LA COMMISSION D'APPEL EN MATIERE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES QUÉBEC MONTRÉAL, le 11 juin 1992 DISTRICT D'APPEL DEVANT LE COMMISSAIRE: Me Michel Duranceau DE MONTRÉAL ASSISTÉ DE L'ASSESSEUR: Pierre Taillon, médecin RÉGION:RICHELIEU- AUDIENCE TENUE LE: 10 décembre 1991 SALABERRY DOSSIER:26420-62A-9101 DOSSIER CSST: 0292 395 A: Montréal DOUGLAS L. REID 159, boul. Yamaska Cowansville (Québec) J2K 2G7 PARTIE APPELANTE et CIE CHIMIQUE HUNTSMAN CANADA INC.Madame Carole Bailey Case postale 231 Masonville (Québec) J0E 1X0 PARTIE INTÉRESSÉE D É C I S I O N Le 29 janvier 1991 monsieur Douglas L. Reid, le travailleur, dépose à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) une déclaration d'appel à l'encontre d'une décision rendue le 17 décembre 1990 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission), à la suite de l'avis émis le 1er décembre 1990 par le Comité spécial des présidents.
La décision se lisait comme suit : «Le diagnostic de votre lésion professionnelle est absence d'asthme professionnelle.» (sic) OBJET DE L'APPEL Par son appel, le travailleur demande à la Commission d'appel d'infirmer la décision rendue le 17 décembre 1990 et de reconnaître qu'il est atteint d'une maladie pulmonaire lui donnant droit d'être indemnisé selon la loi.
LES FAITS Depuis 1987 le travailleur est à l'emploi de la compagnie Huntsman Chemical comme technicien de laboratoire.
Dans un rapport daté du 6 décembre 1989 adressé au docteur Tector, le docteur Ernst écrivait ceci : «Mr. Reid is a 50 year old man with a one year history of smoking. He quit 27 years ago. His work history includes working for a textile compagny for 20 years where he was involved in printing with mixed dyes. He worked in a coal mine for 6 years, in construction for 1 year. More recently, he has been working as a lab technician at Huntsman Chemicals, a manufacturer of styrofoam.
His past medical history is significant for hay fever in childhood and asthma since 1967 diagnosed after a broncho-pneumonia. His asthma has been treated for the past 20 years and he currently takes Berotec. He has been recently investigated for coronary heart disease including a coronary angiography which was negative.
He also is know to have had bipolar affected disorder, alcoholism in the past and gout.
He complains of asthma and shortness of breath that is worse on being exposed to cold air or during exercice.
He also noticed that certain products at work in which he has been in contact with, had a very strong odor and made his breathing much worse. During one episode when he was exposed, he had to go to hospital. Apparently, he had three such admissions in the past year because of chest tightness, thought to be due to worsening asthma. He now has chronic phlegm production. He has no other pulmonary symptoms such as hemoptysis, chest pain, chills or fever. He also denies any history of asthma in childhood.
On physical exam, the patient was in no acute distress but obviously a very anxious man. He had some inspiratory wheezes. The mouth was normal. There was no clubbing. The chest was clear. Heart was normal.
Abdominal and extremity exams were normal.
His chest x-ray was normal. Pulmonary function tests showed a decreased vital capacity but normal flows.
The most outstanding feature was that there was a decrease in flow rates after methacholine challenge which suggests an increase in hyperreactivity of his bronchial airways.
IMPRESSION: We think that it is possible that Mr. Reid suffers from occupational asthma but we need to known the products to which he has been exposed.
We have asked him to let us know the name of the products used at his work and if it turns out to be a known allergen, then we will present a claim at the Workmen's Compensation Board.» Le 6 janvier 1990, le docteur Ernst écrit à nouveau au docteur Tector dans ces termes : «I was waiting for your patient Mr. Reid to send me a list of products to which he is exposed at work. He has not done so. I feel that the simplest course to take at the moment would be to put in a claim to the CSST for work related asthma and let them do the investigation at the workplace.
I am leaving this up to you unless the patient recontacts me in the near future.» Une attestation médicale datée du 15 janvier 1990 est signée par le docteur Ernst et pose un diagnostic d'asthme professionnel en relation avec un événement qu'il place au 6 décembre 1989.
Le 16 janvier 1990, c'est le docteur Tector qui signe un rapport médical et indique ceci : «unable to work re. asthma which may be related to chemicals at his workplace. Please investigate.» Le 19 janvier 1990, le travailleur produit à la Commission une réclamation pour maladie pulmonaire.
Un document préparé par le travailleur et apparaissant au dossier de la Commission, indique qu'il a travaillé de 1960 à 1977 dans un département de peinture et laboratoire à la compagnie Bruck Silk Mill Ltd. De 1981 à 1985, il a travaillé comme homme d'entretien à la Fording Cool Mine. De 1987 à 1989, il était à l'entretien et aux laboratoires de la compagnie Huntsman Chemical co. comme technicien de laboratoire.
Par lettre de son procureur du 5 février 1990, le travailleur demande à la Commission de lui obtenir une liste des produits auxquels il avait pu être exposé chez l'employeur.
La réclamation du travailleur est référée le 8 mars 1990 au Comité des maladies professionnelles pulmonaires qui doit examiner le travailleur le 2 avril 1990.
Le Comité des maladies professionnelles pulmonaires remet son rapport le 5 avril 1990 et conclut en ces termes : «Diagnostic: Il s'agit d'un réclamant qui présente un asthme personnel qui s'est exacerbé en milieu de travail.
Comme il est exposé à des substances vraisemblablement sensibilisantes, les Membres du Comité croient qu'il existe une possibilité d'asthme professionnel surajouté à un asthme personnel. Il existe donc une présomption de maladie pulmonaire professionnelle et ce réclamant doit bénéficier d'une I.R.R.
Une consultation est demandée aux docteurs André Cartier ou Jean-Luc Malo pour investigation complémentaire de cette possibilité d'asthme professionnel. Un rapport complémentaire sera émis lorsque cette investigation sera terminée.» Le 3 mai 1990, les docteurs Perrin et Malo, pneumologues retenus en consultation par le Comité des maladies professionnelles pulmonaires, remettent leur rapport et concluent ainsi : «Au total M. Douglas Reid âgé de 50 ans présente un asthme certain. Sa nature professionnelle est possible: exposition au styrène.
Nous lui avons remis un débit-mètre de pointe afin de vérifier la stabilité de son asthme, alors qu'il est actuellement hors travail.
Dès que possible, nous le convoquerons pour réaliser un test de provocation bronchique spécifique à cet agent sensibilisant.
Nous vous ferons parvenir les résultats.» Le 16 juillet 1990, le docteur Tector voit le travailleur et note chez lui un état d'anxiété.
Le 20 septembre 1990, le docteur Malo soumet son rapport dans ces termes : «Les tests de fonction respiratoire montrent qu'il existe au niveau des volumes pulmonaires un volume de réserve expiratoire abaissé, secondaire à l'obésité que présente ce sujet. Le volume résiduel toutefois est augmenté pouvant témoigner un trapping gazeux.
Au niveau des courbes d'expiration forcée, le VEMS en valeur absolue est à la limite inférieure de la normale mais le rapport VEMS/CV est normal. Au niveau de la boucle débit/volume, le débit à 50 % de la capacité vitale est normal.
Le transfert du CO en apnée est normal.
Le test de provocation bronchique à la méthacholine montre une hyperexcitabilité bronchique modérée.
EN CONCLUSION: Léger trapping gazeux avec hyperexcitabilité bronchique modérée, le tout pouvant être compatible avec un diagnostic possible d'asthme.» Le 24 septembre 1990, le docteur Malo écrit au docteur Gauthier, président du Comité des maladies professionnelles pulmonaires dans ces termes : «Docteur, Tel que signalé dans notre rapport antérieur et après communication et collaboration avec l'employeur, nous avons effectué les tests de provocation bronchique spécifiques.
Lors de la journée du 10 septembre, nous avons mesuré de façon sériée le VEMS pendant une journée témoin où le réclamant n'a pas été exposé à quelques agents que ce soit et comme en fait foi le graphique ci-inclus, il n'est pas apparu de changement significatif de la spirométrie. Le CP20 en fin de journée était de 7.8 mg/ml, témoignant d'une hyperexcitabilité bronchique légère.
Le 4 septembre ce Monsieur est retourné à son poste de travail habituel à l'usine Huntsman Chemical et comme en fait foi le graphique ci-inclus, l'exposition qui a totalisé plus de 4 heures n'a pas montré de changement significatif de la spirométrie. Cependant, le réclamant a présenté à la fin de la journée, des étourdissements, des nausées et des vomissements et il nous a raconté que cette symptomatologie correspondait à celle qu'il ressentait habituellement dans son milieu de travail. Nous saurions donc porté à croire que ce patient présente certes un peu d'asthme, mais que la symptomatologie manifestée à son travail est beaucoup plus de l'hyperventilation.
Dans ce contexte, nous ne croyons pas donc qu'un diagnostic d'asthme professionnel soit présent.» Le 27 septembre 1990, le Comité des maladies professionnelles pulmonaires soumet un rapport complémentaire dans les termes suivants : «Les Membres du Comité ont pris connaissance des rapports du docteur Jean-Luc Malo du 3 mai 1990 et du 24 septembre 1990, ainsi que du test de provocation bronchique spécifique en usine. Comme il n'existe pas de modification du VEMS, les Membres du Comité ne croient pas qu'il existe un asthme professionnel chez ce réclamant. Compte tenu de la symptomatologie d'étourdissements qu'il a présentée à la fin de cette journée de travail, les Membres du Comité sont tout à fait d'accord qu'il pourrait s'agir d'hyperventilation.
CONCLUSIONS Diagnostic: Absence d'asthme professionnel.
D.A.P.: Nil.
Limitations fonctionnelles: Aucune.
Tolérance aux contaminants: Aucune.
Réévaluation: Aucune.» Le 1er novembre 1990, le Comité spécial des présidents émet l'avis suivant : «A leur réunion du 1er novembre 1990, les membres soussignés du Comité Spécial des présidents ont étudié le dossier de ce réclamant.
Ils ont pris connaissance des conclusions de l'expertise. Ils ont revu l'histoire occupationnelle, les données du questionnaire cardio-respiratoire, la médication, les habitudes, les antécédents personnels et familiaux.
La description de l'examen physique de même que les résultats des examens de laboratoire ont été notés.
Ils ont relu les radiographies pulmonaires et ils ont analysé les valeurs du bilan fonctionnel respiratoire.
Les présidents entérinent les conclusions émises par le Comité des maladies pulmonaires professionnelles "A" de Montréal suite à leur expertise du 5 avril 1990 et du rapport complémentaire du 27 septembre 1990. Ils ne reconnaissent pas de maladie pulmonaire professionnelle chez ce réclamant.» Le 17 décembre 1990, la Commission rend sa décision conformément aux conclusions du Comité spécial des présidents et indique au travailleur qu'il y a absence d'asthme professionnel chez lui.
C'est de cette décision dont il y a appel par le travailleur devant la Commission d'appel.
L'employeur a versé au dossier de la Commission d'appel une demande d'assurance signée par le travailleur dans laquelle le travailleur indique, le 30 octobre 1989, que sa réclamation ne découle pas d'un accident du travail et qu'il n'a pas réclamé de la Commission. Également, une lettre du 1er novembre 1989 des procureurs du travailleur explique les circonstances du départ du travailleur de la compagnie où il travaillait. La lettre se lit comme suit : «We have been consulted by Mr Douglas Reid, who informs us of what follows.
Mr Reid is an employee of the Huntsman Chemical Compagny of Canada Inc. since 1986. He works there as a Laboratory technician. His work is very demanding since there are only two laboratory technicians at the Masonville plant and they're both overloaded with work.
In fact, Mr Reid tells us that the other laboratory technician has to take medication for his nerves.
On october the 20th 1989, at around 11:00 a.m., while Mr Reid was at work, he was not feeling too well. At that time, he walked off the job and said: "This is enough, I'm going home". Mr Reid was very nervous at that time and felt depressed. He, then, took an appointment with Doctor Tector of Cowansville for the 24th of october.
On october the 23th 1989, Mr Reid went back to his job and was called on a meeting with Jane Fidler and one engineer named Jean-Pierre. They told him that they would study his case.
On october the 24th 1989, Mr Reid went to his appointment with Dr Tector. He was diagnosed as suffering from depressive illness wich rendered him totally disabled since october the 20th 1989, as you can see from a copy of the report of Dr. Tector which you have the original that was supposed to be sent to the Sunlife Insurance Compagny.
On october the 24th 1989, you wrote a letter to Mr Reid, informing him that you accepted his resignation.
We would like to inform you that our client has never give you his resignation on october the 20th 1989. On that date, he was sick, suffering from a breakdown, when he left his job.
Furthermore, even if you consider his action of october the 20th 1989, as a resignation, we would like to inform you that considering his state of mind on that date, he was incapable of forming the necessary intention needed to give his resignation.
In consequence, you are summoned to cancell your letter dated of october the 24th 1989 and to send the medical repport concerning the state of mind of our client to the Sunlife Insurance Company, within ten days of the reception of this letter. If you dont comply with this letter, we will take legal proceedings against the Hunstman Chemical Compagny of Canada Inc.
Please act accordingly.» (sic) Également des notes manuscrites de monsieur J.P. Gibeault de la compagnie font part des circonstances ayant mené au départ du travailleur de la compagnie.
A l'audience, le procureur du travailleur présente une objection préliminaire quant à l'irrégularité de la procédure d'évaluation médicale suivie par la Commission. L'argumentation des parties sera reproduite plus loin à la décision.
Le travailleur témoigne à l'appui de ses prétentions. Il explique le travail qu'il faisait pour son employeur et les circonstances de son départ de la compagnie le 20 octobre 1989.
Il explique ce qu'il faisait comme tests à la compagnie et avec quels produits il avait à travailler. Le 20 octobre 1989, il reconnaît avoir démissionné de la compagnie et être allé voir son médecin, qu'il a vu le 25 octobre 1989. Celui-ci a augmenté sa dose de médicaments pour l'asthme. Le travailleur produit la liste des produits chimiques qu'il utilisait. Il a consulté le docteur Tector puis le docteur Ernst le 6 décembre 1989. Il indique que ce dernier était sous l'impression que ses problèmes étaient reliés à son travail. Quand il a commencé à travailler pour le présent employeur, il ne portait qu'un masque ordinaire dont la qualité a été améliorée avec le temps. Il indique que la ventilation n'était pas très bonne. Il est retourné à la compagnie en septembre 1990 pour y subir des tests requis par l'Hôpital du Sacré-Coeur et indique avoir étouffé et avoir vomi à l'occasion de ces tests faits sur les lieux du travail. Il termine en disant que le 20 octobre 1989 il ne se sentait pas bien.
Contre-interrogé, il décrit ses douleurs et malaises du 20 octobre 1989. Il a ressenti des douleurs à la poitrine et est devenu nerveux à cause de l'intensité de ses douleurs. Il indique avoir eu les mêmes douleurs depuis trois ans. C'est le docteur Tector qui lui a recommandé de produire une réclamation d'assurance, ladite réclamation étant produite comme pièce au dossier.
Aux questions de l'assesseur médical, le travailleur indique qu'il a travaillé pour l'employeur du mois d'août 1987 au 28 octobre 1989. Il indique avoir commencé à ressentir des problèmes d'ordre pulmonaire en 1967, l'asthme fut alors mentionné mais non traité. Dans les années 1970, il a fait usage de ventolin mais pas sur une base régulière. C'est en 1988 qu'il a commencé à travailler en laboratoire. Il indique avoir déjà été exposé à des produits chimiques avant de travailler pour le présent employeur. Il indique que des attaques d'asthme se sont présentées toujours de plus en plus fréquemment depuis 1988.
C'est surtout la manipulation de produits à base de styrofoam qui l'ennuyait, l'odeur de la vapeur et des produits chimiques étant trop forte, ces produits étant le pentane et le styrène. Il était à tous les jours en contact avec des produits chimiques.
Il travaillait douze heures par jour et reconnaît avoir éprouvé des douleurs à la poitrine alors qu'il était à la maison.
En défense, l'employeur fait témoigner monsieur Terry Willard, gérant. Il raconte les circonstances du départ du travailleur de la compagnie le 20 octobre 1989. Le travailleur était agité et voulait parler à monsieur Gibeault. Il se disait écoeuré par la compagnie et voulait démissionner. Il n'a jamais mentionné de problème de santé; il reprochait à la compagnie d'être dirigée par des enfants et considérait comme ridicules certaines directives quant à l'accès à certains locaux. Il a donc quitté la compagnie pour ne revenir que le mardi suivant pour demander d'être réintégré. Il a alors reconnu avoir quitté de lui-même son emploi. Le témoin réfère à une lettre du procureur du travailleur qui mentionne que le travailleur avait quitté son travail mais n'avait pas pour autant remis sa démission. Il répète que le travailleur savait très bien ce qu'il faisait quand il a quitté son travail le 20 octobre 1989.
Monsieur Jean-Pierre Gibeault, ingénieur chimique, témoigne à son tour. Il fournit une liste des produits chimiques utilisés à la compagnie et explique en quoi consistait le travail du travailleur. Il devait assurer le contrôle de la qualité des produits. Il y avait un système de ventilation, il utilisait des gants et des masques protecteurs. Le témoin était présent quand les tests en milieu de travail ont été faits le 14 septembre 1990. Le travailleur a alors fait les gestes qu'il posait dans ses tâches habituelles. Il a fait quatre tests d'humidité et faisait des tests de respiration à chaque fois. Il a alors quitté pour aller voir le docteur Malo. Le travailleur était alors très excité et hyperventilait. Il indique que les tests ont vraiment été faits dans le même milieu de travail que le travailleur connaissait lors de son départ. Le seul changement fait se situait au niveau de l'air climatisé qui avait été installé depuis le départ du travailleur de la compagnie. L'air extérieur était désormais utilisé alors qu'avant on se trouvait à recycler l'air intérieur.
Le dernier témoin pour l'employeur est le docteur Paolo Renzi, pneumologue. Il a étudié le dossier mais n'a jamais examiné le travailleur. Il a pris connaissance du rapport du Comité des maladies professionnelles pulmonaires et du rapport du Comité des présidents, et se dit en accord avec leurs conclusions. Il dit que le travailleur souffre d'asthme personnel et non d'asthme professionnel. Il dit que l'asthme n'est pas apparu au travail mais que le travailleur était déjà asthmatique bien avant de commencer à travailler chez cet employeur. Se référant aux tests administrés en décembre 1989 par le docteur Ernst, le docteur Renzi se dit d'avis que ceux-ci, particulièrement le test à la méthacholine, sont indicatifs d'un diagnostic d'asthme.
Cependant, le témoin fait remarquer que cette maladie était présente depuis 1967, soit bien avant l'entrée en fonction du travailleur chez l'employeur.
Le témoin indique que le test de provocation bronchique spécifique exécuté le 14 décembre 1989 est tout à fait négatif, les mesures du VEMS, fréquemment réalisées au cours des dix heures de suivi après exposition aux conditions habituelles de travail, n'ayant pas significativement fluctué. Le docteur Renzi précise par ailleurs que, pour le même motif, les symptômes que le travailleur allègue avoir éprouvés au début de l'après-midi de cette journée du 14 décembre 1989 ne peuvent trouver leur explication dans un phénomène de bronchoconstriction. Il attribue, comme le fait le Comité des maladies professionnelles pulmonaires, ces symptômes à un phénomène d'hyperventilation. Il ajoute que les douleurs thoraciques et les vomissements ne sont pas des manifestations d'asthme.
Le témoin fait valoir que la symptomatologie thoracique douloureuse dont fait état le travailleur ne s'observe que rarement, et encore que dans les cas d'obstructions très sévères, en présence d'une maladie asthmatique.
Le témoin ne croit pas que les symptômes du travailleur puissent s'expliquer par un phénomène irritatif, bien que certains produits utilisés chez l'employeur possèdent de telles propriétés. Ses motifs sont les suivants : - D'abord, une étude a démontré une concentration de ces produits dans l'environnement de travail qui est largement inférieure aux normes.
- Ensuite, le travailleur n'est pas porteur d'une hyperréactivité bronchique sévère qui puisse expliquer une réaction bronchospastique à de faibles concentrations d'irritants.
- Enfin, l'absence d'une chute du VEMS observée le 14 décembre 1989 est incompatible avec cette hypothèse.
Le docteur Renzi ajoute qu'aucun des pneumologues des divers comités ne croit à l'existence d'un asthme professionnel chez le travailleur; c'est le docteur Ernst lui-même qui ne fait qu'en soulever la possibilité et recommander une investigation.
ARGUMENTATION DES PARTIES Quant à l'objection faite à l'encontre de la régularité de la procédure d'évaluation, les parties ont présenté les arguments suivants.
Le travailleur indique que la demande au Comité des maladies professionnelles pulmonaires a été faite le 8 mars 1990 alors que le travailleur n'a été examiné que le 2 avril 1990 ce qui serait au-delà du délai de 20 jours prévu à la loi. Ce défaut de respecter ce délai emporterait nullité de toute la procédure d'évaluation faite par le Comité spécial des maladies professionnelles pulmonaires puisque ce délai en serait un de rigueur qui emporte nullité.
Le procureur du travailleur soumet que le Comité des maladies professionnelles pulmonaires avait illégalement délégué au docteur Malo le soin de faire des tests sur le travailleur et que cette délégation faisait perdre audit Comité sa juridiction pour se prononcer sur le dossier du travailleur. Le rapport lui-même soumis par le docteur Malo serait hors délai parce qu'il se permet de se prononcer sur la relation causale entre le travail fait par le travailleur et les contaminants auxquels il a été exposé.
La Commission d'appel aurait juridiction pour rendre la décision qui aurait dû être rendue par la Commission.
En réplique, le procureur de l'employeur soumet que la procédure d'envoi au Comité des maladies professionnelles pulmonaires est peut-être une procédure obligatoire prévue par le législateur mais que rien dans la loi ne parle de délai de rigueur pour s'y soumettre. Rien dans la loi ne parle de conséquences drastiques si les délais ne sont pas suivis strictement. Quant au droit du Comité des maladies professionnelles pulmonaires de demander à un autre médecin de faire certains tests, il soumet que le docteur Malo n'était qu'une référence à qui on demandait une opinion, le Comité n'a jamais renoncé à son pouvoir de décision ni ne l'a délégué. Le Comité n'a jamais renoncé à sa juridiction et l'a même réservée dans l'attente des résultats des tests du docteur Malo. Le docteur Malo lui-même n'a jamais exercé une juridiction ni rendu de décision; il n'a fait qu'exprimer son opinion, laissant au Comité le choix de faire ce qu'il voulait avec cette opinion.
L'objection du procureur du travailleur est prise en délibéré et sous réserve de la décision à être rendue sur cette objection, les parties sont invitées à procéder au fond.
Quant au fond, le procureur du travailleur argumente que le travailleur a subi une lésion professionnelle puisqu'il a subi une blessure sur les lieux du travail et à l'occasion du travail.
La condition du travailleur n'est pas seulement une lésion professionnelle mais est aussi une aggravation d'un état préexistant. Le travailleur a droit de recevoir une indemnité de remplacement du revenu parce qu'il a dû quitter le travail à cause de son asthme rendu intolérable par le travail, la manipulation de produits chimiques et l'anxiété. La Commission d'appel devrait infirmer la décision rendue et reconnaître les droits du travailleur.
Le procureur de l'employeur argumente que le travailleur n'a pas subi d'accident du travail, ni d'aggravation ni de maladie pulmonaire. Le 20 octobre 1989, le travailleur n'a pas subi de blessure, ce qui empêche de recourir à l'article 28 de la loi.
Tout ce que le docteur Tector a mentionné alors c'était que le travailleur avait une condition dépressive (depressive illness).
Aucune mention d'asthme ou de blessure, aucune plainte du travailleur à son contremaître. Le travailleur a quitté la compagnie à la suite d'une dispute avec les dirigeants. La preuve a établi que la douleur à la poitrine que le travailleur allègue avoir ressentie n'a aucun lien avec l'asthme et le travail fait par le travailleur. Dans le doute, le docteur Ernst a recommandé la tenue de tests qui ont tous été concluants, concordants et prépondérants. Le travailleur n'a pas été aggravé par son milieu de travail. Le départ du travailleur n'a rien à voir avec un problème de santé ou de blessure mais découle d'une dispute ou mésentente avec son employeur. C'est ce que révèle la lettre du procureur du travailleur. Pour qu'il y ait maladie professionnelle pulmonaire, il faut qu'il y ait eu exposition à des agents irritants; l'employeur a réussi de façon prépondérante à repousser toute présomption à cet effet. D'ailleurs aucun médecin n'est venu affirmer qu'il s'agissait d'une maladie professionnelle pulmonaire.
MOTIFS DE LA DÉCISION La Commission d'appel doit décider si le travailleur est atteint d'une maladie professionnelle pulmonaire. Cependant, elle doit d'abord décider de l'objection préliminaire soulevée par le procureur du travailleur quant à la régularité de l'envoi du dossier du travailleur au Comité spécial des maladies professionnelles pulmonaires.
Les articles 226 , 227 et 230 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., chapitre A- 3.001) se lisent comme suit : 226. Lorsqu'un travailleur produit une réclamation à la Commission alléguant qu'il est atteint d'une maladie professionnelle pulmonaire, la Commission le réfère, dans les 10 jours, à un comité des maladies professionnelles pulmonaires.
227. Le ministre forme au moins quatre comités des maladies professionnelles pulmonaires qui ont pour fonction de déterminer si un travailleur est atteint d'une maladie professionnelle pulmonaire.
Un comité des maladies professionnelles pulmonaires est composé de trois pneumologues, dont un président qui est professeur agrégé ou titulaire dans une université québécoise.
230. Le Comité des maladies professionnelles pulmonaires à qui la Commission réfère un travailleur examine celui-ci dans les 20 jours de la demande de la Commission.
Il fait un rapport par écrit à la Commission de son diagnostic dans les 20 jours de l'examen et, si son diagnostic est positif, il fait en outre état dans son rapport des ses constatations quant aux limitations fonctionnelles, au pourcentage d'atteinte à l'intégrité physique et à la tolérance du travailleur à un contaminant au sens de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1) qui a provoqué sa maladie ou qui risque de l'exposer à une récidive, une rechute ou une aggravation.
La Commission d'appel a retenu de la preuve que le travailleur a produit une réclamation pour maladie pulmonaire le 19 janvier 1990, suivie d'une demande de documents pertinents présentée par le procureur du travailleur en date du 5 février 1990. La Commission a référé la réclamation du travailleur au Comité des maladies professionnelles pulmonaires de l'Hôpital du Sacré-Coeur le 8 mars 1989 après avoir reçu les documents médicaux à la fin du mois de février 1990. Le Comité en question a fixé au 2 avril 1990 l'examen du travailleur et ce n'est qu'au 5 avril 1990 qu'un premier rapport intérimaire a été remis par le Comité.
Le procureur du travailleur invoque d'abord le non-respect des délais prévus à ces articles. Or, ces délais ne sont pas de rigueur et les retards ne peuvent avoir pour effet de rendre irrégulière toute la procédure d'évaluation médicale. En effet, comment pourrait-on imputer aux parties les conséquences du défaut de la Commission d'avoir respecté ces délais, délais sur lesquels les parties n'ont aucun contrôle.
Par ailleurs, la Commission d'appel croit tout à fait raisonnable pour un Comité des maladies professionnelles pulmonaires de pouvoir demander à un pneumologue de procéder à certains tests et investigations et qu'une telle démarche ne saurait être considérée comme une délégation de pouvoir ou une abdication de ses pouvoirs de décisions. L'obligation qu'a le Comité des maladies pulmonaires «d'examiner» un travailleur qui lui est référé, permet au Comité de requérir des tests comme il l'a fait auprès du docteur Malo. C'est le but de la loi et la Commission d'appel ne peut certainement pas tenir rigueur au Comité des maladies pulmonaires d'avoir investigué le travailleur et de n'avoir rien épargné pour connaître la vérité.
D'autre part, le procureur du travailleur reproche au docteur Malo de s'être prononcé sur la relation entre le travail et la maladie. Or, rien n'empêchait le docteur Malo de donner son opinion sur la question. D'ailleurs, le Comité des maladies professionnelles pulmonaires pouvait également se prononcer sur la relation entre le travail et la maladie mais ne liait pas la Commission sur ce point.
C'est ce qu'a décidé la Commission d'appel dans Rondeau et Ministère des transports du Québec, 27 décembre 1989, CALP 05317- 03-8711, du commissaire Jean-Marc Dubois.
La question de savoir si l'appelant est affecté d'une maladie professionnelle pulmonaire est à la fois de nature médicale et juridique et la Commission est liée par l'avis du Comité des présidents sur les questions d'ordre médical.
La Commission d'appel est donc valablement saisie de l'appel d'une décision portant sur des questions de nature médicale et juridique.
Dans l'affaire Rondeau et Ministère des transports du Québec, précitée, la Commission d'appel s'est exprimée ainsi : «Il s'agit donc ici d'une question mixte qui porte à la fois sur une question d'ordre médical et sur une question de nature juridique.
En s'appuyant sur la Cour suprême du Canada, la Commission d'appel a déjà affirmée "le pouvoir d'une instance d'appel d'entendre et de décider au fond la question qui lui est soumise ou de retourner le dossier à l'instance inférieure, Sylvio Arseneault et H.V.A.C.
(1987) C.A.L.P. 408 .
[...] La Commission d'appel considère qu'en l'espèce, il y va de l'intérêt des parties, compte tenu de la nature mixte du dossier, qu'elle se saisisse immédiatement de l'ensemble du dossier afin qu'une décision complète soit rendue dans les meilleurs délais pour le bénéfice d'une meilleure justice.» La Commission d'appel estime donc devoir maintenant examiner le bien-fondé de la réclamation du travailleur.
L'article 29 de la loi se lit comme suit : 29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.
Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.
Il faut donc regarder si le travailleur a démontré prima facie que sa réclamation soulève un cas de maladie prévue à l'annexe I de la loi.
A l'annexe I, section V de la loi on parle de maladies pulmonaires causées par des poussières organiques et inorganiques et on y relève ceci : «[...] a s t h m e b r o n c h i q u e : un travail impliquant une exposition à un agent spécifique.» De la preuve au dossier, il appert qu'il y a eu diagnostic d'asthme chez le travailleur et qu'en plus il était exposé à un travail à certains contaminants. Les éléments donnant droit au travailleur d'invoquer la présomption de l'article 29 de la loi sont donc réunis.
Mais cette présomption ne fait que dispenser le travailleur de faire la preuve de sa maladie professionnelle et c'est alors à l'employeur à contrer cette présomption par une preuve qui tende à établir que la maladie professionnelle ne vient pas de son travail ou n'a pu être causée par son travail.
Il est admis et clairement établi que le travailleur était déjà porteur d'une condition asthmatique bien avant d'entrer à l'emploi de l'employeur.
La Commission d'appel a retenu de la preuve que la réclamation du travailleur a été initiée non pas par un diagnostic clair et précis mais par un doute soulevé par le docteur Tector le 16 janvier 1990 alors qu'il a parlé d'«asthma which may be related to chemicals at his work». Le docteur Ernst avait parlé d'asthme professionnel dans une attestation médicale du 15 janvier 1990 mais sa lettre du 6 décembre 1989 laisse voir beaucoup plus un besoin d'obtenir des renseignements supplémentaires avant de se prononcer définitivement. Sa lettre du 6 janvier 1990 est encore plus explicite quand il dit ceci : «I was waiting for your patient Mr. Reid to send me a list of products to which he is exposed at work. He has not done so. I feel that the simplest course to take at the moment would be to put in a claim to the CSST for work related asthma and let them do the investigation at the workplace.» La Commission d'appel estime que la réclamation du travailleur a été présentée beaucoup plus comme une demande d'investigation que comme une condition clairement établie et diagnostiquée par les médecins.
La Commission d'appel estime que les examens, tests et investigations faits ou requis par le Comité des maladies pulmonaires ont donné d'abord le bénéfice du doute au travailleur pour finalement exclure toute maladie pulmonaire venant de son milieu de travail.
La Commission d'appel estime que les nombreux tests et investigations menés par le docteur Malo sont venus répondre aux interrogations et doutes que se posaient les docteurs Tector et Ernst au début du dossier. Les conclusions du Comité des maladies pulmonaires reprennent les résultats soumis par le docteur Malo et la preuve médicale prépondérante est réellement à l'effet que le milieu du travail n'a pas été pour le travailleur une cause de maladie professionnelle pulmonaire comme il le prétendait dans sa réclamation.
La Commission d'appel estime donc que l'employeur a définitivement réussi à repousser la présomption de l'article 29 de la loi par sa preuve médicale prépondérante.
L'absence de réaction aux tests subis par le travailleur vient donner plus de poids et plus de vraisemblance à l'idée que la réclamation du travailleur est plus une tentative du travailleur pour faire valoir contre son employeur des doléances qu'il avait à faire valoir contre ses conditions de travail. Non seulement le travailleur n'a-t-il présenté aucune preuve médicale pour contrer les conclusions du docteur Malo et du Comité des maladies pulmonaires mais les éléments de preuve au dossier montrent que l'aspect «asthme professionnel» n'était pas en jeu dans ce dossier et que ce sont plutôt les relations de travail qui posaient des difficultés au travailleur.
La lettre du procureur du travailleur datée du 1er novembre 1989 ne parle aucunement d'asthme ou de problème de santé chez le travailleur sauf si ce n'est d'une condition dépressive chez lui.
Cette lettre révèle d'ailleurs bien d'où vient la réclamation du travailleur pour asthme professionnel.
La Commission d'appel n'accorde aucune crédibilité au travailleur et à sa réclamation et retient de la preuve la nette impression que le travailleur a tenté de transformer en réclamation pour un accident du travail les reproches qu'il avait à faire valoir contre ses conditions de travail.
De toute façon, la preuve médicale prépondérante est à l'effet qu'il n'y a jamais eu d'asthme professionnel chez le travailleur.
Quant à la prétention du travailleur à l'effet que si sa réclamation n'en est pas une d'asthme professionnel, il est possible d'y voir un accident du travail lui ayant causé une atteinte ou maladie pulmonaire, la Commission d'appel la rejette également. Les tests menés par les différents médecins sont venus exclure toute maladie pulmonaire chez le travailleur qui a bénéficié pendant de longs mois du bénéfice du doute accordé par les différents médecins. Le travailleur lui-même n'a soumis aucune preuve médicale venant établir qu'il a subi une blessure le 20 octobre 1989. Les circonstances douteuses qui ont mené à la réclamation du travailleur s'appliquent également à cette dernière prétention du travailleur.
POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES : REJETTE l'appel de monsieur Douglas L. Reid; CONFIRME la décision rendue le 17 décembre 1990 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail.
Michel Duranceau commissaire Me François Blanchette 112, rue Sainte-Thérèse Cowansville (Québec) J2K 1R6 Représentant de la partie appelante HACKETT, CAMPELL, BOUCHARD Me Jean-François Pagé 80, rue Peel Sherbrooke (Québec) J1H 4K1 Représentant de la partie intéressée
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.