Lemire et Relais routier Petit inc. |
2012 QCCLP 437 |
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[1] Le 2 mars 2011, monsieur Martin Lemire (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 4 février 2011 à la suite d'une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme d’abord une première décision qu’elle a rendue le 3 novembre 2010 et déclare qu’il n’y a pas lieu d’appliquer les dispositions de l’article 142 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
[3] D’autre part, la CSST confirme une autre décision qu’elle a rendue le 6 janvier 2011 et déclare que le travailleur est capable d’exercer son emploi depuis le 23 décembre 2010, qu’il n’a plus droit aux indemnités de remplacement du revenu depuis cette date et qu’il doit rembourser à la CSST la somme de 588,88$.
[4] Des audiences ont eu lieu les 25 octobre et 12 décembre 2010 à Saguenay en présence du travailleur, de sa procureure ainsi que de la procureure du Relais Routier Petit inc. (l’employeur). Pour sa part, la procureure de la CSST a avisé le tribunal qu’elle serait absente à ces audiences.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[5] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la CSST n’est pas liée par le rapport complémentaire du docteur Robert Charron, puisque ce rapport est irrégulier. Par conséquent, il demande au tribunal de déclarer nulle la décision rendue par la CSST le 6 janvier 2011 et de retourner son dossier à la CSST, afin que la procédure d’évaluation médicale prévue à la loi soit poursuivie. Finalement, il demande au tribunal de déclarer qu’il a droit aux indemnités de remplacement du revenu.
LES FAITS
[6] De la preuve documentaire et testimoniale, le tribunal retient notamment ce qui suit.
[7] Actuellement âgé de 41 ans, le travailleur occupait, en 2010, un emploi de mécanicien de véhicules lourds pour le compte de l’employeur.
[8] Le 20 avril 2010, le travailleur est victime d’un accident du travail lorsqu’en se déplaçant sous un camion-citerne, il se frappe la tête.
[9] Le 21 avril 2010, il consulte un médecin qui pose les diagnostics d’entorse cervicale et lombaire. Un arrêt de travail est alors recommandé au travailleur.
[10] À compter du 7 mai 2010, le travailleur est pris en charge par le docteur Ghislain Lacroix qui pose le diagnostic de DIM cervical. Des traitements de physiothérapie lui sont prescrits et l’arrêt de travail est prolongé.
[11] Jusqu’au 28 juillet 2010, le travailleur rencontre régulièrement le docteur Lacroix qui maintient le diagnostic d’entorse cervicale. Il précise cependant que l’entorse lombaire est résolue.
[12] Au mois d’août 2010, le travailleur déménage dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, où le docteur Charron le prend en charge à compter du 30 août 2010. Ce médecin pose le diagnostic d’entorse cervicale, prolonge l’arrêt de travail, recommande des traitements de physiothérapie et indique que des séquelles permanentes sont à prévoir. Dans ses notes de consultation, le docteur Charron écrit que le travailleur présente des limitations de mouvements au niveau cervical, surtout en extension, et conclut à la présence de douleurs chroniques post-entorse cervicale.
[13] Le 15 septembre 2010, le docteur Charron pose le diagnostic de troubles associés à une entorse cervicale de grade I (TAEC I). Ce médecin suggère alors qu’une évaluation multidisciplinaire soit effectuée. Dans ses notes de consultation, il écrit notamment que le travailleur présente, au niveau du rachis cervical, une limitation de mouvement en fin d’extension et indique par la suite, relativement à son impression diagnostic, que : « Entorse cervicale, avec exubérance des sympt. par rapport à l’examen clinique. ».
[14] Le 18 octobre 2010, le docteur Charron maintient le diagnostic d’entorse cervicale (TAEC I) et souligne que selon le physiothérapeute, la condition du travailleur est en voie de chronicisation.
[15] Le 4 novembre 2010, le docteur Charron écrit que le travailleur présente des séquelles au niveau de l’extension du rachis cervical et que la physiothérapie est inefficace.
[16] Le 23 novembre 2010, le docteur Charron indique qu’il est en attente des résultats d’une expertise en orthopédie et qu’il cesse les traitements de physiothérapie car ceux-ci sont inefficaces. Dans ses notes de consultation, il écrit que l’examen physique est « inchangé ».
[17] Le 9 décembre 2010, le travaille rencontre, à la demande de la CSST, le docteur Bernard Séguin (chirurgien orthopédiste). Dans son rapport daté du 14 décembre 2010, le docteur Séguin écrit ce qui suit à la suite de l’examen du rachis cervical :
[…]
À la colonne cervicale, la flexion se fait à 40o. L’extension en position debout est à 10o avec de grandes douleurs mais en décubitus ventral et en passif, l’extension est à plus de 30o. Les rotations droite et gauche se font aujourd’hui à 60o avec en fin de mouvements un peu de douleurs. Les flexions latérales droite et gauche se font aussi à 40o mais toujours avec des douleurs plus l’excursion est grande. Donc, l’extension de façon passive et en décubitus ventral passe à 30o et doit être considérée normale sans spasme sous-jacent.
[…]
Il n’y a aucun déficit moteur, aucun déficit sensitif dans les myotomes et dermatomes tributaires des racines C5, C6, C7 et C8.
Les réflexes ostéo-tendineux sont vifs bilatéralement tant au niveau bicipital, brachio-radialis que tricipital. [sic]
[…]
[18] Par la suite, le docteur Séguin émet l’avis que l’entorse cervicale subie par le travailleur doit être considérée comme étant consolidée en date du 9 décembre 2010 avec suffisance des soins et des traitements. De plus, en l’absence de pathologie musculosquelettique active et limitative, ce médecin n’accorde aucune séquelle permanente ni limitation fonctionnelle au travailleur.
[19] Le 21 décembre 2010, le docteur Charron complète un rapport complémentaire dans lequel il écrit que :
Je suis d’accord avec les conclusions du Dr. Bernard Séguin. Le patient se plaint en fait de douleurs résiduelles, et aussi de limitations qui ne sont pas objectivables. Je continue à le suivre en tant que médecin traitant, en tentant d’utiliser des Rx tels que Lyrica, Cymbalta etc.
Consolidation le 21.12.2010. [sic]
[20] Le même jour, le docteur Charron rencontre le travailleur et note ce qui suit dans son dossier :
[…]
RC : Suivi. Avons eu le rapport de l’expertise en orthopédie qui signale aucune atteinte pathologique cervicale actuellement et selon lui, aucun traitement n’est nécessaire et le dossier doit être fermé, ce que d’ailleurs nous faisons. Le patient par contre s’objecte, disant que lui a des conséquences, ne sait plus quoi faire. Nous lui disons qu’il va recevoir un papier de la CSST pour lequel il puisse s’objecter par une manœuvre légale par contre. En attendant, comme MD traitant je vais m’occuper de lui quand même comme nous avions débuté. Avec le Cymbalta, il aurait 40 % d’amélioration selon lui, mais a toujours sa limitation selon lui en post., chose qui est menti par l’orthopédiste.
[…]
CAT : Nous rajoutons Lyrica 50 b.i.d. A r.v. après les Fêtes. Conseils. [sic]
[21] Également le 21 décembre 2010, une agente d’indemnisation de la CSST note, lors d’une conversation téléphonique avec le travailleur, que ce dernier a rencontré le docteur Charron et que celui-ci est d’accord avec l’expertise du docteur Séguin.
[22] Le 22 décembre 2010, l’agente de la CSST écrit au dossier que le travailleur a parlé à nouveau avec le docteur Charron, que celui-ci lui a mentionné qu’il n’avait pas le choix d’être d’accord avec l’avis du médecin spécialiste et qu’il ne corrigera pas son rapport complémentaire.
[23] Le 6 janvier 2011, la CSST rend une décision par laquelle elle déclare que le travailleur est capable d’exercer son emploi depuis le 23 décembre 2010 et qu’elle lui réclame la somme de 588,88$.
[24] Le 4 février 2011, à la suite d'une révision administrative, la CSST confirme notamment la décision qu’elle a rendue le 6 janvier 2011.
[25] Le 2 mars 2011, le travailleur conteste à la Commission des lésions professionnelles, la décision rendue par la CSST le 4 février 2011, d’où le présent litige.
[26] Lors de l’audience, le tribunal a entendu le témoignage du travailleur. Ce dernier confirme qu’à la suite de l’accident de travail qu’il a subi le 20 avril 2010, son médecin traitant a été le docteur Lacroix. À compter du mois d’août 2010, le travailleur explique qu’il a déménagé dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, où le docteur Charron est devenu son médecin traitant.
[27] Par ailleurs, il confirme avoir rencontré, le 9 décembre 2010, le docteur Séguin. Le travailleur déclare qu’il avait alors beaucoup de douleurs au niveau cervical ainsi que des engourdissements dans certains doigts.
[28] Deux semaines après sa rencontre avec le docteur Séguin, le travailleur explique qu’il a revu le docteur Charron. Ce dernier n’avait cependant pas encore reçu l’expertise du docteur Séguin. Ce n’est que lors de la consultation médicale du 22 décembre 2010, que le docteur Charron avait en main le rapport du docteur Séguin. Selon le travailleur, le docteur Charron lui a alors dit qu’il ne pouvait aller à l’encontre de l’opinion du docteur Séguin.
[29] Le travailleur poursuit son témoignage en affirmant que le docteur Charron n’a pas procédé à l’examen clinique lors de cette consultation médicale du 21 décembre 2010, mais qu’il a tout de même augmenté la dose de ses anti-inflammatoires.
[30] D’autre part, le travailleur déclare que la CSST l’a contacté, le 23 décembre 2010, pour lui dire que ses indemnités de remplacement du revenu prenaient fin à cette date. Il ajoute ne pas avoir effectué de retour sur le marché du travail depuis l’événement du 20 avril 2010 et qu’il a encore d’importantes douleurs cervicales.
[31] Il termine son témoignage en déclarant avoir déposé une plainte contre le docteur Charron et qu’il est actuellement suivi par le docteur Marcel Fortin. Il précise que le docteur Fortin lui a demandé de passer de nouveaux examens.
L’AVIS DES MEMBRES
[32] La membre issue des associations d’employeurs ainsi que le membre issu des associations syndicales sont d’avis unanime que la requête du travailleur doit être rejetée.
[33] Ils sont d’avis que le rapport complémentaire du docteur Charron est suffisamment motivé et qu’il ne comporte pas d’ambiguïté. Ils estiment donc que ce rapport est conforme à la loi et que le travailleur ne peut en contester les conclusions.
[34] Par conséquent, ils estiment que la CSST était justifiée de mettre fin aux indemnités de remplacement du revenu du travailleur et de déclarer que celui-ci était capable de refaire son emploi prélésionnel.
LES MOTIFS
[35] La Commission des lésions professionnelles doit d’abord décider si la CSST est liée par le rapport complémentaire du docteur Charron, daté du 21 décembre 2010. Dans l’affirmative, le tribunal devra déterminer si la CSST était justifiée de conclure que le travailleur pouvait reprendre son emploi prélésionnel à compter du 23 décembre 2010 et de mettre fin à ses indemnités de remplacement du revenu à cette date.
[36] En premier lieu, il est pertinent de rappeler que le rapport complémentaire du docteur Charron fait suite au rapport d’expertise du docteur Séguin daté du 14 décembre 2010 et dans lequel ce dernier émettait l’opinion que l’entorse cervicale subie par le travailleur était consolidée sans séquelle permanente, ni limitation fonctionnelle.
[37] Cette procédure utilisée par la CSST, par laquelle elle demande à un médecin désigné, en l’espèce le docteur Séguin, un rapport écrit sur les éléments prévus à l’article 212 de la loi et par la suite au docteur Charron de compléter un rapport complémentaire, découle des articles 204, 205.1 et 224 de la loi qui prévoient que :
204. La Commission peut exiger d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'il se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'elle désigne, pour obtenir un rapport écrit de celui-ci sur toute question relative à la lésion. Le travailleur doit se soumettre à cet examen.
La Commission assume le coût de cet examen et les dépenses qu'engage le travailleur pour s'y rendre selon les normes et les montants qu'elle détermine en vertu de l'article 115 .
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1985, c. 6, a. 204; 1992, c. 11, a. 13.
205.1. Si le rapport du professionnel de la santé désigné aux fins de l'application de l'article 204 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.
La Commission peut soumettre ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216 .
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1997, c. 27, a. 3.
224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 .
__________
1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.
[38] De ces dispositions législatives, il en découle que sous réserve d’un avis rendu par un membre du Bureau d’évaluation médicale en vertu de l’article 224.1 de la loi, la CSST est liée, en vertu de l’article 224 de la loi, par le diagnostic et les conclusions médicales émises par le médecin qui a charge du travailleur, soit dans le présent dossier, le docteur Charron.
[39] En contrepartie de cette préséance accordée aux conclusions médicales du médecin qui a charge, l’article 358 de la loi prévoit que le travailleur ne peut demander la révision d’une question d’ordre médical sur laquelle la CSST est liée :
358. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision.
Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de la section III du chapitre VII, ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l'article 365 .
Une personne ne peut demander la révision de l'acceptation ou du refus de la Commission de conclure une entente prévue à l'article 284.2 ni du refus de la Commission de renoncer à un intérêt, une pénalité ou des frais ou d'annuler un intérêt, une pénalité ou des frais en vertu de l'article 323.1 .
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1985, c. 6, a. 358; 1992, c. 11, a. 31; 1996, c. 70, a. 40; 1997, c. 27, a. 14; 2006, c. 53, a. 26.
[notre soulignement]
[40] Par conséquent, l’opinion du médecin qui a charge du travailleur contenue dans un rapport complémentaire fait en vertu de l’article 205.1 de la loi revêt une grande importance, puisque le travailleur ne pourra en demander la révision.
[41] Relativement au caractère liant d’un rapport complémentaire émis par un médecin qui a charge qui se dit en accord avec les conclusions d’un médecin désigné par la CSST, la jurisprudence du tribunal a déjà établi certains paramètres permettant de déterminer la validité d’un tel rapport.
[42] C’est ainsi que dans l’affaire Ally et Atelier d’usinage Guy Côté[2], le tribunal faisait référence aux paramètres suivants :
[30] Selon la jurisprudence2, pour que la CSST soit liée par un rapport complémentaire du médecin ayant charge qui se dit d’accord avec le rapport d’évaluation médicale du médecin désigné par la CSST, il faut que l’avis du médecin ayant charge soit clair, qu’il ne porte pas à interprétation et qu’il ait une connaissance personnelle suffisante de la condition du travailleur à l’époque pertinente.
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2Bacon et General Motors du Canada litée,
[notre soulignement]
[43] En l’espèce, après considération de la preuve testimoniale et documentaire, le tribunal est d’avis que le rapport complémentaire du docteur Charron du 21 décembre 2010 respecte tous les paramètres mentionnés plus haut. Ce rapport a donc un caractère liant tant pour la CSST, que pour le travailleur.
[44] En effet, le tribunal retient d’abord de la preuve, que le docteur Charron a pris en charge le travailleur à compter du 30 août 2010 et il a assuré son suivi médical régulier jusqu’au moment du rapport complémentaire du mois de décembre 2010. Il avait donc une très bonne connaissance de la condition médicale du travailleur au moment où il a complété son rapport complémentaire. De plus, le tribunal retient que selon le témoignage du travailleur, le docteur Charron a informé ce dernier, lors de la consultation médicale du 21 décembre 2010, qu’il est en accord avec les conclusions du docteur Séguin. La note de l’agente d’indemnisation de la CSST du 21 décembre 2010 va également dans ce sens. Ce dernier élément distingue d’ailleurs le présent dossier de l’affaire McQuinn et Étiquettes Mail-Well[3] invoquée par la procureure du travailleur.
[45] D’autre part, le tribunal estime que le rapport complémentaire du docteur Charron est clair, suffisamment motivé et qu’il ne porte pas à interprétation.
[46] À ce propos, le tribunal retient que le docteur Charron écrit clairement qu’il est d’accord avec l’opinion du docteur Séguin. De plus, même si le docteur Charron ajoute que le travailleur se plaint de douleurs résiduelles et de limitations qui ne sont pas « objectivables », le tribunal considère que par ces propos, le docteur Charron reprend l’opinion du docteur Séguin qui faisait référence à la présence de phénomènes douloureux allégués par le travailleur, mais sans la présence de lésion « objectivable ». Ces propos du docteur Charron sont donc en parfaite harmonie avec ceux retrouvés dans la conclusion de l’expertise du docteur Séguin.
[47] Par ailleurs, le tribunal ne peut voir l’existence d’une contradiction entre le fait que le docteur Charron indique qu’il consolide la lésion subie par le travailleur et que du même souffle, il écrit qu’il continue à suivre ce dernier en lui proposant une médication telle que du Lyrica et du Cymbalta.
[48] En effet, il est courant qu’une lésion entraîne la présence d’un phénomène douloureux résiduel qui nécessite un certain suivi médical même après sa consolidation. D’ailleurs, la jurisprudence[4] du tribunal a déjà reconnu que la consolidation d’une lésion ne mettait pas fin automatiquement aux soins ou aux traitements lorsqu’on est en présence de douleurs résiduelles chroniques. Or, dans le présent dossier, il est fait référence, dès le mois d’octobre 2010, à une condition qui est en voie de chronicisation. D’ailleurs, le tribunal souligne que les traitements de physiothérapie ont été arrêtés à compter du 23 novembre 2010, puisque plus efficaces. De l’avis du tribunal, ces éléments justifient totalement la conclusion du docteur Charron à l’effet que la condition du travailleur doit être considérée comme étant consolidée en date du 21 décembre 2010. Il n’agit donc pas d’un « revirement complet d’opinion » de la part du docteur Charron, ce qui distingue le présent dossier de l’affaire Landry et Recyclage Trans-Pneus inc. et CSST[5] invoquée par la procureure du travailleur.
[49] Par ailleurs, le tribunal tient à préciser que même si lors du suivi médical, le docteur Charron a indiqué à plusieurs reprises que des séquelles permanentes étaient à prévoir , force est conclure que ce médecin a finalement décidé de ne pas en reconnaître au travailleur, puisqu’il ne présentait pas de limitations objectivables. Au surplus, le tribunal constate que l’existence de séquelles permanentes était une prévision qu’émettait le docteur Charron et non pas d’une certitude.
[50] Quant à l’affirmation du travailleur à l’effet que le docteur Charron lui aurait mentionné qu’il n’avait pas le choix d’être d’accord avec l’opinion du docteur Séguin, le tribunal ne peut y accorder une valeur probante. En effet, ce n’est pas ce que laisse entendre les notes de consultation prises par le docteur Charron lors de la consultation du 21 décembre 2010. Cet élément distingue d’ailleurs le présent dossier de la décision rendue dans l’affaire Guillemette et Consortium Cadoret, Savard, Tremblay Casault et CSST[6] où le médecin qui avait charge du travailleur a clairement témoigné à l’effet qu’il ne pouvait aller à l’encontre d’un avis rendu par un médecin spécialiste.
[51] De plus, le tribunal estime que dans le présent dossier, la preuve ne démontre pas que le jugement professionnel du docteur Charron a été indûment influencé[7] par le rapport du docteur Séguin. À cet effet, le tribunal estime qu’en tant que professionnel de la santé, le docteur Charron aurait certainement manifesté son désaccord avec l’opinion du docteur Séguin, si tel en avait été le cas.
[52] Le tribunal conclut donc que le rapport du docteur Charron du mois de décembre 2010 est conforme, tant à l’article 205.1 de la loi qu’aux autres critères retenus par la jurisprudence du tribunal. Ce rapport a donc un caractère liant, tant pour la CSST que pour le travailleur. Ce dernier ne pouvait donc remettre en question, en vertu de l’article 358 de la loi, l’ensemble des aspects médicaux contenus dans ce rapport.
[53] Par conséquent, il y a lieu de confirmer que l’entorse cervicale subie par le travailleur le 20 avril 2010 est consolidée en date du 21 décembre 2010 et ce, sans séquelles permanentes ni limitation fonctionnelle.
[54] Finalement, compte tenu de cette conclusion du tribunal et de l’absence de représentation de la part des parties à cet effet, il y a également lieu de confirmer que le travailleur est capable de refaire son emploi prélésionnel depuis le 23 décembre 2010 et qu’il n’a plus droit à des indemnités de remplacement du revenu à compter de cette date. Par conséquent, le tribunal estime que la CSST est justifiée de lui réclamer la somme de 588,88$, somme correspondant aux indemnités de remplacement du revenu versées entre le 23 décembre et le 30 décembre 2010.
[55] La requête du travailleur est donc rejetée.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de monsieur Martin Lemire, le travailleur;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 4 février 2011 à la suite d'une révision administrative;
DÉCLARE que la lésion professionnelle subie par le travailleur le 20 avril 2010 est consolidée depuis le 21 décembre 2010 avec suffisance des soins et des traitements à cette date;
DÉCLARE que cette lésion professionnelle n’entraîne aucune atteinte permanente ni limitation fonctionnelle;
DÉCLARE que le travailleur est capable d’exercer son emploi prélésionnel depuis le 23 décembre 2010 et qu’il n’avait plus droit aux indemnités de remplacement du revenu à compter de cette date;
DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail est justifiée de réclamer au travailleur le remboursement des indemnités versées durant la période du 23 décembre 2010 au 30 décembre 2010, soit la somme de 588,88$.
[1] L.R.Q., c.A-3.001.
[2] 252742-04B-0501, 15 juin 2005, L. Collin.
[3] C.L.P.
[4] Galipeau et Bell Canada, C.A.L.P.
[5] C.L.P.
[6] C.L.P 276152-09-0511, 31 mars 2006, R. Arseneau.
[7] Mazda Chatel et Arseneault, C.L.P.
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