Décision

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     LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE
     DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES

     QUÉBEC    MONTRÉAL, le 15 décembre 1995

     DISTRICT D'APPEL  DEVANT LA COMMISSAIRE:    Pepita Giuseppina CAPRIOLO
     DE MONTRÉAL

     RÉGION:   AUDITION TENUE LE:        12 décembre 1995
     ÎLE-DE-MONTRÉAL
     DOSSIER:
     58392-60-9404
     DOSSIER CSST:  À:                        Montréal
     005696174
     DOSSIERS B.R.:
     61203974
     61317220
     61480341

     AIR CANADA
     (Service des réclamations)
     Case postale 7000, Succ. St-Laurent
     Montréal (Québec) H4Y 1J2

                               PARTIE APPELANTE

     et

     MATTHEW DRATVA
     1350, York Mills Road, app. 1005
     Don Mills (Ontario) M3A 1Z9

                              PARTIE INTÉRESSÉE

                              D É C I S I O N

     Le  26 juillet 1995,  le  travailleur, monsieur  Matthew  Dratva,
     dépose auprès  de la  Commission  d'appel en  matière de  lésions
     professionnelles (la Commission d'appel) une  requête en révision
     pour cause  d'une décision  rendue par  la Commission  d'appel le
     10 juillet 1995.
     

Dans cette décision, la Commission d'appel a accueilli l'appel de l'employeur, Air Canada, et a déclaré que le travailleur était capable de reprendre un emploi équivalent de coordonnateur chez l'employeur. En ce faisant, la Commission d'appel a annulé les décisions du 6 février 1993 et du 10 août 1993 de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) déterminant des emplois convenables pour le travailleur.

OBJET DE LA REQUÊTE Le travailleur demande à la Commission d'appel de réviser la décision du 10 juillet 1995 et de déclarer que l'emploi de coordonnateur n'était pas un emploi équivalent et que, par conséquent, il avait droit à ce que la Commission détermine un emploi convenable qui lui permette de bénéficier des dispositions de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c.A-3.001) (la loi) concernant la réadaptation professionnelle.

LES FAITS Le travailleur, mécanicien, subit un accident de travail le 19 août 1990. L'arbitre médical lui octroie une atteinte permanente de 2 % pour une hernie discale et des limitations fonctionnelles.

La commissaire siégeant en appel retient les éléments suivants des faits pertinents: «(...) La preuve au dossier, essentiellement non contradictoire, nous apprend que le travailleur détenait une catégorie de mécanicien (13) lors de son embauche en 1987. Il a demandé un transfert et obtenu un poste de mécanicien catégorie (1) en 1989, poste qu il occupe au moment de la lésion professionnelle.

Selon l ancienneté du travailleur à titre de mécanicien catégorie (1), une mise-à-pied était prévisible dans un processus assez étendu de diminution des postes chez l employeur. Le travailleur a effectivement été mis-à- pied en date du 10 novembre 1992, avec 96 autres employés. En date du 14 février 1994, le travailleur était 35ième sur la liste de rappel.

Au moment du fait accidentel, le travailleur détenait un diplôme de secondaire V. Il avait aussi complété un semestre et demi en sciences au CEGEP. Ses expériences de travail étaient celles de serveur de 1985 à 1987 et de préposé dans un hôpital de 1982 à 1985. L employeur lui a offert un entraînement à son poste de mécanicien.

De 1990 à 1992, le travailleur n a pas complété d autres études.

(...) Monsieur Ronald Elvidgi confirme la teneur de la lettre de septembre 1992 à l effet que le travailleur aurait conservé son poste de coordonnateur s il n avait pas été mis-à-pied en raison de son ancienneté. Soixante employés avec plus d ancienneté que le travailleur ont été mis-à-pied à cette époque. Le témoin admet que les assignations temporaires sont en principe renouvelées aux trois mois. Il ajoute que le travailleur n était pas en probation mais assigné à un emploi qui correspondait à ses limitations.

(...)» Dans ses motifs, la commissaire reprend les arguments des représentants des deux parties: «(...) La représentante de l employeur soumet que c est à tort que la Commission a basé sa décision sur le critère de la disponibilité de l emploi. En agissant de la sorte, la Commission a favorisé le travailleur par rapport aux autres employés, ce qui n est pas le but de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q. ch. A-3.001) (la loi).

Le représentant du travailleur souligne que le travailleur était en assignation temporaire au poste de coordonnateur. Il ne s agissait pas d un emploi déterminé dans le cadre du programme de réadaptation.

Le travailleur, en vertu de l article 172 de la loi, a le droit de bénéficier d un programme de formation professionnelle.

(...)» Par la suite, la commissaire étudie à fond la question à savoir si le travailleur avait eu la réadaptation que requiert son état tel quel le prévoit l'article 145 de la loi. Elle se réfère aux articles 166 et suivants qui traitent de la réadaptation professionnelle et cite plus particulièrement les définitions qui se retrouvent à l'article 2 de la loi d'«emploi équivalent» et d'«emploi convenable» : «emploi équivalent»: un emploi qui possède des caractéristiques semblables à celles de l'emploi qu'occupait le travailleur au moment de sa lésion professionnelle relativement aux qualifications professionnelles requises, au salaire, aux avantages sociaux, à la durée et aux conditions d'exercice; «emploi convenable»: un emploi approprié qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique de travailleur compte tenu de sa lésion; 166. La réadaptation professionnelle a pour but de faciliter la réintégration du travailleur dans son emploi ou dans un emploi équivalent ou , si ce but ne peut être atteint, l'accès à un emploi convenable.

Elle en conclut: «(...) Les articles 169 à 172 confirment d'ailleurs que la démarche de détermination d'un emploi convenable ne s'enclenche que lorsque le travailleur ne peut exercer un emploi équivalent.

(...)» Elle souligne ce fait en citant Santarossa et Entreprises R.

Lafleur Inc. (1992) CALP 1527 . Elle continue: «(...) Dans sa décision du 28 septembre 1992, la Commission énonce que le retour au travail chez l'employeur ne peut être envisagé puisque le travailleur est incapable de reprendre son emploi ou un emploi équivalent en raison de ses limitations fonctionnelles. La Commission n'identifie aucun emploi convenable disponible. Or la preuve révèle que le travailleur était capable de reprendre l'emploi de coordonnateur.

Si l'emploi de coordonnateur correspond à la définition d'emploi équivalent, il s'en suit qu'il est inexact de prétendre que le travailleur était incapable de reprendre un emploi équivalent en raison de ses limitations fonctionnelles.

Conformément à la définition de l'emploi équivalent, le poste de coordonnateur occupé par le travailleur de juin à la date de sa mise-à-pied correspondait à ses qualifications professionnelles de l'époque. Le salaire, les avantages sociaux, la durée et les conditions d'exercice étaient identiques à ceux de l'emploi pré-accidentel. En fait, les conditions d'emploi étaient tellement identiques que le travailleur se voyait confronté, en raison de son ancienneté et de sa catégorie d'emploi, à une mise-à- pied éventuelle, tout comme une bonne partie de ses collègues. Il s'avère en fait que c'est en raison de cette mise-à-pied prévisible que la Commission a refusé de considérer que l'emploi de coordonnateur constituait un emploi équivalent chez l'employeur, et non en raison des limitations fonctionnelles du travailleur.

La Commission d'appel considère qu'en date de la décision de la Commission, soit le 28 septembre 1992, le travailleur pouvait réintégrer un emploi équivalent chez l'employeur, conformément à l'article 166 de la loi. Le travailleur était capable d'exercer cet emploi qu'il occupait d'ailleurs, sans aucun problème, depuis juin 1992. Il n'avait besoin d'aucune mesure de réadaptation professionnelle pour réintégrer cet emploi. La Commission n'avait pas à rechercher un emploi convenable disponible chez l'employeur conformément à l'article 170 de la loi, ni à appliquer les articles 171 et 172 en offrant un service d'évaluation de ses possibilités professionnelles au travailleur et finalement, un programme de formation professionnelle (il est par ailleurs loin d'être établi que le travailleur ne pouvait accéder autrement à un emploi convenable).

La décision de la Commission a débordé le cadre législatif en tentant de protéger le travailleur contre les aléas du marché du travail auxquels tous les travailleurs sont soumis. C'est l'interprétation généralement donnée par la Commission d'appel qui a eu à statuer, par exemple, sur des situations de mise-à- pied postérieures à la détermination d'un emploi convenable.

Ainsi, dans la décision de Villeneuve et Ressources Aunore Inc. (1992) CALP 6 , le travailleur soumet que la Commission pouvait modifier le plan individualisé de réadaptation pour tenir compte de sa mise à pied. La Commission d'appel rejette cette prétention: «Une circonstance nouvelle au sens de l'article 146 doit se rapporter directement au plan individualisé de réadaptation: soit que le travailleur ne puisse pas accomplir le travail ou soit que l'emploi convenable ne répond plus au critère énoncé à la définition d'«emploi convenable».

(...) En l'occurrence, suite à sa mise à pied, le travailleur se trouvait dans la même situation que bien d'autres travailleurs qui ont été mis à pied à cause d'un ralentissement de travail.

Même si l'on accepte que la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles est une loi remédiatrice et cherche à indemniser une personne victime d'une lésion professionnelle, elle ne vise pas à créer un régime plus favorable pour celle-ci, par rapport aux autres employés, lesquels en l'occurrence ont été soumis aux aléas du marché du travail, soit la mise à pied et la fermeture de l'entreprise.» Cette orientation a été suivie dans les affaires de Bouchard et Minnova Inc. et CSST, 44768-02-9210, 2 décembre 1993, commissaire Jean-Marc Dubois; et Sauvageau et Mode d'Allairds (Division 600), 38841-61- 9203, 29 août 1994, commissaire Francine Dion Drapeau.

En conséquence, la décision de la Commission du 28 septembre 1992 doit être révisée, la preuve prépondérante démontrant que le travailleur était capable de reprendre un emploi équivalent chez l'employeur. Les décisions subséquentes du 6 février 1993 et du 10 août 1993 qui déterminent un emploi convenable et un besoin de formation doivent, par le fait même, être annulées.

(...)» À l'audition, le représentant du travailleur soutient que la commissaire a commis une erreur manifeste en considérant l'emploi de coordonnateur comme un emploi équivalent alors qu'il ne s'agissait que d'une assignation temporaire, telle que prévu à l'article 179 de la loi. Il souligne les documents d'assignation temporaire qui se retrouvent au dossier de la Commission d'appel et le fait que lorsqu'il a été mis à pied dans la lettre du 1er octobre 1992, c'était à titre de «a junior mechanic» et non pas de coordonnateur ce qui, selon lui, corrobore le fait que le poste de coordonnateur en était un seulement d'assignation temporaire et non pas un emploi équivalent. Il ajoute aussi que s'il s'était agit vraiment d'un emploi équivalent, le travailleur aurait dû être en aprobation pendant une certaine période de temps alors que, de l'aveu de monsieur Elvidgi, ceci n'était pas le cas.

Pour sa part, la représentante de l'employeur souligne que la question de savoir s'il s'agissait d'un emploi équivalent ou d'une assignation temporaire est une question de fait et qu'il appartient uniquement au commissaire siégeant en appel d'en apprécier la preuve et d'en faire la détermination.

MOTIFS DE LA DÉCISION La Commission d'appel doit décider s'il y a lieu d'accueillir la requête en révision du travailleur.

L'article de la loi qui crée le recours en révision pour cause doit être lu avec l'article qui le précède: 405. Toute décision de la Commission d'appel doit être écrite, motivée, signée et notifiée aux parties et à la Commission.

Cette décision est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

406. La Commission d'appel peut, pour cause, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu.

La jurisprudence de la Commission d'appel en grande majorité prône une interprétation restrictive de l'article 406 puisque le principe de la stabilité des décisions doit être privilégié.

Cette jurisprudence remonte déjà à 1987. Dans Fullum et Atlas Turner inc. [1987] CALP page 518, la Commission d'appel s'est exprimée ainsi: «(...) De plus, la Commission d'appel est d'avis que les erreurs de droit ou de faits doivent être manifestes si on veut respecter le caractère final et exécutoire des décisions de la Commission d'appel: (...) Pour que l'erreur de droit et de fait soit manifeste elle doit être flagrante. (...)» Dans Lamarre et Day & Ross inc. [1991] CALP 729 , la Commission d'appel fait le point sur le fait que le recours en révision pour cause ne doit pas devenir un appel déguisé.

Dans Pion et W.J. Mowat Ltée CALP 05675-60-8712 du 29 janvier 1992, la commissaire écrit: «(...) Or, en premier lieu, la Commission d'appel a déjà décidé dans l'affaire Jean-Claude Jacques et Société d'Ingénierie Combustion (1987) C.A.L.P. 554 , qu'une partie ne saurait obtenir la révision d'une décision uniquement parce qu'elle n'est pas d'accord avec l'interprétation que la Commission d'appel a fait des faits. En effet, ce qu'on demande à la Commission d'appel en l'instance, c'est de reprendre l'examen de la preuve qui est au dossier dans le but de l'évaluer différemment et de conclure autrement. La Commission d'appel est d'avis qu'il s'agit là d'un motif d'appel et non de la révision pour cause prévue à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

(...) La Commission d'appel ne saurait intervenir dans l'appréciation par la commissaire de la preuve qui a été faite devant elle. Le texte de la décision démontre bien qu'elle a considéré tous les éléments de la preuve avant de conclure comme elle l'a fait.

(...)» Dans Stone-Consolidated inc. et Jules Chaussée [1993] CALP 1045 , la Commission d'appel a réitéré ces mêmes principes: «(...) La Commission d'appel a eu l'occasion d'interpréter, à plusieurs reprises, ces dispositions. Il se dégage de ces décisions que le recours en révision ne peut constituer un appel déguisé. De plus, s'il est reconnu que des erreurs de droit ou de faits peuvent donner ouverture à ce recours, sauf pour une question de compétence, celles-ci doivent être par ailleurs manifestes ou flagrantes et déterminantes.

(...) Pour donner lieu à la révision de la décision de la Commission d'appel, il doit donc s'agir d'une erreur manifeste ou flagrante et déterminante.

Quant à la notion de l'erreur manifeste, la Commission d'appel croit utile de rapporter ici les propos de monsieur le Juge Dubé de cette même cour1 : «Dans mon esprit, «manifestement» s'assimile à la locution latine «prima facie», c'est donc dire que, pour qu'on rejette un jugement parce qu'il est manifestement déraisonnable, ceci doit apparaître à une simple lecture sans même avoir à en discuter. S'il faut passer une opinion au peigne fin pour décider 1 [1992] CALP 1253 (C.A.) si un jugement est déraisonnable ou non, c'est qu'il n'est pas manifestement déraisonnable.» À la lumière de cette interprétation, mais dans un contexte d'une erreur manifeste, il doit de même s'agir d'une erreur qui apparaît à la simple lecture de la décision sans avoir à en faire une analyse approfondie pour la retrouver.

La Commission d'appel, à l'occasion d'une révision faite en vertu de l'article 406 et siégeant à trois commissaires2, dégageait deux points essentiels sur le recours en révision, en ces termes : «Par ailleurs, de l'ensemble de la jurisprudence de la Commission d'appel et de celle de la Commission des affaires sociales, comme l'indique Mme la commissaire Cuddihy, il se dégage deux points essentiels. D'abord, à cause notamment du caractère exécutoire et final de leurs décisions, la révision ne saurait être un appel déguisé permettant une nouvelle appréciation des faits d'un point de vue différent. D'autre part, les erreurs de fait ou de droit invoquées doivent avoir un caractère déterminant et l'expression «erreur manifeste» a été utilisée. Ces constantes reposent sur une valeur qui sous-tend tout notre système de droit et c'est celle de la sécurité des situations juridiques créées par des actes, des jugements, etc. après un certain temps. On pensera aux prescriptions acquisitives ou extinctives, aux délais de déchéance, aux présomptions irréfragables, etc. Ce principe est fondamental et la Commission d'appel n'a pas l'intention de le remettre en cause.

D'autre part cependant, si le législateur a créé le recours en révision pour cause, c'est qu'il a voulu que les injustices puissent être corrigées, notamment lorsque les décisions susceptibles d'être révisées ne peuvent être portées en appel comme c'est le cas ici.» Si l'on ajoute à ces considérations, l'obligation qui est faite à la Commission d'appel de publier périodiquement un recueil de ses décisions (article 391), ce qui permet aux parties d'avoir facilement accès à des moyens pour se mieux préparer et faire valoir leurs droits lorsqu'elles se font entendre en appel devant la Commission d'appel, que peut-on en conclure sinon que le recours en révision en est un particulier et d'exception dont l'importance doit être préservée. Dans ce sens, la Commission d'appel croit approprié de citer, ici, les propos du Juge Betz3 pour appuyer la retenue des tribunaux judiciaires : «L'importance du contrôle judiciaire implique qu'on ne devrait pas y avoir recours sans nécessité, sinon ce recours extraordinaire perdrait tout son sens.» Sans préconiser la même retenue, ne devrait-il pas y avoir, par analogie, une préoccupation semblable de la part de la Commission d'appel à l'égard du recours en révision? Les considérations qui précèdent militent certes en faveur d'une interprétation plus restrictive de ce recours.

(...)» Et finalement, tout récemment, le commissaire Michel Duranceau a fait le tour de la question dans Pratt & Whitney Canada Inc. et Grandinoso CALP 46101-60-9210, le 3 novembre 1995. La 2 Roy et C.U.M. [1990] CALP 916 , p. 931.

3 U.E.S. - Local 298, c. Bibeau [1988] R.C.S. 1048.

commissaire soussignée partage entièrement l'opinion de la Commission d'appel dans cette décision: «(...) Il n'y a pas d'appel d'une décision rendue par la Commission d'appel et l'article 406 de la loi ne doit pas servir de moyen pour contourner les dispositions de l'article 405 et permettre de parvenir aux mêmes fins que s'il y avait appel d'une décision.

L'interprétation large donnée à l'article 406 de la loi dans la jurisprudence citée par la partie requérante ne représente pas la tendance générale de la jurisprudence de la Commission d'appel sur cette question.

Cette jurisprudence qui donne une très large portée à l'article 406 de la loi prend le texte de l'article 406 ne semble pas vraiment tenir compte des autres dispositions de la loi et voudrait donner à la Commission d'appel des droits que la loi ne lui reconnaît pas et que le droit administratif lui nie.

Dans une cause de L. Lortie succession et Les Mines d'or Kiena Ltée4, la Commission d'appel a donné une interprétation stricte à l'article 406 de la loi et a considéré que la faculté de réviser une décision était tout au plus une possibilité d'apporter à une décision «des corrections d'erreurs matérielles, manifestes ou la rétraction de la décision dans les cas s'apparentant à ceux énoncés à l'article 483 du Code de procédure civile».

Dans une cause de M. Lacaille et Location de personnel R.S. Inc. CALP no. 29176-62-9105, la Commission d'appel disait ceci : «L'article 405 de la loi énonce clairement le caractère final, exécutoire et sans appel, des décisions de la Commission d'appel et ce n'est que par exception que l'article 406 de la loi permet la révision pour cause. La Commission d'appel a établi par sa jurisprudence les divers éléments qui sont susceptibles d'y donner ouverture. Dans la décision de Air Canada et Monsieur Joseph Gallant, numéro 30600-61-9107, le 5 avril 1994, le commissaire Bernard Lemay écrit ce qui suit : «Il est reconnu qu'une erreur de droit ou de faits est un critère à retenir, en autant qu'elle soit manifeste et flagrante, sauf sur une question de compétence, ce à quoi le tribunal ajoutera que cette erreur doit être déterminante pour la solution de l'appel ou équivaloir à un déni de justice.

[...] Par ailleurs, la Commission d'appel a déjà énoncé que l'article 406 de la loi ne doit pas permettre de réouvrir un débat qui l'amènerait à substituer une nouvelle appréciation de la preuve, faite initialement à partir des mêmes éléments de preuve, pas plus qu'il ne doit autoriser une partie de venir compléter les lacunes de la preuve qu'elle a eu l'occasion de faire valoir en premier lieu.» Dans la présente instance, le requérant soumet que la décision du 29 janvier 1993 de la Commission d'appel constitue une interprétation manifestement déraisonnable des faits. Après avoir pris connaissance de la décision du 29 janvier 1993, après avoir examiné les motifs écrits et soumis au 4C.A.L.P. no. 15429-08-8911, décision du 12 juillet 1994, requête en évocation rejetée le 22 décembre 1994, C.S. Val d'Or no. 615- 05-000187-942, en appel C.A. Québec, 200-09-000060-951.

soutien de la requête en révision pour cause, après avoir entendu l'argumentation du représentant de la partie requérante, qui dans l'ensemble reprend celle qui a déjà été soumise devant le premier commissaire, la Commission d'appel constate que cette requête en révision constitue un appel déguisé, puisque le requérant plaide sur le mérite même de la cause et demande au présent tribunal de substituer ni plus ni moins son appréciation de la preuve et du droit applicable à celle déjà rendue par la Commission d'appel le 29 janvier 1993.

Dans le cadre d'une demande de révision pour cause, il ne s'agit pas de procéder à nouveau à argumenter et s'attendre à ce qu'un autre commissaire en décide autrement, après avoir fait le procès du cheminement suivi par le premier commissaire.5 Comme le souligne le commissaire Bernard Lemay dans la décision précitée6: «Soumettre au présent tribunal l'examen du dossier dans le but évident de l'évaluer différemment intervient dans le cadre de l'exercice de droit d'appel et non dans celui d'une requête en révision pour cause d'une décision finale et sans appel.

Le commissaire qui siège en révision n'a pas à se demander s'il est d'accord ou non avec la décision rendue. Il doit vérifier si une erreur évidente et déterminante a été commise et si l'appréciation de la preuve soumise est contraire au bon sens et irrationnelle.» La décision à laquelle en arrive la Commission d'appel n'est pas irrationnelle.

Le commissaire a examiné la preuve, a soupesé les témoignages, a retenu davantage les conclusions du docteur Lebire au lieu de celles du docteur Chartrand.

Il lui appartenait d'apprécier la preuve et les témoignages qu'il a entendus et ce n'est pas parce que l'on est insatisfait de la décision ou de l'appréciation de la preuve qu'en fait un commissaire que cela justifie l'intervention d'un autre commissaire.» Dans la cause de Coté et al et Produits forestiers Tembec Inc. [1993] C.A.L.P. 1600 et J5-20-14. on avait retenu ceci : «[...] La règle générale veut qu'une décision de la C.A.L.P. est finale et sans appel. Ce n'est qu'exceptionnellement qu'elle peut être révisée pour cause. Une simple erreur de droit ne constitue pas un motif suffisant.

Il faut que cette erreur soit manifeste, c'est-à-dire qu'elle apparaisse à la simple lecture. Les motifs énoncés aux articles 482 et 483 du Code de procédure civile concernant la rétraction de jugement s'appliquent, par analogie, à la requête en révision pour cause. Par ailleurs, contrairement à l'appel, la révision pour cause ne permet pas à un commissaire de substituer son opinion à celle d'un autre commissaire ni d'intervenir dans le cas d'une interprétation erronée, à moins quelle soit manifestement erronée. En outre, ce n'est pas parce qu'une décision ne suit pas un courant de jurisprudence qu'il y 5Coté et Produits forestiers Tembec Inc. [1993] C.A.L.P. 1600 .

6id, 7.

a erreur manifeste. Tenter par le biais d'une révision pour cause de contrôler l'incohérence peut dénaturer l'essence même du recours et empêcher l'élaboration d'un courant jurisprudentiel. En agissant ainsi, on risque de voir le tribunal administratif se transformer en une véritable juridiction d'appel de ses propres décisions qui sont finales et sans appel. En l'instance, on ne retrouve aucun des motifs relatifs à la rétraction de jugement. De plus, le commissaire a procédé à une étude attentive des dispositions législatives et a retenu une interprétation restrictive de l'article 227 L.A.T.M.P. Il a estimé que pour exercer un tel recours, il faut que le travailleur ait exercé lui-même un droit, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Cette démarche était logique et rationnelle et s'appuyait sur la législation qu'il avait compétence d'interpréter. De plus, elle s'inspire d'un jugement pertinent de la Cour d'appel du Québec. Même si un autre commissaire peut arriver à une conclusion différente, il n'y a pas d'erreur manifeste justifiant une révision pour cause de la décision de la C.A.L.P.» (soulignements du soussigné) Dans une cause de Gilles Ouellet et Garage Gilles Beaudoin Inc. C.A.L.P. no. 05885-63-8801, décision du 1er septembre 1995, la Commission d'appel retenait ceci : «[...] Des deux interprétations différentes données par la Commission d'appel, le travailleur soumet que la bonne est celle qui l'avantage et qu'en cela, sa situation se compare à celle du travailleur dans l'affaire Martel.

De toutes évidences, le travailleur cherche une nouvelle interprétation par le biais de sa requête en révision. L'erreur manifeste serait dans ce cas-ci, une erreur de droit conduisant à l'incohérence des décisions de la Commission d'appel sur une même question.

La Commission d'appel est ici d'avis qu'il n'y a pas lieu de réviser la décision attaquée par le travailleur.

Il y a effectivement deux interprétations sur le calcul de l'indemnité de remplacement du revenu en regard du deuxième paragraphe de l'article 556 de la loi.

Pourquoi faudrait-il qu'un commissaire d'un même tribunal substitue son opinion à celle d'un autre commissaire et qu'il révise ce dernier? Devrait-il alors considérer que son opinion est meilleure que celle de son ou sa collègue? Par la suite, un autre commissaire pourrait agir de la même manière et cela jusqu'à ce que tous aient eu l'occasion de se prononcer.

Cela illustre bien que l'engagement dans une voie semblable conduirait à une situation inadmissible qui irait à l'encontre de l'article 405 de la loi.

La cohérence des décisions de la Commission d'appel et souhaitable, voire même nécessaire, autant pour l'équité dont les parties sont en droit de s'attendre que pour baliser la conduite de la Commission qui doit aussi être équitable envers tous les travailleurs ainsi que pour les employeurs qui supportent les coûts du régime.

Toutefois, la révision au sens de l'article 406 de la loi n'est pas un moyen pour atteindre l'objectif de la cohérence des décisions. Il faut plutôt compter sur la discipline de chacun des commissaires.

[...]» Voir aussi Société canadienne des postes et Grégoire Larivière, en révision, C.A.L.P. no. 02380-61-8702, décision du 12 juin 1995.

Il est remarquable de constater que les parties reconnaissent toutes qu'il n'y a pas d'appel d'une décision rendue par la Commission d'appel et que la «révision pour cause» ne doit pas être un appel.

Pourtant elles procèdent à demander la «révision pour cause» et demandent de procéder à l'égard d'une décision rendue exactement comme une juridiction d'appel serait appelée à intervenir s'il y avait un appel prévu à la loi.

Quand l'article 405 de la loi prévoit qu'une décision de la Commission d'appel est finale et sans appel, il n'y a aucune raison pour ne pas donner à l'expression finale et sans appel la signification habituelle de ces mots.

(...)» En l'instance, la question à savoir si l'emploi de coordonnateur chez l'employeur était un emploi équivalent ou une assignation temporaire était tout à fait du ressort de la commissaire siégeant en appel. Elle a pris connaissance de la question, tel qu'il appert du texte même de la décision, et a analysé l'emploi de coordonnateur pour en arriver à la conclusion que cet emploi constituait un emploi équivalent au sens de la loi.

Il s'agit ici de l'exercice des fonctions de commissaire, c'est-à-dire l'appréciation de la preuve et l'application du droit. Que la commissaire soussignée partage ou non cette conclusion n'est pas pertinent à l'issu de la requête. La commissaire a considéré la preuve devant elle et n'a pas retenu les prétentions du travailleur. Ceci a été fait à l'intérieur de sa compétence et de façon rationnelle. La commissaire n'a pas écarté de façon indue la preuve au dossier, mais l'a interprétée d'une façon différente de celle privilégiée par le travailleur.

Celui-ci ne peut cependant, par le biais d'un recours en révision pour cause, demander une nouvelle appréciation de la preuve par un autre commissaire. Il s'agirait alors, comme le dit de façon inéquivoque la jurisprudence la Commission d'appel, d'un appel déguisé et non pas d'un recours en révision pour cause.

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES REJETTE la requête en révision.

_________________________________ Pepita Giuseppina CAPRIOLO commissaire REPRÉSENTATION DES PARTIES Me Louise-Hélène Senécal (Air Canada) Case postale 7000, Succ. St-Laurent Montréal (Québec) H4Y 1J2 Représentante de la partie appelante M. Gérald Tremblay (A.I.M.T.A.) 9500, chemin Côte de Liesse Lachine (Québec) H8T 1A2 Représentant de la partie intéressée

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.