Bérubé c. L'Islet (Municipalité de) |
2010 QCCQ 4384 |
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JC2399 |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTMAGNY |
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« Chambre civile » |
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No : |
300-32-000139-094 |
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DATE : |
17 mai 2010 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE MONSIEUR LE JUGE PIERRE CODERRE, J.C.Q. |
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LOUISETTE BÉRUBÉ, [...], Saint-Philippe-de Néri (Québec) [...] |
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Demanderesse |
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c. |
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MUNICIPALITÉ DE L’ISLET, 284, boulevard Nilus-Leclerc, L’Islet (Québec) G0R 2C0 |
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Et |
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MUTUELLE DES MUNCIPALITÉS (MMQ), 7100, rue Jean-Talon Est, bureau 210, Montréal (Québec) H1M 3S3 |
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Défenderesses |
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JUGEMENT |
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[1] La demanderesse réclame 4 000 $ conjointement et solidairement aux défenderesses à la suite d’une chute qu’elle a faite dans le stationnement de la salle municipale de la Municipalité de L’Islet (la Municipalité), se fracturant le bras droit.
[2] Le 26 novembre 2008, la demanderesse se rend à la salle municipale de la Municipalité en compagnie de monsieur Léon Chouinard pour assister avec trois autres personnes à une réunion d’un organisme dont elle est membre.
[3] Monsieur Chouinard stationne son véhicule à une quarantaine de pieds de la salle. L’asphalte du stationnement a été refait peu de temps auparavant.
[4] À leur arrivée, il tombe une fine bruine. La température est un peu au-dessus du point de congélation. Il n’y a pas de glace sur le stationnement ou aux alentours. Ce dernier ayant fait l’objet d’un nouveau revêtement, il ne comporte aucun trou ou dénivellation dangereuse.
[5] À la fin de la réunion, madame Bérubé et monsieur Chouinard se dirigent vers le véhicule de ce dernier. Monsieur Chouinard la précède. Un autre participant à la réunion, monsieur Guy Châteauvert, marche à distance derrière elle.
[6] Monsieur Chouinard se rend sans difficulté à son véhicule. Par ailleurs, madame Bérubé fait une chute dont monsieur Châteauvert est témoin. Elle se blesse au bras droit. Elle est souffrante et messieurs Châteauvert et Chouinard l’aident à se rendre au véhicule de ce dernier. Il l’amène à l’hôpital à La Pocatière où elle est prise en charge par le personnel médical.
[7] Monsieur Chouinard communique avec le conjoint de madame Bérubé qui se rend sur les lieux. Il est constaté à l’hôpital que madame Bérubé a subi une fracture à l’humérus droit. Elle a une attelle au bras pour une période de quatre semaines.
[8] Par la suite, soit du 29 décembre au 19 mars, elle reçoit des traitements en physiothérapie à raison de trois fois semaine. Elle se rend également à Rivière-du-Loup pour subir des examens.
[9] Le 30 janvier 2009, elle transmet à la Municipalité une mise en demeure et réclame, sans en préciser le montant, « la perte de mon autonomie depuis plus de deux mois et les frais encourus pour mes déplacements et aide à la maison, achat d’attelles, etc. ».
[10] La Municipalité communique alors avec son assureur, la codéfenderesse la Mutuelle des Municipalités du Québec (la Mutuelle). Celle-ci mandate la firme d’experts en sinistres Indemnipro.
[11] Monsieur Claude Lévesque, expert en sinistres, rencontre madame Bérubé ainsi que monsieur Chouinard au cours du mois de février 2009. À la suite de son rapport, la Mutuelle décide de ne pas indemniser madame Bérubé considérant qu’aucune faute ou négligence n’a été commise.
[12] Le 6 avril 2009, madame Bérubé transmet à Indemnipro et monsieur Lévesque une mise en demeure par laquelle elle réclame le paiement de 4 000 $ dans les 10 jours, à défaut de quoi des procédures judiciaires seront intentées.
[13] Le 20 mai 2009, elle transmet une mise en demeure similaire à la Municipalité lui réclamant le même montant.
[14] Aucune entente n’intervient entre les parties d’où le présent litige.
[15] La Municipalité a-t-elle commis une faute le 26 novembre 2008 relativement à l’entretien du stationnement attenant à la salle municipale?
[16]
La Municipalité est une personne morale de droit public et à cet effet,
l’article
300. Les personnes morales de droit public sont d'abord régies par les lois particulières qui les constituent et par celles qui leur sont applicables; les personnes morales de droit privé sont d'abord régies par les lois applicables à leur espèce.
Les unes et les autres sont aussi régies par le présent code lorsqu'il y a lieu de compléter les dispositions de ces lois, notamment quant à leur statut de personne morale, leurs biens ou leurs rapports avec les autres personnes.
[17] Elle est régie par le Code municipal du Québec[1] et l’article 725 énonce :
725. Malgré toute loi générale ou spéciale, aucune municipalité ne peut être tenue responsable du préjudice résultant d'un accident dont une personne est victime, sur les trottoirs, rues ou chemins, en raison de la neige ou de la glace, à moins que le réclamant n'établisse que l'accident a été causé par négligence ou faute de la municipalité, le tribunal devant tenir compte des conditions climatiques.
[18]
Par ailleurs, l’article
1457. Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s'imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.
Elle est, lorsqu'elle est douée de raison et qu'elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu'elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu'il soit corporel, moral ou matériel.
Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d'une autre personne ou par le fait des biens qu'elle a sous sa garde.
[19] Dans ce dossier, la demanderesse soutient que la Municipalité est responsable le 26 novembre 2008 de l’entretien de son stationnement, lequel est alors, selon elle, sur chaussée glissante et peu éclairé.
[20]
En matière de preuve, les articles
2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.
2804. La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante.
[21] Dans ce dossier, la preuve prépondérante démontre que le 26 novembre 2008, le stationnement attenant à la salle municipale est en parfait état car il a fait l’objet d’une réfection récente. Monsieur Chouinard ainsi que monsieur Châteauvert confirment qu’à 19h30, lorsqu’ils sont entrés dans la salle, il n’y a pas de glace. Par ailleurs, il tombe une légère bruine.
[22] À leur sortie de la salle, vers 21h15, la chaussée est humide et la température a chuté. Selon monsieur Chouinard, la chaussée est noire puisqu’elle vient d’être refaite, mais il ne peut affirmer s’il y a de la glace.
[23] Il confirme que le stationnement ne comporte aucun trou ou dénivellation dangereuse pour se rendre à son véhicule.
[24] Au moment de la chute de madame Bérubé, il est en avant d’elle et ne la voit pas tomber. Par ailleurs, monsieur Châteauvert en est témoin. Il dit que la chaussée est humide et que le temps a refroidi. L’ensemble des témoins en demande soutient qu’il n’y a pas d’abrasifs qui ont été épandus par la Municipalité sur le stationnement à ce moment.
[25] D’autre part, la présence de glace n’est pas confirmée de façon prépondérante.
[26] Dans un jugement récent portant sur un cas similaire, le juge Jacques Désormeau, j.c.Q., affirme ceci dans l’affaire Fournier c. Fabrique de la paroisse Notre-Dame de l’Anonciation[2] :
[23] D'une part, si le phénomène de gel et dégel est prévisible au Québec durant le mois de mars, en l'espèce, compte tenu de l'excellent état du stationnement à 19 h 30 et de la température douce, il n'était pas prévisible qu'une chute de température entraînerait la formation d'une plaque de glace entre 19 h 30 et 22 h 20.
[24] Il n'y a pas lieu d'exiger des défenderesses qu'elles dussent prévoir à l'avance la formation de plaque de glace au cas de chute soudaine de température et d'exiger, à cet égard, que les employés de la défenderesse, Ville de Québec, se tiennent sur place et interviennent au cas de formation soudaine de glace.
[27] C’est un principe reconnu que les municipalités ne sont pas l’assureur des personnes qui circulent par exemple sur un stationnement propriété de la municipalité et que la victime doit prouver une faute de celle-ci.
[28] De plus, la municipalité a une obligation de moyens et non de résultats. Le Tribunal doit tenir compte des conditions climatiques et constater si la municipalité a été négligente et a commis une faute.
[29] La preuve prépondérante est à l’effet que ce n’est pas le cas. Le pavage a fait l’objet d’une réfection récente, il est en parfait état le 26 novembre 2008. Avant 19h30, il n’y a pas de glace sur celui-ci et il tombe une fine bruine. Lors de la sortie des participants dont madame Bérubé, il n’y a pas de confirmation, selon la preuve soumise, qu’il y a effectivement des plaques de glace sur le stationnement.
[30] Le Tribunal conclut que la demanderesse est seule responsable de sa chute et des dommages qu’elle a subis. Sa réclamation est donc rejetée.
[31] Par ailleurs, compte tenu des circonstances particulières de la présente affaire, chaque partie doit assumer ses frais.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[32] REJETTE la demande, chaque partie payant ses frais.
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__________________________________ PIERRE CODERRE, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
11 mai 2010 |
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AVIS :
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