Parent et Syndicat démocratique des employés de garage Saguenay—Lac-St-Jean (CSD) |
2016 QCTAT 6865 |
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[1] Monsieur Martin Parent reproche au Syndicat démocratique des employés de garage Saguenay-Lac-St-Jean (CSD), ci-après le syndicat, d’avoir manqué à son devoir de juste représentation prévu aux articles 47.2 et suivants du Code du travail[1] (le Code) en requérant qu’une cotisation syndicale additionnelle soit perçue sur son salaire.
[2] Le syndicat affirme que cette question ne relève pas de son devoir de juste représentation prévu au Code et que pour ce motif, la plainte doit être rejetée.
[3] L’Union des opérateurs de service du Québec (l’Union), successeur du syndicat, demande à être mise hors de cause puisqu’elle n’a ni l’intérêt ni le souhait d’intervenir dans la présente affaire.
[4] Toutes les parties s’entendent d’ailleurs pour admettre que les reproches de monsieur Parent visent une période où l’Union n’était pas accréditée chez l’employeur. En effet, les prélèvements ont été effectués pour le compte du syndicat pendant qu’il était accrédité chez l’employeur. Ils ont cessé dès lors que l’Union l’a remplacé. De fait, l’Union ne se présente pas à l’audience et ne fait valoir aucun argument. Par conséquent, le Tribunal la met hors de cause.
[5] L.G. Automobiles ltée (l’employeur) est absent lui aussi.
[6] Les salariés de l’employeur, tout comme ceux de plusieurs concessionnaires automobiles de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, ont été l’objet d’un lock-out ayant duré près de trois ans, lequel s’est terminé en début d’année 2016.
[7] Pendant cette période, le syndicat a engagé d’importantes dépenses pour faire valoir les droits de ses membres et leur payer des prestations de grève.
[8] À la fin janvier 2016, au terme du conflit, l’assemblée générale des membres du syndicat fixe la cotisation syndicale hebdomadaire à 240 $, laquelle inclut une cotisation additionnelle servant à rembourser la dette du syndicat.
[9] Le plaignant commence son emploi, comme apprenti mécanicien chez l’employeur, le 8 février 2016. Il devient dès lors membre du syndicat.
[10] À la réception de sa première paye, il constate qu’en plus de la cotisation syndicale régulière, le prélèvement d’une cotisation syndicale additionnelle est fait par l’employeur au profit du syndicat. Rapidement, il conteste le paiement en invoquant ne pas être au service de l’employeur pendant le lock-out, ne pas être membre du syndicat à cette période et ne pas avoir profité du fonds de grève. Il demande que cesse le prélèvement de la cotisation additionnelle en plus d’être remboursé pour la part déjà retenue.
[11] En somme, il ne veut pas payer pour une dette qu’il n’a pas contractée.
[12] On lui répond qu’il s’agit d’une cotisation payable par tous les membres résultant d’une décision adoptée en assemblée générale conformément aux statuts du syndicat. On apprend à l’audience que plus de 90 % des votants ont été favorables à cette cotisation.
[13] Le syndicat dépose en preuve ses statuts et règlements. L’article pertinent se lit ainsi :
12.3 Cotisation additionnelle :
Une cotisation additionnelle pourra être votée à l’assemblée générale, régulière ou spéciale dûment convoquée à cette fin, en autant qu’elle obtienne un vote favorable des 2/3 des membres présents qui se prévalent de leur droit de vote.
[14] La réponse syndicale transmise au plaignant indique ceci :
(…) le syndicat et ses membres ont dû engager des dépenses importantes pour défendre leurs conditions de travail, pendant les 34 mois qu’a duré le lock-out. Au même titre que tous les membres du syndicat, vous avez droit aux conditions de travail qui en découlent et, comme l’a déjà indiqué la Cour supérieure, dans une affaire semblable, vous bénéficiez « du fruit des luttes et des privations que les membres antérieurs ont faits ». Dans le cadre de cet « aspect collectif de partage et d’assumation », il est tout à fait légitime et démocratique que vous soyez lié par ces décisions.
[15] Le syndicat fait valoir que le Tribunal n’a pas compétence pour se prononcer sur la plainte puisqu’il s’agit d’une question de régie interne du syndicat. La réclamation du plaignant n’a aucune assise dans une violation du devoir de juste représentation prévu au Code.
[16] Ainsi, la plainte doit être rejetée sommairement.
[17] L’article 47.2 du Code se lit ainsi :
47.2. Une association accréditée ne doit pas agir de mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discriminatoire ni faire preuve de négligence grave à l'endroit des salariés compris dans une unité de négociation qu'elle représente, peu importe qu'ils soient ses membres ou non.
[18] La Cour suprême définit cette obligation de juste représentation comme le corolaire au monopole de représentation du syndicat[2] :
57 Cependant, l’obligation de représentation ne s’arrête pas à la négociation et à la procédure arbitrale. Lorsque le syndicat jouit de l’exclusivité du mandat de représentation, l’obligation corrélative s’étend à l’ensemble des actes qui affectent le cadre juridique de la relation entre le salarié et l’employeur dans l’entreprise. (…)
(soulignement ajouté)
[19] Depuis, la Commission des relations du travail s’est prononcée à plusieurs reprises sur l’étendue du devoir de juste représentation du syndicat[3]. Il ressort de ces décisions que la plainte doit porter sur le comportement du syndicat au moment de la négociation ou encore de l’interprétation ou de l’application de la convention collective.
[20] En bref, il s’agit de questions liées aux relations des salariés avec l’employeur, ce qui « exclut donc spécifiquement ce qui est à l’extérieur du cadre juridique de la relation entre le salarié et l’employeur dans l’entreprise, et notamment, tout ce qui concerne les relations entre le syndicat et ses membres, particulièrement les litiges relatifs à la régie interne[4] ».
[21] En l’occurrence, les reproches de monsieur Parent visent une décision de gestion des affaires internes du syndicat relativement à son fonctionnement : le paiement d’une cotisation additionnelle.
[22] Or, c’est au syndicat qu’il revient de décider, en fonction de ses règles, du montant de la cotisation et cette détermination et le prélèvement qui s’en suit ne mettent en cause d’aucune façon la relation entre le salarié et l’employeur dans l’entreprise.
[23] D’ailleurs, monsieur Parent ne formule aucune réclamation envers l’employeur. Il demande plutôt au Tribunal de contrôler ou réviser la décision prise par l’assemblée générale du syndicat, ce sur quoi le Tribunal ne peut intervenir puisque cela n’est pas visé par l’obligation de juste représentation du syndicat.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL :
ACCUEILLE la requête en rejet sommaire;
REJETTE la plainte.
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Lyne Thériault |
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M. Martin Parent |
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Pour lui-même |
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Me Denis Bradet |
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Poudrier Bradet Avocats, S.E.N.C. |
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Pour la partie défenderesse |
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Date de l’audience : 10 novembre 2016 |
/ml
[1] RLRQ, c. C-27.
[2] Noël c. Société d’énergie de la Baie James,
[3] Cusson c. Syndicat des employé(e)s de Soucy international
inc.,
[4] Gilbert c. Syndicat des chauffeurs de la Société de
transport de la Ville de Laval (CSN),
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