Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Sherbrooke

Le 27 janvier 2005

 

Région :

Estrie

 

Dossier :

269987-05-0508

 

Dossier CSST :

126052109

 

Commissaire :

Michel-Claude Gagnon

 

Membres :

Claude Lessard, associations d’employeurs

 

Pierre Guertin, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Annie Côté

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Robert et Robert (1978) ltée

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 29 août 2005, madame Annie Côté (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 12 août 2005 à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme en partie la décision qu’elle a initialement rendue le 14 septembre 2004 et déclare que la travailleuse n’a pas droit aux indemnités de remplacement du revenu pour la période du 21 juillet au 1er août 2004.  La CSST indique que des vérifications ont confirmé que la travailleuse avait reçu des indemnités de remplacement du revenu jusqu’au 20 juillet 2004.

[3]                L’audience s’est tenue le 13 décembre 2005 à Sherbrooke en présence du représentant de la travailleuse.  La Compagnie Robert et Robert (1978) ltée (l’employeur) est représentée. 

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                La travailleuse demande de rétablir le versement de l’indemnité de remplacement du revenu pour la période du 20 juillet au 1er août 2004 puisque la CSST a agi sans droit en suspendant l’indemnité pour cette période.

[5]                Deux questions préalables soutiennent cette contestation.  Le représentant de la travailleuse invoque que la décision rendue est entachée d’irrégularités à savoir que celle-ci ne répond pas aux conditions d’application de l’article 142 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) et finalement que la CSST n’a pas respecté la procédure prévue en matière d’assignation temporaire par l’article 179 de la loi.

QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

[6]                La représentante de l’employeur soulève la question préliminaire du dépassement du délai prévu pour contester la décision initiale de la CSST rendue le 14 septembre 2004, selon l’article 358 de la loi, et demande de déclarer irrecevable la contestation.

[7]                Le représentant de la travailleuse souligne que l’employeur n’a pas contesté la décision rendue en révision administrative le 12 août 2005 et qu’il ne peut soulever cette question une fois rendu devant la Commission des lésions professionnelles. 

[8]                Le tribunal constate que lors de la révision administrative, la CSST a relevé la travailleuse de son défaut d’avoir contesté la décision à l’intérieur du délai imparti et a décidé que la travailleuse avait fait valoir des motifs raisonnables pour justifier le dépassement du délai, puisqu’elle a démontré clairement son intention de contester la décision rendue.

L’AVIS DES MEMBRES SUR LA QUESTION PRÉLIMINAIRE

[9]                Les membres issus des associations d’employeurs et des associations syndicales sont d’avis que le tribunal a le pouvoir de décider de la question préliminaire soulevée par l’employeur.  La preuve documentaire démontre cependant que la contestation de la décision rendue par la CSST le 14 septembre 2004 est recevable puisque la travailleuse a démontré un motif raisonnable pour ne pas contester la décision à l’intérieur du délai imparti.  Celle-ci a manifesté son intention de contester aussitôt qu’elle a constaté les effets de l’orientation prise par la CSST pour ne pas verser les indemnités de remplacement du revenu du mois de juillet 2004.

LA PREUVE ET LES MOTIFS DE LA DÉCISION SUR LA QUESTION PRÉLIMINAIRE

[10]           La revue du dossier démontre que l’employeur n’avait pas d’intérêt à contester la décision rendue par la révision administrative puisque le sort de celle-ci lui est favorable, dans ce sens que la décision n’accorde pas le droit à la travailleuse de bénéficier des indemnités de remplacement du revenu pour la période du 21 juillet au 1er août 2004.

[11]           Le débat une fois transporté à la Commission des lésions professionnelles peut être soulevé par l’employeur, puisque le tribunal revoit la décision De Novo et doit rendre la décision qui aurait normalement dû être rendue en premier lieu, conformément à ce qui est prévu par l’article 377 de la loi. :

377. La Commission des lésions professionnelles a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence.

 

Elle peut confirmer, modifier ou infirmer la décision, l'ordre ou l'ordonnance contestée et, s'il y a lieu, rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, à son avis, aurait dû être rendue en premier lieu.

__________

1985, c. 6, a. 377; 1997, c. 27, a. 24.

 

 

[12]           Pour ce faire, le tribunal peut non seulement réviser la décision rendue par l'instance inférieure, mais réentendre et réévaluer l'ensemble de la preuve aux fins de rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu.  C’est d’ailleurs la position qu’a prise le tribunal dans Pelletier et Fruit Sections inc.[2] en se référant à d’autres affaires[3] pour lesquelles l'employeur a remis en cause la partie de la décision de la CSST ayant trait à la recevabilité de la demande de révision d’un travailleur, même si cette décision n'avait pas fait l'objet d'un appel de sa part.


[13]           En ce qui a trait à la question préliminaire soulevée, il faut s’en remettre à ce qui est prévu par la loi pour la question qui se rapporte au hors délai :

358. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision.

 

Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de la section III du chapitre VII, ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l'article 365.

 

Une personne ne peut demander la révision de l'acceptation ou du refus de la Commission de conclure une entente prévue à l'article 284.2.

__________

1985, c. 6, a. 358; 1992, c. 11, a. 31; 1996, c. 70, a. 40; 1997, c. 27, a. 14.

 

358.2. La Commission peut prolonger le délai prévu à l'article 358 ou relever une personne des conséquences de son défaut de le respecter, s'il est démontré que la demande de révision n'a pu être faite dans le délai prescrit pour un motif raisonnable.

__________

1997, c. 27, a. 15.

 

 

[14]           Après une revue du dossier, le tribunal estime que la travailleuse a manifesté clairement son intention de contester lorsqu’elle a rempli un formulaire le 23 août 2004 après avoir constaté que le versement des prestations du mois de juillet 2004 ne se faisait pas à la période prévue au 5 août 2004.  Cette démarche a été effectuée à l’intérieur des 30 jours qui suivent la prise de connaissance de l’absence de versement des indemnités de remplacement du revenu.

[15]           Même si le formulaire utilisé est celui d’une plainte en vertu de l’article 32, il apparaît que l’objet de la démarche consistait à être payée pour la période comprise entre le 18 et le 31 juillet 2004.  La décision rendue par la CSST le 14 septembre 2004 a modifié légèrement cette période pour indiquer que la période était celle comprise entre le 21 juillet et le 1er août 2004.

[16]           Il appert que le fait pour la travailleuse d’avoir complété une plainte selon l’article 32 de la loi démontre une intention de contester les conséquences de l’absence de rémunération pour la période concernée.  La confusion existante entre l’identité du payeur de cette période confirme également qu’il faut s’attarder à la finalité recherchée par la travailleuse ainsi qu’à son intention véritable plutôt que de s’interroger sur la forme qu’aurait dû prendre le formulaire utilisé par la travailleuse pour contester l’absence de versement d’une indemnité de remplacement du revenu.

[17]           Que la travailleuse ait choisi de compléter une plainte en vertu de l’article 32 plutôt que le formulaire habituel de contestation, ne modifie pas la valeur qui doit être accordée à la démarche effectuée par la travailleuse qui en est une démontrant sans contredit une intention de contester l’absence d’indemnisation.  Cette démarche a été effectuée à l’intérieur de la période de 30 jours qui suit la prise de connaissance de l’absence de versement d’une indemnité de remplacement du revenu.

[18]           Lors du recours devant le conciliateur-décideur de la CSST, le représentant de la travailleuse a demandé de joindre également la contestation de la décision du 14 septembre 2004, requête que le conciliateur a rejetée, ce dernier refusant de se saisir de cette question et invitant la travailleuse à s’adresser à l’instance de révision administrative de la CSST.  Le conciliateur-décideur a limité l’exercice de sa compétence à la question qui le concernait, c'est-à-dire de refuser d’assimiler à une mesure visée par l’article 32 de la loi, l’absence de versement d’un salaire pour la période du 18 au 31 juillet 2004.

[19]           La CSST, en révision administrative, était donc bien fondée de déclarer recevable la contestation de la travailleuse logée le 5 mai 2005, puisque la travailleuse avait démontré un motif raisonnable au sens de l’article 358.2 de la loi en manifestant rapidement son opposition à l’absence de versement des indemnités de remplacement du revenu.

[20]           Le recours effectué en vertu de l’article 32 de la loi ne pouvait vraisemblablement inclure la question du droit à l’indemnité de remplacement du revenu et il aurait été possible, selon les actes administratifs posés par la CSST, que la procédure de révision du dossier soit amorcée plus rapidement pour traiter la question du droit à l’indemnité de remplacement du revenu en application des articles 142 et 179 de la loi.

LA PREUVE SUR LA DÉCISION À RÉVISER

[21]           Le tribunal s’en remet au dossier tel que constitué puisque les parties n’ont aucun témoin à faire entendre. 

[22]           Madame Annie Côté est une journalière à la quincaillerie, qui travaille pour l’employeur depuis le mois d’août 1997.

[23]           Elle subit une lésion au pouce gauche le 31 mai 2004 dans le cadre de l’exécution de son travail.  La CSST accepte la lésion sous la forme d’un accident du travail par une décision du 23 juin 2004.

[24]           Lors de la première consultation médicale qui a lieu le 31 mai 2004, le docteur Collinge retient le diagnostic d’une entorse du pouce gauche et suggère une attelle, des anti-inflammatoires ainsi qu’une consultation en orthopédie.  Il autorise un arrêt de travail jusqu’au 6 juin 2004, date à compter de laquelle il recommande des traitements de physiothérapie.  Il prolonge par la suite l’arrêt de travail jusqu’au 15 juin 2004.

[25]           Le 17 juin 2004, le docteur Massé réitère la recommandation d’un arrêt de travail et le 21 juin 2004, il signe le formulaire d’assignation temporaire prévu par la CSST.  Aucune durée n’est identifiée pour cette assignation temporaire.

[26]           La description de l’assignation autorisée est libellée ainsi :

Formateur :                                          Donner formation aux nouveaux employés, voir à ce que le travail soit bien fait, n’aura pas à se servir de son pouce gauche.

 

Prendre des inventaires :           Compter les items

                                               Enregistrer le décompte

 

Réviser manuel de procédures de travail. Faire de la lecture des procédures.

[27]           Le 28 juin 2004, le docteur Trudel retient un diagnostic de tendinite de l’extenseur du pouce gauche et confirme un arrêt de travail pour une période de deux semaines.

[28]           Le 13 juillet 2004, le docteur Arès souligne l’amélioration lente de la lésion et confirme que la travailleuse continue ses séances de physiothérapie à raison de trois fois par semaine.  Il maintient la période d’arrêt jusqu’au 20 juillet 2004, date à laquelle une consultation avec l’orthopédiste Massé est prévue.

[29]           Le 20 juillet 2004, le docteur Massé confirme que la travailleuse conserve une ankylose résiduelle et recommande qu’elle ne fasse aucun travail manuel.  Il prolonge la période de consolidation et coche la case plus de 60 jours.  Il indique qu’elle peut faire des travaux légers de supervision.  Un formulaire de type standard avec des choix identifiés est signé par le docteur Massé.  Il coche les rubriques suivantes : 

        ellene peut retourner à sa fonction régulière; par contre, je consens à ce que cette personne soit assignée temporairement à un travail adapté tel que proposé ci-dessous et/ou à être confirmé ultérieurement*, le cas échéant, avec la ou les limitations précisée (s) ci-dessus :

        travail de bureau

        supervision, surveillance

[30]           À la revue du formulaire, aucune limitation n’est identifiée.  Cependant, le formulaire indique qu’une confirmation des tâches et fonctions de l’assignation temporaire respectant les limitations fonctionnelles énoncées suivra par télécopie dans les plus brefs délais.  Il est aussi précisé que le fait de compléter le formulaire d’assignation temporaire, constitue un acte rémunéré par la RAMQ.

[31]           Finalement, la lésion est consolidée le 7 octobre 2004 sans atteinte permanente, ni limitations fonctionnelles.

[32]           À l’audience, les parties admettent les faits qui sont repris par le conciliateur-décideur aux pages 44 et 45 du dossier du tribunal.  Ceux-ci sont relatés ainsi :

Au début d’avril 2004, en conformité avec l’article 17.09 de la convention collective (T-4), l’employeur informe les travailleurs que l’usine sera fermée durant les vacances de la construction, soit du 18 au 31 juillet 2004.

 

Le 31 mai 2004, la travailleuse quitte le travail pour une lésion professionnelle subie le même jour.

 

Au début de juillet 2004, à cause d’un besoin de production, l’employeur informe les travailleurs que l’usine de PVC sera en opération la semaine du 19 juillet 2004. Les travailleurs étaient libres d’entrer au travail et les intéressés devaient inscrire leur nom sur une liste. Madame Côté a inscrit son nom sur cette liste la semaine du 12 juillet 2004.

 

Le 19 juillet 2004, la travailleuse n’est pas entrée au travail et n’a pas avisé l’employeur. Elle mentionne qu’elle n’est pas entrée au travail parce qu’elle n’avait pas encore obtenu la permission de son médecin.

 

Le 20 juillet 2004, elle rencontre son médecin. Ce dernier indique sur le rapport médical (#02483) : « travaux légers » (T-7) et signe un formulaire d’assignation temporaire (E-2). La travailleuse n’a pas contacté son employeur. Elle a fait parvenir le rapport médical à ce dernier par l’entremise d’un représentant syndical.

 

Madame Sylvie Labonté, conseillère en ressources humaines, mentionne que durant les semaines des vacances de la construction, il y avait du travail en assignation temporaire puisque l’usine de PVC a été ouverte la première semaine et que les bureaux ont été ouverts durant les deux semaines. Elle a tenté de rejoindre, sans succès, la travailleuse par téléphone l’après-midi du 20 juillet 2004 et à deux reprises, dans la journée du 21 juillet 2004. Elle soutient qu’il n’appartient pas à l’employeur de payer le salaire à la travailleuse puisqu’elle n’a pas travaillé. Elle ajoute que la CSST devrait indemniser la travailleuse puisqu’elle n’était pas consolidée.

 

Monsieur Richard Côté est contremaître à l’usine de PVC depuis cinq ans. L’usine a été ouverte du 19 au 22 juillet 2004 et fermé la deuxième semaine des vacances de la construction. Il a reçu, par l’entremise du représentant syndical, un papier de retour en travaux légers (E-2) qu’il a remis à madame Labonté. Il n’a pas eu aucun contact avec la travailleuse durant ces deux semaines.

 

Le 23 juillet 2004, l’employeur a convoqué (T-9) la travailleuse par courrier recommandé à un examen médical pour le 18 août 2004. La travailleuse a reçu la lettre précédemment citée le 27 juillet 2004 (E-3) et elle a appelé l’employeur afin de connaître le moyen de transport qu’elle pouvait utiliser pour se rendre à l’examen.

 

Le 2 août 2004, elle retourne en travaux légers et fait une demande de vacances pour la période du 16 août au 6 septembre 2004.


[33]           En complémentaire à ces faits, le tribunal juge pertinent de reproduire les notes du 16 août, du 30 août, du 10 septembre et du 13 septembre 2004 de l’agente de la CSST :

Tél. E-Sylvie Labonté-15:28                                                                 

- Bte vocale : laissé msg de rappeler                                                    

 

                                                                                                          LINE HOGUE

                                                                                                          16 AOÛT 2004

 

 

Tél. retourné E-Sylvie Labonté (PVC)-16:08-Msg bte vocale 16h06          

- L’usine était ouverte ds la 1ère sem. de la Construction             

-RV 04-08-18 à Mtl pr expertise

- R est rentrée au travail depuis 04-08-02. La sem. dernière, R a travaillé de soir.

- R a demandé des vacances du 16 août au 3 sept. 04

- E me dit qu’il y a tjrs du travail de bureau disponible en trav. légers.

- R travaille à l’usine de PVC. Cette usine n’a pas fermée ds la 1ère sem.

de la construction, contrairement aux dires de la R.

- R n’a pas contacté E, pr les travaux légers.

- E a essayé de rejoindre la R sans succès; pr lui offrir NE.

 

                                                                                                          LINE HOGUE

                                                                                                          16 AOUT 2004

 

 

Tél E-M. Brown-13:35.                                                             

- M. Brown me dit qu’il a d’autres infos.                                    

-Doc. non apporté par R. C’est qq’un d’autre qui l’a apporté-E l’a reçu le 04-07-22.

- E a envoyé lettre à la R le 04-07-23 pr RV expertise. La sem. suivante seulement, suite à la lettre, R a contacté E pr savoir quand elle pourrait travailler

 

                                                                                                          LINE HOGUE

                                                                                                          30 AOUT 2004

 

 

Tél. reçu R-14:46                                                                    

- R veut lettre décision pr IRR non versée pendant ses vacance   

                                                                                                          LINE HOGUE

                                                                                                          10 SEP. 2004

 

 

-OK LSF 02-113 faite                                                               

- IRR non autorisée période du 19 juillet 2004 au 1er août 2004    

1o        Le 04-07-26 et 04-08-05, R me contacte pr me dire que pendant cette période, elle était en vacances. Son questionnement, à ce moment-là, était qu’elle n’avait pas encore reçu sa paie de vacances et demandait donc à la CSST de lui verser IRR pr ladite période.

2o         Vérification faite auprès de E : ds la première sem. de vacances de la R, son département n’était pas fermé (A noter que cette entreprise ne ferme pas complètement pendant la période des vacances). Par ailleurs, l’E me confirme qu’il y a tjrs de l’ass-temporaire disponible ds cette entreprise.

3o         Vérification au dossier, le Dr Massé avait prescrit de l’ass-temp. le 04-06-21 à durée indéterminée (voir doc au dossier Þ Ø date fin). Ce md, en date du 20 juillet 2004, mentionnait encore que R pouvait faire ass. temp. Fait à noter est que, selon les dires de E, R ne donne jamais directement à E de ses nouvelles. Elle faisait remettre les rapports médicaux par quelqu’un d’autre. Selon E, ce n’est que lorsque E a décidé d’informer R (par lettre) qu’elle serait expertisée, que celle-ci a donné de ses nouvelles à E en disant qu’elle était prête à faire des travaux légers (info pendant les vacances).

-Par conséquent de ce qui précède, R n’avait pas droit à l’IRR, telle que prévue ds la procédure. Réf. les notes évolutives des conversations avec R et E. ass. temp disponible mais R n’a pas fait le nécessaire pr s’en prévaloir. Ce n’est que lorsqu’elle a su que des démarches d’expertise était en cours qu’elle a réagi.

                                                                                                                      LINE HOGUE

                                                                                                                      13 SEP. 2004

L’AVIS DES MEMBRES SUR LA DÉCISION À RÉVISER

[34]           Les membres issus des associations d’employeurs et des associations syndicales sont d’avis d’accueillir la requête de la travailleuse puisque la preuve démontre que la procédure d’assignation temporaire n’a pas été suivie en conformité avec ce que prévoit la loi.  La procédure de suspension ne pouvait être appliquée en l’absence d’une procédure d’assignation temporaire conforme à la loi.  De plus, si la procédure d’assignation temporaire avait été conforme à la loi, la CSST n’aurait pu suspendre l’indemnité de remplacement du revenu selon l’article 142 de la loi puisque la travailleuse n’aurait pu modifier son comportement sur la période antérieure visée par la décision.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[35]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si une procédure d’assignation temporaire a été suivie en conformité avec ce qui est prévu par l’article 179 de la loi.  Cette question doit être tranchée avant de vérifier si l’article 142 pouvait être appliqué au présent dossier, puisque la CSST a suspendu l’indemnité parce qu’elle considérait que la travailleuse avait omis ou refusé de faire le travail dûment autorisé par son médecin dans le cadre d’une assignation temporaire.  Les articles pertinents pour la présente révision édictent les conditions suivantes :

179. L'employeur d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle peut assigner temporairement un travail à ce dernier, en attendant qu'il redevienne capable d'exercer son emploi ou devienne capable d'exercer un emploi convenable, même si sa lésion n'est pas consolidée, si le médecin qui a charge du travailleur croit que:

 

1°   le travailleur est raisonnablement en mesure d'accomplir ce travail;

 

2°   ce travail ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion; et

 

3°   ce travail est favorable à la réadaptation du travailleur.

 

Si le travailleur n'est pas d'accord avec le médecin, il peut se prévaloir de la procédure prévue par les articles 37 à 37.3 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1), mais dans ce cas, il n'est pas tenu de faire le travail que lui assigne son employeur tant que le rapport du médecin n'est pas confirmé par une décision finale.

__________

1985, c. 6, a. 179.

 

 

142. La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité:

 

1°   si le bénéficiaire:

 

a)   fournit des renseignements inexacts;

 

b)   refuse ou néglige de fournir les renseignements qu'elle requiert ou de donner l'autorisation nécessaire pour leur obtention;

 

2°   si le travailleur, sans raison valable:

 

a)   entrave un examen médical prévu par la présente loi ou omet ou refuse de se soumettre à un tel examen, sauf s'il s'agit d'un examen qui, de l'avis du médecin qui en a charge, présente habituellement un danger grave;

 

b)   pose un acte qui, selon le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, selon un membre du Bureau d'évaluation médicale, empêche ou retarde sa guérison;

 

c)   omet ou refuse de se soumettre à un traitement médical reconnu, autre qu'une intervention chirurgicale, que le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, un membre du Bureau d'évaluation médicale, estime nécessaire dans l'intérêt du travailleur;

 

d)   omet ou refuse de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation;

 

e)   omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu'il est tenu de faire conformément à l'article 179, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l'article 180;

 

f)    omet ou refuse d'informer son employeur conformément à l'article 274.

__________

1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.

 

143. La Commission peut verser une indemnité rétroactivement à la date où elle a réduit ou suspendu le paiement lorsque le motif qui a justifié sa décision n'existe plus.

__________

1985, c. 6, a. 143.

[36]           Après avoir revu l’ensemble de la preuve documentaire, le tribunal considère que la procédure d’assignation temporaire prévue par la loi n’a pas été suivie de manière à permettre à la CSST d’entreprendre les procédures pour cesser le versement de l’indemnité de la travailleuse par le biais de l’application de l’article 142 de la loi.

[37]           Bien que le médecin de la travailleuse ait complété un premier formulaire d’assignation temporaire le 21 juin 2004, une prolongation de l’arrêt des travaux a été confirmée les 28 juin et 13 juillet 2004 tandis que le 20 juillet 2004, le docteur Massé prolonge la période de consolidation pour plus de 60 jours. 

[38]           La période autorisée le 21 juin 2004 se réfère d’une manière spécifique à trois tâches de travail reliées à la formation des nouveaux employés, la prise d’inventaire et la révision des procédures de travail. 

[39]           Le tribunal ne peut conclure, selon le formulaire signé par le docteur Massé le 20 juillet 2004, qu’il a autorisé une assignation temporaire telle que le prévoit la loi.  À ce formulaire, le docteur Massé ne s’est prononcé sur aucune des trois conditions prévues à l’article 179 de la loi.  Il a simplement coché des choix d’emplois sans pouvoir analyser véritablement les conditions spécifiques à l’emploi qui pourrait être confié à la travailleuse pour cette période.  Aucune description de tâches de travail n’apparaît.

[40]           De plus, comme le mentionne le représentant de la travailleuse à l’audience, le libellé du formulaire laisse entrevoir que l’emploi assigné sera confirmé ultérieurement. Le tribunal en déduit que le formulaire utilisé permet à l’employeur de pouvoir analyser d’une manière préliminaire les différents travaux qui peuvent être confiés selon les choix organisationnels qui sont tributaires de la nature de l’activité économique de la période. 

[41]           Dans les faits, les notes de la CSST ainsi que la preuve rapportée par le conciliateur-décideur confirment que l’employeur n’a pas poursuivi cette démarche lorsqu’il a rejoint la travailleuse lors de l’envoi d’une lettre le 23 juillet 2004.  L’employeur a plutôt choisi d’orienter le dossier vers une procédure d’évaluation médicale et a même d’ailleurs soutenu la position de la travailleuse à l’effet que cette dernière devrait toucher une indemnité de remplacement de revenu pour la période, puisque la lésion n’était pas consolidée.

[42]           En l’absence d’une description de tâches précise et de l’opinion du docteur Massé sur la capacité de la travailleuse d’être raisonnablement en mesure d’accomplir le travail sans danger pour sa santé, sa sécurité et son intégrité physique, d’une manière à favoriser sa réadaptation, l’assignation n’est pas conforme aux exigences prévues par la loi.

[43]            Il n’est pas suffisant, comme le plaide la représentante de l’employeur, d’indiquer que l’assignation temporaire est toujours disponible chez l’employeur et que la travailleuse a donné son nom pour faire une telle assignation temporaire.  Encore faut-il savoir quelles sont les conditions précises de cette assignation temporaire afin que le médecin puisse se prononcer conformément à ce que prévoit la loi.

[44]           En l’absence d’une procédure d’assignation temporaire conforme à la loi, la CSST ne pouvait entreprendre la procédure de suspension prévue par l’article 142 de la loi puisque la travailleuse n’avait pas à modifier son comportement et elle devait être rémunérée pendant la période de consolidation de sa lésion professionnelle.

[45]           D’une manière subsidiaire, le tribunal constate qu’il n’aurait pu valider la procédure de suspension de l’indemnité de remplacement du revenu prise par la CSST telle qu’amorcée, puisque celle-ci n’a aucunement permis à la travailleuse de modifier son comportement.  Le flottement existant quant à l’identification du payeur de la période en cause a orienté le dossier vers une plainte contre l’employeur et la CSST a choisi d’appliquer l’article 142 de la loi en fondant sa décision du 13 septembre 2004 sur une analyse rétrospective des faits. 

[46]           En date de cette analyse, la travailleuse avait repris le travail depuis le 2 août 2004 et le moyen utilisé par la CSST ne visait donc qu’une période antérieure, ce qui ne rencontre pas l’objectif visé par le législateur à l’article 142.  À l’instar de l’affaire Guidi et Résidence St-Eustache[4] déposée par le représentant du travailleur, et avec respect pour l’opinion contraire, le tribunal partage la position exposée quant à l’illégalité d’une application rétroactive de l’article 142 de la loi plutôt que celle reprise dans la décision Braga et Construction Louisbourg ltée[5] du tribunal déposée par le représentant de l’employeur qui s’inspire d’une seule autre affaire, soit l’affaire Rivard et CLSC des TroisVallées [6].

[47]           L’affaire déposée par le représentant du travailleur se réfère aussi aux principes retenus dans Salvagio et Asphalte et Pavage Tony inc.[7] et Sas et les Boulangeries Joziel inc.[8] qui confirme une jurisprudence constante à l’effet de ne pas donner une portée rétroactive à l’article 142 de la loi.  Le tribunal estime que le travailleur à qui l’article 142 est opposé doit avoir le temps de modifier son comportement en connaissant la nature de la mesure qui lui est imposée au début de la période pour laquelle elle s’applique et la mesure ne peut être prise qu’à compter du moment ou l’ensemble des explications sont fournies, c'est-à-dire au moment de la décision rendue par la CSST.

[48]           Cette position est motivée aussi par le fait que le législateur prévoit spécifiquement à l’article 143 de la loi le versement rétroactif de l’indemnité réduite ou suspendue lorsque le motif qui a justifié la décision n’existe plus, d’où l’interprétation que cette mesure sert à modifier un comportement d’un travailleur par la suspension du versement de l’indemnité de remplacement du revenu pour la période sur laquelle le travailleur peut avoir une emprise et non pour une période qui précède la décision rendue.

[49]           Puisque la décision rendue par la CSST est fondée sur une période antérieure, celle-ci aurait aussi été irrégulière sous cet aspect.

[50]           Le tribunal retient en conclusion que la décision rendue par la CSST est irrégulière, puisque la preuve démontre qu’aucune procédure d’assignation temporaire n’a été suivie selon l’article 179 de la loi et ainsi la CSST ne pouvait suspendre l’indemnité de remplacement du revenu de la travailleuse en recourant à l’article 142 de la loi.  La décision doit être annulée afin de reprendre le versement à la travailleuse de l’indemnité de remplacement du revenu pour la période concernée.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la question préliminaire de la travailleuse quant au pouvoir de décider de la question du dépassement du délai soulevé par l’employeur;

DÉCLARE que le tribunal a le pouvoir de décider de la question du dépassement du délai selon la loi;

REJETTE la question préliminaire de l’employeur sur la question du dépassement de délai;

DÉCLARE RECEVABLE la contestation de la travailleuse à l’encontre de la décision rendue par la CSST le 14 septembre 2004;

ACCUEILLE la requête de la travailleuse, madame Annie Côté;

DÉCLARE irrégulière la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 14 septembre 2004, puisque non conforme à l’article 142 de la loi;

ANNULE la décision rendue le 14 septembre 2004;


RETOURNE le dossier à la CSST afin qu’elle verse à madame Annie Côté les indemnités dont elle a été privée par la décision rendue le 14 septembre 2004.

 

 

__________________________________

 

Michel-Claude Gagnon

 

Commissaire

 

 

 

 

M. Jean-Pierre Girard

C.S.N.

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Isabelle Cormier

LANGLOIS, KRONSTROM & ASS.

Représentante de la partie intéressée

 

 

 

 

 

 



[1]          L.R.Q, Chap. A-3.001.

[2]          C.L.P. 151638-61-0012, 23 juillet 2001, G. Morin.

[3]          Blanchette et Durivage-Multi-Marques inc. et CSST, C.A.L.P. 41769-63-9207, 20 avril 1995, L. Thibault; Tardif et Niedner ltée et CSST, C.L.P. 92573-05-9711, 13 janvier 1999, F. Ranger.

[4]          C.L.P. 182932-64-0204 et 188899-64-0208, 23 août 2002, L. Boucher.

[5]          C.L.P . 231923-71-0404, 21 avril 2005, R. Langlois.

[6]          [1999] C.L.P. 619 .

[7]          1991, C.A.L.P. 291.

[8]          C.L.P. 136364-62C-0004, 20 novembre 2000, M. Sauvé.

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