Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint-Jérôme

31 mai 2005

 

Région :

Laurentides

 

Dossier :

232620-64-0404

 

Dossier CSST :

108476227

 

Commissaire :

Robert Daniel

 

Membres :

René F. Boily, associations d’employeurs

 

Andrée Bouchard, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Jacques Martin

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Bois Laurentien

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 24 avril 2004, monsieur Jacques Martin (le travailleur) dépose, à la Commission des lésions professionnelles, une requête à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 13 avril 2004, à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST modifie dans sa forme la décision initialement rendue le 8 mai 2003 et déclare que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 23 octobre 2001.

[3]                À l’audience tenue à Saint-Jérôme le 18 mai 2005, le travailleur est absent, mais représenté par monsieur Devost.  Bois Laurentien (l’employeur) est absent, bien que dûment convoqué.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il est victime, le 23 octobre 2001, d’une aggravation de sa lésion professionnelle initiale survenue le 26 octobre 1994.

LES FAITS

[5]                Dans une cause antérieure touchant la reconnaissance d’une atteinte permanente[1], la Commission des lésions professionnelles rapporte un historique des événements toujours pertinents au présent litige.  Le soussigné retient donc que :

[10]      Il convient de rappeler les faits suivants du dossier.  Le 26 octobre 1994, monsieur Martin subit une lésion professionnelle au dos dans l'exercice de son emploi d'aide général chez l'employeur.  Les premiers médecins consultés diagnostiquent une entorse lombaire mais, à la suite d'un examen par tomodensitométrie lombaire qui s'est avéré positif, le diagnostic de hernie discale L4-L5 gauche est retenu par le médecin traitant, le docteur Leclaire.  Les rapports du physiatre qui suit monsieur Martin, le docteur Imbeault, ne comportent pas de diagnostic, mais il est fait mention d'un déficit affectant la racine L5 gauche. 

 

[11]      La lésion est consolidée le 28 février 1995.  Les rapports du physiothérapeute et du docteur Imbeault indiquent que les mouvements de la colonne lombaire sont alors normaux.  Dans les rapports finals qu'ils émettent, les docteurs Leclaire et Imbeault indiquent que la lésion n'a pas entraîné d'atteinte permanente à l'intégrité physique ni de limitations fonctionnelles.  Il n'y a aucune note évolutive au dossier concernant la réception de ces rapports finals.  La CSST ne rend pas de décision sur l'atteinte permanente mais statue, le 28 février 1995, sur la capacité de monsieur Martin à reprendre son emploi.

 

[12]      Le 12 mars 1996, monsieur Martin subit une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle qui est consolidée le 11 juin 1996, sans atteinte permanente à l'intégrité physique ni limitations fonctionnelles.  Néanmoins, il continue de suivre des traitements de physiothérapie et de voir son médecin jusqu'au 3 septembre 1996.  Le 23 octobre 1996, la CSST décide qu'il est capable d'exercer son emploi le 11 juin 1996 et l'informe qu'elle ne lui réclamera pas les indemnités de remplacement du revenu qu'il a reçues jusqu'au 3 septembre 1996.  Le 16 janvier 1997, elle reconsidère sa décision et lui réclame le remboursement de ces indemnités, décision que conteste monsieur Martin.  La Commission des lésions professionnelles lui donne raison par décision rendue le 18 janvier 2001.

 

[13]      Lors de la préparation du dossier d'appel, le représentant de monsieur Martin constate que la lésion initiale a été consolidée sans atteinte permanente à l'intégrité physique, alors que le barème des dommages corporels prévoit un pourcentage de déficit anatomo-physiologique dans le cas d'une hernie discale lombaire. 

 

[14]      Dans le but de faire corriger cette erreur, le représentant de monsieur Martin demande au docteur Allen Payne de compléter un rapport d'évaluation médicale.  Ce médecin complète trois rapports.  Dans le premier daté du 30 novembre 2000, il accorde un déficit anatomo-physiologique de 2 % pour une entorse lombaire en référant par erreur à la rechute, récidive ou aggravation du 13 mars 1996.  Le 7 décembre 2000, il produit un second rapport pour corriger son premier rapport en référant cette fois à l'événement du 26 octobre 1994.  Il évalue alors que la lésion de 1994 a entraîné un déficit anatomo-physiologique de 15 % pour une entorse lombaire, une hernie discale et des ankyloses de la colonne lombaire.

 

[15]      À la suite de l'intervention du médecin de la CSST qui lui fait remarquer que le déficit anatomo-physiologique pour l'événement de 1994 devrait être de 2 % pour une hernie discale lombaire, le docteur Payne apporte une nouvelle correction à son rapport, le 10 mai 2001, et retient comme séquelles de la lésion de 1994 un déficit anatomo-physiologique de 2 % pour une hernie discale lombaire n'ayant pas entraîné d'ankyloses.  Son rapport d'évaluation médicale est jugé conforme au barème des dommages corporels par le médecin de la CSST.

 

[16]      Le 4 juin 2001, la CSST rend une décision par laquelle elle reconnaît que la lésion professionnelle de 1994 a entraîné un pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique de 2,20 % et que monsieur Martin a droit à une indemnité pour dommages corporels.

 

[17]      À la lecture des notes évolutives du dossier, on comprend que par cette décision, la CSST a voulu corriger l'erreur commise par les médecins de monsieur Martin en 1995 en complétant leur rapport final.  En effet, on peut lire à la note inscrite au dossier le 1er avril 2001 :

 

Suite à un téléphone de M. Jean-Pierre Devost, représentant du travailleur, j'ai révisé le traitement du dossier.  Il semble possible que le médecin traitant ait oublié ou se soit trompé en indiquant Apipp nil sur son REM.

 

Aussi je suggère de voir le BM pour lui soumettre le REM du 7/12/00 et pour savoir si le travailleur aurait dû être évalué suite à la consolidation du 28/2/1995.  [sic]

 

[18]      On comprend également que cette erreur avait échappé à la CSST à la suite de la réception des rapports finals des docteurs Leclaire et Imbeault puisqu'une évaluation des séquelles permanentes aurait dû être demandée au médecin traitant, compte tenu que le diagnostic de hernie discale retenu entraîne la reconnaissance d'un pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique de 2,20 %, selon le barème des dommages corporels.

 

 

[6]                Dans cette décision, la Commission des lésions professionnelles déclare qu’à la suite de la lésion professionnelle survenue le 26 octobre 1994, le travailleur demeure avec une atteinte permanente évaluée à 2,2 %.  Le tribunal infirmait la décision rendue par la CSST à la suite d’une révision administrative le 13 septembre 2001, laquelle déclarait nulle une décision antérieure du 4 juin 2001, reconnaissant une atteinte
permanente de 2,2 %.  En l’absence d’une récidive, rechute ou aggravation, la CSST ne pouvait retenir les conclusions du docteur Payne et indiquait que si le travailleur croyait avoir subi une récidive, rechute ou aggravation depuis 1995, il devait soumettre une réclamation. 

[7]                Le travailleur dépose, le 23 octobre 2001, une Réclamation du travailleur, alléguant une récidive, rechute ou aggravation survenue le 7 décembre 2000. 

L’AVIS DES MEMBRES

[8]                Conformément à l’article 429.50 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi), le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales ont exprimé leur avis et leurs motifs respectifs quant à l’objet de la présente requête.

[9]                Les membres sont d’avis que le travailleur recherche par un moyen détourné de faire reconnaître un déficit anatomophysiologique de 15 %.  Les membres jugent que le dépôt d’une Réclamation du travailleur le 23 octobre 2001, avec comme soutien médical le Rapport d'évaluation médicale produit le 7 décembre 2000, ne vise qu’à faire reconnaître une augmentation de l’atteinte permanente sur laquelle la Commission des lésions professionnelles s’est déjà prononcée et qu’elle n’a pas retenue.  C’est ce qu’admet implicitement le représentant du travailleur lorsqu’il soutient qu’il n’y a aucune indemnité de remplacement du revenu ni aucun soin qui sont exigés par le travailleur.  Ne subsiste que la reconnaissance d’une atteinte permanente additionnelle.  Or, le présent tribunal n’est pas saisi d’une requête en révision pour cause.  Les membres considèrent que la requête du travailleur devrait être rejetée. 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[10]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur est victime, le 23 octobre 2001, d’une lésion professionnelle, soit d’une récidive, rechute ou aggravation.

[11]           Le représentant du travailleur plaide l’existence d’une aggravation de la condition médicale du travailleur à la suite d’une lésion professionnelle initiale survenue le 26 octobre 1994.  L’article 2 de la loi reconnaît une aggravation médicale de la condition du travailleur à titre de lésion professionnelle.


[12]           Cet article s’énonce comme suit :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.

 

 

[13]           La jurisprudence reconnaît qu’il y a lieu de retenir le sens courant de ces termes soit : une reprise évolutive, une réapparition ou une recrudescence d’une lésion ou de ses symptômes[3].  Aussi, la jurisprudence stipule qu’il y a lieu d’établir, par une preuve prépondérante, que la récidive, rechute ou aggravation est reliée à l’événement d’origine, que cette relation ne peut être présumée, que le témoignage du travailleur est insuffisant pour l’établir à lui seul alors qu’une preuve médicale est nécessaire[4].

[14]           Pour y arriver, la jurisprudence identifie certains paramètres qui permettent de déterminer l’existence d’une telle relation :  la gravité de la lésion initiale ; la continuité de la symptomatologie ; l’existence ou non d’un suivi médical ; le retour au travail avec ou sans limitation fonctionnelle ; la présence ou l’absence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique ; la présence ou l’absence d’une condition personnelle ; la compatibilité de la symptomatologie alléguée au moment de la récidive, rechute ou aggravation avec la nature de la lésion initiale ; le délai entre la récidive, rechute ou aggravation et la lésion initiale.  Aucun de ces paramètres n’est à lui seul décisif mais, pris ensemble, ils peuvent permettre de décider du bien-fondé de la réclamation[5].

[15]           Au soutien de ses prétentions, le représentant du travailleur plaide que la preuve médicale établit qu’en 1995, la condition physique du travailleur[6] ne permettait pas de reconnaître une atteinte permanente de plus de 2,2 %.  Toutefois, dans le Rapport d'évaluation médicale du docteur Payne du 7 décembre 2000, le travailleur présente une diminution de ses amplitudes articulaires[7] et un test de Lasègue positif à 60° à gauche, siège de la hernie.  Cela démontre l’aggravation de la condition médicale du travailleur, bien que ce dernier occupe présentement un emploi et ne recherche ni indemnité de remplacement du revenu ni traitements.

[16]           Bien que la Commission des lésions professionnelles a rétabli le pourcentage d’atteinte permanente auquel le travailleur avait droit en 1995, il y a lieu, en équité, de reconnaître la présence d’une aggravation de la condition médicale du travailleur en décembre 2000, démontrée par le Rapport d'évaluation médicale du docteur Payne et en vertu duquel la CSST et la Commission des lésions professionnelles demeurent liées.

[17]           Le travailleur présente une réclamation le 23 octobre 2001, alléguant une aggravation de sa condition en date du 7 décembre 2000.  Cette demande est hors du délai de six mois prévu aux articles 270 et 271 de la loi, lesquels énoncent ce qui suit :

270. Le travailleur qui, en raison d'une lésion professionnelle, est incapable d'exercer son emploi pendant plus de 14 jours complets ou a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique ou, s'il décède de cette lésion, le bénéficiaire, produit sa réclamation à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de la lésion ou du décès, selon le cas.

 

L'employeur assiste le travailleur ou, le cas échéant, le bénéficiaire, dans la rédaction de sa réclamation et lui fournit les informations requises à cette fin.

 

Le travailleur ou, le cas échéant, le bénéficiaire, remet à l'employeur copie de ce formulaire dûment rempli et signé.

__________

1985, c. 6, a. 270.

 

 

 

271. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle qui ne le rend pas incapable d'exercer son emploi au - delà de la journée au cours de laquelle s'est manifestée sa lésion ou celui à qui aucun employeur n'est tenu de verser un salaire en vertu de l'article 60, quelle que soit la durée de son incapacité, produit sa réclamation à la Commission, s'il y a lieu, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de sa lésion.

________

1985, c. 6, a. 271.

 

 

[18]           Pour sa part, l’article 352 de la loi mentionne ce qui suit :

352. La Commission prolonge un délai que la présente loi accorde pour l'exercice d'un droit ou relève une personne des conséquences de son défaut de le respecter, lorsque la personne démontre un motif raisonnable pour expliquer son retard.

__________

1985, c. 6, a. 352.

 

 

[19]           Le représentant du travailleur allègue la confusion pour justifier le dépôt de la réclamation hors du délai prévu.  Par ailleurs, il soutient qu’il n’est pas nécessaire de présenter un formulaire Réclamation du travailleur.  La CSST avait déjà en main un Rapport d'évaluation médicale démontrant l’aggravation de la condition médicale du travailleur, justifiant qu’elle rende alors une décision.

[20]           Certes, la jurisprudence convient qu’il n’est pas absolument nécessaire que soit fourni le formulaire prescrit par la loi, le caractère impératif ou non de produire un formulaire devant être apprécié plus en fonction de l’équité que du droit strict[8].  La jurisprudence veut qu’un travailleur ne devrait pas perdre ses droits du seul fait qu’il n’a pas produit un formulaire de réclamation si, par ailleurs, la CSST a reçu les attestations médicales lui permettant de rendre une décision[9].  Il en est de même dans le cas d’une récidive, rechute ou aggravation, lorsque par ailleurs, la CSST a reçu les attestations médicales nécessaires[10].  Pour traiter la nouvelle demande, elle n’a besoin que des nouveaux rapports médicaux appuyant les prétentions du travailleur[11].  Par ailleurs, si la réclamation du travailleur n’est pas obligatoire, il doit cependant en produire une s’il a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique[12]

[21]           C’est ce que fait le travailleur le 23 octobre 2001, soit près d’un an suivant l’examen du docteur Payne effectué le 12 novembre 2000 en vue de produire le Rapport d'évaluation médicale daté du 7 décembre 2000.

[22]           Mais quelles sont les attestations médicales que doit recevoir la CSST, en l’absence d’un formulaire Réclamation du travailleur dûment complété, pour rendre une décision ?


[23]           La loi prévoit en son article 199 ce qui suit :

199. Le médecin qui, le premier, prend charge d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle doit remettre sans délai à celui-ci, sur le formulaire prescrit par la Commission, une attestation comportant le diagnostic et:

 

1°   s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée dans les 14 jours complets suivant la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la date prévisible de consolidation de cette lésion; ou

 

2°   s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée plus de 14 jours complets après la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la période prévisible de consolidation de cette lésion.

 

Cependant, si le travailleur n'est pas en mesure de choisir le médecin qui, le premier, en prend charge, il peut, aussitôt qu'il est en mesure de le faire, choisir un autre médecin qui en aura charge et qui doit alors, à la demande du travailleur, lui remettre l'attestation prévue par le premier alinéa.

__________

1985, c. 6, a. 199.

 

 

[24]           Même si la jurisprudence a également établi qu’il n’est pas obligatoire que le médecin remplisse le formulaire prescrit pour se conformer aux exigences de l’article 199[13], la CSST doit cependant disposer des informations pertinentes prévues par l’article 199 de la loi.

[25]           Dans le présent dossier, la CSST dispose d’un Rapport d'évaluation médicale rempli en fonction des critères énoncés à l’article 203 de la loi qui indique :

203. Dans le cas du paragraphe 1° du premier alinéa de l'article 199, si le travailleur a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, et dans le cas du paragraphe 2° du premier alinéa de cet article, le médecin qui a charge du travailleur expédie à la Commission, dès que la lésion professionnelle de celui-ci est consolidée, un rapport final, sur un formulaire qu'elle prescrit à cette fin.

 

Ce rapport indique notamment la date de consolidation de la lésion et, le cas échéant:

 

1°   le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur d'après le barème des indemnités pour préjudice corporel adopté par règlement;

 

2°   la description des limitations fonctionnelles du travailleur résultant de sa lésion;

 


3°   l'aggravation des limitations fonctionnelles antérieures à celles qui résultent de la lésion.

 

Le médecin qui a charge du travailleur l'informe sans délai du contenu de son rapport.

__________

1985, c. 6, a. 203; 1999, c. 40, a. 4.

 

 

[26]           Il importe de constater qu’un Rapport d'évaluation médicale n’est produit que lorsque la lésion professionnelle est consolidée.  C’est le propre de ce rapport d’établir, après consolidation, les conséquences de la lésion professionnelle et non de prévoir, comme le demande l’article 199 de la loi, une éventuelle date ou période prévisible de consolidation. 

[27]           C’est donc dire qu’à la réception d’un Rapport d'évaluation médicale, la CSST ne pouvait conclure que ce rapport était soumis aux fins de reconnaître l’existence d’une lésion professionnelle.  Ce dépôt vise plutôt à faire reconnaître les conséquences de cette dernière. 

[28]           Selon la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 17 janvier 2003, c’est à la suite du constat par le représentant du travailleur qu’un examen est demandé au docteur Payne pour permettre la reconnaissance d’une atteinte permanente.  C’est donc en fonction de cette reconnaissance qu’un Rapport d'évaluation médicale est déposé et non dans le cadre d’une aggravation de la condition médicale du travailleur.  C’est également en ce sens que la CSST procède à l’analyse du dossier.  Il n’est aucunement précisé par le dépôt d’un formulaire Réclamation du travailleur qu’il s’agit d’une aggravation et le dossier ne démontre également aucune intention en ce sens.

[29]           C’est donc à bon droit que la CSST procède à l’analyse du Rapport d'évaluation médicale pour déterminer non pas une admissibilité quant à une récidive, rechute ou aggravation éventuelle, mais bien pour établir une atteinte permanente. 

[30]           Il est donc faux de prétendre, comme le soumet le représentant du travailleur, que le seul dépôt du Rapport d'évaluation médicale demeure suffisant pour que la CSST se prononce sur l’admissibilité ou la reconnaissance d’une lésion professionnelle, sans que soit obligatoirement présenté un formulaire de Réclamation du travailleur en bonne et due forme.  Si le travailleur voulait se voir reconnaître l’existence même d’une lésion professionnelle, il n’avait qu’à transmettre, à ce moment, un tel formulaire afin d’éviter toute ambiguïté. 

[31]           C’est donc a posteriori que le représentant du travailleur plaide le dépôt du Rapport d'évaluation médicale comme document obligeant la CSST à rendre une décision sur la reconnaissance d’une nouvelle lésion professionnelle puisque dans les faits le dépôt de ce Rapport d'évaluation médicale visait uniquement la reconnaissance d’un déficit anatomophysiologique évalué à 15 % par le docteur Payne.  C’est à la suite de ce refus qu’un formulaire Réclamation du travailleur est rempli le 23 octobre 2001 et déposé à la CSST.  Malgré la sémantique utilisée par le représentant du travailleur, ce Rapport d'évaluation médicale visait initialement à faire reconnaître un déficit anatomophysiologique de 15 % que seul le docteur Payne a évalué à cette époque, alors que le représentant du travailleur veut mettre le tribunal devant un fait accompli en spécifiant, puisque ce rapport n’est pas contesté, qu’il lie le tribunal d’emblée.

[32]           C’est d’ailleurs ce qui est relevé lors de l’audience tenue devant la Commission des lésions professionnelles[14] lorsque le commissaire mentionne :

[19]      Monsieur Martin a contesté la décision rendue par la CSST le 4 juin 2001 dans le but d'obtenir le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique évalué par le docteur Payne dans son deuxième rapport daté du 7 décembre 2000, soit celui calculé sur la base d'un déficit anatomo-physiologique de 15 %.

 

 

[33]           Somme toute, ce que recherche le représentant du travailleur c’est de donner un double effet à un Rapport d'évaluation médicale.  Si le pourcentage d’atteinte permanente n’est pas retenu, il doit être considéré comme une demande d’admissibilité de lésion professionnelle alors que le but premier du Rapport d'évaluation médicale est d’établir les conséquences de la lésion professionnelle et non son admissibilité, puisque d’emblée le travailleur doit être victime d’une lésion professionnelle reconnue pour qu’un médecin puisse remplir un tel rapport.  C’est également ce que reconnaît le représentant du travailleur lorsqu’il mentionne que le travailleur n’est pas à la recherche d’une indemnité de remplacement du revenu, de soins ou autres.

[34]           En ce sens, la Commission des lésions professionnelles considère que le dépôt du Rapport d'évaluation médicale en vue de faire reconnaître l’existence même d’une lésion professionnelle, peu importe sa forme, demeure irrecevable à sa face même pour ces motifs. 

[35]           La Commission des lésions professionnelles constate également que le travailleur n’a pas démontré de motif raisonnable pour produire sa demande de récidive, rechute ou aggravation conjointement avec le dépôt du Rapport d'évaluation médicale si telle était sa volonté ou son intention.  Ainsi est rejeté l’argument voulant que le formulaire ne soit pas nécessaire pour soumettre une demande de reconnaissance de lésion professionnelle dans le présent dossier. 

[36]           La Commission des lésions professionnelles rejette également le motif de confusion au dossier soulevé par le représentant du travailleur.  Ce motif n’est
aucunement justifié dans le présent dossier.  Il n’est qu’allégué par le représentant du travailleur, sans autre explication.  C’est le représentant du travailleur qui gouverne le dossier, comme en fait mention le commissaire Ducharme dans sa décision et c’est ce dernier qui obtient du docteur Payne le Rapport d'évaluation médicale soumis auprès de la CSST pour faire reconnaître une atteinte permanente et non une récidive, rechute ou aggravation en janvier 2000.  S’il y a confusion, cette dernière découle des tentatives du représentant du travailleur de vouloir faire reconnaître à tout prix l’atteinte permanente octroyée par le docteur Payne. 

[37]           Il découle de ces éléments que le Rapport d'évaluation médicale ne peut ainsi être retenu pour établir une récidive, rechute ou aggravation survenue en janvier 2000 et qu’il ne peut être utilisé pour établir une récidive, rechute ou aggravation en octobre 2001, ce rapport n’étant pas conforme aux dispositions prévues à l’article 199 de la loi, considérant qu’en vertu de cet article, le rapport médical ou l’attestation doit prévoir une date de consolidation, ce qui n’est manifestement pas le cas du Rapport d'évaluation médicale

[38]           Par ailleurs, en ce qui a trait à la demande de récidive, rechute ou aggravation en octobre 2001, force est de constater qu’aucun examen médical n’a été effectué à cette date.  Tel qu’indiqué précédemment, le Rapport d'évaluation médicale de janvier 2000 n’est pas recevable pour la demande effectuée en octobre 2001, puisque cette  demande est hors délai.

[39]           Or, aucun autre rapport médical dûment rempli en fonction des critères mentionnés à l’article 199 n’est déposé pour appuyer la reconnaissance d’une récidive, rechute ou aggravation survenue le 23 octobre 2001.  Comme en fait mention la jurisprudence[15], il y a nécessité pour celui qui remplit une attestation médicale de procéder à un examen médical.  Tel n’est pas le cas dans le présent dossier.  La Commission des lésions professionnelles ne dispose d’aucun document attestant de la lésion dont est victime le travailleur à cette date ni de sa condition médicale. 

[40]           La preuve ne permet pas ainsi d’établir l’existence d’une récidive, rechute ou aggravation survenue le 23 octobre 2001.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête déposée par monsieur Jacques Martin ; 

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 13 avril 2004, à la suite d’une révision administrative ;

DÉCLARE que monsieur Jacques Martin n’est pas victime d’une lésion professionnelle le 23 octobre 2001. 

 

 

__________________________________

 

Robert Daniel

 

Commissaire

 

 

 

Jean-Pierre Devost, Cabinet-Conseil

Représentant de la partie requérante

 



[1]          Martin et Bois Laurentien inc. (Logipal), C.L.P. 169339-64-0109 183871-64-0205, 03-01-17, C.‑A. Ducharme

[2]          L.R.Q., c. A-3.001

[3]          Lapointe et Cie Minière Québec-Cartier [1989] C.A.L.P. 38

[4]          Millette et CUM [1994] C.A.L.P. 833

[5]          Boisvert et Halco inc. [1995] C.A.L.P. 19

[6]          Selon les notes de physiothérapie et le Rapport Final mentionnant « range of mouvements » normal.

[7]          Flexion antérieure à 60°, extension à 15°, flexion latérale droite à 15° et flexion latérale gauche à 20°.

[8]          Galipeault et Le bureau de révision paritaire des Laurentides, [1991] R.J.Q. 788 (C.S.) ; Vincent et G.G. Construction, [1992] C.A.L.P. 151  ; CSST et Aménagements Côté jardin inc., C.A.L.P. 85617-60-9701, 97-06-20, J.-G. Béliveau, révision rejetée, 98-01-26, J. L'Heureux ; Succession Fernand Tremblay et Mines Camchib inc., C.A.L.P. 56179-02-9401, 97-03-21, L. Turcotte, révision rejetée, [1998] C.A.L.P. 1 .

[9]          Villeneuve et St-Raymond Paper, C.A.L.P. 19779-02-9006, 93-12-14, P. Brazeau ; Bélisle et Ross Finlay ltée, C.A.L.P. 58768-08-9405, 95-12-06, Y. Tardif ; Wal-Mart Canada inc. et Lamontagne, C.L.P. 149724-03B-0011, 01-03-08, M. Cusson.

[10]        Dumont et Construction Montclair Canada inc., C.A.L.P. 47860-62-9212, 96-06-21, M. Zigby ; Chabot et Papeterie Reed ltée, C.A.L.P. 68260-03-9504, 96-06-26, M. Carignan ; St-Laurent et Asea Brown Boveri inc., C.A.L.P. 69903-05-9505, 96-11-18, S. Lemire.

[11]        Galipeau c. Bureau de révision paritaire des Laurentides, [1991] R.J.Q. 788 (C.S.) ; Siano et Alimentation Somerled inc., C.A.L.P. 61977-60-9408, 96-01-11, M. Zigby, (J7-12-12) ; Poitras et Christina Canada inc., C.L.P. 100370-62-9803, 99-06-29, H. Marchand, révision rejetée, 00‑03‑07, M. Zigby, requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Longueuil, 505-05-006180-001, 01-01-09, j. Tremblay; Silva et VK Mason inc., C.L.P. 139391-71-0005, 01-03-23, J.-C. Danis.

[12]        Dufresne et G. D. Construction & fils inc., [2001] C.L.P. 372

[13]        Lalancette et Épicerie Jean-Marie Tremblay & Fils, C.L.P. 232624-02-0404, 04-10-20, R. Deraîche

[14]        Précitée, note 1

[15]        Beaucaire et Municipalité St-Joseph-du-Lac, C.L.P. 166237-64-0107, 04-05-26, J.-F. Martel

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