Lavoie c. Stein |
2013 QCCS 3471 |
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JM 2497 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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N° : |
500-17-023419-040 |
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DATE : |
Le 17 juillet 2013 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
JEAN-FRANÇOIS MICHAUD, J.C.S. |
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ÉRIC LAVOIE |
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Demandeur |
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c. |
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BARRY STEIN - et - DONALD MICHELIN - et - NEIL STEIN - et - STEIN ET STEIN |
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Défendeurs |
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JUGEMENT (requête introductive d’instance en dommages-intérêts) |
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[1] Éric Lavoie s’inflige de graves blessures à la suite d’un plongeon effectué dans la piscine creusée d’André Perras. Il intente une action en dommages à ce dernier et son assureur responsabilité, mais il est débouté tant par la Cour supérieure que la Cour d’appel qui considèrent qu’il a été l’artisan de son propre malheur. M. Lavoie reproche à ses avocats de l’avoir mal représenté, d’où la présente action en dommages de 7 329 596 $.
[2] M. Lavoie soutient que si ses avocats n’avaient pas omis de faire valoir de bons moyens, il aurait gagné son procès. Il ajoute qu’ils auraient dû aussi poursuivre d’autres défendeurs, soit le fabricant de la piscine Kafko Manufacturing (Kafko), l’installateur Gilles Cyr, la Ville de Repentigny et le National Spa and Pool Institute (NSPI).
[3] Les défendeurs rétorquent qu’ils n’ont commis aucune faute et que la cause réelle des dommages est attribuable à une distraction ou à une erreur technique de la part de M. Lavoie lorsqu’il a effectué son plongeon.
[4] Malgré toute la sympathie que le Tribunal éprouve pour la situation dans laquelle se retrouve M. Lavoie, le Tribunal conclut que son recours n’est pas bien fondé.
1. LES FAITS
1.1. Le contexte général
[5] En juin 1995, M. Lavoie, alors âgé de 19 ans, fréquente depuis près de deux ans Anne-Marie Perras. Il profite de la piscine des Perras en avant-midi en compagnie de d’autres amis. Ils plongent tour à tour à partir d’un tremplin.
[6] M. Lavoie n’avait consommé aucun alcool ni drogue. Il effectue un plongeon sans prendre d’élan et sans courir. Il se frappe la tête sur le fond de la piscine dans la pente de transition menant à la section moins creuse.
[7] Malheureusement, M. Lavoie sera affligé d’une paraplégie complète avec une parésie des membres supérieurs.
[8] Vers le mois d’août 1996, M. Lavoie entre en communication avec Me Barry Stein de l’étude Stein et Stein afin de voir s’il peut le représenter en vue d’être indemnisé. Leurs échanges mènent à la signature de deux conventions d’honoraires[1] qui prévoient que les défendeurs ont le mandat d’obtenir un règlement ou, si nécessaire, d’intenter une action en dommages-intérêts contre M. Perras et son assureur responsabilité.
[9] Me Stein pilote le dossier et différents collègues collaboreront au fil des ans. En juillet 1999, Me Donald Michelin se joint à l’étude Stein et Stein. Me Stein lui demande de revoir le dossier et la stratégie adoptée jusqu’à ce jour. Après discussion, ils conviennent que la stratégie actuelle, celle de poursuivre M. Perras et son assureur responsabilité, est la bonne.
[10] Le procès a lieu du 3 au 13 décembre 2001 devant M. le juge Jean Crépeau qui rejette l’action de M. Lavoie sans frais.
1.2. Jugement de première instance
[11] Le juge Crépeau constate qu’il n’existe aucune norme canadienne ou provinciale quant aux dimensions d’une piscine équipée d’un tremplin de plongée. Il retient que les constructeurs utilisent, de façon générale, les normes du NSPI.
[12] Le NSPI est un organisme américain créé par des fabricants et vendeurs de piscines qui publie depuis 1959 des normes quant aux dimensions des piscines et du type de tremplin qui peut y être installé.
[13] La norme V est celle qui concerne la piscine des Perras. Cette même norme classe les piscines selon les types O, I, II, III, IV et V. Le type O n’autorise aucun tremplin.
[14] La piscine des Perras est de type I et le juge Crépeau conclut qu’elle respecte les normes du NSPI.
[15] L’installateur de piscines, Gilles Cyr, suivait les plans fournis par le NSPI[2] et c’est ce qu’il a fait chez les Perras.
[16] La preuve n’a pas permis d’identifier qui était le fabricant de la piscine mais un représentant de Kafko a affirmé que le plan utilisé pour la piscine des Perras était très similaire à ceux qu’ils utilisent généralement. Il ne pouvait cependant confirmer que ce plan avait été préparé par eux. Ce représentant a aussi mentionné que son entreprise se fiait aux normes du NSPI[3].
[17] Le juge Crépeau a également analysé le règlement de zonage de la Ville qui prévoit des normes quant à la profondeur d’une piscine équipée d’un tremplin[4]. Il conclut que la piscine des Perras respecte les prescriptions de ce règlement.
[18] Au niveau de la preuve par experts, M. Lavoie a fait entendre Herbert Flewwelling, ingénieur, spécialisé en plongeon ayant été entraîneur d’équipes de plongeons olympiques depuis 1969.
[19] Le juge Crépeau ne retient pas son témoignage puisqu’il s’appuie sur des mesures inexactes de la piscine et de la hauteur du tremplin par rapport à l’eau. Il note que l’ingénieur Flewwelling ne tient pas compte des normes du NSPI et n’y fait pas référence[5].
[20] Quant à la cause de ce malheureux accident, le juge Crépeau explique que M. Lavoie a plongé pendant près de dix ans dans la piscine familiale qui est considérée par les experts comme étant plus dangereuse que celle des Perras puisque la pente de transition vers la section moins profonde, est beaucoup plus prononcée. De plus, M. Lavoie s’est baigné une bonne dizaine de fois chez les Perras avant son accident.
[21] Tenant compte du témoignage de l’expert Guylaine Messier[6] qui a analysé le plongeon effectué par M. Lavoie et qui était d’opinion que celui-ci a été distrait, le juge Crépeau conclut[7] que la piscine n’était pas la cause de l’accident :
L’accident d’Éric Lavoie ne peut malheureusement être attribué qu’à sa propre distraction ou à une erreur technique de sa part, mais n’a nullement été causé par une déficience de la piscine et de ses dimensions.
1.3. Jugement de la Cour d’appel
[22] Les défendeurs n’ont pas accepté d’en appeler de la décision du juge Crépeau. M. Lavoie a retenu les services d’un autre procureur.
[23] La Cour d’appel confirme la décision du juge Crépeau en rappelant, à plus d’une reprise, que le pourvoi doit être tranché selon la preuve faite devant lui[8].
[24] La Cour d’appel constate l’absence de normes canadiennes déterminant les dimensions d’une piscine résidentielle équipée d’un tremplin et que les constructeurs de piscines s’en remettent aux normes établies du NSPI[9]. Elle souligne également que la piscine des Perras est conforme aux normes du NSPI et de la Ville[10]. Elle conclut que M. Perras n’a pas commis de faute, ce dernier s’en étant remis à un installateur d’expérience, soit Gilles Cyr[11].
[25] Quant à la cause des dommages subis par M. Lavoie, la Cour rappelle la technique de plongeon utilisée par M. Lavoie et juge que l’accident lui est exclusivement attribuable[12] :
Dans ce contexte, il est impossible de conclure que la piscine constituait un « piège » au sens que la Cour suprême du Canada donne à cette expression dans l’arrêt Rubis c. Gray Rocks Inn Ltd., [1982] 1 R.C.S. 452 (le juge Beetz, aux pages 466-467). À la lumière de la preuve dont il disposait, le juge de première instance a eu raison de conclure à un accident attribuable exclusivement à une distraction ou à une erreur technique de la part de l’appelant dans l’accomplissement de son plongeon.
(notre soulignement)
[26] La Cour d’appel note que M. Lavoie souhaite que son dossier soit examiné à la lumière d’une décision rendue par The Court of Appeal of Washington dans l’affaire Meneely c. S.R. Smith, Inc.[13]. La Cour se dit troublée par les faits relatés dans cette affaire et va même jusqu’à recommander que ce jugement soit porté à la connaissance des autorités publiques de façon à ce que la lumière soit faite sur les études qui y sont mentionnées[14]. Comme les faits dans cette affaire n’ont pas été mis en preuve devant le juge Crépeau, la Cour ne s’y attarde pas davantage.
[27] M. Lavoie a déposé une demande d’autorisation d’en appeler à la Cour suprême qui a été rejetée.
[28] M. Lavoie allègue que les défendeurs ont omis de considérer les éléments suivants qui lui auraient permis d’être pleinement indemnisé s’ils avaient été mis en preuve.
[29] Meneely, âgé de 16 ans, devient paraplégique dans des conditions semblables à l’accident de M. Lavoie. Meneely a démontré que la piscine où il s’est blessé était dangereuse, bien qu’elle respectait la norme V type II du NSPI. Le NSPI a été condamné par un jury à payer 60 % des dommages évalués à 11 000 000 $ au motif que le NSPI savait qu’il était dangereux d’équiper une piscine type II d’un tremplin modèle S.R. Smith 606. On reprochait au NSPI de ne pas avoir avisé des risques reliés à ces piscines et tremplins. Le NSPI avait distribué une brochure sur la façon de plonger pour éviter des blessures, ce qui a été jugé insuffisant.
[30] Cette décision a été confirmée par le Court of Appeal of Washington le 3 août 2000.
[31] Plus spécifiquement, la preuve a révélé que le NSPI avait obtenu, dans les années 1970, une étude concluant qu’il n’était pas possible pour un plongeur de toucher le fond de la piscine à une vélocité sécuritaire s’il plongeait d’un tremplin d’un mètre.
[32] Des experts avaient filmé, à partir d’une fenêtre en profondeur, un plongeur et avaient, par la suite, superposé sur ce film la profondeur et la pente de transition d’une piscine type II. Ils ont conclu qu’un plongeur, avec le même physique que Meneely, cognerait le fond de la piscine à des vélocités suffisamment grandes pour lui casser le cou.
[33] Les défendeurs ont pris connaissance de cette décision bien avant le début du procès devant le juge Crépeau. M. Lavoie leur reproche de ne pas avoir mis en preuve les études produites dans cette affaire et le jugement rendu par le Court of Appeal of Washington. Selon M. Lavoie, cette preuve aurait démontré que les normes du NSPI n’étaient pas fiables et le juge Crépeau aurait ainsi écarté le témoignage des experts en défense pour retenir celui de l’ingénieur Flewwelling.
[34] L’affaire Meneely avait fait l’objet d’un reportage intitulé « Deep Impact ». L’ingénieur Flewwelling en a pris connaissance et en a transmis une copie aux défendeurs.
[35] Ce reportage relate les circonstances de l’accident de Meneely et reprend l’essentiel des conclusions des experts. Ce reportage remet en question les normes du NSPI.
[36] En 1989, la Régie de la sécurité dans les sports du Québec développe un règlement type visant à assurer un minimum de sécurité pour les utilisateurs de piscines résidentielles.
[37] Ce règlement type a été transmis à l’ensemble des municipalités qui étaient invitées à adopter un règlement semblable. À défaut de l’adopter, la Régie souhaitait que ce règlement serve de guide de sécurité pour tout propriétaire de piscine.
[38] Ce règlement type prévoyait à son article 10 qu’une piscine creusée munie d’un tremplin d’une hauteur de 1 mètre (39 pouces) devait avoir une profondeur de 3 mètres (9 pieds et 9 pouces)[15]. C’est la profondeur minimale recommandée par l’ingénieur Flewwelling.
[39] La Ville de Repentigny n’a jamais adopté ce règlement type. M. Lavoie allègue que ce règlement aurait pu servir de guide et soutenir l’opinion de l’ingénieur Flewwelling selon laquelle la piscine des Perras était dangereuse.
[40] De plus, la profondeur recommandée pour une piscine dans ce règlement type est conforme à ce que l’on retrouve dans le Règlement sur la sécurité dans les bains publics[16], lequel a été soumis au juge Crépeau par les défendeurs. Selon M. Lavoie, si le juge Crépeau avait pu considérer le Règlement sur la sécurité dans les bains publics, non pas isolément, mais en lien avec le règlement type, il aurait accordé une plus grande considération aux conclusions de l’ingénieur Flewwelling.
[41] Me Stein reconnaît avoir pris connaissance du règlement type avant le procès mais n’a pas jugé utile de le soumettre au Tribunal, entre autres, vu qu’il n’avait pas force de loi.
[42] Lors du procès devant le juge Crépeau, les défendeurs ont produit un plan d’une piscine, anonyme en ce que l’on ignore qui l’a préparé, et où la mention « NON DIVING POOL » est raturée[17]. Or, M. Lavoie a obtenu de la Ville, après le procès, une copie d’un plan où la mention « NON DIVING POOL » n’est pas raturée et où apparaît le nom Kafko[18].
[43] M. Lavoie reproche aux défendeurs de ne pas avoir exigé au procès que l’original du plan de piscine soit produit, ce qui aurait permis, aux dires de M. Lavoie, de contester l’authenticité du document et de mettre en preuve un plan avec la mention « NON DIVING POOL » non raturée. Ainsi, les défendeurs auraient pu soutenir que M. Perras, l’installateur et le fabricant savaient que la piscine ne pouvait être équipée d’un tremplin.
[44] À ce sujet, le juge Crépeau note que le plan produit[19] avait deux inscriptions contradictoires, soit « NON DIVING POOL » et « NSPI Type I » qui permet l’usage d’un tremplin. Il n’en dit pas davantage.
[45] À l’audience, Me Michelin explique qu’il a fait une demande à la Ville avant le procès et que les documents obtenus n’incluaient aucun plan[20].
[46] M. Lavoie reproche aux défendeurs de ne pas avoir poursuivi la Ville, l’installateur de la piscine, Gilles Cyr, le fabricant Kafko et le NSPI. Il considère qu’ils sont responsables pour les raisons suivantes :
· Ville :
- elle aurait dû adopter le règlement type recommandé par la Régie de la sécurité dans les sports du Québec;
- elle a émis un permis sans s’assurer que l’avertissement sur le plan « NON DIVING POOL » soit respecté;
· Gilles Cyr :
- il aurait dû connaître les études remettant en question les normes du NSPI et ne pas s’y fier;
- il aurait dû connaître le règlement type et suivre les normes qui y sont recommandées;
- il n’aurait pas dû mettre de côté les recommandations du fabricant qui avait inscrit sur le plan « NON DIVING POOL »;
- il aurait dû fournir la brochure recommandée par le NSPI quant aux techniques de plongeons sécuritaires;
· Kafko :
- elle a produit un plan de piscine qui comportait des inscriptions contradictoires, soit « NON DIVING POOL » et « NSPI Type I »;
· NSPI :
- il a maintenu des normes qu’il sait dangereuses comme l’a révélé l’affaire Meneely[21].
[47] M. Lavoie reproche également aux défendeurs :
· de ne pas avoir partagé avec lui leur décision de ne pas poursuivre certaines parties et de ne pas produire les éléments de preuve;
· d’avoir seulement poursuivi M. Perras et son assureur alors que la limite de couverture était de 1 million $;
· d’avoir refusé d’attaquer la fiabilité des normes du NSPI alors que les experts de M. Perras s’appuyaient sur celles-ci.
[48] Les défendeurs ont-ils commis une faute en omettant de soumettre des éléments de preuve?
[49] Les défendeurs ont-ils commis une faute en ne poursuivant pas les parties appropriées?
[50] Dans l’affirmative, y a-t-il causalité entre les fautes et les dommages réclamés?
[51] Quel est le quantum des dommages?
[52] Avant d’analyser les gestes professionnels posés par les défendeurs, il est utile de rappeler les principes juridiques applicables[22].
[53] L’avocat de litige a une obligation de moyens envers son client, c’est-à-dire qu’il n’a pas à garantir le résultat des procédures qu’il intente. Les tribunaux reconnaissent qu’il a une large discrétion dans l’exécution de son mandat puisque c’est lui, et non le client, qui possède les connaissances et l’expertise pour décider de la stratégie à adopter et des moyens à prendre pour y arriver. De la même façon, il est le mieux placé pour identifier les éléments de preuve et évaluer leur pertinence.
[54] De plus, il lui appartient d’identifier les défendeurs potentiels et de faire des recommandations à son client quant à l’opportunité d’intenter des procédures contre ceux-ci.
[55] Cependant, en tout temps, l’avocat doit agir comme un avocat raisonnablement avisé, prudent et diligent.
[56] Le fardeau de preuve qui repose sur le client, insatisfait du travail de son avocat au procès, est particulièrement lourd. Il ne lui suffit pas de démontrer que son avocat aurait pu agir autrement. Dans un premier temps, il doit établir qu’il a commis une faute, par exemple qu’il a omis d’introduire en preuve un élément qu’un avocat raisonnablement avisé aurait utilisé. Dans un deuxième temps, il doit prouver que n’eût été cette faute, il aurait eu gain de cause. Ainsi, le client ne pourra réussir que s’il démontre, selon le poids des probabilités, que ses chances de succès étaient bonnes, n’eût été la faute de son avocat.
[57] Avant d’évaluer si les défendeurs ont commis une faute, rappelons quelle était la théorie de leur cause.
[58] Selon les principaux avocats au dossier, Me Stein et Me Michelin, la piscine des Perras était unique en ce qu’elle ne correspondait pas à un standard. L’installateur Gilles Cyr s’est inspiré d’un plan de Kafko pour construire la piscine. D’ailleurs, le fabricant Kafko n’a jamais reconnu qu’il s’agissait de l’un de leurs modèles de piscines.
[59] Les défendeurs voulaient ainsi démontrer que cette piscine, aux dimensions uniques, constituait un piège. Pour ce faire, ils ont retenu les services de l’ingénieur Flewwelling qui était d’avis que les dimensions de la piscine ne permettaient pas qu’elle soit équipée d’un tremplin. Avec ce témoignage, ils souhaitaient établir que la piscine des Perras était dangereuse. Dans les circonstances, ils n’ont pas cru nécessaire ou pertinent d’attaquer les normes du NSPI puisque la piscine des Perras n’a pas été construite selon celles-ci.
[60] Les défendeurs ont eu l’opportunité de prendre connaissance du jugement rendu dans l’affaire Meneely et d’évaluer l’impact de cette décision sur le dossier de M. Lavoie.
[61] Leur analyse les a amenés à ne pas utiliser ce jugement puisque la piscine et le tremplin en cause dans cette affaire n’étaient pas les mêmes que chez les Perras. En effet, la piscine des Meneely était de type II alors que celle des Perras était de type I. De plus, le tremplin chez les Meneely avait 1 mètre de hauteur au-dessus de l’eau[23], alors que celui des Perras avait 18 pouces[24]. Les faits de ces deux affaires étaient distincts et pouvaient mener à des conclusions différentes.
[62] Par ailleurs, d’un point de vue procédural, le jugement dans l’affaire Meneely « ne fait pas preuve des faits qui y sont relatés » [25], comme le souligne la Cour d’appel. Les défendeurs ne pouvaient donc simplement produire ce jugement auprès du juge Crépeau. Bien qu’intéressant, ce jugement ne pouvait constituer de la preuve.
[63] Ce jugement fait état d’études qui auraient démontré que la piscine des Meneely, bien que conforme aux normes du NSPI, constituait un piège.
[64] De prime abord, ces études n’apparaissent pas pertinentes pour le dossier de M. Lavoie puisque les dimensions de la piscine et la hauteur du tremplin sont différentes. Il aurait donc fallu que ces experts effectuent de nouvelles études à partir de la piscine des Perras. Or, c’est justement le mandat qu’a reçu l’ingénieur Flewwelling. Sa démarche est semblable à celle des experts dans l’affaire Meneely et cherche à démontrer qu’un plongeon, effectué normalement, amène le plongeur à cogner la pente de transition. Il y aurait donc eu double emploi en engageant les experts dans le dossier Meneely en plus de l’ingénieur Flewwelling.
[65] De plus, ces études n’ont pas été produites dans la présente instance et le Tribunal n’est pas en mesure d’apprécier leur pertinence et l’impact qu’elles auraient pu avoir si elles avaient été soumises au juge Crépeau.
[66] Par ailleurs, il ne faut pas conclure que l’affaire Meneely discrédite toutes les normes du NSPI. Le jugement ne concerne que les piscines de type II. Le jugement ne traite pas des autres types de piscine, dont celle de M. Perron, et il n’est pas possible d’en tirer d’autres inférences.
[67] Certes, ce jugement aurait pu intéresser le juge Crépeau et aurait pu constituer une mise en garde quant à la fiabilité des normes du NSPI mais, compte tenu de la portée limitée de ce jugement, son impact probable pouvait difficilement être important.
[68] En conséquence, le Tribunal est d’avis que les défendeurs n’ont pas commis de faute en ne soumettant pas ce jugement au juge Crépeau.
[69] L’émission « 60 Minutes » a présenté un reportage intitulé « Deep Impact »[26] qui relate principalement l’affaire Meneely. On y mentionne aussi le cas de d’autres blessés graves à la suite d’un plongeon dans des piscines creusées.
[70] Ce reportage est troublant et remet en question les normes du NSPI, mais tel que mentionné ci-haut, l’affaire Meneely a un impact limité sur le dossier de M. Lavoie.
[71] De plus, la substance de ce reportage constitue du ouï-dire et ne peut être admissible en preuve. Si les défendeurs avaient voulu l’introduire en preuve, il est probable qu’une objection aurait été soulevée et que celle-ci aurait été accueillie.
[72] Les défendeurs n’ont donc pas commis de faute en s’abstenant de produire ce reportage.
[73] Il n’est pas clair de la preuve que ce règlement type ait été soumis ou non au juge Crépeau. M. Lavoie croit que ce n’est pas le cas alors qu’en défense, on n’exclut pas que ce règlement type ait été soumis avec des notes et autorités après le procès.
[74] À tout événement, le Tribunal arrive à la conclusion que l’omission de soumettre ce règlement type ne constitue pas une faute.
[75] Tout d’abord, ce règlement type n’est qu’une recommandation de la Régie de la sécurité dans les sports du Québec. Il n’a pas été adopté par la Ville de Repentigny bien qu’elle ait été invitée à le faire.
[76] Si les défendeurs avaient voulu le produire, il est probable qu’une objection ait été soulevée puisque ce règlement type n’a pas force de loi. La Ville de Repentigny a déjà un règlement qui traite de la dimension des piscines.
[77] Cependant, même si ce règlement type avait été produit au dossier de la Cour, il aurait eu une incidence très limitée. En effet, les exigences de ce règlement type, quant aux dimensions d’une piscine et la hauteur d’un tremplin, se retrouvent seulement à l’article 10[27] qui prévoit qu’une piscine creusée ne peut être équipée d’un tremplin ayant une hauteur maximale de 1 mètre que si la partie profonde atteint 3 mètres. Qu’en est-il si le tremplin est à une hauteur de 18 pouces de l’eau comme chez les Perras? La profondeur de la piscine doit-elle demeurer la même? De plus, le règlement type ne traite pas de la distance de la pente de transition de la fin du tremplin ni de son angle qui sont pourtant des éléments importants à considérer lors d’un plongeon.
[78] M. Lavoie trouve pertinent ce règlement type puisque les recommandations quant à la profondeur des piscines se rapprochent de celles du Règlement sur la sécurité dans les bains publics et des recommandations de l’ingénieur Flewwelling. Or, le Règlement sur la sécurité dans les bains publics n’a aucune application à la piscine des Perras puisqu’il ne s’agit pas d’une piscine située dans un édifice ou un lieu public, comme le souligne la Cour d’appel[28].
[79] Quant à l’ingénieur Flewwelling, il s’appuie sur les recommandations de la Fédération internationale de natation amateur concernant des tremplins de 1 à 10 mètres. La Cour d’appel remarque que la profondeur minimale suggérée par l’ingénieur Flewwelling est supérieure à ce que l’on retrouve dans le Règlement sur la sécurité dans les bains publics. Dans ce contexte, le règlement type qui, contrairement au Règlement sur la sécurité dans les bains publics, n’a pas été adopté, a peu d’incidence, sinon aucune, sur le dossier de M. Lavoie.
[80] Le Tribunal ne peut conclure que les défendeurs ont été fautifs en décidant de ne pas produire le règlement type.
[81] Là aussi, le Tribunal ne voit pas de faute de la part des défendeurs.
[82] Tout d’abord, Me Michelin a démontré qu’il avait demandé à la Ville des documents concernant la piscine des Perras et qu’il n’a pas reçu[29] le plan que M. Lavoie a obtenu après le procès[30]. Il n’est pas responsable de ce que la Ville a fait défaut de lui transmettre.
[83] Par ailleurs, même s’il avait obtenu le plan en question, cela n’aurait rien changé puisque la contradiction au niveau des inscriptions « NON DIVING POOL » et « NSPI Type I » était connue du juge Crépeau qui l’a bien notée. Le fait que la mention « NON DIVING POOL » était raturée, alors qu’elle ne l’était pas sur l’original, n’a pas d’incidence. La piscine des Perras est de type I et cette piscine pouvait être équipée d’un tremplin. L’installateur Gilles Cyr a également confirmé que, selon son expérience, un tremplin pouvait y être installé.
[84] De plus, même si l’original permettait d’y voir la mention « Kafko », la preuve a révélé que la piscine n’était pas une piscine fabriquée par Kafko mais plutôt inspirée de l’un de ses plans. En conséquence, M. Lavoie n’a pas établi par prépondérance que si les défendeurs avaient eu l’original du plan, cela aurait modifié leur stratégie ou la façon de gérer la preuve.
4.3. Les défendeurs ont-ils commis une faute en ne poursuivant pas les parties appropriées?
[85] L’installateur Gilles Cyr se serait inspiré d’un plan de Kafko pour construire la piscine des Perras.
[86] La preuve n’a pas permis d’établir que Kafko était le fabricant de la piscine ou avait joué un rôle quelconque dans son installation.
[87] Le Tribunal voit mal pourquoi les défendeurs auraient dû recommander que la poursuite soit intentée également contre Kafko.
[88] M. Cyr faisait affaires par l’entremise d’une compagnie lorsqu’il a installé la piscine chez les Perras en 1990. Cette compagnie a fait faillite en 1991, soit quatre ans avant l’accident de M. Lavoie.
[89] Au moment de l’accident, il est peu probable que M. Cyr avait de l’assurance responsabilité compte tenu qu’il avait cessé ses opérations. Le Tribunal n’a aucune preuve du contraire.
[90] Ainsi, même si les défendeurs avaient pu identifier une cause d’action contre l’installateur, ils n’auraient probablement pas pu exécuter ce jugement.
[91] Le Tribunal est d’avis que l’ajout de l’installateur Gilles Cyr n’aurait pas aidé la cause de M. Lavoie.
[92] M. Lavoie aurait voulu que la Ville soit ajoutée comme défenderesse. Les défendeurs ont conclu autrement et le Tribunal partage leur point de vue.
[93] En décidant de ne pas adopter le règlement type, la Ville de Repentigny a fait un choix politique qui ne peut être révisé par un tribunal. On ne peut poursuivre une ville au motif qu’elle a fait défaut d’adopter un règlement. L’état du droit est clair à cet effet[31].
[94] Par ailleurs, la demande de permis déposée par M. Perras n’indique pas qu’un tremplin sera installé et, conséquemment, on ne peut reprocher à la Ville d’avoir toléré cette installation. De plus, il n’y a aucune preuve qui permet au Tribunal de conclure que la Ville avait une obligation de faire un suivi à la suite de la construction de la piscine ni même que ce suivi a été fait.
[95] La piscine des Perras et le tremplin étaient différents de ceux examinés dans l’affaire Meneely. Il n’y a aucune preuve que les normes du NSPI concernant les piscines de type I ne sont pas fiables.
[96] De plus, la piscine des Perras n’a pas été construite selon les normes du NSPI. Elle est de dimensions uniques.
[97] M. Lavoie aurait néanmoins souhaité que les défendeurs attaquent les normes du NSPI.
[98] Pourtant, c’était le but du témoignage de l’ingénieur Flewwelling de convaincre le Tribunal que cette piscine, telle que construite, était dangereuse, qu’elle respecte ou non les normes du NSPI. Bien que l’ingénieur Flewwelling ait reçu instructions des défendeurs de ne pas référer à l’affaire Meneely ou à l’émission « 60 Minutes » durant son témoignage devant le juge Crépeau, rien ne l’empêchait de se prononcer sur les normes NSPI. À titre d’expert, il devait prendre en considération tous les éléments pertinents avant d’émettre son opinion. Il savait d’ailleurs que les experts de M. Perras référaient aux normes du NSPI. Même si le Tribunal n’a pas copie des expertises ni la transcription des témoignages des experts, il appert qu’un débat sur les normes, NSPI et autres, a eu lieu.
[99] Mais il y a plus. Le NSPI est un organisme américain qui n’a pas de place d’affaires au Canada. Rien n’indique que cet organisme exerce une quelconque autorité au Canada. Ce sont les experts de M. Perras qui ont invité le juge Crépeau à se rabattre sur les normes du NSPI, à défaut de normes canadiennes. Le NSPI peut-il assumer la responsabilité d’une installation d’une piscine au Québec alors que cette même piscine n’a pas été construite selon ses standards?
[100] De plus, comme les défendeurs ont appris l’existence de l’affaire Meneely en juillet 1999[32], le recours contre NSPI n’était-il pas déjà prescrit?
[101] Ces questions démontrent qu’un recours contre le NSPI n’était pas sans obstacles sérieux.
[102] Les défendeurs ont considéré poursuivre le NSPI mais ils ont conclu que cela n’aiderait pas leur cause. Cette décision n’est pas déraisonnable et un avocat prudent et diligent aurait probablement conclu de la même façon.
[103] Les défendeurs ont analysé les éléments de preuve que M. Lavoie leur reproche de ne pas avoir produits. Ils ont également considéré poursuivre les parties que M. Lavoie identifie dans le présent recours. Ils ont décidé que ces éléments de preuve et l’ajout de ces parties n’aideraient pas le dossier de M. Lavoie.
[104] Leur stratégie était de montrer, avec l’aide de leurs experts, que la piscine des Perras était un piège, et ce, sans égard aux normes du NSPI. L’ingénieur Flewwelling a abordé le dossier de la même façon que les experts dans l’affaire Meneely.
[105] Le Tribunal n’y voit pas de faute. Ils se sont comportés en avocats prudents et diligents. Ils avaient les intérêts de leur client à cœur et la façon qu’ils ont mené leur dossier le démontre.
[106] En plus de recherches diverses, ils ont communiqué avec plusieurs organismes afin de s’enquérir des normes applicables aux piscines creusées. Ils ont ainsi communiqué avec la Croix Rouge, la Régie du bâtiment, l’Ordre des architectes, le Centre canadien d’architecture, Industrie Canada, le Conseil canadien des normes, Santé Canada, Natation Canada, la Société de sauvetage, l’American National Standards Institute et la Ville de Repentigny[33]. Ils ont également retracé Kafko et validé si cette compagnie avait fabriqué la piscine. Ils ont aussi retrouvé l’installateur Gilles Cyr et effectué des vérifications quant à la faillite de son entreprise. Ils ont mandaté l’ingénieur Flewwelling après différentes démarches dont la lecture de décisions en semblables matières où l’opinion de l’ingénieur Flewwelling avait été retenue[34]. Ils ont investi au moins 240 000 $ en honoraires qu’ils n’ont jamais facturés conformément à la convention d’honoraires. Les défendeurs n’ont pas ménagé leurs efforts.
[107] Auraient-ils pu faire davantage?
[108] Il faut se garder d’analyser les gestes des défendeurs après coup avec le recul et le bénéfice des informations qui sont maintenant disponibles.
[109] Le Tribunal comprend que le résultat soit insatisfaisant pour M. Lavoie et que la conclusion de cette triste affaire soit difficile à accepter alors que d’autres, comme Meneely, ont eu gain de cause. Toutefois, les faits diffèrent d’un dossier à l’autre, et dans le présent cas, on ne peut attribuer la conclusion du juge Crépeau, confirmée par la Cour d’appel, à une faute professionnelle de ses avocats.
4.4. Dans l’affirmative, y a-t-il causalité entre les fautes et les dommages réclamés?
[110] M. Lavoie doit non seulement établir que les défendeurs ont commis une faute mais aussi que cette faute lui a causé des dommages. Même si le Tribunal a conclu que les défendeurs n’ont pas commis de faute, il se prononcera aussi sur la question de la causalité.
[111] Pour être en mesure d’évaluer l’impact des fautes reprochées aux défendeurs, il aurait fallu que M. Lavoie produise les principaux éléments de preuve qui ont été soumis au juge Crépeau. Les principaux témoignages n’ont pas été produits ni les rapports d’experts. Sans cette preuve, le Tribunal n’est pas en mesure de conclure à un lien de cause à effet.
[112] Seuls M. Lavoie et l’ingénieur Flewwelling, qui ont témoigné devant le juge Crépeau, ont témoigné devant le Tribunal. Ces témoignages sont insuffisants afin de permettre au Tribunal d’évaluer l’impact qu’auraient pu avoir les éléments de preuve non soumis par les défendeurs.
[113] Les défendeurs plaident que le fardeau de M. Lavoie n’est pas différent de celui qui voudrait en appeler d’une décision mais qui fait défaut de produire en appel toute la preuve pertinente. Il est bien établi qu’une cour d’appel ne peut remettre en question les conclusions factuelles du premier juge si toute la preuve pertinente n’est pas produite[35]. L’analogie est pertinente. De la même façon, le Tribunal ne peut remettre en cause les conclusions du juge Crépeau sans connaître la preuve qui lui a été soumise.
[114] Bref, il n’y a aucune preuve qui a été soumise qui permettrait de conclure autrement que le juge Crépeau et la Cour d’appel quant à la cause de l’accident. Selon eux, l’accident est attribuable à M. Lavoie[36]:
[115] En conséquence, le Tribunal n’est pas en mesure de revoir les conclusions du juge Crépeau, même en considérant les éléments de preuve que M. Lavoie aurait souhaité soumettre. Il en va de même quant aux parties que M. Lavoie aurait voulu poursuivre. Le Tribunal ne peut déterminer quelles sont les chances de succès de M. Lavoie contre ces personnes dans l’abstrait. Cette analyse ne peut se faire qu’en lien avec la preuve pertinente qui n’est malheureusement pas devant le Tribunal.
[116] Le Tribunal s’est interrogé quant à la manière d’éviter un tel accident.
[117] L’ingénieur Flewwelling a traité de cette question et a proposé que les piscines aient une profondeur d’au moins 10 pieds. Son témoignage n’a pas été retenu par le juge Crépeau et la Cour d’appel résume bien les raisons dans le passage suivant[37] :
L’appelant voudrait enfin que le juge ait retenu l’opinion de son expert, Herbert Flewwelling, un ingénieur, spécialiste en plongeon et entraîneur olympique depuis 1969. Celui-ci conclut que la profondeur de l’eau dans la fosse de la piscine aurait dû être d’au moins 10 pieds pour éviter que l’appelant ne se blesse en plongeant comme il l’a fait. Il estime donc qu’une piscine dont la profondeur est inférieure à 10 pieds ne devrait pas être équipée d’un tremplin. Le juge de première instance a écarté son témoignage. Premièrement, l’expert a fait ses calculs en fonction d’une pente de transition de 30 degrés, ce qui est presque le double de la pente de la piscine de l’intimé Perras (18 degrés); deuxièmement, il s’est trompé sur la hauteur du tremplin dont était équipée la piscine par rapport à la surface de l’eau; troisièmement, ses conclusions concernent des piscines conçues pour des plongeurs de compétition de haut niveau et non pour des plongeurs d’occasion (sur ce point, le juge retient l’avis de madame Guylaine Messier, une spécialiste en sécurité aquatique; celle-ci notait que l’avis de monsieur Flewwelling se fondait, à tort, sur les recommandations de la Fédération internationale de natation amateur, recommandations concernant des tremplins de 1 à 10 mètres de hauteur).
L’appelant ne me convainc pas que le premier juge s’est trompé en écartant, à la lumière de la preuve dont il disposait, l’avis de monsieur Flewwelling. D’ailleurs, la profondeur minimale suggérée par cet expert est supérieure même à la profondeur minimale suggérée par le règlement applicable aux «bains publics» dans le cas d’un tremplin, comme celui dont la piscine de l’intimé Perras était équipée, d’une hauteur de 0,5 mètre au moins au-dessus de l’eau.
[118] Même avec les éléments de preuve et les parties que M. Lavoie voudrait ajouter, le Tribunal ne pourrait conclure autrement.
[119] Il est vrai que la Cour d’appel précise à plusieurs endroits[38] qu’elle partage la conclusion du premier juge « à la lumière de la preuve dont il disposait ». Quant aux normes NSPI, la Cour d’appel écrit[39] :
Il n’y a rien dans la preuve qu’il a pu lire et entendre laissant soupçonner que la valeur des normes publiées par le NSPI était mise en doute.
[120] Est-ce que le fait de soumettre le jugement Meneely, le reportage de « 60 Minutes », le règlement type ou même l’original du plan de la piscine auprès du Crépeau aurait mené à une conclusion différente? Pour les raisons déjà données, le Tribunal ne le croit pas.
[121] Il est possible que le juge Crépeau ait pu remettre en question la fiabilité des normes du NSPI et ultimement les écarter. Toutefois, la preuve devant le Tribunal est insuffisante pour affirmer que le juge Crépeau aurait conclu différemment. Ce qui ressort de son analyse, c’est que M. Lavoie était habitué de plonger dans la piscine familiale qui était encore plus dangereuse que celle des Perras et qu’il connaissait aussi celle-ci pour y avoir plongé à plusieurs reprises auparavant.
[122] Dans l’éventualité d’un appel, le Tribunal se prononcera sur les dommages et les évaluera en fonction de la date de signification de la requête introductive d’instance qui est le 2 janvier 2005.
[123] Au moment de son accident, M. Lavoie a 19 ans et est actif. Il joue au hockey régulièrement et a démarré sa propre entreprise de vente et réparation de machines à coudre industrielles. Il mesure 6 pieds et 1 pouce et pèse 195 livres.
[124] Il est maintenant affligé d’une paraplégie complète avec une parésie des membres supérieurs. Il a aussi perdu l’usage d’une corde vocale à la suite de l’une de ses opérations.
[125] Selon le barème de la CSST, le déficit anatomo-pathologique de M. Lavoie est le suivant[40] :
Code 211194, atteinte de la station debout et pour marcher,
Atteinte classe 4 : DAP 70%
Code 411236, usage du membre supérieure (sic), atteinte classe 2 : DAP 40%
Code 217303, incontinence urinaire : DAP 60%
Code 203979, fusion cervicale à trois niveaux : DAP 9%
[126] Le Dr Mohammed Maleki, neurochirurgien, précise que M. Lavoie a perdu sa musculation au thorax ce qui affecte sa capacité respiratoire et entraîne des douleurs dorsales chroniques. Il s’ensuit une déviation du thorax et un débalancement du tonus musculaire. Ses muscles se sont atrophiés. Il mesure maintenant 5 pieds et 11 pouces et ne pèse que 155 livres.
[127] À cela, s’ajoutent des problèmes de vessie découlant de la paralysie. Il doit utiliser un cathéter six à huit fois par jour et porter quotidiennement un condom autocollant. Cela provoque des infections urinaires qui l’obligent à prendre d’autres médicaments. Les infections durent environ dix jours. À titre d’exemple, il en a eu neuf l’an dernier.
[128] Tous les matins, il doit consacrer deux heures à son hygiène corporelle. Ceci implique, entre autres, qu’il doit vider sa vessie, faire un toucher rectal pour stimuler l’évacuation des selles, se doucher sur une chaise et s’habiller. Et cela, généralement, après une nuit de sommeil perturbé où il doit sortir du lit de trois à six fois.
[129] Malgré ces obstacles, M. Lavoie a réussi à prendre en charge sa vie. Il s’est impliqué dans l’Association des paraplégiques du Québec et fait campagne pour que les piscines équipées d’un tremplin soient plus profondes. Il s’est distingué au rugby en chaise roulante de 1997 à 2007. Cependant, ses membres supérieurs ne lui permettent plus de pratiquer ce sport.
[130] Mais plus important, il a rencontré sa conjointe en 1999 avec qui il a eu trois enfants.
[131] Mme Linda Tierney, ergonome, a eu le mandat d’identifier les besoins de M. Lavoie à sa résidence. Elle reconnaît qu’on ne lui a pas demandé d’évaluer les coûts des besoins ni le remplacement des équipements. Son expertise a donc une portée limitée. De plus, elle a sous-évalué l’amplitude des mouvements de M. Lavoie avec ses bras. Ainsi, ses recommandations sont parfois inadéquates puisqu’elle a considéré une amplitude réduite.
[132] M. Lavoie a également fait entendre l’ergothérapeute Claude Bougie. Son opinion est très semblable à celle de l’ergothérapeute Caroline Lacroix mandatée par les défendeurs. Toutefois, M. Bougie n’a pas non plus évalué les coûts des besoins de M. Lavoie. Seule Mme Lacroix a fait cette analyse.
[133] Le Tribunal se référera donc à son rapport[41] afin de déterminer les besoins de M. Lavoie.
[134] Le Tribunal doit départager les coûts passés des coûts futurs. Tel que mentionné précédemment, il le fera en fonction de la date du 2 janvier 2005.
[135] Pour les coûts passés, M. Lavoie a produit une série de factures de divers débours qui totalisent 48 009,92 $[42]. Ces factures ne représentent qu’une partie de la totalité des coûts réellement encourus par M. Lavoie. Ce ne sont que les factures qu’il a réussi à produire au Tribunal.
[136] Par ailleurs, il n’est pas contesté que M. Lavoie a bénéficié de subventions du ministère de la Santé et des Services sociaux à raison d’environ 4 500 $ par année pour ses médicaments.
[137] Le Tribunal n’a donc pas une preuve détaillée qui lui permet d’évaluer les dépenses encourues par M. Lavoie. Cependant, il serait inéquitable d’évaluer que les coûts qu’il a réellement prouvés, alors qu’il n’est pas contesté que sa condition requiert des soins et des médicaments importants.
[138] En s’inspirant des besoins qui ont été identifiés par Mme Lacroix aux pages 15 et 16 de son rapport[43], le Tribunal évalue, de façon minimaliste, les besoins annuels de M. Lavoie à 12 182 $, selon le détail suivant :
· aide à la préparation de repas (0.5/j - 15 $/h)........................................ 2 732,00 $
· aide pour entretien léger (1.5 h/semaine - 15 $/h)................................. 1 170,00 $
· aide pour entretien lourd (28 h/année - 15 $/h).......................................... 420,00 $
· entretien gazon, neige, etc......................................................................... 1 000,00 $
· médication non assurée (30 $/mois)........................................................... 360,00 $
· produits pour vidange de la vessie/intestins 11 000 $ moins subvention du ministère de la Santé et des Services sociaux de 4 500 $................... 6 500,00 $
· TOTAL....................................................................................................... 12 182,00 $
[139] Ainsi, pendant 9 ans, M. Lavoie a encouru, au minimum, des coûts de l’ordre 109 638 $.
[140] Quant aux dépenses futures, le Tribunal se réfère de nouveau aux items identifiés par Mme Lacroix et qui ont été actualisés par l’actuaire Luc Rivest. Le détail se trouve à l’appendice 1 du rapport de M. Rivest[44]. Le montant total est de 221 254 $. De ce montant, le Tribunal va retirer les items qui font l’objet d’une subvention d’un organisme qui bénéficie d’un droit de subrogation.
[141] Ainsi, le Tribunal ne tiendra pas compte des items qui seront assumés par la Régie de l’assurance maladie du Québec[45] et par le ministère de la Santé et des services sociaux[46]. Cela réduit le montant des soins futurs à environ 172 000 $.
[142] Dans l’évaluation des besoins, Mme Lacroix et M. Rivest ont alloué 2 927,92 $ pour adapter la cuisine et installer une plate-forme élévatrice. Ce sont des montants arbitraires puisqu’aucun estimé n’a été obtenu. Le Tribunal va les omettre également et en traiter dans la section suivante concernant les coûts pour adapter la résidence de M. Lavoie.
[143] Le montant des dépenses et soins futurs est donc environ 169 000 $. Ce montant doit être majoré de 37,25 %, selon l’actuaire Rivest[47], afin de tenir compte de l’impôt exigible sur le montant en capital qui aurait servi à indemniser M. Lavoie.
[144] Ainsi majoré, le montant des dépenses et soins futurs s’élève à 231 952,50 $.
[145] M. Lavoie a encouru des coûts pour adapter la résidence en fonction de son handicap. Une plateforme élévatrice a été installée par son père de même qu’une rampe d’accès. Toutefois, il a bénéficié d’une subvention du Programme d’adaptation du domicile (PAD) de 13 217 $ en 2007[48]. Est-ce que les dépenses encourues étaient plus élevées que le montant de la subvention? Possiblement, mais le Tribunal n’a pas la preuve du détail et il se perdrait en spéculation s’il tentait d’y mettre un montant.
[146] M. Lavoie réclame également 242 000 $ pour adapter sa résidence. Or, la preuve faite devant le Tribunal est déficiente. Un représentant de l’entrepreneur général, Les Entreprises Christian Arbour inc., a produit un estimé[49]. Toutefois, ce représentant n’a jamais visité la propriété de M. Lavoie. Les informations qu’il a pu livrer au Tribunal sont trop vagues et non probantes pour que le Tribunal puisse s’y fier.
[147] Toutefois, le Tribunal juge que la résidence de M. Lavoie a besoin d’être adaptée. Il n’est pas contesté que l’actuelle plate-forme élévatrice n’est pas sécuritaire et doit être remplacée de même que la cuisine qui doit être modifiée afin de permettre à M. Lavoie d’être pleinement autonome.
[148] Les avis des experts sont partagés quant à la nécessité d’ajouter un bain avec un système de rails, d’installer un mécanisme afin que la porte principale puisse s’ouvrir automatiquement et d’acheter une laveuse frontale pour les vêtements.
[149] Le Tribunal considère que ces ajouts sont appropriés pour M. Lavoie. Aucun estimé n’a été produit, de part et d’autre, quant à ces coûts. Le Tribunal les évalue de façon conservatrice à 30 000 $ tout en tenant compte d’éventuelles subventions du PAD.
[150] La capacité de M. Lavoie d’occuper un emploi rémunérateur est contestée. La preuve en demande repose essentiellement sur le témoignage du neurochirurgien Maleki. En défense, on a fait entendre l’ergothérapeute Lacroix de même que François Laflamme, spécialiste en réadaptation.
[151] M. Lavoie a conservé ses capacités cognitives et est en mesure d’écrire ou d’utiliser un ordinateur.
[152] Il a travaillé pour l’Association des paraplégiques du Québec de 2003 à 2006 et a tenté de lancer son entreprise à l’aide d’une subvention du gouvernement en 2003. Il a eu des revenus de l’ordre de 65 000 $ pour les années 2003 à 2006[50].
[153] Toutefois, il faut tenir compte des nombreuses contraintes qui affligent M. Lavoie. Notamment, il ne peut rester dans une position assise pendant plus de deux heures consécutives. Ses soins personnels, que ce soit le matin ou au cours de la journée, requièrent beaucoup de temps et d’énergie. Sa mobilité est réduite bien qu’il soit en mesure de se déplacer en voiture de façon autonome.
[154] De plus, sa condition se dégrade progressivement au fil des ans. À titre d’exemple, alors qu’il était en mesure de jouer au rugby en chaise roulante jusqu’en 2006, il ne se dit plus en mesure de le faire en raison de douleurs.
[155] Il faut aussi considérer que M. Lavoie n’a pas terminé son secondaire. Il a cessé ses études alors qu’il était en secondaire II. Depuis, il n’a suivi aucune autre formation académique.
[156] M. Laflamme a déjà réussi à trouver des emplois à des paraplégiques et est d’avis que M. Lavoie pourrait occuper un emploi rémunérateur à temps partiel. Il en évalue trois, soit :
· télé-démarchage;
· agent d’association;
· directeur d’association.
[157] Bien que ces emplois requièrent généralement un diplôme d’études secondaires, M. Laflamme croit possible que des employeurs acceptent des candidats sans diplôme secondaire.
[158] Le Tribunal estime que l’employabilité identifiée par M. Laflamme est plus théorique que réelle. M. Laflamme n’a jamais rencontré M. Lavoie avant de procéder à son expertise. De plus, la première occupation proposée par l’expert Laflamme, soit le télé-démarchage, ne tient pas compte du fait que M. Lavoie a perdu l’usage d’une corde vocale.
[159] La formation académique limitée de M. Lavoie réduit grandement le nombre d’emplois qu’il peut occuper. À cela s’ajoutent les contraintes importantes qui l’affligent au quotidien. Bref, même s’il était possible que M. Lavoie se trouve un emploi dans le futur, cela n’est pas probable.
[160] Quant à l’évaluation des revenus perdus de M. Lavoie, le Tribunal écarte le témoignage de l’actuaire Carolyne Martel, puisque celle-ci a pris des informations fournies par M. Lavoie, sans les valider d’aucune façon.
[161] M. Lavoie lui a représenté qu’il avait gagné 123 000 $ avec son entreprise dans l’année précédant son accident. Les documents produits[51] par M. Lavoie ne permettent pas de confirmer de tels revenus ni quels étaient les frais d’exploitation. Aucun rapport d’impôt ni états financiers n’ont été produits. Il est possible que M. Lavoie ait eu un chiffre d’affaires important mais il n’y a aucune preuve des revenus qu’il aurait pu, lui, retirer.
[162] L’actuaire Martel n’a requis aucun document et n’a fait aucune vérification avant d’accepter ce montant pour effectuer ses calculs. Il est vrai que son rôle d’actuaire peut se limiter à effectuer des calculs et actualiser des montants, mais utiliser des chiffres avancés par un client sans émettre de réserve entache sa crédibilité.
[163] L’actuaire Martel était plus intéressée à défendre la cause de M. Lavoie que d’éclairer le Tribunal. Or, le rôle de l’expert est d’être impartial, de faire preuve d’objectivité et de désintéressement.
[164] Pour sa part, l’actuaire Rivest a présenté un témoignage clair, cohérent et empreint d’objectivité. Le Tribunal retiendra donc ses calculs.
[165] Parmi les différents scénarios qui ont été présentés au Tribunal, celui où l’on considère M. Lavoie comme invalide depuis son accident, à l’exception de la période de 2003 à 2006[52], sera retenu. Les revenus ont été établis à partir de données de Statistique Canada. M. Rivest a projeté des revenus à partir des moyennes générales pour les hommes de la province de Québec ayant travaillé à plein temps avec un niveau inférieur au certificat d’études secondaires.
[166] M. Rivest a ainsi calculé les revenus non réalisés par M. Lavoie en raison de son accident et a déduit de ce montant les revenus gagnés en 2006.
[167] En date du 2 janvier 2005, la perte de gains passés et futurs s’élève à 1 161 618 $.
[168] On entend par dommages non pécuniaires, les pertes non économiques, soit les souffrances physiques et morales, les inconvénients, la perte de jouissance de la vie et le préjudice esthétique. Les montants qu’un tribunal peut accorder sont plafonnés depuis trois décisions rendues par la Cour suprême en 1978[53]. Le montant à l’époque était de 100 000 $. En 2005, soit lorsque M. Lavoie a intenté son action, le plafond était de 300 000 $.
[169] L’actuaire Martel propose que M. Lavoie reçoive 1 406 967 $ à ce chapitre. Elle s’inspire des décisions Brière c. Cyr[54] et Villeneuve c. Dave L.F [55] où un montant en capital, correspondant à une rente par jour, a été accordé. Mme Martel estime qu’une rente de 100 $ par jour est adéquate pour M. Lavoie d’où le montant en capital de 1 406 967 $.
[170] Cette proposition de Mme Martel ne relève pas de son champ d’expertise. L’évaluation des dommages non pécuniaires relève du Tribunal et non des actuaires. Ce qui est surprenant, c’est que Mme Martel a défendu sans réserve cette approche alors que la Cour supérieure l’a désapprouvée dans l’affaire Chicoine c. Vaillant[56] où elle agissait également comme expert. Bien que les motifs donnés par le Tribunal étaient clairs, Mme Martel persiste en suggérant de nouveau une approche qui ne relève pas de sa compétence.
[171] Pour leur part, les défendeurs s’en remettent au Tribunal quant à l’évaluation du préjudice non pécuniaire.
[172] La détermination d’un montant pour compenser le préjudice non pécuniaire est un exercice qui doit se faire en fonction du plafond établi par la Cour suprême.
[173] Dans son analyse, le Tribunal soupèse les éléments suivants :
· M. Lavoie avait 19 ans au moment de l’accident;
· il est maintenant paraplégique avec une parésie des membres supérieurs;
· il a dû être opéré plus d’une fois;
· sa convalescence et sa réadaptation ont duré plusieurs mois;
· il ne peut dormir longtemps sans inconfort;
· son hygiène corporelle du matin requiert environ 2 heures par jour;
· il ne peut rester dans une position assise plus de 2 heures consécutives;
· il a une autonomie limitée
· il a des cicatrices résultant des opérations;
· il doit prendre régulièrement des médicaments;
· il ne peut rester assis plus de 3 heures consécutives;
· sa vessie et ses intestins sont atteints;
· il a toutes ses fonctions cognitives et capacités intellectuelles.
[174] Le Tribunal établit à 80 % du plafond de 300 000 $, soit 240 000 $, le préjudice non pécuniaire.
[175] M. Lavoie réclame 13 352,34 $ pour les débours qu’il a encourus devant la Cour d’appel et devant la Cour suprême dans l’espoir de reformer le jugement du juge Crépeau[57].
[176] Le Tribunal en tiendra compte dans son évaluation des dommages.
[177] Le Tribunal évalue donc la réclamation de M. Lavoie en date du 2 janvier 2005 comme suit :
· dépenses et soins passés.................................................................... 109 638,00 $
· dépenses et soins futurs........................................................................ 231 952,50 $
· adaptation de la résidence...................................................................... 30 000,00 $
· perte de revenus passés et futurs..................................................... 1 161 618,00 $
· préjudice non pécuniaire....................................................................... 240 000,00 $
· débours en appel et en Cour suprême.............................................. 13 352,34 $
· TOTAL.................................................................................................. 1 786 560,84 $
[178] M. Lavoie n’a appris l’existence du jugement Meneely, du reportage de « 60 Minutes » et du règlement type qu’après le procès. Il n’a jamais été consulté quant à l’identité des parties qui seraient poursuivies.
[179] Le Tribunal juge que les défendeurs auraient dû informer M. Lavoie de leurs réflexions quant à l’opportunité de mettre en preuve les éléments discutés et de poursuivre d’autres parties.
[180] Le Code de déontologie[58] prévoit que l’avocat a un devoir d’information envers son client :
3.02.04 L'avocat doit exposer au client de façon objective la nature et la portée du problème qui, à son avis, ressort de l'ensemble des faits qui ont été portés à sa connaissance et des risques inhérents aux mesures recommandées.
3.03.02 En plus des avis et des conseils, l'avocat doit fournir au client les explications nécessaires à la compréhension et à l'appréciation des services professionnels qu'il lui rend.
[181] Si les défendeurs avaient une large discrétion pour exécuter leur mandat, ils devaient néanmoins s’assurer que M. Lavoie avait saisi les enjeux de son dossier et qu’il comprenait les conséquences de l’orientation juridique qu’ils lui proposaient. C’est ce que la Cour d’appel enseigne dans l’affaire Labrie c. Tremblay[59].
[182] Cette omission d’informer M. Lavoie n’est cependant pas la cause de ses dommages. Tel qu’expliqué précédemment, le Tribunal est d’avis que les défendeurs n’ont pas commis de faute. Toutefois, s’ils s’étaient acquittés de leur devoir d’informer leur client, il est raisonnable de penser que M. Lavoie n’aurait jamais intenté la présente requête en dommages. En conséquence, le Tribunal n’accordera pas aux défendeurs les frais judiciaires ni les frais d’expertise.
[183] POUR CES MOTIFS LE TRIBUNAL :
[184] REJETTE l’action du demandeur;
[185] SANS FRAIS.
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__________________________________ JEAN-FRANÇOIS MICHAUD, J.C.S. |
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Me Isabelle Graton |
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Procureur du demandeur |
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Me Michael H. Kay Me Alexandre Brosseau-Wery |
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Kugler Kandestin |
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Procureurs des défendeurs |
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Dates d’audience : |
Les 11, 12, 13, 14, 15, 18 et 19 mars 2013 |
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[1] Pièces P-1(a) et P-1(b).
[2] Paragraphe 16 du jugement de première instance, pièce P-2.
[3] Paragraphe 45 du jugement de la Cour d’appel, pièce P-5.
[4] Paragraphe 40 du jugement de première instance, pièce P-2.
[5] Paragraphes 76 et 77 du jugement de première instance, pièce P-2.
[6] Page 70 de son témoignage.
[7] Paragraphe 81 du jugement de première instance, pièce P-2.
[8] Paragraphes 20, 25, 28 et 31 du jugement de la Cour d’appel, pièce P-5.
[9] Paragraphe 13 du jugement de la Cour d’appel, pièce P-5.
[10] Paragraphe 29 du jugement de la Cour d’appel, pièce P-5.
[11] Paragraphe 43 du jugement de la Cour d’appel, pièce P-5.
[12] Paragraphe 55 du jugement de la Cour d’appel, pièce P-5.
[13] 101 Wn. App. 845, 5P. 3d 49.
[14] Paragraphe 34 du jugement de la Cour d’appel, pièce P-5
[15] 10. Une piscine creusée ne peut être munie d’un tremplin dans la partie profonde que si ce tremplin a une hauteur maximale de 1 m (39 pouces) de la surface de l’eau et que la profondeur de la piscine atteint 3 m (9 pieds 9 pouces).
[16] R.R.Q., 1981, c. S-3, r. 3, a. 39.
[17] Pièce P-8.
[18] Pièce P-9.
[19] Pièce P-8.
[20] Pièce D-6.
[21] La requête introductive d’instance en dommages-intérêts ré-amendée n’est pas détaillée sur cette question. La seule référence se retrouve au paragraphe 9.
[22] Jean-Louis BAUDOIN et Patrice DESLAURIERS, La responsabilité civile, Volume II - La responsabilité professionnelle, 7e édition, 2007, Éditions Yvon Blais, par. 118 à 135; Les Aliments Supra inc. c. Gestion Joseph Borsellino inc., 2004 CanLII 12025 (QC C.A.); Bailey c. Fasken Martineau Dumoulin, EYB 2005-89537 (C.S.); Phillips c. Naamani, REJB 1998-07700 (C.S.); Investissements E.J. Conlin inc. c. Iannuzzi, 2011 QCCS 6621 .
[23] Page 5 de la pièce P-4.
[24] Paragraphe 63 du jugement de première instance, pièce P-2.
[25] Paragraphe 19 du jugement de la Cour d’appel, pièce P-5.
[26] Pièce P-3.
[27] Pièce P-6.
[28] Paragraphe 26 du jugement de la Cour d’appel, pièce P-5.
[29] Pièce D-6.
[30] Pièce P-9.
[31] Ville de Laval c. Dubois, 2011 CanLII 9918 (QC C.A.).
[32] Page 15 de la pièce D-1.
[33] Pièce D-1.
[34] Matthews c. Ville de Jonquière, EYB 1982-140124 (C.S.); Ranalli c. Motel du Vallon Canada ltée, [1984] no AZ-84021095 (C.S.).
[35] Royal Lepage commercial inc. c. 109650 Canada Ltd., 2007 QCCA 915 ; 9046-6533 Québec inc., c. Deschamps, EYB 2010-173373 (C.A.).
[36] Paragraphe 81 du jugement de première instance, pièce P-2, et paragraphe 48 du jugement de la Cour d’appel, pièce P-5.
[37] Paragraphes 27 et 28 du jugement de la Cour d’appel, pièce P-5.
[38] Paragraphes 20, 25, 28 et 31 du jugement de la Cour d’appel, pièce P-5.
[39] Paragraphe 22 du jugement de la Cour d’appel, pièce P-5.
[40] Appendice 3, pièce D-5.
[41] Pièce D-3.
[42] Pièces P-27, P-28, P-29 et P-30.
[43] Pièce D-3.
[44] Appendice 1, pièce D-5.
[45] Loir sur l’assurance maladie, L.R.Q. c. A.29, art. 1 et 18.
[46] Loi sur les services de santé et les services sociaux, L.R.Q. c. S-4.2, art. 78 , 79 et 80 .
[47] Pages 16 et 17, pièce D-5.
[48] Pièce P-23.
[49] Pièce P-25.
[50] Page 9, pièce D-5.
[51] Pièce P-22.
[52] Pièce D-5(c).
[53] Andrews c. Grand and Toy Alberta Ltd., [1978] 2 R.C.S 229 ; Thornton c. Board of School Trustees of School District no. 57, [1978] 2 R.C.S. 267 ; Arnold c. Teno, [1978] 2 R.C.S. 287 .
[54] Brière c. Cyr, EYB 2007-123926 (C.A.).
[55] Villeneuve c. Dame L.F., 2002 CanLII 23615 (QC CA).
[56] 2011 QCCS 5757 .
[57] Pièce P-20.
[58] R.R.Q., 1981, c. B-1, r. 3.
[59] REJB 1999-15458 (C.A.), par. 36 et suiv.
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