Conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréés (Ordre professionnel des) c. Cantin |
2021 QCCDCRHRI 2 |
CONSEIL DE DISCIPLINE |
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ORDRE DES CONSEILLERS EN RESSOURCES HUMAINES ET EN RELATIONS INDUSTRIELLES AGRÉÉS DU QUÉBEC |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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NO : |
13-20-00020 |
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DATE : |
26 mars 2021 |
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LE CONSEIL : |
Me MARIE-FRANCE PERRAS |
Présidente |
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Me KARL JESSOP, CRIA |
Membre |
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Me LINDA LEPAGE, CRHA |
Membre |
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ANDRÉ LACAILLE, CRHA, en sa qualité de syndic adjoint de l’Ordre des conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréés du Québec |
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Plaignant |
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c. |
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PIERRE CANTIN, CRHA, consultant en développement organisationnel |
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Intimé |
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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION |
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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE CONSEIL DE DISCIPLINE PRONONCE UNE ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, DE NON-PUBLICATION ET DE NON-DIFFUSION DE L’IDENTITÉ DES CLIENTS QUI SONT MENTIONNÉS DANS LA PREUVE, DANS LES DOCUMENTS DÉPOSÉS EN PREUVE ET DE TOUT RENSEIGNEMENT PERMETTANT DE LES IDENTIFIER.
APERÇU
[1] Le plaignant reproche à l’intimé de ne pas avoir été suffisamment structuré et organisé dans le cadre d’une formation qu’il offrait. Plus précisément, il lui reproche de ne pas avoir été assez précis quant aux objectifs, à la méthodologie, à l’évaluation et au suivi qu’il devait apporter.
[2] Lors de l’audition, l’intimé enregistre un plaidoyer de culpabilité à l’égard de l’unique chef de la plainte.
[3] Après s’être assuré du caractère libre et volontaire du plaidoyer de culpabilité, le Conseil, séance tenante, déclare l’intimé coupable de l’unique chef de la plainte, comme il sera plus amplement décrit au dispositif de la présente décision.
[4] Les parties procèdent par la suite sur sanction et suggèrent au Conseil d’entériner la recommandation conjointe imposant à l’intimé une réprimande.
[5] De plus, les parties recommandent que l’intimé soit condamné aux déboursés incluant les frais d’expertise jusqu’à concurrence de 1 200 $.
PLAINTE
[6] La plainte, reçue le 31 août 2020, est ainsi libellée :
Je, soussigné, André Lacaille., CRHA, ès qualités de syndic adjoint de l’Ordre des conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréés du Québec (« l’Ordre des CRHA »), affirme solennellement et déclare que j'ai des motifs raisonnables de croire que l'intimé, Pierre Cantin, CRHA, a commis des actes dérogatoires, au cours des années 2018 et 2019, lors de l’exécution d’un mandat de formation, obtenu de la Table régionale des organismes communautaires du Saguenay-Lac-St-Jean (Troc 2) :
En ne respectant pas les guides, codes de conduites, ainsi que les pratiques et les règles de l’art reconnues, en omettant :
- De préparer et présenter un plan de cours comportant des objectifs clairement énoncés;
- D’inclure des étapes d’analyses et d’évaluations d’acquisitions des connaissances transmises aux participants(es) et ce durant et à la fin de la formation;
- D’inclure dans sa formation des critères objectifs d’évaluations et d’identifier des faits mesurables permettant aux participants(es) de bien comprendre et de s’améliorer afin d’atteindre l’objectif initial de la formation;
- De composer un dossier individuel permettant de bien suivre l’évolution des participants(es) permettant d’apprécier objectivement les compétences, les acquis et les compétences relationnelles des participants(es);
- De suivre le code de conduite lors des périodes de coaching prévues à la formation;
- D’informer les participants(es) que la formation était une certification requise pour obtenir le privilège d’œuvrer comme consultants(es) en milieu communautaire;
contrevenant aux articles 2, 3 et 4 du Code de déontologie des CRHA et contrairement à l’article 59.2 du Code des professions;
[Transcription textuelle]
QUESTION EN LITIGE
[7] Le Conseil doit-il entériner la recommandation conjointe des parties?
[8] Pour les motifs qui suivent, le Conseil après avoir délibéré juge que la recommandation conjointe n’est pas contraire à l’intérêt public et ne déconsidère pas l’administration de la justice. Par conséquent, le Conseil y donne suite.
CONTEXTE
[9] L’intimé est membre de l’Ordre depuis 1996.
[10] Depuis 2012, il agit à titre de consultant auprès de divers organismes afin de donner des formations.
[11] En 2017, il obtient le mandat de la Table régionale des organismes communautaires du Saguenay-Lac-Saint-Jean (Troc 2) afin d’élaborer une formation complète ayant pour objectif de faire des participants, au terme de ces ateliers, des « consultants en milieu communautaire ».
[12] Ce programme consistait donc à préparer et à former une première cohorte dans ce domaine.
[13] Le programme s’échelonnait sur dix jours soit, quatre journées et demie de codéveloppement et huit jours de coaching.
[14] L’intimé avait donné par le passé des ateliers d’une journée, mais c’était la toute première fois qu’il donnait une formation aussi exhaustive.
[15] Au terme de la formation, une des participantes n’obtient pas la note de passage. Elle conteste principalement les objectifs ainsi que la méthode d’évaluation et le manque d’outils.
[16] Elle précise que le rapport d’évaluation préparé par l’intimé la concernant est subjectif et porte atteinte à son honneur et à sa réputation.
[17] C’est donc dans ce contexte qu‘en octobre 2019, elle fait une demande d’enquête à l’endroit de l’intimé.
[18] Face à cette situation, le plaignant rencontre l’intimé afin d’obtenir sa version des faits.
[19] L’intimé reconnaît qu’il en était à sa première expérience pour une formation d’une aussi grande envergure.
[20] Il reconnaît aussi qu’il aurait eu avantage à être mieux structuré et à développer une approche plus transparente.
[21] Il admet également qu’il y avait place à l’amélioration.
[22] L’intimé précise que malgré le dépôt de la plainte, il a obtenu deux autres mandats afin de former les cohortes subséquentes.
[23] Parallèlement à son enquête, le plaignant décide de faire un signalement au service de l’inspection professionnelle afin que l’intimé soit évalué quant à ses compétences.
ANALYSE
[24] Étant en présence d’une recommandation conjointe sur sanction, le Conseil doit déterminer s’il y donne suite.
Les principes devant guider le Conseil pour accepter ou refuser une recommandation conjointe
[25] Le Tribunal des professions enseigne qu’une suggestion conjointe ne doit pas être écartée « afin de ne pas discréditer un important outil contribuant à l'efficacité du système de justice, tant criminel que disciplinaire »[1].
[26] Ainsi, en présence d’une recommandation conjointe, le Conseil n’a pas à décider de la sévérité ou de la clémence de la sanction proposée, « mais à déterminer si elle s’avère déraisonnable au point d’être contraire à l’intérêt public et de nature à déconsidérer l’administration de la justice »[2].
[27] Dans l’arrêt Anthony-Cook[3], la Cour suprême a précisé qu’en présence d’une recommandation conjointe, ce n’est pas le critère de la « justesse de la peine » qui s’applique, mais celui plus rigoureux de savoir si la peine serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice, ou serait, par ailleurs, contraire à l’intérêt public.
[28] Conséquemment, il est utile de se référer aux enseignements de la Cour d’appel dans l’arrêt Binet[4], indiquant que les principes devant guider le juge pour accepter ou refuser une suggestion commune sont différents de ceux applicables à la détermination d’une sanction.
[29] La Cour d’appel du Québec, faisant siens les propos de la Cour d’appel de l’Alberta dans l’arrêt Belakziz[5], ajoute qu’en présence d’une recommandation conjointe, il est inapproprié de déterminer d’abord la sanction qui pourrait être imposée pour ensuite la comparer avec celle suggérée[6]. L’analyse doit plutôt porter sur les fondements de la recommandation conjointe, incluant les avantages importants pour l’administration de la justice, afin de déterminer si cette recommandation est contraire à l’intérêt public ou déconsidère l’administration de la justice.
[30] C’est donc à la lumière de ces principes que le Conseil doit analyser les sanctions proposées.
[31] De par son plaidoyer de culpabilité, l’intimé reconnaît avoir manqué à ses obligations en matière de formation.
[32] Le plaignant indique que les articles 2, 3 et 4 du Code de déontologie des membres de l’Ordre des conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréés du Québec sont très clairs quant au comportement attendu et souhaité qu’aurait dû avoir l’intimé. Ces articles sont rédigés ainsi :
2. Le membre doit s’acquitter de ses obligations professionnelles avec compétence et intégrité.
Il doit fournir des services professionnels de qualité.
3. Le membre doit exercer sa profession en tenant compte des normes de pratique généralement reconnues et en respectant les règles de l’art.
Il doit prendre les moyens pour maintenir à jour ses connaissances.
4. Le membre doit tenir compte des limites de ses aptitudes, de ses connaissances ainsi que des moyens dont il dispose.
Il doit éviter, notamment:
1° d’entreprendre des travaux pour lesquels il n’est pas suffisamment préparé, sans obtenir l’assistance ou l’information nécessaires;
2° d’accepter un mandat pour lequel il n’a pas acquis en temps utile la compétence requise ou n’est pas en mesure de l’acquérir.
[33] Au cours de son enquête, le plaignant a cru bon de demander l’opinion d’un expert afin de s’assurer que le programme mis en place par l’intimé répondait aux meilleures pratiques pour ce type d’activité[7].
[34] L’expert conclut à des manquements potentiels quant aux objectifs, à l’approche ainsi qu’à la méthode d’évaluation.
[35] Le plaignant souligne cependant être rassuré puisque l’intimé a fait l’objet de deux inspections professionnelles et a apporté rapidement les correctifs nécessaires.
[36] Il évalue à très faible le risque de récidive étant donné la reconnaissance des torts et les améliorations ainsi que la bonification que l’intimé a apportées aux différents ateliers.
[37] Selon le plaignant, toutes les démarches effectuées par l’intimé sont un gage de sécurité et la protection du public est ainsi assurée.
[38] De son côté, l’intimé confirme les faits et admet d’emblée les lacunes soulevées.
[39] De plus, il indique au Conseil avoir pris au sérieux toute cette démarche et mis en application les recommandations dont l’inspection professionnelle lui a fait part.
[40] L’intimé souligne au Conseil qu’il est en train de former et préparer la deuxième cohorte et qu’il a reçu le mandat pour la troisième.
[41] Le Conseil retient que l’intimé en était à ses débuts pour ce type de formation et qu’il n’avait pas saisi dès le départ toute la complexité qu’elle représentait.
[42] Le Conseil retient également de la preuve qu’il est clair qu’il y avait des lacunes tant sur le plan des objectifs d’apprentissage que sur le plan du suivi que l’intimé se devait de faire.
[43] En revanche, les infractions ont été commises lors d’un seul mandat.
[44] Le Conseil constate également que l’intimé a à cœur sa profession et cherche constamment à s’améliorer. Tout au long du processus disciplinaire, tant avec le plaignant que pendant l’inspection professionnelle, l’intimé a offert une grande collaboration.
[45] Le Conseil est convaincu du sérieux de sa démarche ainsi que de sa bonne foi.
[46] Le Conseil estime qu’il est rassurant de constater que l’intimé a posé des gestes significatifs rapidement afin de corriger sa pratique. Ceux-ci démontrent une prise de conscience ainsi qu’une volonté de s’améliorer.
[47] Le Conseil retient que toutes ces améliorations ont porté leurs fruits puisque l’intimé est à former la deuxième cohorte et a reçu le mandat de préparer la troisième.
[48] Le plaignant réfère le Conseil à une décision[8] qu’il juge à propos de comparer avec le dossier à l’étude. Le Conseil constate que pour des infractions de même nature, la sanction imposée fut une réprimande accompagnée d’une amende de 2 500 $.
[49] Dans le dossier qui nous concerne, le plaignant insiste sur le fait que l’intimé a passé avec succès le processus de l’inspection professionnelle et que c’est dans ce contexte que la sanction recommandée conjointement est proposée.
[50] Ainsi, après avoir pris connaissance des éléments présentés par les parties relativement aux facteurs qu’elles ont considérés pour l’élaboration de leurs recommandations conjointes, le Conseil est d’avis que cette dernière ne déconsidère pas l’administration de la justice et n’est pas contraire à l’intérêt public.
[51] Par conséquent, le Conseil est d’avis que la recommandation conjointe des parties doit être retenue.
EN CONSÉQUENCE, LE CONSEIL, UNANIMEMENT LE 8 FÉVRIER 2021 :
Sous le seul chef d’infraction :
[52] A DÉCLARÉ l’intimé coupable d’avoir contrevenu aux articles 2, 3 et 4 du Code de déontologie des membres de l’Ordre des conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréés du Québec ainsi qu’à l’article 59.2 du Code des professions.
[53] A PRONONCÉ une suspension conditionnelle des procédures quant au renvoi aux articles 2 et 4 du Code de déontologie des membres de l’Ordre des conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréés du Québec ainsi qu’à l’article 59.2 du Code des professions.
ET CE JOUR :
[54] IMPOSE à l’intimé une réprimande sous l’unique chef de la plainte.
[55] CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément à l’article 151 du Code des professions, incluant les frais d’expertise à hauteur de 1 200 $.
[56] ORDONNE que la présente décision soit notifiée à l’intimé par courriel.
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______________________________________ Me MARIE-FRANCE PERRAS Présidente
______________________________________ Me KARL JESSOP, CRIA Membre
______________________________________ Me LINDA LEPAGE, CRHA Membre |
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Me Nathalie Vuille |
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Avocate du plaignant |
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Me Juliette Liu |
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Avocate de l’intimé |
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Date d’audience : |
8 février 2021 |
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[1] Langlois c. Dentistes (Ordre professionnel des), 2012 QCTP 52.
[2] Chan c. Médecins (Ordre professionnel des), 2014 QCTP 5.
[3] R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43 (CanLII), [2016] 2 RCS 204.
[4] R. c. Binet, 2019 QCCA 669, paragr. 19.
[5] R. v. Belakziz, 2018 ABCA 370, paragr. 17 et 18.
[6] R. c. Binet, supra, note 4.
[7] Pièce SP-2.
[8] Conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréés du Québec (Ordre professionnel des) c. Gingras, 2018 CanLII 1038.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.