Club de golf Le Mirage inc. c. Bouthillette Parizeau & Associés |
2015 QCCS 3706 |
COUR SUPÉRIEURE |
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Division de pratique |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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N° : |
500-17-066839-112 |
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DATE : |
Le 13 août 2015 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
MICHEL A. PINSONNAULT, J.C.S. |
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CLUB DE GOLF LE MIRAGE INC. |
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IMMEUBLES GOLF LE MIRAGE INC. |
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Demanderesses |
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c. |
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BOUTHILLETTE PARIZEAU & ASSOCIÉS |
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Défenderesse |
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TRANSCRIPTION RÉVISÉE D'UN JUGEMENT RENDU SÉANCE TENANTE LE 12 AOÛT 2015 DANS LE CADRE D’UNE REQUÊTE DE LA DÉFENDERESSE POUR OBTENTION D’UNE ORDONNANCE DE COMMUNICATION D’UN DOCUMENT CONSTATANT UNE TRANSACTION INTERVENUE DANS UN DOSSIER CONNEXE[1] |
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[1]
JP 1736
Le Tribunal note que les demanderesses ont intenté le même jour, dans
deux districts judiciaires différents, deux recours en dommages visant le même
projet de construction, l’un à Joliette contre l’entrepreneur général,
L’Archevêque & Rivest Ltée (705-17-004054-118) et l’autre dans la présente
instance à Montréal, contre les ingénieurs Bouthillette Parizeau & Associés
(« BPA ») ayant préparé les plans et devis et ayant assuré la
surveillance du chantier.
[2] Le Dossier de Joliette a fait l’objet d’un règlement complet et final constaté par un document de transaction dont BPA désire obtenir la communication.
[3] Un examen des requêtes introductives d’instances permet au Tribunal de constater qu’il y a identité au niveau du projet de construction et des donneurs d’ouvrage; dans le dossier de Joliette, les demanderesses réclament respectivement 739 208 $ et 175 000 $ de l’entrepreneur général; dans le dossier de Montréal, les demanderesses réclament 592 176 $ et 100 000 $ respectivement de BPA.
[4] L’avocat de BPA a satisfait le Tribunal qu’il existe une connexité, sinon une identité évidente au niveau de certains dommages réclamés dans les deux dossiers, si minimes puissent-ils l’être.
[5] À cet égard, l’interrogatoire de Monsieur René Noël, représentant des demanderesses, est fort révélateur lorsqu’en réponse à une question de l’avocat de Bouthillette Parizeau & Associés quant à un des reproches adressés à l’entrepreneur général quant à sa gestion inadéquate, il dit :
« Encore une fois, je ne sais pas d’où est la provenance du travail du travail à faire dans un cas comme celui-là. Alors, dans un cas comme celui-là, est-ce que ça, est-ce que ça vient des ingénieurs électriques, la responsabilité, ou est-ce que ça vient du gérant de projet? Il y a une responsabilité à quelque part de quelqu’un. »[2]
[6] L’avocat des demanderesses reconnait que le seul caractère confidentiel de la transaction intervenue ne suffit pas à faire échec à la demande de la défenderesse d’avoir accès au document constatant la transaction.
[7] L’avocat plaide par ailleurs qu’il n’y a pas lieu de donner accès au document de transaction, car celui-ci ou son contenu ne sera d’aucune utilité dans le présent litige. Autrement dit, il n’est pas pertinent pour les fins du présent dossier.
[8] Le Tribunal a eu le loisir de prendre connaissance, sur une base confidentielle, du document de transaction, lequel révèle une transaction monobloc non ventilée.
[9] Ignorant la teneur et la portée de la transaction, l’avocat de BPA invoque son droit d’y avoir accès pour que sa cliente puisse bénéficier d’une défense pleine et entière.
[10] Certains des chefs de réclamation adressés à sa cliente ont-ils déjà été réglés par l’entrepreneur général?
[11] Voici une question légitime que se pose BPA, tout comme le juge appelé à trancher ce litige sur le fond pourrait également se poser.
[12] Il est facile de prétendre que la transaction ne sera d’aucune utilité à la défenderesse qui doit accepter la seule parole de l’avocat des demanderesses à cet effet.
[13] L’avocat des demanderesses a néanmoins reconnu qu’au moins un élément de quelque 6 000 $ pourrait être identique dans les deux poursuites.
[14] Dès lors, BPA a établi une apparence de connexité qui milite en faveur de la divulgation du document de transaction.
[15] Le montant, si minime puisse-t-il être par rapport à l’ensemble des chefs de réclamation, ne peut faire échec à lui seul à la demande de la défenderesse, surtout lorsque la partie qui devrait accepter que le document de transaction ne lui serait pas utile est privée d’y avoir accès.
[16] Prima facie, la transaction peut potentiellement avoir une certaine pertinence, ce qui pourra être déterminé au besoin par le juge du fond.
[17] À ce sujet, le Tribunal fait sien les propos de la juge Lise Matteau dans la cause Ashton c. Cinar Corp.[3] :
« [15] Il serait donc injuste, toujours à ce stade des procédures, de priver les demandeurs du bénéfice de connaître l’intégralité du règlement intervenu, quitte à ce que ces derniers puissent éventuellement conclure que cette convention ne leur est d’aucune utilité. »
[18] Il y a donc lieu de faire droit à la demande de BPA et d’ordonner la communication du document constatant la transaction dans le dossier de Joliette, cette communication étant cependant assortie d’une ordonnance de scellé, de non-publication, de non-divulgation et de non-diffusion, seuls l’avocat et sa cliente ne pourront y avoir accès que pour les seules fins du présent litige.
[19] L’avocat de BPA demande également que la communication du document constatant la transaction intervenue dans le dossier de Joliette ait lieu dans un délai de 48 heures du présent jugement et que celui-ci soit exécutoire nonobstant appel.
[20] L’avocat des demanderesses s’y objecte au motif que le document ne devrait pas être en possession de BPA avant ou lors de la conférence de règlement à l’amiable qui doit avoir lieu entre les parties le 24 août prochain.
[21] Il demande donc que la communication du document de transaction, le cas échéant, n’ait lieu que lorsque le présent jugement aura force de chose jugée seulement, une demande relativement inusitée, dictée, semble-t-il, par la volonté des demanderesses que BPA s’engage dans le processus de la conférence de règlement à l’amiable en ignorant la teneur de la transaction intervenue en juin dernier avec l’entrepreneur général.
[22] Le Tribunal s’étonne quelque peu de cette position.
[23] D’une part, l’avocat des demanderesses s’est évertué à tenter de convaincre le Tribunal que les divers chefs de réclamation visant l’entrepreneur général sont, à quelques exceptions près, totalement étrangers aux chefs de réclamation adressés à l’endroit de BPA.
[24] Cet état de fait conférerait à ce document de transaction le caractère inutile que l’avocat des demanderesses tente de lui imputer pour s’objecter à la présente demande communication.
[25] Or, si tel est le cas, la connaissance par BPA des termes et conditions de la transaction intervenue dans le dossier de Joliette ne devrait lui être d’aucune utilité dans le cadre de la conférence de règlement à l’amiable, car outre de démontrer que les demanderesses sont ouvertes à régler leurs différends reliés au projet de construction en question, les termes du règlement intervenu dans le dossier de Joliette n’auraient aucune pertinence pour BPA.
[26] Pourquoi cette transaction deviendrait-elle soudainement en quelque sorte « pertinente » si le document est connu ou communiqué avant la date de la conférence de règlement à l’amiable?
[27] Si les parties sont réellement disposées à tenter de négocier un règlement de bonne foi afin de mettre fin à l’amiable à leur litige, la connaissance des termes et conditions de ladite transaction ne devrait pas empêcher un règlement potentiel. Dans ce même contexte, BPA ne devrait fonder sa participation à la conférence de règlement à l’amiable sur l’obtention ou non au préalable dudit document de transaction.
[28] Le Tribunal se permet de rajouter, en tout respect, que si ce document de transaction a si peu de pertinence et d’utilité pour BPA, comme le soutient l’avocat des demanderesses, il doute que celles-ci engagent des ressources financières additionnelles dans un débat apparemment stérile, vu la non-pertinence de la transaction.
[29] Enfin, rien dans le présent dossier ne justifie que le Tribunal ordonne que le présent jugement soit exécutoire nonobstant appel.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[30] Accueille la présente requête pour obtention d’une ordonnance de communication du document constatant une transaction dans un dossier connexe;
[31] ORDONNE aux demanderesses de communiquer à la défenderesse au bureau de son avocat, au plus tard le 21 août 2015, à midi, le document constatant la transaction intervenue entre Club de Golf Le Mirage inc. et Immeubles Golf Le Mirage inc. et l’Archevêque & Rivest ltée dans l’instance 705-17-00405-118;
[32] ORDONNE que ce document de transaction soit conservé sous scellé dans le dossier de la Cour et qu’il fasse, par les présentes, l’objet d’une ordonnance de non-divulgation, de non-publication et non-diffusion, étant strictement entendu que ce document ne pourra être communiqué qu’à Bouthillette Parizeau & Associés et son avocat et que ceux-ci ne pourront s’en servir qu’aux fins du présent litige seulement;
[33] LE TOUT avec dépens.
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__________________________________ Michel A. Pinsonnault, j.c.s. |
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Me Mathieu Renaud |
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Dunton Rainville s.e.n.c.r.l. |
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Procureurs de la Demanderesse |
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Me Richard R. Provost |
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Fraticelli Provost s.e.n.c.r.l. |
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Procureurs de la Défenderesse |
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Date d’audience : |
12 août 2015 |
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[1] Le jugement est rendu séance tenante. Conformément au principe énoncé par la Cour d'appel dans l'arrêt Kellogg's Company of Canada c. P.G. du Québec, [1978] C.A. 258, 259-260, le Tribunal s’est réservé le droit, au moment de prononcer son jugement, de modifier, amplifier et de remanier les motifs pour en améliorer la présentation et la compréhension sans toutefois en affecter la substance et le dispositif.
[2] Pièce R-6 : Notes sténographiques de l’interrogatoire de Monsieur René Noël du 10 mai 2012, p. 301.
[3] 2004 CanLII 25815 (QC CS).
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