et s’engager à y consacrer des efforts supplémentaires;

 

  • placer l’adaptation des services éducatifs comme première préoccupation de toute personne intervenant auprès des élèves handicapés ou en difficulté;

 

  • mettre l’organisation des services éducatifs au service des élèves handicapés ou en difficulté en la fondant sur l’évaluation individuelle de leurs capacités et de leurs besoins, en s’assurant qu’elle se fasse dans le milieu le plus naturel pour eux, le plus près possible de leur lieu de résidence et en privilégiant l’intégration à la classe ordinaire;

 

  • créer une véritable communauté éducative avec l’élève d’abord, ses parents, puis avec les organismes de la communauté intervenant auprès des jeunes et les partenaires externes pour favoriser une intervention plus cohérente et des services mieux harmonisés;

 

  • porter attention à la situation des élèves à risque, notamment ceux qui ont une difficulté d’apprentissage ou relative au comportement, et déterminer des pistes d’intervention permettant de mieux répondre à leurs besoins et à leurs capacités;

 

  • se donner des moyens d’évaluer la réussite éducative des élèves sur les plans de l’instruction, de la socialisation et de la qualification, d’évaluer la qualité des services et de rendre compte des résultats.

 

[71]        Dans le cas de X, l’auteure exprime l’avis qu’aucune de ces mesures n’a été mise en œuvre pour soutenir son intégration.

[72]        Les valeurs liées à l’intégration sont très négatives au sein de la direction de l’école. Il n’y a pas eu de concertation pour penser de façon macroscopique l’aménagement d’un parcours pour X. Selon l’auteure, seule la psychoéducatrice semble avoir suivi des formations en matière d’intégration des élèves ayant une déficience intellectuelle et ces formations étaient adressées aux enseignants. En secondaire 1, la direction de l’école n’a pas fait appel aux ressources disponibles dans la commission scolaire pour que son personnel puisse être soutenu, formé ou informé. En secondaire 2, l’intervention d’un orthopédagogue et d’un conseiller pédagogique n’est pas documentée. L’orthopédagogue a apporté une aide à la préposée qui accompagnait X, qui n’a pas de formation lui permettant de soutenir ses apprentissages, mais non aux enseignants dans leurs classes. Les rôles et les fonctions des intervenants sont confus et ne sont pas systématiquement déterminés.

[73]        L’auteure souligne que la collaboration avec la famille de X a été minimale, se limitant aux plans d’intervention. En secondaire 1, la mère de X n’était pas informée au quotidien de ce qui se passait en classe, alors qu’en secondaire 2, le journal de communication tenu par la préposée fournissait des informations minimales. Aucune de ces informations ne provenait de la direction de l’école ou du personnel enseignant. Au sein du personnel enseignant, il n’y a pas eu de collaboration documentée en dehors des réunions consacrées au plan d’intervention.

[74]        Au niveau microscopique, les mesures favorisant la scolarisation de l’élève concernent les gestes pédagogiques à accomplir. Selon le cas, elles sont liées à des stratégies de mémorisation, à des moyens de pallier à des difficultés de compréhension du langage, à l’organisation spatio-temporelle, à des difficultés visuelles, à des moyens de contourner ce qui constitue le handicap, etc. Certaines de ces mesures sont dites génériques, parce qu’elles peuvent s’adapter facilement à l’ensemble des élèves en difficultés. D’autres mesures sont plus spécifiquement reliées aux particularités du handicap.

[75]        Les mesures génériques passent par l’adaptation des approches, des attitudes et des actions des enseignants aux difficultés des élèves, par exemple en reformulant des consignes, en portant attention à l’endroit où l’élève est placé dans la classe, en captant l’attention de l’élève, etc. L’enseignant utilise plus de gestes et les cible de manière plus stricte dans le cas des élèves en difficultés, au besoin par l’utilisation de supports visuels ou sonores. L’auteure regroupe en neuf catégories les types d’adaptation :

 

  • cadre du travail (par exemple : placement des élèves dans la classe);

 

  • adaptation des consignes;

 

  • adaptation des moyens (par exemple : pédagogie différenciée, adaptation du matériel);

 

  • adaptation des parcours (par exemple : réduction de la matière enseignée);

 

  • aide par les pairs (par exemple : tutorat, travail de groupe);

 

  • « guidance » et contrôle (par exemple : soutien de l’élève par des paroles);

 

  • apports méthodologiques (par exemple : schémas structurant la tâche);

 

  • adaptation de l’évaluation (par exemple : utilisation d’un matériel particulier);

 

  • revalorisation de l’élève.

 

[76]        Le nombre et la fréquence de gestes sont déterminés en fonction de la nature de la difficulté éprouvée par l’élève et des forces et faiblesses particulières à ce dernier. Pour que les gestes d’aides soient bien adaptés, des évaluations précises, ainsi qu’une observation sur une longue période et dans différentes situations sont requises.

[77]        En ce qui a trait aux mesures spécifiques aux élèves trisomiques, une évaluation de l’élève est nécessaire en raison du fait que ce trouble évolue différemment selon les personnes. En raison de l’écart dans leur développement cognitif par rapport aux enfants d’un même âge, il est nécessaire d’ajuster la quantité de matières pour en privilégier certaines, tout en accordant à ces élèves un accès à toutes les matières. Leur rythme de travail étant plus lent, l’enseignant doit faire alterner des travaux demandant plus ou moins d’attention. Il y a lieu de consolider autant que possible les acquisitions et de maintenir des activités en lien avec le groupe d’âge dont ils font partie, même si les contenus sont différents. Les adaptations proposées en milieu scolaire gagnent à viser la découverte par l’élève de stratégies personnelles qui lui permettent de vivre de façon autonome.

[78]        Dans le cas de X, l’auteure note que peu d’informations sont disponibles pour déterminer si des mesures ont été mises en œuvre par les enseignants. Elle déduit du plan d’intervention que les moyens n’ont pas été pensés collégialement au travers de gestes d’aide génériques ou spécifiques. En secondaire 2, certains enseignants ont tenté d’apporter une aide ponctuelle et non ciblée à X dans le cadre d’interventions isolées et non concertées. L’auteure mentionne toutefois qu'il a pu quitter certains cours pour effectuer des activités supervisées par la psychoéducatrice.

[79]        Elle relève que X ne semblait pas intéressé par les tâches de travail qui lui étaient proposées et qu’il donnait des indications en ce sens. Les activités qui lui étaient proposées semblent avoir été pensées en lien avec son âge mental, plutôt qu’avec son âge biologique, ce qui avait pour résultat de l’infantiliser et de le désintéresser du travail. Le plan d’intervention n’évoque que peu d’aménagements, comme l’utilisation d’un matériel différencié. Enfin, aucune mesure ne semble avoir été mise en œuvre en ce qui a trait aux difficultés génériques reliées au trouble dont X est affecté.

 

                        iii.  L’évaluation de l’élève

 

[80]        L’auteur consacre une partie de son rapport à l’évaluation qui doit être faite des élèves en difficultés. Une telle évaluation doit donner un portrait global de l’élève aux niveaux fonctionnel, social, cognitif et académique, ainsi qu’au niveau des stratégies d’adaptation qu’il utilise. Sans parvenir à une vision globale des capacités de l’élève, il est impossible de procéder de manière appropriée au choix des mesures à prendre.

[81]        Le processus d’évaluation se réalise au moyen de plusieurs outils, certains plus formels, comme des examens ou des exercices, certains informels, comme l’observation au quotidien des compétences et des savoirs de l’élève. L’évaluation informelle doit être consignée par la prise de notes ou par des enregistrements audio pour que l’enseignant puisse s’en servir afin d’ajuster ses pratiques pédagogiques. Il est rare qu’un seul outil permette de procéder à une évaluation complète et le choix d’outils appropriés est crucial. Les conséquences d’une absence d’évaluation sont dommageables pour l’élève, car l’identification de ses besoins demeure floue et le personnel éducatif ignore les stratégies qu’il utilise pour apprendre.

[82]        L’auteure relève qu’aucune évaluation académique n’a été faite à l’égard de X lors de son arrivée en secondaire 1. Les objectifs définis pour cette année ne sont pas en continuité avec ceux de la sixième année du primaire. Bien que les bulletins du niveau primaire soient très détaillés, ils n’ont pas été utilisés à cette fin. Par comparaison, les bulletins du niveau secondaire sont qualifiés d’anecdotiques par l’auteure : pour le secondaire 1, il n’y a aucun lien avec le plan d’intervention et, pour le secondaire 2, c’est la directrice adjointe de l’école - et non les enseignants - qui l’a complété.

[83]        Aucune évaluation psychologique ni bilan orthophonique n’ont été demandés au secondaire. L’auteur remet en cause l’évaluation académique faite par l’orthopédagogue en secondaire 2, étant donné que ses notes de travail n’évoquent aucun outil formel et aucune consignation sérieuse d’observations informelles et qu’on n’y trouve ni les objectifs visés en lien avec le programme, ni les critères d’observation, ni le matériel utilisé afin de s’assurer que les conditions favorables à l’apprentissage avaient été mises en place. Les observations semblent avoir été faites au cours d’une seule journée, ce qui rend aléatoire le résultat de l’observation.

[84]        Étant donné que la directrice de l’école avait dégagé les enseignants de leur mandat académique à l’égard de X, il apparaît peu probable à l’auteure que ces derniers aient procédé à un bilan des acquis de celui-ci. Le dossier d’aide particulière de X ne contient d’ailleurs aucun tel bilan de la part des enseignants.

[85]        Au plan de la socialisation de X, l’auteure mentionne qu’aucune évaluation sérieuse n’a été faite, bien que la psychoéducatrice et la directrice soutiennent qu’elle devait être réalisée. Le profil des besoins dressé chaque année n’est pas similaire aux échelles de comportements adaptatifs. Les habiletés sociales nécessaires dans le contexte d’une école secondaire ne sont pas mentionnées au plan d’intervention et aucune mesure informelle de socialisation n’a été pensée par l’équipe éducative, même lorsque X souhaitait participer à des activités sociales.

 

                        iv.  Le plan d’intervention adapté

 

[86]        L’évaluation d’un élève permet aux divers intervenants du milieu scolaire de se concerter pour identifier, dans un plan d’intervention commun, quels sont les objectifs à développer pour l’élève. Le plan d’intervention possède quatre fonctions : la planification des objectifs à moyen et à long terme, l’identification des ressources facilitant l’atteinte de ces objectifs, la clarification des moyens pris pour développer ces objectifs et l’identification des personnes responsables de chacun des objectifs. Les données à y inscrire sont les suivantes :

 

  • les capacités et les besoins de l’élève;

 

  • les champs d’intervention;

 

  • les objectifs poursuivis et les compétences à développer;

 

  • les services d’appui dont l’élève a besoin pour développer ses compétences;

 

  • les moyens retenus pour l’atteinte de ces objectifs;

 

  • les personnes responsables des interventions;

 

  • le rôle et les responsabilités de ces personnes;

 

  • le calendrier des échéances pour la réalisation des interventions;

 

  • les résultats obtenus.

 

[87]        Plusieurs fonctions incombent au directeur de l’école à l’égard de la préparation du plan d’intervention. Il s’assure de la participation active de l’élève, lorsqu’elle est possible, et de la concertation et de la coordination des ressources impliquées. Il s’assure aussi que le plan d’intervention tienne compte des évaluations réalisées, ainsi que des besoins et des capacités de l’élève. Une fois le plan complété, il s’assure également de la réalisation des interventions qui y sont inscrites et de l’évaluation périodique du plan. La mise en œuvre des objectifs du plan incombe cependant aux personnes qui y sont mentionnées. Les objectifs et les moyens établis dans le plan d’intervention sont réévalués plusieurs fois dans l’année, afin de suivre l’évolution de l’élève et vérifier la pertinence des interventions.

[88]        L’auteure se montre critique à propos des plans d’intervention établis pour X, notant que celui-ci n’a pas été appelé à y participer, contrairement à la situation qui avait prévalu lors de la sixième année du primaire. Elle décrit le plan d’intervention du secondaire 1 comme un acte formel sans utilité et qualifie celui du secondaire 2 comme étant défaillant, tant dans sa forme que dans son contenu. Elle estime que les rubriques du plan d’intervention sont lacunaires en ce qui a trait aux évaluations et à l’identification de services d’appui. Elle n’a retrouvé aucune trace de réunions de concertation pour la préparation des plans d’intervention et la discussion des évaluations des différents intervenants.

[89]        En ce qui concerne le plan d’intervention du secondaire 1, les objectifs ne sont pas clairement définis en référence à des compétences ou à des savoirs essentiels du programme. Ils ne sont pas évaluables et aucun indicateur n’est précisé pour permettre de les observer. Par rapport à ceux de l’année précédente, il n’existe aucune continuité. Le plan ne précise pas le rôle des intervenants, de sorte que personne n’est responsable de sa mise en œuvre. Ce plan n’a jamais été réévalué.

[90]        En ce qui concerne le plan d’intervention du secondaire 2, les objectifs fixés ne sont pas non plus évaluables et sont énoncés sans lien avec les savoirs du programme. Les moyens proposés pour réaliser les objectifs ne sont exprimés qu’en termes génériques. Le dossier ne révèle aucune trace des résultats des objectifs qui renseignerait de façon précise sur ce qu’il faut faire évoluer.

[91]        Étant donné les nombreux manquements qu’elle observe, l’auteure considère que ces plans d’intervention n’ont pas été utilisés comme des outils de planification concertée, comme cela aurait dû l’être.

[92]        En contre-interrogatoire, Madame Odier-Guedj a admis qu'elle n'avait pas fait l'évaluation professionnelle de X, afin de déterminer ses besoins. Elle n'a rencontré aucun des enseignants de X ni les membres de la direction de l'école. Elle ne s'est pas non plus rendue à l'école et n'a pas eu accès au projet éducatif de l'époque pendant laquelle X fréquentait cette école. Elle admet aussi qu'elle n'a pas de permis d'enseignement au Québec, bien qu'elle ait accompagné des enseignants du niveau primaire pour les former. Elle n'a jamais dirigé d'école ni eu la responsabilité de coordonner un plan d'intervention.

            B.  Les témoignages produits par la Commission et admis par la défenderesse

                  1.   Le témoignage de madame Chantal Galarneau

[93]        Enseignante de formation, madame Galarneau a occupé les fonctions de conseillère pédagogique et de directrice adjointe avant d’assumer pendant 8 ans la direction de l’école Sophie-Barrat. Elle convient ne pas avoir de formation particulière concernant la trisomie 21 et, en 2006, son expérience était limitée. Au moment de son témoignage, elle dirigeait une autre école secondaire de la CSDM.

[94]        À l’école Sophie-Barrat, un premier campus accueille les classes de secondaire 1 et 2 (le premier cycle) dans un bâtiment désigné comme « l’Annexe », tandis que le deuxième cycle regroupe les classes de secondaire 3, 4 et 5 dans un autre bâtiment désigné comme la « Maison mère ».

[95]        X a été orienté au premier cycle du secondaire régulier à la demande de ses parents et suite à la décision de la direction régionale de la CSDM. À ce moment, l’école accueillait une seule autre élève affectée du même syndrome qui était en secondaire 3. Elle déclare d’emblée que la décision d’orienter l’adolescent vers l’école spécialisée Irénée-Lussier à la fin de son secondaire 2 a été fondée en partie sur l’expérience qu’elle avait avec cette jeune fille.

[96]        Sur le plan pédagogique, la situation de X était en quelque sorte unique. Le programme pédagogique du secondaire n’a pas été adapté, parce que les écarts entre les matières régulières et les capacités de l’élève étaient trop grands. Les seules adaptations résultaient du travail effectué par madame Moreau, orthopédagogue, un service qui n’a été offert qu’en secondaire 2. En classe, certains professeurs ont quelque peu modifié leur programme, mais ces adaptations étaient très limitées. Le jeune a bénéficié d’une aide individualisée par une préposée, mais cette aide n’était pas réellement d’ordre pédagogique. L’aide se limitait aux déplacements à l’extérieur de la classe et dans ses « routines », comme retrouver sa case, ranger son cadenas, trouver la salle de bain, etc.

[97]        En secondaire 2 l’école a modifié le bulletin habituel avec l’aide d’un conseiller pédagogique pour tenir compte de la réalité de X. Les résultats du bulletin ont eu une incidence sur la décision d’orienter X à l’école Irénée-Lussier.

[98]        Interrogée sur l’absence de service d’orthophonie, elle précise que l'école Sophie-Barrat ne bénéficiait pas des services d’une orthophoniste et n’a pas fait de demande en ce sens parce que, dit-elle, le nombre ne le justifiait pas. Elle ajoute qu’il n’y a pas de possibilité d’un enseignement 1/1 à la CSDM; ce service existe dans les écoles spécialisées, mais pas dans les écoles régulières.

[99]        C’est trop demander à une école régulière de prendre un élève qui a de si grands besoins par rapport à la capacité du milieu. Avec un nombre plus important d’enfants trisomiques, elle aurait pu créer un groupe avec les ressources adéquates. Elle affirme toutefois qu'il est contre ses valeurs de prendre un jeune, le mettre dans une classe, puis tenter de croire qu'il se développera pédagogiquement.

[100]     En comparaison, les autres élèves qui éprouvent des difficultés particulières bénéficient d’un accompagnement pour les intégrer. Toutefois, pour ces jeunes, « le programme académique reste le même ». Les adaptations sont liées à la difficulté de l’élève, comme la dyslexie. L’enfant en difficulté est généralement présent en classe, mais peut avoir à quitter pour recevoir une aide ponctuelle. Ce qui a été vécu par X à l’école ce n’est pas de l’intégration.

[101]     En réponse à la question de savoir s’il existe un programme adapté pour des jeunes présentant une trisomie 21, madame Galarneau explique qu’à sa connaissance, ce programme existe à l’école Irénée-Lussier, une école qu’elle a visitée avant de se prononcer sur l'orientation de X. Elle décrit brièvement les activités qu’elle a constatées lors de sa visite et conclut de façon très positive. Elle précise que dans cette école, le ratio enseignant/élève est de 1/5 ou 1/6, alors qu’à Sophie-Barrat, il est plutôt de 1/30 ou 1/32.

[102]     La décision d’orienter X en classe spéciale pour le secondaire 3 était une décision d’équipe[12]. L’arrivée à l’adolescence a joué un rôle dans cette décision. Au cours de la deuxième année du secondaire, X a commencé à manifester des intérêts pour certaines jeunes filles de sa classe. L’une d’elles s’en est ouverte à madame Levasseur, une psychoéducatrice attachée à l’école. Ce n’était pas facile de lui faire comprendre qu’il n’aurait pas de « blonde » à l'école Sophie-Barrat.

[103]      Cette situation particulière n’était toutefois pas en soi déterminante[13]. L’important, souligne-t-elle à plusieurs reprises, c’était le grand décalage entre les capacités et les besoins de X, aux plans pédagogique et social, et la réalité vécue dans une classe régulière du secondaire. Voici comment elle l’exprime :

Ce que je dis c’est que le niveau pédagogique secondaire premier cycle, même ce niveau-là est trop loin des capacités d’apprentissage du jeune trisomique.

Sa capacité d’apprendre des choses versus le rythme de travail du premier cycle... c’est trop… il y a un écart trop important pour que pédagogiquement, le jeune vienne s’asseoir dans la classe et puis qu’il sente qu’il va apprendre des choses, qu’il va se développer. Il fait de l’occupationnel.

[104]     À ce propos, elle reconnaît que le document d’orientation qu’elle a signé en juin 2008 portant le titre « Classement 08-09 - X » traite surtout des difficultés de socialisation. Elle précise que le document aurait dû faire référence à l’évaluation pédagogique : « l’école n’était pas en mesure de lui rendre le service pédagogique ». Il n’était pas possible d’adapter le programme pédagogique régulier du secondaire 1 ou 2 pour le jeune : « [j]e ne pouvais pas demander à mes enseignants qui étaient rendus en troisième secondaire d’avoir une planification pour un enfant qui est en troisième année du primaire ».

[105]     Certaines parties de ce document d’orientation complètent son témoignage. Elle écrit que madame Ouellet « refuse de voir que X aurait besoin d’interactions sociales avec des jeunes comme lui ». Elle ajoute que madame Ouellet a cessé d’assister aux rencontres de révision du plan d'intervention adapté en novembre 2007. Elle note que X a été absent de l’école pendant plusieurs semaines durant l’année, dont 7 semaines consécutives en février et mars 2008, et qu’à son retour, l’école a constaté « une certaine régression au plan des acquisitions de connaissances ».

[106]     Madame Galarneau écrit également qu’elle a visité l’école Irénée-Lussier pour s’enquérir des services offerts aux jeunes ayant une déficience intellectuelle et en conclut que X « pourrait se développer très harmonieusement dans ce milieu ». Elle souligne avec enthousiasme[14] « les nombreuses possibilités qui s’offrent à ces enfants qui ont un parcours scolaire particulier » et la qualité des intervenants rencontrés.

[107]     Ces extraits du témoignage de madame Galarneau résument bien son approche :

J’ai retenu que l’intégration d’un enfant trisomique à l’école secondaire pouvait s’avérer pertinent au premier cycle … parce que l’écart entre les capacités du jeune et ce qu’on faisait au niveau académique… on pouvait avoir un lien et que le jeune pouvait en bénéficier… quant au deuxième cycle l’écart était tellement grand entre les préoccupations des jeunes et les capacités du jeune trisomique ou d’une jeune trisomique que je ne pouvais demander à mes enseignants de faire de l’occupationnel… le cadre de l’intervention était trop grand.

On l’a vu avec la jeune fille… les trois années qu’elle a été chez nous au deuxième cycle, elle longeait les murs… elle venait souvent voir ma secrétaire en pleurant . Elle voulait s’en aller… elle n’avait pas de liens avec les jeunes… au niveau académique l’écart était vraiment trop grand. Ça fait qu’elle ne pouvait pas socialiser. Elle mangeait toute seule. Personne n’allait la voir.

Cette expérience m’a démontré que l’école secondaire ne peut permettre le développement d’un jeune trisomique.

[…]

J’étais très, très, très, mal à l’aise d’avoir un jeune dans mon école que je ne pouvais pas aider à progresser. Je ne trouvais pas ça normal ou correct de faire ça.

[…]

… tout ce qui a été écrit dans la lettre (décision d’orientation), un peu l’état de situation.. l’absence de travail que l’école pouvait faire dans les classes régulières… c’est comme la résultante des plans d’intervention, des échanges que tout le monde a eus… c’est certain que l’expérience précédente avec la jeune fille qui n’avait pas été concluante ne nous indiquait pas qu’on allait dans la bonne direction pour desservir X, qu’il avait des besoins particuliers qu’on n’était pas capable de desservir. En toute âme et conscience, moi je ne voulais pas poursuivre ce type d’encadrement au deuxième cycle.

                  2.   Le témoignage de madame France Levasseur

[108]     Madame Levasseur était psychoéducatrice à l’école Sophie-Barrat. Elle intervenait au niveau des comportements et de l’adaptation à l’école. Au moment de l’arrivée de X, son expérience en matière de déficience intellectuelle se limitait au primaire. Elle bénéficiait du support d’un éducateur du centre L’Intégrale, un centre spécialisé en déficience intellectuelle, mais, d’emblée, elle témoigne qu’il est difficile d’intégrer un enfant trisomique au secondaire, car il y a un écart important dans les niveaux d’apprentissages.

[109]     En secondaire 1, elle était responsable de la confection et du suivi du plan d'intervention adapté. Ce dernier a été élaboré à partir de ce qui se faisait au primaire, alors qu’en secondaire 2, le plan d’intervention a été confectionné sous la responsabilité de madame Annie-Emmanuelle Moreau. Elle a compris que le message de la direction et du réseau à l’intention des enseignants était de tenter d’intégrer le mieux possible X en classe régulière, sans pour autant devenir des enseignants du primaire. Selon elle, ce n’était pas le rôle des enseignants de réaliser le programme déterminé dans le plan d'intervention.

[110]     Durant l’année du secondaire 1, elle n’a pas eu à intervenir, car le jeune n’avait pas de problèmes de comportement, mais plutôt des problèmes d’adaptation à certaines situations. En secondaire 2, l’accompagnatrice, madame Nathalie Boucher, lui rapportait qu’il semblait parfois vivre dans un monde imaginaire, ce qui l’inquiétait. De plus, sa façon de manifester son désir à l’endroit des jeunes filles et de l’une d’entre elles en particulier perturbait le groupe. Elle a donc dû intervenir auprès de lui et auprès des autres élèves.

[111]     Elle décrit le jeune X comme « un garçon sociable qui voulait avoir des contacts avec les autres [mais ceux-ci] n’étaient pas toujours à l’aise […] ils ne savaient pas toujours comment interagir, ils n’avaient pas toujours le goût non plus. […] c’est arrivé que X cherchait à avoir l’attention des autres, il cherchait à les faire rire en faisant des pitreries qui n’étaient pas toujours adaptées ». À mesure que les jeunes progressent en âge, l’écart grandit.

[112]     Même si elle n’a pas participé à la décision de classement intervenue à la fin du secondaire 2, ses collègues savaient qu’elle était en accord avec l’orientation retenue. Elle explique que X aurait bénéficié d’être pris en charge à l'école Irénée-Lussier, car, dans une école régulière, « il n’était pas desservi comme il aurait dû l’être ».

[113]     La Commission a produit plusieurs notes rédigées par madame Levasseur. Ces documents éclairent son témoignage. En avril 2007, madame Levasseur écrit simplement que : « [d]ans le contexte où la famille souhaite que X poursuive son intégration dans son école de quartier, le statu quo est maintenu et le plan d’intervention se poursuit »

[114]     Le tableau intitulé « Profil des besoins de soutien en milieu scolaire » du 31 janvier 2008, rédigé avec l’aide de l’accompagnatrice, madame Boucher, et du professeur d’arts plastiques, contient également certaines observations pertinentes :

Les besoins de X nous semblent plus importants parce qu’il évolue dans un milieu qui n’est pas adapté à lui. En effet, s’il fréquentait un milieu plus près de ses besoins, nous croyons qu’il pourrait évoluer avec moins de soutien ou avec une supervision pour l’ensemble du groupe dans un plus grand nombre d’activités.

[115]     En juillet 2008, madame Levasseur recommande ce qui suit dans un document intitulé « Psychoéducation. Note au dossier »[15] :

L’an prochain X sera au 2e cycle du secondaire. S’il demeure à Sophie-Barrat, il changera d’édifice ce qui représentera un défi à plusieurs points de vue : se situer dans un nouvel espace plus grand et moins rassurant,  être confronté à des situations où il risque d’essuyer un refus (au niveau de la vie sociale). En ce sens il est probable que nous devrons répéter certaines interventions auprès de X d’une part et auprès de son entourage d’autre part.

                  3.   Le témoignage de madame Annie-Emmanuelle Moreau

[116]     Madame Moreau possède un baccalauréat en orthopédagogie. Sa formation l’amène à connaître les divers handicaps qui requièrent ce type de service, dont la trisomie 21. Elle concède ne pas avoir reçu de formation spécifique concernant cette condition particulière quoiqu’elle a fait des stages, suivi des cours et travaillé avec des enfants souffrant de déficience mentale. Son expérience avec X était nouvelle.

[117]     Comme il n’y a pas d’orthopédagogue à l’école Sophie-Barrat, ce sont des professionnels du service « répit-conseil » de la CSDM, service auquel elle est attachée, qui sont appelés à soutenir l’école[16]. Elle précise que l’orthopédagogue travaille toujours de concert avec un psychoéducateur. Au plan académique, son travail consistait à supporter le milieu éducatif et c’est dans ce contexte qu’elle est intervenue.

[118]     Ses activités auprès de X ont commencé à la fin septembre 2007 (au début du secondaire 2). Après s’être informée auprès de collègues et consulté la documentation scientifique pertinente, elle a rencontré les parents et pris connaissance du Dossier d’aide particulière. Elle a participé activement aux réunions de l’équipe de professeurs et contribué à la formulation, ainsi qu'à l’évaluation périodique des plans d'intervention adapté.

[119]     Elle a été présente à l’école chaque semaine pendant l’année scolaire 2007-2008, s’informant alors de l’évolution du jeune auprès des personnes responsables. Elle a fait des interventions régulières (de durée variable) auprès de lui[17] et avec les personnes responsables de son accompagnement. Le dossier de madame Moreau contient les dates des dix-huit rencontres concernant X, du 4 octobre au 28 mai. Elle l’a évalué, précisant ne pas avoir fait une évaluation complète du profil d’apprentissage, et convient ne pas avoir fait une « évaluation psychologique » comme telle.

[120]     Pour X, l’apprentissage exigeait la répétition constante jour après jour, un contexte semblable d’une fois à l’autre, dans des conditions accueillantes et chaleureuses. Sa concentration au travail ne dépassait pas 15 minutes à la fois.

[121]     Madame Moreau confirme le témoignage de madame Galarneau. Elle explique qu’il y a une distance importante entre les contenus et les objectifs des cours adaptés pour une personne comme X et ceux qui s’adressent aux élèves du secondaire régulier et qu’il n’y avait pas de possibilité d’adapter le programme régulier. Avec lui « on est dans un autre programme ».

[122]     Elle explique que l’aspect social de l’éducation ne consiste pas simplement à permettre le développement de relations sociales interpersonnelles, mais aussi amener l’élève à devenir autonome. Dans le cas de X, l’acquisition de connaissances en mathématiques et en français ne devaient être orientées que vers des compétences utiles à la vie quotidienne, comme compter le numéraire, prendre l’autobus, savoir se diriger. C’était difficile pour l’école Sophie-Barrat d’offrir ce niveau de compétence, parce que le programme académique régulier aurait été modifié en totalité. Étant donné la situation, il a été nécessaire de créer un bulletin particulier pour en tenir compte[18].

[123]     En ce qui concerne les relations sociales proprement dites, elle n’a vu aucun contact interpersonnel avec les autres jeunes (au-delà du « Bonjour-bonjour »)[19]. Il n’y avait pas d’échange réciproque. Il est possible, concède-t-elle, qu’il y ait eu ce type de contact, mais précise que ça l’étonnerait.

[124]     En fin d’année 2008, madame Moreau a produit un document intitulé « Résumé des observations et des interventions pour l’année 2007-2008 »[20], fondé sur ce qu’elle a retenu du dossier, ce qu’on lui a rapporté et le résultat de ses rencontres. Elle concède ne pas avoir évalué toutes les capacités de X, mais s’être concentrée sur ses besoins :

J’ai nommé les besoins ce que j’ai vu, ce que X avait besoin pour apprendre et, encore maintenant, il a besoin d’une séquence répétitive. Il a besoin d’être dans un milieu encadré. Il a besoin de se retrouver avec des repères visuels. […] Il y a un potentiel au niveau des connaissances académiques, mais ce potentiel-là doit être soutenu par des méthodes [...] particulières pour son mode d’apprentissage à lui. On devrait le considérer dans ses besoins avec une approche qui réponde directement à ses besoins d’apprentissage.

[125]     Le rapport contient également des passages sur la capacité d’apprentissage académique du jeune X dont le Tribunal retient certains extraits significatifs :

X collaborait aux taches présentées, mais son attention était de courte durée.

En mathématiques, des difficultés dans la reconnaissance des nombres ont été relevées […] L’imitation, le recours au tableau des nombres, la verbalisation et la répétition sont des facteurs importants dans son apprentissage.

Il est important de mentionner que X a besoin de routine et de répétition pour développer ses habiletés en français. Le transfert de ses connaissances doit être stimulé par l’adulte.

L’usage de son ordinateur portable semble un moyen incitatif pour X. […] toutefois, X a besoin d’accompagnement pour réaliser des tâches éducatives.

[126]     Suivent des recommandations :

Le recours aux différentes tâches du quotidien devrait permettre de rendre les apprentissages plus contextuels. Par exemple, en utilisant la circulaire, on pourrait développer ses habiletés de lecture, de groupement, de calcul et d’autonomie.

Les habiletés de décodage pourraient se développer en exploitant la reconnaissance globale des mots et la reconnaissance des sons.

Un encadrement pédagogique rigoureux, par un orthopédagogue, pourrait permettre à X d’actualiser davantage son potentiel scolaire.

De courtes périodes de travail devraient s’alterner à des tâches plus ludiques afin de respecter son profil d’apprenant.

La manipulation, l’imitation, la verbalisation, la fréquence ainsi que la routine sont des facteurs importants à considérer pour le développement des apprentissages. Ainsi, un suivi régulier et des tâches graduées en lien avec son vécu devraient lui être offerts.

Des interventions spécifiques et régulières en lien avec ses besoins permettront à X d’actualiser son potentiel.

L’intégration dans un milieu adapté aux besoins spécifiques de l’enfant est fortement suggérée.

                  4.   Le témoignage de madame Francine Demers

[127]     Madame Demers est enseignante en histoire. X était dans son groupe durant les deux années de sa fréquentation au secondaire. C’était sa première expérience avec un enfant affecté de déficience intellectuelle moyenne. Elle n’avait pas de formation particulière concernant le syndrome de trisomie 21. Elle savait que X serait accompagné d’une préposée (PEH) et avait échangé avec la psychoéducatrice de l’école.

[128]     Elle décrit X comme un enfant très attachant qui voulait communiquer, mais, dit-elle, il lui était parfois difficile de se faire comprendre. Elle savait qu’il n’avait pas la capacité de suivre le même cheminement que les autres élèves. Par exemple, au secondaire, les élèves doivent apprendre à fixer les époques de l’histoire par des « siècles », en positifs et en négatif. Ce n’était pas de son niveau académique en mathématiques. De plus, il avait des difficultés d’élocution et aurait eu besoin d’être stimulé à parler. Cependant, dans une classe d’histoire, les élèves ne parlent pas beaucoup. C’était contradictoire de l’asseoir dans un lieu où il ne pouvait pas parler : « il passait toutes ses journées comme ça ». Elle n’avait pas de matériel spécial pour le stimuler et l’a intégré dans les travaux d’équipe pour créer des occasions de socialiser. Elle a préparé des mots de vocabulaire que l’accompagnatrice lui faisait écrire. De façon générale, en secondaire 2, elle a remarqué qu’il était souvent fatigué et absent mentalement, ce qu’elle a noté dans ses échanges avec l’équipe.

[129]     Elle considère enfin que c’était beaucoup demander à X de suivre l’organisation du secondaire à Sophie-Barrat. Les groupes changent, les professeurs sont attitrés à plusieurs groupes (elle en avait huit). Un horaire de cinq journées pleines en classe régulière était peut-être trop chargé. Elle a fait part de son opinion à l’époque. Peut-être aurait-il bénéficié d’être dans un « groupe fixe » (c'est-à-dire un groupe comprenant les mêmes élèves et les mêmes professeurs).

 

 

 

            C.  Les documents déposés par la Commission et admis par la défenderesse

                  1.   La Résolution de la CSDM du 25 juin 2008 et le Rapport du Comité du Conseil sur la décision de classement intervenue à la fin de l’année scolaire 2007-2008

[130]     Les parents de X ont fait appel de la décision d’orientation. Le 25 juin 2008, le Conseil des commissaires de la CSDM maintenait la décision de la direction de l’école Sophie-Barrat. Leur décision était fondée sur les observations et les recommandations d’un comité de révision formé des commissaires Diane De Courcy, Manon Ricard et André Gravel contenues dans un rapport rédigé par Me France Pednault, secrétaire générale. Il s’agit d’un document de neuf pages et le Tribunal considère pertinent d’en extraire certaines parties.

[131]     Dans le cours de ses travaux, le comité a rencontré les parents et une tante de X, ainsi que deux personnes du Centre de réadaptation en déficience intellectuelle L’Intégrale[21]. Le document fait voir que les parents ont eu l’occasion de faire valoir en détail les aspects positifs de la présence de leur fils dans un parcours régulier depuis le début de sa scolarisation. Ils ont expliqué en quoi la simple présence d’une préposée sans formation spécifique s’avérait peu utile et qu’il aurait eu besoin des services d’orthophonie et d’accompagnement spécialisé. Ils ont également souligné qu’il était essentiel qu’il ait des contacts avec d’autres personnes atteintes de trisomie 21 et qu’il était déjà inscrit à plusieurs activités, dont une se déroulait déjà à l'école Irénée-Lussier.

[132]     Madame Louise Sicuro, la tante de X, a dit qu'en raison de son expérience avec le milieu des enfants atteint de trisomie 21, elle aurait favorisé une école spécialisée, mais qu’elle a constaté les effets bénéfiques de l’école régulière. Elle souligne au passage que l’école bénéficiait également de la présence d’un enfant tel que X.

[133]     Les personnes du Centre L’Intégrale ont confirmé que X était suivi par le centre depuis 9 ans. L’éducateur, monsieur Moisan, a confirmé que le jeune souhaitait avoir une copine et qu’il vivait des rejets. Cette situation n’était toutefois pas si importante[22]. Il estimait cependant qu’il réaliserait plus facilement ses souhaits s’il vivait avec d’autres jeunes comme lui. Il a ajouté qu’il avait beaucoup d’intérêt pour le théâtre, mais avoir dû refuser qu’il participe à un spectacle de fin d’année par crainte qu’il puisse être objet de risée[23].

[134]     Le comité a entendu les personnes responsables de la décision d’orientation : la directrice de l’école Sophie-Barrat, madame Galarneau, monsieur Stéphane Lapointe, conseiller pédagogique, ainsi que le directeur des établissements scolaires Nord, monsieur Benoit Bussières. Ils ont également entendu madame Bello, directrice de l’école Irénée-Lussier.

[135]     Monsieur Bussières a expliqué que la décision d’orienter X vers une école spécialisée à la fin de l’année scolaire 2007-2008 s’inscrivait dans un processus qui s’applique à tous les jeunes à la fin du premier cycle du secondaire. Ce processus implique que, pour chaque jeune, l’école décide entre plusieurs orientations : vers le second cycle du secondaire[24], vers un parcours professionnel ou vers une école spécialisée.

[136]     Pour monsieur Bussières, il était clair que l’école ne réussissait pas à remplir son rôle d’instruire, de socialiser et de qualifier X. Par ailleurs, il était de plus en plus évident que plus les jeunes de sa classe seraient âgés, moins il n’aurait de contacts avec eux. Pour monsieur Bussières, X n’était pas véritablement intégré à l’école, car il n’était pas « incorporé » au groupe.

[137]     La directrice de l’école Irénée-Lussier, madame Dominique Bello, a expliqué au Comité que les programmes de son école sont adaptés aux élèves avec déficience intellectuelle. La mission de cette école est l’intégration sociale et le développement de l’autonomie fonctionnelle. Selon elle, les activités en classe permettent davantage la socialisation. Des exemples sont donnés. Ainsi, le ratio enseignant/élève est de 1/12 et plusieurs techniciens en enseignement spécialisé sont disponibles. De plus, l’école est en mesure de recevoir les élèves qui souffrent d’hypotonie (tension insuffisante des muscles), comme c’était le cas de X.

[138]     En conclusion, les intervenants entendus par le comité étaient d’avis qu’il était difficile d’intégrer des jeunes souffrant de déficience intellectuelle moyenne au secondaire. Dans le cas de X, cette intégration a été faite à l’insistance des parents, parce qu’il avait été intégré au niveau primaire. Toutefois, compte tenu du contexte d’évolution des autres jeunes, il devenait difficile de fournir des services à X à l’école régulière et en classe régulière. L’adaptation de l’enseignement à ce niveau devient pratiquement impossible.

[139]     Le 25 juin 2008, le Conseil des commissaires entérine les observations et les recommandations de son comité de révision. Le Tribunal note que le Conseil « recommande » aux écoles secondaires qui intègrent des élèves ayant une déficience intellectuelle moyenne de faire appel à l’expertise du Réseau des écoles spécialisées pour élèves handicapés, en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage, afin de « s’assurer d’offrir aux élèves en intégration le maximum de services possibles ».

 

 

                  2.   Le dossier de X à l’école primaire, tel que transmis par la CSDM

[140]     Le dossier d’aide particulière contient une évaluation de madame Colette Pelletier, psychologue, qui, en 1996, recommandait l’orientation de X en milieu scolaire régulier[25].

[141]     En 2001, une intervenante note que X était scolarisé à la maison et qu’aucune intervention en correction du langage n’avait été faite. Le dossier témoigne du fait que les parents ont fait des demandes récurrentes pour que X reçoive des services en orthophonie (en décembre 2003, le service en orthophonie est identifié comme priorité 2 sur 7).

[142]     Le 21 mars 2005, madame Viviane Racette, psychologue, produit un rapport qui indique que les parents souhaitent que leur fils demeure au primaire une autre année, ce qui sera accepté par la direction.

[143]     En octobre 2005, l’école recommande que X soit intégré au secondaire dans une classe régulière de l’école Sophie-Barrat. 

[144]     Dans ce même rapport, madame Racette conclut que : « [l]es résultats de l’évaluation situent le jeune au niveau d’un déficit cognitif moyen. Les comportements adaptatifs tels que mesurés par l’EQCA [Échelle québécoise de comportements adaptatifs] indiquent également un déficit des comportements adaptatifs sans manifestation significative de comportements inadéquats ».

[145]     Le dernier document du dossier est un bulletin sommaire daté du 21 juin 2005. Toutes les compétences transversales[26] et la majorité des compétences disciplinaires ne sont pas évaluées. Pour celles qui sont évaluées (9/30), l’évaluation est plutôt faible.

                  3.   La Déclaration de la population scolaire de la Commission scolaire

[146]     La Déclaration de la population scolaire de la Commission scolaire pour les années 2006-2007 à 2008-2009 a été produite par la Commission et admise par la CSDM. Il s’agit de documents comprenant plusieurs centaines de pages auxquels les parties n’ont pas fait référence dans le cours de leur preuve ou de leurs arguments. En examinant certains de ces documents on constate que les inscriptions d’enfants présentant une déficience intellectuelle moyenne à sévère au réseau secondaire régulier sont rares. De façon très générale, ces enfants sont inscrits dans une école spécialisée. Ainsi, à titre d’exemple, pour l’année 2007-2008, le réseau secondaire régulier de la CSDM accueillait 8 de ces enfants dont deux à l’école Sophie-Barrat, alors que l’école spécialisée Irénée-Lussier en accueillait 126.

III.        Les questions en litige

[147]     Le présent litige soulève les questions suivantes :

a) X a-t-il fait l'objet de discrimination fondée sur son handicap au cours des première et deuxième années du secondaire, ainsi qu'au moment de son classement pour la troisième année de secondaire?

b)    Dans l'affirmative, quelle est la réparation appropriée pour X?

c)    Madame Suzanne Ouellet a-t-elle droit à une réparation en raison de la discrimination dont son fils aurait été l'objet?

IV.       L'analyse et les conclusions

            A.  Les principes applicables

[148]     Les dispositions pertinentes de la Charte sont les suivantes :

4.          Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation.

10.        Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap.

Il y a discrimination lorsqu'une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit.

12.        Nul ne peut, par discrimination, refuser de conclure un acte juridique ayant pour objet des biens ou des services ordinairement offerts au public.

40.        Toute personne a droit, dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi, à l'instruction publique gratuite.

49.        Une atteinte illicite à un droit ou à une liberté reconnu par la présente Charte confère à la victime le droit d'obtenir la cessation de cette atteinte et la réparation du préjudice moral ou matériel qui en résulte.

En cas d'atteinte illicite et intentionnelle, le tribunal peut en outre condamner son auteur à des dommages-intérêts punitifs.

[149]     Tel qu'il appert du texte de l'article 10 de la Charte, la Commission doit faire la preuve des trois éléments suivants[27] :

            a)   l'existence d'une distinction, exclusion ou préférence;

b)    fondée sur l'un des motifs énumérés à l'article 10 de la Charte, en l'occurrence le handicap;

c)    qui a pour effet de compromettre la reconnaissance et l'exercice, en pleine égalité, d'un droit ou d'une liberté reconnus par la Charte.

[150]     Il y a aussi lieu de prendre en compte les obligations légales imposées à la CSDM par la Loi sur l'instruction publique[28], dont celles découlant des articles suivants :

36.        L'école est un établissement d'enseignement destiné à dispenser aux personnes visées à l'article 1 les services éducatifs prévus par la présente loi et le régime pédagogique établi par le gouvernement en vertu de l'article 447 et à collaborer au développement social et culturel de la communauté. Elle doit, notamment, faciliter le cheminement spirituel de l'élève afin de favoriser son épanouissement.

Elle a pour mission, dans le respect du principe de l'égalité des chances, d'instruire, de socialiser et de qualifier les élèves, tout en les rendant aptes à entreprendre et à réussir un parcours scolaire.

Elle réalise cette mission dans le cadre d'un projet éducatif mis en oeuvre par un plan de réussite.

96.14. Le directeur de l'école, avec l'aide des parents d'un élève handicapé ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage, du personnel qui dispense des services à cet élève et de l'élève lui-même, à moins qu'il en soit incapable, établit un plan d'intervention adapté aux besoins de l'élève. Ce plan doit respecter la politique de la commission scolaire sur l'organisation des services éducatifs aux élèves handicapés et aux élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage et tenir compte de l'évaluation des capacités et des besoins de l'élève faite par la commission scolaire avant son classement et son inscription dans l'école.

Le directeur voit à la réalisation et à l'évaluation périodique du plan d'intervention et en informe régulièrement les parents.

234.      La commission scolaire doit, sous réserve des articles 222 et 222.1, adapter les services éducatifs à l'élève handicapé ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage selon ses besoins, d'après l'évaluation qu'elle doit faire de ses capacités selon les modalités établies en application du paragraphe 1° du deuxième alinéa de l'article 235.

235.      La commission scolaire adopte, après consultation du comité consultatif des services aux élèves handicapés et aux élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage, une politique relative à l'organisation des services éducatifs à ces élèves qui assure l'intégration harmonieuse dans une classe ou un groupe ordinaire et aux autres activités de l'école de chacun de ces élèves lorsque l'évaluation de ses capacités et de ses besoins démontre que cette intégration est de nature à faciliter ses apprentissages et son insertion sociale et qu'elle ne constitue pas une contrainte excessive ou ne porte pas atteinte de façon importante aux droits des autres élèves.

Cette politique doit notamment prévoir :

1°         les modalités d'évaluation des élèves handicapés et des élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage, lesquelles doivent prévoir la participation des parents de l'élève et de l'élève lui-même, à moins qu'il en soit incapable;

2°         les modalités d'intégration de ces élèves dans les classes ou groupes ordinaires et aux autres activités de l'école ainsi que les services d'appui à cette intégration et, s'il y a lieu, la pondération à faire pour déterminer le nombre maximal d'élèves par classe ou par groupe;

3°         les modalités de regroupement de ces élèves dans des écoles, des classes ou des groupes spécialisés;

4°         les modalités d'élaboration et d'évaluation des plans d'intervention destinés à ces élèves.

Une école spécialisée visée au paragraphe 3° du deuxième alinéa n'est pas une école visée par l'article 240.

(Nos soulignements)

[151]     Les principes suivants se dégagent de ces dispositions législatives :

            a)  comme pour les autres élèves, l'école constitue pour l'élève handicapé ou qui présente des difficultés d'adaptation ou d'apprentissage un lieu fondamental d'apprentissage et de socialisation qui vise à favoriser son épanouissement;

            b)         une commission scolaire ne peut rester neutre à l'égard d'un élève handicapé ou qui présente des difficultés d'adaptation ou d'apprentissage, elle a un devoir légal de prendre certaines mesures à son égard;

           c)   ces mesures sont déterminées en fonction d'une évaluation individuelle de l'élève handicapé ou qui présente des difficultés d'adaptation ou d'apprentissage, une évaluation non pas statique, mais évolutive et en continuelle adaptation;

            d)   ces mesures doivent aussi faire l'objet d'une intervention concertée, établie au moyen d'un plan d'intervention adapté à l'élève handicapé ou qui présente des difficultés d'adaptation ou d'apprentissage;

            e)   la commission scolaire doit faire participer les parents et l'élève handicapé ou qui présente des difficultés d'adaptation ou d'apprentissage, lorsqu'il en est capable, à la mise en œuvre de ses obligations envers ce dernier.

[152]     Divers instruments internationaux traitant des droits des personnes handicapées peuvent aussi servir d'inspiration dans la mise en œuvre des droits garantis par la Charte. L'article 23 de la Convention relative aux droits de l'enfant[29], adoptée par l'Organisation des Nations Unies en 1989, reconnaît que les enfants mentalement ou physiquement handicapés doivent mener une vie pleine et décente, dans des conditions qui garantissent leur dignité, favorisent leur autonomie et facilitent leur participation active à la vie de la société. Il prévoit également que l'aide qui leur est apportée est conçue de telle sorte que les enfants handicapés aient effectivement accès à l'éducation et qu'ils bénéficient de ces services d'une façon propre à assurer une intégration sociale aussi complète que possible et leur épanouissement personnel.

[153]     De même, l'article 24 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées[30], adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 13 décembre 2006, reconnaît notamment le droit à l'éducation des personnes mentalement handicapées, sans discrimination et sur la base de l'égalité des chances. Le Tribunal s'est appuyé sur cette Convention à quelques reprises[31]. La Convention invite, entre autres, les États à faire en sorte que le système éducatif offre l'épanouissement de la personnalité des personnes handicapées, de leurs talents et de leur créativité, ainsi que de leurs aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs potentialités. Le deuxième paragraphe de cette disposition énonce ce qui suit :

2.          Aux fins de l'exercice de ce droit, les États parties veillent à ce que :

a)         Les personnes handicapées ne soient pas exclues, sur le fondement de leur handicap, du système d'enseignement général et à ce que les enfants handicapés ne soient pas exclus, sur le fondement de leur handicap, de l'enseignement primaire gratuit et obligatoire ou de l'enseignement secondaire;

b)         Les personnes handicapées puissent, sur la base de l'égalité avec les autres, avoir accès, dans les communautés où elles vivent, à un enseignement primaire inclusif, de qualité et gratuit, et à l'enseignement secondaire;

c)         Il soit procédé à des aménagements raisonnables en fonction des besoins de chacun;

d)         Les personnes handicapées bénéficient, au sein du système d'enseignement général, de l'accompagnement nécessaire pour faciliter leur éducation effective;

e)         Des mesures d'accompagnement individualisé efficaces soient prises dans les environnements qui optimisent le progrès scolaire et la socialisation, conformément à l'objectif de pleine intégration.

(Nos soulignements)

[154]     Les obligations imposées aux commissions scolaires à l'endroit des personnes handicapées s'inscrivent aussi dans la perspective plus large énoncée à la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale[32]. Les articles 1.1 et 1.2 de cette loi consacrent la volonté du législateur de favoriser l'intégration des personnes handicapées dans la société, au même titre que tous les citoyens, et de favoriser le plus grand développement de leurs capacités.

[155]     Au cours des dernières années, à la suite de l'arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans Eaton c. Conseil scolaire du Comté de Brant[33], la question de l'intégration en classe régulière des élèves présentant une déficience intellectuelle a été analysée par la Cour d'appel dans deux arrêts, qui fournissent les principes applicables au présent litige : l'arrêt rendu en 2006 dans Commission scolaire des Phares c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse[34] et l'arrêt rendu en 2012 dans Commission scolaire des Phares c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse[35].

[156]     Dans l'arrêt Eaton, la Cour suprême du Canada a posé le principe que l'intégration en classe régulière d'un élève affecté d'une déficience ne peut être retenue comme une norme impérative, puisque le classement en classe spéciale peut, selon le cas, constituer le moyen de procurer à celui-ci de meilleures chances d'épanouissement[36] :

Il s’ensuit que la déficience, en tant que motif illicite, diffère des autres motifs énumérés tels que la race ou le sexe parce que ces motifs ne comportent aucune différence sur le plan individuel.  Par contre, quand il s’agit de déficience, il existe des différences énormes selon l’individu et le contexte.  Cela engendre, entre autres, [traduction] « le dilemme de la différence » dont parlent les intervenants et selon lequel la ségrégation peut à la fois protéger l’égalité et y porter atteinte selon la personne concernée et le degré de sa déficience. Dans certains cas, l’enseignement à l’enfance en difficulté constitue une adaptation nécessaire du courant général qui permet à certains élèves handicapés d’avoir accès au milieu d'apprentissage dont ils ont besoin pour obtenir l’égalité des chances en éducation. L’intégration devrait être reconnue comme la norme d’application générale en raison des avantages qu’elle procure habituellement, mais une présomption en faveur de l’enseignement intégré ne serait pas à l’avantage des élèves qui ont besoin d’un enseignement spécial pour parvenir à cette égalité. Les écoles qui ont mis l’accent sur les besoins des aveugles et des sourds et l’enseignement aux élèves en difficulté d’apprentissage présentent les aspects positifs du placement dans un cadre pédagogique à part. L’intégration peut se révéler un avantage ou un fardeau selon que l’individu peut profiter ou non des avantages qu’elle apporte.

(Nos soulignements)

[157]     Écartant l'hypothèse qu'il puisse exister une présomption en faveur de l'intégration en classe régulière, la Cour suprême du Canada ajoute ce qui suit[37] :

À mon avis, l’application d’un critère conçu afin de s’assurer de ce qui est dans le meilleur intérêt de l’enfant atteindra mieux cet objectif si le critère est libre de toute présomption. L’application d’une présomption tend à rendre la procédure plus technique et plus accusatoire. En outre, il y a un risque que, dans certains cas, la décision soit prise par défaut plutôt qu’au fond quant à ce qui est dans le meilleur intérêt de l’enfant. Je mettrais également en doute l’opinion selon laquelle une présomption relative au meilleur intérêt d’un enfant s’impose sur le plan constitutionnel, lorsque la présomption peut être automatiquement écartée par la décision des parents de l’enfant. Un tel résultat va à l’encontre des décisions de notre Cour selon lesquelles ce n’est pas l’opinion des parents quant au meilleur intérêt de leur enfant qui tranche la question.

(Nos soulignements)

[158]     En analysant les modifications apportées à la Loi sur l'instruction publique à la suite de cet arrêt, la Cour d'appel déclare ce qui suit dans Commission scolaire des Phares (2006)[38] :

[49]       Selon la Cour, les changements législatifs n’ont pas eu pour effet de transformer la norme générale d'intégration en classe ordinaire en norme juridique impérative. Le législateur fait de l’intégration un but à atteindre, sous réserve de certaines conditions prévues aux articles 234 et 235 L.I.P., dont la principale est une évaluation des besoins et capacités de l’enfant démontrant que l’intégration est de nature à faciliter ses apprentissages et son intégration sociale. En fait, le législateur place l’intérêt de l’enfant au cœur de la démarche.

[50]       En outre, les articles 234 et 235 de la L.I.P. ainsi que la politique du ministère de l’Éducation et celle de l'appelante respectent les enseignements de la Cour suprême dans l’arrêt Eaton. L’intégration d’un enfant handicapé dans une classe ordinaire constitue une norme d’application générale, mais non une présomption. L’arrangement choisi (classe ordinaire ou classe spéciale) doit être dans l’intérêt de l’enfant.

[51]       Transformer la norme d’application générale qu’est l’intégration en classe ordinaire en norme juridique impérative, revient à établir une présomption selon laquelle cette intégration sert le meilleur intérêt de l’enfant, à moins d’une preuve contraire. Ce n’est pas là le but visé par la Charte québécoise et la L.I.P.

(Nos soulignements)

[159]     Elle indique aussi que le but de l'évaluation d'un enfant handicapé n'est pas « de déterminer comment l'intégrer en classe ordinaire, mais plutôt de déterminer si une pareille intégration rejoint son meilleur intérêt »[39]. Dans cet arrêt, rendu avant l'inscription de X au secondaire, la Cour d'appel identifie les étapes devant être suivies afin de prendre une décision quant au classement d'un élève handicapé en classe ordinaire ou en classe spécialisée[40] :

[56]       La Cour est d'avis que pour prendre une telle décision d'une manière qui respecte les dispositions de la L.I.P., la Charte québécoise et les enseignements de la Cour suprême, une commission scolaire comme l'appelante doit suivre les étapes suivantes :

             i.           L’enfant doit subir une évaluation dont le but est de déterminer ses besoins et l’étendue de ses capacités. Cette évaluation doit être subjective, c'est-à-dire adaptée au handicap et à la personne même de l’enfant pour qu’il en découle un véritable portrait dépeignant ses forces, mais également ses faiblesses. Il est à noter que cette évaluation personnalisée doit porter autant sur les capacités scolaires que sociales de l’élève;

             ii.          Une fois ce portrait de l’enfant établi, la commission scolaire doit se demander, dans la mesure des forces et des limites de l’enfant, si ses apprentissages ou encore son insertion sociale seraient facilités dans une classe ordinaire. À cette étape, elle doit élaborer un plan d'intervention envisageant toutes les adaptations raisonnables pouvant permettre une intégration de l’enfant en classe ordinaire, toujours dans le but que l’intégration profite à son intérêt. Ainsi, la règle générale d’intégration est respectée, l’intégration étant recherchée dans les limites de l’intérêt de l’enfant;

             iii.         La commission scolaire peut alors en venir à deux conclusions :

a) La première est que malgré les adaptations nécessaires, l’évaluation n’a pas démontré qu’il était dans l’intérêt de l’enfant de l’intégrer en classe ordinaire. Dans ce cas, l’enfant sera orienté vers une classe spécialisée. Il devra joindre un groupe ordinaire pour certaines activités, s’il y va de son intérêt;

b) La seconde est que les apprentissages et le développement social de l’enfant seront facilités, en classe ordinaire, grâce aux adaptations envisagées. Dans ce cas, la commission scolaire aura l’obligation d’intégrer l’enfant en classe ordinaire soit à plein temps, soit à temps partiel, en lui fournissant les adaptations dont il a besoin, sous réserve de ce qui suit. Si la commission scolaire démontre que les adaptations nécessaires à l’intégration de l’élève dans une classe ordinaire lui causent une contrainte déraisonnable ou encore portent atteinte de façon importante à l’intérêt des autres enfants, elle pourra alors placer l’enfant en classe spécialisée à plein temps.

[57]       Ainsi, l’intérêt de l’enfant demeure le point central de l’analyse et l’intégration, la norme générale, celle-ci ne se faisant que lorsque l’intérêt de l’enfant le commande et qu’elle ne crée de contrainte déraisonnable ni pour l’établissement scolaire ni pour les autres élèves.

(Nos soulignements)

[160]     Dans l'arrêt Commission scolaire des Phares (2012), la Cour d'appel s'est notamment penchée sur le fardeau de preuve de la Commission dans le cadre d'un litige portant sur l'intégration d'un élève handicapé en classe régulière[41] :

[51]       Il incombait à la Commission intimée de faire la démonstration d'une discrimination par prépondérance des probabilités. Celle-ci peut résulter du fait que l'enfant n'a pas été traité selon ses propres mérites, mais en fonction de son handicap. Il faut voir si la différence de traitement a engendré une injustice à son égard. Il faut aussi déterminer si l'appelante a envisagé et privilégié des mesures d'adaptation qui auraient permis à l'élève de recevoir des services adaptés dans la classe ordinaire [la norme générale]. Il s'agit des mesures qui sont susceptibles, habituellement, de respecter le droit à l'égalité dans l'obtention des services éducatifs. En somme, il faut se demander si les mesures d'adaptation proposées étaient raisonnables et dans l'intérêt de l'enfant.

[52]       Dans la foulée de l'enseignement de notre cour dans Commission scolaire des Phares 1, il faut voir si l'élève a reçu une évaluation personnalisée permettant de déterminer ses besoins et ses capacités, si l'appelante s'est demandée si les apprentissages et l'insertion sociale de l'élève seraient facilités dans une classe ordinaire, si l'appelante a élaboré un plan d'intervention envisageant les adaptations raisonnables susceptibles de permettre une intégration de l'enfant en classe ordinaire. La bonne décision sera celle qui rejoint l'intérêt de l'enfant.

[53]       Dans le cas où les apprentissages et le développement social de l’enfant seraient facilités en classe ordinaire, grâce aux adaptations envisagées, la commission scolaire aura l’obligation d’intégrer l’enfant en classe ordinaire soit à plein temps, soit à temps partiel, en lui fournissant les outils et les mesures d'adaptation dont il a besoin.

(Soulignements reproduits)

[161]     À ce sujet, la Cour d'appel indique aussi que le fardeau de preuve de la Commission inclut celui de démontrer que les décisions prises par la commission scolaire ne respectent pas l'intérêt de l'élève[42].

[162]     Les principes suivants se dégagent de ces arrêts:

            a)   l'intégration en classe régulière des élèves handicapés est une norme d'application générale, mais non une norme impérative, car elle peut, selon le cas, constituer un avantage ou un fardeau pour ceux-ci;

            b)   la recherche du meilleur intérêt de l'enfant prime donc sur cette norme d'application générale et elle prime aussi sur la volonté des parents de l'enfant;

            c) le processus par lequel une commission scolaire décide du classement d'un élève handicapé comporte plusieurs étapes et comprend une évaluation personnalisée des forces et des faiblesses de l'élève, ainsi qu'une évaluation des bénéfices qu'il pourrait retirer de l'intégration en classe régulière;

            d)   lorsque la commission scolaire conclut que l'intégration en classe régulière serait bénéfique pour l'élève handicapé, elle doit l'intégrer, sous réserve d'une contrainte excessive ou d'une atteinte importante aux intérêts des autres élèves, en lui fournissant les adaptations requises par ses besoins;

            e)   il incombe à la Commission de faire la démonstration par prépondérance des probabilités de l'existence d'une discrimination lors du classement de l'élève handicapé.

[163]     C'est à la lumière de ces principes que le Tribunal analysera les décisions prises par la CSDM à l'égard de X.

 

            B.  L'existence d'une discrimination

                  1.   La nature du débat

[164]     Il n'est pas contesté que, pendant les deux premières années du secondaire, de même qu'au moment de son classement pour la troisième année du secondaire, X a fait l'objet d'une distinction ou d'une exclusion par rapport aux autres élèves, qu'il a été traité différemment d'eux. Pour les deux premières années, l'enseignement qui lui a été dispensé n'était pas le même que celui des autres élèves et cet enseignement n'était pas même conçu et réfléchi d'une manière comparable à celui fourni aux autres élèves. Pour la troisième année du secondaire, il a fait l'objet d'un classement dans une classe spécialisée, à la différence des autres élèves.

[165]     Il n'est pas non plus contesté que cette différence ou cette exclusion résultait essentiellement de son handicap. La CSDM n'a pas remis en question le fait que la trisomie dont il est affecté constitue un handicap au sens de la Charte. Ceci étant, il était donc du devoir de la CSDM de fournir à X un accommodement quant à l'instruction qui lui était dispensée.

[166]     C'est dans l'appréciation du troisième élément d'application de l'article 10 de la Charte que les parties divergent d'opinion. À cet égard, il y a lieu de caractériser adéquatement les positions des parties, étant donné que, conformément à la volonté de ses parents, X a été intégré en classe ordinaire pendant les deux premières années du secondaire.

[167]      Pour ces deux premières années, la Commission prétend que la CSDM a fait défaut de procéder à une évaluation adéquate de la situation de X. Elle prétend aussi que son intégration en classe régulière n'était qu'apparente et que la CSDM n'a pas véritablement cherché à lui assurer une intégration réelle, fondée sur une analyse raisonnée de ses besoins et sur l'adaptation des services éducatifs qui lui étaient dispensés. Pour la troisième année du secondaire, la Commission prétend que la décision de classer X en classe spéciale n'a pas été prise en conformité avec les obligations qui incombaient à la CSDM et qu'elle était fondée sur des motifs insuffisants.

[168]     Pour sa part, la CSDM soutient, au contraire, qu'à toutes les étapes du cheminement de X au cours du secondaire, ce dernier a été traité dans le respect des droits qui lui sont garantis par la Charte et que les mesures d'adaptation réclamées par la Commission constituaient une contrainte excessive.

[169]     Les positions respectives des parties doivent être analysées séparément en ce qui a trait aux deux premières années du secondaire, d'une part, et en ce qui a trait à la troisième année du secondaire, d'autre part.

 

                  2.   Les deux premières années du secondaire

[170]     La Commission ne remet pas en cause le classement de X en classe régulière pour les deux premières années du secondaire. Elle ne prétend pas qu'il aurait dû être dirigé en classe spécialisée au terme d'une évaluation appropriée de ses besoins et de ses capacités. La CSDM, les membres de son personnel qui étaient affectés au dossier de X, ainsi que les parents de ce dernier étaient tous d'avis que le classement en classe régulière était dans son meilleur intérêt.

[171]     Dans ces circonstances, le Tribunal ne considère pas approprié de se prononcer à propos de la suffisance du processus d'évaluation ayant conduit à ce classement. L'intégration en classe régulière constitue la norme d'application générale établie tant par la Loi sur l'instruction publique que par la jurisprudence mentionnée précédemment.

[172]     Cependant, la décision de la CSDM de procéder au classement de X en classe régulière entraînait pour elle certaines conséquences : elle imposait à la CSDM l'obligation de lui fournir les mesures d'adaptation requises par son handicap. Pour être effective, l'intégration exige plus que la simple présence de l'élève dans la même classe que celle fréquentée par ses pairs. Elle requiert l'élaboration d'un cadre approprié, afin que l'élève tire un bénéfice réel de cette intégration, puisqu'elle est considérée comme étant dans son meilleur intérêt.

[173]     En ce qui concerne la portée de l'intégration en classe ordinaire, lorsqu'elle est choisie par une commission scolaire, la Cour d'appel écrivait ce qui suit dans Commission scolaire des Phares (2006)[43] :

[93]       L'appelante n'a pas davantage démontré que le Tribunal a erré de façon manifeste et dominante dans l'appréciation des faits en concluant que l'intégration de Joël en classe ordinaire lors des années 2003-2004 et 2004-2005 s'est déroulée de façon discriminatoire.

[94]       Le Tribunal conclut que même si formellement en 2003-2004 Joël a profité du même type d'intégration que celle dont il a bénéficié à Rivière-du-Loup, dans les faits, ce n'est pas le cas. Selon le Tribunal, l'intégration d'un enfant handicapé ne consiste pas simplement, comme ce fut le cas en l'espèce, à l'asseoir à l'arrière d'une classe ordinaire, avec un accompagnateur, sans qu'il n'y ait, ou presque, d'interaction avec l'enseignant responsable de la classe ou les autres enfants. De l'avis du Tribunal, il n'y a eu aucune intégration de Joël puisqu'il formait, avec son accompagnateur, un sous-groupe au sein de la classe.

[95]       Par ailleurs, l'enseignante responsable de la classe ordinaire n'a reçu aucune formation spécifique la préparant à intégrer Joël à son groupe. On ne lui a communiqué aucune information sur la façon dont l'intégration s'était réalisée de manière harmonieuse, l'année précédente, à Rivière-du-Loup.

[96]       Le Tribunal constate également qu'il n'y a eu aucune adaptation du programme d'enseignement et du matériel pédagogique en fonction du handicap que présente Joël.

[97]       Finalement, le bulletin scolaire pour l'année 2003-2004 ne fait nullement état du fonctionnement et de l'évolution de Joël en classe ordinaire. Le nom de son enseignante, dans cette classe, n'y apparaît même pas.

[98]       Pour l'année 2004-2005, le Tribunal conclut de la preuve qu'aucune mesure d'accommodement raisonnable du programme scolaire n'a été envisagée en fonction du handicap de Joël dans la décision de l'orienter dans une classe spécialisée.

[99]       L'intégration de Joël en classe ordinaire pour les années scolaires 2003 à 2005 était donc discriminatoire pour deux raisons. La première, comme le conclut le Tribunal, tient au fait que même si Joël était placé physiquement dans une classe ordinaire, il n'a en aucun temps bénéficié d'une intégration réelle. La seconde est qu'en l'absence d'une évaluation personnalisée qui seule aurait permis de déterminer le meilleur intérêt de l'enfant, les décisions relatives à son classement et à son intégration devenaient discriminatoires, aucune d'entre elles ne pouvant être prise dans son meilleur intérêt.

(Nos soulignements)

[174]     En l'instance, bien que des mesures plus étendues aient été prises par la CSDM au cours de la deuxième année du secondaire, la preuve démontre de manière générale, pour X, une situation semblable à celle décrite par la Cour d'appel dans Commission scolaire des Phares (2006) :

            a)   l'intégration consistait à l'asseoir dans une classe ordinaire avec un accompagnateur, sans qu'il n'y ait de véritable interaction avec l'enseignant responsable de la classe et les autres élèves;

            b)   lui et son accompagnateur formaient un sous-groupe au sein de la classe;

            c)   les enseignants des classes dans lesquelles il était intégré n'avaient reçu aucune formation les préparant à l'intégrer au groupe;

            d)   la préposée (PEH) qui l'accompagnait n'avait pas la formation requise pour l'aider dans ses apprentissages académiques et n'en avait d'ailleurs pas reçu la responsabilité, le rôle qui lui avait été attribué se limitant à l'orienter au sein de l'école et à assurer une présence à ses côtés;

            e)   il n'y avait aucune adaptation du programme d'enseignement et du matériel pédagogique en fonction de son handicap;

            f)    il recevait, parfois avec l'aide de son accompagnateur, un enseignement n'ayant strictement aucun rapport avec celui des autres élèves de la classe.

[175]     Ces faits démontrent sans équivoque que l'intégration de X en classe ordinaire pour les deux premières années du secondaire était fort limitée. L'utilité qu'il en retirait se limitait au plan social, puisqu'il avait ainsi l'occasion de poursuivre son parcours scolaire avec un groupe qu'il connaissait. Cependant, l'insertion sociale ne constitue que l'un des deux volets de l'intégration, qui doit également favoriser les apprentissages académiques de l'élève.

[176]     De plus, Madame Odier-Guedj explique en détails, dans son rapport, l'insuffisance de l'évaluation de X par la CSDM, des mesures d'adaptation qui lui ont été fournies et du processus de mise en œuvre de ces mesures. La CSDM n'a pas présenté de contre-expertise contredisant l'analyse fouillée de Mme Odier-Guedj à ce sujet et n'a fait entendre aucun témoin à propos des faits sur lesquels son rapport est fondé. Le Tribunal n'a aucune raison de mettre en doute l'analyse de cette dernière.

[177]     Dans son mémoire[44], la CSDM reconnaît que les adaptations fournies à X au cours des deux premières années du secondaire visaient à « l'aider à se développer particulièrement sur l'aspect social ». En ce qui concerne les mesures requises au plan des apprentissages scolaires, la CSDM soumet qu'ils ont été envisagés, mais qu'elles auraient requis la présence permanente en classe d'un pédagogue uniquement pour X, « afin de lui permettre de faire des apprentissages signifiants pour lui ». Elle indique que cette mesure n'a pas été mise en place, parce qu'elle constituait une contrainte excessive et qu'elle n'aurait pas permis à X de vivre une réelle intégration.

[178]     La position de la CSDM conduit le Tribunal à faire deux constatations.

[179]     La première est que la CSDM reconnaît à toutes fins pratiques que l'intégration de X au cours des deux premières années du secondaire était incomplète, puisque le volet académique en était presque complètement absent. Ayant décidé d'intégrer ce dernier en classe régulière, elle ne pouvait se contenter de remplir seulement la moitié de ses obligations, soit de favoriser son développement social. Elle devait également prendre les moyens de favoriser son apprentissage au plan académique. À cet égard, la preuve et l'analyse de Madame Odier-Guedj démontrent non seulement que la CSDM a failli, mais aussi qu'elle n'a pas pris les moyens nécessaires à cette fin.

[180]     La seconde constatation a trait au moyen relié à la contrainte excessive. Le Tribunal considère que c'est au moment où une commission scolaire décide du classement de l'élève en classe régulière ou en classe spéciale que ce moyen peut être invoqué.

[181]     C'est ce qui ressort de l'arrêt Commission scolaire des Phares (2006), dans lequel la Cour d'appel écrivait que « si la commission scolaire démontre que les adaptations nécessaires à l’intégration de l’élève dans une classe ordinaire lui causent une contrainte déraisonnable […], elle pourra alors placer l’enfant en classe spécialisée à plein temps »[45]. C'est également ce qui ressort de l'article 235 de la Loi sur l'instruction publique, qui prévoit que la politique que doit adopter une commission scolaire relativement à l'organisation des services éducatifs aux élèves handicapés et aux élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage doit assurer « l'intégration harmonieuse dans une classe ou un groupe ordinaire et aux autres activités de l'école […] lorsque l'évaluation de ses capacités et de ses besoins démontre que cette intégration […] ne constitue pas une contrainte excessive »[46].

[182]     Il ne serait certes pas dans le meilleur intérêt de l'enfant qu'une commission scolaire prenne la décision de l'intégrer en classe régulière, tout en sachant qu'elle ne dispose pas des moyens de lui fournir, en classe régulière, les mesures d'adaptation requises par ses besoins spécifiques. C'est au moment où la commission scolaire décide du classement de l'élève qu'elle doit déterminer si les ressources nécessaires pour l'intégrer en classe ordinaire de manière effective représentent une contrainte excessive. Si elle prend cette décision, elle ne peut alors invoquer l'existence d'une contrainte excessive pour se libérer de son obligation de lui fournir les mesures d'adaptation requises.

[183]     Permettre à une commission scolaire, une fois qu'elle a décidé d'intégrer l'élève en classe régulière, d'invoquer l'existence d'une contrainte excessive, afin de justifier son défaut de lui fournir les adaptations requises par son handicap, équivaudrait à priver cet élève de l'accommodement auquel la Charte lui donne droit : d'une part, il ne bénéficierait pas des mesures d'adaptation qu'une classe spécialisée pourrait lui fournir et, d'autre part, son intégration en classe régulière ne fournirait pas un cadre approprié au développement de ses capacités. Une telle situation ne favorise pas l'égalité des chances que la Loi sur l'instruction publique place au cœur de la mission scolaire. Elle ne permet pas non plus d'atteindre l'égalité réelle que garantit la Charte.

[184]     Par ailleurs, le Tribunal est d'avis que la CSDM n'a pas fait la démonstration que l'intégration de X en classe ordinaire au cours des deux premières années du secondaire lui occasionnait une contrainte excessive. La CSDM n'a fait entendre aucun témoin et n'a produit aucun document à ce sujet, bien que le fardeau de preuve lui incombait à ce propos.

[185]     Le Tribunal en arrive donc à la conclusion que, pour les deux premières années du secondaire, X a fait l'objet de discrimination fondée sur son handicap en raison du défaut de la CSDM de lui fournir les adaptations requises pour son apprentissage académique.

                  3.   La troisième année du secondaire

[186]     Pour la troisième année du secondaire, comme pour les deux années précédentes, X a fait l'objet d'une évaluation de la part de la CSDM. Le litige ne porte donc pas sur l'existence d'une telle évaluation, mais sur sa suffisance, eu égard aux obligations imposées à la CSDM par la Charte et la Loi sur l'instruction publique.

[187]     Dans l'arrêt Commission scolaire des Phares (2006), la Cour d'appel donne les indications suivantes quant à l'étendue de l'évaluation à laquelle une commission scolaire doit procéder à l'égard d'un élève handicapé[47] :

[87]       Le Tribunal n’a commis aucune erreur manifeste et dominante relativement à sa conclusion concernant les évaluations de Joël, ce dernier n'ayant pas bénéficié d'une évaluation personnalisée, c'est-à-dire d'une évaluation centrée sur lui, déterminant ses acquis et ses capacités, dressant des objectifs adaptés à ses besoins permettant d'élaborer un programme scolaire personnalisé et indépendant des objectifs scolaires communs aux enfants non-handicapés. Se servir des grilles et des bulletins existants conçus en fonction de ces derniers ou encore d'enfants en difficulté d'apprentissage constitue en soi une erreur. L'évaluation de Joël devait être faite à partir de critères élaborés pour lui en fonction de ses acquis et de ses capacités.

[88]       En ce qui concerne le classement de Joël en classe spécialisée, pour l’année 2001-2002, le Tribunal aurait dû examiner la décision de l'appelante en considérant que l’intégration d’un enfant handicapé en classe ordinaire est un but à atteindre, une norme générale, mais non une norme juridique impérative. Il devait de plus réviser la décision de l'appelante en vérifiant si elle est raisonnable et non en y substituant une décision qu’elle croit plus appropriée. En effet, cette dernière est la mieux placée pour décider, en première ligne, du classement d’un enfant, dans son meilleur intérêt, en respectant les différentes étapes prévues à l’article 235 L.I.P.

(Nos soulignements)

[188]     Il n'appartient donc pas au Tribunal de déterminer si X devait être classé en classe régulière ou en classe spécialisée au cours de la troisième année du secondaire. Cette tâche incombait à la CSDM. De plus, une telle décision repose sur le meilleur intérêt de l'élève et aucune preuve n'a été administrée devant le Tribunal quant au meilleur intérêt de X à la fin de la deuxième année du secondaire. Madame Odier-Guedj ne s'est d'ailleurs pas prononcée sur cette question dans son rapport.

[189]     Le rôle du Tribunal consiste plutôt à apprécier, à la lumière des principes dégagés par la jurisprudence, la conformité du processus suivi par la CSDM pour parvenir à cette décision, ainsi que son caractère raisonnable.

[190]     À cet égard, il ressort de la preuve que la décision d'orienter X en classe spécialisée n'a pas été prise de manière arbitraire. Elle résulte plutôt de l'aboutissement de la réflexion des divers membres du personnel de la CSDM quant à ses besoins et ses capacités. Un comité formé de trois commissaires a procédé à une étude de la question, notamment en rencontrant de multiples intervenants, avant de formuler ses recommandations. Les parents de X ont aussi eu l'occasion d'expliquer leur point de vue à ce comité.

[191]     Ce comité, dont les conclusions et recommandations été entérinées par le Conseil des commissaires, rappelle que l'intérêt de l'enfant est le pivot central de toute décision le concernant et estime que le meilleur service qui puisse être offert à X doit inclure des apprentissages pédagogiques. Le comité constate que l'école Sophie-Barat n'est pas en mesure de fournir à X ce dont il a besoin, ce qui crée un déficit par rapport à son potentiel d'apprentissage. Il se dit convaincu que l'école Irénée-Lussier est en mesure de lui fournir des services pédagogiques lui permettant d'atteindre son plein potentiel. Il note aussi que l'entrée de X au deuxième cycle du secondaire avec des élèves plus âgés pourrait avoir pour effet de le mettre à l'écart.

[192]     Le facteur principal ayant conduit au classement de X en classe spécialisée découle de son incapacité à bénéficier de l'enseignement dispensé en classe régulière. Les limitations découlant de son handicap faisaient en sorte de rendre artificielle, au plan académique, son intégration en classe régulière. Même avec le secours de ressources humaines et matérielles appropriées, la programmation régulière lui échappait en raison de sa complexité. La nature du handicap dont est affecté X était rendue à une étape où il était isolé en classe régulière, quelles que soient les mesures d'adaptation fournies.

[193]     Dans un contexte où la CSDM devait analyser quel était le meilleur intérêt de X, le Tribunal est d'avis que sa décision concernant la troisième année du secondaire n'était pas déraisonnable.

[194]     Dans son mémoire[48], la Commission soutient que les éléments qui font intrinsèquement partie du handicap de X, comme son incapacité à assimiler certains concepts de la programmation régulière, ne peuvent en eux-mêmes justifier un classement en classe spécialisée, faute par la CSDM d'avoir respecté ses obligations en matière d'intégration.

[195]     Avec égards, une telle position ne tient pas compte du facteur principal déterminé par la jurisprudence, soit l'intérêt de l'élève. À compter du moment où la nature du handicap dont est affecté un élève le prive de la capacité d'interagir avec le professeur et les autres élèves relativement à la matière enseignée, le bénéfice qu'il peut retirer de l'intégration en classe régulière, au plan académique, s'amenuise. Il en est de même en ce qui a trait à l'écart qui peut se creuser, au fil des ans, entre le développement socio-affectif de l'élève et celui de ses pairs, en raison de la nature du handicap. Il n'est donc pas déraisonnable pour une commission scolaire de tenir compte de ces facteurs dans sa décision de classement.

[196]     De plus, la position de la Commission fait abstraction de l'objectif de l'évaluation qui doit précéder la décision d'une commission scolaire quant au classement de l'élève. Les dispositions précitées de la Loi sur l'instruction publique, ainsi que la jurisprudence mentionnée précédemment, exigent précisément de la commission scolaire qu'elle évalue les capacités de l'élève, ainsi que le bénéfice qu'il pourrait retirer d'une intégration en classe régulière. Une telle évaluation tient nécessairement compte des limitations provoquées par le handicap et du contexte académique et social qui prévaudrait si l'élève était intégré en classe régulière. À cet égard, comme le souligne la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Eaton, l'intérêt de l'enfant prime sur le souhait des parents.

[197]     La CSDM ne pourrait invoquer l'insuffisance des mesures d'adaptation fournies à X au cours des deux premières années du secondaire, ainsi que les conséquences immédiates de cette insuffisance à l'égard de ce dernier, comme justification à sa décision de le classer en classe spécialisée pour la troisième année du secondaire. Cependant, sa décision pour la troisième année du secondaire repose sur la distance qui le sépare de ses pairs au plan académique, devenue trop grande pour que l'intégration puisse lui être bénéfique.

[198]     S'il avait été intégré en classe régulière, X aurait reçu un enseignement du niveau du premier cycle du primaire dans une classe où l'on enseigne des matières du deuxième cycle du secondaire. La Commission n'a pas démontré qu'il était déraisonnable pour la CSDM de considérer que tel n'était pas l'intérêt de X.

[199]     Le Tribunal en arrive donc à la conclusion que X n'a pas fait l'objet d'un traitement discriminatoire lors de son classement en troisième année du secondaire.

            C.  La réparation appropriée en ce qui concerne X

[200]     La Commission réclame un montant de 20 000 $ au bénéfice de X, à titre de dommages moraux. Étant donné la conclusion à laquelle le Tribunal en arrive quant à la troisième année du secondaire, les dommages auxquels il a droit concernent uniquement la discrimination dont il a été l'objet au cours des deux premières années du secondaire, en raison du défaut de la CSDM de lui fournir les adaptations requises par son handicap.

[201]     Bien que la preuve établisse que X n'a pas pu bénéficier de telles mesures d'adaptation, elle est beaucoup plus limitée quant à la nature du préjudice qui a pu en résulter pour ce dernier. Tel que mentionné précédemment, Madame Ouellet considère que l'expérience de son fils en classe régulière s'est avérée positive et qu'elle a constaté une progression dans ses apprentissages en matière de lecture, d'écriture et d'expression orale. De plus, aucune preuve n'a été fournie qu'avec des mesures d'adaptation appropriée, ses apprentissages académiques auraient été encore meilleurs. Madame Odier-Guedj ne s'est pas prononcée sur la question, bien qu'elle ait minutieusement relevé les manquements de la CSDM quant à l'intégration réelle de X.

[202]     Dans ce contexte, il est difficile d'évaluer l'étendue du dommage que X a concrètement subi en raison de l'absence de mesures d'adaptation requises par son handicap. Le Tribunal ignore tout des conséquences que les manquements de la CSDM ont pu produire sur le développement ultérieur de X, sur son épanouissement personnel et sur sa capacité de vivre en société. Selon l'évaluation de Madame Ouellet, son fils avait atteint un niveau scolaire équivalent à un élève de première année du primaire après les trois années d'éducation intensive et individualisée reçue à la maison.

[203]     Étant donné que X n'a pas témoigné - dans la mesure où il aurait pu le faire - le Tribunal n'a par ailleurs aucune preuve de ce qu'il a éprouvé au cours des deux premières années du secondaire. Aucun autre moyen d'évaluer sa perception subjective au cours de ces deux années n'a été soumise au Tribunal.

[204]     Toutefois, refuser qu'un élève handicapé puisse recevoir une indemnisation, lorsqu'il n'a pas bénéficié de l'accommodement auquel il a droit, aurait à toutes fins pratiques pour conséquence de priver d'effet l'interdiction de discrimination qui lui est garantie par la Charte. En l'absence d'une réparation réelle et effective, il existe un risque que les principes dégagés par la jurisprudence quant au classement des élèves handicapés et aux mesures d'adaptation requises par leur handicap demeurent théoriques.

[205]     Même si le Tribunal n'est pas en mesure d'évaluer quel aurait été l'effet concret, pour X, de mesures d'adaptation appropriées à son handicap pendant les deux premières années du secondaire, il n'en demeure pas moins que ce dernier a été privé d'une occasion réelle de développer son potentiel et ses capacités avec l'aide d'un soutien approprié. Deux années ont été perdues, au cours desquelles X aurait pu avoir la possibilité de progresser et de s'épanouir au plan académique et social, si une aide appropriée lui avait été fournie à la suite d'une analyse adéquate de ses besoins. Cette perte constitue assurément un préjudice pouvant donner lieu à une indemnisation.

[206]     Le Tribunal doit aussi tenir compte qu'en raison des délais inhérents au processus judiciaire, il ne sera pas toujours possible que la Commission puisse s'adresser à un tribunal pour d'obtenir des ordonnances afin que le classement d'un élève en particulier soit, dans le futur, réalisé conformément aux obligations découlant de la Charte. Dans bien des cas, seul un recours exercé de manière rétrospective, comme c'est le cas en l'espèce, sera possible.

[207]     En conséquence, le Tribunal estime qu'une réparation forfaitaire de 5 000 $ pour la première année du secondaire et 2 500 $ pour la deuxième année du secondaire constitue une indemnisation appropriée.

            D.  Le droit de madame Ouellet à une réparation

[208]     Étant donné la conclusion à laquelle le Tribunal en arrive quant à l'absence de discrimination lors du classement en troisième année du secondaire, la réclamation de Madame Ouellet n'est pas fondée à ce sujet.

[209]     Madame Ouellet a choisi, de son plein gré, la voie qu'elle considérait la plus appropriée pour le développement de son fils. Son dévouement est tout à fait méritoire, mais il ne constitue pas un fondement suffisant à la réclamation que la Commission fait en son nom. En l'absence de discrimination à l'endroit de X pour la troisième année du secondaire, les conséquences financières de la décision prise par Madame Ouellet de garder son fils à la maison et de lui dispenser elle-même une éducation n'ont pas à être supportées par la CSDM.

[210]     À cet égard, de même qu'en ce qui a trait à la discrimination dont X a fait l'objet pendant les deux premières années du secondaire, l'arrêt Commission scolaire des Phares (2012), rendu après l'institution des procédures en l'instance, constitue en outre un obstacle péremptoire à sa réclamation.

[211]     Il est vrai que la Cour d'appel n'a pas remis en question, dans Commission scolaire des Phares (2006), la conclusion par laquelle le Tribunal avait condamné la commission scolaire à verser conjointement à l'élève handicapé et à ses parents une somme de 30 000 $ à titre de dommages moraux[49]. Cependant, dans Commission scolaire des Phares (2012), la Cour d'appel a annulé non seulement la conclusion du Tribunal ordonnant le versement aux parents de l'élève handicapé d'une somme de 22 500 $ à titre de dommages moraux[50], mais elle s'est expressément prononcée sur la question. Dans cet arrêt, la Cour d'appel distingue la situation de l'élève handicapé qui fait l'objet de discrimination lors de son classement et la situation de ses parents[51] :

Les parents de Joël n'ont pas été victimes de discrimination en raison des décisions prises par l'appelante. Seul ce dernier a ou non été victime d'exclusion. Dit autrement, les parents de Joël n'ont pas reçu un traitement différent en raison de la trisomie de leur fils.

[212]     Elle exprime aussi l'avis qu'aucune atteinte à la dignité, en vertu de l'article 4 de la Charte, n'affecte les parents de l'enfant handicapé[52].

[213]     La réclamation formulée au bénéfice de Madame Ouellet est donc rejetée.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[214]     ACCUEILLE en partie la demande introductive d'instance;

[215]     CONDAMNE la Commission scolaire de Montréal à verser à X une somme de 7 500 $ à titre de dommages moraux, le tout, avec intérêts et l'indemnité additionnelle depuis le 31 mai 2010.

[216]     LE TOUT, avec dépens, y compris les frais de l'experte Delphine Odier-Guedj, tant pour la préparation de son rapport que sa présence à la Cour.

 

 

 

 

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Michèle Pauzé,

Présidente du Tribunal des droits de la personne

Me Kathrin Peter

Me Lysiane Clément-Major

 

BOIES DRAPEU BOURDEAU

360, rue St-Jacques Ouest, 2e étage

Montréal (Québec) H2Y 1P5

 

Pour la partie demanderesse

 

 

 

Me Bernard Jacob

Me François Houde

 

MORENCY SOCIÉTÉ D’AVOCATS, SENCRL

3075, chemin des Quatre-Bourgeois, bureau 400

Québec (Québec) G1W 4Y4

 

Pour la partie défenderesse

 

 

Dates d’audience :

17, 18 et 20 juin; 18, 19 et 20 septembre 2013

 

 



[1] Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q., c. C-12.

[2] Bien qu'une atteinte aux droits des plaignants au respect de leur dignité ait été alléguée au départ, la Commission n'a effectué aucune représentation à ce sujet; il en va de même pour la partie défenderesse, la CSDM. Le Tribunal ne traitera donc pas cette question.

[3] Suite à un amendement autorisé le 17 septembre 2013, la réclamation d’origine pour dommages matériels a été augmentée d’un montant de 11 620 $ et le total ajusté en conséquence.

[4] L’ajout de la conclusion subsidiaire a été autorisé par le Tribunal le 19 septembre 2013.

[5] Pièce P-1a.

[6] Code de procédure civile, L.R.Q., c. C-25.

[7] Il s’agit du Centre de réadaptation en déficience intellectuelle L’Intégrale.

[8] Selon le témoignage de son auteure, madame Moreau, il aurait été confectionné en mai ou juin 2008.

[9] Le témoin précise que les cours d’éducation physique (et la piscine) se donnaient à la « Maison mère », située ailleurs sur le campus, et que X prenait plus de temps que les autres élèves à se vêtir. Ainsi, il était souvent en retard à ces cours.

[10] Lorsque la procureure de la Commission exhibe à madame Boucher le courriel de madame Moreau dans lequel cette dernière donne une liste de ses dates de rencontres avec elle et avec X, le témoin dit croire qu’il y en a eu un plus grand nombre.

[11] Le témoin mentionne qu’en histoire, madame Demers interagissait beaucoup avec X et venait souvent le voir. Elle l’intégrait le plus possible. En français, l’enseignante interagissait parfois plus avec X qu’avec les autres élèves.

[12] « Sûrement qu’on s’est rencontré parce que pour arriver à un classement comme ça… c’est un travail d’équipe. […] On se parle. On échange. Je me pose des questions et puis, finalement, on dit : "Est-ce qu’on est d’accord pour ce type de classement là?"… Évidemment on discute… et c’est moi qui porte la décision ».

[13] « Ce n’était pas une situation en elle-même parce que ça arrive, des petits gars qui veulent embrasser des petites filles, les petites filles ne veulent pas … Mais avec X c’était plus complexe parce que lui, sa capacité de comprendre tout ça comment vivre tout ça bien ce n‘était pas évident ». À plusieurs reprises, dans son témoignage, elle revient sur le fait que X avait des choses à apprendre et que l’école n’était pas en mesure de le faire. À titre d’illustration : « Q. Et est-ce que ça [sa conduite à l’endroit d’une jeune fille] a eu une incidence sur la décision de le classer en classe spécialisée? R. Bien non, pas vraiment. […] La décision a été prise en lien avec le support pédagogique que nous ne pouvions donner à ce jeune là ».

[14] « nous avons été épatés ».

[15] Ce document a été produit par la Commission et est inclus dans le dossier déposé sous pièce P-12. Le Tribunal considère donc qu'il peut en tenir compte, malgré que la procureure de la Commission se soit objectée à son dépôt par la CSDM.

[16] Le témoin explique qu’à la CSDM, certains orthopédagogues sont titulaires de classes spéciales, d’autres assument un soutien à domicile dans des situations exceptionnelles, d’autres œuvrent parfois dans le réseau des écoles spéciales ou peuvent être reliés à un groupe d’écoles « en dénombrement flottant » et, finalement, peuvent faire partie de la section « répit-conseil » (ce qui était le cas de madame Moreau).

[17] À 5 reprises. Une première rencontre d’une heure a lieu le 26 octobre 2007.

[18] Il semble que le seul bulletin qui réponde à ce profil soit celui de juin 2008.

[19] Le témoin affirme avoir vu X une fois par semaine et n’avoir jamais constaté qu’un noyau de jeunes gravitait autour de lui.

[20] Selon son témoignage le document a été rédigé en mai ou en juin 2008. Ce document a également été produit par la Commission, dans le dossier déposé sous la côte P-12. Le Tribunal considère donc qu'il peut en tenir compte, malgré l'objection formulée par la Commission qui s'est opposée à son dépôt par la CSDM.

[21] Madame Renée Dufour, directrice, et monsieur Benoit Moisan, éducateur.

[22] « au point de requérir une évaluation en sexologie ».

[23] « qu’il fasse rire de lui ».

[24] Une des options consiste également à maintenir le jeune au premier cycle pendant une autre année.

[25] « non ségrégué ».

[26] Ordre intellectuel, Ordre méthodologique, Ordre personnel et social et Communication.

[27] Commission scolaire régionale de Chambly c. Bergevin, [1994] 2 R.C.S. 525, p. 538.

[28] Loi sur l'instruction publique, L.R.Q. c. I-13.3.

[29] Convention relative aux droits de l'enfant, 20 novembre 1989, 1577 R.T.N.U. 3 (ratifiée par le Canada le 13 décembre 1991 et par le Québec le 9 décembre 1991).

[30] Convention relative aux droits des personnes handicapées, 13 décembre 2006, 2515 R.T.N.U. 3 (ratifiée par le Canada le 11 mars 2010 et par le Québec le 10 mars 2010).

[31] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Coopérative d'habitation L'Escale de Montréal, 2008 QCTDP 1, par. 30-31; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Municipalité de cantons unis Stoneham-et-Tewkesbury, 2011 QCTDP 15, par. 143-147; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Spa Bromont inc., 2013 QCTDP 26, par. 150 (requête pour permission d'en appeler accueillie, C.A., 11-09-2013, 500-09-023847-130, 2013 QCCA 1579).

[32] Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale, L.R.Q., c. E-20.1.

[33] Eaton c. Conseil scolaire du Comté de Brant, [1997] 1 R.C.S. 241 (ci-après cité « Eaton »).

[34] Commission scolaire des Phares c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2006 QCCA 82 (ci-après cité « Commission scolaire des Phares (2006) »).

[35] Commission scolaire des Phares c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2012 QCCA 988 (requête pour autorisation de pourvoi rejetée, C.S.C., 24-01-2013, 34938) ci-après cité « Commission scolaire des Phares (2012) »).

[36] Eaton, préc., note 33, par. 69.

[37] Id., par. 79.

[38] Commission scolaire des Phares (2006), préc., note 34, par. 49-51.

[39] Id., par. 55.

[40] Id., par. 56-57. Ces étapes ont été réitérées dans Commission scolaire des Phares (2012), en précisant qu'elles ne constituent pas un carcan, que les étapes ne sont pas étanches l'une de l'autre et que le processus décisionnel de chaque étape peut être fusionné à la réflexion entreprise plus largement, selon les circonstances et le sujet évalué; Commission scolaire des Phares (2012), préc., note 35, par. 131.

[41] Commission scolaire des Phares (2012), id., par. 51-53.

[42] Id., par. 117.

[43] Commission scolaire des Phares (2006), préc., note 34, par. 93-99.

[44] Mémoire de la Commission scolaire, par. 11-14.

[45] Commission scolaire des Phares (2006), préc., note 34, par. 56 (nos soulignements).

[46] Art. 235 de la Loi sur l'instruction publique (nos soulignements).

[47] Commission scolaire des Phares (2006), préc., note 34, par. 87-88.

[48] Mémoire de la demanderesse, par. 37-40.

[49] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Commission scolaire des Phares, [2005] R.J.Q. 309, par. 228-230 et 242 (T.D.P.), inf. en partie par 2006 QCCA 82. La Cour d'appel a fait spécifiquement référence à cette conclusion dans son arrêt, mais sans se prononcer à ce sujet; Commission scolaire des Phares (2006), préc., note 34, par. 27.

[50] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Commission scolaire des Phares, 2009 QCTDP 19, par. 581-587, inf. par 2012 QCCA 988 (requête pour autorisation de pourvoir rejetée, C.S.C., 24-01-2013, 34938).

[51] Commission scolaire des Phares (2012), préc., note 35, par. 182.

[52] Id., par. 184.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.