Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
_

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec

Le 30 novembre 2005

 

Région :

Québec

 

Dossier :

264020-31-0506

 

Dossier CSST :

118744473

 

Commissaire :

Jean-Luc Rivard, avocat

 

Membres :

Alexandre Beaulieu, associations d’employeurs

 

Aurel Thibault, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Richard Bédard

 

Partie requérante

 

 

 

Et

 

 

 

Hôpital Général de Québec

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 2 juin 2005, monsieur Richard Bédard (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 30 mai 2005 à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 1er février 2005 et déclare que le travailleur n’a pas droit à une modification de la base salariale servant au versement des indemnités de remplacement du revenu en fonction de l’article 76 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

[3]                À l’audience tenue à Québec le 23 novembre 2005, le travailleur était présent et représenté par monsieur Georges-Etienne Tremblay. L’employeur était absent, ce dernier a plutôt transmis une argumentation écrite par le biais de sa représentante, madame Guylaine Bédard.

 

OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                Le travailleur demande de reconnaître qu’il peut bénéficier d’une modification de la base salariale servant à la détermination de l’indemnité de remplacement du revenu en fonction de l’article 76 de la loi. Le travailleur demande de bénéficier de cette modification à compter de la lésion professionnelle survenue le 28 septembre 2001 sous la forme d’une récidive, rechute ou aggravation reliée à la lésion survenue à l’origine le 2 mai 2000.

 

L’AVIS DES MEMBRES

[5]                Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que le travailleur ne peut bénéficier d’une modification de sa base salariale servant à la détermination de son indemnité de remplacement du revenu en fonction de l’article 76 de la loi. En effet, le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que le travailleur n’a pas démontré de circonstances particulières dans le cadre de l’interprétation jurisprudentielle retenue de l’article 76 de la loi. C’est uniquement en raison de la lésion professionnelle elle-même du 28 septembre 2001 que le travailleur est incapable d’occuper un emploi plus rémunérateur. Ce motif n’est pas visé à l’article 76 de la loi.

[6]                De son côté, le membre issu des associations syndicales est plutôt d’avis que le travailleur a démontré dans le cadre de l’article 76 de la loi qu’il peut bénéficier d’une modification de sa base salariale servant à la détermination de l’indemnité de remplacement du revenu à compter de la lésion professionnelle survenue le 28 septembre 2001. En effet, le travailleur a obtenu la nomination à un poste plus rémunérateur à titre de préposé aux bénéficiaires pour l’employeur qu’il n’a pas été en mesure d’occuper en raison de conséquences découlant directement de sa lésion professionnelle. La demande du travailleur est bien fondée.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[7]                Le tribunal doit déterminer si le travailleur a droit à une modification de la base salariale servant à déterminer les montants des indemnités de remplacement du revenu en fonction de l’article 76 de la loi qui se lit comme suit :

76. Lorsqu'un travailleur est incapable, en raison d'une lésion professionnelle, d'exercer son emploi pendant plus de deux ans, la Commission détermine un revenu brut plus élevé que celui que prévoit la présente sous-section si ce travailleur lui démontre qu'il aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur lorsque s'est manifestée sa lésion, n'eût été de circonstances particulières.

 

 

 

Ce nouveau revenu brut sert de base au calcul de l'indemnité de remplacement du revenu due au travailleur à compter du début de son incapacité.

__________

1985, c. 6, a. 76.

 

 

[8]                Le travailleur demande de bénéficier de cette modification de la base salariale à compter d’une lésion professionnelle survenue le 28 septembre 2001 sous la forme d’une récidive, rechute ou aggravation reliée à la lésion survenue à l’origine le 2 mai 2000 ayant entraîné une épicondylite à son coude gauche.

[9]                Le tribunal est d’avis après analyse que l’ensemble des conditions prescrites par l’article 76 de la loi ne sont pas rencontrées par le travailleur dans le présent dossier.

[10]           Le tribunal rappelle que l’article 76 de la loi stipule plusieurs conditions pour donner ouverture à la détermination d’un revenu plus élevé.

[11]           Le travailleur doit rencontrer essentiellement deux conditions. D’abord, il doit démontrer d’une part qu’il est demeuré incapable d’exercer son emploi pendant plus de deux ans en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime. Par ailleurs, le travailleur droit démontrer qu’il aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur lorsque s’est manifestée la lésion, n’eut été de circonstances particulières. Le tribunal souligne ici l’utilisation du terme « circonstances particulières » puisque cette notion a des effets déterminants dans le présent dossier. Nous reviendrons plus loin sur le sens donné à cette expression par la jurisprudence du présent tribunal.

[12]           Dans le présent dossier, rappelons que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 2 mai 2000 alors qu’il exerçait les fonctions de préposé aux bénéficiaires dans le cadre d’un poste permanent à temps partiel. Le travailleur a alors subi une épicondylite à son coude gauche. Le travailleur a bénéficié par la suite d’une période d’assignation temporaire.

[13]           En regard de cette réclamation initiale, la CSST retient le revenu brut assurable de 26 408 $ aux fins du calcul des indemnités de remplacement du revenu du travailleur.

[14]           Le 28 septembre 2001, le travailleur subit une récidive, rechute ou aggravation reliée à la lésion survenue à l’origine le 2 mai 2000. La CSST reconnaissait l’admissibilité de cette rechute par une décision du 23 octobre 2001.

[15]           Sur le plan médical, le Dr du Tremblay, chirurgien orthopédiste, agissant pour le compte du travailleur écrivait ce qui suit pour justifier cette période de récidive de rechute ou aggravation à compter du 28 septembre 2001 :

«Monsieur Bédard s’est présenté ce jour, le 28 septembre 2001, pour une expertise et évaluation de séquelles d’une épicondylite qui a été opérée.

 

Cependant, cliniquement, monsieur Bédard présente un phénomène douloureux très important au niveau de l’épicondyle avec diminution de force et également phénomène douloureux au niveau de la masse des épicondyliens pouvant faire penser à un syndrome d’étranglement du nerf radial à ce niveau.

 

Devant l’état clinique et après discussion avec le patient, ce dernier désire une nouvelle tentative thérapeutique et nous sommes en accord avec le patient à savoir qu’une nouvelle exploration et un nouveau relâchement des épicondyliens doivent être effectués.

 

Nous considérons donc que le patient est non consolidé et qu’il sera revu une fois le traitement chirurgical définitif effectué.»

 

 

[16]           En regard de cette nouvelle réclamation, le travailleur est indemnisé sur la base du revenu brut annuel de 27 068,20 $ (soit 26 408 $ avec revalorisation selon les critères prescrits par la loi)..

[17]           Le poste occupé par le travailleur au moment de la survenance de la lésion professionnelle initiale du 2 mai 2000, soit celui de préposé aux bénéficiaires dans un poste permanent à temps partiel comportait une prestation de travail de 32 h.50.

[18]           Le travailleur prétend qu’en raison de circonstances particulières il a été empêché de bénéficier du salaire afférent à un poste plus rémunérateur pour lequel il avait fait l’objet d’une nomination chez son employeur. En effet, le travailleur a déposé un document attestant de sa nomination à un poste de préposé aux bénéficiaires à temps complet (jour, soir et nuit) sur l’équipe volante comportant 36 h.25 par semaine et ce, à compter du 25 mars 2001. Le travailleur a également déposé un document attestant qu’il était également nommé à compter du 23 février 2003 dans un poste de préposé aux bénéficiaires à temps complet régulier à raison de 36 h.25 par semaine. Le travailleur prétend qu’il aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur lorsque s’est manifestée sa lésion sous la forme d’une rechute le 28 septembre 2001, n’eut été des circonstances particulières de son dossier.

[19]           Or, le tribunal constate que les circonstances particulières soulevées par le travailleur se résument en quelque sorte aux circonstances de la lésion elle-même. En effet, le travailleur a subi le 28 septembre 2001 une récidive, rechute ou aggravation reliée à sa lésion initiale du 2 mai 2000. Le travailleur est incapable d’exercer son emploi en raison de la lésion professionnelle elle-même. Le travailleur présente des séquelles de l’épicondylite initiale. Le médecin précise que le travailleur présente des phénomènes douloureux très importants au niveau de l’épicondyle avec diminution de force et avec phénomènes douloureux au niveau de la masse des épicondyliens pouvant faire penser à un syndrome d’étranglement du nerf radial à ce niveau. Une nouvelle exploration chirurgicale est d’ailleurs prévue par le Dr Pierre du Tremblay à l’occasion de cette évaluation.

[20]           Or, la jurisprudence a clairement énoncé que l’expression « circonstances particulières » utilisée à l’article 76 de la loi ne visait pas la situation d’un travailleur privé d’un revenu plus rémunérateur en raison de son incapacité à exercer son emploi à la suite d’une lésion professionnelle.

[21]           Dans une affaire Yvon Sauvageau et Soutien à l’imputation et CSST[2] rendue dans le cadre d’une requête en révision, la Commission des lésions professionnelles énonçait les principes suivants :

«[17]    La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision ne peut faire droit aux prétentions du travailleur. Il appert clairement des extraits cités ci-haut que le premier commissaire refuse d’appliquer l’article 76 de la loi parce que le travailleur n’a pas démontré qu’il a été privé d’exercer un emploi plus rémunérateur en raison de circonstances particulières.

 

[18]      L’article 76 se situe à la section de la loi portant sur le calcul de l’indemnité de remplacement du revenu. La règle générale prévoit que le revenu retenu pour calculer l’indemnité de remplacement du revenu est le revenu prévu au contrat de travail (art. 67 de la loi). Certaines situations particulières sont prévues aux articles 68 à 75 de la loi. Puis l’article 76 permet de déterminer un revenu plus élevé lorsque deux conditions sont rencontrées soit :

 

-     l’incapacité du travailleur à exercer son emploi pendant plus de deux ans à la suite d’une lésion professionnelle;

 

-     la preuve qu’il aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur lorsque s’est manifestée sa lésion n’eût été de circonstances particulières.

 

[19]      Dans le présent dossier, il n’y a pas de débat sur la première condition. Restait à déterminer si le travailleur aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur, en septembre 1998, «n’eut été de circonstances particulières». Or le premier commissaire a conclu que le travailleur n’a pas fait cette preuve.

 

[20]      Le travailleur dépose la décision rendue dans Bériault et Transport Jean-Louis Allaire et fils inc5. Il soumet qu’il s’agit d’une affaire similaire dans laquelle un travailleur a pu bénéficier de l’application de l’article 76. Cette décision est effectivement une belle illustration de l’application de cette disposition. Si les faits présentent une certaine similarité avec le présent dossier, la décision se distingue cependant par un élément fondamental, la preuve d’une des conditions d’application de l’article 76. La Commission des lésions professionnelles conclut que le travailleur a fait la preuve qu’il aurait occupé un emploi plus rémunérateur que celui qu’il occupait au moment de sa lésion professionnelle  n’eut été de circonstances particulières soit le bris de la machine qu’il devait opérer dans le cadre de son nouvel emploi.  Elle résume ainsi la preuve à ce sujet :

 

 

[40] La Commission des lésions professionnelles retient aussi de la preuve que dans les quelques jours précédant le début de son emploi chez Transports Jean-Louis Allaire et Fils inc., le travailleur devait commencer un emploi pour la compagnie 90173873 Québec inc.  La preuve non contredite démontre qu’un contrat de travail était intervenu verbalement entre le travailleur et monsieur Simon Villeneuve selon lequel monsieur Bériault travaillerait à plein temps comme opérateur de machinerie lourde à 18,00 $ de l’heure.  Le logement, la nourriture et le véhicule devaient être fournis par cet employeur.  Il était entendu que le travailleur devait rejoindre monsieur Villeneuve à Grand-Remous pour se rendre avec lui à Brochu dans la région de Sept-Îles où opérait son entreprise.  La preuve non contredite démontre aussi que la machine, qui devait être opérée par le travailleur, a versé juste avant son départ pour Grand-Remous.  Monsieur Villeneuve a rappelé le travailleur pour l’informer qu’il le rappellerait dès que la machine serait réparée et qu’il pourrait alors travailler à Sept-Îles.

 

[21]      Le travailleur dépose après l'audience trois autres décisions dans lesquelles le tribunal a conclu à l'application de l'article 76. Or dans ces trois affaires une preuve est faite des circonstances particulières pour lesquelles le travailleur n'a pas pu occuper un emploi plus rémunérateur. Dans Rivest et Voyages Au Nordest inc6, la preuve démontre que n'eût été d'un manque de bois le travailleur aurait exercé un emploi d'ébrancheur plutôt que celui de conducteur de traîneau à chiens à l'occasion duquel il s'est blessé. Dans Richard et J.B.L. Transport inc7. le tribunal conclut que n'eût été d'une grève chez son employeur il aurait occupé un emploi de grutier, emploi plus rémunérateur que celui de journalier occupé au moment de sa lésion. Dans Les Coffrages Thibodeau inc. et Beaudoin8, le travailleur occupait exceptionnellement l'emploi de journalier en raison d'un manque de travail comme calorifugeur.

 

[22]      Dans le présent dossier, il y certes une preuve de l’offre d’un contrat de travail mais il n’y a pas, selon le premier commissaire, de preuve des circonstances particulières qui ont empêché le travailleur d’occuper cet emploi. Les éléments allégués par le travailleur dans sa requête, et résumés plus haut, concernent la preuve de l’offre d’un emploi plus rémunérateur mais le travailleur n’a pas démontré que le premier commissaire avait ignoré des éléments de preuve démontrant des circonstances particulières qui l’ont empêché d’exercer l’emploi en question. D’ailleurs lorsque l’on prend connaissance de la preuve faite, on ignore pour quelles raisons le travailleur, s’il avait accepté cet emploi, ne l’a pas exercé.

[23]      Les seuls éléments de preuve à ce sujet semblent plutôt se rattacher à la condition du genou du travailleur notamment :

 

-dans le désistement que le travailleur signe le 18 septembre 2000, il écrit :

«J’étais aussi en attente et prévu de travailler pour une compagnie forestière, mais mes problèmes de genou m’ont empêché de pouvoir commencer ce travail»;

 

-dans la lettre que son frère écrit le 21 novembre 2000 pour confirmer l’offre d’un emploi d’opérateur de débusqueuse en septembre 1998, il écrit : «Monsieur Sauvageau n’a pu accéder à ce poste à cause de ses problèmes de genoux»;

 

-au paragraphe 16 de sa décision, le premier commissaire après avoir rapporté l’offre d’emploi faite par le frère du travailleur résume ainsi la preuve : «Le travailleur doit refuser cet emploi qui existe encore et qui est occupé par un autre travailleur au jour de l’audience. Le motif du refus avancé par le travailleur est son problème au genou gauche.»

 

 

[24]      Comme le souligne le premier commissaire, la jurisprudence considère que l’expression «circonstances particulières» à l'article 76 de la loi ne vise pas la situation où l’incapacité d’un travailleur privé d’un revenu plus rémunérateur découle de la lésion professionnelle elle-même. Le commissaire cite deux décisions à cet effet, d’autres9 ont depuis repris la même interprétation. L’extrait suivant tiré de l'affaire Létourneau et Automobile Transport inc.10 résume bien cette interprétation :

 

« […]

 

[31]      Cette disposition vise en effet à protéger la capacité de gains sur laquelle un travailleur pouvait concrètement compter au moment même de la survenance de sa lésion professionnelle compte tenu d’un emploi plus rémunérateur qu’il aurait alors pu occuper et dont il a cependant été privé en raison de circonstances particulières hors de son contrôle.  C’est en ce sens que s’est exprimée la Commission d’appel et, plus récemment, la Commission des lésions professionnelles dans les quelques décisions ayant trait à l’application de l’article 76 de la loi.

 

[32]      En outre, dans l’affaire Gaétan Provost et Roll up Aliminium cie et Commission de la santé et de la sécurité du travail-Estrie6, la Commission d’appel a précisé qu’en employant à l’article 76 de la loi l’expression « circonstances particulières » contrairement à celle de « lésion professionnelle », le législateur a manifestement choisi de ne pas viser la situation d’un travailleur privé d’un revenu plus rémunérateur en raison de son incapacité à exercer son emploi à la suite d’une lésion professionnelle.

___________

6           C.A.L.P. 67194-05-9503, le 30 janvier 1996, Santina di Paquale.» (Sic)

 

___________________

5           C.L..P. 144182-08-0008, 17 janvier 2002, M. Lamarre

6           C.L.P. 134493-63-0003, 30 novembre 2000, D. Beauregard

7           C.A.L.P. 74151-05-9510, 4 juillet 2000, M. Cuddihy

8           [1992] C.A.L.P. 1565 .

9           La CSST dépose les décisions suivantes : Racine et Les couvreurs Confort 2000 enr., C.L.P. 152826-64-0101, 15 juin 2001, R. Daniel; Laroche et Les Entreprises Nortec inc.; C.L.P. 168349-03B-01209, 19mars 2002, G. Marquis;  Leblanc et J.G. Boudreau Grande-Rivières inc., C.L.P. 90251-01B-9708, 28 février 2003, H. Thériault

10          C.L.P. 126297-61-9911, 26 février 2001, G. Morin.»  (Nos soulignements)

 

 

[22]           Dans une autre affaire Claude Laroche et Les Entreprises Nortec inc.[3] le tribunal écrivait ce qui suit :

«[51]    Quant à l'application de l'article 76 de la loi, elle n'est assujettie à aucun délai si ce n'est que le travailleur doit être demeuré incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle pendant au moins deux ans avant sa demande. Cet article stipule ce qui suit :

 

76. Lorsqu'un travailleur est incapable, en raison d'une lésion professionnelle, d'exercer son emploi pendant plus de deux ans, la Commission détermine un revenu brut plus élevé que celui que prévoit la présente sous-section si ce travailleur lui démontre qu'il aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur lorsque s'est manifestée sa lésion, n'eût été de circonstances particulières.

 

Ce nouveau revenu brut sert de base au calcul de l'indemnité de remplacement du revenu due au travailleur à compter du début de son incapacité.

________

1985, c. 6, a. 76.

 

[52]      Comme le précise la jurisprudence en la matière4, l'article 76 de la loi vise à protéger la capacité de gain sur laquelle le travailleur peut compter au moment même de la survenance de sa lésion professionnelle compte tenu de l'emploi qu'il aurait alors pu occuper et dont il a toutefois été privé en raison de circonstances particulières.

 

[53]      Cette disposition ne vise cependant pas la situation d'un travailleur qui est privé d'un revenu plus rémunérateur en raison de l'incapacité qui résulte de sa lésion professionnelle. Le législateur n'a pas voulu inclure dans la notion de «circonstances particulières» le fait que le travailleur soit incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle. Dès lors, la démonstration de la progression salariale qu'aurait été susceptible de connaître le travailleur s'il avait poursuivi l'exercice de son emploi d'aide-foreur ou même s'il avait accédé au poste de foreur après la survenance de sa lésion professionnelle n'est pas pertinente à l'application de l'article 76 de la loi.

 

[54]      Le législateur a prévu d'autres mécanismes spécifiques, bien que limités, qui permettent au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'être indemnisé en tenant compte du revenu qu'il tirait au moment de sa lésion professionnelle et aussi, dans une certaine mesure, de la perte de capacité de gain qui résulte de cette lésion. Il s'agit, dans tous les cas, de la revalorisation annuelle de la base salariale servant au calcul de l'indemnité de remplacement du revenu. De plus, si le travailleur demeure incapable de refaire l'emploi prélésionnel, la loi prévoit des mesures de réadaptation en vue de le rendre apte à exercer un emploi convenable et le versement d'une indemnité réduite de remplacement du revenu jusqu'à ce que le travailleur tire de l'emploi convenable ou d'un autre emploi qu'il occupe, un revenu annuel égal ou supérieur à celui qu'il avait au moment de la lésion professionnelle.

_______________

4           Létourneau et Automobile transport inc., C.L.P. 126297-61-9911, 01-02-26, G. Morin» (Nos soulignements)

 

 

[23]           Ces propos furent également repris dans l’affaire Jean-Guy Leblanc et J.G. Boudreau Grande-Rivière inc.[4] :

«}38]    La Commission des lésions professionnelles ne peut retenir aux fins de la présente la prétention voulant que n’eut été de la lésion professionnelle, il aurait obtenu un poste permanent avec une majoration de son salaire horaire depuis.  À cet effet, la Commission des lésions professionnelles souligne que l’article 76 de la loi ne vise pas la situation du travailleur qui est privé d’un revenu plus rémunérateur dans le futur en raison de l’incapacité qui résulte de sa lésion professionnelle5. Il faut distinguer les conséquences découlant de son incapacité d’exercer son emploi en raison de la lésion professionnelle, de la notion de circonstances particulières qui empêche le travailleur d’occuper un emploi plus rémunérateur lorsque survient la lésion professionnelle que l’on retrouve à cette disposition.

 

[39]      La Commission des lésions professionnelles souligne que le législateur a prévu d’autres dispositions qui permettent au travailleur, victime d’une lésion professionnelle, de protéger la perte de capacité de gain par la revalorisation annuelle du revenu annuel brut retenu aux fins d’établir le montant de l’indemnité de remplacement du revenu.

 

[40]      Par ailleurs, lorsque le travailleur devient incapable d’exercer son emploi en raison de la lésion, la loi prévoit des mesures de réadaptation afin de le rendre capable d’exercer un emploi convenable.  Subséquemment, le travailleur aura alors droit au versement d’une indemnité réduite de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’il retire de l’emploi convenable ou d’un autre emploi qu’il occupe, un revenu annuel égal ou supérieur à celui qu’il avait lors de la survenance de la lésion professionnelle.

__________________

5           Létourneau et Automobile Transport inc. C.L.P. 126297-61-9911, 26 février 2001, G. Morin;  Racine et Les Couvertures Confort 2000 enr, C.L.P. 153826-64-0101, 15 juin 2001, R. Daniel.» (Nos soulignements)

 

 

[24]           Le tribunal est d’avis que le travailleur n’a pas démontré de circonstances particulières dans le cadre de l’interprétation retenue de l’article 76 de la loi. C’est en raison de la lésion professionnelle elle-même du 28 septembre 2001 que le travailleur est incapable d’occuper un emploi plus rémunérateur. Ce motif n’est pas visé par l’article 76 de la loi.

[25]           La demande du travailleur est donc rejetée.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête du travailleur déposée le 2 juin 2005;

CONFIRME pour d’autres motifs la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 30 mai 2005 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur ne peut bénéficier des dispositions de l’article 76 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles visant la détermination d’un revenu plus élevé suite à la lésion professionnelle survenue le 28 septembre 2001.

 

 

 

 

__________________________________

 

JEAN-LUC RIVARD

 

Commissaire

 

 

 

 

M. Georges-Etienne Tremblay

C.S.N.

Représentant de la partie requérante

 

 

 



[1]          L.R.Q., c. A-3.001

[2]          C.L.P. 175407-08-0112R, 19 mai 2004, L. Nadeau.

[3]          C.L.P. 168349-03B-0109, 19 mars 2002, G. Marquis.

[4]          C.L.P. 90251-01B-9708, 28 février 2003, H. Thériault.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.