Grenier et Manac inc. |
2009 QCCLP 5300 |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 13 mars 2009, monsieur Jocelyn Grenier (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révision d’une décision rendue par cette instance le 29 janvier 2009.
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles confirme une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative le 21 septembre 2005 et déclare que la lésion professionnelle du travailleur était consolidée le 5 mai 2005, que les soins et traitements n’étaient plus justifiés de sorte que la CSST devait cesser de payer ces derniers. La Commission des lésions professionnelles confirme également une autre décision rendue par la CSST à la suite d’une révision administrative le 10 décembre 2007 et déclare que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 1er avril 2007.
[3] Le travailleur est présent à l’audience tenue par la Commission des lésions professionnelles en révision à Trois-Rivières le 25 juin 2009. Manac inc. (l’employeur) est absent et non représenté, ayant renoncé à l’audience le 22 avril 2009. Il en est de même de la CSST qui a également renoncé par écrit à l’audience le 25 juin 2009.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser la décision qu’elle a rendue le 29 janvier 2009 au motif qu’elle est entachée de vices de fond de nature à l’invalider.
[5] Le travailleur demande au tribunal de déclarer que la lésion professionnelle initiale du 2 décembre 2002 n’était pas consolidée le 5 mai 2005, qu’il avait toujours besoin de soins et de traitements pour cette lésion et de rétablir le droit aux prestations en conséquence. Le travailleur demande également au tribunal de déclarer qu’il a subi une récidive, rechute ou aggravation de cette lésion professionnelle le 1er avril 2007.
L’AVIS DES MEMBRES
[6] Les membres issus des associations d’employeurs ainsi que des associations syndicales considèrent que la requête du travailleur doit être rejetée. La décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 29 janvier 2009 ne comporte aucun vice de fond ou de procédure de nature à l’invalider. La requête du travailleur constitue un appel déguisé, ce que ne permet pas le recours en révision.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[7] La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il y a matière à réviser la décision qu’elle a rendue le 29 janvier 2009.
[8]
L’article
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
__________
1997, c. 27, a. 24.
[9]
L’article
429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.
Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.
La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.
__________
1997, c. 27, a. 24.
[10]
La révision d’une décision de la Commission des lésions professionnelles
n’est possible que dans les situations prévues à l’article
[11]
Le travailleur invoque l’application du troisième paragraphe de
l’article
[12] La jurisprudence a établi qu’il faut entendre par les termes « vice de fond (ou de procédure) de nature à invalider la décision » une erreur manifeste de fait ou de droit qui est déterminante sur l’issue du litige[2].
[13] La notion de vice de fond a été analysée par la Cour d’appel du Québec, notamment dans l’affaire Bourassa[3] où elle a confirmé les principes jurisprudentiels déjà établis par la Commission des lésions professionnelles.
[14] La notion de vice de fond a aussi été analysée par la Cour d’appel dans l’affaire CSST c. Fontaine[4] où le juge Morissette rappelle le principe suivant lequel une décision attaquée pour motif de vice de fond ne peut faire l’objet d’une révision interne que lorsqu’elle est entachée d’une erreur dont la gravité, l’évidence et le caractère déterminant ont été démontrés par la partie qui demande la révision. La Cour d’appel reprend à nouveau ce principe dans l’affaire Touloumi[5].
[15] La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision ou révocation doit donc faire preuve d’une très grande retenue. La notion de vice de fond ne doit pas être utilisée à la légère. La Cour d’appel insiste sur la primauté qui doit être accordée à la première décision rendue par la Commission des lésions professionnelles. Cette décision fait autorité et ce n’est qu'exceptionnellement qu’elle pourra être révisée.
[16] L’historique détaillé du dossier est déjà rapporté dans d’autres décisions rendues par la Commission des lésions professionnelles incluant celle du 29 janvier 2009 dont la révision est demandée. Le tribunal s’y réfère de même qu’au libellé de la présente requête qui comporte 92 pages dont copie figure également au dossier.
[17] Aux fins de rendre sa décision en révision, le tribunal a pris connaissance de la requête ainsi que des représentations verbales du travailleur à l’encontre de la décision attaquée, et ce, à la lumière du dossier tel que constitué et de l’enregistrement de l’audience tenue par la Commission des lésions professionnelles le 15 décembre 2008.
[18] Rappelons que la Commission des lésions professionnelles était alors saisie, à la suite de l’avis du bureau d’évaluation médicale (le BEM), de la consolidation ainsi que de la suffisance des soins et traitements déjà administrés en date du 5 mai 2005 dans le cadre de la lésion professionnelle qu’a subie le travailleur le 2 décembre 2002. Elle était également saisie de la reconnaissance d’une récidive, rechute ou aggravation de cette lésion professionnelle invoquée au dossier à compter du 1er avril 2007.
[19] Des diagnostics d’entorse du genou droit, de chondromalacie patello-fémorale et de lésion chondrale du condyle fémoral interne étaient déjà admis en lien avec la lésion professionnelle du 2 décembre 2002. À la suite d’une intervention pratiquée au genou droit du travailleur en juin 2004, le docteur Milot a évalué provisoirement à 2 % le déficit anatomophysiologique (DAP) correspondant au syndrome rotulien résiduel à ce niveau. La CSST a indemnisé le travailleur pour cette atteinte permanente le 7 avril 2005.
[20] Le 25 avril 2005, une opinion émise par l’orthopédiste Major à la suite d’une consultation demandée par le docteur Milot ne suggérait pas de nouvelle intervention chirurgicale mais des limitations fonctionnelles pour le syndrome fémoro-patellaire droit.
[21] Le travailleur a dès lors été évalué à la demande de la CSST par le docteur Des Marchais. Cet orthopédiste a conclu à une entorse du genou droit consolidée le 5 mai 2005 avec une atteinte permanente mais pas de limitations fonctionnelles.
[22] Dans un rapport final du 17 mai 2005, le docteur Milot a fixé au 18 mai 2005 la date de consolidation du syndrome rotulien droit avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles. Cet orthopédiste s’est référé à son rapport d’expertise médicale du 11 février 2005 devant être complété. Il a indiqué en outre l’absence de chirurgie requise chez le travailleur présentant une boiterie et une accentuation de ses lombalgies.
[23] Au rapport d’évaluation médicale complémentaire du 27 mai 2005, le docteur Milot a décrit d’abord les antécédents personnels du travailleur, soit une spondylolyse de L5 avec listhésis parfois plus symptomatique, une entorse dorsale, une ischémie au membre inférieur droit ayant déjà nécessité un pontage artériel et enfin une Méralgia paresthésica au membre inférieur droit avec infiltration du nerf fémoro-cutané qui n’a pas eu d’effet de sorte que le travailleur doit revoir sa neurochirurgienne en vue d’une intervention chirurgicale. Le docteur Milot a décrit ensuite les résultats des examens paracliniques au niveau des genoux du travailleur. Il a suggéré une consultation en rhumatologie étant donné les épisodes de gonalgie droite importante, ce phénomène n’étant pas explicable du point de vue orthopédique. Le docteur Milot a conclu enfin à un syndrome fémoro-patellaire post-traumatique à droite, puis complété le bilan des séquelles permanentes résultant de la lésion professionnelle.
[24] Le 1er juin 2005, le docteur Milot a adressé à la CSST un rapport complémentaire indiquant que les conclusions de son rapport final n’étaient pas en accord avec celles du docteur Des Marchais. Le docteur Milot a de nouveau confirmé son diagnostic de syndrome rotulien droit, et ce, en accord avec l’opinion du docteur Major.
[25] La CSST a transmis le dossier au BEM le 29 juin 2005, à partir des conclusions contradictoires des docteurs Milot et Des Marchais. Malgré la divergence d’opinion indiquée notamment quant au diagnostic de la lésion professionnelle au genou droit du travailleur, la CSST a alors précisé tous les diagnostics déjà admis à titre de lésion professionnelle au BEM dont l’avis motivé n’a ainsi porté que sur les quatre autres sujets de nature médicale.
[26] Dans son avis motivé rendu le 3 août 2005, le BEM a fixé au 5 mai 2005 la date de consolidation de la lésion professionnelle au genou droit du travailleur au regard des diagnostics déjà reconnus au dossier, sans autre nécessité de soins ou de traitements, avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles. La CSST a alors entériné les conclusions du BEM et a rendu les décisions en conséquence, incluant le droit à la réadaptation qu’elle a consenti au travailleur.
[27] Le travailleur a contesté les décisions rendues par la CSST à la suite de l’avis du BEM en ce qui a trait à la suffisance des soins et traitements ainsi qu’au pourcentage d’atteinte permanente établi en lien avec sa lésion professionnelle du 2 décembre 2002.
[28] Dans une première décision finale rendue au dossier 275083 le 14 février 2006[6], la Commission des lésions professionnelles a modifié le pourcentage d’atteinte permanente en fonction du préjudice esthétique évalué au genou droit du travailleur en se fondant à la fois sur l’évaluation de la cicatrice résiduelle à ce niveau telle que mesurée par le BEM ainsi que sur les prescriptions règlementaires applicables. La Commission des lésions professionnelles a réservé à cette occasion les recours du travailleur à l’encontre de la décision rendue par la CSST à la suite de ce même avis du BEM concluant à la suffisance des soins et traitements administrés dans le cadre de la lésion professionnelle du 2 décembre 2002, d’où le premier volet de la décision rendue le 29 janvier 2009 dont la révision est présentement demandée.
[29] Les consultations médicales se sont poursuivies entre 2005 et 2008 auprès de la docteure Desrochers pour un syndrome fémoro-rotulien ainsi que pour des problèmes au dos, aux hanches et aux membres inférieurs du travailleur. Une investigation en chirurgie vasculaire a été demandée auprès de la docteure Dufresne en 2006. Celle-ci faisait état d’antécédents d’endartériectomie fémorale commune droite et de pontage fémoro-poplité droit. Son impression actuelle était celle d’une artériosclérose oblitérante des fémorales superficielles bilatéralement avec status post-pontage fémoro-poplité et claudication possible du mollet gauche. Le travailleur a aussi consulté de nouveau en 2006 la neurochirurgienne Jacques pour un problème au nerf fémoro-cutané. Une nouvelle investigation en orthopédie auprès du docteur Milot, au début de l’année 2007, a mis en évidence une chondropathie rotulienne droite, une nécrose aseptique de la hanche droite en plus d’une spondylolyse de L5 déjà identifiée par cet orthopédiste. Le travailleur a de plus été référé en physiatrie à l’époque.
[30] Une réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation à compter du 1er avril 2007 a été produite au dossier par le travailleur dont l’investigation en physiatrie auprès des docteurs Fecteau et Morand a démontré un état de déconditionnement physique général avec douleurs musculosquelettiques multiples impliquant le dos, les hanches, les genoux ainsi que le pied gauche. Le refus de la nouvelle réclamation qu’a confirmé la CSST à la suite d’une révision administrative a été maintenu dans le cadre du second volet de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 29 janvier 2009 dont la révision est demandée.
[31] Dans le cadre du premier volet de la décision qu’elle a rendue le 29 janvier 2009, la Commission des lésions professionnelle a consenti, à la demande du travailleur, à se prononcer tant sur la date de consolidation que sur la nécessité de poursuivre les soins et les traitements dans le cadre de la lésion professionnelle qu’il a subie au genou droit le 2 décembre 2002.
[32] La Commission des lésions professionnelles, aux paragraphes 82 et suivants de la décision rendue le 29 janvier 2009, a analysé en ces termes les arguments soulevés en début d’audience par le travailleur et son représentant au soutien de l’irrégularité de la procédure d’évaluation médicale.
[82]     Ceci étant, dans le cadre de sa contestation relative à la décision de la CSST portant sur la date de consolidation de la lésion et sur la nécessité de traitements après le 5 mai 2005, le travailleur présente différents arguments en vue de faire annuler cette décision et d’obtenir la reprise du versement de ses pleines indemnités de remplacement du revenu cessées depuis la détermination d’un emploi convenable.
[83]     Formulant différents moyens, il prétend en premier lieu que le processus d’évaluation médicale suivi au printemps 2005 est irrégulier et que la décision rendue par la CSST en résultant doit être annulée.
[84]     Au regard de ce moyen, il soumet d’abord que l’omnipraticien Croisetière assurait un suivi médical de sa lésion depuis septembre 2003. Conséquemment, selon lui, l’orthopédiste Milot ne pouvait être son médecin traitant puisqu’il ne l’avait vu qu’une première fois en janvier 2003 et une seconde fois en juin 2004. De plus, selon le travailleur, le docteur Milot n’assumait que le volet orthopédique de son dossier. Ainsi, selon le travailleur, la CSST aurait dû s’en remettre au docteur Croisetière relativement aux rapports médicaux devant faire l’objet de la contestation médicale, dans le cadre de la procédure d’évaluation médicale prévue à la loi.
[85]     Dans son argumentation le travailleur écrit en effet ce qui suit :
« La question des soins nécessaires à la consolidation de l’article I de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles n’en est pas une d’orthopédie seulement mais bel et bien de l’ensemble des disciplines médicales nécessaires décidées par le médecin traitant, soit dans ce cas-ci, le docteur Croisetière. »
[86]     Dans l’éventualité où la Commission des lésions professionnelles reconnaissait que le docteur Milot agit à titre de médecin traitant, le travailleur prétend ensuite que la CSST ne pouvait utiliser un rapport médical antérieur à celui délivré par son médecin traitant pour en contester les conclusions devant le Bureau d’évaluation médicale. Le processus suivi serait donc entaché d’une autre irrégularité donnant ouverture à l’annulation de la décision rendue par la CSST.
[87]     En outre, référant au formulaire de transmission de son dossier au Bureau d’évaluation médicale, il reproche à la CSST de n’avoir utilisé que la première partie du rapport d’expertise du docteur Milot daté du 11 février 2005, pour obtenir l’avis du Bureau d’évaluation médicale, laissant ainsi de côté le complément d’expertise produit par ce médecin, le 27 mai 2005. Au surplus, il estime que ce rapport était provisoire et que conséquemment il ne reflétait pas sa condition médicale réelle, celle-ci pouvant continuer d’évoluer.
[88]     Paradoxalement, le travailleur prétend toutefois également que la CSST devait s’en tenir à la contestation du seul rapport daté du 11 février 2005, le complément d’expertise du 27 mai 2005 effectué par le docteur Milot ayant été obtenu après le rapport du médecin désigné de la CSST.
[89]     Au regard de la validité et de la régularité du processus d’évaluation médicale, le travailleur estime de plus que l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale est prématuré ou incomplet puisque ce dernier s’est prononcé en l’absence des conclusions du rhumatologue et du physiatre à qui il avait été référé par son médecin traitant.
[90]     Enfin, le travailleur prétend que la CSST a accepté implicitement le diagnostic de syndrome rotulien droit et que ce diagnostic ne pouvait être remis en question par son médecin désigné, le docteur Des Marchais. Ce faisant le processus médical est vicié puisque la CSST a requis du membre du Bureau d’évaluation médicale qu’il se prononce sur cette question.
[91]     Conséquemment, vu tous ces éléments, le travailleur estime que la décision rendue par la CSST à la suite de ce processus d’évaluation médicale irrégulier doit être annulée, celui-ci devant être repris et les indemnités de remplacement du revenu devant être rétablies dans l’intervalle.
[92]     Dans l’éventualité où ce premier moyen était rejeté, le travailleur plaide ensuite que l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale n’est pas bien fondé et que la décision de la CSST y faisant suite devrait être modifiée. Passant en revue la preuve médicale, le travailleur estime en effet que si son médecin traitant l’a référé à un rhumatologue et un physiatre en mai 2005, c’est que la lésion n’était pas consolidée et qu’il estimait de plus que des traitements étaient nécessaires et devaient lui être administrés.
[93]     De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, les prétentions du travailleur ne sont pas bien fondées et sa contestation relative aux décisions rendues suite à l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale devrait être rejetée.
[94]     En effet, il importe d’abord de préciser que la Commission des lésions professionnelles a rendu une multitude de décisions portant sur la notion de médecin qui a charge, dans le cadre de litiges portant sur la régularité de la procédure d’évaluation médicale. Il résulte de cette jurisprudence, que le médecin qui a charge du travailleur est celui qui examine le travailleur. C’est celui choisi par le travailleur, par opposition à celui qui serait imposé ou qui n’agirait qu’à titre d’expert, sans suivre l’évolution médicale. C’est également celui qui établit un plan de traitement et qui assure le suivi du dossier en vue de la consolidation de la lésion6.
[95]     En l’espèce, le docteur Croisetière a référé le travailleur au docteur Milot qui l’a pris en charge et suivi de façon complète à compter du 11 juin 2004, date de la chirurgie qu’il a pratiquée.
[96]     Le docteur Milot a été consulté à de multiples occasions par le travailleur. Il l’a examiné, lui a prescrit des consultations médicales avec d’autres spécialistes. Le docteur Croisetière n’a effectué aucun suivi médical pendant toute la période de prise en charge par l’orthopédiste Milot. Ce dernier était d’ailleurs le seul à intervenir au niveau médical, auprès du travailleur, entre le 11 juin 2004 et le mois de février 2005.
[97]     Le docteur Milot a lui-même demandé l’intervention du docteur Major, un médecin spécialiste du domaine médical impliqué. Le travailleur a toujours accepté de se soumettre à ses soins et ses traitements de même qu’à ceux des médecins à qui ce dernier le référait.
[98]     De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, si le docteur Croisetière a dirigé le travailleur vers l’orthopédiste et s’il a maintenu cette référence tout au long du suivi médical, c’est qu’il estimait ne pouvoir lui offrir les soins et traitements que son état de santé requerrait.
[99]     Or, comme l’indique la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Blais et Michel Leblanc Construction7, le médecin traitant qui dirige un travailleur vers un autre médecin, spécialiste de surcroît, pour des traitements médicaux qu’il n’ose pas offrir ou entreprendre, et le travailleur qui accepte de recevoir les soins et traitements que lui dispense le médecin vers qui il a été dirigé, ne peuvent remettre en question l’opinion de ce médecin lorsqu’il n’accepte pas ses conclusions.
[100]   En l’espèce, à la lueur des faits relatés ci-haut et de la jurisprudence mentionnée, il ne fait pas de doute que le docteur Milot était le médecin traitant du travailleur. Il a agi comme tel tout au long du processus menant à la consolidation de la lésion et à l’évaluation des séquelles en résultant. Il a d’ailleurs effectué lui-même cette évaluation que n’a pas contestée le travailleur.
[101]   Il est d’ailleurs particulier de constater que le travailleur voudrait profiter des conclusions du docteur Milot au regard du diagnostic posé, de l’atteinte permanente à l’intégrité physique et des limitations fonctionnelles qu’il reconnaît en lien avec la lésion, tout en prétendant qu’il n’est pas son médecin traitant aux fins de la détermination de la date de consolidation et de la nécessité des soins. Pris dans une analyse globale, l’argument ne peut être soutenu de façon cohérente, d’autant plus qu’il n’a pas été soulevé devant la commissaire Lajoie lors de l’audience portant sur les séquelles résultant de sa lésion professionnelle. Cette décision de la Commission des lésions professionnelles est devenue finale.
[102]   Le travailleur prétend toutefois, dans son argumentation, que le docteur Milot n’était pas autorisé à agir comme médecin traitant, en dehors de sa spécialité et que le docteur Croisetière continuait de décider des références aux médecins des différentes disciplines médicales requises par sa condition.
[103]   Au regard de cette prétention, la Commission des lésions professionnelles constate que c’est le docteur Milot et non le docteur Croisetière qui a effectué les références aux médecins spécialistes pendant la période contemporaine à la procédure d’évaluation médicale initiée par la CSST. C’est d’ailleurs le docteur Milot qui a recommandé une consultation en rhumatologie le 27 mai 2005. Or, c’est en raison de cette recommandation que le travailleur prétend que la lésion ne peut être consolidée puisqu’il n’a pas été vu par un médecin spécialisé dans cette discipline médicale.
[104]   Ainsi, si comme le prétend le travailleur, le docteur Milot n’était pas le médecin traitant, la référence en rhumatologie deviendrait nulle et la contestation du travailleur sur cet aspect de la procédure sans objet.
[105]   Vu tous ces motifs, le tribunal rejette ce premier argument quant à l’irrégularité du processus d’évaluation médicale d’autant plus qu’à de multiples reprises, la Commission des lésions professionnelles a conclu que le médecin consulté par le travailleur à la demande de son propre médecin devient le médecin qui a charge8.
[106]   Le travailleur soutient en outre que la CSST ne pouvait utiliser un rapport médical antérieur à celui délivré par son médecin traitant pour en contester les conclusions devant le Bureau d’évaluation médicale, sans compromettre la régularité de la procédure d’évaluation médicale prévue à la loi.
[107]   Au regard de cet argument et de tous les autres portant sur la régularité de la procédure d’évaluation médicale, il importe d’abord de préciser qu’une audience a eu lieu devant la Commission des lésions professionnelles relativement aux décisions de la CSST rendues à la suite de l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale. Lors de cette audience tenue le 27 janvier 2006, qui ne portait que sur le pourcentage d’atteinte permanente, à la demande du travailleur, l’irrégularité de la procédure d’évaluation médicale n’a pas été soulevée. Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles a rendu une décision sur la question en litige. Dans les circonstances, il serait donc particulier d’annuler les conclusions du Bureau d’évaluation médicale alors qu’une partie de celles-ci ont fait l’objet d’une décision finale du tribunal.
[108]Â Â Â Quoi qu'il en soit, cet argument du travailleur doit
également être rejeté eu égard à la procédure d’évaluation médicale instaurée
par le législateur et prévue aux articles
206. La Commission peut soumettre au Bureau d'évaluation médicale le rapport qu'elle a obtenu en vertu de l'article 204, même si ce rapport porte sur l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 sur lequel le médecin qui a charge du travailleur ne s'est pas prononcé.
__________
1985, c. 6, a. 206; 1992, c. 11, a. 13
[109]   Cet article de loi est large. Il permet à la CSST de soumettre le rapport qu’elle obtient d’un médecin qu’elle désigne, au membre du Bureau d’évaluation médicale, même si le médecin traitant ne s’est pas prononcé sur l’élément en litige. Si tel est le souhait du législateur, il va sans dire que le rapport obtenu du médecin désigné n’a pas à être postérieur à celui du médecin traitant, la CSST pouvant agir même en l’absence d’un rapport sur l’élément contesté.
[110]   D’ailleurs, cet article de loi ne prévoit aucun délai d’obtention de rapport ni d’exigences spécifiques et particulières de la nature de celles recherchées par le travailleur. Le tribunal estime qu’il n’y a pas lieu de restreindre la portée de la disposition adoptée par le législateur. La jurisprudence du tribunal portant sur cette question démontre d’ailleurs que tant la CSST que l’employeur peuvent utiliser un rapport médical antérieur obtenu de leur médecin pour contester une conclusion du médecin traitant, en vertu de la procédure d’évaluation médicale établie par la loi9.
[111]   Le travailleur prétend également que la CSST n’aurait utilisé que la partie provisoire de l’expertise du docteur Milot, lors de la procédure d’évaluation médicale.
[112]   Quant à cet argument, le tribunal constate que l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale fait état du complément d’expertise rédigée par le docteur Milot le 27 mai 2005. C’est d’ailleurs dans cette expertise complémentaire que le docteur Milot alloue un pourcentage additionnel de 10 % pour tenir compte du préjudice esthétique résultant de la chirurgie pratiquée le 11 juin 2004. Le membre du Bureau d’évaluation médicale retient d’ailleurs cette conclusion de l’orthopédiste Milot dans son avis motivé lequel donnera lieu à des décisions subséquentes de la CSST, puis de la Commission des lésions professionnelles.
[113]   Le tribunal constate par ailleurs que le rapport du mois de février était effectivement provisoire. Toutefois, il fut complété en mai 2005. La lecture de l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale démontre clairement que c’est de l’ensemble des conclusions du docteur Milot que le Bureau d’évaluation médicale fut saisi et dont il a disposé dans son avis. Dans les circonstances, le tribunal rejette également cette prétention du travailleur.
[114]   Le travailleur soumet de plus différents arguments au regard du diagnostic de la lésion professionnelle lesquels démontreraient l’irrégularité de la procédure d’évaluation médicale. Selon le travailleur, le docteur Des Marchais a en effet rejeté le diagnostic de syndrome rotulien du genou droit déjà reconnu implicitement par la CSST. Ce faisant, son rapport n’était pas valable et il ne pouvait être soumis au Bureau d’évaluation médicale.
[115]   Le tribunal rejette également cet argument pour deux motifs. D’une part, la lecture de la contestation du travailleur datée du 6 novembre 2005 démontre qu’elle ne porte pas sur le diagnostic de la lésion. D'autre part, cet élément n’a jamais été soumis à la commissaire Lajoie lors de l’audience relative à la décision de la CSST faisant suite à l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale. Or, elle a rendu une décision finale faisant droit aux arguments du travailleur. Vu ces éléments, il serait inapproprié de conclure à l’irrégularité de la procédure d’évaluation médicale pour le motif invoqué d’autant plus que le membre du Bureau d’évaluation médicale attribue un pourcentage de 2% pour tenir compte du syndrome rotulien du genou droit dont est affecté le travailleur et que la CSST a donné suite à cet avis.
[116]   Le travailleur prétend ensuite que la CSST aurait dû statuer sur le diagnostic de lombalgie posé par le docteur Milot le 17 mai 2005 dans son rapport final. Il demande à la Commission des lésions professionnelles de retourner le dossier à la CSST pour qu’elle régularise la situation et qu’elle rétablisse le versement des indemnités de remplacement du revenu à compter du 17 mai 2005.
[117]   Au regard de cet argument, le tribunal constate d’abord que le travailleur tente à nouveau de prendre appui sur le rapport d’un médecin qui, selon lui, n’est pas son médecin traitant.
[118]   Quoi qu'il en soit, le tribunal estime que le docteur Milot n’a pas posé ce diagnostic, le 17 mai 2005. En effet, de l’avis de la Commission des lésions professionnelles, le docteur Milot ne réitère que son diagnostic de syndrome rotulien résiduel, diagnostic maintes fois retenu dans ses rapports médicaux antérieurs. Il donne par la suite des indications sur la condition médicale du travailleur au moment de la consolidation. Il écrit les mots suivants : pas de chirurgie, boiterie et accentuation de ses lombalgies. Il indique également : « complément de l’expertise s’en remettre à l’expertise du 11 février 2005 ». Or, dans l’expertise du 11 février 2005, le seul diagnostic retenu est celui de syndrome rotulien.
[119]   Si la Commission des lésions professionnelles retenait l’interprétation du travailleur, cela signifierait que la boiterie serait un diagnostic de même que les mots « pas de chirurgie ». Manifestement, tel ne peut être le cas. Par ailleurs, vu l’évolution du dossier et la preuve médicale disponible au 17 mai 2005, ce diagnostic ne pourrait coller à la condition médicale du travailleur décrite dans les rapports médicaux jusque-là . C’est pourquoi, la Commission des lésions professionnelles rejette également cet argument.
_____________
6      Marceau et Gouttière Rive-Sud Fabrication inc., C.L.P.
7      224812-01B-0401, 20 février 2007, J.-P. Arsenault.
8Â Â Â Â Â Â Voir Ă cet
effet : Librandi et Restaurant Da Giovanni enr., C.A.L.P.
05117-60-8710, 29 novembre 1991, R. Jolicoeur (J3-09-05); Gagné et
Pyrotex ltée,
9Â Â Â Â Â Â Voir Ă cet
effet : Winter et Centre d'accueil Louis-Riel,
[33] La Commission des lésions professionnelles a ensuite écarté en ces termes les prétentions du travailleur à l’encontre des conclusions du BEM qui étaient en litige devant elle, et ce, après avoir défini la notion de consolidation suivant la loi :
[122]   La jurisprudence10 a établi que la consolidation d’une lésion n’est pas synonyme de guérison et qu’il y a consolidation lorsqu’il n’y a plus d’amélioration prévisible de la lésion professionnelle, c’est-à -dire qu’un seuil thérapeutique est atteint et qu’aucun traitement ne peut probablement plus apporter une amélioration.
[123]   Ainsi, aussi longtemps qu’il est prévisible que les traitements améliorent l’état d’un travailleur, sa lésion professionnelle n’est pas consolidée11. Cependant, même si les traitements administrés n’apportent pas immédiatement les résultats escomptés, cela ne signifie pas que la lésion est consolidée. Il s’agit en effet de déterminer s’ils sont susceptibles d’améliorer l’état du travailleur au moment où ils sont administrés12, sans qu’on puisse toutefois conclure à de l’acharnement thérapeutique13.
[124]   C’est pourquoi, dans son évaluation, le tribunal doit notamment tenir compte de la condition médicale du travailleur, de la durée des traitements administrés depuis la survenance de la lésion professionnelle, des tests réalisés pour tenter de cerner et de comprendre la condition médicale, des tests proposés par le médecin traitant, des demandes de consultations passées ou à venir auprès des médecins spécialistes, etc.
[125]   Dans le présent dossier, le tribunal constate d’abord que les conclusions du membre du Bureau d’évaluation médicale découlent d’un constat d’échec quant aux traitements administrés au travailleur dans les mois précédant l’examen au Bureau d’évaluation médicale. En effet, les traitements de visco-suppléance, l’Orthovisc, la chirurgie et la physiothérapie ne l’ont pas soulagé. De plus, tant le docteur Milot que le spécialiste Major sont d’avis qu’il n’y a aucun traitement chirurgical additionnel devant être envisagé. En outre, le travailleur n’a reçu aucun traitement à visée curative après le 5 mai 2005.
[126]   Dans les circonstances, le membre du Bureau d’évaluation médicale n’a pas vu la nécessité de consultation additionnelle avec un rhumatologue vu l’échec des traitements d’Ortovisc, des traitements de physiothérapie et la constance dans la condition médicale du travailleur.
[127]   Ainsi, de l’avis de la Commission des lésions professionnelles, le membre du Bureau d’évaluation médicale était justifié de conclure que la lésion était consolidée le 5 mai 2005 et qu’aucun traitement spécifique additionnel n’était requis après cette date. D’ailleurs, tous les médecins intervenus au dossier reconnaissaient que la lésion était consolidée en mai 2005, le médecin du travailleur, le docteur Milot, retenant la date du 18 mai alors que les docteurs Des Marchais et Grenier retenaient la date du 5 mai 2005.
[128]   Vu la preuve médicale au dossier, le tribunal estime que l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale est bien fondé. C’est pourquoi il n’intervient pas pour en modifier les conclusions relatives à l’objet du litige. D’ailleurs, à cet égard, le tribunal estime que même si une consultation en rhumatologie était recommandée par le docteur Milot , cette demande de consultation ne signifie pas que des traitements soient nécessaires par la suite, comme ce fut d’ailleurs le cas lorsque le travailleur fut référé au docteur Major.
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           10    2333-2224 Québec
inc. et Thériault,
               11    Landry
et Les constructions Acibec ltée,
               12    Aloize
et Ville de Charlemagne,
               13    Trudel
et Commission scolaire de
l’Estuaire,
[34] Dans le second volet de la décision rendue le 29 janvier 2009, la Commission des lésions professionnelles, après avoir constaté l’absence d’un nouvel accident du travail et cité la définition de lésion professionnelle ainsi que les critères jurisprudentiels se rapportant à la notion de récidive, rechute ou aggravation, a conclu à l’absence de lésion professionnelle admissible au dossier à compter du 1er avril 2007, et ce, pour les motifs suivants :
[135]   La jurisprudence a par ailleurs établi que le seul témoignage du travailleur est insuffisant pour qu’on puisse conclure à la présence d’une récidive, rechute ou aggravation. Il faut une preuve de nature médicale. Ainsi, la simple affirmation de l’augmentation d’une symptomatologie douloureuse est insuffisante à cet égard17.
[136]   En outre, il n’est pas suffisant pour une personne aux prises avec un état chronique, de simplement affirmer qu’elle conserve des douleurs, même augmentées depuis sa lésion initiale, pour voir sa réclamation acceptée. Elle doit faire la preuve d’une détérioration objective18, cette exigence devant toutefois être appliquée avec souplesse19.
[137]   En l’espèce, la preuve médicale ne démontre pas de détérioration objective de la condition médicale du travailleur au niveau de son genou droit. Aucun rapport médical n’en fait état. La CSST était donc justifiée de refuser la réclamation du travailleur au regard de ce site de lésion.
[138]   Le travailleur allègue cependant qu’il a subi un déconditionnement physique général avec douleurs musculo-squelettiques au pied gauche, aux deux genoux, aux deux hanches et au dos, tout en effectuant des entorses lombaires à répétition. Il joint différents rapports médicaux faisant état de cette condition, notamment ceux des docteurs Fecteau, Desrochers et Morand. Il attribue cette condition au fait d’être inactif en raison de son accident de travail pour lequel ses médecins l’ont mis en arrêt de travail complet.
[139]   Le tribunal doit donc analyser la preuve médico-administrative versée au dossier, valider les constatations médicales effectuées et les éléments de faits de nature à objectiver la condition du travailleur et en retenir les conclusions lui apparaissant les plus prépondérantes.
[140]   Comme l’indique le tribunal dans de nombreuses décisions, l’évaluation de la prépondérance médicale repose sur la force probante ou la crédibilité que le tribunal accorde aux diverses expertises déposées par les médecins et spécialistes, au témoignage recueilli à l’audience et à la preuve documentaire générale versée au dossier. Chaque cas doit être évalué à son mérite propre, suivant l’ensemble de la preuve factuelle médicale qui lui est particulier.
[141]   Dans le présent cas, le tribunal note que la réclamation du travailleur est effectuée dans un contexte de contestations multiples. Elle survient après que la CSST lui eut refusé des équipements pour qu’il puisse effectuer des exercices physiques à domicile. Elle s’insère également dans une démarche vindicative dont la teneur est illustrée par les lettres du 16 mai 2006,18 mai 2006, 19 mai 2006, 23 mai 2006, 1er juin 2006 et 6 juillet 2006, lettres ayant pour but de faire infléchir les préposés de la CSST qui refusent d’obtempérer à différentes demandes et exigences formulées par le travailleur dans l’administration de son dossier.
[142]   Le tribunal constate en outre que dès la fin du mois de juillet 2006, le docteur Dufresne rapporte une condition physique déficiente chez le travailleur et lui en attribue la responsabilité parce qu’il n’a pas perdu de poids, cessé de fumer et contrôlé ses facteurs de risque. De plus, en août 2006, le travailleur évoque la possibilité de présenter une demande de récidive, rechute ou aggravation de sa lésion en lien avec cette condition.
[143]   Le tribunal retient également de la preuve que la demande de rechute s’inscrit dans un tableau de condition personnelle importante. Le travailleur décrit d’ailleurs lui-même cette condition dans une lettre qu’il adresse aux officiers de la CSST le 4 juillet 2006. Il fait alors état d’un blocage artériel dans sa jambe gauche et de rendez-vous fixé pour le 31 juillet 2006. Il évoque par ailleurs un rendez-vous avec la neurochirurgienne Jacques relativement à un problème du nerf fémoro-cutané de la jambe gauche.
[144]   Par ailleurs, le rapport médical du docteur Dufresne du 31 juillet 2006 cerne bien la condition personnelle du travailleur et sa propre responsabilité au regard de la déficience de sa condition physique.
[145]   De plus, le physiatre Fecteau rapporte cette condition personnelle dans sa note du 26 juin 2007 à la docteure Desrochers. Il mentionne les mauvaises postures du travailleur, son abdomen globuleux, ses abdominaux relâchés et un défaut d’alignement des membres inférieurs. Il fait état de la spondylolyse probablement bilatérale à la charnière lombo-sacrée avec un spondylolisthésis de grade 1.5 sur 4 favorisant l’instabilité lombaire. Pour sa part, la physiatre Morand fait état d’un problème au nerf fémoro-cutané et d’une claudication neurogène.
[146]   Vu ces éléments, la Commission des lésions professionnelles estime que la condition médicale prévalant lors de la récidive, rechute ou aggravation alléguée en avril 2007 découle plus probablement de la condition personnelle ou de d’autres causes étrangères à la lésion initiale du 2 décembre 2002.
[147]   Le tribunal en est d’autant plus convaincu puisque dès le 14 janvier 2003, soit à peine quelques semaines après la survenance de l’événement initial du 2 décembre 2002, le docteur Beaupré décrivait une surcharge pondérale importante et rapportait que le travailleur fume en moyenne 40 cigarettes par jour, fait de l’hypertension et du diabète. Ces conditions ne sont pas étrangères au fait que le travailleur a dû subir un pontage pour blocage artériel au membre inférieur droit en mars 2002 et a aussi fait un infarctus le 11 août 2006.
[148]   Dans ce contexte, ses multiples conditions personnelles expliquent de façon plus probable le déconditionnement physique constaté par les médecins au printemps 2007.
[149]   Quant aux problèmes lombaires allégués, le tribunal constate qu’objectivement, la condition lombaire du travailleur est demeurée assez stable entre l’examen réalisé par le docteur Beaupré le 14 janvier 2003 et celui du docteur Fecteau effectué le 26 juin 2007. Le docteur Beaupré notait en effet des mouvements de flexion antérieure de la colonne à 70 degrés, alors que le docteur Fecteau rapporte un déroulement en flexion antérieure à plus de 70 à 80 degrés.
[150]   Par ailleurs, le docteur Fecteau note une distance doigts-sol d’au moins 10 pouces avec un Schoeber normal. Dans les circonstances, cette distance doigts-sol n’est pas significative puisque le docteur Beaupré indiquait dans son rapport du 14 janvier 2003 que le travailleur lui avait rapporté n’avoir jamais été capable de toucher le sol sans plier ses genoux.
[151]   Somme toute, eu égard aux critères jurisprudentiels applicables, la Commission des lésions professionnelles estime qu’il n’y a pas de relation entre les problèmes diagnostiqués au printemps 2007 par les médecins du travailleur et la lésion initiale du 2 décembre 2002.
[152]   La preuve médicale démontre en effet l’absence de gravité de la lésion initiale, celle-ci n’ayant entraîné qu’un déficit anatomo-physiologique de 2 % au genou droit. Par ailleurs, le travailleur réclame pour une condition médicale étrangère à la lésion subie en décembre 2002. Ses problèmes sont principalement liés à des douleurs aux hanches et au dos de même qu’aux épaules. Cette condition s’explique difficilement puisque le travailleur est en arrêt complet de travail depuis l’événement d’origine et qu’il ne fait pas d’exercices physiques.
[153]   Vu ces éléments, la Commission des lésions professionnelles estime que le travailleur n’a pas démontré, par une preuve prépondérante, la relation entre sa condition médicale prévalant en avril 2007 et sa lésion survenue en décembre 2002.
[154]   Enfin, le travailleur n’a pas non plus démontré, par une preuve prépondérante, que la CSST avait accepté implicitement sa lésion du 1 avril 2007.
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               17            Belleau-Chabot et
Commission scolaire de Laval et CSST,
               18            Côté et Neilson inc. et CSST, 229412-01B-0403, J.-F. Clément.
               19            Vigneault et Abitibi
Consolidated Scieries des Outardes,
[35] À l’appui de sa requête en révision, le travailleur reproche à la Commission des lésions professionnelles de ne pas avoir respecté les règles de justice naturelle au motif qu’elle aurait empêché son représentant (ou assistant) de faire valoir pleinement ses moyens quant à l’irrégularité de la procédure d’évaluation médicale au dossier.
[36] Ce motif doit être écarté. Un tel manquement au droit d’être entendu apparaît peu plausible à la lecture des paragraphes 82 à 120 de la décision dont la révision est demandée. Ces derniers comportent une analyse fort détaillée des motifs invoqués par le travailleur et son représentant à l’appui du moyen préalable soulevé en début d’audience quant à l’irrégularité de la procédure d’évaluation médicale.
[37] De plus, une écoute attentive de l’enregistrement intégral de l’audience tenue le 15 janvier 2008 démontre sans contredit qu’il n’y a eu aucun manquement aux règles de justice naturelle à cette occasion. Le représentant du travailleur a été appelé par le premier juge administratif à préciser, à la lumière de la preuve au dossier, les divers motifs invoqués au soutien de l’irrégularité procédurale soulevée en début d’audience, puis à faire entendre à ce sujet le travailleur qui s’est exprimé sans contrainte en complétant lui-même l’exposé des deux derniers motifs allégués à l’appui du moyen préalable. L’intervention ponctuelle du premier juge administratif avait pour seul but de vérifier sa compréhension des arguments invoqués par le travailleur et son représentant afin d’y répondre intégralement et avec exactitude en fonction de la preuve qui lui était soumise, comme le confirme d’ailleurs le libellé de la décision qu’il a rendue à ce sujet.
[38] Le travailleur soutient que la Commission des lésions professionnelles a commis, dans le cadre des deux litiges dont elle était alors saisie, des erreurs manifestes et déterminantes tout au long de l’analyse de la preuve qui, selon lui, ne reflète en rien son cas et se fonde sur une interprétation déformée des faits ainsi que du droit, tant au niveau de l’avis du BEM demandé par la CSST en 2005 qu’à celui de l’admissibilité de sa nouvelle réclamation en 2007.
[39] Force est de constater que le travailleur réitère et bonifie de surcroît devant le présent tribunal l’ensemble de sa preuve et surtout les nombreux arguments qu’il a déjà présentés à la Commission des lésions professionnelles qui y a répondu de façon très exhaustive en s’appuyant à la fois sur les faits établis devant elle ainsi que sur le droit applicable.
[40] Il appert du libellé de la volumineuse requête en révision et des représentations du travailleur au soutien de ses prétentions que c’est une nouvelle appréciation de la preuve dans sa globalité que souhaite cette partie en vue d’obtenir des conclusions différentes. Or, une réappréciation des faits et du droit n’est pas possible dans le cadre d’une telle requête. Le recours en révision ne peut, en effet, servir de prétexte à un appel déguisé. La soussignée ne peut substituer son opinion à celle du premier juge administratif sans s’exposer elle-même à être révisée puisqu’elle aurait agi comme tribunal d’appel et non en révision comme le permet la loi[7].
[41] La décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 29 janvier 2009 ne donne pas ouverture à la révision demandée car il n’a pas été démontré que l’un ou l’autre volet de cette décision était entachée d’erreur manifeste et déterminante assimilable à un vice de fond de nature à l’invalider. Le travailleur soulève sa propre interprétation des faits et du droit au soutien des conclusions qu’il recherche dans le cadre non seulement des deux litiges dont la Commission des lésions professionnelles devait alors disposer mais également de son dossier dans sa globalité.
[42] L’allégation suivant laquelle la Commission des lésions professionnelles aurait déformé la preuve par son interprétation n’est pas fondée. Ce sont plutôt les allégations que réitère et bonifie le travailleur dans le cadre de son recours en révision qui ne sont pas soutenues par la preuve factuelle et médicale telle que documentée au dossier.
[43] Les motifs énoncés à la décision dont la révision est demandée s’appuient bel et bien sur le dossier tel que constitué. Il s’agit, de surcroît, d’une analyse complète et rationnelle qui se fonde sur l’ensemble de la preuve qui a été soumise à la Commission des lésions professionnelles et qu’elle a appréciée dans l’exercice de sa compétence exclusive eu égard aux litiges dont elle était alors saisie. Le travailleur affirme, certes, en connaître davantage sur les faits et sur le droit que la Commission des lésions professionnelles. Il ne peut pourtant apprécier la preuve ni statuer à la place du premier juge administratif qui seul possède la compétence pour ce faire, comme le rappellent les jugements de la Cour d’appel cités précédemment.
[44] Enfin, le travailleur invoque des manquements au plan déontologique de la part du premier juge administratif. Le tribunal siégeant en révision ne constitue cependant pas le bon forum pour disposer de tels arguments. Quant aux allégations répétées de mensonges et d’intentions malveillantes formulées par le travailleur à l’endroit du premier juge administratif, elles ne sont pas fondées. Le libellé de la décision rendue le 29 janvier 2009 de même que l’enregistrement de l’audience tenue le 15 décembre 2008 ne soutiennent aucunement les prétentions du travailleur concernant l’attitude et les intentions manifestes du premier juge administratif dans l’exercice de ses fonctions de décideur, bien au contraire. Le tribunal ne peut non plus retenir les qualificatifs pour le moins déplacés et outranciers employés par le travailleur dans sa requête au sujet du premier juge administratif. Il s’agit d’accusations gratuites qui, au surplus, n’ajoutent rien au recours en révision.
[45] La requête en révision dont le présent tribunal est saisi témoigne essentiellement de l’insatisfaction et aussi de la frustration du travailleur devant les conséquences de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 29 janvier 2009, voire d’autres décisions finales déjà rendues au dossier, considérant l’évolution défavorable de son état de santé général et de la condition financière qui en découle. Malgré la sympathie que peut lui inspirer la situation précaire invoquée par le travailleur, le présent tribunal se doit de constater qu’il ne s’agit pas d’un motif donnant ouverture à la révision demandée.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête en révision de monsieur Jocelyn Grenier, le travailleur.
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Geneviève Marquis |
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Me Annie Veillette |
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PANNETON LESSARD |
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Représentante de la partie intervenante |
[1] Â Â Â Â Â Â Â Â Â Franchellini
et Sousa,
[2] Â Â Â Â Â Â Â Â Â Produits Forestiers Donohue inc. et Villeneuve,
[3] Â Â Â Â Â Â Â Â Â Bourassa c. Commission
des lésions professionnelles,
[4] Â Â Â Â Â Â Â Â Â
[5] Â Â Â Â Â Â Â Â Â CSST c. Touloumi, C.A. 500-09-015132-046, 6 octobre 2005, jj. Robert, Morissette, Bich, 05LP-159.
[6] Â Â Â Â Â Â Â Â Â C.L.P. 275083-04-0511, D. Lajoie.
[7]          Gaumond et Centre d’hébergement St-Rédempteur inc.,
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.