Décision

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Roy c. Corporation de gestion récréotouristique de Matane (Centre de ski Mont-Castor)

2015 QCCS 4327

JL3751

 
COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

RIMOUSKI

 

N° :

100-17-001388-133

 

DATE :

26 octobre 2015

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

CATHERINE LA ROSA, j.c.s.

______________________________________________________________________

 

 

ÉRIC ROY

Demandeur

c.

CORPORATION DE GESTION RÉCRÉOTOURISTIQUE DE MATANE, faisant affaires sous le nom de Centre de ski Mont-Castor

Défenderesse

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT RECTIFICATIF

portant sur une réclamation en dommages

______________________________________________________________________

 

[1]           Considérant qu'un jugement a été rendu le 22 septembre 2015 par la soussignée dans le dossier;

[2]           Considérant qu'une erreur d’écriture s'est glissée au paragraphe 40 du jugement en ce que le Tribunal a cité l’affaire Parenteau c. Bromont[1] en indiquant que le centre de ski a été tenu responsable d’un accident survenu sur une piste, alors qu’au contraire, le juge a rejeté la requête introductive d'instance des demandeurs;

[3]           Considérant que la soussignée voulait plutôt citer l’affaire Wood c. 2735-3861 Québec inc.[2] qui contient effectivement les faits relatés au paragraphe 40 du jugement;

[4]           Vu l'article 475 du Code de procédure civile, il y a lieu de rectifier le jugement.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[5]           RECTIFIE le jugement du 22 septembre 2015;

[6]           MODIFIE le paragraphe 40 du jugement du 22 septembre 2015 en spécifiant que l’affaire citée est plutôt Wood c. 2735-3861 Québec inc.[3];

[7]           SANS FRAIS.

 

 

__________________________________

CATHERINE LA ROSA, j.c.s.

 

Me Denis Tremblay

Tremblay & Tremblay Avocats inc.

Avocats du demandeur

 

Me Jules Grenier

Grenier & Grenier Avocats

Avocats de la défenderesse

 

Dates d’audience :

26 et 27 mars 2015


Roy c. Corporation de gestion récréotouristique de Matane (Centre de ski Mont-Castor)

2015 QCCS 4327

COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

RIMOUSKI

 

N° :

100-17-001388-133

 

DATE :

22 septembre 2015

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

CATHERINE LA ROSA, j.c.s.

______________________________________________________________________

 

 

ÉRIC ROY

Demandeur

c.

CORPORATION DE GESTION RÉCRÉOTOURISTIQUE DE MATANE, faisant affaires sous le nom de Centre de ski Mont-Castor

Défenderesse

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

portant sur une réclamation en dommages

______________________________________________________________________

 

[1]           Au printemps 2010, Éric Roy (Roy) se blesse au visage lors d’une descente en chambre à air sur une des pistes du Centre de ski Mont-Castor (Centre), propriété de la défenderesse Corporation de gestion récréotouristique de Matane.

[2]           Cette dernière est-elle responsable de l’accident?

Les faits

[3]           Le 13 mars 2010, Roy se rend au Centre dans le cadre d’une journée familiale de glissade sur chambre à air organisée par l’employeur de sa conjointe.

[4]           Après avoir effectué plusieurs descentes durant la journée, il effectue après le souper sa dernière descente.

[5]           Au lieu de suivre la direction prévue, la chambre à air sur laquelle se trouve Roy dévie de son chemin, passe à travers une brèche béante située dans une des courbes de la piste et propulse Roy en dehors de sa trajectoire.

[6]           Roy s’inflige alors de graves blessures au nez.

[7]           Transporté à l’hôpital, le personnel soignant procède immédiatement à la réparation de la plaie puis lui confirme une fracture déplacée des os du nez et de l’épine nasale antérieure.

[8]           Roy est par la suite en arrêt de travail pendant trois semaines et se plaint de séquelles dont il tient le Centre responsable.

Les admissions

[9]           À l’audience, les parties formulent les admissions suivantes :

a.      Un accident est survenu au Centre de ski Mont-Castor;

b.      Roy s’y est infligé une blessure en glissant en chambre à air;

c.      Aucun pictogramme ne met l’usager en garde lors de la glissade contre l’emploi de certaines postures sur la chambre à air;

d.      L’activité de glissade a lieu contre rémunération;

e.      L’incapacité partielle permanente de Roy est quantifiée à 6,5 %;

f.       Le montant des dommages pécuniaires, si la faute du Centre est retenue, est de 6 675 $.

La position du demandeur

[10]       Roy soutient que le Centre est responsable de l’accident dont il se dit victime.

[11]        Il plaide principalement que la brèche entre les deux rampes d’arrêt constitue un piège pour les usagers et un risque évident d’accident. Le Centre est tenu d’assurer un environnement sécuritaire aux usagers et il a omis de prendre les mesures nécessaires pour satisfaire cette obligation.

[12]        À preuve, à la suite de l’accident, le Centre a procédé à la fermeture de la brèche, reconnaissant par le fait même la dangerosité des installations.

[13]        Roy invoque toutes les prescriptions applicables. Au chapitre des dommages pécuniaires, Roy réclame les postes suivants :

·        Perte de revenus :............................................................................................ 4 500 $

·        Remplacement de lunettes :............................................................................... 575 $

·        Frais d’expertise du docteur Goodyear :....................................................... 1 100 $

·        Frais de déplacement :...................................................................................     500 $

Total : ...................................................................................................................... 6 675 $

[14]        Quant au montant des dommages non pécuniaires, bien que le pourcentage de 6,5 % est admis, la somme correspondante ne l’est pas. Le demandeur évalue ses dommages non pécuniaires à 150 000 $.

La position de la défenderesse

[15]        Le Centre soutient avoir respecté son obligation de sécurité et avoir adéquatement entretenu la piste de glissade.

[16]        Pour appuyer sa position, le Centre insiste sur le fait que durant cette journée du 13 mars 2010, un seul accident est survenu alors que des centaines de descentes ont eu lieu.

[17]        Pour le Centre, la piste ne représente aucun danger pour celui qui l’utilise prudemment et respecte les consignes de sécurité.

[18]        Le Centre soutient que l’accident dont Roy a été victime est attribuable à son insouciance et à sa négligence en ce qu’il s’est engagé sur la piste après avoir couru et sauté à plat ventre sur la chambre à air alors qu’une telle pratique est proscrite; le demandeur en ayant été clairement averti et ayant refusé de respecter les consignes données.

[19]        En bref, le Centre résume sa position ainsi au paragraphe 20 de sa défense :

20. La défenderesse n’a commis aucune faute dans cette affaire et seul le demandeur doit être tenu responsable de sa chute puisqu’il n’a pas respecté les consignes d’utilisation et de sécurité qui lui avaient été transmises et n’a pas pris toutes les précautions raisonnables et nécessaires qui s’imposent.

[20]        Le Centre admet le montant des dommages pécuniaires réclamés par Roy, mais conteste avoir commis une faute.

[21]        Elle admet également le pourcentage d’incapacité partielle permanente évalué à 6,5 %, mais conteste encore une fois la faute dont elle est accusée et ajoute que si le Tribunal retient la thèse du demandeur, la valeur des dommages non pécuniaires de 150 000 $ réclamée est nettement exagérée.

[22]        Au maximum, le Tribunal doit fixer la valeur de ces dommages à 40 000 $.

ANALYSE

A. La responsabilité

1. Les principes généraux de la responsabilité

[23]        En l'espèce, Roy poursuit le Centre en responsabilité. Il doit établir trois éléments essentiels :

1.      La commission d’une faute;

2.      La survenance d’un dommage;

3.      L’existence d’un lien causal entre la faute et le dommage.

[24]        Le concept de faute s’évalue en fonction du respect des règles de conduite qui, suivant les circonstances, s’imposent à toute personne, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui[4].

[25]        Lorsqu’elle est douée de raison, cette personne est responsable du dommage causé à autrui si elle manque au respect de ces règles. Elle est alors tenue de réparer le préjudice causé, qu’il soit corporel, moral ou matériel[5].

[26]        Il s’agit alors de la responsabilité extracontractuelle.

[27]        Existe également un concept semblable, mais qui a cette fois comme base l’existence d’un contrat.

[28]        Ainsi, l’article 1458 du Code civil du Québec prévoit que toute personne a le devoir d’honorer les engagements qu’elle a contractés. Par exemple, le Centre récréatif qui vend un billet à l’usager doit remplir certaines obligations. Les deux parties sont alors liées par un contrat. Lorsqu’une des parties n’honore pas ses engagements, elle est responsable du préjudice corporel, moral ou matériel qu’elle cause à son cocontractant. Elle doit réparer le préjudice causé.

[29]        Pour Roy, c’est sur la base des règles du régime de responsabilité contractuelle que repose son recours. Pour avoir accès à la glissade, il a dû payer au Centre le coût du billet d’entrée. Dès lors, un lien juridique se crée entre le payeur et le fournisseur de services. Découle de cette relation une obligation implicite de fournir les services de façon sécuritaire.

[30]        Cette obligation de sécurité de l’exploitant constitue une obligation de moyens dont l’intensité varie selon le type de situation qui est analysée. Il est important de mentionner que ce devoir de sécurité demeure présent que ce soit en matière contractuelle ou extracontractuelle.

[31]        L’un des arrêts clés en la matière demeure l’affaire Bouchard c. Drouin dans laquelle le juge Turgeon s’exprime ainsi :

10. - L'exploitant d'un centre de sport que le public fréquente moyennant rémunération assume, en plus de l'obligation principale qui fait l'objet du contrat, une obligation accessoire de sécurité envers ses clients. Il s'agit d'une obligation générale de vigilance en vertu de laquelle il est tenu de prendre toutes les précautions utiles pour assurer la sécurité des personnes qui fréquentent son établissement. Toutefois, il n'est pas réputé avoir manqué à cette obligation par le seul fait qu'un accident arrive à l'une d'elles; il n'y a pas de présomption de droit contre lui, bien que des présomptions de fait établissant sa faute puissent résulter des circonstances et de la preuve.[6]

[Soulignement dans l’original]

[32]        Cette obligation du respect des règles de sécurité par l’exploitant doit cependant être analysée en conjonction avec une certaine acceptation par le sportif des risques inhérents à la pratique de son activité.

[33]        La Cour supérieure, dans l’affaire Paradis[7], cerne les obligations de chacune des parties dans un tel cas :

1)      L'exploitant d'un centre de ski est investi envers ses clients d'une obligation de moyens;

2)      Cette obligation lui impose le devoir, suivant le critère du bon père de famille, de mettre à la disposition des usagers des pistes exemptes de trappes ou de pièges, compte tenu de la prévisibilité normale;

3)      Son devoir général de prudence ne lui impose pas l'obligation de mettre tous ses clients à l'abri de toutes possibilités d'accidents; il n'est pas l'assureur de ses clients et aucune présomption légale de faute n'existe contre lui;

4)      Le skieur a l'obligation identique d'agir en « bon père de famille »;

5)      Le ski comporte certains dangers inhérents que l'adepte est censé accepter au départ;

6)      L'étendue de l'acceptation du risque par un skieur est intimement liée à son degré d'expérience et de compétence, à l'ensemble de toutes les circonstances et aux avertissements spécifiques qui peuvent lui être donnés par quelques moyens que ce soit, affiches, etc.

[34]        En résumé, le Tribunal retient que l’exploitant doit fournir l’activité souscrite et prendre toutes les précautions raisonnables pour que cette activité s’exerce dans un cadre sécuritaire.

[35]        S’il y a accident, il n’y a pas de présomption au départ que l’exploitant a commis une faute, puisque l’exercice de certains sports comporte, à sa face même, certains risques.

[36]        L’usager doit donc assumer les risques qui découlent de l’exercice de ce sport à la condition qu’il s’agisse de risques normaux et dans un contexte où l’exploitant n’est pas l’assureur de l’usager.

[37]        Rappelons que dans la prise en charge de son devoir, l’exploitant a une obligation de moyen à l’endroit de l’usager et non de résultat.

[38]        Comme l’affirme le juge LeBel dans l’arrêt L’Écuyer[8] :

L'obligation générale de surveillance et de vigilance ne demeure qu'une obligation de moyen. Elle oblige le Centre à prendre les moyens raisonnables pour protéger ses clients contre des risques prévisibles. Elle ne le tient pas responsable de l'exécution d'une obligation de résultat.

[Références omises]

2. La détermination de la faute

[39]        Ainsi, pour statuer sur la commission d’une faute par l’exploitant d’un centre de ski, le premier exercice à effectuer consiste à déterminer si dans la séquence des événements qui ont mené à l’accident, des lacunes existent dans la mise en place de mesures sécuritaires.

[40]        Par exemple, dans l’affaire Parenteau c. Bromont[9], le centre de ski a été tenu responsable de l’accident résultant de la collision d’un skieur avec un poteau situé dans la piste de descente. La faute du centre de ski repose sur son omission d’avoir alerté et informé les skieurs de manière efficace et non ambiguë de la présence d’un obstacle sur la piste et de n’avoir pris aucune mesure pour tenter d’atténuer les conséquences d’un impact éventuel avec, par exemple, un objet rembourré. En agissant ainsi, le centre n’a pas adopté le comportement d’une personne raisonnable qui ne pouvait ignorer le danger potentiel.

[41]        Ainsi, le skieur a le droit, dans le contexte de l’obligation de moyen de l’exploitant, de s’attendre à ce que la piste ne comporte aucun piège ou trappe dans un cadre d’une prévisibilité normale qui inclut, pour un usager, de quitter la piste, qu’elle soit damée ou non, et que cette sortie de piste soit volontaire ou non[10].

3.         Certains facteurs d’atténuation de la responsabilité de l’exploitant

[42]        Comme mentionné précédemment, l’obligation de sécurité de l’exploitant doit être soupesée à la lumière d’une certaine prise en charge des risques normaux liés à la pratique de l’activité. C’est ce que l’article 1477 C.c.Q. nous enseigne :

1477. L'acceptation de risques par la victime, même si elle peut, eu égard aux circonstances, être considérée comme une imprudence, n'emporte pas renonciation à son recours contre l'auteur du préjudice.

[43]        À ce sujet, le Tribunal fait siens les propos suivants de l’auteur Pierre Deschamps[11] :

Une personne assume et accepte, en principe, les risques normaux inhérents aux activités auxquelles elle participe volontairement et dont elle a connaissance. Ainsi, la personne qui pratique un sport comme le patin, l’équitation, le ski, le vélo, le hockey, le saut en parachute, la balle-molle ou la glissade sur chambre à air assume, en principe, les risques de blessures prévisibles, raisonnables et inhérents à l’activité et non les risques déraisonnables ou anormaux n’ayant aucun lien avec la pratique du sport […] 

L’article 1477 C.c.Q. vient sanctionner ces principes en édictant que l’acceptation des risques par une personne qui est victime d’un préjudice, même si elle constitue une imprudence de la part de la personne, n’emporte pas pour autant qu’elle renonce à poursuivre l’auteur du préjudice. Ce dernier pourra être tenu de réparer le préjudice subi par la victime dans la mesure où cette dernière réussit à prouver que l’auteur du préjudice a commis une faute, c’est-à-dire qu’il ne s’est pas comporté à son égard comme une personne prudente et diligente et que ce comportement fautif a contribué à la réalisation de son préjudice.

[Soulignement ajouté]

[44]        Que ce soit en matière contractuelle ou extracontractuelle, la théorie de l’acceptation des risques par la victime peut constituer une atténuation de la responsabilité de l’auteur du préjudice, sans toutefois emporter une renonciation à son recours par la victime.

[45]        Il est généralement admis par la doctrine et la jurisprudence que l’acceptation des risques par la victime comporte l'acceptation des risques normaux et prévisibles inhérents à la pratique de l’activité, mais non pas l'acceptation des risques déraisonnables, anormaux ou l’aggravation des risques résultant du comportement fautif d’autrui.

[46]        À ce propos, l’auteur Vincent Karim explique, dans son ouvrage « Les obligations » :

Ainsi, les risques inhérents à une activité ne couvrent pas les dommages qui résultent du mauvais entretien de l’équipement ou des installations par le propriétaire ou ses préposés. En effet, ce manque d’entretien peut être une source de pièges ou d’obstacles susceptibles de présenter un risque imprévu pour le participant à une activité. Le manque d’information de la part du débiteur quant à l’utilisation de ses installations ne constitue pas non plus un risque inhérent à l’activité.[12]

[Soulignement ajouté]

[47]        Le même auteur nous rappelle les trois conditions nécessaires pour conclure à l’acceptation des risques[13]. Dans un premier temps, il faut être en mesure de démontrer l’existence d’un risque clair.

[48]        Dans un deuxième temps, la preuve doit démontrer que la victime avait connaissance du risque que comportait l’activité. Cette connaissance peut être expresse ou tacite.

[49]        Elle est tacite lorsqu’on peut présumer qu’un individu normal aurait conscience du danger avant l’exercice de l’activité[14].

[50]        Cela implique que la victime doit préalablement avoir bénéficié d’une information suffisante non seulement à la pratique de l’activité, mais aussi aux risques inhérents à celle-ci afin de lui permettre de faire un choix libre et éclairé. Personne ne peut être présumé avoir accepté de courir un risque si elle n’en connaît pas la teneur.

[51]        Dans un troisième temps, on doit pouvoir déceler l’acceptation formelle ou tacite du risque par la victime. En cas d’aggravation ou de réalisation d’un risque imprévu, l’acceptation faite au départ par la victime ne lui est pas opposable.

4.         La faute contributoire

[52]        L’article 1478 C.c.Q. mentionne que :

1478. Lorsque le préjudice est causé par plusieurs personnes, la responsabilité se partage entre elles en proportion de la gravité de leur faute respective.

La faute de la victime, commune dans ses effets avec celle de l'auteur, entraîne également un tel partage.

[53]        Ainsi, si la faute incombe aux deux protagonistes, soit le demandeur et le défendeur, il y a alors partage de responsabilité.

[54]        Le juge Crête, dans la décision Provencher c. Janelle[15], conclut à une mitigation de l’acceptation des risques en raison des propos rassurants qu’avait tenus le défendeur envers le demandeur quant aux risques qu’il encourait en utilisant une échelle non sécuritaire mise à sa disposition.

[55]        Il retient cependant une certaine part de responsabilité de la victime vu la situation dangereuse dans laquelle elle s’était elle-même placée :

[41]        Dans ces circonstances, en application de l’article 1478 C.C.Q.,
il y a lieu d’attribuer à M. Provencher une part de responsabilité de la chute qu’il a subie, part que le tribunal estime à 25 %.  En effet, la partie la plus importante de la responsabilité revient quand même à M. Janelle qui a mis à la disposition du demandeur une échelle malheureusement inadéquate et objectivement dangereuse, tout en rassurant le demandeur en lui disant qu’elle était sécuritaire, puisqu’il l’utilisait déjà depuis vingt ans.

[56]        L’auteur Vincent Karim, toujours dans son ouvrage  Les obligations, l’explique ainsi :

L’article 1478 C.c.Q. s’applique tant au domaine de la responsabilité contractuelle qu’extracontractuelle. Il pose la règle du partage de la responsabilité applicable lorsque le préjudice résulte d’un concours de fautes commises par plusieurs personnes envers la victime. Cette règle s’applique aussi dans les cas de la faute de la victime qui est commune, dans ses effets, avec celle de l’auteur du préjudice.[16]

[57]        Lorsqu’il y a lieu de statuer sur le partage de responsabilité, la discrétion du tribunal est très large.

Application au cas en l’espèce

[58]        Le Tribunal retient des témoignages entendus la version suivante des faits.

[59]        Le 13 mars 2010, par une belle journée ensoleillée, une activité de glissade en chambre à air est organisée par la Caisse populaire de Matane, l’employeur de madame Manon Gauthier, l’épouse du demandeur, au Centre de ski Mont-Castor.

[60]        Une piste est spécialement aménagée et configurée pour permettre la descente en chambre à air.

[61]        Pour Roy, il s’agit de sa première expérience au Mont-Castor et de l’activité de glissade sur chambre à air.

[62]        Arrivé au sommet de la piste, en vue d’amorcer la descente, chaque témoin en demande, dont Roy, confirme apercevoir une brèche béante au bas de la piste, dans une courbe. Il est difficile d’en évaluer la largeur vu l’effet de perspective.

[63]        Le préposé, questionné à ce sujet, rassure les glisseurs. Il n’y a, selon lui, aucun danger à glisser sur la piste comme elle est configurée.

[64]        Roy et ses amis exécutent donc plusieurs descentes, parfois assis, parfois à plat ventre. Aucun avertissement n’est formulé aux adultes présents par les préposés quant à la façon de se positionner sur la chambre à air. Aucun pictogramme ne réfère à quelque mise en garde.

[65]        Les préposés poussent allègrement les glisseurs pour augmenter leur vitesse de descente tout en les faisant tourner.

[66]        La majorité des descentes ont lieu durant la journée.

[67]        Après le souper, quelques glisseurs reprennent l’activité, dont Roy. La surface de glisse est plus rapide puisque la neige fondue en surface s’est solidifiée.

[68]        Les préposés qui ont effectué un test de glisse avant la première descente du matin ne refont pas l’exercice après le souper.

[69]        Lors de la dernière glissade, Roy est positionné sur le ventre. Il fait alors quatre à cinq enjambées, se lance et glisse comme il l’a fait tout au cours de la journée. Il descend à grande vitesse, incapable de contrôler la direction prise par la chambre à air. Roy tente de ralentir la descente à l’aide de ses pieds, mais en est incapable.

[70]        Roy traverse la brèche béante. Son visage rebondit sur la surface glacée irrégulière à l’extérieur de la piste. Il perd ses lunettes sous l’impact. Son nez s’arrache et pend sur sa bouche. Il croit qu’il s’agit d’un caillot de sang, mais dans les faits, il s’agit de son nez. Roy est secoué, le sang coule et les douleurs apparaissent.

[71]        Roy est amené à l’hôpital. Le personnel soigne les blessures. Roy qui est couvreur de métier sera mis en arrêt de travail pendant trois semaines.

[72]        Le lendemain de l’accident, Roy retourne sur les lieux avec un ami présent la veille. Il note que la rampe a été rallongée. La plaque de sang a été recouverte de neige, probablement par l’effet de la rampe qui vient d’être modifiée.

[73]        Comparativement à la veille, la configuration de la piste a été modifiée.

[74]        La preuve révèle que d’autres accidents se sont produits au cours des ans lors de glissades en chambre à air.

[75]        En l'espèce, le Tribunal est d’avis que le Centre n’a pas rempli adéquatement son obligation de sécurité à l’endroit des glisseurs. Le fait qu’un seul accident se soit produit durant la journée ne constitue pas un argument valable pour atténuer le degré de responsabilité du Centre.

[76]        En effet, un seul dommage suffit pour que la faute se matérialise. Le Centre devait s’assurer de mettre à la disposition des glisseurs une piste sécuritaire. Or, la présence d’une ouverture béante au rebord de la piste constitue sans nul doute un piège. En l'espèce, la faute du Centre consiste à avoir permis la glissade dans une piste non sécuritaire où il était prévisible qu’un tel accident se produise.

[77]        Que les glisseurs aient descendu sur le ventre ou assis ne change en rien le degré de faute commise. La preuve révèle qu’une fois en action, peu importe la posture adoptée, la direction de la chambre à air n’est contrôlée que par la configuration de la piste; le glisseur n’ayant aucun moyen d’en modifier la trajectoire.

[78]        Ainsi, le fait de permettre la glissade sur une piste où se trouve une brèche béante à travers laquelle il est prévisible qu’un glisseur y soit dévié et l’absence de mise en garde face au danger que représente cet écueil forment les éléments constitutifs à la base de la faute du Centre.

[79]        Il faut toutefois se demander s’il y a faute contributoire de la part de Roy. Le Centre soutient que la témérité de Roy dans sa façon de dévaler la piste lors de la dernière descente rompt le lien de causalité avec la faute du Centre. En d’autres mots, le Centre plaide l’application de la doctrine du « novus actus interveniens ». À ce sujet, les auteurs Baudouin, Deslauriers et Moore s’expriment ainsi :

1-694 - Rupture à la suite de la faute de la victime - L'acte fautif postérieur de la victime peut avoir le même effet et permettre soit de décharger totalement l'auteur de la faute originale, soit de mitiger les dommages pouvant être réclamés (art. 1479 C.c.)83. Un exemple, parmi d'autres, est fourni par l'affaire Benoit c. Pilon84, où un ouvrier, victime d'un accident, refusa de se laisser traiter et de suivre les prescriptions médicales. La cour déchargea alors complètement le patron de sa responsabilité. Dans d'autres cas où la victime, après la réalisation du dommage initial, avait aggravé son état en suivant des traitements prescrits par des charlatans, les juges n'accordèrent qu'une compensation en relation avec le préjudice résultant directement du premier acte fautif et non pour l'aggravation85.

(...)

1-696 - Gravité de la faute - Dans les deux premières hypothèses, la rupture du lien de causalité, et donc la décharge de l'auteur de la première faute dans le temps, ne se produit que si la gravité de la seconde est supérieure ou au moins égale à la première89. En cas contraire, la tendance est de retenir les deux fautes comme ayant contribué au préjudice et d'opérer ainsi un partage pur et simple de responsabilité90. Ainsi, dans l'affaire Deguire91, le tribunal paraît avoir été parfaitement conscient du fait que la première faute des peintres (ne pas avoir rebranché le tuyau de gaz) était plus sérieuse et objectivement plus grave que celle du concierge (avoir réouvert le compteur), et retint une responsabilité des deux agents.[17]

[80]        En l'espèce, il est vrai que Roy a fait preuve d’une certaine témérité en glissant sur une piste plus rapide au bas de laquelle se trouve une ouverture béance qui peut, pour une personne raisonnable, représenter un danger. Toutefois, en glissant sur la piste sur une chambre à air comme il l’a fait, Roy n’a pas rompu le lien causal existant entre le dommage et la faute du Centre, car cette action n’a pas fait disparaître le lien entre l’omission de s’assurer de l’état sécuritaire de la piste et la mise en place de mises en garde nécessaires et le dommage subi par Roy.

[81]        Ce n’est qu’après que Roy ait décidé de glisser tout en étant conscient du risque lié à l’ouverture béante que la faute du Centre se matérialise. La faute du Centre demeure, mais il doit en l’espèce y avoir partage de responsabilité.

[82]        En se donnant des élans et en se lançant à toute vitesse sur une piste glacée dont le rebord contient une large ouverture qui est vue avant même la première glissade, Roy s’est placé dans une situation objectivement risquée. Pour cette raison, le Tribunal utilise sa discrétion et lui attribue 25 % de la faute.

B. Le quantum

1. Les dommages pécuniaires

[83]        Le montant des dommages pécuniaires est admis à 6 675,00 $.

2. Les dommages non pécuniaires

[84]        Le demandeur évalue ses dommages non pécuniaires à 150 000 $.

[85]        Le Centre soutient qu’au plus, ils devraient être estimés à 40 000 $.

[86]        Pour être en mesure de statuer adéquatement sur ces postes de dommages, reprenons la chronologie des événements immédiatement après l’accident.

[87]        Roy git au sol. Son nez est arraché. Le secouriste en poste lui donne les premiers soins. L’épouse de Roy l’amène à l’hôpital. Roy est accueilli par un médecin et une infirmière. Le nez pend toujours sur sa bouche. Avant d’amorcer le travail de remise en place du nez, le médecin contacte la plasticienne de garde dans un hôpital de Québec. Le médecin lui demande d’être dirigé dans son travail dans le but de procéder à une suture la moins visible possible vu que la réparation vise le nez, appareil central du visage.

[88]        Le médecin effectue un travail adéquat. Le nez est remis en place.

[89]        Après l’intervention médicale, au cours des semaines qui suivent, les douleurs sont vives. Roy se plaint d’une mauvaise respiration, de douleurs au front, aux articulations et au nez. Il souffre de maux de tête.

[90]        Durant la première semaine, il doit se présenter à l’hôpital aux deux à trois jours pour y faire nettoyer ses plaies.

[91]        Le temps passe. Roy est en arrêt de travail pendant trois semaines. Il reprend par la suite le travail de façon régulière. Certaines cicatrices demeurent.

[92]        Roy est couvreur de métier et travaille donc principalement à l’extérieur. La région du nez reste très sensible. L’hiver, le froid empêche Roy de demeurer à l’extérieur trop longtemps, car le bout de son nez gèle. L’été, c’est la même chose lorsque le soleil est présent : le nez rougit et lui fait mal. La peau du nez ne bronze plus.

[93]        Certains se méprennent et croient que Roy a une propension à boire excessivement de l’alcool vu l’aspect rougeâtre de son nez. Les moqueries dans son milieu de travail sont chose courante.

[94]        En l'espèce, le DAP est admis à 6.5 %.

[95]        Quel est le montant, au titre des dommages non pécuniaires, auquel Roy a droit?

[96]        Depuis l’arrêt Andrews[18] rendu par la Cour suprême en 1978, certains principes sont désormais clarifiés en matière d’évaluation des dommages non pécuniaires.

[97]        En ayant comme toile de fond l’important pouvoir discrétionnaire du Tribunal, les principes applicables se résument de la façon suivante.

[98]        D’abord, les différents postes de dommages non pécuniaires doivent être regroupés sous un seul. La méthode par laquelle on attribuait un certain montant par point d’incapacité doit être proscrite. On réfère ainsi à la souffrance, la douleur, la perte de jouissance de la vie, les inconvénients ainsi que le préjudice esthétique.

[99]        Sur ce point, le professeur Daniel Gardner s’exprime ainsi à ce sujet[19] :

En dehors de ces hypothèses, nous croyons qu'il est hasardeux de vouloir procéder sous des chefs distincts, le préjudice esthétique se confondant alors en totalité ou en partie avec les souffrances morales, les inconvénients et la perte de jouissance de la vie. Il est évident que les souffrances morales de la victime, qui conservera toute sa vie une cicatrice sur la joue, seront évidemment plus importantes que si cette cicatrice apparaît sur le pied. [...] On comprend que la personne gravement brûlée souffre davantage que celle qui subit une simple fracture (...).

C'est pourquoi nous appuyons la pratique jurisprudentielle de plus en plus répandue qui consiste à regrouper le préjudice esthétique avec les autres pertes non pécuniaires. […]

[Renvoi volontairement omis]

[100]     Il est également important de se rappeler que le montant maximal qui peut être accordé au chapitre des dommages non pécuniaires est de 100 000 $ au moment où l’arrêt Andrews est rendu. Il est d’environ 330 802 $ en 2013 une fois les calculs d’actualisation effectués.

[101]     L’évaluation des dommages non pécuniaires ne doit pas découler de l’application d’une simple règle de trois en prenant par exemple comme point de départ l’incapacité partielle permanente de 100 % reconnue dans Andrews et en effectuant le calcul mathématique correspondant en fonction du pourcentage d’incapacité partielle permanente retenue dans le dossier à l’étude, soit 6,5 %.

[102]     S’ajoute à ces principes le fait que la compensation accordée au chapitre des pertes non pécuniaires ne peut être précisément quantifiée. Elle a comme objectif premier de rendre la vie de la victime plus supportable[20], c’est-à-dire de lui permettre de se servir de l’argent reçu pour substituer d’autres agréments ou plaisirs à ceux qu’il a perdus, d’où le large pouvoir discrétionnaire du Tribunal en semblable matière.

[103]     Au regard des facteurs d’appréciation des personnes qui ont eu une altération à leur apparence physique, telles celles qui ont subi des brûlures, les auteurs Baudouin et Deslauriers disent que :

Le dommage causé à l’apparence de la victime peut être d’ordre purement moral ou psychologique. C’est, en fait, ce qu’il est dans la majorité des cas. La laideur de la victime peut lui nuire dans ses relations sociales en général, diminuer ses chances de trouver un conjoint, être source pour elle de complexe et entraîner ainsi des troubles d’ordre psychologique. Peu importe, dans ce cas, que les séquelles des traumatismes subis soient apparentes ou non, ou puissent être cachées par des fards ou autres artifices, leur visibilité (par exemple, lorsqu’elles affectent le visage) motive souvent une compensation plus généreuse.  Le sexe, l'état matrimonial et l'âge de la victime sont, il va sans dire, des facteurs d'appréciation importants.[21]

[104]     Ainsi, pour évaluer le préjudice, l’analyse de certains précédents s’avère un outil précieux. Par exemple, dans l’arrêt Guité[22], le préjudice esthétique subi est principalement situé à la région du nez, élément central du visage. Cet arrêt a été rendu par la Cour d’appel en 2006. Après l’accident, le nez de monsieur Guité est croche alors qu’auparavant, il avait « un beau nez ». On qualifie de disgracieuse et vilaine l’apparence du nez de monsieur Guité. Les experts ne s’entendent pas sur le pourcentage de préjudice esthétique. Un des experts l’évalue à 17 % alors qu’un autre l’établit à 6 %. En 2006, la Cour d’appel établit à 50 000 $ l’ensemble des dommages non pécuniaires de monsieur Guité.

[105]     Dans l’affaire Concetta Giampersa[23], une décision de la Cour supérieure rendue en 2004, le préjudice esthétique est établi en demande à 3 % selon le barème du Guide américain d’évaluation des préjudices permanents et à 17.5 % selon celui de la CSST. En défense, le taux est établi à 2 % selon le barème du Guide américain. Le juge refuse de se baser sur un ou l’autre des barèmes et accorde une indemnité globale de 30 000 $ pour une déformation de la narine gauche et une asymétrie du nez.

[106]     En 2007, dans l’affaire Thibault[24], un cas de brûlure au deuxième degré au visage, au cou et à la nuque ainsi qu’à la partie supérieure et antérieure du thorax et aux mains sur une surface corporelle de 8 %, les experts ne s’entendent pas. La demande utilise le barème de la SAAQ et attribue un pourcentage de 9 % en ajoutant qu’il existe des séquelles d’ordre physique et fonctionnel établies à 1 %. Un autre expert, cette fois en défense, utilise le même barème d’évaluation de la SAAQ et établit le pourcentage de préjudice esthétique à 3 %. Le Tribunal quantifie à 27 500 $ le montant de l’ensemble des dommages non pécuniaires.

[107]     Dans l’affaire Francoeur[25], en demande, le préjudice esthétique est évalué à 50 % alors qu’en défense, il est établi à 3 %. Les deux experts ont utilisé les barèmes de la CSST. Il s’agit de blessures au visage. Bien qu’on ne puisse parler d’un préjudice léger, comme le soutient le défendeur, il ne s’agit également pas d’un cas de défiguration comme le prétend la demande. Le Tribunal retient un pourcentage de 20 % et évalue à 60 000 $ le montant des dommages non pécuniaires à être versés. Le Tribunal retient entre autres que le préjudice esthétique se situe au visage et qu’il n’y a aucune possibilité d’amélioration sans l’usage de produits artificiels.

[108]     Dans Barrette c. Hubert[26], le demandeur a eu le nez fracturé à la suite d’un coup de poing. Il s’en est suivi une perte d’odorat qui a eu un effet sur le travail du demandeur qui est alors sommelier. Dans le contexte d’un DAP de 5 % et d’une cicatrice apparente, le Tribunal a attribué des dommages non pécuniaires de 38 000 $.

[109]     En l’espèce, le docteur Victor Goodyear, expert retenu en demande, résume les plaintes formulées par Roy :

Le patient se plaint des cicatrices nasales, des cicatrices frontales et des plaies un peu partout au niveau du visage. Il se plaint que sa narine gauche n’est pas comme celle de la droite, d’une bosse dans la région frontale et d’un craquement important au maxillaire inférieur gauche depuis ce temps. Il se plaint aussi d’avoir perdu ses lunettes lors de l’accident.

[110]     Le docteur Goodyear conclut ainsi son rapport :

Cette violente chute au visage a laissé Monsieur Roy avec des séquelles suite à une fracture et une perte importante de la région cutanée du nez. Plusieurs cicatrices dans la région nasale et frontale, ainsi qu’une difformité dans la région nasale surtout à la narine gauche sont maintenant présentes et l’incommodent. La consolidation des fractures et des cicatrices demeure telle quelle, et le patient ne désire pas d’autre correction chirurgicale pour l’instant mais demeure tout de même avec des séquelles.

En ce qui concerne l’articulation temporo-mandibulaire, le patient présente une luxation méniscale de l’articulation temporo-mandibulaire qui n’a jamais été présente avant l’accident selon lui. Sa dentiste, la Docteure Julie Gagné, n’a jamais noté de problème articulaire et le patient ne s’en est jamais plaint.

[111]     Quant à l’expert retenu par la défense, le degré de sévérité des séquelles est différent. Le chirurgien plasticien, Dr André Cholette, résume ainsi son opinion à la page 5 de son rapport :

Opinion sur les traitements ou chirurgie correctrice possible

Les cicatrices que présentent Monsieur Roy au niveau de son front sont d’excellente qualité et peu apparentes. Il n’y a donc aucun autre traitement jugé nécessaire ou qui pourrait améliorer les cicatrices.

À propos de la voussure que présente Monsieur Roy au niveau de la partie supérieure de son front gauche, il s’agit vraisemblablement d’un lipome qui n’a aucune relation avec l’accident.

La cicatrice à la base du nez et la légère déformation de la pyramide nasale sont peu importantes et par conséquent ne nécessitent aucun autre traitement. La cicatrice pigmentée présente au niveau de la pointe du nez de Monsieur Roy est apparente principalement en raison de sa pigmentation. À cet endroit, la peau est fine et il n’y a pas de surplus cutané permettant une révision cicatricielle sans risque important de récidive. Dans ce contexte, je suis d’avis qu’aucun traitement ou chirurgie ne pourraient améliorer de façon significative l’apparence des cicatrices au niveau de la pointe du nez.

En ce qui concerne la lésion méniscale probable présente au niveau de l’articulation temporo-mandibulaire gauche de Monsieur Roy, celle-ci est non douloureuse et ne cause aucune limitation de l’ouverture buccale ou de la fonction masticatrice. Dans ce contexte, je suggère qu’aucun autre traitement ne soit fait à moins que la symptomatologie ne devienne plus importante avec douleurs et blocage. Dans ce cas, monsieur pourrait possiblement profiter d’une athro-synthèse avec lavage articulaire et d’une plaque occlusale pour tenter un repositionnement postérieur du ménisque.

Étant donné que Monsieur Roy précise que sa problématique au niveau de l’articulation temporo-mandibulaire est stable depuis plus de deux ans, je suggère qu’aucun traitement soit fait.

Opinion sur le lien de causalité entre la lésion temporo-madibulaire gauche et l’accident

Selon le dossier médical de Monsieur Roy auprès de sa dentiste la docteure Julie Gagné, monsieur ne s’est jamais plaint de problème au niveau de son articulation temporo-mandibulaire gauche avant son accident. Actuellement, monsieur Roy présente vraisemblablement une luxation antérieure du ménisque à gauche. Une telle lésion peut apparaître suite à un traumatisme au niveau du visage ou suite à des épisodes prolongés de bruxisme. Dans le cas présent, monsieur a subi un traumatisme au niveau du visage causant une fracture du nez et des lacérations complexes. Le traumatisme a été assez important pour aggraver temporairement une condition préexistante au niveau de la colonne cervicale. Par ailleurs Monsieur Roy présente une usure importante de ses incisives inférieures témoignant des effets d’un certain bruxisme. Monsieur ne rapporte par contre aucune conscience de ce phénomène.

Considérant ces éléments, je suis d’avis qu’il y a une relation probable entre la lésion méniscale au niveau de l’articulation temporale gauche et l’accident survenu le 13 mars 2010.

[Reproduction intégrale]

[112]     En l'espèce, le Tribunal est d’avis que la valeur des dommages non pécuniaires de Roy est estimée à 40 000 $. Comme la part de responsabilité de Roy est établie à 25 %, il est en droit de recevoir la somme de 30 000 $.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[113]     ACCUEILLE en partie la requête introductive d'instance;

[114]     ORDONNE à la défenderesse de verser au demandeur, dans les soixante (60) jours du présent jugement, la somme de 6 675,00 $ au titre des dommages pécuniaires, en plus de l’intérêt au taux légal ainsi que l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q. à compter du 28 septembre 2010, date de la mise en demeure;

[115]     ORDONNE à la défenderesse de verser au demandeur, dans les soixante (60) jours du présent jugement, la somme de 30 000 $ au titre des dommages non pécuniaires, en plus de l’intérêt au taux légal ainsi que l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q. à compter du 28 septembre 2010, date de la mise en demeure;

[116]     AVEC DÉPENS, incluant les frais d’expertise.

 

 

__________________________________

CATHERINE LA ROSA, j.c.s.

 

Me Denis Tremblay

Tremblay & Tremblay Avocats inc.

Avocats du demandeur

 

Me Jules Grenier

Grenier & Grenier Avocats

Avocats de la défenderesse

 

Dates d’audience :

26 et 27 mars 2015

 

 



[1]     Parenteau c. Bromont, 2014 QCCS 3433.

[2]     2006 QCCS 5232, par. 68 à 71.

[3]     Id.

[4]     Article 1457, al. 1 C.c.Q.

[5]     Article 1457, al. 2 C.c.Q.

[6]     Bouchard c. Drouin, [1974] J.Q. no 9 (C.A.) (QL/LN).

[7]     Paradis c. Québec (Procureur général), J.E. 85-173 (C.S.).

[8]     L'Écuyer c. Quail, [1991] R.R.A. 482 (C.A.).

[9]     Parenteau c. Bromont, 2014 QCCS 3433.

[10]     Boulay c. Mont Blanc société en commandite, J.E. 2004-845 (C.Q.).

[11]     Pierre DESCHAMPS, « Chapitre III - L’exonération et le partage de responsabilité », dans Collection de droit 2014-2015, École du barreau du Québec, vol no4, Responsabilité, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2014, p. 78.

[12]     Vincent KARIM, Les obligations, 4e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2015, p. 1451.

[13]    Id., p. 1444.

[14]    Id.

[15]    Provencher c. Janelle, 2014 QCCS 1862, par. 41.

[16]    Karim VINCENT, Les obligations, préc., note 9, p. 1455.

[17]    Jean-Louis BAUDOUIN, Patrice DESLAURIERS & als, La Responsabilité civile, 8e éd., vol. 1, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2014, par. 1-694, 1-696.

[18]    Andrews c. Grand & Toy Alberta Ltd., [1978] 2 R.C.S. 229.

[19]    Daniel GARDNER, Le Préjudice corporel, 3e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2009, par. 1-390.

[20]    Brière c. Cyr, 2007 QCCA 1156.

[21]    J.-L. BAUDOUIN, P. DESLAURIERS & als., op. cit., note 14, par. 1-513.

[22]    Guité c. Québec (Procureur général), 2006 QCCA 354.

[23]    Giampersa c. Hasel, EYB 2004-61175 (C.S.).

[24]    Thibault c. Dubé, 2007 QCCS 4399.

[25]    Francoeur c. Dubois, J.E. 2003-1495 (C.S.).

[26]    Barrette c. Hubert, 2009 QCCS 5604.

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