Sheehy c. Gestion Faubourg Sagamie inc. |
2019 QCCQ 467 |
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JT-1425 |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE CHICOUTIMI |
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« Chambre civile » |
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N° : |
150-32-700618-180 |
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DATE : |
29 janvier 2019 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L'HONORABLE DORIS THIBAULT, J.C.Q. |
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JEANNINE SHEEHY,
-et-
JEAN-CLAUDE THÉRIAULT,
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Demandeurs; |
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c. |
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GESTION FAUBOURG SAGAMIE INC.
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Défenderesse; |
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JUGEMENT
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[1] Jeannine Sheehy (madame Sheehy) et Jean-Claude Thériault (monsieur Thériault) réclament à Gestion Faubourg Sagamie inc. (Faubourg) 15 000 $ pour les dommages subis à la suite d'une chute survenue le 5 novembre 2017 sur le stationnement du commerce exploité par Faubourg. Ils lui reprochent d'avoir été négligente dans l'entretien du stationnement qui n'était pas sablé malgré la neige qui s'était accumulée ce matin-là.
[2] Faubourg nie toute responsabilité, opposant que madame Sheehy et monsieur Thériault n'ont pas circulé sur la voie de piétons mais plutôt entre les automobiles et ajoute qu'elle entretient avec diligence les stationnements en période hivernale et que les conditions météorologiques ne nécessitaient pas d'épandage ce jour-là.
Les questions de droit
- Faubourg a-t-elle commis une faute dans l'entretien de son stationnement qui a provoqué la chute de madame Sheehy et monsieur Thériault?
- Le cas échéant, quel est le montant des dommages subis par madame Sheehy et monsieur Thériault?
Le contexte
[3] Le matin du 5 novembre 2017, madame Sheehy et monsieur Thériault se rendent déjeuner dans un restaurant situé au centre commercial exploité par Faubourg comme c'est leur habitude le dimanche.
[4] Vers 12h30 après leur déjeuner alors qu'ils quittent le restaurant et qu'ils se rendent à leur automobile, ils glissent et chutent. Ils observent alors qu'une mince couche de neige recouvre une plaque de glace sur laquelle ils ont tombé.
[5] Ils se relèvent et retournent à leur domicile.
[6] Lorsqu'elle se plaint deux jours plus tard à la responsable du Faubourg, Madame Sheehy prétend s'être cassé des côtes. Dans la mise en demeure qu'elle fait parvenir, elle allègue s'être blessé à l'épaule, à la hanche et aux côtes.
[7] Le 15 novembre, elle consulte un médecin de l'urgence qui constate des fractures récentes aux côtes 7, 8 et 9.
[8] Madame Sheehy réclame une paire de bottes de 127 $, des médicaments pour environ 110 $ et des troubles et inconvénients (non précisés), le tout pour une somme totale de 15 000 $.
[9] De son côté, Jean-Claude Thériault admet n'avoir subi aucun dommage à la suite de sa chute.
[10] La représentante de Faubourg témoigne qu'une compagnie de déneigement est engagée chaque année pour l'entretien du stationnement. Dès qu'il neige, une équipe vérifie les conditions de stationnement tôt le matin afin d'évaluer la nécessité ou non d'étendre un abrasif ou de déneiger. Le matin du 5 novembre, la situation ne nécessitait aucun de ces travaux affirme le responsable de l'entreprise de déneigement.
[11] Chacune des parties dépose des documents afin de faire la preuve des conditions météorologiques cette journée-là. Le Tribunal retient de ces documents que du 4 novembre au lendemain 5 novembre 10h00 il n'y a eu aucune précipitation. De la neige est tombée à compter de 11h00 le 5 novembre qui se transforme en pluie verglaçante vers 14h00. La température a varié pendant cette journée entre 0 et - 3.
Le droit
[12]
Pour bien comprendre les motifs de la présente décision, il y a lieu de
reproduire l'article
«Art. 1457 Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s'imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.
Elle est, lorsqu'elle est douée de raison et qu'elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu'elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu'il soit corporel, moral ou matériel.
Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d'une autre personne ou par le fait des biens qu'elle a sous sa garde.»
[13] Ainsi, pour avoir gain de cause dans un recours en responsabilité civile, le demandeur doit faire la preuve de trois éléments, soit la faute, le dommage et le lien de causalité.
[14]
Également, l'article
«Art. 2803 Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.»
La décision
[15] Madame Sheehy et monsieur Thériault n'ont pas fait la preuve de la faute qu'aurait pu commettre Faubourg ni que les conditions météorologiques ce matin-là exigeaient l'épandage d'un abrasif.
[16] La Cour d'appel en 1994 écrit sur le sujet ([1]):
«…
(…) précisant que le propriétaire des lieux n'est pas l'assureur des piétons, qu'on ne peut exiger qu'un terrain de stationnement soit nécessairement aussi bien entretenu qu'un trottoir destiné à la circulation des piétons, que la demande a le fardeau de prouver faute (…)
…» [notre soulignement]
[17] Le juge Patrick Théroux dans un contexte semblable écrit ([2]):
«…
[20] (…) Les phénomènes météorologiques de l'hiver québécois sont bien connus. Les conditions extérieures peuvent varier énormément en peu de temps. Pour ces raisons, l'obligation de sécurité ne s'étend pas à devoir s'assurer que tout est déneigé, déglacé ou asséché partout en tout temps.
[21] Finalement, il appartient à la partie demanderesse d'établir la preuve prépondérante de ses prétentions. À cet égard, il faut préciser que la seule preuve de la présence de glace sur un terrain de stationnement n'induit pas de renversement du fardeau de la preuve ni de présomption légale de faute ou de responsabilité.
…» [nos soulignements]
[18] Madame Sheehy ne fait aucune preuve du pourquoi elle aurait dû s'acheter une paire de bottes à la suite de l'événement, tout au contraire, elle exhibe à la soussignée les bottes qu'elle porte le jour de l'audience qui sont, dit-elle, celles qu'elle portait le jour de l'événement.
[19] L'examen des prescriptions déposées ne permet pas d'établir un lien avec les blessures alléguées; d'autant qu'il s'agit de médicaments prescrits par un médecin et qu'aucun document émanant de médecins n'a été déposé en preuve.
[20] Le seul dommage mis en preuve est que madame Sheehy a trois côtes de fracturées. Ce constat est fait dix jours après l'événement et les motifs de la fracture ou les possibles motifs de la fracture n'apparaissent pas sur le document rédigé par son médecin, pas plus que la nécessité de prendre des médicaments en lien avec le diagnostic.
[21] Madame Sheehy et monsieur Thériault ont concentré leur preuve sur le fait qu'ils sont tombés sur une plaque de glace dans le stationnement de Faubourg comme si le fait de tomber sur la propriété d'autrui entraîne automatiquement la responsabilité de ce dernier.
[22] En somme, madame Sheehy et monsieur Thériault n'ont pas fait la preuve ni de la faute ni des dommages et ont ainsi failli à rencontrer leur fardeau.
[23] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
[24] REJETTE la demande;
[25] LE TOUT avec les frais de justice.
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__________________________________ DORIS THIBAULT JUGE C.Q.
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/ng |
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Date d'audience :13 décembre 2018 |
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.