Décision

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Ouellet et Portes d'armoires Parco

2010 QCCLP 3625

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Longueuil

12 mai 2010

 

Région :

Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, Bas-Saint-Laurent et Côte-Nord

 

Dossier :

395022-01A-0911

 

Dossier CSST :

134165729

 

Commissaire :

Johanne Landry, juge administratif

 

Membres :

Gabriel Litalien, associations d’employeurs

 

Pierre Boucher, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Mélanie Ouellet

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Portes d’armoires Parco

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                 Le 20 novembre 2009, madame Mélanie Ouellet (la travailleuse) dépose, à la Commission des lésions professionnelles, une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), rendue le 11 novembre 2009, à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme celle rendue par le Comité santé et sécurité du travail en place chez l’employeur (le Comité) le 29 octobre 2009, déclare «conforme l’assignation temporaire signée par le médecin traitant le 8 octobre 2009» et déclare également «la travailleuse capable de l’occuper».

[3]                À l’audience tenue à Matane, le 17 mars 2010, la travailleuse est présente et Portes d’armoires Parco (l’employeur) est présente et représentée.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                La travailleuse demande de déclarer qu’elle est incapable d’accomplir les tâches qui lui ont été assignées temporairement par l’employeur.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]                Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que la procédure légale, prévue à l’article 37 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail[1] (la LSST), n’a pas été respectée par le Comité et que la contestation de la travailleuse doit être accueillie.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[6]                La travailleuse a subi une lésion professionnelle le 4 juin 2009.

[7]                Le 8 octobre 2009, sur un formulaire «Assignation temporaire d’un travail», le médecin qui a charge de la travailleuse indique que celle-ci est raisonnablement en mesure de faire le travail décrit, que ce travail est sans danger pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique de la travailleuse compte tenu de sa lésion et que ce travail est favorable à sa réadaptation.

[8]                Le 16 octobre 2009, la travailleuse conteste cette assignation temporaire.

[9]                Le 29 octobre 2009, le Comité se réunit.[2] Sont présents, messieurs Truchon et McDonald pour l’employeur et mesdames Lamarre et Dionne pour les employés. Le comité rend la décision qui suit :

Selon les faits suivants :

-           L’assignation temporaire a été acceptée par le médecin traitant.

-           L’employeur a offert une grande flexibilité quant à l’assignation temporaire. L’horaire et l’adaptation du travail étaient en fonction de la capacité de l’employés.

-           L’employée n’a même pas tentée l’essai de cette assignation.

Conclusion :

De ces faits, nous rejetons la non acceptation de Madame Ouellet à son retour au travail.

[10]           La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de décider de sa capacité à exercer les tâches qui lui ont été assignées par l’employeur et qui ont été autorisées par le médecin qui a charge.

[11]           Cependant, d’entrée de jeu, la Commission des lésions professionnelles doit constater que cette assignation temporaire ne respecte pas la procédure prescrite à la LSST.

[12]           L’assignation temporaire d’un travail est prévue à l’article 179 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[3] (la loi) :

179.  L'employeur d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle peut assigner temporairement un travail à ce dernier, en attendant qu'il redevienne capable d'exercer son emploi ou devienne capable d'exercer un emploi convenable, même si sa lésion n'est pas consolidée, si le médecin qui a charge du travailleur croit que :

 

1° le travailleur est raisonnablement en mesure d'accomplir ce travail;

 

2° ce travail ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion; et

 

3° ce travail est favorable à la réadaptation du travailleur.

 

Si le travailleur n'est pas d'accord avec le médecin, il peut se prévaloir de la procédure prévue par les articles 37 à 37.3 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1), mais dans ce cas, il n'est pas tenu de faire le travail que lui assigne son employeur tant que le rapport du médecin n'est pas confirmé par une décision finale.

__________

1985, c. 6, a. 179.

 

 

[13]           Comme la travailleuse n’était pas d’accord avec son médecin traitant, elle pouvait se prévaloir de la procédure prévue à l’article 37 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (la LSST) [4]:

37.  Si le travailleur croit qu'il n'est pas raisonnablement en mesure d'accomplir les tâches auxquelles il est affecté par l'employeur, il peut demander au comité de santé et de sécurité, ou à défaut de comité, au représentant à la prévention et à l'employeur d'examiner et de décider la question en consultation avec le médecin responsable des services de santé de l'établissement ou, à défaut de médecin responsable, avec le directeur de santé publique de la région où se trouve l'établissement.

 

S'il n'y a pas de comité ni de représentant à la prévention, le travailleur peut adresser sa demande directement à la Commission.

 

La Commission rend sa décision dans les 20 jours de la demande et cette décision a effet immédiatement, malgré une demande de révision.

__________

1979, c. 63, a. 37; 1985, c. 6, a. 525; 1992, c. 21, a. 302; 2001, c. 60, a. 167.

 

(nos soulignements)

 

 

[14]           La Commission des lésions professionnelles observe donc, à la lumière du procès-verbal tel que rédigé, que le Comité a omis de rendre sa décision en consultation avec le médecin responsable des services de santé de l'établissement ou, à défaut de médecin responsable, avec le directeur de santé publique de la région où se trouve l'établissement.

[15]           Comme l’a rappelé à quelques reprises la Commission des lésions professionnelles, cette consultation est une obligation.[5] En particulier, dans l’affaire Alcan Aluminium ltée-Usine Saguenay et Ratthé, la Commission des lésions professionnelles s’exprimait comme suit:

[78]      En l’espèce, comme le travailleur contestait l’assignation temporaire autorisée par son médecin traitant, le comité de santé et de sécurité de l’employeur a été saisi de cette contestation et avait donc comme mandat d’examiner et de décider de la question en consultation avec, dans les circonstances, un médecin de la direction de la santé publique.

 

[79]      En accord avec les parties, le tribunal estime que le processus de contestation prévu par la LSST a été respecté. Ainsi, la question a été adressée au comité de santé et de sécurité de l’employeur et, comme le médecin responsable des services de santé de l’établissement en matière d’assignation temporaire s’était plus ou moins retiré, l’intervention du directeur de la santé publique a été requise. Ce dernier a délégué le docteur Tremblay comme il peut le faire en vertu de l’article 128 de la LSST lequel réfère à l’article 126 :

 

126. Le médecin responsable ou la personne qu'il désigne a accès à toute heure raisonnable du jour ou de la nuit à un lieu de travail et il peut se faire accompagner d'un expert.

Il a de plus accès à toutes les informations nécessaires à la réalisation de ses fonctions notamment aux registres visés dans l'article 52. Il peut utiliser un appareil de mesure sur un lieu de travail.

___________

1979, c. 63, a. 126.

 

128. Le directeur de santé publique ou la personne qu'il désigne jouit des droits visés dans l'article 126.

___________

1979, c. 63, a. 128; 1992, c. 21, a. 321; 2001, c. 60, a. 167.

 

[80]      Cette délégation est d’ailleurs souhaitable puisque, en pratique, le directeur de la santé publique lui-même n’est sûrement pas toujours présent et disponible à son bureau que ce soit en raison d’un surplus de travail, de vacances, de maladie, etc. Les prescriptions de la loi doivent continuer d’être appliquées malgré cette absence et c’est pourquoi une telle délégation est non seulement légale, mais nécessaire.

 

 

[16]           Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que la décision rendue par le Comité est irrégulière et que la travailleuse n’était pas tenue d’occuper l’assignation temporaire autorisée par le médecin traitant le 8 octobre 2009.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de madame Mélanie Ouellet, la travailleuse;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 11 novembre 2009, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la travailleuse n’était pas tenue d’occuper l’assignation temporaire d’un travail autorisée par le médecin qui a charge le 8 octobre 2009.

 

 

 

__________________________________

 

Johanne Landry

 

 

 

 

 

Me Denis Tremblay

Tremblay & Tremblay

Représentant de la partie intéressée

 



[1]           L.R.Q. c. S-2.1

[2]           Voir le procès-verbal.

[3]           L.R.Q. c. A-3.001

[4]           L.R.Q. c. S-2.1

[5]           Fortier et A.F.G. Industries ltée (Glaverbec), C.L.P. 116416-32-9905, 23 décembre 1999, G. Tardif.; Plante et Scierie Gallichan inc., C.L.P. 198923-08-0302, 17 mars 2003, R. Deraîche; Alcan Aluminium ltée - Usine Saguenay et Ratthé, C.L.P. 239667-02-0407, 6 décembre 2004, J.-F. Clément.

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