Girard et Fondation Santé Gatineau |
2014 QCCLP 5582 |
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[1] Le 4 mars 2014, madame Hélène Girard (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 29 janvier 2014, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST conclut que la réclamation de la travailleuse déposée le 9 septembre 2013 pour une lésion professionnelle qu’elle allègue être survenue le 1er mars 2013 a été produite hors du délai prévu par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) et que la travailleuse n’a pas présenté de motif raisonnable au sens de la loi permettant qu’elle soit relevée de son défaut. Par conséquent, la CSST déclare irrecevable la réclamation de la travailleuse et lui réclame la somme de 591,81 $.
[3] La Commission des lésions professionnelles a tenu une audience le 6 août 2014, à Gatineau, à laquelle la travailleuse est présente et représentée. Fondation Santé Gatineau (l’employeur) est également représenté. Le dossier a été pris en délibéré le même jour.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’elle a présenté un motif raisonnable permettant au tribunal de la relever de son défaut d’avoir produit sa réclamation à la CSST dans le délai prévu par la loi.
LES FAITS
[5] Le tribunal retrouve au dossier les notes évolutives du docteur Michel Caron, médecin qui a charge de la travailleuse, où le 12 mars 2013, il est noté un diagnostic de lombalgie bilatérale. Il note également que la travailleuse avait passé, en juillet 2012, une tomodensitométrie lombaire au niveau L1 à S1 interprétée par le docteur Martin Lepage où on peut lire :
L1-L2 : discrète spondylose. Pas de hernie discal. Pas de sténose spinale. Arthrose facettaire modérée. Calcul caliciel de 7 x 5mm dans un des calices inférieurs du rein gauche. Il est non obstructif.
L2-L3 : spondylose avec léger débordement discal circonférentiel. Pas de hernie discale ni de sténose spinale. Arthrose facettaire modérée bilatérale.
L3-L4 : spondylose avec léger débordement discal circonférentiel. Pas de hernie discale ni de sténose spinale. Il y a un peu d’arthrose facettaire droite plus qu’à gauche.
L4-L5 : spondylose avec débordement discal circonférentiel. Il semble être majoré en postérolatéral gauche dans la région préforaminale, ce qui pourrait traduire une petite hernie discal à ce niveau. Je crois toutefois que cette atteinte est purement dégénérative. Il y a une légère sténose du récessus latéral gauche associée à ce bombement un peu plus marquée dans cette région. Il y a de l’arthrose facettaire à droite.
L5-S1 : il y a un peu de spondylose mais pas de hernie discale ni sténose spinale. Il y a de l’arthrose facettaire modérée bilatéralement. Pas de spondylolyse. [sic]
[6] Le tribunal constate, toujours dans les notes manuscrites évolutives du docteur Caron, qu’au mois de mai 2012, la travailleuse l’avait déjà consulté pour un diagnostic de lombalgie droite.
[7] Le 19 mars 2013, le médecin note que la travailleuse ne peut retourner à son travail dû à des douleurs lombaires.
[8] Le 2 avril 2013, il diagnostique une lombalgie droite de même que de l’arthrose facettaire de L4-L5 à droite.
[9] À cette date, il remplit un formulaire adressé à la compagnie d’assurances de la travailleuse pour un diagnostic de lombosciatalgie droite. Il note un mal de dos avec irradiation et faiblesse dans les jambes. Il indique que l’incapacité de la travailleuse est reliée à une maladie. Entretemps, il produit des certificats médicaux d’absence à l’intention de l’employeur.
[10] Le 2 juillet 2013, le docteur Caron remplit de nouveau un formulaire pour la compagnie d’assurances de la travailleuse pour le diagnostic de lombalgie et de syndrome facettaire.
[11] Le 4 septembre 2013, la travailleuse remplit, chez l’employeur, le Formulaire de déclaration d’accident de travail de l’employeur. Elle réfère à un événement du 1er mars 2013 qui serait survenu à la cuisine du casse-croûte. La description des détails est la suivante : « Soulevé marmite sauce spaghetti, soulevé plat œufs, douleur au bas du dos. [sic] » Elle dit qu’elle a pris une pause pour soulager la douleur, soit en s’appuyant sur le comptoir. Elle ressent à ce moment une brûlure intense dans le bas du dos et, selon elle, la cause est le soulèvement d’un plat d’œufs (22 livres).
[12] Le 8 septembre 2013, une attestation médicale est produite référant à l’événement du 1er mars 2013 pour un diagnostic de hernie discale.
[13] Le 9 septembre 2013, la travailleuse produit, à l’aide de l’employeur, une réclamation à la CSST alléguant la survenance d’un événement lésionnel le 1er mars 2013 dont la description est la suivante : « L’employée a soulevé une chaudière d’œufs (± 22 lbs) et a ressenti une douleur au bas du dos ».
[14] À cette même date, l’employeur remplit le formulaire Avis de l’employeur et demande de remboursement pour ce même événement. Il rapporte notamment que la travailleuse n’a rempli aucun formulaire d’accident lors de l’événement et que le début de l’invalidité a été le 11 mars 2013. Il écrit notamment les commentaires suivants :
- Suite à son arrêt le 8 mars ; reçu certificat médical maladie ; invalidité à compter du 11 mars 2013.
réclamation assurances
présentement / dossier en étude long terme.
en date du 27 août ; elle nous mentionne que l’événement du 1er mars
/ accident travail.
aucun certificat du médecin traitant concernant accident, ni du supérieur, ni des RH.
le 4 sept. avons rencontré l’employée pour obtenir les détails/faits énoncés.
formulaires accident et réclamation travailleuse. [sic]
[15] Il note également que la première date de consultation est en 2012 et qu’aucun fait n’est rapporté à ce moment ou encore aucune limitation fonctionnelle.
[16] Le 17 septembre 2013, le docteur Caron produit un rapport médical pour un diagnostic de hernie discale L4-L5 et prévoit un scan lombaire le 20 septembre 2013.
[17] Le 25 août 2013, la travailleuse subit un bloc facettaire aux niveaux L4-L5 et L5 - S1 à droite.
[18] Le 19 novembre 2013, le docteur Caron produit un rapport médical pour un diagnostic de hernie discale et note : « CT Scan 20 septembre 2013. Pas de changement par rapport au précédent. » Le tribunal n’a pas cet examen dans son dossier.
[19] Le 22 janvier 2014, le docteur Racine produit un rapport médical pour un diagnostic d’entorse lombaire sur fond de dégénérescence L4-L5 devenue plus symptomatique depuis, mais qui n’était pas symptomatique avant l’événement.
[20] A également été déposé à l’audience un formulaire de déclaration d’accident pour un événement survenu à la travailleuse le 7 octobre 2011, accompagné de la décision d’admissibilité de la CSST du 3 novembre 2011, de même qu’une correspondance de la compagnie d’assurances Union-Vie de la travailleuse, accompagnée d’un formulaire de remboursement.
[21] Lors de l’audience, la travailleuse a témoigné. Elle précise travailler pour l’employeur au casse-croûte depuis le 24 février 2009. Elle s’occupe de la production, de l’entretien et du service aux clients. Elle mentionne avoir subi un accident du travail le 1er mars 2013 et précise qu’avant cet événement, elle avait déjà eu des douleurs au dos, au niveau de l’omoplate, et qu’elle avait quitté le travail une partie de la journée à ce moment. Elle précise également qu’elle a déjà eu, à une reprise, une bursite ou une tendinite des épaules en 2012. Elle confirme avoir parfois des douleurs au dos.
[22] Le vendredi où elle s’est blessée, elle a cherché le formulaire de déclaration d’accident chez l’employeur afin de le remplir, formulaire qui est resté introuvable. Une collègue de travail, madame Drouin, a également tenté de chercher ce formulaire avec elle.
[23] Le lundi suivant, elle entre au travail et mentionne au gérant la survenance de l’événement du vendredi. Il lui demande si elle a rempli un rapport d’accident et, à sa réponse négative, lui dit qu’il irait en chercher un le lendemain.
[24] Le mercredi, elle demande au gérant le formulaire en question et ce dernier lui mentionne qu’il a oublié.
[25] Le lundi suivant, elle communique par téléphone avec l’employeur pour l’aviser qu’elle ressent trop de douleurs et qu’elle se rend consulter son médecin. L’employeur lui demande de le tenir au courant. Elle communique avec lui de nouveau, à la suite de sa visite chez le médecin, pour lui dire qu’elle n’entre pas travailler. Il n’a pas été question du formulaire d’accident au moment de cette conversation téléphonique.
[26] Lors de sa rencontre avec son médecin, elle lui mentionne l’événement survenu le vendredi précédent lorsqu’elle était à son travail.
[27] Ce dernier lui rappelle ses antécédents de douleurs au dos et lui recommande de produire une réclamation à l’assurance plutôt qu’à la CSST.
[28] Elle produit donc une réclamation à l’assurance. Elle rencontre monsieur Villeneuve au bureau de l’employeur afin de remplir les documents pour la compagnie d’assurances, tel qu’en fait foi le document à la page 15 du dossier. Elle a également mentionné à monsieur Villeneuve que son médecin ne voulait pas lui donner le document CSST et qu’il lui a plutôt recommandé de produire sa réclamation à la compagnie d’assurances.
[29] C’est la compagnie d’assurances qui lui demande de produire une réclamation à la CSST.
[30] Elle rencontre donc monsieur Villeneuve vers le 28 août 2013 afin de déclarer son accident du travail et de produire une réclamation en conséquence.
[31] La secrétaire de l’employeur communique avec la travailleuse par la suite afin de reporter un rendez-vous prévu avec monsieur Larose, qui était son patron. Ce rendez-vous est fixé vers le 4 septembre 2013. Lors de cette rencontre, le superviseur mentionne à monsieur Larose qu’il ne se souvient pas que la travailleuse lui ait demandé un formulaire pour remplir une réclamation d’accident.
[32] À la suite de cette rencontre, l’employeur remplit le formulaire de déclaration d’accident de la travailleuse et lui fait signer. Par la suite, il remplit le formulaire de réclamation Avis de l’employeur et demande de remboursement à la CSST de même que la réclamation de la travailleuse qu’il lui fait également signer le 9 septembre 2013.
[33] A témoigné à l’audience madame Colombe Drouin, collègue de travail de la travailleuse qui travaille chez l’employeur depuis trois ans et demi. Elle précise qu’elle était au travail le 1er mars 2013 et qu’elle a été un témoin visuel lorsque la travailleuse s’est fait mal. Elle confirme avoir cherché avec la travailleuse un formulaire afin de déclarer l’accident, mais n’en a pas trouvé. Elle n’est pas au courant si la travailleuse a demandé un formulaire au superviseur, monsieur Ghislain Monfils, après l’événement.
[34] A également témoigné madame Line Robert, fille de la travailleuse et préposée aux bénéficiaires au même endroit où la travailleuse occupe ses fonctions. Elle mentionne que le 1er mars 2013, elle était au travail et que sur l’heure du lunch, elle a vu sa mère qui lui dit s’être blessée au dos. D’ailleurs, ultérieurement, elle accompagnera sa mère chez le docteur Caron et assistera à l’examen médical. Elle précise que sa mère lui a mentionné cette blessure au travail, mais que le docteur Caron lui a dit qu’elle aurait pu se faire cette blessure tout aussi bien en débarquant de sa voiture et qu’elle était mieux de produire une réclamation à son assurance salaire. Elle confirme également que sa mère lui a dit que la journée de l’événement, quelqu’un devait lui donner une feuille de déclaration d’accident, mais qu’elle ne l’a pas eue.
[35] A également été entendue madame Julie Patrice, adjointe à la direction générale et coordonnatrice des ressources humaines chez l’employeur. Elle est impliquée dans le dossier de la travailleuse au mois d’août 2013. Cependant, elle convoque la travailleuse pour le 4 septembre 2013. Elle précise qu’elle connaissait le délai de six mois pour produire une réclamation.
[36] A également témoigné madame Louise Labonté, employée aux ressources humaines chez l’employeur qui s’occupe notamment des réclamations pour maladie ou accident du travail. Elle précise qu’au début du mois de mars 2013, elle a vu la travailleuse remplir un document pour l’assurance maladie à son bureau. Elle mentionne qu’elle n’a jamais eu d’information indiquant que la travailleuse aurait eu un accident du travail à cette époque.
[37] A également témoigné monsieur Ghislain Monfils, superviseur du casse-croûte chez l’employeur depuis dix ans. Il confirme qu’il doit faire remplir une déclaration d’accident lorsqu’un tel événement survient puis qu’il doit l’acheminer aux ressources humaines. Il mentionne qu’il a été informé par monsieur Villeneuve au mois d’août 2013 de l’événement allégué par la travailleuse. Il mentionne qu’il n’a jamais été informé par la travailleuse au mois de mars 2013 de cet événement, qu’elle lui aurait simplement dit qu’elle avait mal aux épaules et qu’elle ne pouvait pas travailler.
[38] A également témoigné monsieur Réjean Vaillant, supérieur de la travailleuse. Il est en poste depuis trois ans au moment de l’événement. Ce dernier approuve les paies et est donc au courant lorsqu’il y a des absences. Il mentionne que ça ne fait pas très longtemps qu’il a su que ce n’était pas une maladie, mais bien un accident du travail qu’a subi la travailleuse.
L’AVIS DES MEMBRES
[39] Conformément à l’article 429.50 de la loi, le juge administratif soussigné a demandé aux membres qui ont siégé auprès de lui leur avis sur la question faisant l’objet de la contestation ainsi que les motifs de cet avis.
[40] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que la réclamation déposée par la travailleuse à la CSST, le 9 septembre 2013, ne respecte pas le délai de six mois prévu à la loi afin de produire une telle réclamation.
[41] Ils sont cependant d’avis que la travailleuse a présenté un motif raisonnable afin d’être relevée de ce défaut.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[42] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la réclamation de la travailleuse a été déposée dans le délai prévu à la loi et, dans la négative, si le retard est justifié par un motif raisonnable.
[43] Sur la question du délai, les articles pertinents de la loi sont les suivants :
270. Le travailleur qui, en raison d'une lésion professionnelle, est incapable d'exercer son emploi pendant plus de 14 jours complets ou a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique ou, s'il décède de cette lésion, le bénéficiaire, produit sa réclamation à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de la lésion ou du décès, selon le cas.
L'employeur assiste le travailleur ou, le cas échéant, le bénéficiaire, dans la rédaction de sa réclamation et lui fournit les informations requises à cette fin.
Le travailleur ou, le cas échéant, le bénéficiaire, remet à l'employeur copie de ce formulaire dûment rempli et signé.
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1985, c. 6, a. 270.
271. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle qui ne le rend pas incapable d'exercer son emploi au-delà de la journée au cours de laquelle s'est manifestée sa lésion ou celui à qui aucun employeur n'est tenu de verser un salaire en vertu de l'article 60, quelle que soit la durée de son incapacité, produit sa réclamation à la Commission, s'il y a lieu, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de sa lésion.
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1985, c. 6, a. 271.
272. Le travailleur atteint d'une maladie professionnelle ou, s'il en décède, le bénéficiaire, produit sa réclamation à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de la date où il est porté à la connaissance du travailleur ou du bénéficiaire que le travailleur est atteint d'une maladie professionnelle ou qu'il en est décédé, selon le cas.
Ce formulaire porte notamment sur les nom et adresse de chaque employeur pour qui le travailleur a exercé un travail de nature à engendrer sa maladie professionnelle.
La Commission transmet copie de ce formulaire à chacun des employeurs dont le nom y apparaît.
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1985, c. 6, a. 272.
[44] Comme on peut le constater, le délai de réclamation dans le cas d’un accident du travail est de six mois de la survenance de la lésion.
[45] Dans le cas d’un hors délai, l’article 352 de la loi permet au tribunal de prolonger un tel délai, de relever une personne des conséquences de son défaut et de le respecter si un motif raisonnable est présenté. L’article se lit comme suit :
352. La Commission prolonge un délai que la présente loi accorde pour l'exercice d'un droit ou relève une personne des conséquences de son défaut de le respecter, lorsque la personne démontre un motif raisonnable pour expliquer son retard.
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1985, c. 6, a. 352.
[46] Dans sa réclamation du 9 septembre 2013, la travailleuse décrit un événement survenu le 1er mars 2013 alors qu’en soulevant une chaudière d’œufs, elle a ressenti une vive douleur au bas du dos.
[47] Considérant le délai de six mois afin de produire une réclamation à la CSST, il y a donc, à sa face même, un hors délai de huit jours entre la survenance de l’événement le 1er mars 2013 et la réclamation produite à la CSST le 9 septembre 2013.
[48] La travailleuse ne respecte donc pas le délai de six mois prévu à l’article 270 de la loi.
[49] Cependant, le tribunal, en vertu de l’article 352 de la loi, s’interroge à savoir si la travailleuse avait présenté un motif raisonnable afin d’être relevée d’un tel défaut.
[50] Quant à la notion de « motif raisonnable », celle-ci n’est pas définie à la loi. La jurisprudence retient qu’il doit s’agir d’un motif non farfelu, crédible et qui fait preuve de bon sens, de mesure, de réflexion et de bon jugement et qu’à cet égard, le comportement de la personne s’appréciera en fonction d’une personne prudente et diligente[2].
[51] Dans la présente instance, il est en preuve non contredite que la travailleuse, dès la survenance de l’événement allégué, a immédiatement recherché un formulaire de déclaration d’accident avec une collègue de travail, cette dernière a d’ailleurs témoigné à cet effet à l’audience, et n’en a pas trouvé.
[52] Elle mentionne par la suite avoir réclamé à son superviseur un tel formulaire, mais ce dernier, en témoignage, contredit cette affirmation.
[53] La travailleuse s’est rendue par la suite chez son médecin qui, considérant ses antécédents au dos, lui a conseillé de ne pas réclamer à la CSST, mais plutôt à son assurance vie. Cette affirmation de la travailleuse est corroborée par un témoin l’ayant accompagnée chez le médecin.
[54] C’est donc sur cette recommandation que la travailleuse a produit une réclamation à ses assurances. Le tribunal considère que ce motif ne peut, à lui seul, permettre de relever la travailleuse de son défaut d’avoir produit une réclamation à la CSST dans les six mois prévus à la loi puisqu’elle a consciemment choisi de suivre les recommandations de son médecin. Cependant, selon le témoignage entendu, à la suite d’une demande de la compagnie d’assurances, la travailleuse se rend chez l’employeur afin de déclarer l’événement accidentel survenu le 1er mars 2013 et afin qu’une réclamation pour accident du travail soit remplie.
[55] Selon le témoignage de madame Patrice, une telle intervention a eu lieu avant la fin du mois d’août 2013.
[56] Le tribunal rappelle qu’en vertu de l’article 270 de la loi, l’employeur se doit d’assister la travailleuse à la rédaction de sa réclamation et de lui fournir les informations requises à cette fin.
[57] Le tribunal ne peut que constater que l’employeur a bien assisté la travailleuse pour compléter lesdits documents.
[58] Ainsi, selon les documents déposés au tribunal, la travailleuse rencontre, le 27 août 2013, le directeur général chez l’employeur, monsieur Villeneuve, à cet effet. Une rencontre est alors demandée à ce moment avec madame Patrice afin de remplir les documents adéquats. Il y a communication avec la CSST le 29 août 2013 et l’employeur est informé qu’il doit compléter le formulaire Avis de l’employeur et demande de remboursement et que la travailleuse doit remplir une réclamation du travailleur. À cet effet, la travailleuse est de nouveau convoquée chez l’employeur, mais pour le 4 septembre 2013 puisque les bureaux de l’employeur sont fermés le 2 septembre 2013.
[59] Une rencontre a lieu le 4 septembre 2013 avec la travailleuse et une autre le 9 septembre 2013 où tous les documents sont complétés.
[60] Le tribunal constate que dès le 27 août 2013, la travailleuse a rencontré le directeur général de l’établissement pour lui mentionner qu’elle avait subi un accident du travail le 1er mars 2013. D’ailleurs, dès le lendemain, l’employeur est informé par la CSST des documents qui doivent être remplis. Aux 27 et 28 août 2013, la travailleuse est toujours dans le délai de six mois prévu par la loi afin de produire une réclamation pour un accident du travail. Cependant, elle est convoquée de nouveau le 9 septembre 2013 par l’employeur afin que ces documents soient remplis, ce qui a pour effet d’occasionner un dépassement du délai de six mois prévu par la loi afin de produire une telle réclamation.
[61] Il est évident que si ces documents avaient été remplis dès la rencontre du mois d’août 2013 chez l’employeur, le dossier de la travailleuse ne serait pas devant le présent tribunal. Toutefois, le tribunal comprend que l’employeur devait se procurer toutes les informations pertinentes pour bien remplir lesdits documents et que la travailleuse était à la limite de son délai de réclamation.
[62] Il est également évident dans le présent dossier que, dans un premier temps, la travailleuse avait choisi de ne pas réclamer à la CSST selon le conseil de son médecin. Elle n’était cependant pas forclose de le faire dans les six mois de l’événement qu’elle allègue lui être survenu. Le tribunal, après avoir analysé l’ensemble de la preuve, considère que la travailleuse a nettement affirmé son intention de faire une telle réclamation le 28 août 2013, soit en deçà du délai de six mois prévu à la loi pour produire une telle réclamation. Le tribunal considère que c’est de bonne foi qu’elle a attendu la rencontre avec l’employeur du 9 septembre 2013 afin de remplir les documents appropriés.
[63] Le tribunal ne peut conclure que la travailleuse aurait eu un comportement d’une personne négligente et imprudente dans la production de sa réclamation.
[64] Dans les circonstances particulières du présent dossier, le tribunal considère que la travailleuse présente un motif raisonnable et détermine qu’il y a lieu de la relever des conséquences de son défaut d’avoir produit sa réclamation dans le délai de six mois prévus à la loi, considérant notamment l’intervention qu’elle a faite auprès de l’employeur le 27 août 2013.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de madame Hélène Girard, la travailleuse;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 29 janvier 2014, à la suite d’une révision administrative;
RELÈVE la travailleuse de son défaut d’avoir produit sa réclamation pour un événement qui lui serait survenu le 1er mars 2013 en dehors du délai prévu par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles;
DÉCLARE recevable la réclamation de la travailleuse du 9 septembre 2013;
RETOURNE le dossier au greffe du tribunal afin qu’une audience soit fixée sur le fond du dossier.
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Denis Rivard |
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M. Michel Thibault |
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G.C.D.A. GR. CONSEIL DÉF. ACC. |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Charles Saucier |
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SAUCIER, CARPENTIER-CAYEN |
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Représentant de la partie intéressée |
AVIS :
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