DÉCISION
[1] Le 16 juillet 2002, Premier Tech ltée (l’employeur) dépose auprès de la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue en révision administrative le 3 juillet 2002 confirmant une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la C.S.S.T.) le 21 novembre 2001 à l’effet de refuser de retirer le coût des indemnités de remplacement du revenu versées à madame Christine St-Pierre (la travailleuse) après la date de sa démission.
[2] L’employeur a renoncé à la tenue d’une audience et a transmis son argumentation par écrit.
L'OBJET DE LA CONTESTATION
[3] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de retirer de son dossier financier un montant de 533,30 $ représentant les indemnités de remplacement du revenu versées à la travailleuse entre le 28 mai 2001 et le 10 juin 2001 au motif que n’eût été de sa démission, elle aurait pu poursuivre la période de travaux légers.
LES FAITS
[4] Madame St-Pierre a été embauchée le 16 avril 2001 pour labourer le biofiltre de tourbe chez les différents clients de l’employeur. Elle a commencé ses tâches après une période de formation de deux semaines. Le 14 mai 2001, elle consulte un médecin qui diagnostique une bursite de l’épaule gauche; le médecin recommande des travaux légers. Ceci est reconnu à titre d’accident du travail, tel qu’il appert d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 18 juin 2002 (C.L.P. 172089-32-0111). Dans cette décision, il est mentionné ce qui suit :
« Son médecin recommande l’exécution de travaux légers; par entente vraisemblablement avec l’employeur, la travailleuse continue de travailler; or, elle se rend compte que les tâches confiées ne sont pas légères et ce, au sens recommandé par son médecin.
Entre-temps, un autre employeur lui offre un autre emploi et elle débute celui-ci le 11 juin 2001. »
[5] Dans un rapport médical daté du 5 juillet 2001, le docteur Grenier mentionne que la travailleuse a été inactive entre le 20 mai 2001 et le 10 juin 2001 en raison d’un transfert d’emploi.
[6] Selon une lettre datée du 17 mai 2001 et signée par le directeur des services techniques de l’employeur, la travailleuse a donné sa démission qui est devenue effective à compter du 18 mai 2001.
[7] Le 19 juillet 2001, le docteur Grenier complète un rapport final dans lequel il consolide la lésion sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.
[8] Le 8 novembre 2001, l’employeur s’adresse à la C.S.S.T. pour demander que les frais de 533,40 $ versés à titre d’indemnités de remplacement du revenu entre le 28 mai et le 10 juin 2001 soient rayés de son dossier financier, de même que des frais de 25,00 $ versés pour une consultation médicale du 22 août 2001, soit après la date de consolidation.
[9] Dans son argumentation soumise à la Commission des lésions professionnelles, le représentant de l’employeur invoque le fait que n’eût été de sa démission effective au 18 mai 2001, la travailleuse « aurait été apte à poursuivre la période de travaux légers » prescrits par son médecin traitant dès la première visite médicale du 14 mai 2001. Le représentant de l’employeur soumet qu’il serait donc illogique d’imputer l’employeur pour les frais encourus entre le 28 mai et le 10 juin 2001. Il ajoute que bien qu’aucun formulaire d’assignation temporaire n’ait été complété par le médecin traitant, la travailleuse aurait pu poursuivre les travaux légers jusqu’à la date de sa consolidation.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[10] La Commission des lésions professionnelles doit décider si les coûts relatifs aux indemnités de remplacement du revenu versées à madame St-Pierre entre le 28 mai 2001 et le 10 juin 2001 doivent être imputés à l’employeur.
[11] Le principe général d’imputation des coûts est prévu à l’alinéa 1 de l’article 326 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001) (la loi) qui prévoit ce qui suit :
326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail et le porte au compte de l'établissement aux fins duquel le travailleur occupait son emploi au moment de l'accident.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d’un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.
L’employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d’un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l’année suivante la date de l’accident.
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1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34 (partie).
[12] L’alinéa 1 prévoit que l’employeur est imputé des coûts découlant d’un accident du travail survenu à l’un de ses travailleurs. Exceptionnellement, les coûts associés à un accident du travail peuvent être retirés du dossier financier d’un employeur dans certaines situations, soit celles prévues à l’article 326, 327 ou 329 de la loi, dans la mesure où les conditions d’ouverture qui y sont édictées sont remplies. Dans le présent cas, l’employeur invoque manifestement le second alinéa de l’article 326 de la loi, puisqu’aucun des autres articles ne peut trouver application au dossier en cause. Comme il ne s’agit pas d’un accident attribuable à un tiers, c’est donc en vertu de la notion de « obérer injustement » que l’employeur justifie sa demande de transfert des coûts.
[13] L’employeur base son argumentation sur le fait qu’il ne devrait pas être imputé des coûts engendrés après la démission de la travailleuse, soit le 18 mai 2001, puisqu’autrement, elle aurait pu continuer à faire les travaux légers. Avec respect pour l’opinion contraire, cet argument ne peut être retenu, ne serait-ce que parce que l’employeur n’a jamais eu recours à son droit d’assigner la travailleuse temporairement, selon la procédure prévue à l’article 179 de la loi. Contrairement à ce que prétend le représentant de l’employeur, il ne suffit pas que le médecin autorise des travaux légers pour que l’assignation temporaire soit valable. Encore faut-il que la procédure prévue à la loi soit respectée. L’employeur ne peut se contenter de prétendre que si la travailleuse n’avait pas démissionné de son plein gré, elle aurait dû effectuer les tâches de l’assignation temporaire qui lui aurait été proposée. Dans le présent cas, cette procédure d’assignation temporaire n’ayant pas été suivie, la travailleuse était considérée comme étant incapable de travailler et avait donc droit aux indemnités de remplacement du revenu jusqu’à la date de la consolidation de sa lésion, en vertu des articles 44 et 46 de la loi. Ces indemnités étant en relation directe avec sa lésion professionnelle, la C.S.S.T. est donc justifiée d’imputer l’employeur de ses coûts. Il en va de même des frais de 25,00 $ que l’employeur contestait dans sa lettre du 8 novembre 2001. Selon les informations contenues au dossier, il s’agit-là de frais de photocopie des notes médicales requises auprès du médecin traitant par la C.S.S.T., ce qui est en relation avec la lésion professionnelle.
[14] La Commission des lésions professionnelles tient par ailleurs à souligner que l’employeur demeure imputé des coûts reliés à la lésion professionnelle subie par madame St-Pierre même après la démission de cette dernière. La rupture du lien d’emploi n’est pas un obstacle au principe général d’imputation des coûts en relation avec une lésion professionnelle. Ceci est tellement vrai que les coûts d’une rechute, récidive ou aggravation doivent être imputés au dossier de l’employeur chez qui la lésion initiale a été subie, même si le travailleur n’est plus à son emploi.
[15] Bref, la Commission des lésions professionnelles considère que la C.S.S.T. était justifiée d’imputer l’employeur pour les coûts reliés à la lésion professionnelle de madame St-Pierre après le 18 mai 2001.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de l’employeur, Premier Tech ltée;
CONFIRME la décision rendue en révision administrative le 3 juillet 2002;
DÉCLARE que l’employeur doit être imputé de la totalité des coûts relatifs à la lésion professionnelle subie par madame Christine St-Pierre, la travailleuse, le 11 mai 2001.
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Marie-Andrée Jobidon |
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Commissaire |
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AVIS :
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