Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier

Gagnon c. Ouellette

2014 QCCQ 45

JD 2679

 
 COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

CHICOUTIMI

« Chambre civile »

N° :

150-22-009099-125

 

DATE :

 9 janvier 2014

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE MONSIEUR LE JUGE RICHARD P. DAOUST, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

MYLÈNE GAGNON

-et-

JIMMY LAMBERT

 

Demandeurs

 

c.

 

GUYLAINE OUELLETTE

-et-

MICHEL RICHARD

-et-

ROYAL LEPAGE SAGUENAY LAC-ST-JEAN

-et-

SONIA RHÉAUME

-et-

LE FONDS D'ASSURANCE RESPONSABILITÉ PROFESSIONNELLE DU COURTAGE IMMOBILIER DU QUÉBEC

 

Défendeurs

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           Les demandeurs qui ont acheté de Guylaine Ouellet et Michel Richard (les vendeurs) une résidence les poursuivent de même que l'agent d'immeuble Sonia Rhéaume, son employeur Royal Lepage et le Fonds d'assurance responsabilité professionnelle du courtage immobilier du Québec pour des fausses représentations qui auraient été faites lors de la vente.

[2]           Essentiellement, même si la résidence avait 56 ans d'âge le jour de la transaction, il n'aurait pas été révélé aux demandeurs certaines informations relativement à des infiltrations d'eau qui auraient eu lieu du temps où les vendeurs étaient propriétaires de la résidence.

[3]           Bien que le recours soit essentiellement basé sur des omissions et réticences, il y a lieu d'analyser la notion de vices cachés, les demandeurs ayant produit quelques exemples jurisprudentiels en cette matière lors des représentations de leur avocat.

[4]           Six questions sont soulevées par le litige:

1- La résidence est-elle affectée d'un vice caché ?

2- Y a-t-il eu réticences ou omissions lors de la vente ?

3- Quelle est la responsabilité des vendeurs ?

4- Quelle est la responsabilité du courtier ?

5- Quel est le partage de responsabilité entre les vendeurs et le courtier ?

6- Quelle est la valeur des dommages ?

LES FAITS

[5]           Les demandeurs sont à la recherche de leur première maison. Compte tenu de leurs moyens financiers limités, ils souhaitent une résidence menue ne nécessitant pas de travaux importants à court terme.

[6]           Ils mandatent l'agent d'immeuble Richard Simard de Proprio Direct pour les aider dans leur démarche.

[7]           Le 18 avril 2012 est convenu un contrat de courtage entre les vendeurs Ouellette et Richard et Royal Lepage (P-17)  pour laquelle travaille l'agent Sonia Rhéaume.

[8]           À cette même date est confectionnée la fiche technique de l'immeuble (P-2) laquelle réfère à la déclaration du vendeur portant le numéro 49010. Cette déclaration du vendeur 49010 (P-4) datée du 17 avril 2012 (DV1) est alors signée par Guylaine Ouellette représentant aussi son mari à cette fin.

[9]           Entre autres, les déclarations suivantes y sont faites:

D3.1- À votre connaissance, y a-t-il ou y a-t-il déjà eu

infiltrations d'eau ou sous-sol ou ailleurs ?                               oui             non

 

D4.5- À votre connaissance, y a t-il ou y a t-il déjà eu

accumulation périodique d'eau sur le terrain ?                         oui            non

 

D5.1- À votre connaissance, y a t-il ou y a t-il déjà eu         oui                 non

déversement de liquide au sous-sol (ex.: eau, mazout,

huile, mercure, etc.) ?

 

D5.2- À votre connaissance, y a t-il ou y a t-il déjà eu             oui             non

présence de fissures de fondation, pourriture ou autre

problème affectant le sous-sol ?

 

D6.1- À votre connaissance, y a t-il ou y a t-il déjà eu

condensation importante et régulière en hiver, par ex-

exemple sur les fenêtres, les verrières, la porte-patio,

les murs, plafonds ou autres ?                                                    oui            non

 

D6.3- À votre connaissance, y a t-il ou y a t-il déjà eu

traces de moisissure ou de pourriture ?                                    oui            non

 

[10]        À la fin de DV1, à la clause D15 où il est demandé d'indiquer les clauses avec les précisions, rien n'a été inscrit.

[11]        Cette DV1 a été récupérée par l'agent Richard Simard sur Internet dans un site qui en permet facilement l'accès.

[12]        À la lecture de cette déclaration des vendeurs, Richard Simard la juge insatisfaisante puisqu'à plusieurs endroits, il y a des réponses positives aux questions qui peuvent être problématiques. Il communique avec Sonia Rhéaume, l'agent inscripteur, pour lui demander des précisions.

[13]        Alors, Sonia Rhéaume prend la décision de demander à ses clients de fournir une deuxième déclaration du vendeur.

[14]        Elle communique avec Guylaine Ouellette et sur cet aspect, les versions divergent.

[15]        Pour Sonia Rhéaume, elle demande à ses clients de dire la vérité et c'est alors que Guylaine Ouellette lui aurait indiqué que son mari exagérait. Il n'y avait pas eu des infiltrations d'eau à plusieurs reprises mais une seule fois il y a trois ans. Alors, son mari avait colmaté des fissures et plus jamais n'y avait-il eu d'eau dans le sous-sol.

[16]        Pour Guylaine Ouellette, ce n'est pas ce qui s'est produit. Elle dira que Sonia Rhéaume était au courant que presque tous les ans au printemps, la résidence avait eu des infiltrations d'eau au sous-sol. Cela avait cessé il y a trois ans lorsque son mari avait colmaté les fissures du solage.

[17]        Elle dira que Sonia Rhéaume lui a demandé de refaire une déclaration en indiquant seulement ce qui s'était passé dans les trois dernières années, ce qui enlevait toute référence aux infiltrations d'eau annuelles antérieures.

[18]        Le 16 mai 2012, Guylaine Ouellette signe une seconde déclaration du vendeur (DV2) laquelle porte le numéro 49006.

[19]        Aux mêmes questions, les réponses ne sont pas tout à fait les mêmes:

 

D3.1- À votre connaissance, y a-t-il ou y a-t-il déjà eu

infiltrations d'eau ou sous-sol ou ailleurs ?                              oui              non

 

D4.5- À votre connaissance, y a t-il ou y a t-il déjà eu

accumulation périodique d'eau sur le terrain ?                        oui             non

 

Lettre explicative de la ville, la ville va réparer le problème

 

D5.1- À votre connaissance, y a t-il ou y a t-il déjà eu        oui                  non

déversement de liquide au sous-sol (ex.: eau, mazout,

huile, mercure, etc.) ?

 

D5.2- À votre connaissance, y a t-il ou y a t-il déjà eu            oui       non

présence de fissures de fondation, pourriture ou autre

problème affectant le sous-sol ?

 

D6.1- À votre connaissance, y a t-il ou y a t-il déjà eu

condensation importante et régulière en hiver, par ex-

exemple sur les fenêtres, les verrières, la porte-patio,

les murs, plafonds ou autres ?                                                     oui           non

 

 

D6.3- À votre connaissance, y a t-il ou y a t-il déjà eu

traces de moisissure ou de pourriture ?                                    oui            non

 

[20]        Par ailleurs, à la clause D15 est ajoutée la mention suivante:

L'eau qui entre dans l'atelier est due à une accumulation d'eau dans l'entrée et en arrière. La ville va effectuer des travaux bientôt et M. Richard a réparé les fuites. Il n'y a plus d'eau depuis trois ans.

[21]        C'est DV2 qui est remise aux acheteurs par Richard Simard et qui sera incluse comme clause spécifique à la promesse d'achat acceptée (clause 8.1) pour 138 000 $ le 17 mai 2012.

[22]        L'offre d'achat acceptée est conditionnelle à une inspection.

[23]        Pour expliquer la différence entre les deux déclarations du vendeur, Sonia Rhéaume expliquera à Richard Simard que ses clients étaient nerveux lorsqu'ils ont rempli la première mais que la vérité se trouvait dans la seconde. C'est ce qui pousse Richard Simard - qui n'a aucune raison de douter de la bonne foi de quiconque - à ne remettre que la seconde aux acheteurs puisque c'est celle qui est acceptée par eux et qui lie les vendeurs.

[24]        Le 21 mai a lieu l'expertise de l'inspecteur préachat Daniel Mérédith (P-5).

[25]        Selon la preuve entendue, lors de son inspection, Daniel Mérédith se serait questionné concernant des cernes sur le plancher et de l'efflorescence sur les murs et alors, Guylaine Ouellette aurait rassuré l'expert en mentionnant que cela était dû à l'entreposage du bois de chauffage l'hiver, ce que tous considéreront comme une possibilité et une explication satisfaisante à ce qu'ils avaient visualisé.

[26]        Certains avertissements sont donnés dans le rapport écrit à savoir notamment:

§  Corriger les pentes du terrain, les pentes favorisent l'écoulement d'eau vers la fondation, nécessite des correctifs.

§  Les descentes de gouttières doivent être disposées de façon à éloigner l'eau des fondations. (…)

§  Aucune vérification n'a été effectuée pour connaître l'existence ou non du drain français ni son état. Il est de la responsabilité de l'acquéreur de faire les vérifications nécessaires (caméra, autres).

§  En général le système de drain français d'une maison a une durée de vie d'environ 25 ans. Le système se bouche graduellement et devient inopérant. Plus tard l'eau peut s'infiltrer à l'intérieur du sous-sol ou sous la dalle de béton dans le remblai. Lorsque ce stade est atteint, il faut refaire le système de drainage ou le déboucher si cela est possible. Vous devez alors contacter des firmes spécialisées dans ce domaine.

§  Nous avons vu des traces de moisissure (ouvrir le mur et vérifier s'il y a des infiltrations d'eau).

§  Nous vous demandons de faire effectuer des tests pour la contamination fongique, veuillez consulter un chimiste ou un microbiologiste pour les tests de salubrité microbienne.

§  Dalles de béton au sol fissurées: obstruer les fissures selon la méthode appropriée.

§  Dalles de béton au sol: il y a des traces d'efflorescence (voir drain français).

[27]        Pour le reste, l'expert Mérédith ne mentionnait rien qui puisse décourager les acheteurs qui sont rassurés par la déclaration du vendeur le jour de l'inspection de même que par les explications données dans DV2. C'est pour cela qu'il n'y a pas d'avis de non conformité et que les acheteurs entendent procéder à la transaction le 7 juin suivant, vente qui s'effectue avec la garantie légale.

[28]        Les acheteurs étaient également rassurés qu'effectivement, la ville viendrait réparer un problème de puisard et qu'ainsi, il n'y aurait plus d'eau sur le terrain. Cette réparation a été effectuée par la ville l'année suivante.

[29]        Les acheteurs avaient également en tête qu'il n'y avait plus d'eau dans la résidence depuis trois ans.

[30]        Les demandeurs ont des réparations à effectuer dans la résidence avant leur déménagement qui s'effectuera quelques semaines plus tard.

[31]        Avant de déménager dans les lieux, à la fin juin 2012, l'eau pénètre de façon abondante au sous-sol à un autre endroit que celui qui avait été déclaré par les vendeurs.

[32]        Lorsque les demandeurs ont constaté l'eau dans le sous-sol, ils ont communiqué avec leur agent d'immeuble Richard Simard qui a fait des démarches auprès de Sonia Rhéaume.

[33]        Cette dernière a communiqué avec ses clients et transmis le 28 juin 2012 une correspondance électronique (P-6) qui contient notamment le texte qui suit:

Allo Guylaine! j'espère que Michel et toi vous vous portez bien et que votre emménagement s'est bien déroulé !… Bon, voilà, j'ai eu un téléphone de Richard Simard hier p.m. me disant que les acheteurs de La Bretagne avaient refait le sous-sol et que par la suite, ont eu un problème d'eau… bref, provenant dudit  problème antérieur, déjà expliqué auparavant, mais tu te rappelles, la deuxième déclaration nous avions dédramatisé le problème disant que la dernière fois il y avait trois ans que ce problème-là n'était pas arrivé… voilà que c'est arrivé!… malgré que cela avait été déclaré, il serait idéal que vous alliez vérifier sur place ce problème, question de prévenir la suite… Vous pouvez y aller tous les deux ou avec un expert. Je sais et comprends que ces situations ne sont jamais agréables mais voilà qu'il vaut toujours mieux prendre le temps de s'y arrêter et de s'en préoccuper  dans le but de se protéger de complications possibles… je te souhaite bonne chance et également une bonne journée!

PS. N'oublie pas que rien ne sert de paniquer…

Sonia

(notre emphase)

 

[34]        Guylaine Ouellette se rend effectivement sur les lieux et les parties ne s'entendent pas. Elle convient de payer les frais de 574,88 $ de la firme Pro Drain pour vérifier le drain en question. L'examen révélera que le drain est bouché à 100% (P-7).

[35]        Les demandeurs obtiennent le 5 juillet 2012 une soumission de 13 400,34 $ qui n'est pas réclamée puisqu'ils ont fait le choix de faire les travaux eux-mêmes.

[36]        Le 20 juillet sont transmis les avis et mises en demeure à tous les défendeurs (P-8 et P-9).

[37]        Le 31 juillet, le fonds d'assurance responsabilité nie la responsabilité de ses assurés (P-10).

[38]        Les travaux sont effectués à l'automne 2012 par les demandeurs et certains de leurs proches, l'excavation étant confiée à un professionnel (3 449.25 $), des déboursés additionnels de 2 913,71 $ étant par ailleurs nécessaires. Essentiellement, les travaux ont consisté en la réfection du drain et les réparations attenantes.

[39]        Certains arbres ont été abîmés tel qu'il sera discuté lors de l'évaluation de la réclamation.

L'ANALYSE

[40]        1- La résidence est-elle affectée d'un vice caché ?

[41]        Les vendeurs ont vendu avec la garantie légale de qualité. Les demandeurs possèdent un droit de recours en vice caché s'ils démontrent un vice possédant les caractéristiques suivantes à savoir qu'il est grave, caché, inconnu des acheteurs et existant lors de la vente.

[42]        Puisque les avis et mise en demeure ont été transmis avant la réalisation des travaux, il n'y a pas de problème de dénonciation du vice.

[43]        Mais d'abord, s'agit-il d'un vice ?

[44]        Dans son inspection préachat, Daniel Mérédith indique aux acheteurs qu'en général, un système de drain français d'une maison a une durée de vie d'environ 25 ans.

[45]        L'expert Louis Parent émet l'opinion dans son rapport (D-2) qu'un drain français au pourtour d'un bâtiment a une durée de vie qui varie entre 25 et 35 ans.

[46]        Comme on le sait, la résidence a 56 ans au jour de l'achat et aucune preuve n'a démontré que ce drain avait été modifié entre la date de construction et les problèmes vécus par les acheteurs.

[47]        Partant, puisque le drain était rendu à la fin de sa vie utile, ce n'est pas un vice qui affectait la résidence mais plutôt l'usure normale de la chose.

[48]        Comme le dit le juge Patrick Théroux dans l'affaire Laporte[1], il existe une abondante jurisprudence en matière de vices cachés concernant les systèmes de drainage des fondations. Les tribunaux sont unanimes à conclure que la vétusté, l'usure normale et l'atteinte de la durée de vie utile ne constituent pas des vices cachés couverts par la garantie légale de qualité.

[49]        Dans cette affaire Laporte précitée, au paragraphe 25 de la décision, le juge Patrick Théroux soumettait une longue liste d'autorités à cet effet dont le Tribunal tient compte sans la reprendre nommément.

[50]        Quant aux autres problématiques soulevées savoir qu'il puisse y avoir des fissures, des traces d'efflorescence ou à certains égards, de la moisissure dans une salle de bain il y a quelques années, cela n'est pas en soi la preuve d'un vice caché mais plutôt de certaines manifestations puisque aucune preuve n'a été administrée de l'origine d'un vice.

[51]        La preuve des demandeurs ne révèle pas de façon précise la cause probable des infiltrations d'eau et si tant est que ce soit le drain français, cela ne constitue pas un vice mais plutôt de l'usure normale comme mentionné plus avant.

[52]        Par ailleurs, lorsque des acheteurs se portent acquéreurs d'une maison qui a 56 ans, ils doivent agir de façon prudente et diligente.

[53]        En l'espèce, ils ont pris une bonne décision en requérant une expertise préachat mais comme mentionné à la section des faits, l'expert Daniel Mérédith leur avait mis la puce à l'oreille sur certaines problématiques potentielles.

[54]        Bien sûr, rien n'indiquait qu'il y avait un état d'urgence à agir puisque les acheteurs avaient été rassurés par les différentes déclarations des vendeurs. On les avait dirigés sur un problème de fissure réglé plutôt que sur l'âge du drain.

[55]        Aussi, le sinistre survient quelques jours après la date d'acquisition, ce qui laissait peu de temps aux demandeurs pour procéder à des réparations ou des vérifications additionnelles.

[56]        Le Tribunal conclut donc qu'il n'y a pas de preuve d'un vice et que si le vice allégué est le drain français, c'est simplement le passage du temps qui a fait en sorte que le drain se soit bouché. Enfin, si vice il y avait eu, il eut été difficile de prétendre qu'il aurait été inconnu des acheteurs puisque ces derniers avaient été avertis de certains questionnements par leur expert.

[57]        Partant, il n'y a pas matière à vice caché.

[58]        2- Y a-t-il eu réticences ou omissions lors de la vente ?

[59]        La preuve révèle sans contradiction que presque tous les printemps dans les six premières années où les vendeurs ont été propriétaires de la résidence, il y avait des écoulements d'eau dans le sous-sol. C'est ce que voulait dénoncer Guylaine Ouellette dans DV1.

[60]        DV2 ne fait référence qu'à une infiltration réglée il y a trois ans.

[61]        La défense suggère d'abord qu'il y a lieu de faire reproche à l'agent d'immeuble Richard Simard de n'avoir présenté que DV2 à ses clients sans leur offrir de constater les contradictions. Cela a pour objectif de mitiger la responsabilité des défendeurs.

[62]        Ce reproche ne peut être retenu puisque l'agent d'immeuble Simard avait toutes les raisons de croire à la bonne foi des vendeurs et de croire également qu'il n'y avait pas de tentative de dissimulation. Il s'est satisfait de l'explication non contredite de Sonia Rhéaume à l'effet que la première déclaration n'était pas celle à retenir pour fins de transaction puisqu'elle avait été rédigée par nervosité. Puisque la bonne foi se présume, Richard Simard avait raison d'agir ainsi.

[63]        Dans les faits, les acheteurs n'ont jamais eu connaissance de DV1 sauf après, lorsque le litige est survenu. Ils n'ont donc jamais pu comparer les deux versions.

[64]        S'il est une chose certaine, c'est que ni DV1 ni DV2 ne traitent de cette question d'infiltrations d'eau presque tous les printemps pendant six ans. Peu importe que l'on retienne la version de Guylaine Ouellette à l'effet que DV2 a été modifiée à la demande expresse de Sonia Rhéaume ou celle de Sonia Rhéaume à l'effet qu'elle n'a pris que DV2 qui semblait être la vérité rédigée par les clients qui vivaient dans la maison, l'essentiel n'a jamais été écrit.

[65]        Il est curieux de constater que Sonia Rhéaume témoigne à l'effet qu'elle a donné cette information à qui voulait l'entendre et que Guylaine Ouellette en a fait de même en avisant l'expert Daniel Mérédith lors de sa visite puisque ni DV1 ni DV2 ne contiennent cette information. Je souligne au passage qu'il est peu probable que cela ait été mentionné à Daniel Mérédith qui n'en parle pas dans son rapport et qui n'avait aucun motif de retenir cette information s'il l'avait connue.

[66]        DV1 qui mentionne aux clauses D3.1 et D4.5 une information à l'effet qu'il y avait de l'infiltration et de l'accumulation périodique - ce qui inquiète Richard Simard - est corrigée dans DV2 à la clause D15 lorsqu'on y écrit qu'il n'y a pas d'eau depuis trois ans suite aux réparations des fissures.

[67]        Cette information peut sembler exacte mais elle cache l'essentiel savoir que dans les années précédentes, et ce, pendant presque six ans, il y a eu des infiltrations à tous les printemps.

[68]        Si cette information est si importante que tant Sonia Rhéaume que Guylaine Ouellette s'empressent de la communiquer verbalement, alors, pourquoi rédiger deux déclarations du vendeur sans le préciser ?

[69]        Ce qui est probable, c'est que cette capitale information risquait d'amoindrir les chances de vente et on a volontairement omis de la déclarer.

[70]        Les accumulations d'eau sur le terrain ont été déclarées mais dans DV2, on a précisé ce qui est exact, savoir que la ville avait remis une lettre à l'effet qu'elle règlerait le problème du puisard, ce qui s'est effectué par la suite.

[71]        Dans DV1, le vendeur reconnaît qu'il y a eu des déversements d'eau à D5.1 alors que ce n'est plus le cas dans DV2.

[72]        Guylaine Ouellette expliquera que c'est parce que pour elle, un déversement implique une grande quantité d'eau et c'est la raison pour laquelle, puisqu'il n'y avait pas eu beaucoup d'eau lors des infiltrations, elle a déclaré dans DV2 qu'il n'y avait pas eu de déversement d'eau.

[73]        L'explication est peu convaincante puisque si elle croit qu'un déversement d'eau doit nécessairement impliquer une grande quantité d'eau, pourquoi l'a t-elle déclaré dans DV1 ?

[74]        Quant aux fissures de fondation, il y en a toujours eues.

[75]         Bien sûr ont-elles été colmatées par Michel Richard mais tout le monde les a vues y compris Daniel Mérédith.

[76]        Pourquoi alors tenter de rassurer d'éventuels acheteurs en déclarant dans DV2 qu'il n'y en a pas alors qu'il y en avait dans DV1 ?

[77]        En ce qui a trait à la condensation importante et régulière dans les fenêtres, il y en avait dans DV1 et il n'y en avait plus dans DV2. Or, la preuve révèle qu'il y avait de la condensation dans certaines fenêtres et c'est ce que voulait déclarer Guylaine Ouellette dans DV1, ce qu'elle a enlevé dans DV2.

[78]        Quant aux traces de moisissure et de pourriture, il y en avait dans DV1 et il n'y en avait plus dans DV2. Elle reconnaît qu'il y a eu des traces de moisissure dans une salle de bain mais que cela devenait peu signifiant dans DV2 et c'est pourquoi elle l'a enlevé.

[79]        Manifestement, les vendeurs ont caché de l'information qui aurait pu permettre aux acheteurs de prendre une bonne décision. Il aurait été important pour les acheteurs qu'ils sachent que la résidence avait vécu des infiltrations d'eau presque tous les ans pendant six ans au printemps, qu'il y avait eu des déversements d'eau, des fissures, de la condensation et des traces de moisissure ou de pourriture.

[80]        À l'évidence, les vendeurs ont caché de l'information dont avaient besoin les demandeurs pour prendre une décision éclairée. On les a de plus dirigés sur une fausse piste.

[81]        Guylaine Ouellette dira que c'est l'agent d'immeuble qui lui a imposé d'écrire une nouvelle déclaration ne tenant compte que des trois dernières années. Cela peut surprendre puisque le formulaire ne contient pas ce type de précisions, les questions sont relatives à l'immeuble tel qu'il est connu par les vendeurs.

[82]        Lors de son interrogatoire, Mme Ouellette dira qu'elle a de toute façon déclaré dans DV2 qu'il y avait eu des infiltrations, que le rapport d'inspection mentionnait qu'il pouvait y avoir des problèmes au drain et qu'à tout prendre, tout se voyait très bien.

[83]        Ces réponses sont des tentatives pour convaincre qu'il était inutile de donner la vraie information ce qu'évidemment, elle n'a pas réussi à faire.

[84]        D'ailleurs, Guylaine Ouellette admettra lors de son contre-interrogatoire qu'elle a changé ses réponses à la demande de Sonia Rhéaume puisque c'est moins vendant s'il y a de l'eau tous les printemps et des fissures.

[85]        Quant à Sonia Rhéaume, elle a dit à Éric Simard, le fils de Richard Simard, qui est également agent d'immeuble, qu'il y avait un problème d'eau dans l'immeuble et que le drain serait à refaire probablement puisque ça coulait tous les ans.

[86]        Cela paraît peu vraisemblable puisque non seulement ce n'est pas ce qui est écrit dans les déclarations du vendeur mais au contraire, le risque d'infiltration au sous-sol a été amenuisé d'une déclaration à l'autre.

[87]        Sonia Rhéaume qui est un agent d'immeuble d'expérience mentionne que la déclaration du vendeur est là pour dire tout ce qu'on connaît sur une résidence. À l'évidence, DV1 et DV2 ne contiennent pas toute la vérité.

[88]        Sonia Rhéaume dit qu'elle a invité Guylaine Ouellette à écrire la vérité dans DV2. Pourquoi recommander de changer DV1 alors ?

[89]        Elle justifie les informations dans DV2 en disant que Guylaine Ouellette l'a informée que son mari avait exagéré et qu'il n'y avait eu de l'eau qu'une fois il y a trois ans. Cela est évidemment contradictoire avec la propre version qu'elle donne à l'effet que Michel Richard était très inquiet de la situation de l'eau qu'il lui avait déclarée. Cela surprend également puisqu'il s'agit d'une information capitale pour une vente. Comment penser qu'un agent d'immeuble d'expérience ne se soit pas inquiété qu'un client vendeur modifie une déclaration, ayant préalablement dit que la résidence avait vécu des infiltrations pendant presque six ans, disant un mois plus tard qu'il n'y avait eu qu'une infiltration d'eau il y a trois ans ? Si cela était exact, ce dont je doute, il s'agirait d'un aveuglement volontaire.

[90]        À tout prendre, que Sonia Rhéaume ait cru une déclaration de Guylaine Ouellette à l'effet qu'il n'y avait eu de l'eau qu'une fois il y a trois ans est incompatible avec le témoignage des vendeurs et le caractère «dédramatisé» qu'elle mentionne dans son courriel à sa cliente (P-6). En fait, cette correspondance électronique sous-entend qu'on a tenté d'améliorer les chances de vendre «en dédramatisant» une situation où il y avait eu des infiltrations d'eau.

[91]        Au demeurant, les modifications dans DV2 en regard des déversements d'eau, des fissures, de la condensation et des traces de moisissure ne sont pas justifiées par Sonia Rhéaume et sont de toute manière injustifiables.

[92]        Elle dira qu'elle n'a pas regardé les «x» mais simplement la clause D15. Cela est peu probable puisque d'une part, elle est une professionnelle avertie connaissant bien le métier et les formulaires et d'autre part, les informations sont si contradictoires qu'elles méritent l'attention du professionnel. C'est d'ailleurs le professionnel qui devrait rédiger ces déclarations avec les informations provenant du vendeur.

[93]        Cela est d'autant plus vrai que dans le métier, tout le monde sait que lorsqu'un client coche "oui", il y a un problème.

[94]        Il est invraisemblable que Sonia Rhéaume n'ait pas fait la vérification des mentions "oui" dans DV1 qui se sont transformées en mention "non" dans DV2. Si c'est le cas, il s'agit d'une négligence importante.

[95]        En somme, il est probable que Sonia Rhéaume savait que DV2 contenait des omissions, des mensonges et des réticences.

[96]        Est-ce elle qui a suggéré à Guylaine Ouellette de modifier les réponses et de n'écrire que des demi-vérités ?

[97]        Lors de son témoignage, Sonia Rhéaume tente de soutenir l'insoutenable notamment lorsqu'elle mentionne ne pas avoir regardé les cases changées dans DV2 et aussi lorsqu'elle dit avoir recommandé à sa cliente d'écrire la vérité dans DV2 alors qu'elle savait que DV2 contenait des mensonges notamment quant aux déversements d'eau, aux fissures, à la condensation et aux traces de moisissure, cela affectant sa crédibilité.

[98]        Cependant, à partir du moment où Sonia Rhéaume sait que DV2 contient des réticences, des omissions et des inexactitudes et qu'elle présente cette déclaration aux acheteurs, qu'elle ait ou non recommandé à sa cliente de ne pas dire la vérité ne change rien car elle commet une faute par réticence à l'égard des acheteurs.

[99]        Soulignons d'ailleurs au passage que dans DV1, à l'époque où Sonia Rhéaume dit qu'elle croyait qu'il y avait eu des infiltrations presque tous les ans pendant six ans, elle ne l'a pas fait ajouter à la déclaration alors qu'elle le savait.

[100]     Quant aux vendeurs, Michel Richard a mandaté sa conjointe pour préparer DV1 et DV2. Il est d'accord avec le processus et ne renie pas les gestes de sa conjointe. Sa responsabilité est partagée avec celle de Guylaine Ouellette.

[101]     Il est possible que Sonia Rhéaume ait recommandé à Guylaine Ouellette de restreindre ses déclarations à trois ans pour améliorer les chances de vendre la maison. Malgré cela, peu importe la vérité à cet égard, Guylaine Ouellette minimise en écrivant des choses qu'elle sait être fausses et en donnant une explication à D15 qui contient une restriction mentale. Dans les faits, lorsque Guylaine Ouellette écrit qu'il y a eu une infiltration d'eau il y a trois ans et qu'il n'y a plus d'eau depuis, elle sait qu'elle retient l'information essentielle à savoir qu'il y a eu de l'eau presque tous les ans pendant six ans au préalable. Elle sait d'ailleurs que cette situation inquiète son mari quant aux chances de vente.

[102]     En omettant de dire l'essentiel, il y a réticence. Si ce n'était pas grave d'inscrire la vérité puisqu'il n'y avait plus d'eau depuis trois ans, pourquoi ne pas l'écrire au bénéfice des acheteurs ?

[103]     En fait, même si l'information erronée ou l'omission avait été suggérée par l'agent qui est le professionnel, Guylaine Ouellette savait qu'amoindrir la situation réelle de la résidence allait améliorer les chances de vendre et minimalement, elle signe une déclaration contenant des réticences et des faussetés.

[104]     En somme, tant les vendeurs que l'agent d'immeuble refusent de donner toute l'information pertinente aux acheteurs pour que ces derniers puissent prendre une décision libre et éclairée d'acheter ou non et d'offrir un prix ou un autre.

[105]     3- Quelle est la responsabilité des vendeurs ?

[106]     Les articles 1375, 1399, 1401 et 1407 C.c.Q se lisent:

Art.1375. La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l'obligation qu'à celui de son exécution ou de son extinction.

 

1991, c. 64, a. 1375.

 

Art.1399. Le consentement doit être libre et éclairé.

Il peut être vicié par l'erreur, la crainte ou la lésion.

 

1991, c. 64, a. 1399.


Art.1401. L'erreur d'une partie, provoquée par le dol de l'autre partie ou à la connaissance de celle-ci, vicie le consentement dans tous les cas où, sans cela, la partie n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions différentes.

 

Le dol peut résulter du silence ou d'une réticence.

 

1991, c. 64, a. 1401.


Art.1407. Celui dont le consentement est vicié a le droit de demander la nullité du contrat; en cas d'erreur provoquée par le dol, de crainte ou de lésion, il peut demander, outre la nullité, des dommages-intérêts ou encore, s'il préfère que le contrat soit maintenu, demander une réduction de son obligation équivalente aux dommages-intérêts qu'il eût été justifié de réclamer.

 

1991, c. 64, a. 1407.

 

[107]     La bonne foi est à la base des relations contractuelles. Le consentement à contracter ne doit pas être vicié par le dol, les réticences ou les faussetés exprimées par le cocontractant.

[108]     Lorsqu'une personne voit son consentement vicié, elle peut requérir des dommages ou la réduction de ses obligations contractuelles.

[109]     Comme le mentionne le juge Denis Le Reste dans l'affaire Binette c. Kebboua[2] , le vendeur demeure soumis à des obligations d'honnêteté et de loyauté vis-à-vis de l'acquéreur potentiel. Connaissant un problème sérieux, il se doit, à tout le moins, de ne pas induire en erreur l'autre partie en l'envoyant délibérément sur une fausse piste ou en induisant chez elle un sentiment de fausse sécurité.

[110]     Dans l'affaire Doucet c. Iodice[3], le juge Michel Bédard s'exprime ainsi:

Même en l'absence d'un vice caché, il est à noter qu'en appliquant les critères auxquels a référé la Cour suprême, quant à l'obligation de renseignement, soit la connaissance réelle de la situation par les vendeurs, la nature déterminante de l'information non dévoilée et l'impossibilité pour l'acheteur de constater l'absence du champ d'épuration, le Tribunal en serait quand même venu à conclure qu'il aurait été de la responsabilité des vendeurs d'informer l'acheteur sur un élément aussi déterminant et essentiel que l'absence d'un champ d'épuration.

Puisque la preuve prépondérante et non contredite révèle que le défendeur connaissait très bien en quoi était constitué l'élément épurateur pour en avoir fait une description très détaillée et qu'en conséquence, il savait qu'aucun champ d'épuration n'était branché à la fosse septique, la demanderesse est fondée de réclamer ses dommages-intérêts suivant l'article 1728 C.c.Q.

[111]     À cet égard, le professeur Vincent Karim écrit ceci dans son volume[4]:

Le manquement à l'obligation de bonne foi tellement grave eu égard au préjudice subi par le créancier peut justifier la nullité du contrat. La règle prévue à l'article 1375 C.c.Q peut voir une sanction autonome, même si les faits reprochés au débiteur sont insuffisants pour conclure à l'existence de l'un des vices de consentement prévus aux articles 1400 à  1406 C.c.Q. . Ainsi, lorsque l'erreur commise par le contractant porte sur la valeur économique de l'objet du contrat, la violation de l'obligation de bonne foi peut justifier la nullité du contrat ou une condamnation en dommages-intérêts, même si l'erreur sur la valeur économique n'est pas sanctionnable en vertu de l'article 1400 C.c.Q.

(…)

Le Tribunal peut cependant imposer une sanction en vertu des articles 1375 et 1416 C.c.Q., s'il arrive à la conclusion que les faits reprochés à l'autre contractant constituent une violation de son obligation de bonne foi lors des négociations du contrat. Le manquement à cette obligation peut constituer une faute qui engage la responsabilité du débiteur de l'obligation de bonne foi conformément à l'article 1458 C.c.Q.

[112]     Partant, même s'il n'a pas été établi que la résidence était affectée d'un vice caché, le défaut d'information entraîne la responsabilité des vendeurs qui, par leur faute de réticence, d'omission et d'avoir donné de fausses informations ont affecté le consentement des acheteurs. Cela constitue une faute contractuelle qui a entraîné des dommages qu'il y a lieu d'indemniser même si la nullité du contrat  n'est pas demandée.

[113]     Si les acheteurs avaient su que la résidence avait été affectée d'infiltrations d'eau pendant presque 6 ans à tous les printemps, qu'il y avait eu des déversements d'eau, qu'il y avait présence de fissures de fondation, de condensation et de traces de moisissure ou de pourriture, sans aucun doute, tel que la preuve le révèle, leur décision d'acheter ou le prix qu'ils ont offert auraient pu être différents.

[114]     4- Quelle est la responsabilité du courtier ?

[115]     Il est de jurisprudence constante que le courtier ne peut être condamné en matière de vices cachés et en l'espèce, ce n'est pas ce qui est en cause.

[116]     La preuve a démontré que Sonia Rhéaume a commis une faute dans l'exécution du mandat qui lui avait été confié.

[117]     Comme le mentionne le juge Henri Richard dans son ouvrage sur le Courtage immobilier[5], un courtier immobilier doit transmettre aux acheteurs les renseignements portés à sa connaissance par les vendeurs qui dénotent certains problèmes avec l'immeuble, notamment le formulaire de «divulgation du vendeur» faisant état d'un problème d'infiltrations d'eau.

[118]     À la page 299 du même ouvrage, le juge Richard précise:

D'autre part, il m'apparaît qu'un tiers acheteur peut poursuivre contractuellement son vendeur ou extracontractuellement l'agence ou le courtier qui est un tiers à la relation contractuelle entre les parties à la vente. Contrairement à ce qui a déjà été décidé, nous croyons qu'un tel tiers acheteur peut poursuivre à la fois contractuellement son vendeur et extracontractuellement l'agence ou le courtier de ce dernier dans le cadre d'une même action.

[119]     C'est ce qui s'est produit dans l'affaire Baribeau c. Grandmaître[6]. Le juge Claude Bigué a retenu la responsabilité in solidum du courtier et des vendeurs. Après avoir fait l'étude des responsabilités, le juge Bigué retient celle du courtier et de l'agent immobilier qui n'avaient pas respecté la Loi sur le courtage immobilier [7] ni les Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec[8]. Le juge Bigué rappelle qu'un courtier ou agent ne peut faire une représentation fausse et non complète à une personne qui recourt à ses services en vertu de l'article 30 de la loi et que les Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec prévoient que le courtier ou l'agent a les devoirs suivants envers les tiers:

§  Entreprendre des démarches pour découvrir, conformément aux usages et règles de l'art, les facteurs pouvant affecter défavorablement les parties à une transaction ou l'objet même de la transaction (art. 27);

§  Informer toutes les parties à une transaction de tout facteur dont il a connaissance qui peut affecter défavorablement les parties ou l'objet même de la transaction (art.28);

[120]     Le juge Bigué précise au paragraphe 22 de sa décision qu'afin d'exécuter son travail concernant les acheteurs des résidences pour lesquelles il agit pour le vendeur en vertu d'un contrat de courtage, le courtier ou l'agent doit obligatoirement utiliser les formulaires édictés par règlement du gouvernement en vertu de la loi.

[121]     Ce sont les courtiers et agents qui complètent par écrit les renseignements à être fournis sur ces formulaires à partir des déclarations du vendeur et des autres informations qu'ils obtiennent.

[122]     Cela étant, le juge Bigué rappelle l'obligation d'utiliser le formulaire qui est imposé, cette obligation impliquant les corollaires suivants:

§  Le compléter en entier.

§  Le compléter avec des représentations vraies, exactes et complètes.

§  Le faire signer par la ou les parties concernées.

§  Conserver dans son dossier une copie de tous les formulaires complétés.

§  Remettre les copies aux deux parties impliquées dans la vente d'un immeuble, soit le vendeur et l'acheteur.

[123]     Le juge Bigué reconnaît au paragraphe 40 de sa décision la responsabilité du courtier immobilier, l'agence pour laquelle travaillait l'agente,  puisqu'il est une partie au contrat de courtage.

[124]     La responsabilité du courtier en semblable matière a été reconnue par les tribunaux et notamment dans l'affaire Pelletier[9] dans laquelle le juge Michaël Sheehan disait au paragraphe 7 de sa décision:

Un courtier immobilier n'est pas soumis à la garantie de qualité du vendeur relativement à la chose vendue. D'autre part, un courtier a l'obligation d'informer correctement les personnes avec qui il fait affaires et surtout à s'abstenir de les induire en erreur. Or, en minimisant le problème d'infiltration d'eau dénoncé par le vendeur, M. Therrien, M. Gaudreault a induit les acheteurs, M. Pelletier et Mme Tremblay, en erreur et les a privés de l'occasion de négocier à la baisse le prix de vente de l'immeuble.

[125]     Le juge Sheehan retient la responsabilité du courtier sans retenir celle des vendeurs pour la minimisation qu'avait faite le courtier d'une problématique à l'immeuble.

[126]     Cela étant, Sonia Rhéaume et Royal Lepage Saguenay-Lac-St-Jean doivent voir leur responsabilité extracontractuelle retenue à l'égard des tiers que sont les demandeurs puisqu'ils ont enfreint leurs obligations légales.

[127]     Leur responsabilité extracontractuelle suivant l'article 1457 C.c.Q. doit être retenue puisque le Tribunal a reconnu que Sonia Rhéaume a, à tout le moins, participé à fournir de fausses informations aux demandeurs et qu'elle a participé aussi à amoindrir les effets de la vérité.

[128]     Quant au Fonds d'assurance créé en vertu de la loi, puisqu'il est en cause, qu'aucune preuve d'exclusion de garantie n'a été offerte et qu'il a pris fait et cause pour ses assurés, il doit être condamné également.

[129]     5- Quel est le partage de responsabilité entre les vendeurs et le courtier ?

[130]     Tant les vendeurs que Sonia Réhaume et Royal Lepage Saguenay Lac-St-Jean ont participé au dol qui a vicié le consentement des acheteurs. Il ne s'agit pas d'une condamnation en diminution du prix de vente que doit assumer le vendeur mais il s'agit plutôt d'indemniser intégralement les demandeurs des dommages qui leur ont été causés par les fautes des vendeurs, du courtier et de son agence.

[131]     Les vendeurs ont une responsabilité à l'égard des acheteurs puisqu'ils ont volontairement omis de leur révéler des informations pertinentes et ils leur ont donné de fausses informations avant l'achat.

[132]     Quant à Sonia Rhéaume et à Royal Lepage Saguenay Lac-St-Jean, ils ont participé à ce vice de consentement en contrevenant à leurs règles d'informer toutes les parties à une transaction de tout facteur dont ils avaient connaissance qui pouvait affecter défavorablement les parties et l'objet même de la transaction et en ce sens, ils ont commis une faute qui entraîne des dommages aux demandeurs.

[133]     La responsabilité est de nature contractuelle à l'égard des vendeurs et extracontractuelle à l'égard de Sonia Rhéaume et de Royal Lepage Saguenay-Lac-St-Jean.

[134]     Cependant, il s'agit d'une même transaction et quant aux demandeurs, d'un même vice de consentement qui est de la responsabilité in solidum des vendeurs, du courtier et de Royal Lepage Saguenay-Lac-St-Jean.

[135]     La responsabilité in solidum se rapporte à des situations où des codébiteurs sont tenus chacun pour le tout envers un même créancier lorsqu'il n'existe aucune source conventionnelle ou légale qui permette de conclure à la solidarité parfaite[10]. Cela se produit notamment lors de la responsabilité encourue par les coauteurs d'un même préjudice alors que certains sont tenus contractuellement et d'autres sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle[11]. C'est le cas ici.

[136]     Par leurs conclusions et leurs représentations, les défendeurs ont invité le Tribunal à déterminer la proportion de responsabilité entre eux.

[137]     La version probable est que le courtier a insisté pour que DV1 soit modifiée par DV2 en «détramatisant» la situation des infiltrations d'eau. C'est une faute. Mais lorsque les vendeurs acceptent de ne pas dire la vérité, ils commettent aussi une faute parce qu'ils savent ne pas dire la vérité ni toute la vérité. Les deux parties commettent une faute de valeur équivalente qu'elles ne peuvent mutuellement faire attribuer seule à l'autre.

[138]     Il y a donc lieu qu'entre eux la responsabilité in solidum soit partagée de la façon suivante:

§  Guylaine Ouellette et Michel Richard: 50%.

§  Sonia Rhéaume et Royal Lepage Saguenay-Lac-St-Jean: 50%.

[139]     6- Quelle est la valeur des dommages ?

[140]     La preuve révèle qu'il en coûterait 2 472 $ aux demandeurs pour remplacer les arbres qui ont été brisés par les travaux rendus nécessaires par la réfection du drain autour de la maison. L'entrepreneur spécialisé a témoigné à l'effet que pour planter ces arbres, il faudrait 20 heures à 75 $ de l'heure soit 1 724, 63 $ incluant les taxes.

[141]     Concernant les travaux, principalement pour la réfection du drain, l'imperméabilisation du solage et certains autres aspects, il a fallu 324.5 heures à 20$ de l'heure à différentes personnes proches des demandeurs pour un coût estimé de     6 490 $.

[142]     Pour réaliser les travaux, le père de Jimmy Lambert a avancé 2 913,71 $ pour couvrir le matériel nécessaire, somme qu'il a prêtée aux demandeurs qui lui doivent actuellement.

[143]     Les demandeurs ont également payé 3 449,25 $ à un entrepreneur en excavation pour réaliser les travaux de pose du drain.

[144]     Enfin, les demandeurs réclament 4 000 $ en troubles, ennuis et inconvénients.

[145]     En résumé, des sommes suivantes sont réclamées:

§  Achat des arbres:                   2 472,00 $

§  Pose des arbres:                   1 724,63 $

§  Travaux divers:                       6 490,00 $

§  Achat de matériel:                  2 913,71 $

§  Excavation:                             3 449,25 $

§  Inconvénients divers:              4 000,00 $

________________________________

TOTAL:                                21 049,59 $

[146]     La pose d'un drain neuf constitue une amélioration par rapport à ce qu'avaient acheté les demandeurs à telle enseigne que si les défendeurs étaient condamnés à payer la réparation du drain, les demandeurs s'enrichiraient.

[147]     En effet, ce qu'ils ont acheté, c'est une résidence avec un drain dont la durée de vie utile, selon les experts, était expirée depuis longtemps.

[148]     Cependant, ce n'est pas parce que le drain était rendu à bout d'âge que nécessairement, il était bouché et qu'il allait y avoir des infiltrations. Même si les demandeurs devaient s'attendre à court ou à moyen terme à changer le drain, rien ne laissait présager que la situation était urgente. En fait, la preuve révèle que les vendeurs avaient comme projet de changer le drain français, projet qu'ils évaluaient au même titre que modifier les armoires de la cuisine et refaire l'asphalte dans l'entrée. Les acheteurs pouvaient présumer que pendant un moment, ils planifieraient la réfection du drain, comme le faisaient les vendeurs sans l'avoir fait dans l'heure où était sonnée sa fin de vie utile. C'était pour les vendeurs un projet à moyen terme. Il est facile d'imaginer qu'il pouvait en être au moins tout autant pour les acheteurs à qui on avait rien dit.

[149]     Si pour les vendeurs, il s'agissait d'un projet comme d'autres, eux qui savaient à quel point la résidence avait été affectée d'infiltrations d'eau, cela pouvait être encore moins urgent pour les acheteurs à qui on avait rien dit.

[150]     Même s'il n'y a pas lieu d'indemniser les demandeurs pour le remplacement du drain et l'ensemble  des travaux nécessaires à l'imperméabilisation complète de l'immeuble, les demandeurs ont subi certains dommages par les faussetés qui leur ont été véhiculées notamment en ce que:

§  Ils ont perdu le bénéfice de négocier avec la réalité de l'immeuble tel qu'il était vraiment.

§  Ils n'ont pas eu le temps de planifier les travaux de réfection du drain français, ce qu'ils auraient pu faire si la vérité leur avait été révélée.

§  Ils ont vécu des travaux d'urgence une fois déménagés, ce qui aurait pu être différent s'ils avaient pu planifier.

§  Ils ont vécu des problèmes de financement, des tracas divers et leur fille a dû être localisée temporairement de façon précaire.

§  Puisqu'ils n'étaient pas avertis qu'il y avait eu des infiltrations d'eau, les demandeurs pouvaient s'attendre à ce qu'il reste une partie d'utilisation du drain français même si en théorie, sa vie utile était terminée. Une partie de la valeur des travaux constitue en conséquence une portion de leurs dommages.

§  Ils ont perdu le choix d'acheter un autre immeuble.

§   Ils ont vécu de la turbulence dans leur mode de vie.

§  Ils ont dû quémander l'aide de leurs proches pour la réalisation des travaux.

[151]     Les demandeurs n'ont pas le droit d'être indemnisés pour le travail effectué par des tiers qui n'ont pas été payés.

[152]     Il n'y a pas lieu de les indemniser totalement pour l'ensemble des travaux qu'ils ont effectués puisque cela aurait pour effet d'améliorer leur situation par rapport à ce qu'ils ont acheté et qu'ils savaient qu'ils achetaient.

[153]     Cependant, ils ont vécu des troubles et inconvénients prématurés et ont perdu le bénéfice de la négociation, ce qui entraîne nécessairement un dommage.

[154]     Il faut arbitrer les dommages réels qu'ont vécus les demandeurs suite aux fausses représentations des vendeurs pour lesquelles le courtier a participé ou fermé les yeux.

[155]     Le Tribunal arbitre à 8 000 $ les dommages qui sont la conséquence directe des gestes des défendeurs.

[156]     POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

[157]     CONDAMNE Guylaine Ouellette, Michel Richard, Sonia Rhéaume, Royal Lepage Saguenay-Lac-St-Jean et le Fonds d'assurance responsabilité du courtage immobilier du Québec solidairement à payer à Mylène Gagnon et Jimmy Lambert         8 000 $ avec intérêts au taux légal en sus de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q et ce, à compter de la mise en demeure du 20 juillet 2012.

[158]     DÉCLARE que la part des défendeurs pour valoir entre eux seulement, concernant la somme de 8 000 $, s'établit comme suit:

§  Guylaine Ouellette et Michel Richard:           50 %

§  Sonia Rhéaume, Royal Lepage Saguenay-Lac-St-Jean

et le Fonds d'assurance responsabilité professionnelle  du

courtage immobilier du Québec:                 50%

 

[159]     CONDAMNE les défendeurs solidairement aux dépens.

 

 

__________________________________

RICHARD P. DAOUST, J.C.Q.

 

 

 

 

Me Régis Gaudreault

Avocat des demandeurs

 

Me Justine Guay-Lanvegin

Avocate des défendeurs Guylaine Ouellette et Michel Richard

 

Me Renée-Maude Vachon-Therrien

Avocate de Sonia Rhéaume, Royal Lepage Saguenay-Lac-St-Jean

et le Fonds d'assurance responsabilité professionnelle du courtage immobilier du Québec

 

 

Date d’audience :

11 décembre 2013

 



[1] Laporte c. Guillette, 2009 QCCQ 15317

[2] 2013 QCCQ 2137

[3] 2012 QCCQ 13668

[4] Vincent Karim, Les Obligations, Vol. 1, 3e éd., 2009, Wilson Lafleur Ltd, pages 339 et 340

[5] Henri RICHARD, Le Courtage immobilier au Québec, 3 éd., Éditions Yvon Blais, 2010, page 280

[6] 2008 QCCQ 8275

[7] Loi sur le Courtage immobilier, L.R.Q., c. C-73.1

[8] Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec D.

  1867-93, (1993) 125 G.O.Q., partie 2, p. 9157

[9] Pelletier et Tremblay c. Therrien, 2006 QCCQ 13115

[10] Prévost-Masson c. Trust Général du Canada, [2001] 3 R.C.S. 882

[11] Leduc c. Soccio, [2007] R.R.A. 46; Pierre-Gabriel JOBIN et Nathalie VÉZINA, Les Obligations,

   7e éd., Éditions Yvon Blais, 2013, page 726

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.