Décision

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R. c. Gravel

2023 QCCQ 397

COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

«Chambre criminelle et pénale»

:

500-01-114408-146

 

 

 

DATE :

2 février 2023

 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

DAVID SIMON, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

SA MAJESTÉ LE ROI

Poursuivant

c.

 

JONATHAN GRAVEL

Délinquant

 

 

DÉTERMINATION DE LA PEINE [1]

 

MISE EN GARDE 

En vertu de l’article 486.4 du Code criminelC.cr.»), le Tribunal réitère qu’il est interdit de publier ou de diffuser de quelque façon que ce soit tout renseignement pouvant établir l’identité de la victime.

 

 

 

 

I.                 APERÇU

 

[1]                    Le 24 mai 2018, au terme d’un procès, j’ai déclaré Jonathan Gravel («le délinquant»), une personne alors sans antécédents judiciaires, coupable d’une agression sexuelle à l’endroit de C.M.F. («la victime»)[2]. Les faits à l’origine de l’accusation remontent au 22 novembre 2014.

[2]                    Dans le cadre d’une relation sexuelle initialement consensuelle, le délinquant a inséré son pénis dans l’anus de la victime sans la prévenir. Il a persisté dans son comportement pendant quelques secondes malgré le refus non équivoque de la victime. Nous reviendrons plus loin sur les circonstances entourant la commission de l’infraction.

[3]                    Dans l’immédiat, force est de constater qu’un peu plus de quatre ans et demi se sont écoulés entre la déclaration de culpabilité et l’imposition de la peine. Ce délai est manifestement hors norme. En prélude à l’exercice de détermination de la peine, quelques explications s’imposent.  

[4]                    Dans la foulée de la déclaration de culpabilité, j’ai ordonné la confection d’un rapport présentenciel («RPS») assorti d’une évaluation sexologique. L’audience relative à la peine était alors prévue pour le 27 septembre 2018.

[5]                    À cette date, l’avocat du délinquant au procès, Me Luc Trempe, s’est retiré du dossier. Il a été remplacé par Me Myriam Andraos. Celle-ci a alors annoncé son intention de déposer plusieurs requêtes et a sollicité le report de l’audience sur la peine. Un échéancier pour le dépôt des requêtes a été convenu.

[6]                    Le 26 novembre 2018, Me Andraos a produit, entre autres, une requête en arrêt des procédures ou en avortement de procèsRD2»). Dans cette requête longue de 333 paragraphes, le délinquant alléguait un abus de procédure commis par les représentants de l’État et plusieurs autres violations à ses droits constitutionnels : droit à l’assistance adéquate d’un avocat, droit d’être jugé dans un délai raisonnable et droit à la divulgation complète de la preuve.

[7]                    L’audition de RD2 et de diverses requêtes connexes[3] s’est échelonnée sur une période d’un an et demi, c’est-à-dire entre le mois de janvier 2019 et le mois de juillet 2020. En raison notamment d’un congé de maladie, ce n’est que le 2 juin 2021, au terme d’un jugement particulièrement exigeant et long[4], que j’ai finalement rejeté RD2.

[8]                    Le délinquant a ensuite retenu les services d’une nouvelle avocate, Me Anne-Sophie Dagenais, dans l’optique des observations sur la peine. Me Dagenais a demandé le report de l’audience sur la peine pour, d’une part, se familiariser avec le dossier et, d’autre part, préparer une contestation constitutionnelle des dispositions du Code criminel (articles 490012 et 490013) qui imposent à son client de se conformer à la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels LERDS») pour une période de 20 ans.

[9]                    La requête contestant la constitutionnalité des paragraphes 490012(1) et 490013(2) C.cr. a été produite le 26 août 2021.

[10]               L’audience sur la peine a débuté le 6 octobre 2021 avec l’administration de la preuve (tant celle relative à la peine que celle portant sur le volet constitutionnel) et les plaidoiries des parties (uniquement à l’égard de la peine à imposer). Le délinquant a proposé l’imposition d’une peine de 90 jours à être purgés de façon discontinue assortie d’une période probatoire comportant notamment l’obligation d’effectuer des heures de travaux communautaires[5]. Le poursuivant, lui, a suggéré une peine de 15 mois d’incarcération.

[11]               Faute de temps, les plaidoiries au sujet de la requête en inconstitutionnalité ont été reportées au 2 décembre 2021.

[12]               De façon contemporaine, tant la Cour suprême que la Cour d’appel du Québec étaient saisies de la question de la constitutionnalité des dispositions prévoyant l’inscription obligatoire au registre des délinquants sexuels. Le 2 décembre 2021, les parties ont ainsi convenu de reporter les plaidoiries relatives à la contestation constitutionnelle pour voir si la Cour suprême et/ou la Cour d’appel allaient trancher cette question à court ou moyen terme.

[13]               Le dossier a été reporté à plusieurs reprises en attente d’une décision des instances supérieures. Après un certain délai, ne bénéficiant toujours pas d’une réponse de la Cour suprême et/ou de la Cour d’appel, j’ai finalement décidé d’entendre les observations des parties relativement à la contestation constitutionnelle, chose faite le 4 octobre 2022. Le prononcé du jugement sur la peine a alors été fixé au 25 janvier 2023 puis finalement reporté au 30 janvier 2023.

[14]               Le 18 octobre 2022, la Cour suprême a rendu son arrêt dans l’affaire R. c. Ndholvu[6] et a notamment conclu à l’inconstitutionnalité de l’article 490.12 C.cr. au motif qu’il violait l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertésCharte»).

[15]               Par conséquent, j’ai convoqué les parties pour qu’elles me fassent part de leur position respective quant à l’incidence de l’arrêt Ndholvu sur notre dossier. Les parties ont pu faire des observations à cet égard le 21 novembre 2022.

[16]               Le 17 novembre 2022, le projet de loi C-5[7] est entré en vigueur, de sorte que l’emprisonnement avec sursis est redevenu une peine disponible pour l’infraction d’agression sexuelle poursuivie par mise en accusation.

[17]               Après avoir pris connaissance de cette modification législative, j’ai demandé aux parties, par courriel, si elles souhaitaient formuler des observations concernant la possibilité d’imposer une peine d’emprisonnement avec sursis. Les deux parties ont répondu par l’affirmative et m’ont communiqué, comme convenu, leur position respective par écrit à ce sujet[8].

[18]               La position du poursuivant demeure la même. Elle maintient qu’une peine de 15 mois d’incarcération est de mise. Le délinquant estime dorénavant qu’il devrait recevoir une peine d’emprisonnement avec sursis d’une durée de 4 mois.

[19]               Je dois maintenant déterminer la peine juste et appropriée à imposer au délinquant. Le sort de la requête contestant la constitutionnalité des paragraphes 490012(1) et 490013(2) C.cr. sera traité par la suite.

[20]               D’abord, il importe d’évoquer les circonstances de l’infraction commise, les conséquences de cette infraction sur la victime et la situation personnelle du délinquant.

II.                 CIRCONSTANCES DE L’INFRACTION

 

[21]               Les circonstances de l’infraction sont rapportées dans le jugement sur la culpabilité daté du 24 mai 2018[9]. Ce jugement doit être considéré comme faisant partie intégrante des présents motifs.

[22]               Une remise en contexte est toutefois utile. Les faits retenus à l’issue du procès sont essentiellement les suivants.

[23]               Le délinquant et la victime entretenaient une relation intime, voire amoureuse, sur une période de plus ou moins 18 mois. Leur relation s’est détériorée quelques mois avant les événements à l’origine de l’accusation.

[24]               Le 21 novembre 2014, la victime a croisé le délinquant par hasard dans un café et ils se sont disputés. Malgré ce différend, elle a accepté de le retrouver plus tard en soirée pour assister à un spectacle de musique.

[25]               Une fois le spectacle terminé, vers 1 h du matin le 22 novembre, ils se sont rendus au domicile du délinquant. Sur place, bien que réticente, la victime a consenti à avoir une relation sexuelle avec le délinquant. Ils ont d’abord eu une relation sexuelle avec pénétration vaginale.

[26]               Le délinquant, positionné alors derrière la victime, a ensuite inséré son pénis dans son anus sans la prévenir[10]. Elle a crié à plusieurs reprises pour manifester son refus et a tenté de le repousser, mais en vain. Le délinquant a fait fi du refus de la victime et a poursuivi la pénétration anale pendant plus d’une dizaine de secondes[11].

[27]               Après avoir mis fin à la pénétration anale, le délinquant a retenu la victime sur les lieux pour la convaincre que sa réaction était injustifiée et attribuable à des facteurs externes (notamment des abus antérieurs qu’elle aurait vécus ainsi que ses troubles mentaux)[12].

[28]               Le délinquant et la victime ont poursuivi leur conversation au sujet de ce qui venait de se produire pendant un certain temps. Elle a fini par s’endormir sur place et a quitté le domicile du délinquant au réveil.

[29]               La victime a dénoncé l’agression sexuelle auprès d’une intervenante du service d’aides aux victimes lors d’une visite à l’hôpital le 23 novembre 2014 en soirée. Elle s’est soumise à une trousse médicolégale et a consenti à ce que celle-ci soit remise aux policiers[13].

[30]               Comme le délinquant l’a véhiculé durant son témoignage, pour lui, le consentement à une pénétration vaginale englobait nécessairement un consentement à une pénétration anale. Dans le cadre du procès, le poursuivant a mis en preuve une déclaration extrajudiciaire faite par le délinquant aux policiers. L’extrait suivant illustre l’insouciance démontrée par le délinquant à l’égard de l’existence chez la victime d’un consentement à la pénétration anale :

 

Q.     Mais en fait, elle n’a jamais donné son consentement pour la relation anale?

 

R.     OK. Oui. Mais c’est comme sex is sex là, comme.

 

Q.     Bien non, sexe avec une autre personne, c’est volontairement, ce n’est pas...

 

R.     Non, non, mais je veux dire, comme le mot « sexe », ça inclut hand job, blow job, anal sex, oral sex...

 

Q.     Ça inclut tout ce que l’autre personne désire. Mais là, elle ne désirait pas.

 

R.     Mais ça, t’sais, je ne le savais pas, puis quand elle m’a dit qu’elle ne le désirait pas, j’ai arrêté.

 

Q.     Bien, ton erreur, t’es d’accord avec moi que t’aurais dû lui demander? Si t’as fait une erreur, je pense c’est ça.

 

R.     Oui[14].

 

[31]           Au terme du procès, j’ai essentiellement tiré les conclusions suivantes[15]:

 

      La victime n’a pas consenti, en son for intérieur, à l’insertion du pénis du délinquant dans son anus.

 

      La victime n’a en aucun cas communiqué un consentement, par ses paroles ou ses actes ou les deux, à une pénétration anale.

 

      Le délinquant ne s’est pas soucié de l’état d’esprit de la victime au moment d’insérer son pénis dans son anus et n’a pas pris de mesures raisonnables pour s’assurer d’un consentement spécifique à cette activité sexuelle.

 

      Contrairement à ce qu’il soutient, le délinquant n’a pas immédiatement cessé la pénétration anale lorsque la victime a exprimé un refus.

 

      Le délinquant s’est livré intentionnellement à des attouchements sur la victime en sachant qu’elle n’y consentait pas, ou en ayant fait preuve d’insouciance ou d’aveuglement volontaire à cet égard.

 

      L’insouciance du délinquant ne peut donner ouverture à une défense de croyance sincère mais erronée à la communication d’un consentement.

 

[32]           Au paragraphe 163 du jugement sur la culpabilité[16], j’ai ponctué mon analyse comme suit:

 

En résumé, tant l’insertion du pénis de l’accusé dans l’anus de la plaignante sans la prévenir que la poursuite de cet acte sexuel en dépit de la manifestation non équivoque de son refus, constituent une agression sexuelle.

 

III.            CONSÉQUENCES DU CRIME SUR LA VICTIME

 

[33]           La victime n’a pas témoigné lors de l’audience sur la peine. Le poursuivant a cependant produit une déclaration écrite[17] conformément à l’article 722 C.cr.

[34]           Avant d’évoquer le contenu de cette déclaration datée du 4 septembre 2021, il me semble à propos de revenir très brièvement sur un aspect du témoignage de la victime au procès.

[35]           Comme je l’ai souligné dans le jugement sur la culpabilité[18], la victime a fait preuve d’une grande et sincère émotivité durant son témoignage. Il est manifeste qu’elle vivait une douleur profonde. De plus, partager des renseignements éminemment privés et intimes en salle de Cour est un exercice particulièrement déplaisant.

[36]           Si je me permets de revenir sur cet aspect du témoignage de la victime, c’est parce que j’estime qu’il est symptomatique des répercussions du crime sur son état psychologique.

[37]           D’ailleurs, à cet égard, la victime rapporte dans sa déclaration qu’elle a reçu un diagnostic de syndrome post-traumatique à la suite des événements. Bien qu’elle ait pris des médicaments et suivi une thérapie, elle ne parvient pas à mener une vie normale. Elle éprouve de la difficulté à entretenir des relations amicales et intimes. Pendant un certain temps, elle ne sortait pas de chez elle.

[38]           La victime a néanmoins donné naissance à un enfant en 2019. Elle se souvient d’avoir vécu une crise de panique à cette occasion en raison des cris de douleurs de femmes qui accouchaient dans des chambres voisines à la sienne. Ces cris lui ont fait revivre les siens durant l’agression. 

[39]           Sur le plan économique, la victime indique ne pas avoir été en mesure de conserver un emploi stable durant les six dernières années, si ce n’est l’espace de douze mois. Elle demeure chez ses parents dû à un manque de ressources financières. Elle dépend financièrement de sa famille et de l’assistance sociale. Elle a l’impression de stagner.

[40]           La victime habite dans le même secteur où s’est produite l’agression. Elle dit avoir peur de toute personne qui ressemble au délinquant.

[41]           En conclusion, voici ce qu’elle écrit (en anglais): "I do not feel safe or comfortable thinking about myself or my loved ones being accessible to, or being contacted by the accused".

IV.            SITUATION PERSONNELLE DU DÉLINQUANT

 

[42]           Je dispose de plusieurs éléments pour brosser un portrait de la situation personnelle du délinquant : le RPS, l’évaluation sexologique, la preuve pertinente administrée dans RD2 et le témoignage du délinquant lors de l’audience sur la peine.

[43]           Je vais aborder ces éléments à tour de rôle.

Le RPS[19]

[44]           Le RPS est loin d’être contemporain au présent jugement. Il remonte au 18 septembre 2018. L’analyse de la situation délictuelle[20] du délinquant peut se résumer comme suit :

-          Il est né le [...] 1979. Il avait 35 ans au moment de la commission de l’infraction. Il est aujourd’hui âgé de 43 ans. Il n’a pas d’antécédents judiciaires.

-          Il est issu d’un milieu prônant des valeurs prosociales qui ont favorisé son intégration à un mode de vie conformiste.

-          Son parcours académique ne semble pas avoir été entravé par des difficultés d’apprentissage ou des troubles de comportement – il est détenteur d’un diplôme secondaire.

-          Il a entrepris une attestation d’études collégiales en production musicale à l’âge de 22 ans, mais n’a pas complété ce programme pour des motifs financiers. Il s’est tourné ensuite vers le marché du travail.

-          Il a d’abord travaillé pendant quelques années dans un magasin de disques tout en agissant comme disque-jockey («DJ») dans des établissements licenciés.

-          Vers la trentaine, il a œuvré à temps plein de façon autonome, comme DJ, dans des événements qui l’occupaient trois à cinq soirs par semaine. Depuis quelques années, il travaille également dans l’organisation événementielle.

-          Au cours de l’année 2018, il a débuté un emploi à temps partiel à l’Université de Montréal à titre de commis administratif.

-          Sa consommation d’alcool et de drogues se limite (ou se limitait) à un contexte social et récréatif. Il n’a pas de problème de dépendance.

-          Il a bénéficié d’un traitement pharmacologique et d’un premier suivi psychologique en 2008 relativement à des symptômes dépressifs, ce qui lui aurait permis d’améliorer la gestion de ses émotions.

-          Sur le plan affectif, le délinquant a vécu plusieurs relations de couple variant entre six mois et quatre ans, dont une seule avec cohabitation.

-          Il éprouve des difficultés périodiques à s’investir dans une relation amoureuse, notamment en raison des émotions vécues en lien avec le processus judiciaire et l’incertitude quant à son avenir. 

-          Concernant le présent dossier, il rejette toute intention criminelle, estimant que la victime était consentante à l’acte sexuel. Il est en désaccord avec la déclaration de culpabilité et entend porter le jugement en appel[21]. Il reconnaît cependant que les événements en question ont heurté la victime.

-          Le processus judiciaire a contribué à l’émergence de symptômes dépressifs et de pensées suicidaires. Il a donc repris un suivi psychologique à raison de deux fois par mois (depuis l’année 2015).

[45]           Dans la deuxième partie du RPS (intitulée «Évaluation»)[22], l’agent de probation dresse les constats suivants :

-          Le délinquant a offert une bonne collaboration et a donné accès à des personnes ressources dans le cadre de l’évaluation.

-          Même s’il nie toute intention et responsabilité criminelle, le délinquant démontre des capacités d’auto-critique quant aux difficultés vécues et fait preuve d’empathie à l’endroit de la victime.

-          Il ne présente pas de difficulté particulière dans ses relations interpersonnelles, et les moyens privilégiés relativement à la résolution de problèmes semblent également acceptables.

-          L’infraction ne semble pas avoir été influencée par une problématique sexuelle chez lui.

-          Le délit paraît s’inscrire dans un contexte davantage circonstanciel où il avait interprété chez la victime un consentement, alors qu’il n’y en avait pas. En ce sens, les événements semblent contradictoires avec ses paramètres de fonctionnement usuels.

-          Les risques de récidive sont à un niveau bas. Le profil du délinquant ne témoigne pas de signe de dysfonctionnement pouvant le mener vers de nouveaux comportements délictuels.

L’évaluation sexologique[23]

[46]           L’expertise sexologique en délinquance sexuelle date du 13 septembre 2018. Elle est préparée par M. Francis Fournier, sexologue et psychothérapeute.

[47]           Il n’est pas nécessaire de faire un résumé exhaustif de l’évaluation sexologique. Le rapport comporte de nombreux renseignements sur la situation du délinquant qui ont déjà été évoqués lors de la synthèse du RPS.

[48]           Voici avant tout ce qu’il faut retenir de l’évaluation faite par M. Fournier :

-          Tout au long du processus, le délinquant a adopté une attitude adéquate et respectueuse envers les thérapeutes.

-          Il considère avoir été faussement accusé. Il présente l’événement comme ayant été fait avec un consentement libre et éclairé, niant ainsi l’aspect délictuel du geste.

-          Il ne consommerait plus de drogues.

-          Il bénéficie de l’aide d’une psychologue à l’Institut Argyle depuis environ les trois dernières années (2015 à 2018).  Le motif de consultation est associé à sa situation actuelle.

-          Selon sa version des événements, c’était la première fois qu’il insérait son pénis dans l’anus de la victime.

-          Le délinquant n’est pas aux prises avec un profil cognitif axé sur des distorsions cognitives favorisant des gestes d’agression sexuelle.

-          Il présente un risque faible d’agissements sexuels sur Internet.

-          Il présente un niveau d’empathie intéressant à l’égard de la victime. En réponse à un questionnaire, il a notamment affirmé : «Jamais je n’aurais cru que ça la fasse sentir comme ça. Je ne voulais pas lui faire du mal».

-          Concernant le niveau standardisé de risque de récidive sexuelle, parmi l’échantillon normatif, les hommes qui avaient un profil de risque similaire à celui du délinquant ont présenté un taux de récidive sexuelle (nouvelle accusation ou condamnation) de 0,8 % pour la première année, de 3,4 % pour la troisième année et de 5,3 % dans les cinq années ayant suivi leur remise en liberté.

La preuve pertinente administrée dans le cadre de RD2

[49]            Les parties ont convenu de verser la preuve administrée lors de l’audition de RD2 (et des requêtes connexes) dans la preuve relative à la détermination de la peine.

[50]           Ce ne sont évidemment pas tous les éléments de preuve administrés dans le cadre de RD2 qui sont pertinents à la situation personnelle du délinquant. En revanche, son témoignage visant à établir l’existence d’un préjudice causé par les délais judiciaires et les pièces produites au soutien de ses prétentions à ce sujet le sont.

[51]           Lors de l’audition de RD2, le délinquant a effectivement produit des publications de la victime sur l’internet dans lesquelles, selon lui, elle cultive un esprit de vengeance à son endroit[24].

[52]           Le délinquant a également mis en preuve une publication Facebook d’un dénommé Matthew Stinis dans laquelle ce dernier réfère à l’agression sexuelle[25]. M. Stinis nomme spécifiquement le délinquant, identifie ses lieux de travail, fait état de sa dangerosité et dit de lui qu’il s’agit d’un récidiviste. La preuve révèle que le délinquant a obtenu une injonction interlocutoire provisoire à l’encontre de M. Stinis lui ordonnant de supprimer cette publication et de s’abstenir d’en diffuser d’autres du même ordre[26]. Le recours civil s’est soldé par une entente de règlement[27].

[53]           En parallèle à cette documentation, le délinquant a déposé en preuve des publications Facebook attestant de la perte de son emploi à l’établissement licencié «Nouveau Palais»[28]. Ces publications incluent des commentaires formulés par des utilisateurs du réseau social au sujet de l’agression sexuelle commise par le délinquant. L’un des utilisateurs partage notamment un lien internet permettant au lecteur d’avoir accès au contenu du jugement sur la culpabilité.

[54]           Dans le cadre de son témoignage, le délinquant a soutenu que les publications de la victime et celle de M. Stinis avaient généré des centaines de commentaires, certains peu élogieux et d’autres même menaçants, ayant contribué à la perte de plusieurs opportunités d’emplois et de liens d’amitié. Il a indiqué avoir dû fermer son compte Facebook et changer d’apparence physique de crainte de se faire reconnaître dans son quartier[29].

[55]           De façon générale, le délinquant a également affirmé avoir subi un énorme préjudice psychologique, réputationnel et financier en raison des délais judiciaires.

[56]           Pour étayer son allégation de préjudice psychologique, le délinquant a produit un rapport rédigé par la psychologue Madelaine Mirza le 1er novembre 2018[30]. On y apprend que le délinquant souffre de dépression, d’anxiété et d’insomnie. Il a suivi une thérapie cognitive-comportementale du 23 février 2017 au 27 septembre 2018 (47 séances). Les conclusions du rapport sont les suivantes :

Nous observons chez M. Gravel des façons plus positives et plus satisfaisantes de faire face aux événements, malgré la présence didées suicidaires sans passage à l’acte, et une tendance à éprouver des sentiments de découragement, d’impuissance et de regrets, ainsi qu’un état d’épuisement face à une situation de vie très complexe, reliée aux déclarations mensongères de la part de son ex-copine et de ses amis, publiées dans les réseaux sociaux, et qui causèrent la perte d’emplois dans l’un des domaines qu’il privilégie le plus : la musique.

[57]           Lors du contre-interrogatoire, le délinquant a convenu que son arrestation en 2014 était l’élément déclencheur de ses problèmes psychologiques. Ceux-ci auraient été exacerbés par la déclaration de culpabilité qu’il a vécue comme «un coup de massue dans le cœur»[31]. Il souffrait déjà d’insomnie avant son arrestation, quoique la problématique se soit amplifiée par la suite.

[58]           Le délinquant a également confirmé avoir occupé plusieurs emplois pendant la durée des procédures. Il a expliqué avoir quitté son dernier emploi en août 2019, non pas en raison de la déclaration de culpabilité mais parce qu’il s’agissait d’un emploi temporaire. Au moment de son témoignage (le 4 novembre 2019), il était sur l’aide sociale depuis environ quatre mois[32].

Le témoignage du délinquant lors de l’audience sur la peine

[59]           Le témoignage du délinquant vise essentiellement à faire une mise à jour de sa situation personnelle en date du 6 octobre 2021. Il rapporte les éléments suivants.

[60]           Le délinquant a poursuivi sa démarche thérapeutique jusqu’en avril 2021. Sa psychologue, Mme Mirza, a conclu qu’il souffre d’un syndrome post-traumatique relié à son arrestation, l’accusation et le processus judiciaire. Il est encore aux prises avec des épisodes dépressifs et insomniaques.

[61]           Le travail thérapeutique lui a toutefois permis d’améliorer sa communication interpersonnelle et sa capacité à entretenir des relations intimes. Il communique mieux avec les femmes, y compris dans le cadre de rapports sexuels. Il vit une relation affective avec une femme à distance. Elle est au courant de ses démêlés judiciaires et lui offre du soutien. Il aimerait bien à l’avenir la rejoindre à l’étranger.

[62]           Le délinquant réitère que les diverses publications sur les réseaux sociaux (qu’il qualifie de diffamatoires) et la médiatisation de l’affaire lui ont fait perdre toutes ses opportunités d’emplois dans le domaine de la musique et de l’événementiel. Ces pertes d’opportunités l’ont anéanti psychologiquement. Ses fréquentations d’antan dans le milieu de la musique l’ignorent. Il a l’impression d’être marginalisé.

[63]           Le délinquant est sans emploi. Il bénéficie de l’aide sociale. Sa situation précaire l’a forcé à retourner habiter dans sa famille à l’extérieur de l’île de Montréal. Il n’entreprend plus de démarches pour obtenir un emploi, car il craint vivre des répercussions reliées à sa situation actuelle. Il attend le dénouement du dossier pour se mobiliser. Il se dit prêt à effectuer des travaux communautaires pour se sentir plus utile.

[64]           Le délinquant fait état d’une agression subie dans un bar à la fin du mois d’octobre 2017. Un homme inconnu lui a sauté dessus sans raison et lui a donné des coups de poing. Des photos prises par le délinquant attestent de ses blessures au visage[33]. Il ne connaît pas l’identité de son agresseur et ne l’avait jamais vu auparavant. Il présume que c’est un ami de la victime. Il n’a toutefois pas rapporté cet événement aux autorités.

[65]           Le délinquant ajoute qu’on lui a refusé l’entrée à un spectacle aux «Foufounes Électriques» en 2018, un incident qu’il attribue aussi à son dossier judiciaire et aux publications sur l’internet. L’organisateur du spectacle lui a signalé que c’était pour ces raisons qu’il lui refusait l’accès aux lieux. 

[66]           Concernant la déclaration de la victime, le délinquant précise qu’elle ne travaillait pas pendant leur relation et habitait déjà chez ses parents à l’époque. Elle souffrait de troubles mentaux avant même les événements à l’origine de l’accusation. Le délinquant déclare en faisant référence à la victime: «je me sens blâmé pour tous ses problèmes psychologiques».

[67]           À la question de son avocate «que diriez-vous à la victime si elle était présente ici?», le délinquant donne la réponse suivante :

Je lui dirais que je n’ai jamais voulu lui faire de mal. J’étais en amour avec elle. Je sais à quel point cela a été difficile pour moi de vivre cela, donc j’imagine que pour elle ça doit l’être encore plus. Je m’excuse. J’espère qu’elle va mieux. Je lui souhaite du bonheur.

[68]           Le délinquant clame toujours son innocence. Il dit qu’il a commis une erreur de couple pour laquelle il éprouve des remords, mais il ne considère pas avoir commis un crime.

V.            PRINCIPES DE DÉTERMINATION DE LA PEINE

 

[69]            L’article 718 C.cr. énonce les objectifs visés par le prononcé d’une peine qui sont de : 

  1. dénoncer le comportement illégal;
  2. dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions; 
  3. isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société; 
  4. favoriser la réinsertion sociale des délinquants; 
  5. assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité; 
  6. susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité.

 

[70]           Dans l’arrêt R. c. Nasogaluak[34], la Cour suprême rappelle qu’aucun de ces objectifs n’a priorité sur les autres. Il appartient au juge qui prononce la peine de déterminer s’il faut accorder plus de poids à un ou plusieurs objectifs, compte tenu des faits de l’espèce. La détermination d’une peine juste et appropriée demeure, dans chaque cas, un processus individualisé[35].

 

[71]           À l’article 718.1 C.cr., le législateur codifie un principe fondamental : la peine imposée doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant. 

 

[72]           En conformité avec l’article 718.2 C.cr., le Tribunal doit tenir compte des facteurs aggravants et atténuants liés à la perpétration de l’infraction ou à la situation du délinquant, notamment ceux qui sont expressément prévus par le législateur. 

 

[73]           L’alinéa 718.2b) C.cr. prévoit que le Tribunal doit également tenir compte du principe d’harmonisation des peines, c’est-à-dire l’infliction de peines semblables à celles infligées à des délinquants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables. 

 

[74]           Aussi, en vertu de l’alinéa 718.2d) C.cr., le Tribunal doit examiner la possibilité de sanctions moins contraignantes que la privation de liberté lorsque les circonstances le justifient. 

 

[75]           Dans un même ordre d’idées, l’alinéa 718.2e) C.cr. impose au Tribunal l’obligation d’examiner toutes les sanctions substitutives qui sont raisonnables dans les circonstances et qui tiennent compte du tort causé à la victime ou à la collectivité.

VI.            ANALYSE

 

 

[76]           Comme je l’ai déjà souligné, il est fondamental que la peine soit proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant.

 

[77]           La gravité de l’infraction doit être appréciée tant objectivement que subjectivement. Quant au degré de responsabilité du délinquant, il est intrinsèquement relié à l’évaluation de la gravité subjective de l’infraction.

 

GRAVITÉ OBJECTIVE DE L’INFRACTION

 

[78]           L’infraction d’agression sexuelle a été portée par mise en accusation.

 

[79]           Dans un tel cas de figure, elle est passible d’une peine d’emprisonnement maximale de 10 ans, ce qui la situe dans la partie médiane supérieure de l’échelle de gravité[36].

 

[80]            À titre indicatif de sa gravité objective, linfraction d’agression sexuelle est identifiée comme une infraction désignée et constitue des sévices graves à la personne pour les fins de la partie XXIV du Code criminel traitant des délinquants dangereux et à contrôler[37]. En effet, toute agression sexuelle a pour caractéristique intrinsèque de la violence et est susceptible d’infliger des dommages psychologiques graves à une autre personne[38].

 

[81]           L’agression sexuelle est qualifiée de fléau[39]. De manière unanime, les tribunaux reconnaissent que les peines imposées en cette matière doivent refléter la gravité, le caractère répréhensible et la nocivité des conduites constituant de la violence sexuelle. En règle générale, la dénonciation et la dissuasion sont des objectifs prioritaires lors de la détermination d’une peine pour des infractions d’ordre sexuel[40].

 

[82]           Compte tenu de ce qui précède, il est permis de conclure que le crime pour lequel le délinquant a été déclaré coupable est objectivement grave.

 

GRAVITÉ SUBJECTIVE DE L’INFRACTION

 

[83]           La détermination de la gravité subjective requiert la prise en compte des circonstances atténuantes et aggravantes propres à la perpétration de l’infraction et à la situation du délinquant. 

 

[84]           Dans R. c. Suter[41], la Cour suprême précise que les circonstances «aggravantes» ou «atténuantes» dont il est question à l’alinéa 718.2a) C.cr. sont celles qui se rattachent à la gravité de l’infraction ou au degré de responsabilité du délinquant, c’est-à-dire sa culpabilité morale[42].

 

[85]           Il est toutefois permis de tenir compte de facteurs autres que ceux se rattachant strictement à la gravité de l’infraction ou au degré de responsabilité du délinquant dans l’exercice de la détermination finale d’une peine juste, appropriée et indiquée[43]. Il en sera question plus loin. 

 

[86]           Dans l’immédiat, identifions les circonstances aggravantes et atténuantes au sens plus étroit de l’alinéa 718.2a) C.cr.

 

Les circonstances aggravantes

 

[87]            Au chapitre des circonstances aggravantes, je retiens les éléments suivants :

  1. Le geste posé par le délinquant une pénétration anale complète indésirée est très intrusif et intrinsèquement violent. Il constitue une grave atteinte à la dignité et à l’intégrité physique de la victime.
  2. Le mauvais traitement à l’endroit de son partenaire intime :

      Il s’agit d’une circonstance aggravante expressément prévue par le législateur au sous-alinéa 718.2a)(ii) C.cr.

      Il importe peu que la victime affirme qu’elle n’était plus en couple avec le délinquant au moment des événements alors que celui-ci soutient le contraire. En effet, la jurisprudence reconnaît clairement que le sous-alinéa 718.2a)(ii) C.cr. s’applique même si la victime était l’ex-conjointe du délinquant au moment de l’agression[44].

  1. L’abus de confiance envers la victime :

      Il s’agit également d’une circonstance aggravante codifiée par le législateur au sous-alinéa 718.2a)(iii) C.cr.

      L’abus de confiance dont il est question ici n’est pas du même ordre que celui pouvant, par exemple, survenir entre un parent et son enfant, un professeur et son élève ou un médecin et son patient. La victime n’était pas dans une situation de dépendance à l’égard du délinquant. Ce dernier n’était pas non plus une figure d’autorité à son endroit.

      Ce facteur aggravant n’a donc pas le même poids que s’il s’agissait d’une agression sexuelle dans un contexte d’une relation de confiance plus traditionnelle.

      Cela dit, l’abus de confiance à titre de circonstance aggravante ne doit pas être interprété restrictivement[45]. De par leur historique relationnel, il existait définitivement un lien de confiance entre le délinquant et la victime. Ils avaient entretenu une relation intime pendant près de 18 mois, peut-être parfois acrimonieuse, mais dénuée de violence et d’abus. La victime devait nécessairement se sentir en sécurité avec le délinquant.

      La victime a accepté d’accompagner le délinquant à un spectacle, de se rendre à son domicile par la suite et d’y avoir une relation sexuelle. Elle lui faisait confiance. Le délinquant a trahi cette confiance en insérant son pénis dans son anus sans la prévenir qui plus est alors qu’elle était dos à lui , et en poursuivant la pénétration anale malgré la manifestation d’un refus catégorique.

      Dans l’affaire R. v. C.R.[46], la Cour d’appel de l’Ontario tient les propos suivants au sujet de l’abus de confiance dans le contexte d’une agression sexuelle entre adultes formant ou ayant formé un couple :

[…] any sexual intimate relationship between adults of the type entered by J.P. and C.R.[47] is founded on a certain amount of trust and confidence, at least to the extent that each participant may reasonably expect that he or she will not knowingly be exposed by the other to serious and obvious perils.

[…] In this context, forced sexual intercourse by C.R. with J.P. violated that element of trust that informed their earlier relationship and grounded their continued friendship. This was a proper consideration on sentencing.[48]

      Par ailleurs, le délinquant, comme la preuve le révèle, était tout à fait conscient de certaines caractéristiques vulnérables de la victime, en particulier ses troubles mentaux et son défaut de prendre sa médication. De plus, le délinquant était sous l’impression que la victime avait déjà subi des abus sexuels dans le passé[49]. Cela ne l’a pas empêché de faire preuve d’une grande insouciance à son égard au moment de poser les gestes délictuels. 

  1. Les conséquences du crime sur la victime :

      Mentionnons d’emblée que la Cour suprême reconnaît que toutes les victimes de violence sexuelle subissent un préjudice physique et psychologique considérable[50].

      Le témoignage de la victime au procès et le contenu de sa déclaration déposée en preuve lors de l’audience sur la peine démontrent l’ampleur des répercussions psychologiques que l’agression a eues sur elle.

      Comme l’a souligné l’avocate du délinquant, la victime était aux prises avec certains troubles mentaux et prenait des médicaments antérieurement aux événements. La victime en a fait part lors de son témoignage : elle souffre de bipolarité et d’un trouble de personnalité limite. La victime était sans emploi au moment des événements et habitait déjà chez ses parents à l’époque.

      Il est donc effectivement possible que certaines difficultés psychologiques et économiques rapportées par la victime ne résultent pas uniquement de l’agression sexuelle. Chose certaine, cet événement les a exacerbées. Je suis persuadé que l’agression sexuelle a compromis toute amélioration possible de l’état psychologique de la victime et a nui à sa mobilisation professionnelle.

      L’avocate du délinquant affirme que le poursuivant n’a pas fait la preuve hors de tout doute raisonnable de l’existence d’un syndrome post-traumatique causé par l’agression sexuelle. Il est vrai que la preuve à cet égard se limite à la seule déclaration de la victime et n’est pas étayée par une attestation médicale.

      Il n’en demeure pas moins que je suis convaincu hors de tout doute raisonnable que l’infraction perpétrée par le délinquant a eu un impact particulièrement néfaste sur la victime et lui a laissé des séquelles psychologiques importantes[51].

[88]           Le délinquant ne reconnaît pas avoir commis un crime et clame toujours son innocence. Il s’agit là d’un facteur neutre et non d’une circonstance aggravante. Il en est de même de la tenue d’un procès[52].

[89]           En revanche, le délinquant peut difficilement revendiquer une identité de traitement avec ceux qui ont bénéficié de la clémence du Tribunal pour avoir reconnu leurs torts ou enregistré un plaidoyer de culpabilité[53].

 

Les circonstances atténuantes

 

[90]           Je relève les circonstances atténuantes suivantes :

 

  1. L’absence d’antécédents judiciaires, de causes pendantes et de comportements violents antérieurs[54].
  2. La collaboration à l’enquête policière.

      Dans la foulée de son arrestation, le délinquant a accepté de faire part de sa version des événements aux policiers. Dans sa déclaration extrajudiciaire, il a admis sans détour avoir eu une relation sexuelle avec la victime dans la nuit du 21 au 22 novembre 2014. Il a concédé avoir inséré son pénis dans son anus sans avoir préalablement sollicité son consentement. Il a même convenu avoir fait une erreur[55]. Bien qu’il considère que cette erreur ne constitue pas un crime, il y a dans ses propos une forme de reconnaissance d’un tort. 

  1. Le délinquant est un actif pour la société et affiche des valeurs prosociales.

      Bien qu’il n’occupe plus d’emploi depuis le mois d’août 2019, le délinquant a toujours été actif sur le marché du travail, notamment dans le domaine de la musique. Comme le relève l’agent de probation, il a toujours eu un mode de vie conformiste et ne connaît pas de difficulté notoire dans ses relations interpersonnelles.

  1.         L’existence d’une certaine empathie à l’égard de la victime

      Malgré la négation d’une intention criminelle, le délinquant démontre des capacités d’auto-critique et fait preuve d’empathie à l’endroit de ce que la victime a pu vivre en raison des événements et du processus judiciaire. Le délinquant n’a pas toujours été élogieux à l’égard de la victime durant son témoignage (y compris dans le cadre de sa déclaration extrajudiciaire), mais il semble sincère lorsqu’il affirme qu’il lui souhaite du bonheur.

[91]           Comme le souligne l’avocate du délinquant, son client n’a pas commis de gestes de violence extrinsèque au moment de la pénétration anale. Lors du procès, la victime a certes fait état de certains gestes inhabituellement agressifs posés par le délinquant durant la relation sexuelle (notamment le tirage de cheveux), mais avant la pénétration anale. Ces gestes semblent toutefois s’inscrire dans le contexte du volet de la relation sexuelle consentie par la victime.

 

[92]           Cela étant, l’absence de violence extrinsèque accompagnant l’agression sexuelle ne saurait constituer une circonstance atténuante. Le fait qu’il n’y ait aucune autre violence que celle qui est intrinsèque à une agression sexuelle est une circonstance tout au plus neutre, sinon l’infraction elle-même deviendrait atténuante[56].

 

[93]           Quoi qu’il en soit, il ne faut pas non plus perdre de vue que le délinquant a poursuivi l’acte de pénétration malgré la protestation verbale et, dans une moindre mesure, physique de la victime. Il l’a aussi retenue sur les lieux pour parler après la pénétration anale en saisissant son poignet[57].

 

[94]           Durant les observations sur la peine, l’avocate du délinquant a attiré mon attention sur des éléments qu’elle considère être des conséquences indirectes de la perpétration de l’infraction (et/ou de la déclaration de culpabilité) – éléments qui devraient, selon elle, militer en faveur d’un allègement de la peine. Il y a lieu de les examiner.

 

-          La médiatisation de l’affaire

 

[95]           Le délinquant soutient que la médiatisation de son dossier constitue une circonstance atténuante ou un facteur pertinent dont il faut tenir compte. Je ne partage pas ce point de vue.

 

[96]           La couverture médiatique d’une affaire judiciaire n’a aucune incidence sur la gravité de l’infraction ou le degré de responsabilité d’un délinquant. En principe, elle ne devrait donc pas être considérée comme une circonstance atténuante au sens strict de l’alinéa 718.2a) C.cr.

[97]           Je conviens que la médiatisation peut toutefois devenir un facteur pertinent dans la détermination d’une peine juste et appropriée. Comme le souligne la Cour d’appel du Québec dans l’affaire Harbour c. R.[58], un juge peut, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire lorsque la preuve le justifie, considérer que le passage à travers le système de justice criminelle contribue en soi à l’atteinte d’objectifs de la peine, notamment, mais non exclusivement, en raison de sa médiatisation.

 

[98]           Dans le cas présent, il n’y a aucune preuve que l’affaire a fait l’objet d’une couverture médiatique. Le délinquant n’a pas produit d’articles de presse ou d’autres éléments me permettant de conclure que l’affaire a été médiatisée, encore moins qu’elle l’a été de façon disproportionnée.

 

[99]           Lors du témoignage du délinquant dans le cadre de l’audition de RD2, celui-ci a indiqué qu’il existait un article de presse portant sur l’affaire. En contre-interrogatoire, il a admis que la publication de cet article découlait de la production de sa propre requête pour huis clos, non-publication et mises sous scellé temporaires («RD1»). Il a mentionné avoir lu l’article mais ne souvenait pas de son contenu[59].

 

[100]      Lors de l’audience sur la peine, le délinquant a acquiescé à la suggestion faite par le procureur du poursuivant selon laquelle une recherche «Google» effectuée en tapant son nom permettait de répertorier un seul article de presse concernant l’affaire, à savoir le même article dont il avait été question au moment de son témoignage dans le cadre de RD2.  

 

[101]      Soulignons que RD1 visait à notamment obtenir une ordonnance pour que l’audition de RD2 se tienne à huis clos et, par le fait même, à l’écart des représentants des médias. C’est dans ce contexte que les médias sont intervenus et que l’article en question a été publié. Rien au dossier n’indique que l’affaire a suscité l’intérêt des médias avant la production de RD1. C’est donc la démarche entreprise par le délinquant lui-même qui a généré un article de presse, lequel, rappelons-le, n’a pas été mis en preuve[60].

 

[102]      En tant que telle, la couverture médiatique accordée à la présente affaire, qui semble se limiter à un seul article de presse, ne saurait constituer une circonstance atténuante au sens de l’alinéa 718.2a) C.cr., ni même un facteur pertinent de nature à justifier un allègement de la peine.

 

 

 

 

-          Les publications sur Internet et la stigmatisation du délinquant

 

[103]      La victime exprime effectivement une animosité envers le délinquant dans des publications sur l’internet[61]. Cela dit, elle ne le nomme jamais. Il est vrai qu’elle cultive un esprit de vengeance dans certaines de ses publications, mais elle y évoque également le traitement réservé par le système judiciaire à des victimes d’agression sexuelle et le mythe de la victime parfaite.

 

[104]      Comme je l’ai mentionné dans le jugement relatif à RD2[62], la démarche entreprise par la victime était parfaitement légitime. Il est somme toute normal qu’une victime d’attouchements sexuels non désirés puisse en vouloir à son agresseur et exprime ses frustrations à l’égard du processus judiciaire. D’en parler publiquement peut certainement avoir un effet thérapeutique et même inciter d’autres victimes à se mobiliser. Dans la mesure où la victime s’abstient d’identifier son agresseur, je ne vois pas en quoi ces publications ont pu être la source d’un préjudice démesuré.

 

[105]      La publication de M. Stinis et les commentaires des utilisateurs de Facebook participent largement plus à la stigmatisation du délinquant. Dans sa publication, M. Stinis nomme le délinquant et indique qu’il est l’auteur d’une agression sexuelle violente. Il donne sa description physique. Il identifie ses lieux de travail. Il le dépeint comme un récidiviste violent, ce qui est en soi inexact. Il se dit prêt à partager la photo du délinquant avec les utilisateurs du réseau social[63].

 

[106]      À la lecture des commentaires formulés par les utilisateurs à la suite de la publication de M. Stinis, on apprend que la photo du délinquant a été mise en circulation sur les réseaux sociaux. Il en est de même du lien donnant accès au contenu du jugement sur la culpabilité.

 

[107]      Certains utilisateurs mentionnent vouloir aviser les employeurs du délinquant que ce dernier est un prédateur sexuel. L’un d’entre eux écrit: "I’ve reached out to some key people in the music and events communities to touch base about this ". D’autres disent connaître des amis du délinquant et veulent les prévenir qu’il est un agresseur sexuel. Un des utilisateurs débute sa publication en écrivant : "repeated violence and sexual assault, predatory behaviour in plateau mile-end". Un autre écrit: "look out and be aware this guy is around". Le délinquant est parfois qualifié de "dipshit" ou de "piece of shit". Il a même été reproché à son avocate (Me Andraos) de le représenter[64].

 

[108]      À l’ère des réseaux sociaux, les publications sur l’internet et la stigmatisation qui a pu en découler sont des conséquences inévitables des gestes posés par le délinquant et du caractère public du système judiciaire pénal[65]. Ces publications traduisent la réprobation sociale pour l’infraction en cause[66]. Force est cependant de constater que certaines publications véhiculent des faussetés ou des exagérations. En ce sens, les commentaires ne sont pas toujours pondérés et viennent stigmatiser le délinquant de façon disproportionnée.

 

[109]      Il est indéniable que les publications ont contribué à la détérioration psychique du délinquant et à la perte d’opportunités d’emplois. Je n’ai aucune raison de douter du préjudice psychologique et financier subi par le délinquant en raison de la nature et de la fréquence de ces publications, et ce même si de telles conséquences sont prévisibles à l’ère des réseaux sociaux. J’accepte son témoignage voulant qu’il ait dû fermer son compte Facebook ce que les publications confirment et changer d’apparence physique pour éviter de se faire reconnaître sur le Plateau Mont-Royal. Je ne remets pas non plus en question le fait qu’on lui ait refusé l’accès à certains établissements (et spectacles) en raison de l’agression sexuelle.

 

[110]      Ce sont là des conséquences indirectes de la perpétration de l’infraction et de la déclaration de culpabilité au sens de l’arrêt Suter[67].  Elles sont liées à la situation personnelle du délinquant. Sans pour autant constituer des circonstances atténuantes au sens strict de l’alinéa 718.2a) C.cr., j’estime que je peux en tenir compte dans une mesure limitée lors de l’application du principe d’individualisation de la peine[68].

 

[111]      Concernant l’agression subie par le délinquant en octobre 2017, j’estime qu’il n’a pas été démontré par prépondérance de probabilités qu’elle est reliée à la perpétration de l’infraction ou à la déclaration de culpabilité. L’existence d’un quelconque lien relève de la spéculation. Contrairement à la situation qui prévalait dans l’affaire Suter (gestes de violence à l’endroit de M. Suter posés par vengeance pour l’infraction commise), je ne peux conclure ici à un acte de représailles. Par conséquent, je n’entends pas tenir compte de cette agression dans la détermination de la peine appropriée.

 

-          Les délais judiciaires

 

[112]      Selon le délinquant, le préjudice causé par les délais entre son arrestation et la déclaration de culpabilité justifie une réduction de peine. Les délais pertinents sont les suivants : 41 mois et 29 jours entre la date d’inculpation et la date de la déclaration de culpabilité et 39 mois et 24 jours entre la date d’inculpation et la mise en délibéré de l’affaire. Rappelons également que plus de huit ans se sont écoulés entre l’arrestation du délinquant et le moment où il recevra sa peine.

[113]      Un survol du droit applicable s’avère pertinent.

 

[114]      Pour étayer sa position, le délinquant s’appuie notamment sur le paragraphe 53 de l’arrêt Nasogaluak[69] qui se lit comme suit :

 

Il importe de signaler qu’une peine peut être réduite en raison de la conduite répréhensible de représentants de l’État, et ce, même dans les cas où les faits reprochés ne constituent pas une violation de la Charte.  Dans l’arrêt Pigeon, le tribunal n’a pas eu à décider si les droits garantis à l’accusé par l’art. 7 avaient été enfreints, puisqu’il disposait d’une latitude suffisante dans le cadre du processus habituel de détermination de la peine pour se pencher sur les actes répréhensibles commis par les policiers.  De même, dans R. c. Bosley (1992), 1992 CanLII 2838 (ON CA), 18 C.R. (4th) 347, la Cour d’appel de l’Ontario a statué que le juge du procès avait à juste titre considéré un délai qui, sans être inconstitutionnel, était excessif comme une circonstance atténuante aux fins de détermination de la peine appropriée (voir également R. c. Leaver (1996), 1996 CanLII 10223 (ON CA), 3 C.R. (5th) 138 (C.A. Ont.)).  En outre, dans R. c. Panousis, 2002 ABQB 1109, 329 A.R. 47, la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta a considéré que le délai écoulé avant la tenue du procès constituait une circonstance atténuante et a en conséquence infligé une peine réduite à l’égard d’une infraction de trafic de cocaïne.  Bien que ce délai n’ait pas constitué une violation des droits protégés par l’al. 11b), la cour a conclu qu’il avait causé à l’accusé un préjudice pertinent pour la détermination de la peine.  Dans de brefs motifs prononcés oralement (2004 ABCA 211 (CanLII)), les juges majoritaires de la Cour d’appel de l’Alberta ont infirmé la décision du juge de première instance et prononcé une peine d’emprisonnement de deux ans moins un jour assortie d’une lourde amende.  Ils n’ont pas précisé s’ils rejetaient la conclusion du juge selon laquelle le délai constituait une circonstance atténuante pertinente, mais il convient de noter que la peine infligée en définitive était inférieure à celles applicables habituellement, de l’avis du juge du procès, aux infractions graves en matière de drogue.

 

[115]      Pareillement, dans l’arrêt R. c. Yessaian[70], autorité soumise par le délinquant, la Cour d’appel du Québec conclut que les longs délais, avant de subir un procès, qui entraînent une incertitude pour un accusé, même s’ils sont insuffisants pour fonder un recours en vertu de la Charte, peuvent tout de même constituer un facteur atténuant dans le calcul de la peine appropriée[71]. Dans cette affaire, l’accusé avait attendu quatre ans et demi avant de subir son procès.

 

[116]      Dans Denis c. R.[72], la Cour d’appel du Québec conclut que le juge de première instance n’a pas commis d’erreur en refusant de tenir compte des délais dans la détermination de la peine. L’accusé avait été inculpé le 18 août 2014 et déclaré coupable 11 avril 2017 (un délai de presque 32 mois). La peine avait été imposée un mois plus tard.

 

[117]      Invoquant les principes énoncés dans l’arrêt Nasogaluak, la Cour d’appel rappelle qu’une peine peut être réduite en raison de la conduite répréhensible de l’État, même dans les cas où les faits reprochés ne constituent pas une violation de la Charte. La Cour note que l’accusé n’a pas déposé une preuve démontrant une conduite répréhensible de l’État ni démontré qu’il a subi un préjudice découlant de la longueur des délais[73].

 

[118]      Plus récemment, dans R. c. Amato[74], la Cour d’appel du Québec conclut que la juge de première instance a erré en tenant compte de la durée des procédures (sept ans entre la mise en accusation et la déclaration de culpabilité) à titre de circonstance atténuante au sens de l’alinéa 718.2a) C.cr. Les paragraphes suivants du jugement sont particulièrement éloquents :

 

La jurisprudence canadienne ne reconnaît qu’à de rares occasions qu’un long délai qui n’est pas inconstitutionnel en vertu de l’alinéa 11b) de la Charte puisse être considéré aux fins de la détermination de la peine. S’il ne s’agit pas d’un facteur atténuant puisqu’il ne se rapporte pas à la gravité de l’infraction ou au degré de responsabilité du délinquant, il n’en demeure pas moins que ce délai, tout comme l’inconduite de l’État et les conséquences indirectes de la peine, peut constituer un facteur extrinsèque pertinent «pour la détermination ultime d’une peine juste, appropriée et indiquée».

 

Bien que la longueur des délais puisse être prise en compte, elle ne devrait l’être que dans une mesure limitée sans quoi le principe fondamental de la proportionnalité entre la gravité de l’infraction et la culpabilité morale du délinquant pourrait s’en trouver altéré. Ainsi, le poids à attribuer un tel facteur «relève de la discrétion du juge qui impose la peine et mérite la déférence des cours d’appel à moins que la peine infligée ne soit manifestement non indiquée».

 

En l’espèce, l’importance qu’a accordée la juge de première instance aux délais courus relativement à la détermination de la peine d’Amato m’apparaît davantage comme un moyen de sanctionner la conduite de la requérante dans son choix de tenir un seul procès et dans la façon dont elle a conduit l’administration de sa preuve.

 

Toutefois, pour que la façon de faire de la poursuite puisse recevoir considération quant à la peine, il doit être démontré que cela a causé un préjudice à l’appelant. La juge n’en fait aucun état dans son jugement sur la peine.

 

Cela dit, je suis d’avis qu’une réduction de peine en raison de ce facteur extrinsèque doit être limitée aux cas les plus rares afin que le principe de la proportionnalité soit respecté

 

[…]

 

Enfin, comme je l’ai déjà mentionné, la durée des procédures ne peut constituer un facteur atténuant. Il s’agit d’un facteur extrinsèque pouvant néanmoins être pris en compte lorsque la durée des procédures a causé un préjudice ou a eu un effet pertinent sur le délinquant pour la détermination de sa peine[75].

 

[119]      À la lumière de ces principes, les délais judiciaires peuvent-ils constituer un facteur extrinsèque dont il faut tenir compte dans l’exercice de la détermination de la peine?

 

[120]      Dans le jugement relatif à RD2, j’ai rejeté le volet de la requête invoquant une violation de l’alinéa 11b) de la Charte. J’ai conclu que le délai net (c.-à-d. celui calculé après avoir soustrait les délais imputables à la défense) était de 32 mois et 6 jours[76] et que le délai résiduel (après soustraction des délais attribuables à des événements distincts) était de 31 mois et 11 jours[77]. Dans les deux cas de figure, le délai excédait que légèrement le plafond applicable de 30 mois. J’ai conclu que la mesure transitoire exceptionnelle s’appliquait car les parties s’étaient raisonnablement conformées au droit antérieur (avant le prononcé de l’arrêt Jordan)[78].

 

[121]      La preuve administrée dans le cadre de RD2 ne démontre aucunement l’existence d’une conduite répréhensible de la part des représentants de l’État de nature à causer des délais indus et occasionner un préjudice au délinquant. Si certains délais ont été imputés au poursuivant, c’est prioritairement en raison de leur caractère inhérent et d’un manque criant de ressources institutionnelles et non d’un comportement blâmable[79].

 

[122]      Commentant le comportement du poursuivant eu égard aux délais, j’ai indiqué qu’il n’était pas exempt de reproches, mais que je n’étais pas en présence d’impairs répétés et de laxisme chronique. J’ai souligné que le poursuivant avait fait preuve d’une diligence et d’une proactivité plus accrues après le virage opéré par l’arrêt Jordan[80].  

 

[123]      Quant à mes observations du comportement adopté par la défense, elles sont essentiellement comprises dans les paragraphes suivants du jugement relatif à RD2 :

 

En contraste, la défense n’a pris aucune initiative concrète pour tenter de faire progresser le dossier à l’ère Jordan, ni même antérieurement. Le requérant n’a démontré aucun empressement à subir son procès rapidement. Il n’a pas agi sans relâche pour accélérer le processus judiciaire en revendiquant son droit constitutionnel en vertu de l’alinéa 11b) de la Charte à toutes les occasions possibles. Il était pourtant présent lors de toutes les vacations à la Cour.

 

Il se présente aujourd’hui comme un acteur passif des procédures à la remorque des décisions prises par Me Trempe. La preuve démontre toutefois qu’il a été proactif dans ses interactions avec son avocat. S’il avait réellement voulu un procès rapide, il l’aurait manifesté. De concert avec son avocat, il espérait plutôt que l’écoulement du temps puisse favoriser un dénouement autre que la tenue d’un procès. De son propre aveu, la signature d’un engagement en vertu de l’article 810 C.cr. était la meilleure option possible.

 

Au vu de son comportement durant les procédures, le Tribunal aurait tendance à conclure que le requérant ne souhaitait pas véritablement un procès dans un délai raisonnable. La production d’une requête de type «Jordan» après le verdict de culpabilité est un autre indice probant de l’absence ou du peu de préoccupation du requérant à l’égard des délais[81].

 

[124]      Aussi, comme il en a été question plus tôt dans ce jugement, le délinquant a témoigné sur le préjudice subi en raison des délais[82]. À la lumière de la preuve et des réponses données par le délinquant lors du contre-interrogatoire, j’ai conclu que le préjudice subi par celui-ci était davantage lié à son arrestation et au dépôt des accusations qu’à la durée des procédures[83].

 

[125]      Cela dit, j’ai convenu que la durée des procédures avait sans doute aggravé les problèmes psychologiques du requérant, d’autant qu’un retard à tenir le procès peut avoir pour effet de prolonger le stress, l’anxiété et la stigmatisation d’un inculpé[84]. J’ai cependant conclu que le comportement du requérant durant les procédures réfutait la présomption simple selon laquelle le seul écoulement du temps lui avait causé préjudice – le préjudice ayant un lien solide avec la notion d’initiative de la défense[85].

 

[126]      Loin de moi l’intention de remettre en cause les difficultés vécues par le délinquant tout au long des procédures. Mais, compte tenu des conclusions tirées dans le jugement relatif à RD2, je ne suis pas en présence de l’un de ces rares cas où le délai entre l’inculpation et la déclaration de culpabilité pourrait, en soi, justifier une réduction de peine.

 

[127]      En revanche, je ne peux faire abstraction de la durée de vie exceptionnelle du présent dossier. Si le délinquant a largement contribué aux délais encourus depuis la déclaration de culpabilité en multipliant les requêtes, il a tout de même dû faire face à certains événements hors de son contrôle qui ont eu pour effet de prolonger la durée des procédures : la pandémie, le congé de maladie du soussigné et, dans une moindre mesure, l’attente de la décision de la Cour suprême dans l’affaire Ndholvu relative à la constitutionnalité de l’inscription obligatoire au registre des délinquants sexuels.

 

[128]      Plus de huit ans se sont écoulés depuis les événements. Durant cette période, le délinquant a vécu une détresse psychologique qui l’a amené à entreprendre une démarche thérapeutique favorisant l’introspection. Il a toujours respecté ses conditions de mise en liberté et n’a jamais récidivé. L’écoulement du temps a contribué à ce que le processus judiciaire ait un effet dissuasif sur lui. Ce marathon judiciaire l’a certainement sensibilisé au fait que le consentement à un acte sexuel donné n’englobe pas un consentement à un acte sexuel bien distinct.

 

[129]      En ce sens, la durée de vie totale des procédures (et non celle se limitant strictement à la période entre l’inculpation et la déclaration de culpabilité) constitue un facteur extrinsèque dont je dois tenir compte car elle a eu un effet pertinent sur le délinquant pour les fins de la détermination de sa peine. Comme le dicte la Cour d’appel du Québec, ce facteur ne sera considéré que dans une mesure limitée.

 

-          Les manquements à l’obligation de divulgation

 

[130]      Le délinquant sollicite une réduction de peine en raison des manquements du poursuivant à son obligation de divulgation de la preuve constatés dans le jugement relatif à RD2.

 

[131]      Le poursuivant a effectivement fait défaut de communiquer certains éléments de preuve en temps opportun. Ils n’ont été divulgués qu’après la déclaration de culpabilité à la suite de diverses demandes formulées par Me Andraos. L’inventaire de ces éléments est dressé aux paragraphes 616 à 618 du jugement relatif à RD2[86]. Ils se rapportent à l’arrestation du délinquant, la visite à l’hôpital de la victime le 23 novembre 2014 et l’obtention de ses dossiers médicaux. Le délinquant alléguait également l’omission des policiers de prendre des notes détaillées et le défaut de conserver les prélèvements effectués sur la victime comme sources de préjudice.

 

[132]      Le délinquant convenait que certains éléments communiqués tardivement étaient d’une utilité très marginale – voire d’aucune utilité, pour la défense. Quant aux autres éléments, notamment le formulaire de la trousse médicolégale[87], il n’existait pas de possibilité raisonnable que leur non-divulgation ait influé sur l’issue du procès ou son équité globale.  J’ai donc conclu que les manquements du poursuivant à son obligation de divulgation et les autres omissions alléguées par le délinquant (prise de notes lacunaire des policiers et défaut de conserver les prélèvements) n’avaient pas porté atteinte à son droit à une défense pleine et entière et à la tenue d’un procès équitable[88]. Par le fait même, ces manquements (y compris les omissions alléguées) ne pouvaient pas donner lieu à une violation de l’article 7 de la Charte.

 

[133]      Au surplus, j’ai rejeté l’argument du délinquant selon lequel les représentants de l’État avaient commis un abus de procédure en faisant défaut de divulguer des éléments de preuve en temps utile (en particulier le formulaire de la trousse médicolégale[89]) et en omettant de s’assurer de la conservation des prélèvements effectués sur la victime[90]. Même en tenant compte de leur effet cumulatif, j’ai conclu que les comportements reprochés aux représentants de l’État n’étaient pas de nature à atteindre le seuil élevé de l’abus de procédure. J’ai précisé que l’État n’avait pas adopté une conduite choquant le sens du franc-jeu et de la décence de la société[91].

 

[134]      Dans l’arrêt Nasogaluak, la Cour suprême mentionne qu’une conduite répréhensible des représentants de l’État qui ne viole pas la Charte, mais cause néanmoins un préjudice au délinquant, peut constituer un facteur pertinent pour l’établissement de la peine approprié[92]. Dans le cas présent, les manquements du poursuivant en matière de divulgation n’ont pas porté atteinte aux droits constitutionnels du délinquant et ne résultent pas d’un comportement répréhensible de l’État[93]. Dans les circonstances, ils ne sauraient justifier un allègement de la peine.

 

Autres circonstances pertinentes

 

[135]      Outre les circonstances aggravantes et atténuantes au sens de l’alinéa              718.2a) C.cr., je tiens compte des circonstances pertinentes suivantes, propres à la situation personnelle du délinquant mais qui n’ont cependant pas d’incidence directe sur sa culpabilité morale ou sur la gravité de l’infraction.

 

  • La bonne collaboration du délinquant à la confection du RPS et de l’expertise sexologique.
  • Les démarches thérapeutiques entreprises depuis sa mise en arrestation :

      Les démarches entreprises s’attaquent notamment à la source du passage à l’acte, à savoir les difficultés de communication du délinquant et la gestion de ses émotions[94]. La Cour d’appel du Québec reconnaît que les démarches thérapeutiques entreprises pour répondre à l’agir criminel constituent un facteur pertinent lors de la détermination de la peine[95].

  • La durée des procédures et le respect des conditions de mise en liberté pendant plus de huit ans.
  • L’absence de déviance sexuelle et de problèmes de dépendance.
  • Le faible risque de récidive :

      L’agent de probation évaluait déjà ce risque à faible en septembre 2018. Aujourd’hui, avec l’écoulement du temps, les démarches thérapeutiques entreprises par le délinquant, la stigmatisation vécue par ce dernier, le respect des conditions de mise en liberté, je suis d’avis qu’il est encore plus faible.

  • Le soutien des membres de sa famille :

      Les membres de la famille du délinquant ont été à ses côtés et l’ont soutenu tout au long du processus judiciaire. Son père était présent en salle d’audience à multiples reprises durant l’audition de RD2. Il a même rendu témoignage dans ce contexte. Le délinquant a ainsi bénéficié d’un appui indéfectible.

  • Le délinquant a souffert psychologiquement de la stigmatisation générée par les publications sur l’internet. Il a également perdu des opportunités d’emplois dans le monde de la musique et de l’événementiel – ses secteurs de prédilection :

      Les publications et le préjudice en découlant se rapportent étroitement à la perpétration de l’infraction et étaient quasiment inévitables[96]. C’est donc seulement dans une mesure limitée qu’ils militent en faveur d’un allègement de la peine. Ils participent malgré tout à l’atténuation du besoin de dissuasion spécifique, ayant contribué à la prise en charge thérapeutique du délinquant et à ses progrès en matière de communication dans un contexte intime.

[136]      Les éléments susmentionnés amènent à trois constats : (1) le processus de réhabilitation du délinquant est bien avancé; (2) il ne présente pas de problème en matière de dissuasion spécifique; et (3) bien qu’il ne reconnaisse pas l’agir délictuel en tant que tel, il démontre une forme de conscientisation de sa responsabilité et de ses problèmes relationnels dans un contexte intime.

[137]      Nonobstant ces constats, l’évaluation de l’ensemble des circonstances m’amène à conclure que la gravité subjective de l’infraction est élevée. Le délinquant a certes commis une seule erreur de nature criminelle dans son parcours de vie, mais cette erreur est de taille.

L’HARMONISATION DES PEINES

[138]      L’exercice de détermination de la peine requiert de tenir compte du principe de l’harmonisation des peines. Il faut toutefois reconnaître que toute étude comparative comporte, en soi, des limites[97]. Il est en effet impossible de trouver deux dossiers dont les circonstances sont parfaitement identiques[98].

[139]      Il est tout de même opportun d’examiner les peines imposées par les tribunaux en matière d’agression sexuelle, plus particulièrement dans des circonstances analogues à celles qui nous concernent.

[140]      Avant de procéder à cet examen, il y a lieu d’évoquer certaines généralités concernant les principes de détermination de la peine en matière d’agression sexuelle.

-          Généralités

[141]       Les peines imposées en matière d’agression sexuelle varient considérablement étant donné le large éventail de comportements pouvant constituer cette infraction[99]. Le principe de l’individualisation de la peine n’est certainement pas étranger à ce constat.

[142]      Comme mentionné auparavant, les objectifs de dénonciation et de dissuasion doivent en principe prévaloir lors de la détermination d’une peine pour des infractions d’ordre sexuel[100]. D’ailleurs, lorsque l’infraction d’agression sexuelle est poursuivie par mise en accusation, la sanction privilégiée en cas de déclaration de culpabilité est généralement l’emprisonnement ferme[101].

[143]      À cet égard, les auteurs Hugues Parent et Julie Desrosiers[102] écrivent:

[…] les arrêts récents de la Cour d’appel du Québec indiquent clairement que des gestes de la nature d’attouchements, même lorsqu’ils sont perpétrés au cours d’un incident unique et isolé, peuvent mener, voire mènent généralement, à l’emprisonnement ferme[103].

[144]      L’incarcération de longue durée n’est cependant pas toujours de mise en cas de condamnation pour des agressions sexuelles. Il arrive effectivement que les tribunaux favorisent des peines d’emprisonnement plus courtes[104], des peines d’emprisonnement discontinues[105] ou même des alternatives à l’incarcération[106], en particulier lorsque les circonstances permettent d’accorder un poids plus important à l’objectif de réinsertion sociale[107].

[145]      S’inspirant notamment de la fourchette des peines établie par le juge Robert Sansfaçon dans l’affaire R. c. Cloutier[108] et reconnue par la Cour d’appel du Québec[109], les auteurs Parent et Desrosiers identifient trois catégories de peines pour les infractions d’ordre sexuel. Elles peuvent être essentiellement résumées comme suit[110]:

  1. La première catégorie vise les peines de moins de deux ans (y compris des peines d’emprisonnement avec sursis, quoique plus rares) prononcées pour des gestes de peu de gravité ou survenus en de rares occasions ou durant une courte période de temps, commis à l’endroit d’une seule victime.
  2. Dans la deuxième catégorie, on retrouve les peines de deux à six ans pour des infractions sexuelles multiples s’échelonnant sur une longue période de temps ou encore pour des infractions sexuelles graves qui impliquent un abus de confiance ou d’autorité, mais en l’absence d’antécédents judiciaires ou de violence extrinsèque à l’agression.
  3. Les peines visées par la troisième catégorie sont celles de plus de six ans, imposées pour des crimes commis dans des situations particulières impliquant habituellement un degré de violence important.

[146]      Ne perdons toutefois pas de vue, comme le souligne la Cour suprême dans       R. c. Lacasse[111], que les fourchettes de peines ne sont rien de plus que des condensés des peines minimales et maximales déjà infligées, et qui, selon le cas de figure, servent de guides d’application de tous les principes et objectifs pertinents[112]. Chaque cas demeure un cas d’espèce.

-          Les cas analogues

[147]      À l’appui de leur position respective, les parties ont déposé plusieurs décisions relatives à la détermination de la peine pour des agressions sexuelles commises par des personnes sans antécédents judiciaires. Certaines décisions ont davantage retenu mon attention, notamment les suivantes.

Autorités pertinentes soumises par le poursuivant :

  • Côté c. R., 2014 QCCA 2083

[148]      Dans cette affaire, la Cour d’appel du Québec maintient une peine de 18 mois d’emprisonnement ferme imposée à M. Côté pour avoir commis une agression sexuelle avec la participation d’une autre personne, en l’occurrence son frère (alinéa 272(1)d) C.cr.). M. Côté avait reconnu sa culpabilité. En raison d’une implication moindre, son frère avait reçu une peine de 90 jours de prison à être purgée de façon discontinue à la suite d’une suggestion commune des parties.

[149]      Dans cette affaire, la victime, une femme autochtone, avait invité M. Côté et son frère chez elle pour festoyer. Ils étaient tous collègues de travail. Après avoir consommé en excès, la victime s’était endormie. Une fois réveillée, elle avait constaté que M. Côté la pénétrait pendant que son frère lui flattait la joue en lui disant : «Réveille-toi, jolie».

[150]      M. Côté avait tenté en vain de retirer son plaidoyer de culpabilité quelques mois avant la tenue de l’audience sur la peine. Malgré le rejet de la requête pour retrait de plaidoyer, M. Côté continuait de prétendre que la victime avait consenti à l’acte sexuel. Il n’avait pas d’antécédents judiciaires ni une personnalité délinquante. Il détenait un emploi. Le rapport présentenciel n’écartait pas pour autant un risque de récidive.

[151]      La Cour d’appel souligne qu’il n’y a qu’une seule victime et une seule agression. S’appuyant sur la fourchette des peines établie dans l’affaire Cloutier, la Cour conclut que la peine devrait donc en être une de la première catégorie, soit entre 12 et 20 mois.

[152]      Considérant la gravité objective et subjective importante de l’infraction, la Cour est d’avis que la peine de 18 mois d’emprisonnement ferme imposée par la juge de première instance n’est pas manifestement non indiquée.

  • Bouchard c. R., 2017 QCCA 1648

[153]      La Cour d’appel du Québec maintient une peine de 14 mois d’incarcération imposée à M. Bouchard à la suite d’une déclaration de culpabilité pour avoir commis une agression sexuelle sur une jeune femme de 19 ans.

[154]      L’infraction avait été portée par voie sommaire. La Cour supérieure avait rejeté l’appel de M. Bouchard et confirmé la peine de 14 mois d’emprisonnement ferme imposée en première instance. M. Bouchard s’était ensuite tourné vers la Cour d’appel dans l’espoir d’obtenir une peine plus clémente[113].

[155]      Avant les événements ayant donné lieu à l’agression sexuelle, M. Bouchard et la victime se connaissaient et se voyaient quasi exclusivement pour avoir des relations sexuelles. Au cours de la soirée des événements, M. Bouchard avait dit à la victime qu’il était amoureux d’elle. Cette dernière lui avait fait comprendre qu’elle n’éprouvait pas les mêmes sentiments que lui et qu’elle fréquentait un autre homme.

[156]      M. Bouchard avait alors tenté de l’embrasser. Alors que la victime s’apprêtait à quitter les lieux après avoir repoussé M. Bouchard, celui-ci l’avait retenue sur place en l’empoignant et en la poussant contre le réfrigérateur. Il lui avait ensuite fait des attouchements par-dessus et en dessous des vêtements. Faisant fi du refus exprimé par la victime, M. Bouchard l’avait ensuite retournée pour la pénétrer de force sans protection pendant environ deux minutes jusqu’à ce qu’il éjacule.

[157]      Sans antécédents judiciaires, M. Bouchard était détenteur d’un emploi depuis 12 ans et avait deux jeunes enfants. Les conséquences du crime sur la victime étaient importantes. Elle faisait régulièrement des cauchemars et pensait quotidiennement à l’agression. Elle avait développé une crainte face aux hommes et vivait beaucoup d’anxiété au moment d’amorcer une relation amoureuse.

[158]      La juge de première instance a considéré, entre autres, que M. Bouchard avait abusé du lien de confiance qui l’unissait à la victime – une circonstance aggravante. Elle a écarté l’emprisonnement avec sursis en affirmant que le besoin de dénonciation et de dissuasion était si pressant que l’incarcération était la seule peine pouvant convenir pour exprimer adéquatement la réprobation de la société à l’égard du comportement de M. Bouchard[114].

[159]      La Cour d’appel estime qu’il n’y a pas lieu d’intervenir. Elle confirme que la juge de première instance n’a pas erré en concluant que M. Bouchard avait abusé du lien de confiance avec la victime et en retenant ce facteur comme une circonstance aggravante au sens de l’alinéa 718.2a)iii) C.cr. La Cour conclut que la peine imposée, bien qu’elle puisse paraître sévère, n’est pas pour autant déraisonnable dans les circonstances.

  • Oum c. R., 2021 QCCA 462

[160]      La Cour d’appel du Québec maintient une peine de 18 mois d’emprisonnement ferme imposée à M. Oum pour une agression sexuelle commise à l’endroit de sa colocataire. M. Oum avait été déclaré coupable à l’issue de la tenue d’un procès.

[161]      M. Oum et la victime se connaissaient depuis environ un an quand ils ont décidé de partager un appartement. Leur relation était purement amicale. Durant leur cohabitation, ils avaient eu une relation sexuelle à une occasion. M. Oum souhaitait développer une relation de couple. La victime ne partageait pas ce sentiment.

[162]      Après avoir passé une soirée à célébrer son anniversaire et à consommer de l’alcool en grande quantité, la victime s’était endormie sur le divan-lit du salon. À son réveil, M. Oum était en train de lui toucher le clitoris et de la pénétrer. Elle lui avait alors dit : «qu’est-ce que tu es en train de faire?» M. Oum s’était fâché et d’un ton agressif lui avait proposé de lui donner de l’argent en contrepartie de l’acte sexuel.

[163]      M. Oum était âgé de 34 ans au moment de la détermination de la peine. Il n’avait pas d’antécédents judiciaires. Il travaillait à temps plein depuis l’âge de 26 ans. Le rapport présentenciel faisait état d’une personne affichant des valeurs prosociales, sans déviance sexuelle et issue d’un environnement propice à un développement psychosocial favorable et sain. L’agent de probation avait relevé que M. Oum avait de la difficulté à faire preuve d’empathie à l’endroit de la victime car il niait toute intention criminelle. Le risque de récidive était évalué à faible. Lors de l’audience sur la peine, la victime avait relaté des conséquences pénibles qui perduraient trois ans après le crime : cauchemars, insomnie et dépendance à l’alcool. Elle avait également fait trois tentatives de suicide.

[164]      Soulignons que l’abus de confiance a été retenu à titre de circonstance aggravante par la juge de première instance. Elle a également considéré que la peine suggérée par la défense 90 jours discontinus de prison et l’exécution de travaux communautaires dans le cadre de la probation ne rencontrait pas les objectifs de dénonciation et de dissuasion[115].

[165]      Mettant l’accent sur le haut degré de déférence qui doit être accordé au juge dans la détermination de la peine, la Cour d’appel estime que c’est à bon droit que la juge de première instance a tenu compte de la gravité du crime, du lien d’amitié, de la cohabitation et de la vulnérabilité de la victime qui était endormie au moment des gestes délictuels posés par M. Oum.

[166]      La Cour indique également que la peine infligée est comprise dans la fourchette des peines généralement imposées dans des circonstances similaires et se situant entre 12 et 20 mois d’emprisonnement pour une agression sexuelle poursuivie par acte criminel[116].

 

Autorités pertinentes soumises par le délinquant[117] :

  • Ouellet c. R., 2014 QCCA 135[118]

[167]      Dans cet arrêt, la Cour d’appel du Québec infirme une peine de 18 mois d’emprisonnement ferme pour y substituer une peine de 90 jours de prison à être purgée de façon discontinue pour les infractions d’agression sexuelle et de voies de fait causant des lésions commises par M. Ouellet et une peine concurrente de 45 semaines d’emprisonnement avec sursis pour le chef de séquestration[119]. M. Ouellet avait été déclaré coupable de ces infractions au terme d’un procès.

[168]      M. Ouellet et la victime avaient vécu en couple pendant une quinzaine d’années. Après avoir mis fin à leur relation, ils s’étaient revus puis quittés à quelques reprises. Au mois d’août 2008, M. Ouellet avait proposé à la victime de passer une fin de semaine à Cape Cod avec lui dans l’espoir de faire renaître la relation. Le voyage ne les avait pas rapprochés. Bien au contraire. M. Ouellet avait demandé à la victime d’avoir des relations sexuelles, mais elle avait refusé. Sur le chemin du retour, M. Ouellet avait reçu un appel téléphonique du nouveau copain de la victime, ce qui avait eu pour effet de le rendre furieux et agressif.

[169]      De retour chez M. Ouellet, celui-ci, pris de jalousie, avait assené un solide coup de poing sur la tête de la victime, la faisant tomber à terre. Il avait alors tenté de l’attacher avec une corde et de l’étouffer avec un manteau, sans succès. Il lui avait alors signifié qu’il voulait lui faire l’amour. Apeurée, la victime avait accepté contre son gré de le suivre au rez-de-chaussée. Il y avait ensuite eu fellation et pénétration. La victime avait tenté de s’enfuir mais M. Ouellet avait à nouveau eu recours à la force pour la contraindre de rester sur les lieux.

[170]      M. Ouellet était un homme âgé de 63 ans. Il n’avait pas d’antécédents judiciaires et ne présentait pas de traits de délinquance. Il n’avait jamais auparavant été violent envers la victime. Il travaillait pour la même entreprise depuis 20 ans. Le rapport présentenciel était fort positif. M. Ouellet avait entrepris une démarche thérapeutique. Il était conscient de sa dépendance affective et de son besoin de mieux contrôler ses émotions. L’événement avait laissé chez la victime des séquelles physiques et psychologiques importantes. Elle n’était toutefois pas animée d’un sentiment de vengeance et ne souhaitait pas que M. Ouellet soit incarcéré.

[171]      La Cour souligne que M. Ouellet portera le poids de sa condamnation toute sa vie, malgré un comportement irréprochable jusque-là. Il s’agissait de gestes de nature impulsive et irréfléchie, posés dans un moment de désorganisation qui a duré 30 minutes. La Cour ajoute que la vie de M. Ouellet ne se résume pas à ces 30 minutes. La Cour conclut en ces termes pour justifier son intervention :

Dans ce contexte, et ceci dit avec beaucoup dégards pour le juge de première instance, jestime que lincarcération de lappelant pendant 18 mois constitue une peine tout à fait inappropriée et justifie notre intervention. Quavons-nous à gagner, comme société, à ce que lappelant perde son emploi? À ce que ses trois filles et ses petits-enfants soient privés de sa présence pendant 18 mois ou, peut-être pire encore, contraints de le visiter en prison? En quoi les gestes inacceptables posés par lappelant seront-ils plus adéquatement punis par une peine dincarcération de 18 mois que par une peine combinant lincarcération les fins de semaine et le sursis, tout en lui évitant de perdre son emploi?[120]

  • R. c. Précourt, 2019 QCCQ 5798

[172]      La Cour du Québec impose une peine de 90 jours de prison à être purgée de façon discontinue, assortie d’une période probatoire et de l’exécution de 240 heures de travaux communautaires. M. Précourt avait commis une agression sexuelle dans un contexte conjugal et avait été déclaré coupable à l’issue d’un procès.

[173]      M. Précourt et la victime étaient en couple depuis près de trois ans. Il avait appris qu’elle avait embrassé son meilleur ami. Il s’était senti trahi. M. Précourt avait eu recours à la force pour toucher les seins de la victime, lui baisser son pantalon et ses «petites culottes». Il avait inséré ses doigts dans son vagin et son anus sans son consentement. Il avait mis fin à cette agression après avoir constaté que la victime était en larmes.

[174]      Plus tard durant la soirée, M. Précourt avait pénétré la victime sans s’assurer de son consentement. Contrairement à la première agression, la victime n’avait pas manifesté un refus. Elle était restée passive pendant les gestes posés par M. Précourt mais, en son for intérieur, ne consentait pas à l’acte sexuel.

[175]      M. Précourt était âgé de 33 ans. Il n’avait pas d’antécédents judiciaires. Il était détenteur d’un emploi dans lequel il était apprécié. Il bénéficiait de l’appui de sa famille. Il ne connaissait aucune déviance sexuelle. Il avait exprimé des regrets sincères et avait indiqué lors de l’audience sur la peine être «brisé par les remords». Il avait entrepris un suivi psychologique pour l’aider dans ses problèmes de communication et de gestion des émotions. Le rapport présentenciel évoquait un risque de récidive circonscrit (se rapprochant davantage d’un risque faible). L’agente de probation était d’avis que le processus judiciaire avait eu l’effet dissuasif escompté.

[176]      Les séquelles de la victime étaient de plusieurs ordres : trouble de l’adaptation avec anxiété, humeur dépressive avec symptômes traumatiques, perte de confiance en soi et incapacité à se mobiliser sur le plan professionnel. La victime continuait à consulter une psychologue et prenait des médicaments pour notamment faire des nuits complètes.

[177]      Le poursuivant sollicitait l’imposition d’une peine de 18 mois d’emprisonnement ferme alors que la défense suggérait une peine de prison de 90 jours discontinus. En donnant raison à la défense, la juge Sonia Mastro Matteo note que la réhabilitation de M. Précourt est convaincante et qu’il assume pleinement la responsabilité de ses gestes. Elle prend soin de préciser que les objectifs de dénonciation et de dissuasion ne se reflètent pas uniquement par de longues peines d’emprisonnement ferme, mais aussi par d’autres mesures sentencielles. La juge Mastro Matteo ajoute que l’ordonnance de probation et l’obligation d’effectuer des travaux communautaires contribuent également à la réalisation de ces objectifs.

  • R. c. Masse, 2020 QCCQ 9175

[178]      La Cour du Québec impose une peine de 6 mois d’emprisonnement ferme avec une probation comportant l’obligation d’effectuer 240 heures de travaux communautaires. M. Masse avait plaidé coupable à l’infraction. Le poursuivant proposait une peine de 12 mois d’emprisonnement ferme alors que la défense militait en faveur d’une peine de 4 à 6 mois d’emprisonnement ferme.

[179]      M. Masse était âgé de 18 ans au moment des événements. La victime avait 17 ans. Ils avaient été en couple dans le passé. Ils n’étaient plus ensemble, mais avaient encore à l’occasion des relations sexuelles. M. Masse avait invité la victime à son domicile. Ils avaient d’abord eu une relation sexuelle de consentement. Pendant cette relation, M. Masse avait sollicité la permission de la victime pour avoir une relation anale. Elle avait clairement refusé. Malgré ce refus, il l’avait retournée et l’avait pénétrée. Elle avait continué à manifester un refus. Après quelques minutes, M. Masse avait accepté de retirer son pénis de son anus.

[180]      M. Masse en était à ses premiers démêlés avec la justice. Il avait vécu une dépression à la suite des événements. Il avait reconnu ses torts et avait admis avoir posé un geste inacceptable. Il bénéficiait d’un bon encadrement familial. Son arrestation et le processus judiciaire avaient eu un effet dissuasif important. Le risque de récidive était minime. Il n’y avait aucun indice d’une déviance sexuelle.

[181]      Les conséquences du crime sur la victime n’étaient pas des moindres : perte de confiance envers le sexe opposé, difficulté à s’investir dans une relation conjugale, crises de panique et traumatismes, consommation excessive d’alcool, problèmes académiques et de concentration en général.

[182]      Le juge Joey Dubois met l’accent sur le caractère isolé du geste, le plaidoyer de culpabilité, la prise de conscience de M. Masse et son jeune âge. Il évoque un cheminement positif et une compréhension du tort causé. Il conclut cependant qu’une courte peine d’incarcération (jumelée à l’accomplissement de 240 heures de travaux communautaires) s’impose pour dénoncer adéquatement la gravité du crime commis à l’endroit d’une personne mineure.

Autres autorités pertinentes :

[183]      En sus des décisions soumises par les parties, j’ai également examiné les peines imposées dans des affaires comportant plusieurs dénominateurs communs avec le présent dossier. Je me suis notamment attardé sur des dossiers pour lesquels une peine d’emprisonnement avec sursis était disponible, y compris lorsque l’infraction d’agression sexuelle était poursuivie par mise en accusation.

[184]      Voici un échantillonnage des décisions pertinentes.

  • R. v. Taylor, 2001 SKCA 94

[185]      La Cour d’appel de la Saskatchewan infirme une peine de 2 ans moins 1 jour d’emprisonnement avec sursis pour y substituer une peine de 18 mois d’emprisonnement ferme. M. Taylor avait été déclaré coupable au terme d’un procès.

[186]      Les faits rapportés par la Cour d’appel n’indiquent pas si M. Taylor et la victime se fréquentaient avant les événements. Lors d’une fête tenue dans une maison, M. Taylor et la victime étaient montés dans une chambre et y avaient d’abord eu une relation sexuelle (pénétration vaginale) consensuelle. Après avoir été à la salle de bain, M. Taylor avait insisté auprès de la victime pour avoir une relation anale. Celle-ci avait refusé. Malgré ce refus, M. Taylor l’avait pénétrée de manière anale. Il avait ensuite tenté de prendre la tête de la victime de force pour qu’elle lui fasse une fellation.

[187]      M. Taylor était âgé de 22 ans au moment de l’agression sexuelle. Il avait seulement un antécédent en matière de conduite avec un taux d’alcoolémie supérieur à la limite permise. Il était détenteur d’un emploi. Son encadrement familial était adéquat. Il clamait toujours son innocence lors de l’audience sur la peine. Le rédacteur du rapport présentenciel évoquait un risque de récidive faible à modéré. La victime, âgée de 18 ans au moment des faits pertinents, vivait encore de la honte et de l’humiliation. Elle s’était isolée et avait perdu de nombreux amis.

[188]      La Cour d’appel est d’avis que le juge de première instance a été trop influencé par la décision initiale de la victime de consentir à une relation sexuelle, ce qu’il l’a amené à atténuer la gravité de l’acte criminel subséquent. Selon la Cour, le juge de première instance a aussi fait défaut d’évaluer si une peine de pénitencier était appropriée avant d’envisager l’emprisonnement avec sursis. N’eût été le jeune âge de M. Taylor et le fait qu’il ait déjà purgé cinq mois d’emprisonnement dans la collectivité, la Cour d’appel aurait privilégié une peine de pénitencier (sans pour autant en mentionner la durée). Dans les circonstances, elle opte pour une peine d’incarcération de 18 mois.

  • R. v. C.R., 2010 ONCA 176

[189]      Dans cette affaire, la Cour d’appel de l’Ontario confirme des peines concurrentes de deux ans et demi pour des agressions sexuelles commises par l’accusé envers son ex-conjointe. C.R. avait été déclaré coupable de deux chefs d’agression sexuelle.au terme d’un procès.

[190]      C.R. et la victime (J.P.) avaient été en couple pendant 18 mois. Ils avaient mis fin à leur relation quand la victime a commencé à démontrer un intérêt pour un autre homme. Ils avaient cependant continué à entretenir une relation amicale et se voyaient à l’occasion.

[191]      La première agression sexuelle avait eu lieu alors qu’ils étaient encore en couple. Ils avaient d’abord eu une relation sexuelle consensuelle avec pénétration vaginale. Sans la prévenir, C.R. avait inséré son pénis dans son anus, et ce tout en sachant que cet acte sexuel lui occasionnait des douleurs reliées à sa condition médicale (rectocolite hémorragique). Malgré les objections formulées par la victime et ses tentatives de le repousser, C.R. avait poursuivi la pénétration anale pendant quelques secondes.

[192]      La deuxième agression sexuelle s’était produite quelques mois après leur séparation. Après une promenade à vélo, la victime avait accompagné C.R. à son domicile pour qu’il puisse récupérer son véhicule et la ramener chez elle. C.R. avait décidé de se doucher avant de reprendre la route. La victime en avait fait autant mais dans une autre salle de bain. C.R. était rentré dans la salle de bain de la victime alors qu’elle terminait de se doucher. Elle lui avait demandé de sortir de la salle de bain pour qu’elle puisse se rhabiller. C.R. avait refusé et avait empêché la victime de sortir de la salle de bain. Elle était néanmoins parvenue à se rendre dans la chambre vêtue seulement d’une serviette. C.R. l’avait alors poussée sur le lit, avait retiré sa serviette et l’avait pénétrée (relation sexuelle vaginale) pendant quelques secondes. La victime avait tenté de résister, mais en vain.

[193]      L’arrêt de la Cour d’appel ne fait pas état du profil de C.R. ni des conséquences du crime sur la victime. La décision de première instance sur la peine ne semble pas être répertoriée. Rien dans l’arrêt de la Cour d’appel n’indique que C.R. avait des antécédents judiciaires.

[194]      La Cour d’appel estime que le juge de première instance n’a pas fait erreur en concluant à un abus de confiance et en écartant l’emprisonnement avec sursis (peine disponible au moment de la commission des infractions) pour la première agression sexuelle. C.R. soutenait que le juge de première instance aurait dû tenir compte du fait que la première agression sexuelle était d’une gravité moindre, la pénétration n’ayant duré que quelques secondes et avait cessé dès la manifestation d’un refus. À cet égard, il est pertinent de reproduire les propos de la Cour d’appel de l’Ontario:

I recognize that, unlike the Second Assault, the First Assault occurred in circumstances where C.R. and J.P. were initially involved in consensual sexual vaginal intercourse.  This is an important contextual distinction between the two assaultive incidents.  Nonetheless, on the trial judge’s findings, the First Assault involved anal penetration, over J.P.’s objections, in circumstances where C.R. knew that anal intercourse could cause J.P. pain and discomfort due to her medical condition.  

Further, the short duration of the First Assault does not render it less than a full sexual assault.  As a matter of law, the brevity of the incident does not detract from its character as sexual intercourse […].

I also agree with the Crown’s submission that characterizing the First Assault, as C.R. does, as merely a difficulty encountered in “negotiating sexual boundaries in an intimate relationship”, or to argue that its brevity reflects a lack of intention to cause harm or discomfort, is misconceived.  On C.R.s own evidence, J.P. was not prepared to consent to anal intercourse unassisted by lubricants.  Nonetheless, C.R. engaged in anal intercourse with J.P., without lubricants, notwithstanding her protestations.

In the end, while the First Assault might be viewed as less serious than the Second Assault, it makes little practical difference since the trial judge imposed concurrent, rather than consecutive, sentences for the two offences.

Finally, I do not accept that the sentences imposed were excessive and unfit.  The trial judge recognized, correctly, that while neither assault involved gratuitous violence, both were inherently violent.  She considered the defence request for a conditional sentence, the principles that governed the fashioning of an appropriate sentence for these two separate offences and for this offender, and the applicable aggravating and mitigating factors.  I am unable to say that she erred in rejecting a conditional sentence in the present case or that the sentences imposed constitute a marked departure from those imposed for similar offenders convicted of similar crimes.  While a different trial judge might have imposed lesser sentences for one or both of these offences, or a non-custodial sentence of imprisonment for the First Assault, that does not render the sentences imposed unfit.[121]

  • R. v. Armstrong, 2016 ONSC 5760

[195]      La Cour supérieure de l’Ontario sursoit au prononcé de la peine et rend une ordonnance de probation d’une durée de trois ans comportant des conditions contraignantes, avec notamment une assignation à domicile. M. Armstrong avait été déclaré coupable à l’issue de la tenue d’un procès.

[196]      M. Armstrong et la victime étaient en couple depuis 15 mois. M. Armstrong avait invité la victime chez elle. Au courant de la soirée, elle avait consenti à avoir des rapports sexuels avec lui et lui avait fait une fellation. M. Armstrong avait ensuite inséré son pénis dans l’anus de la victime alors qu’elle s’y opposait et avait tenté de le repousser.

[197]      M. Armstrong était âgé de 64 ans et n’avait pas d’antécédents judiciaires. Il avait des enfants issus de diverses relations antérieures. Il s’était endetté pour satisfaire à ses obligations alimentaires envers ses enfants. Il avait toujours été un actif pour la société mais ne travaillait plus en raison de graves problèmes de santé. Il ne reconnaissait pas avoir commis l’infraction et n’exprimait pas de remords. La preuve révélait que l’imposition d’une peine incarcération aurait eu des effets très néfastes sur sa santé dans la mesure où son état nécessitait des soins continus et spécialisés.

[198]      La victime souffrait toujours de séquelles psychologiques importantes au moment de l’audience sur la peine : insomnie, cauchemars, sentiment de honte et de trahison.

[199]      Le poursuivant suggérait une peine de pénitencier d’une durée de trois ans. La défense plaidait en faveur d’une peine non privative de liberté, en l’occurrence une sentence suspendue.  La Cour, s’appuyant sur l’arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario dans C.R., souligne l’existence d’un abus de confiance commis par M. Armstrong compte tenu de son historique relationnel avec la victime et retient également la pénétration anale comme circonstance aggravante.

[200]      Malgré cela, la Cour conclut que la situation exceptionnelle de M. Armstrong à savoir son état de santé précaire justifie de surseoir au prononcé de la peine. La Cour mentionne toutefois ce qui suit: "I am satisfied that, without factoring in Mr. Armstrong’s health, a fit sentence for this offence would be 22 months ".

  • R. v. G.T., 2022 ONSC 2619

[201]      La Cour supérieure de l’Ontario impose une peine de 12 mois d’emprisonnement avec un sursis après avoir statué, dans une décision antérieure, que l’interdiction d’imposer une telle peine pour une agression sexuelle poursuivie par mise en accusation violait l’article 7 de la Charte et était inopérante. G.T. avait été déclaré coupable de l’infraction.

[202]      G.T. et la victime travaillaient ensemble dans un camp d’été pour jeunes. Ils se connaissaient, sans être amis. Après avoir consommé de l’alcool, ils s’étaient embrassés autour d’un feu de camp. G.T. avait ensuite fait un commentaire vulgaire suggérant qu’il souhaitait avoir une relation sexuelle avec la victime. Elle lui avait signifié un refus et avait décidé de quitter les lieux pour retourner dans sa chambre. G.T. l’avait suivie à son insu. Une fois dans la chambre, ils avaient eu des rapports sexuels finalement consensuels dont une relation complète avec pénétration vaginale. Dans le cadre de ses rapports, G.T. avait toutefois frotté son pénis sur la région anale de la victime sans son consentement. G.T. avait également inséré ses doigts dans son anus à plusieurs reprises, et ce malgré le refus manifesté par la victime.

[203]      G.T. était âgé de 23 ans. Il n’avait aucun antécédent judiciaire ni historique de violence. Il possédait un emploi. En attente du procès, il avait amorcé des études universitaires, mais les avait abandonnées en cours de route. Il avait respecté toutes ses conditions de mise en liberté. Il ne reconnaissait qu’à demi-mot avoir commis une erreur. Dans sa déclaration écrite, la victime avait notamment rapporté avoir vécu un traumatisme et avoir craint de retourner dans sa ville natale, conscient que G.T. y étudiait. L’agression avait aussi eu pour conséquence de l’isoler de ses amis.

[204]      La Cour est d’avis qu’une absolution conditionnelle serait contraire à l’intérêt public. Elle examine ensuite la possibilité d’imposer une peine d’emprisonnement avec sursis.  Bien qu’elle assimile le comportement de G.T. à celui d’un prédateur, la Cour tient compte de l’existence de plusieurs circonstances atténuantes au dossier et de l’écoulement du temps.  Elle estime que G.T. ne pose pas un danger pour la collectivité. Elle rappelle qu’un emprisonnement avec sursis peut avoir un effet dénonciateur et dissuasif. Enfin, elle conclut que cette mesure n’est pas, dans les circonstances, incompatible avec les objectifs sentenciels. La Cour s’exprime comme suit :

I acknowledge that there are numerous cases that hold that a conditional sentence for sexual assault requires exceptional circumstances, but these cases usually involve significant aggravating factors, such as a child victim, a victim who is incapable of consenting or the presence of gratuitous violence, all of which are absent in this case. 

In addition, I find that the lengthy period of time taken to complete this case, the protracted period of pretrial bail and the associated prolonged period of jeopardy and limitations on G.T.’s liberty interests are powerful mitigating factors. I acknowledge that part of the delay is attributable to the global pandemic. I acknowledge as well that several months were taken up by the successful defence decision to seek a constitutional determination regarding the availability of a conditional sentence. However, these considerations do not change the fact that G.T. has been caught up in the criminal justice system for an excessive period of time. […] A fit and appropriate sentence must reflect this reality [...][122].

 

  • R. c. M.B., 2022 QCCA 1515

[205]      Les faits de cette affaire comportent moins de dénominateurs communs que les décisions évoquées précédemment. En revanche, l’agression sexuelle s’inscrit également dans un contexte conjugal. Il s’agit d’un arrêt du plus haut tribunal de notre province prononcé très récemment. Il illustre l’importance accordée au principe de l’individualisation de la peine.

[206]      La Cour d’appel maintient une peine d’incarcération discontinue de 90 jours et une période de probation de trois ans, assortie d’une série de conditions, incluant une obligation d’effectuer 240 heures de travaux communautaires. M.B. avait enregistré un plaidoyer de culpabilité pour une agression sexuelle commise à l’endroit de sa conjointe.

[207]      Ils formaient un couple depuis 13 ans et parents d’un jeune garçon. Au cours de la soirée des événements, M.B. et la victime avaient bu de l’alcool en grande quantité. La victime était partie se coucher. M.B. l’avait rejointe plus tard et l’avait pénétrée (relation vaginale) alors qu’elle était endormie. Le lendemain, la victime avait confronté M.B. Il avait immédiatement présenté des excuses. La victime avait mis un terme à leur relation sur le champ.

[208]      M.B. avait une condamnation antérieure pour un geste à caractère sexuel sur l’une des filles de la victime, née d’une relation antérieure. Il s’était vu imposer une sentence suspendue assortie d’une probation de trois ans. Il avait suivi une thérapie et avait éventuellement réintégré le domicile familial avec l’accord de la victime et la Direction de la protection de la jeunesse.

[209]      Le rapport présentenciel et l’expertise sexologique concluaient que M.B. tendait à rejeter le blâme sur l’alcool mais faisait preuve d’empathie envers la victime. Les remords étaient jugés sincères. Aucune déviance sexuelle n’avait été identifiée et le risque de récidive était évalué à faible. M.B. avait plaidé coupable à la première occasion et avait offert sa pleine collaboration dans le cadre du processus d’imposition de la peine. Il se disait prêt à entreprendre une thérapie spécialisée. N’eût été la présence de ces circonstances atténuantes, le juge de première instance, comme il prend soin de le préciser dans son jugement, aurait imposé une peine d’emprisonnement continue sans doute plus lourde[123].

[210]      La Cour d’appel rejette l’argument voulant que le juge de première instance ait occulté les objectifs de dénonciation et de dissuasion. Elle note que le juge a bien indiqué que les gestes posés par M.B. étaient sérieux et devaient être dénoncés avec vigueur. La Cour souligne qu’il était loisible au juge de première instance de favoriser la réinsertion sociale de M.B., notamment dans la mesure où ce dernier occupait un emploi, était un actif pour la société et s’impliquait auprès de son fils.

[211]      La Cour met également l’accent sur le fait que l’obligation d’effectuer des travaux communautaires contribue à l’objectif de dissuasion individuelle du contrevenant à commettre d’autres infractions en plus de favoriser sa réinsertion sociale. La Cour conclut son analyse comme suit :

Ici, dans son exercice d’individualisation de la peine, le juge a pris en compte tous les facteurs, critères et considérations pertinents. Si la peine est indéniablement clémente, le requérant ne parvient pas à convaincre qu’elle est manifestement non indiquée, compte tenu des circonstances particulières de cette affaire[124].

LA PEINE INDIQUÉE : INDIVIDUALISATION ET PROPORTIONNALITÉ

[212]      Avant d’identifier la peine indiquée, certains constats se dégagent de la jurisprudence étudiée :

      Une agression sexuelle avec pénétration complète commande normalement de prioriser les objectifs de dénonciation et de dissuasion. Ce geste entraîne généralement l’imposition d’une peine d’incarcération, et ce même lorsque l’agresseur n’a pas d’antécédents judiciaires (voir notamment les affaires Côté, Bouchard et Oum), reconnaît sa culpabilité et/ou exprime des remords sincères (c’est le cas notamment dans les affaires Côté, Masse, Précourt).

      La commission d’une agression sexuelle emporte dans tous les cas des conséquences graves (à des degrés variables) pour les victimes, en particulier sur le plan psychologique.

      Une agression sexuelle commise dans un contexte où l’agresseur et la victime ont un historique relationnel (conjoints, ex-conjoints, liens amicaux) se caractérise par un abus de confiance – une circonstance aggravante (voir notamment les affaires Bouchard, Oum, C.R. et Armstrong).

      Le fait que l’agression sexuelle survienne dans le cadre de rapports sexuels initialement consensuels ne devrait pas favoriser un allègement de la peine (voir notamment les affaires Taylor et C.R.).

      À quelques exceptions près (les affaires Ouellet et Précourt), les peines sont habituellement plus sévères lorsque l’agression sexuelle est commise avec des gestes de violence extrinsèque et/ou lorsque la victime est incapable de consentir en raison d’un degré d’intoxication particulièrement élevé, d’un état d’inconscience ou de sommeil (c’est notamment le cas dans les affaires Côté, Bouchard et Oum).

      En présence d’une seule victime et d’une seule agression de gravité moindre ou relative, la peine devrait généralement en être une de la première catégorie, soit entre 12 et 20 mois (voir notamment les affaires Côté, Oum et, dans une certaine mesure, Armstrong, dans laquelle le juge mentionne que n’eût été de l’état de santé de M. Armstrong, il aurait imposé une peine d’emprisonnement ferme de 22 mois).

      L’emprisonnement avec sursis n’est pas une peine indiquée lorsque le besoin de dénonciation et dissuasion est si pressant que l’incarcération est la seule peine pouvant convenir pour adéquatement exprimer la réprobation de la société à l’égard du comportement de l’agresseur sexuel (c’est notamment le cas dans les affaires Bouchard, Taylor et C.R.).

      Les tribunaux font preuve de davantage de clémence lorsque les circonstances permettent d’accorder un poids plus important à la réinsertion sociale, malgré la gravité élevée de l’infraction commise. C’est notamment le cas en présence d’une réhabilitation convaincante, d’un faible risque de récidive et lorsque l’objectif de dissuasion spécifique est atteint (voir les affaires Ouellet, Précourt, Masse, G.T.). Cela peut également exceptionnellement être le cas lorsque l’état de santé de l’accusé est précaire (voir l’affaire Armstrong).

      Une peine d’emprisonnement avec sursis (lorsque cette mesure est disponible) est envisageable dans des circonstances analogues au présent dossier, y compris en l’absence d’un plaidoyer de culpabilité. L’affaire G.T. en est une illustration.

      Selon la Cour d’appel du Québec, une peine indéniablement clémente, même en matière d’agression sexuelle, n’est pas manifestement non indiquée (voir l’affaire M.B.).

      Au moment de l’imposition de la peine dans les affaires Ouellet, Précourt et M.B. 90 jours à être purgés de façon discontinue dans les trois cas l’emprisonnement avec sursis n’était pas une mesure disponible pour une agression sexuelle poursuivie par mise en accusation.

[213]      Évidemment ce ne sont là que des constats génériques et non des règles absolues. Ils servent de lignes directrices au juge chargé d’élaborer une peine proportionnée. La détermination d’une peine demeure une opération éminemment individualisée qui ne se limite pas à un calcul purement mathématique.

[214]      Le principe de l’individualisation peut, lorsque les circonstances s’y prêtent notamment en présence d’une preuve probante de réhabilitation , justifier l’imposition d’une peine en marge de la fourchette applicable. Tout dépend de la gravité de l’infraction, du degré de responsabilité du délinquant et des circonstances particulières de chaque cas[125]. En d’autres mots, tout dépend du caractère proportionnel ou non de la peine. Comme l’écrit la Cour suprême dans R. c. Parranto[126], en citant l’arrêt R. c. Lacasse[127] :

La proportionnalité se détermine à la fois sur une base individuelle, c’estàdire à l’égard de l’accusé luimême et de l’infraction qu’il a commise, ainsi que sur une base comparative des peines infligées pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables[128].

[215]      Maintenant, à la lumière des constats dressés à partir de la jurisprudence pertinente (c’est-à-dire : la prise en compte du principe d’harmonisation des peines) et des circonstances propres au dossier (c’est-à-dire : la prise en compte du principe d’individualisation des peines), quelle est la peine juste et appropriée à imposer au délinquant?

[216]           La présente affaire ne justifie pas l’infliction d’une peine moins contraignante ou substitutive à l’emprisonnement (ferme ou avec sursis). L’avocate du délinquant en convient, d’où sa suggestion d’une peine de quatre mois d’emprisonnement avec sursis. Puisque le délinquant sollicite une telle mesure, il est d’abord nécessaire d’évaluer s’il devrait être condamné à une peine inférieure à deux ans – ce qui peut être qualifié de première condition de l’octroi d’un sursis au sens de l’article 742.1 C.cr.

[217]           Si l’on se fie aux propos tenus par la Cour d’appel du Québec dans les affaires Côté et Oum, la fourchette des peines applicables dans des circonstances analogues aux nôtres se situe généralement entre 12 mois et 20 mois d’emprisonnement.

[218]           Cette fourchette est comprise dans la première catégorie identifiée par les auteurs Parent et Desrosiers[129]. Rappelons-le, cette catégorie vise les peines de moins de deux ans imposées pour des gestes de peu de gravité ou survenus en de rares occasions ou durant une courte durée, commis à l’endroit d’une seule victime.

[219]           Si les gestes posés par le délinquant sont survenus à une seule reprise et ont été commis à l’endroit d’une seule victime, ils ne sont pas de peu de gravité. Une telle conclusion aurait pour effet de les banaliser. Les gestes sont graves. Le délinquant a voulu assouvir une pulsion sexuelle en ne se souciant aucunement de l’état d’esprit de la victime et de la manifestation de son refus non équivoque. J’estime que le présent dossier se situe dans la partie supérieure de la fourchette de peines de la première catégorie.

[220]           J’irais même jusqu’à dire qu’il s’agit d’un cas qui se rapproche de la limite entre la première catégorie et la deuxième catégorie des peines généralement infligées – la deuxième catégorie visant notamment des gestes graves impliquant un abus de confiance, en l’absence d’antécédents judiciaires ou de violence extrinsèque, ce qui est le cas en l’espèce.

[221]           Le quantum de 15 mois proposé par le poursuivant se situe donc à l’intérieur de la fourchette des peines applicables. Le procureur du poursuivant soutient que le quantum de la peine imposée au délinquant devrait être inférieure au quantum de la peine infligée à M. Côté et M. Oum (18 mois ferme) car l’agression sexuelle a été précédée d’une relation complète (vaginale) consensuelle. À la lecture des arrêts Taylor et C.R., avec égards, je ne suis pas convaincu par ce raisonnement.

[222]           Cela dit, la situation personnelle du délinquant, l’absence d’un risque de récidive et sa réhabilitation sont autant de facteurs exerçant une pression à la baisse sur la peine à imposer, de sorte qu’il ne serait pas déraisonnable d’imposer une peine inférieure à celle se situant à la frontière de la première catégorie et deuxième catégorie.

[223]           Une peine inférieure à deux ans m’apparaît donc indiquée dans les circonstances. Le quantum de quatre mois proposé par le délinquant n’est toutefois pas justifié au vu des faits de la cause et de la jurisprudence pertinente. Cette conclusion ne met pas pour autant fin au débat. Si une peine provinciale est effectivement appropriée, je dois encore déterminer si le délinquant doit la purger dans la collectivité plutôt qu’entre les quatre murs d’un établissement de détention.

[224]      Ainsi, il importe maintenant de se pencher sur les deux autres conditions de l’octroi d’un sursis. D’une part, la mesure ne doit pas mettre en danger la sécurité de la collectivité et, d’autre part, elle doit être conforme à l’objectif essentiel et aux principes énoncés aux articles 718 à 718.2 C.cr. Qu’en est-il?

[225]      Compte tenu du profil du délinquant, l’imposition d’une peine d’emprisonnement avec sursis ne mettrait pas en danger la sécurité de la collectivité. Le poursuivant en convient. Inutile d’épiloguer, le risque de récidive est très faible, voire nul, et le délinquant ne présente pas de problèmes en matière de dissuasion spécifique. Comme le prescrit la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Proulx[130], je dois donc envisager sérieusement la possibilité de prononcer l’emprisonnement avec sursis en me demandant si pareille sanction est conforme à l’objectif et aux principes de la détermination de la peine visés aux articles 718 à 718.2 C.cr.

[226]      Sous réserve du principe de l’individualisation, la logique veut qu’une peine se situant à l’intérieur de la fourchette des peines applicables ait davantage tendance à être conforme aux objectifs pénologiques. Il est difficile d’évaluer si une peine d’emprisonnement avec sursis se situe réellement en marge des peines applicables pour des agressions sexuelles semblables, commises dans des circonstances semblables à celles du présent dossier. En effet, cette mesure n’était pas disponible pour des agressions sexuelles poursuivies par mise en accusation entre 2007 et 2022. Il n’est donc pas surprenant que la jurisprudence récente soit avare de commentaires à ce sujet.

[227]           Il m’apparaît cependant raisonnable de conclure que l’emprisonnement discontinu, même assorti de l’obligation d’effectuer des travaux communautaires, n’est pas, en principe, dans les normes en matière d’agression sexuelle commise dans un contexte similaire au présent dossier. S’il l’emprisonnement avec sursis avait été disponible dans les affaires Ouellet, Précourt et M.B., il y a fort à parier que les tribunaux auraient vraisemblablement opté pour cette mesure plutôt qu’une peine d’incarcération discontinue d’une durée de 90 jours. En ce sens, il est permis d’affirmer que l’emprisonnement avec sursis est effectivement une peine qui se situe en marge de la fourchette des peines applicables. D’ailleurs, l’emprisonnement avec sursis est plus rarement accordé pour un crime d’agression sexuelle[131].

[228]           Cela étant, il est bien reconnu qu’une peine se situant en marge de la fourchette des peines applicables peut tout de même être une peine respectant le principe fondamental de la proportionnalité et, par le fait même, être conforme à l’objectif essentiel et les principes énoncés aux articles 718 à 718.2 C.cr.

[229]           En l’espèce, une sentence d’emprisonnement avec sursis serait conforme aux objectifs correctifs poursuivis par le législateur qui sont ceux de la réinsertion sociale du délinquant, la réparation des torts causés à la collectivité et une prise de conscience plus accrue de ses responsabilités. Comme le souligne la Cour suprême dans l’arrêt Proulx, l’emprisonnement dans la communauté est généralement plus propice à la réalisation de ces objectifs que l’incarcération[132].   

[230]           Reste à évaluer si la mesure serait conforme aux objectifs punitifs, en particulier ceux de la dénonciation et de la dissuasion, qui revêtent une importance prépondérante en matière d’infractions d’ordre sexuel. Un rappel ici de certains éléments pertinents énoncés par la Cour suprême dans l’arrêt Proulx est de mise.

-          Il n’existe pas de présomption d’applicabilité ou d’inapplicabilité du sursis à l’emprisonnement à certaines infractions données[133] (y compris l’infraction d’agression sexuelle poursuivie par mise en accusation, celle-ci n’étant plus exclue du champ d’application de l’emprisonnement avec sursis).

-          L’emprisonnement avec sursis peut avoir un effet dénonciateur et dissuasif appréciable. Lorsqu’il est possible de combiner des objectifs punitifs et des objectifs correctifs, l’emprisonnement avec sursis sera vraisemblablement une sanction plus appropriée que l’incarcération[134].

-          Lorsque des objectifs tels que la dénonciation et la dissuasion sont particulièrement pressants, l’incarcération sera généralement la sanction préférable, et ce en dépit du fait que l’emprisonnement avec sursis pourrait permettre la réalisation d’objectifs correctifs[135].

-          L’incarcération produit habituellement un effet dénonciateur plus grand que l’emprisonnement avec sursis, mesure généralement plus clémente qu’une peine d’emprisonnement ferme de durée équivalente. Cependant, selon la nature des conditions imposées dans l’ordonnance de sursis, la durée de celleci et la situation du délinquant et de la collectivité au sein de laquelle il purgera sa peine, il est possible que l’emprisonnement avec sursis ait un effet dénonciateur et dissuasif suffisant, même dans les cas où les objectifs correctifs présentent moins d’importance[136].

-          Le sursis à l’emprisonnement peut être octroyé même dans les cas où il y a des circonstances aggravantes liées à la perpétration de l’infraction ou à la situation du délinquant, quoique la présence de telles circonstances augmente le besoin de dénonciation et de dissuasion[137].

[231]           Dans le cas qui nous occupe, les objectifs de dénonciation et de dissuasion sont-ils si pressants au point de devoir inévitablement écarter une peine d’emprisonnement avec sursis?

[232]           D’abord, les circonstances du présent dossier se distinguent de celles dans Bouchard, Taylor et C.R., affaires dans lesquelles l’emprisonnement avec sursis est écarté au motif que seule l’incarcération peut permettre la réalisation des objectifs de dénonciation et de dissuasion.

[233]           Contrairement aux affaires Bouchard et C.R. (la deuxième agression), il n’y pas dans notre dossier de gestes de violence extrinsèque commis par le délinquant dans le but d’imposer sa volonté à la victime.  À l’inverse du délinquant, M. Taylor possédait un antécédent judiciaire et le risque de récidive ne pouvait être écarté. Dans C.R., l’accusé avait commis deux agressions sexuelles, élément ayant contribué à l’imposition d’une peine de pénitencier. Au surplus, la Cour d’appel de l’Ontario prend soin de préciser qu’un autre juge aurait effectivement pu imposer une peine moins contraignante que l’incarcération (" a non-custodial sentence") pour la première agression, celle comportant des faits analogues au présent dossier[138].

[234]           Les circonstances de notre dossier se rapprochent davantage de celles dans G.T., affaire dans laquelle la Cour supérieure de l’Ontario privilégie l’emprisonnement avec sursis d’une durée de 12 mois. Dans G.T., l’agression sexuelle impliquait des attouchements au niveau de l’anus après avoir eu des rapports sexuels initialement consensuels. Comme le délinquant, l’accusé G.T. n’avait pas reconnu sa culpabilité, mais présentait un profil favorable (pas d’antécédents judiciaires, emploi, respect des conditions de mise en liberté) et de bonnes perspectives de réhabilitation. La Cour supérieure de l’Ontario tient également compte de la durée des procédures comme un facteur pertinent militant en faveur d’un allègement de la peine – un facteur dont je dois également tenir compte, et ce même dans une mesure limitée.

[235]           Par ailleurs, la gravité de l’agression sexuelle commise par le délinquant n’est pas supérieure à celle des agressions sexuelles commises dans Ouellet, Précourt et M. B. Or, ces jugements se sont tous soldés par l’imposition d’une peine d’emprisonnement de 90 jours discontinus – peine qualifiée d’indéniablement clémente par la Cour d’appel du Québec dans M.B. J’ajouterais que le degré de responsabilité du délinquant ne diffère pas substantiellement de celui des accusés dans ces trois affaires. À certains égards, on pourrait même dire qu’il est moindre. Comme eux, le délinquant présente un profil plutôt favorable.

[236]           En l’espèce, l’emprisonnement avec sursis ne compromettrait pas la réalisation de l’objectif de dissuasion spécifique, celui-ci étant déjà atteint. Bien que le délinquant soit sans emploi, j’estime tout de même être en présence d’une démonstration probante de réhabilitation. Encore une fois, les démarches thérapeutiques entreprises par le délinquant, son introspection, l’amélioration de ses aptitudes en matière de communication relationnelle, les conséquences de la stigmatisation reliée aux diverses publications sur les réseaux sociaux, l’impact du processus judiciaire, les huit années et plus écoulées depuis l’infraction sans quelconque récidive délictuelle et les valeurs prosociales du délinquant participent à ce constat.

[237]           Soulignons que lorsque la dissuasion spécifique est acquise, une importante partie de la dimension individuelle de la peine est atteinte, en plus de constituer un élément rassurant dans une perspective de protection sociale[139].

[238]           Quant à l’objectif de dissuasion générale, la Cour suprême dans l’arrêt Proulx indique que les juges doivent prendre soin de ne pas accorder un poids excessif à cet objectif quand ils choisissent entre l’incarcération et l’emprisonnement avec sursis[140]. Selon la Cour, la preuve empirique suggère que l’effet dissuasif de l’incarcération et incertain[141]. Qui plus est, la Cour est d’avis que l’emprisonnement avec sursis peut avoir un effet dissuasif général appréciable si la mesure est assortie de conditions suffisamment punitives, notamment par le recours à des ordonnances de service communautaire[142].  

[239]           Pareillement, une ordonnance de sursis d’une durée d’application plus longue que la peine d’incarcération qui aurait autrement été infligée et l’imposition de conditions punitives, comme le confinement au domicile, peuvent satisfaire l’objectif de dénonciation générale[143]. À cet égard, la Cour suprême tient les propos suivants :

Il ne faut pas sous-estimer les stigmates d’une ordonnance de sursis à l’emprisonnement assortie de la détention à domicile.  Le fait que le délinquant vive dans la collectivité sous des conditions strictes et que ses voisins soient bien au fait de son comportement criminel peut, dans bien des cas, produire un effet dénonciateur suffisant.  Dans certaines circonstances, en raison de la honte que le délinquant ressent lorsqu’il rencontre des membres de la collectivité, il peut même être plus difficile pour ce dernier de purger sa peine au sein de la collectivité qu’en prison[144].

[240]           Il est incontestable que l’infraction commise par le délinquant est grave et qu’elle a eu et continue d’avoir d’importantes répercussions sur la victime. Je reconnais également que la culpabilité morale du délinquant est élevée.

[241]           La gravité de l’infraction et le degré de responsabilité du délinquant ne sauraient toutefois éclipser la prise en compte de sa situation personnelle, en particulier sa réhabilitation et la quasi-absence d’un risque de récidive. Rappelons ici que je ne dois pas punir le crime, mais son auteur. Le contraire risquerait d’enfreindre la règle de la proportionnalité. S’il n’est pas question d’occulter la présence de circonstances aggravantes, force est de constater que le délinquant bénéficie de plusieurs facteurs d’atténuation.

[242]           Même lorsque les objectifs de dissuasion et de dénonciation sont sollicités, l’exercice de détermination de la peine ne doit pas amener le juge à ignorer les autres objectifs[145]. De plus, sans nier l’importance de la dénonciation et de la dissuasion générale associées à certains crimes (dont le crime d’agression sexuelle), le critère de la réadaptation, lorsqu’il fait l’objet d’une démonstration particulièrement convaincante, pourra devenir prééminent lors de la détermination de la peine[146]. Cela ne veut pas autant dire que le critère de la réhabilitation doit nécessairement avoir préséance sur les objectifs de dénonciation et de dissuasion dans la présente affaire. Je dois cependant lui accorder un poids appréciable.

[243]           Pour toutes ces raisons, j’estime que les objectifs de dénonciation et de dissuasion ne sont pas pressants au point de conclure que l’incarcération est la seule peine qui convienne pour exprimer la réprobation de la société à l’égard du comportement du délinquant.

[244]           La peine d’incarcération suggérée par le poursuivant n’est pas manifestement non indiquée. Elle pourrait effectivement être considérée comme étant une peine raisonnable. Mais je peux en dire autant, voire davantage, de l’emprisonnement avec sursis, surtout si l’ordonnance est d’une durée d’application plus longue que le quantum proposé par le poursuivant et comporte des conditions rigoureuses à caractère punitif. 

[245]           Le législateur impose l’obligation d’éviter l’excès de nature et de durée dans l’infliction des peines. Je dois examiner la possibilité de sanctions moins contraignantes que l’incarcération, en particulier lorsqu’il s’agit d’imposer une peine à un délinquant primaire. Les circonstances du dossier justifient que je fasse preuve de retenue, d’autant que l’incarcération est une mesure de dernier recours[147].

[246]           Par conséquent, considérant les principes applicables et l’ensemble des circonstances déjà évoquées, incluant la situation personnelle du délinquant, je conclus qu’il y a lieu de privilégier l’emprisonnement avec sursis. Cette mesure permet ici d’atteindre un meilleur équilibre entre les objectifs punitifs et correctifs de la détermination de la peine. La durée d’application de la mesure sera de 20 mois. L’ordonnance comportera notamment l’obligation d’effectuer des travaux communautaires, une condition qui peut aussi répondre aux objectifs de dénonciation et de dissuasion.

[247]           Le délinquant étant sans emploi, le service communautaire pourra vraisemblablement stimuler sa mobilisation professionnelle. L’accomplissement de travaux communautaires pourra également l’aider à réparer les torts qu’il a causés à la collectivité et l’amener à prendre plus amplement conscience de ses responsabilités.

[248]           La peine d’emprisonnement avec sursis sera suivie d’une période probatoire de deux ans comprenant des interdits de contacts avec la victime et les membres de sa famille immédiate. Les modalités précises de la peine seront énoncées dans le dispositif du jugement.

[249]           Avant de clore cette rubrique, le procureur du poursuivant m’a fait parvenir à l’aube du prononcé du présent jugement la plus récente décision de la Cour d’appel du Québec en matière de peine pour une infraction d’agression sexuelle, à savoir l’arrêt        R. c. Houle[148]. La Cour d’appel y infirme une ordonnance d’absolution conditionnelle pour y substituer une peine d’incarcération d’une durée dun an. Si la Cour d’appel met effectivement l’accent sur l’importance de dénoncer vigoureusement le crime d’agression sexuelle, le dossier se distingue à plusieurs égards de celui qui nous occupe.

[250]           Sans faire une revue exhaustive de ces distinctions, il importe de mentionner que l’agression sexuelle dans Houle était accompagnée d’une infraction de voyeurisme (l’accusé avait pris des photos des parties génitales de la victime à son insu et les avait conservés dans son téléphone pendant 44 jours), la victime était endormie au moment des gestes délictuels et M. Houle s’était déjà livré à des attouchements sexuels sur une jeune femme endormie dans le passé.  Contrairement au délinquant, les gestes posés par M. Houle ne pouvaient être assimilés à un accident de parcours ou un événement isolé. Par conséquent, l’arrêt Houle n’altère pas ma conclusion. Il ne fait pas en sorte qu’il faille impérativement prioriser l’incarcération dans le présent dossier.

VII.            LA CONTESTATION CONSTITUTIONNELLE 

 

 

[251]           Dans la requête contestant la constitutionnalité des paragraphes 490012(1) et 490013(2) C.cr., le délinquant allègue que ces dispositions contreviennent aux articles 7 et 12 de la Charte. Elle soutient que le caractère obligatoire de l’inscription au registre des délinquants sexuels pendant une période de 20 ans pour toute personne déclarée coupable d’une infraction désignée passible d’un emprisonnement de dix ou quatorze ans ce qui comprend l’infraction d’agression sexuelle poursuivie par mise en accusation est inconstitutionnel. Le délinquant m’invite à déclarer les paragraphes 490012(1) et 490013(2) C.cr. inopérants pour les fins du présent dossier.

[252]           Bien que la Cour suprême dans l’arrêt Ndholvu ne se prononce pas quant à l’existence d’une violation de l’article 12 de la Charte, elle conclut que l’inscription obligatoire prévue à l’article 490012 C.cr. viole l’article 7 de la Charte et ne peut être sauvegardée par l’article premier. Selon la Cour, cette disposition a une portée excessive parce qu’elle peut entraîner l’inscription de délinquants qui ne présentent pas un risque accru de commettre une autre infraction sexuelle dans le futur. La Cour est d’avis qu’il n’y a aucun lien entre l’inscription de ces délinquants et l’objectif de recueillir, sur les délinquants, des renseignements susceptibles d’aider la police à prévenir les infractions sexuelles et à enquêter sur cellesci.

[253]           La Cour suprême conclut que l’article 490012 C.cr. est inconstitutionnel, donnant ainsi raison aux arguments avancés par le délinquant dans sa requête. Elle estime que la réparation appropriée est une déclaration d’invalidité. Elle suspend toutefois la déclaration d’invalidité pour une période de 12 mois aux motifs suivants :

Déclarer l’art. 490012 inopérant avec effet immédiat empêcherait effectivement les tribunaux d’imposer des ordonnances de la LERDS à tous les délinquants, y compris à ceux qui présentent un risque élevé de récidive. Prononcer une déclaration immédiate d’invalidité pourrait donc mettre en danger l’intérêt public à prévenir les infractions sexuelles commises par des délinquants présentant un risque élevé et à enquêter sur cellesci, ce qui compromettrait la sécurité publique. En contrepartie, il faut tenir compte de l’importance de la violation des droits qui serait temporairement maintenue en raison de la suspension de cette déclaration. Ordonner la suspension irait également à l’encontre de l’intérêt qu’a le public à l’égard d’une loi conforme à la Constitution. Or, tout bien considéré, les circonstances justifient la suspension de l’exécution de la déclaration d’invalidité pour une période de 12 mois[149].

[254]           La Cour ajoute qu’une déclaration d’invalidité avec effet prospectif ne porterait pas indûment préjudice aux délinquants qui sont inscrits depuis 2011, mais dont les droits protégés par l’article 7 sont toujours violés. Ces délinquants pourront demander une réparation personnelle en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte pour être retirés du registre s’ils peuvent démontrer que les effets de la LERDS sur leur droit à la liberté n’ont aucun lien avec l’objectif de l’article 490012 C.cr. ou sont totalement disproportionnés[150].

[255]           La Cour décide d’accorder à M. Ndholvu une réparation personnelle en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte et de l’exempter de la suspension de la déclaration. Selon la Cour, il est généralement souhaitable de ne pas priver le demandeur de l’avantage d’avoir eu gain de cause dans sa contestation constitutionnelle. Le faible risque de récidive justifie l’exemption accordée à M. Ndholvu.

[256]           La Cour suprême précise qu’il n’y a aucun lien entre l’assujettissement de M. Ndholvu à une ordonnance de la LERDS et l’objectif de recueillir au sujet des délinquants des renseignements qui peuvent aider la police à prévenir les infractions sexuelles et à enquêter sur cellesci[151].

[257]           Se pose désormais la question suivante : dois-je ordonner l’inscription du délinquant au registre des délinquants sexuels compte tenu de la suspension de la déclaration d’invalidité de l’article 490012 C.cr. ou peut-il bénéficier d’une exemption ayant eu, comme M. Ndholvu, essentiellement gain de cause dans sa contestation constitutionnelle?

[258]           Dans la foulée du prononcé de l’arrêt Ndholvu, j’ai convoqué les parties pour solliciter leur l’opinion à ce sujet. Tous, y compris le procureur général du Québec, s’accordent pour dire que je suis dans l’obligation d’inscrire le délinquant au registre des délinquants sexuels vu la suspension de la déclaration d’invalidité ordonnée par la Cour suprême.

[259]           Me Brian Nel, avocat du procureur général, soutient cependant que le délinquant peut solliciter un retrait du registre à titre de remède en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte en présentant une requête de façon contemporaine au prononcé de la peine. Le procureur du poursuivant et l’avocate du délinquant adhèrent à cette position.

[260]           Dans la mesure où l’inscription obligatoire au registre des délinquants sexuels enfreint l’article 7 de la Charte, cette prise de position commune me semble légitime, d’autant que la contestation constitutionnelle du délinquant à cet égard est fondée et qu’il ne présente au plus qu’un très faible risque de récidive[152]. Je déciderais s’il y a lieu de retirer le délinquant du registre des délinquants sexuels advenant la présentation d’une requête pour obtenir un remède en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte.

POUR TOUS CES MOTIFS, LE TRIBUNAL

CONDAMNE M. Gravel à une peine d’emprisonnement dans la collectivité d’une durée de 20 mois aux conditions suivantes :

 

  1. Ne pas troubler l’ordre public et avoir une bonne conduite, répondre aux convocations du Tribunal, prévenir le Tribunal ou l’agent de surveillance de ses changements d’adresse ou de nom et de les aviser rapidement de ses changements d’emploi ou d’occupation.

 

  1. Rester dans le ressort du tribunal, sauf permission écrite d’en sortir donné par le tribunal ou l’agent de surveillance.

 

  1. Se présenter à l’agent de surveillance dans un délai de 48 heures de la présente ordonnance et, par la suite, selon les modalités de temps et de forme fixées par l’agent de surveillance.

 

  1. Suivre toutes thérapies recommandées par l’agent de surveillance, le cas échéant.

 

  1. Aviser l’agent de surveillance de ses horaires de recherche d’emploi, de travail et de toutes urgences médicales.

 

  1. Se soumettre à toutes directives écrites de l’agent de surveillance en rapport avec la mise en œuvre des conditions de la présente ordonnance.

 

  1. Effectuer 150 heures de service communautaire dans un délai de 18 mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente ordonnance et respecter les modalités d’exécution indiquées par l’agent de surveillance.

 

  1. Pour les 14 premiers mois de l’ordonnance, être présent à son domicile 24 h sur 24, 7 jours sur 7 sauf :

 

-          Aux fins d’emploi légitime et rémunéré ou dans le cadre de la recherche d’un tel emploi, et ce sur preuve envoyée au préalable à l’agent de surveillance

-          Pour rencontrer l’agent de surveillance.

-          Pour accomplir les heures de service communautaire.

-          Pour entreprendre des démarches thérapeutiques, le cas échéant.

-          Pour se rendre et revenir du Tribunal, le cas échéant.

-          Pour pourvoir à ses besoins alimentaires et les choses nécessaires à la vie tous les dimanches entre 13 h et 16 h.

-          En cas d’urgences médicales.

 

 

  1. Pour les 6 derniers mois de l’ordonnance, être présent à son domicile entre 22 h et 6 h, 7 jours sur 7 sauf :

 

-          Aux fins d’emploi légitime et rémunéré, et ce sur preuve envoyée au préalable à l’agent de surveillance

-          En cas d’urgences médicales.

 

  1. Ne pas communiquer ou tenter de communiquer, de quelque façon que ce soit avec la victime et les membres de sa famille immédiate.

 

  1. Ne pas être en présence physique de la victime ou les membres de sa famille immédiate.

 

  1. Ne pas être dans un rayon de 200 mètres du domicile, lieu de travail ou lieu d’études de la victime.

 

  1. Faire installer une ligne téléphonique terrestre à son domicile dans un délai d’une semaine de la présente ordonnance. Cette ligne devra être en fonction en tout temps et ne pas avoir de mécanisme de renvoi d’appel.

 

  1. Répondre à tous les appels téléphoniques destinés à sa résidence.

 

  1. Laisser en tout temps libre accès à son domicile à l’agent de surveillance ou l’un de ses mandataires.

 

ASSUJETIT M. Gravel à une période de probation d’une durée de 2 ans en vigueur dès l’expiration de la peine d’emprisonnement dans la collectivité, et ce aux conditions suivantes :

 

        Ne pas troubler l’ordre public et avoir une bonne conduite.

 

        Répondre aux convocations du Tribunal.

 

        Prévenir le Tribunal ou l’agent de probation de tout changement d’adresse ou de nom et aviser rapidement le Tribunal ou l’agent de probation de tout changement d’emploi ou d’occupation.

 

        Ne pas communiquer ou tenter de communiquer, de quelque façon que ce soit avec la victime (C.M.F.) et les membres de sa famille immédiate.

 

        Ne pas être en présence physique de la victime ou les membres de sa famille immédiate.

 

        Ne pas être dans un rayon de 200 mètres du domicile, du lieu de travail ou du lieu d’études de la victime.

 

INTERDIT à M. Gravel, en vertu de l’alinéa 109(1)a) C.cr.[153], d’avoir en sa possession des armes à feu autres que des armes à feu prohibées ou des armes à autorisation restreinte arbalètes, armes à autorisation restreinte, munitions et substances explosives pour une période de dix (10) ans (alinéa 109(2)a) C.cr.) et d’avoir en sa possession des armes à feu prohibées, armes à feu à autorisation restreinte, armes prohibées, dispositifs prohibés et munitions prohibées à perpétuité (alinéa 109(2)b) C.cr.)

 

PRONONCE une ordonnance autorisant le prélèvement d’un échantillon d’ADN selon l’alinéa 487.051(1)a) C.cr. 

 

ACCUEILLE la requête en inconstitutionnalité, mais uniquement en ce qui concerne la conclusion selon laquelle l’article 490.012 C.cr. est inconstitutionnel dans la mesure où cette disposition contrevient à l’article 7 de la Charte et ne peut être sauvegardée par l’article premier (R. c. Ndholvu, 2022 CSC 38).

 

ORDONNE à M. Gravel, de se conformer à la LERDS pour une durée de 20 ans conformément aux paragraphes 490.012(1) et 490.013(2) C.cr.

 

RÉSERVE à M. Gravel le droit de demander une réparation personnelle en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte pour être retiré du registre des délinquants sexuels.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DAVID SIMON, J.C.Q.

 

 

  

 

 

Me Alexis Dinelle

 

Procureur du poursuivant

 

Me Brian Nel

Avocat du procureur général du Québec

 

 

 

Me Anne-Sophie Dagenais

 

Avocate du délinquant

 

Dates d’audience : 6 octobre 2021, 4 octobre 2022 et 21 novembre 2022.

 

 

 


[1]  Transcription révisée d’un jugement rendu oralement le 30 janvier 2023. Les motifs ont été remaniés uniquement pour en améliorer la présentation et la compréhension (Kellogg’s Company of Canada c. P.G. du Québec, [1978] C.A. 258, p. 259-260).

[2]  R. c. Gravel, 2018 QCCQ 3704 (jugement sur la culpabilité).

[3]  Les jugements portant sur les requêtes connexes sont les suivants : Gravel c. R., 2019 QCCQ 3187 (jugement relatif à une requête pour huis clos, non-publication et mises sous scellé temporaires et à une requête en rejet sommaire); R. c. Gravel, 2019 QCCQ 4113 (jugement relatif à une requête en rejet sommaire d’une requête en arrêt des procédures ou en avortement de procès); Gravel c. R., 2019 QCCQ 8674 (jugement relatif à une requête de type «Stinchcombe»); R. c. Gravel, 2020 QCCQ 987 (jugement relatif à une requête pour excuser un témoin); Gravel c. R., 2020 QCCQ 1345 (jugement relatif à une demande de réouverture de la preuve ou de faire une contre-preuve dans le cadre d’une requête en arrêt des procédures ou en avortement de procès).

[4]  Gravel c. R., 2021 QCCQ 5090.

[5]  Me Dagenais n’a pas identifié le nombre d’heures de travaux communautaires, le laissant à ma discrétion.

[6]  R. c. Ndholvu, 2022 CSC 38.

[7]  Loi modifiant le Code Criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, L.C., 2022, c. 15.

[8]  Voir ARGP-1 et ARGD-1 (les arguments écrits ont été déposés au dossier de la Cour).

[9]  R. c. Gravel, 2018 QCCQ 3704.

[10]  Mentionnons que le délinquant portait un préservatif (« condom »). Il s’agissait donc d’une relation sexuelle protégée. 

[11]  R. c. Gravel, 2018 QCCQ 3704, par. 153.

[12]  Ibid.

[13]  Ces renseignements n’ont pas été rapportés par la victime lors de son témoignage au procès. Ils proviennent de la preuve administrée dans le cadre de l’audition de RD2. Or, les parties ont convenu que je pouvais tenir compte de ces éléments de preuve (y compris le témoignage du délinquant lors du voir-dire) au stade de la détermination de la peine. 

[14]  P-1a) au procès (transcription de la déclaration extrajudiciaire), p. 74. « Q. » réfère aux questions de l’enquêteur et « R. » aux réponses du délinquant.

[15]  R. c. Gravel, 2018 QCCQ 3704, en particulier les paragraphes 70, 153, 154, 157, 160, 161.

[16]  R. c. Gravel, 2018 QCCQ 3704, par. 163.

[17]  SP-1.

[18]  R. c. Gravel, 2018 QCCQ 3704, par. 147-148.

[19]  SP-2.

[20]  C’est ainsi que s’intitule la première partie du RPS. Voir SP-2, p. 3-6.

[21]  Le jugement sur la culpabilité a effectivement été porté en appel.

[22]  SP-2, p. 7-8.

[23]  SP-3.

[24]  RD2-18 et RD2-19, en liasse.

[25]  RD2-23, en liasse.

[26]  RD2-21.

[27]  RD2-22.

[28]  RD2-24, en liasse.

[29]  Affirmation faite dans le cadre de la requête pour huis clos, non-publication et mises sous scellé temporaires et à une requête en rejet sommaire (« RD1 »). Voir Gravel c. R., 2019 QCCQ 3187, par. 26-27.

[30]  RD2-6.

[31]  Notes sténographiques (RD2), 4 novembre 2019, p. 35.

[32]  Id., p. 33-40.

[33]  SD-1, en liasse.

[34]  R. c. Nasogaluak, 2010 CSC 6.

[35]  Id., par. 43.

[36]  R. c. Gravel, 2018 QCCA 1114, par. 14.

[37]  Article 752 C.cr.

[38]  Bernatchez c. R., 2013 QCCA 701, par. 106.

[39]  R. c. D.A.I., 2012 CSC 5, par. 1; R. c. Bitemo Kifoueti, 2021 QCCQ 2389, par. 16.

[40]  R. c. Célestin, 2021 QCCQ 8927, par. 27-28.

[41]  R. c. Suter, 2018 CSC 34, par. 49.

[42]  Voir également R. c. Fice, 2005 CSC 32 ; Bernard c. R., 2019 QCCA 638, par. 37 ; R. c. Sanon, 2018 QCCA 892, par. 36-37.

[43]  Émond c. R., 2019 QCCA 317, par. 38-40.

[44]  R. c. A.G., 2018 QCCA 1950, par. 15.

[45]  R. c. Cook, 2009 QCCA 2423, par. 82-83.

[46]  R. v. C.R., 2010 ONCA 176.

[47]  J.P. était la victime ; C.R. l’accusé. Séparés au moment des événements, ils avaient été en couple pendant 18 mois.

[48]  R. v. C.R., 2010 ONCA 176, par. 85-86. Voir aussi R. v. McGregor, 2008 ONCA 831, par. 30-31.

[49]  À tort si l’on se fie au témoignage de la victime. Elle a effectivement nié avoir été abusée sexuellement dans le passé.

[50]  R. c. Friesen, 2020 CSC 9, par. 118; R. c. Goldfinch, 2019 CSC 38, par. 37.

[51]  Voir également l’alinéa 718.2a)(iii.1) C.cr.

[52]  Lacelle Belec c. R., 2019 QCCA 711, par. 43; R. c. Barrett, 2013 QCCA 1352, par. 21; R. c. Gavin, 2009 QCCA 1.

[53]  Deng c. R., 2003 CanLII 75168, par. 27.

[54]  Roy c. R., 2010 QCCA 16, par. 59-62.

[55]  Voir l’extrait de la déclaration extrajudiciaire reproduit au paragraphe 30 du présent jugement.

[56]  R. c. R. (S.), 2008 QCCA 2359, par. 17.

[57]  Le délinquant faisait initialement l’objet d’une accusation de séquestration, mais celle-ci a été retirée par le poursuivant à la date prévue pour la tenue de l’enquête préliminaire.

[58]  Harbour c. R., 2017 QCCA 2014.

[59]  Notes sténographiques du 4 novembre 2019 (RD2), p. 39-40.

[60]  Selon le procureur du poursuivant, il s’agirait d’un article rédigé par Isabelle Richer en 2019. 

[61]  RD2-18 et RD2-19, en liasse.

[62]  Gravel c. R., 2021 QCCQ 5090, par. 211.

[63]  RD2-23, en liasse.

[64]  RD2-23, en liasse; RD2-25, en liasse.

[65]  Il y a ici un parallèle à faire avec la médiatisation. Voir R. c. Savard, 2016 QCCA 381, par. 20; R. v. Chav, 2012 QCCA 354, par. 20; R. c. Depairon, 2021 QCCQ 13330, par. 74; R. c. Chikhi, 2018 QCCQ 2383, par. 42.

[66]  R. c. Depairon, 2021 QCCQ 13330, par. 74; R. c. Chikhi, 2018 QCCQ 2383, par. 43.

[67]  R. c. Suter, 2018 CSC 34.

[68]  Id., par. 45-46, 48.

[69]  R. c. Nasogaluak, 2010 CSC 6, par. 53 (soulignements ajoutés).

[70]  R. c. Yessaian, 2014 QCCA 1161.

[71]  Id., par. 132.

[72]  Denis c. R., 2018 QCCA 1137.

[73]  Denis c. R., 2018 QCCA 1137, par. 22.

[74]  R. c. D’Amato, 2020 QCCA 1380.

[75]  R. c. D’Amato, 2020 QCCA 1380, par. 26-30, 42 (soulignements ajoutés).

[76]  Gravel c. R., 2021 QCCQ 5090, par. 516.

[77]  Id., par. 536.

[78]  Id., par. 588.

[79]  Id., par. 546-556.

[80]  Id., par. 570.

[81]  Gravel c. R., 2021 QCCQ 5090, par. 571-573 (soulignements ajoutés).

[82]  Voir les paragraphes 55 à 58 du présent jugement.

[83]  Gravel c. R., 2021 QCCQ 5090, par. 583.

[84]  Id., par. 582.

[85]  Id., par. 583.

[86]  Gravel c. R., 2021 QCCQ 5090, par. 616-618.

[87]  J’ai conclu que le formulaire aurait pu affaiblir la crédibilité de la victime, mais sans incidence sur l’issue du procès ou son caractère équitable compte tenu de l’ensemble de la preuve administrée, en particulier les composantes incriminantes de la déclaration extrajudiciaire du délinquant. Voir notamment les paragraphes 718 et 729 du jugement relatif à RD2.

[88]  Gravel c. R., 2021 QCCQ 5090, par. 735.

[89]  Id., par. 751-757.

[90]  Id., par. 744-763.

[91]  Id., par. 809-810.

[92]  R. c. Nasogaluak, 2010 CSC 6, par. 3, 55.

[93]  Contrairement à l’abus de procédure commis par les représentants de l’État (qualifié de grave et ayant occasionné un préjudice réel et substantiel) dans Auclair c. R., 2016 QCCA 1361, arrêt invoqué par le délinquant à l’appui de sa demande de réduction de peine.

[94]  R. c. Précourt, 2019 QCCQ 5798, par. 89.

[95]  R. c. Muongholivay, 2016 QCCA 232, par. 25.

[96]  R. c. Suter, 2018 CSC 34, par. 49.

[97]  Lacelle Belec c. R., 2019 QCCA 711, par. 102.

[98]  R. c. Bernier, 2011 QCCA 228, par. 67.

[99]  R. c. Gravel, 2018 QCCA 1114, par. 3.

[100]  R. c. Célestin, 2021 QCCQ 8927, par. 27-28; R. c. Bitemo Kifoueti, 2021 QCCQ 2389, par. 18.

[101]  Voir notamment R. c. Gravel, 2018 QCCA 1114, par. 15.

[102]  Hughes Parent et Julie Desrosiers, Traité de droit criminel (Tome III) : La peine (3ème éd.), Thémis, 2020.

[103]  Id., p. 836.

[104]  Oum c. R., 2021 QCCA 462; Côté c. R., 2014 QCCA 2083; R. c. Bitemo Kifoueti, 2021 QCCQ 2389; R. c. Choukroun, 2017 QCCQ 1284; R. c. St-Pierre, 2016 QCCQ 9141.

[105]  Roy. c. R., 2019 QCCA 619; R. c. Martel, 2016 QCCQ 8880; R. c. Diotte, 2015 QCCQ 11684.

[106]  R. c. Turk, 2021 QCCA 359; R. c. Gravel, 2018 QCCA 1114; R. c. Toupin, 2020 QCCQ 3072; 

R. c. Côté-Nault, 2020 QCCQ 1975.

[107] R. c. Célestin, 2021 QCCQ 8927, par. 31.

[108]  R. c. Cloutier, 2004 CanLII 48297.

[109]  Fruitier c. R., 2022 QCCA 1225, par. 90 ; Bazile c. R., 2022 QCCA 1009, par. 42 ; J. D. c. R., 2020 QCCA 1108, par. 93 ; Côté c. R., 2018 QCCA 1430, par. 41 ; R.B. c. R., 2014 QCCA 353, par. 28 ; Côté c. R., 2014 QCCA 711, par. 21.

[110]  Hughes Parent et Julie Desrosiers, Traité de droit criminel (Tome III) : La peine (3ème éd.), Thémis, 2020, p. 836-853. Voir également R. c. Bah, 2021 QCCQ 5183, par. 45-47.

[111]  R. c. Lacasse, 2015 CSC 64.

[112]  Id., par. 57.

[113]  En première instance, M. Bouchard avait sollicité une ordonnance d’absolution ou, subsidiairement, un emprisonnement dans la collectivité.

[114]  Voir le jugement de première instance : R. c. Bouchard, 2015 QCCQ 7062, par. 75-77.

[115]  Voir le jugement de première instance : R. c. Oum, 2019 QCCQ 5791, par. 22 et 28.

[116]  À cet égard, la Cour d’appel réfère le lecteur en note de bas de page à l’arrêt Côté c. R., 2014 QCCA 2083.

[117]  Les trois décisions résumées dans cette rubrique visaient à justifier l’imposition de la peine initialement suggérée par le délinquant, soit 90 jours de prison à être purgés de façon discontinue, assortie d’une probation et de l’exécution de travaux communautaires. Ces décisions demeurent toutefois pertinentes pour évaluer le caractère adéquat d’un emprisonnement avec sursis et de sa durée. L’avocate du délinquant m’a transmis deux décisions au soutien de l’imposition d’une peine d’emprisonnement avec sursis. Je n’entends pas les résumer ici, mais je tiendrai compte des principes énoncés dans ces décisions quand viendra le temps de me pencher sur la possibilité d’imposer une peine moins contraignante que l’incarcération.

[118]  Demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée : 2014 CanLII 34273 (CSC).

[119]  Comme le note la Cour d’appel, l’emprisonnement avec sursis n’était pas une peine disponible pour les infractions d’agression sexuelle et de voies de fait causant des lésions : voir Ouellet c. R., 2014 QCCA 135, par. 119.

[120]  Ouellet c. R., 2014 QCCA 135, par. 118 (soulignement ajouté).

[121]  R. v. C.R., 2010 ONCA 176, par. 88-92 (soulignements ajoutés).

[122]  R. v. G.T., 2022 ONSC 2619, par. 49-50 (soulignements ajoutés). Voir également R. v. Nicholson, 2004 ABCA 310, arrêt soumis par l’avocate du délinquant dans lequel la Cour d’appel de l’Alberta maintient une peine d’emprisonnement avec sursis d’une durée de 2 ans moins 1 jour imposée à un individu qui avait commis une agression sexuelle (relation complète) envers une amie de longue date en ayant recours à de la violence extrinsèque. La Cour d’appel tient notamment compte du délai de six ans et demi entre la commission de l’infraction et la détermination de la peine.

[123]  Le poursuivant sollicitait une peine de 18 mois d’emprisonnement ferme. Mentionnons que l’emprisonnement avec sursis n’était pas disponible au moment de l’imposition de la peine (en avril 2021).

[124]  R. c. M.B., 2022 QCCA 1515, par. 21.

[125]  R. c. Lacasse, 2015 CSC 64, par. 58.

[126]  R. c. Parranto, 2021 CSC 46.

[127]  R. c. Lacasse, 2015 CSC 64, par. 53.

[128]  R. c. Parranto, 2021 CSC 46, par. 12.

[129]  En s’inspirant des fourchettes établies par le juge Sansfaçon dans l’affaire Cloutier.

[130]  R. c. Proulx, 2000 CSC 5, par. 127.

[131]  R.B. c. R., 2018 QCCA 1761, par. 76.

[132]  R. c. Proulx, 2000 CSC 5, par. 127.

[133]  Ibid.

[134]  Ibid.

[135]  R. c. Proulx, 2000 CSC 5, par. 127.

[136]  Id., par. 102.

[137]  Id., par. 127.

[138]  En l’occurrence, une pénétration anale précédée d’une relation complète (vaginale) consensuelle. Voir le paragraphe 191 du présent jugement.

[139]  Harbour c. R., 2017 QCCA 204, par. 60.

[141]  Ibid.

[142]  Ibid. Voir aussi R. c. Paré, 2011 QCCA 2047, par. 58-59; Harbour c. R., 2017 QCCA 204, par. 83.

[143]  R. c. Proulx, 2000 CSC 5, par. 102-103.

[144]  Id., par. 105.

[145]  R. c. Parranto, 2021 CSC 46, par. 45; R. c. Lacelle-Belec, 2019 QCCA 711, par. 29.

[146]  R. c. Prokos, 1998 CanLII 12949, par. 38.

[147]  Bachou c. R., 2022 QCCAS 1145, par. 37-44.

[148]  R. c. Houle, 2023 QCCA 99.

[150]  R. c. Ndholvu, 2022 CSC 38, par. 140.

[151]  Id., par. 141.

[152]  En ce qui concerne uniquement la violation de l’article 7 de la Charte et l’inconstitutionnalité du paragraphe 490.012(1) C.cr. Le paragraphe 490.013(2) C.cr. (prévoyant une inscription d’une durée de 20 ans pour une agression sexuelle poursuivie par mise en accusation) n’a pas fait l’objet d’un examen.

[153]  Considérant les principes énoncés dans LSJPA – 2117, 2021 QCCA 1576.

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