Décision

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Modèle de décision CLP - juillet 2015

Louis-Pierre et Syndicat des travailleuses et travailleurs du Centre de santé et de services sociaux Sud-Ouest (CSN)

2016 QCTAT 3950

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL

(Division des relations du travail)

 

 

Région :

Montréal

 

Dossier :

CM-2015-7545

 

Dossier accréditation :

AM-2000-6583

 

 

Montréal,

le 4 juillet 2016

______________________________________________________________________

 

DEVANT LE JUGE ADMINISTRATIF :

Pierre Flageole

______________________________________________________________________

 

 

 

Marie-Pralène Louis-Pierre

 

Partie demanderesse

 

 

 

c.

 

 

 

Syndicat des travailleuses et travailleurs du Centre de santé et de services sociaux Sud-Ouest (CSN)

Partie défenderesse

 

 

 

et

 

 

Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal

Partie mise en cause

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 2 novembre 2015, Marie-Pralène Louis-Pierre (la plaignante) dépose une plainte contre le Syndicat des travailleuses et travailleurs du Centre de santé et de services sociaux Sud-Ouest (CSN) (le Syndicat). Le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal (l’employeur) est mis en cause.

[2]           La plainte prend appui sur l’article 47.2 du Code du travail[1] (le Code). La plaignante reproche au Syndicat d’avoir manqué à son devoir de représentation à l’occasion de la terminaison de son emploi, le 16 septembre 2015.

[3]           Le 1er janvier 2016, la Loi instituant le Tribunal administratif du travail[2] est entrée en vigueur. Cette loi crée le Tribunal administratif du travail (le Tribunal) qui assume les compétences de la Commission des relations du travail (la Commission) et celles de la Commission des lésions professionnelles (la CLP). En vertu de l’article 261 de cette loi, toute affaire pendante devant la Commission ou devant la CLP est continuée devant la division compétente du Tribunal.

les faits

la plaignante

[4]           La plaignante agit comme préposée aux bénéficiaires chez l’employeur depuis le 20 décembre 2011.

[5]           Au mois d’octobre 2014, elle dépose un grief contestant l’augmentation de son plan de travail. À partir de ce moment, elle a l’impression qu’elle est devenue une indésirable chez l’employeur. Elle mentionne que son poste lui est enlevé et qu’elle n’a pas eu un poste équivalent.

[6]           Le 7 septembre 2015, elle est au travail. Elle s’occupe de servir les petits déjeuners. À un moment donné, une bénéficiaire se plaint de ne pas avoir eu son repas. La plaignante se charge de le lui procurer.

[7]           Le 10 septembre 2015, elle reçoit une lettre de l’employeur qui l’informe qu’un incident lui est reproché et que pendant l’enquête, elle est retirée temporairement de ses fonctions. Elle est convoquée à une entrevue disciplinaire le 16 septembre 2015.

[8]           Lors de cette rencontre disciplinaire, la plaignante est accompagnée par deux représentants syndicaux, Nathalie Auclair et Stéphane Pineault.

[9]           L’employeur l’informe qu’on l’accuse d’avoir agressé une bénéficiaire. Elle proteste, mais le représentant de l’employeur ne lui laisse pas la chance de s’expliquer. La rencontre ne dure pas plus de 15 à 20 minutes. Elle a l’impression que l’employeur n’est pas intéressé à entendre sa version des faits. À la fin de la rencontre, l’employeur lui annonce qu’elle est congédiée.

[10]        Tout de suite après, elle discute avec monsieur Pineault en présence de madame Auclair. Elle veut contester son congédiement et aller en arbitrage. Monsieur Pinault lui répond qu’elle ne peut pas aller en arbitrage, car elle n’a pas de chance de gagner et que cela va coûter trop cher. 

[11]        Monsieur Pineault lui offre le choix de démissionner plutôt que d’être congédiée. Dans un tel cas, elle recevra une lettre qui ne l’empêchera pas de trouver un travail ailleurs. Elle comprend qu’elle n’a pas le choix et accepte de démissionner. Elle signe une entente de départ volontaire qui lui est présentée quelques minutes plus tard.

[12]        Elle ajoute qu’on ne lui a pas offert de temps de réflexion et qu’on ne lui a pas expliqué les clauses de l’entente. Selon elle, tout le processus dure à peine 20 minutes.

[13]        Quelques jours plus tard, elle téléphone au Syndicat. Au cours de sa conversation avec monsieur Pineault, elle menace de recourir aux services d’un avocat. Madame Auclair intervient et lui offre de la rencontrer, ce qu’elle fait le 1er octobre 2015. La  plaignante demande au Syndicat de faire enquête concernant le comportement de la chef d’unité et les événements qu’on lui a reprochés. Monsieur Pineault répond qu’il ne peut pas faire une telle enquête.

[14]        La plaignante lui remet un document qu’elle a rédigé et qui porte le titre « Refus de démissionner pour raisons injustes ». Rien d’autre ne se passe après cette rencontre et la plaignante dépose la présente plainte.

[15]        En contre-interrogatoire, la plaignante reconnait avoir signé un document manuscrit par lequel elle « donne sa démission » avant de signer l’entente de départ volontaire.

le syndicat

[16]        Madame Auclair travaille depuis plus de 25 ans chez l’employeur. Elle est préposée à la salubrité dans un centre d’hébergement.

[17]        Elle est aussi vice-présidente et agente de grief pour le Syndicat qui représente plus de deux mille membres. Elle s’occupe de représenter les salariés lors d’entrevue disciplinaire. Elle rédige et dépose les griefs. Elle négocie des règlements de griefs avec l’employeur. Le cas échéant, elle prépare les dossiers pour l’arbitrage et y assiste. Elle occupe ces fonctions syndicales depuis 2004.

[18]        Elle prend connaissance de la lettre de suspension remise à la plaignante quatre jours après la date qui y est indiquée. Dès réception de cette lettre, le Syndicat dépose un grief pour contester cette mesure administrative et ce, afin de protéger les droits de la plaignante. Il s’agit de la façon courante d’agir du Syndicat.  

[19]        Le 16 septembre 2015, elle est convoquée par l’employeur à une rencontre disciplinaire concernant la plaignante. Elle est accompagnée de monsieur Pineault.

[20]        Avant de rencontrer l’employeur, elle discute avec la plaignante qui ne sait pas ce qu’on lui reproche. Elle accompagne la plaignante lors de l’entrevue disciplinaire en compagnie de monsieur Pineault.

[21]         L’employeur mentionne qu’une plainte a été déposée par une résidente pour violence. La plaignante nie. L’employeur lui pose des questions, mais elle ne répond pas.

[22]        Madame Auclair prend une pause avec la plaignante. Cette dernière nie avoir posé un geste violent à l’égard d’une bénéficiaire. Madame Auclair l’incite à répondre aux questions de l’employeur. Au retour à la rencontre avec l’employeur, la plaignante ne répond toujours pas.

[23]        Lors d’une deuxième pause, madame Auclair réitère sa demande. Malgré cela, la plaignante persiste à ne pas répondre et, à la fin de la rencontre, l’employeur annonce son intention de la congédier.

[24]        Madame Auclair demande une autre pause et explique à la plaignante qu’un grief peut être déposé pour contester le congédiement. Elle précise qu’un arbitre décidera éventuellement si le congédiement est bien fondé ou non.

[25]        Cependant, elle lui mentionne qu’il existe un moyen pour éviter le congédiement. Il est possible de conclure une entente de départ volontaire. Madame Auclair ajoute qu’avec une telle entente, le dossier disciplinaire est mis de côté et que les chances d’obtenir un emploi ailleurs sont meilleures.

[26]        Madame Auclair offre à la plaignante de réfléchir à cette option pendant quelques jours, voire jusqu’à une semaine, mais cette dernière lui donne mandat de tenter de conclure une entente de départ volontaire sans délai, ce qu’elle fait.

[27]        L’employeur accepte cette solution et rédige l’entente.

[28]        Madame Auclair lit le projet à la plaignante et lui offre de lui donner des explications. Comme le document est conforme à l’entente, les parties le signent. Madame Auclair ajoute que ce type d’entente n’a pas à être signé sur-le-champ et qu’il arrive que la signature se fasse une semaine plus tard. La plaignante voulait signer sans délai. Selon elle, il s’est écoulé plus d’une heure entre le moment où elle a rencontré la plaignante et celui où l’entente a été signée.   

[29]        Quelques jours plus tard, monsieur Pineault est au téléphone avec la plaignante et le ton monte. Madame Auclair, qui se trouve près de monsieur Pineault, prend le téléphone et donne un rendez-vous à la plaignante le 1er octobre 2015. Lors de cette rencontre, la plaignante est inquiète parce qu’elle n’a pas encore reçu son attestation de travail. Elle craint que l’employeur ne respecte pas l’entente. Madame Auclair la rassure et la rencontre se termine bien. De fait, l’attestation de travail sera signée par l’employeur le 5 octobre 2015.

[30]        Madame Auclair avait eu connaissance que la plaignante avait soulevé un problème concernant ses horaires de travail avec une collègue. Elle sait cependant qu’elle avait décidé de ne pas donner suite à sa plainte. Elle précise en outre que lorsqu’il y a arbitrage de grief, l’employeur paye les frais, quel que soit le résultat.

[31]        En contre-interrogatoire, madame Auclair reconnaît que le grief déposé par la plaignante le 16 septembre 2015 ne fait pas partie de la liste des griefs qui sont retirés par l’entente et elle ne peut expliquer cette situation sauf qu’il s’agit d’une omission. Selon elle, le grief déposé le 16 septembre, soit le jour même de l’entente, aurait dû faire partie de la liste des griefs retirés. Elle ne se souvient pas à quel moment elle a déposé ce grief, mais elle confirme que,dans les faits, l’étampe « grief non fondé en fait et en droit » est apposée par l’employeur de façon systématique sur tous les griefs que le Syndicat dépose.

[32]        Elle confirme que le Syndicat ne fait pas d’enquête lorsqu’un salarié reçoit une lettre de suspension pour fins d’enquête. Il dépose immédiatement un grief pour la contester et attend la convocation de l’employeur.

[33]        Revenant sur le déroulement de la rencontre disciplinaire du 16 septembre 2015, elle affirme que le ton de l’employeur était normal et qu’il a clairement annoncé son intention de congédier la plaignante. Elle nie cependant que la plaignante ait demandé au Syndicat de déposer un grief pour contester son éventuel congédiement. Elle admet que monsieur Pineault a fait allusion au dossier disciplinaire de la plaignante, mais nie qu’il lui ait dit que si elle voulait déposer un grief, cela « allait coûter cher ».   

[34]        Elle admet aussi que l’article 5.2 de la convention collective prévoit que les mesures disciplinaires ne peuvent être invoquées contre un salarié après 12 mois sans récidive. Elle ne peut expliquer pourquoi l’employeur, dans l’entente, mentionne et retire des mesures datant de plusieurs années.

[35]        Elle confirme que la négociation de l’entente de départ volontaire s’est faite avec l’employeur immédiatement après que la plaignante eut donné le mandat de le faire. Elle réitère qu’avant que l’entente de départ volontaire soit signée, le Syndicat lui avait offert du temps pour y penser, offre que la plaignante a décliné.

 

prétentions des parties

la plaignante

[36]        Pour la plaignante, les obligations de représentation du Syndicat sont plus importantes quand il s’agit d’un cas de congédiement.

[37]        Elle plaide en premier lieu que le grief qui a été déposé par le Syndicat pour contester la mesure administrative imposée le 10 septembre 2015 est toujours actif puisqu’il ne fait pas partie de l’énumération des griefs retirés par l’entente.

[38]        Elle ajoute que la preuve est à l’effet que certaines mesures disciplinaires mentionnées dans l’entente ne devraient pas y apparaître puisqu’elles datent de plus d’un an et qu’il n’y a pas de preuve de récidive. L’article 5.08 de la convention collective se lit comme suit :

Aucune offense ne peut être opposée à une personne salariée après (1) an de sa commission à condition qu’il n’y ait pas eu d’offenses similaire dans l’année (12 mois).

       

[39]        En outre et surtout, elle soulève la validité même de son consentement à l’entente. Pour elle, il s’agit plutôt d’une démission forcée.

[40]        Pour elle, le texte de l’entente lui-même est tendancieux. On fait allusion au dossier disciplinaire de la plaignante, y compris des mesures qui sont visées par l’article 5.08 de la convention collective.

[41]        De plus, elle a été soumise à la pression du Syndicat qui a agi de façon à la forcer de signer l’entente, en refusant sa demande de porter l’affaire en arbitrage et en lui faisant valoir qu’elle ne pourrait pas travailler ailleurs.

[42]        La plaignante n’a pas eu l’occasion de réfléchir aux conséquences de la signature d’un tel document. Elle n’a donc pas donné un consentement libre et éclairé en raison de la pression exercée par le Syndicat. Elle a signé en raison de la crainte de ne pas pouvoir trouver un autre emploi.

[43]        Le document qu’elle remet au Syndicat le 1er octobre 2015 montre clairement l’état d’esprit dans lequel elle était au moment de la signature de l’entente de départ volontaire.

[44]        Elle plaide que le Syndicat a agi de façon arbitraire. Il n’a pas pris le temps de faire enquête sur les faits reprochés. Cela équivaut à une négligence grave qui justifie l’intervention du Tribunal.

[45]        La plaignante cite les décisions suivantes de la Commission : Danis c. Association des salariées de Matech B.T.A. inc.[3] et Mireault c. Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 2960 [4].

Le syndicat

[46]        Pour le Syndicat, il n’y a pas de preuve de négligence grave ou de conduite arbitraire dans l’accomplissement de son mandat.

[47]        La preuve révèle que l’employeur suspend la plaignante pour fins d’enquête et que le Syndicat dépose un grief dès qu’il en est informé. Par la suite, l’employeur convoque la plaignante et le Syndicat l’accompagne. Il ne peut cependant faire enquête avant cette rencontre, car les raisons de la mesure ne sont pas connues.

[48]         Pendant la rencontre l’employeur fait des reproches à la plaignante qui les nie. Elle refuse cependant de répondre aux questions de l’employeur. Le Syndicat obtient des pauses pour lui rappeler qu’elle doit le faire.

[49]        Une fois que l’employeur a annoncé sa décision de congédier la plaignante, le Syndicat lui propose une alternative. Il peut tenter de conclure une entente de départ volontaire. Les avantages de cette solution sont clairement expliqués. Il est aussi mentionné qu’elle peut prendre le temps d’y penser.

[50]        La plaignante préfère démissionner sur-le-champ et elle rédige une lettre de démission manuscrite. Elle signe aussi l’entente de départ volontaire.

[51]        Elle change d’idée par la suite et le Syndicat la rencontre pour lui expliquer qu’elle ne peut pas revenir en arrière. Elle est néanmoins invitée à communiquer de nouveau avec le Syndicat si d’autres problèmes subsistent.

[52]        Le 2 novembre 2015, elle dépose la présente plainte.

[53]        La plaignante avait le fardeau de démontrer que le Syndicat a agi de manière arbitraire ou qu’il avait fait preuve de négligence grave à son endroit.

[54]        Or, ce n’est pas le cas. Elle a signé une démission de manière libre et volontaire et, selon la jurisprudence pertinente, elle ne peut revenir sur cette décision. À ce sujet, le Syndicat cite les décisions suivantes : Syndicat professionnel en soins infirmiers et cardiorespiratoires de l’Hôpital Ste-Justine (CSN) c. Barette[5] et Beaulieu c. Syndicat des Métallos, section locale 8922[6].

l’employeur

[55]         Pour l’employeur, il n’y a pas de preuve d’un vice de consentement de la part de la plaignante. Il n’y a pas de preuve de pression indue pour la forcer à démissionner. Elle a fait un choix après discussion avec son Syndicat et n’a pas demandé de délai pour réfléchir, ce qui lui a été offert. Il y a donc une démission valide sur laquelle la plaignante ne peut revenir.

Motifs de la décision     

[56]        Depuis l’arrêt de la Cour suprême dans Noël c. Société d’énergie de la Baie James[7], aucun représentant syndical ne peut ignorer que l’intensité de sa prudence doit être plus grande quand il traite un cas de congédiement. Cela ne signifie pas pour autant que le salarié a un droit absolu à ce qu’un grief soit déposé et porté à l’arbitrage.

[57]        Dans le présent dossier, il y a d’abord lieu d’écarter les deux premiers arguments de la plaignante.

[58]        S’il est vrai que le grief déposé le 16 septembre 2015 n’est pas mentionné parmi la liste des griefs retirés par l’entente signée le même jour, cela ne signifie aucunement qu’il soit encore actif. En effet, le paragraphe 7 du même document comporte une renonciation plus large à « toute réclamation, recours, action et ou grief reliés directement ou indirectement à la période d’emploi… » Cette clause est suffisante pour couvrir le grief du 16 septembre 2015.

[59]        De même, le fait que certaines mesures disciplinaires datant de plus d’une année soient mentionnées dans l’entente ne cause aucun problème. En examinant les dates de ces mesures et celles des griefs, on peut facilement conclure que les mesures en cause ont été contestées et le sont toujours au jour de la signature de l’entente. Il était donc nécessaire d’y faire référence et de prévoir leur retrait.

[60]        Reste la question principale : le Syndicat a-t-il fait preuve de négligence grave ou a-t-il agi de manière arbitraire?

[61]        Pour y répondre, il est important de noter que le fardeau de la preuve appartient à la plaignante. C’est elle qui doit démontrer, par une preuve prépondérante, que les circonstances militent en sa faveur.

[62]        Le Tribunal retient de la preuve que la plaignante est suspendue sans traitement le 10 septembre 2015. Elle tarde un peu à aviser le Syndicat de la situation. Dès qu’il est, le Syndicat dépose un grief pour protéger les droits de la plaignante.

[63]        Cette dernière est convoquée à une entrevue disciplinaire le 16 septembre 2015. Deux représentants syndicaux l’accompagnent. Ils la rencontrent au préalable, mais ne peuvent pas faire enquête à ce moment-là, car la plaignante elle-même ignore la nature des reproches qu’on lui fait.

[64]        Pendant la rencontre, la plaignante nie catégoriquement avoir été violente avec une bénéficiaire, mais elle refuse de répondre aux questions de l’employeur. À deux reprises, les représentants du Syndicat obtiennent une pause et rappelle à la plaignante qu’elle doit répondre aux questions qui lui sont posées. Elle persiste à ne pas répondre.

[65]        Au moment où l’employeur annonce sa décision de congédier la plaignante, les représentants syndicaux obtiennent une troisième pause.

[66]        La preuve est contradictoire au sujet de ce qui se passe lors de cette troisième pause.

[67]        La plaignante prétend qu’elle a insisté pour que le Syndicat dépose un grief et que ce dernier a refusé au motif qu’elle n’a pas de chance de le gagner et que cela allait coûter cher. Cela est nié par madame Auclair qui ajoute que c’est toujours l’employeur qui paye les frais de l’arbitrage, quel que soit le sort du grief. Cette dernière dit plutôt qu’elle a expliqué à la plaignante qu’un grief pouvait être déposé pour contester le congédiement et qu’un arbitre en décidera éventuellement.

[68]        Elle a mentionné aussi qu’il est possible de conclure une entente de départ volontaire, ce qui fait en sorte que le dossier disciplinaire est mis de côté. Cela augmente les chances d’obtenir un emploi ailleurs. Elle ajoute qu’elle a offert à la plaignante la possibilité de réfléchir à cette option pendant quelques jours. Elle prétend que la plaignante a opté immédiatement et sans condition pour conclure une entente de départ volontaire. Pour le Syndicat, le consentement de la plaignante était libre et volontaire.

[69]        Face à une telle contradiction dans les témoignages, il y a lieu de tenir compte du fardeau de la preuve.

[70]        En effet, il appartient à la plaignante de démontrer que le Syndicat a fait preuve de négligence grave ou a agi de façon arbitraire à son égard. Elle n’a pas réussi.

[71]        Certes, s’agissant d’un cas de congédiement, le Syndicat avait une lourde responsabilité, mais il est impossible dans les circonstances de conclure qu’il ne s’en est pas acquitté de façon acceptable.

[72]        Alors que la plaignante persistait à ne pas répondre aux questions de l’employeur et que la décision de ce dernier était prise de procéder à son congédiement, le Syndicat pouvait valablement proposer l’alternative d’un départ volontaire, ce qu’il a fait.

[73]        La plaignante n’avait aucune obligation d’accepter cette solution. Elle l’a fait. Elle a écrit de sa main une courte lettre de démission et elle a signé une entente de départ volontaire.

[74]        Le Tribunal n’a pas la preuve requise pour lui permettre de conclure que le Syndicat a exercé sur la plaignante une pression qui équivaudrait à une négligence grave ou à un comportement arbitraire.

   

 

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL :

REJETTE                             la plainte.

 

 

 

 

__________________________________

 

Pierre Flageole

 

 

 

 

 

 

Me Yasmina Boukossa

Sabbagh & Associés

Pour la partie demanderesse

 

Catherine Proulx

Syndicat des travailleuses et travailleurs du Centre de santé et de services sociaux   Sud-Ouest (CSN)

Pour la partie défenderesse

 

 

Me Martine Bélanger

Pour la partie mise en cause

 

Date de l’audience :             19 avril 2016

 

 



[1]          RLRQ, c. C-27.

[2]          RLRQ, c. T-15.1.

[3]          2007 QCCRT 0487.

[4]          2006 QCCRT 0206.

[5]          2012 QCCS 5962.

[6]          2014 QCCRT 0707.

[7]          [2001] 2 R.C.S. 207.

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