Décision

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Paradis Larrivée c

Paradis Larrivée c. Québec (Sous-ministre du Revenu)

2009 QCCQ 11141

COUR DU QUÉBEC

«  Division administrative et d’appel »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

JOLIETTE

LOCALITÉ DE

JOLIETTE

« Chambre Civile »

N° :

705-80-001539-085

 

 

 

DATE :

28 septembre 2009

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

RICHARD LANDRY, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

GHYSLAINE PARADIS LARRIVÉE

Partie demanderesse/APPELANTE

c.

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU DU QUÉBEC

Partie défenderesse/INTIMÉE

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]                Madame Ghyslaine Paradis Larrivée (« madame Larrivée ») en appelle de la décision du Sous-ministre du Revenu du Québec («Revenu Québec») du 18 juin 2008 qui la considère résidente du Québec pour les années d'imposition 2004, 2005 et 2006.  Madame Larrivée soumet que, durant ces années, elle était résidente de l'Ontario.

[2]                Revenu Québec maintient ses cotisations au motif que, selon les critères applicables, madame Larrivée était résidente du Québec à des fins fiscales pour les années concernées.

QUESTION EN LITIGE

[3]                La seule question en litige dans la présente affaire consiste à déterminer si madame Larrivée était résidente du Québec ou non pour les années d'imposition 2004, 2005 et 2006 en regard des dispositions légales applicables (articles 7, 22 et 1014 de la Loi sur les impôts du Québec [1]) et des critères retenus par la jurisprudence en semblables matières.

LES FAITS

[4]                Pendant 20 ans, et ce, jusqu'en décembre 2000, madame Larrivée exerce des fonctions de responsable à la classification des postes pour le compte de la Défense nationale à Montréal.

[5]                Elle demeure alors dans une maison située sur la rue de la Presqu'Île à Le Gardeur, maison qu'elle détient en copropriété avec son mari, monsieur Pierre Larrivée.

[6]                Monsieur et madame Larrivée sont mariés depuis 1976 et sont les parents d'un garçon.

[7]                En décembre 2000, madame Larrivée sombre dans une importante dépression attribuable surtout à des conflits dans son milieu de travail.  Elle reçoit notamment des menaces de la part d'employés insatisfaits de leur classification.

[8]                Ces événements ont également des répercussions sur sa vie matrimoniale qui n'est pas au mieux.

[9]                Madame Larrivée est en congé maladie jusqu'au mois d'avril 2001.

[10]            C'est pendant cette période qu'elle décide de «changer d'environnement» et d'aller travailler à Ottawa.  D'une part, elle possède des contacts au Conseil du Trésor.  D'autre part, sa soeur France venait de louer quelques mois auparavant un appartement sur la rue Fisher à Ottawa pour travailler à Agriculture Canada.

[11]            Elle obtient un emploi assez rapidement à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié à Ottawa, emploi qui débute en septembre 2001.

[12]            Sa soeur France accepte de partager avec elle l'appartement de 3½ pièces dont elle est locataire.  Madame Larrivée assume la moitié du loyer, soit 300 $ par mois.

[13]            Madame Larrivée y résidera en permanence de septembre 2001 à février 2007.  Au cours de l'année 2007, elle continue à travailler à temps partiel à Ottawa, (en moyenne 2 jours semaine), mais revient vivre au Québec dans la maison de Le Gardeur.

[14]            Dès son arrivée à Ottawa en 2001, elle fait modifier ses cartes d'identité (assurance-maladie, assurance automobile, plaque d'immatriculation, etc.) pour y indiquer l'adresse de sa  nouvelle résidence à Ottawa.  La plupart des formulaires et documents de toutes sortes lui sont transmis à son adresse d'Ottawa.

[15]            En septembre 2001, monsieur et madame Larrivée conviennent de mettre la maison de Le Gardeur en vente, mandat qu'ils confient à un agent immobilier jusqu'en décembre 2002.  N'ayant pas reçu d'offre concrète pendant toute cette période, ils décident de conserver la maison en commun mais monsieur Larrivée y habite seul.  Monsieur Larrivée prend sa retraite de son travail de postier en août 2002.

[16]            Madame Larrivée entreprend des démarches pour faire modifier le compte téléphonique qui est à son nom mais elle y renonce en raison des frais qu'on entend lui réclamer.

[17]            Bien qu'ils ne font plus vie commune, monsieur et madame Larrivée n'ont pas entrepris de procédures de séparation.  Au départ de madame Larrivée pour Ottawa en septembre 2001, il avait été convenu entre eux que madame Larrivée continuerait de payer les comptes de taxes, le compte de téléphone et celui du câble alors que monsieur Larrivée s'occuperait de l'entretien de la maison et des dépenses afférentes.  Cette entente a prévalu jusqu'en 2007. 

[18]            Pendant toutes ces années, elle revient sporadiquement au Québec pour visiter des membres de sa famille qui, pour la plupart, demeurent à Longueuil.  Elle revient principalement à la période des Fêtes.  Elle vient également visiter son fils et sa petite-fille, généralement à son anniversaire au mois d'août.

[19]            Elle ne retourne pratiquement plus à la maison de Le Gardeur sauf pour venir constater des réparations que son mari effectuait à l'occasion et remplir ses déclarations fiscales.  Elle n'a jamais couché à la maison de Le Gardeur pendant ses 5 ½ années d'absence.  Leurs rapports sont cependant toujours demeurés cordiaux.

[20]            Lorsqu'elle donnait des conférences à Montréal dans le cadre de son emploi, elle demeurait à l'hôtel où avait lieu la conférence.

[21]            Madame Larrivée passe la quasi-totalité de son temps à Ottawa, incluant ses fins de semaine et ses vacances.  Elle reçoit à l'occasion la visite de ses frères et soeurs.

[22]            Pendant ces 5 ½ années, madame Larrivée conserve son compte de caisse à la Caisse Populaire Desjardins Le Gardeur mais fait ses transactions courantes à la Caisse Populaire d'Ottawa.

[23]            Elle participe avec sa soeur France aux activités d'un club de bridge à Ottawa.

[24]            Au cours de l'année 2006, madame Larrivée songe à prendre sa retraite.  Elle repousse l'échéance de mois en mois jusqu'en février 2007 alors qu'elle met un terme à sa carrière, sous réserve du travail à temps partiel mentionné précédemment.

[25]            Elle discute avec son mari et ils conviennent qu'ils tenteront de reprendre la vie commune.  De fait, elle revient vivre dans la maison de Le Gardeur à compter de février 2007 et elle y demeure encore à ce jour.

[26]            La preuve révèle que pendant les années 2001 à 2007, madame Larrivée produit ses déclarations fiscales en Ontario.

[27]            Par ailleurs, elle remplit des déclarations fiscales au Québec dans lesquelles elle ne déclare aucun revenu au Québec.  Cela fait en sorte que monsieur Larrivée bénéficie de crédits d'impôt.

[28]            En septembre 2007, madame Larrivée communique avec Revenu Québec pour « clarifier » la question de crédits d'impôts reçus par son mari.  Son interlocuteur, monsieur Yaxley, la questionne alors sur ses allées et venues depuis 2001 et ses liens avec le Québec.  Il réfère le dossier à la vérification fiscale qui décide que madame Larrivée était résidente du Québec pendant toutes ces années.  Considérant la prescription acquise pour les années 2001, 2002 et 2003, Revenu Québec émet alors les cotisations suivantes::

- année 2004 (avis ML747261C01):                                              10 787,80 $

- année 2005 (avis ML393921C01):                                              12 233,12 $

- année 2006 (avis ML 928630C01):                                             11 345,72 $

[29]            Malgré les représentations de madame Larrivée et son opposition à ces cotisations, Revenu Québec maintient que madame Larrivée était «résidente» du Québec pour les années d'imposition concernées, d'où le présent appel.

LES CRITÈRES APPLICABLES À LA NOTION DE RÉSIDENCE

[30]            Les articles 7.14, 22 et 1014 de la Loi sur les impôts [2] du Québec prévoient ce qui suit:

7.14. L'application de la présente loi et des règlements ne peut être modifiée par l'article 77 du Code civil aux fins de déterminer si une personne réside ou non au Québec, au Canada ou ailleurs.

22. Toute personne qui est un particulier résidant au Québec le dernier jour d'une année d'imposition ou qui est une société ayant un établissement au Québec à un moment quelconque d'une année d'imposition doit payer un impôt sur son revenu imposable pour cette année d'imposition.

L'impôt à payer en vertu de l'article 750 par un particulier visé au premier alinéa qui exerce une entreprise hors du Québec au Canada, est égal à la partie de l'impôt qui serait établi en vertu de cet article, si on ne tenait pas compte du présent alinéa, représentée par la proportion qui existe entre son revenu gagné au Québec et son revenu gagné au Québec et ailleurs, tels qu'établis par les règlements.

1014. Sous réserve des modifications ou de l'annulation résultant d'une opposition, d'un appel ou d'un appel sommaire et sous réserve d'une nouvelle cotisation, une cotisation est réputée valide et tenante nonobstant toute erreur, vice de forme ou omission qui s'y trouve ou qui se trouve dans toute procédure s'y rattachant.

Toutefois, lorsqu'un tribunal annule une cotisation pour le motif qu'elle est émise au-delà de la période au cours de laquelle le ministre peut faire une nouvelle cotisation ou établir une cotisation supplémentaire aux termes des sous-paragraphes a, a.0.1 ou a.1 du paragraphe 2 de l'article 1010, selon le cas, la cotisation que remplaçait celle ainsi annulée demeure valide et tenante mais tout délai prévu à une loi fiscale et applicable à son égard ne commence à courir qu'à compter de la date du jugement annulant la dernière cotisation.

[31]            La jurisprudence en matière fiscale s'est appliquée à cerner la notion de « résidence » en dégageant des facteurs qui permettent de déterminer si un particulier réside au Québec « le dernier jour d'une année d'imposition » donnée.

[32]            Ainsi, les facteurs suivants font partie de ceux qui sont généralement retenus pour décider de la question [3]:

-         l'état civil et le mode de vie habituel du contribuable («past and present habits of life»);

-         le(s) motif(s) de la présence hors Québec et sa durée prévue et réelle;

-         l'importance des «liens de résidence avec le Québec» (endroit de son logement, celui de son conjoint et/ou de ses personnes à charge, de ses biens personnels, de ses comptes bancaires, de ses liens sociaux) par rapport à ses «liens de résidence hors Québec»;

-         le lieu de résidence désigné par le contribuable dans les formulaires et documents;

-         la régularité et la durée des présences du contribuable au Québec par rapport à la permanence du séjour hors Québec;

-         la prévision d'un retour au Québec à la fin du séjour hors Québec.

[33]            Ainsi, dans Sous-ministre du Revenu du Québec c. Roy [4], la Cour d'appel dégage de sa revue de la jurisprudence sur la notion de «résidence» les principes suivants (aux pages 39 et ss):

a)     « les mots "résidence", "séjour" et "résider" doivent s'entendre suivant leur sens ordinaire;

b)     en droit fiscal, la détermination de la résidence d'un contribuable est une question de faits; on peut aussi tenir compte de l'intention du contribuable et des raisons qui ont amené son séjour à l'étranger;

c)      s'il est vrai qu'une personne n'a qu'un domicile légal, elle peut avoir plusieurs résidences au regard du droit fiscal;

d)     il n'y a pas de présomption voulant qu'une personne, lors d'un séjour à l'étranger, ait abandonné sa résidence antérieure au Canada. »

(soulignements ajoutés)

[34]            De même, dans l'arrêt SMRQ c. Touchette [5], la Cour d'appel confirme le jugement de la Cour du Québec qui reconnaît à un expert informaticien québécois le statut de résident au Congo en raison principalement de son «intention de poursuive sa carrière à l'étranger, et la «rupture des liens de résidence avec le Québec», malgré les liens conservés par celui-ci au Québec: maison mise en location, vacances annuelles au Québec, conservation des meubles, d'un REER, d'une automobile, etc.  La Cour y écrit un passage souvent repris depuis en jurisprudence:

[23] « L’article 22 de la Loi sur l’impôt, qui assujettit le particulier résidant au Québec à l’impôt sur le revenu, ne définit pas la notion de résidence.  Il en résulte que sa détermination à l’égard d’un contribuable est une question de fait qui s’évalue à partir de plusieurs facteurs (Sous-ministre du revenu du Québec c. Roy, [1979] R.D.F.Q. 37 , à la p. 39 (C.A.)) :

Parmi les facteurs à considérer, l’arrêt Reeder mentionne les suivants :

a. past and present habits of life ;

b. regularity and length of visits of the taxpayer in the jurisdiction asserting residence ;

c. ties within that jurisdiction ;

d. ties elsewhere ;

e. permanence (…) of stay abroad.

On peut aussi tenir compte de l’intention du contribuable, et des raisons qui ont amené son séjour à l’étranger.

[24] On constate donc qu’il n’y a pas une liste exhaustive de facteurs qu’un tribunal doit examiner lorsqu’il détermine si un contribuable est ou non résident et qu’en l’espèce, le juge emploie sensiblement les mêmes que dans Roy, qui reprend ceux énumérés par le juge Mahoney dans The Queen c. Reeder ([1975] 29 D.T.C. 5160 (C.F., section de première instance)). »

[35]            Dans l'affaire Reeder, la Cour fédérale ajoutait également ce qui suit:

« The matter of ties within the jurisdiction asserting residence and elsewhere runs the gamut of an individual's connections and commitments: property and investment, employment, family, business, cultural and social are examples, again not purporting to be exhaustive.  Not all factors will necessarily be material to every case.  They must be considered in the light of the basic premises that everyone must have a fiscal residence somewhere and that it is quite possible for an individual to be simultaneously resident in more than one place for tax purposes. »

[36]            Enfin, quand la présomption de validité d'une cotisation s'applique (art. 1014 L.I.), c'est le contribuable qui a le fardeau d'établir par prépondérance de preuve qu'il n'était pas « résident au Québec » pour une année d'imposition donnée [6].  À défaut, la cotisation sera maintenue.

[37]            Ce sont là les principes applicables en semblables matières.

ANALYSE ET DÉCISION

[38]            De l'ensemble de la preuve administrée à l'audition, le soussigné est clairement d'avis que madame Larrivée doit être considérée comme résidente de l'Ontario pour les années d'imposition en litige, soit 2004, 2005 et 2006.

[39]            En effet, malgré certains liens qu'elle a conservés avec le Québec, et dont nous discuterons ci-après, il est manifeste que madame Larrivée a été résidente à temps plein à Ottawa pendant toute cette période, de corps et d'esprit.

[40]            Lorsqu'elle a quitté en 2001, c'était clairement dans l'optique de changer complètement «d'environnement» et de rompre les liens avec sa vie actuelle, de s'évader d'un « monde » devenu trop opprimant pour elle.  Cet environnement comprenait non seulement celui du travail mais également sa vie maritale qu'elle a décidé de mettre complètement en veilleuse.  Cela était vrai à tel point qu'elle et monsieur Larrivée ont convenu d'un commun accord de mettre la maison de Le Gardeur en vente.

[41]            Le fait que la maison n'ait pas été vendue après un an et demi d'efforts ne change rien avec la «rupture» physique et mentale que madame Larrivée a faite avec le Québec durant toutes ces années.

[42]            Ses présences on ne peut plus sporadiques (aux Fêtes, lors d'anniversaires, 3 ou 4 visites à Le Gardeur) confirment sa volonté à cet égard.

[43]            On ne saurait trop s'attarder au fait qu'elle soit demeurée copropriétaire de la maison de Le Gardeur.  Ce «lien» est beaucoup plus attribuable à l'incapacité de la vendre à un prix raisonnable qu'à une intention de la conserver comme résidence.  L'entente avec son mari quant au partage des dépenses s'est poursuivie au fil du temps pour ne pas remettre en cause un « modus vivendi » acceptable pour les deux.  L'absence de procédures de séparation participe du même état d'esprit.

[44]            La conservation du compte à la Caisse Populaire Le Gardeur ne change rien au fait que madame faisait toutes ses transactions à Ottawa comme si son compte s'y trouvait.

[45]            De même, la très grande majorité des documents produits en preuve lui étaient transmis à son adresse de la rue Fisher à Ottawa et c'est son numéro de téléphone d'Ottawa qui était indiqué pour communiquer avec elle.

[46]            La preuve ne démontre pas que madame Larrivée avait décidé de revenir vivre au Québec à sa retraite lorsqu'elle a quitté pour Ottawa en septembre 2001.  Sa vie aurait pu prendre diverses tangentes au gré des événements et il était loin d'être clair qu'elle reviendrait vivre à Le Gardeur ou ailleurs au Québec à la fin de sa carrière.

[47]            Dans Côté c. Québec (Ministère du Revenu) [7] Madame la juge Millar reconnaît le statut de résidence en Ontario à une personne dont l'emploi principal était en Ontario et cela, malgré le fait qu'elle possédait un immeuble à Gatineau occupé par son fils et qu'elle a occupé des emplois à temps partiel au Québec.  Il est à souligner que cette affaire présente beaucoup de similitudes avec le présent dossier.

[48]            Dans Abdat c. Sous-ministre du Revenu du Québec [8], Monsieur le juge André Cloutier déclare que Revenu Québec a erronément considéré comme résident québécois un contribuable qui travaillait 8 mois par année sur un navire enregistré en Ontario, malgré ses présences au Québec en période hivernale, le maintien de compte de banque, l'usage d'un casier postal, une carte d'assurance maladie.  Monsieur le juge Cloutier écrit:

[44]  Dans cette perspective, la preuve prépondérante établit que le requérant s’est installé en Ontario en 1977 et y a maintenu sa principale résidence jusqu’à la fin de 1996.

[45] Ses séjours annuels au Québec au cours de la période hivernale ont toujours maintenu un caractère temporaire et transitoire. Jamais au cours de cette période monsieur Abdat n’a maintenu un établissement personnel à Québec. Le fait d’y avoir maintenu des comptes de banque où il déposait ses épargnes et dans l’un desquels son traitement était déposé électroniquement, d’y avoir signé deux actes notariés dont l’un a été accompagné d’un avis d’adresse, n’enlève pas à ses séjours leur caractère éphémère et transitoire.

[46] De même le fait d’avoir utilisé un casier postal qui n’était pas le sien mais qui permettait qu’on lui achemine son courrier est insuffisant pour que nous puissions conclure à l’établissement ou au maintien d’habitudes de vie à Québec. Cette ville est demeurée pour le requérant un lieu transitoire. Et l’enregistrement de naissance d’enfants fait à son insu par une tierce personne tout comme la détention d’une carte d’assurance maladie sont insuffisants, même en les considérant à la lumière des autres éléments mis en preuve par l’intimé, pour conclure à l’établissement d’une résidence québécoise.

[47] Face à la preuve « prima facie » de résidence ontarienne établie par le requérant, l’intimé n’a pas réussi en contre-preuve à démontrer le maintien ni l’acquisition d’une résidence québécoise par monsieur Abdat avant 1997.

[54] Même si l’article 7.14 de la Loi sur les impôts écarte l’application du Code civil du Québec aux fins de déterminer la résidence d’un contribuable, tant la Cour suprême du Canada dans l’extrait ci-haut reproduit que la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Québec (Sous-ministre du Revenu) c. Roy, enseignent que l’intention du contribuable et les raisons qui ont amené son séjour à l’étranger sont des facteurs qui doivent être pris en compte dans l’appréciation des faits mis en preuve.

[49]            L'avocate de Revenu Québec invoque pour sa part le jugement de Monsieur le juge Bousquet dans Rego c. Québec (Sous-ministre du Revenu) [9].  La lecture du jugement démontre qu'il s'agissait beaucoup plus d'un problème de crédibilité de l'appelant qui n'a pas réussi à prouver sa résidence hors Québec.

[50]            Ici, la crédibilité de madame Larrivée et celles de son conjoint et de sa soeur France n'ont nullement été mises en doute et leurs témoignages sont concordants.

[51]            Quant aux jugements de Monsieur le juge Gobeil dans Gareau c. Sous-ministre du Revenu [10] et Mazerolle c. La Reine [11], il n'y a aucune mesure entre les faits de ces litiges et ceux de la présente cause.

[52]            L'avocate de Revenu Québec invoque des décisions dans lesquelles il fut reconnu qu'une personne peut résider à plus d'un endroit à la fois [12].  Ce poslulat n'est pas contesté sauf qu'ici, l'appelante n'avait qu'une seule résidence pour la période concernée et que celle-ci se trouvait à Ottawa, en Ontario.

[53]            En conclusion, tant par son mode de vie, son intention de « refaire sa vie », la faiblesse des liens au Québec par rapport à ceux qu'elle entretenait avec l'Ontario, la documentation produite en preuve, l'irrégularité et la faible durée de ses présences au Québec et son état d'esprit général, le Tribunal conclut que madame Larrivée était résidente de l'Ontario pour les périodes visées et que les avis de cotisation en litige doivent être annulés.

[54]            POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

[55]            ACCUEILLE l'appel;

[56]            DÉCLARE que madame Ghislaine Larrivée était résidente de l'Ontario à fins fiscales pour les années d'imposition 2004, 2005 et 2006;

[57]            ANNULE à toutes fins que de droit les avis de cotisation portant les numéros ML747261CO1 (année 2004), ML393921CO1 (année 2005) et ML928630CO1 (année 2006);

[58]            ORDONNE au Sous-ministre du Revenu du Québec de rembourser à la demanderesse/APPELANTE, le cas échéant tous les montants payés par cette dernière en exécution de ces cotisations;

[59]            LE TOUT, avec dépens.

 

 

__________________________________

RICHARD LANDRY, J.C.Q.

 

Me Claude St-Laurent

Procureur de la partie demanderesse/APPELANTE

 

 

Me Brigitte Landry

Veillette, Larivière

Procureure de la partie défenderesse/INTIMÉE

 

Date d’audience :

16 septembre 2009

 



[1]     L.R.Q. c. I-3.

[2]     L.R.Q. c. I-3.

[3]     SMRQ c. Touchette J.E. 2001-16 (C.A.) ou DFQE 2001 F-6, en première instance DFQE 96F-SI (C.Q.); The Queen c. Reeder .[1975] 29 DTC 5160; Côté c. SMRQ DFQE 2008 F-71 (C.Q.); Bulletin d'interprétation du Québec IMP 22-3/R1 du 31 juillet 1990.

[4]     1979 R.D.F.Q. 37 (C.A.).

[5]     Déjà citée note 3.

[6]     Côté c. SMRQ, déjà citée, note 3.

[7]     DFQE 2008-F-1 (C.Q.).

[8]     EYB 2008-135501.

[9]     DFQE 2005-F-32; 2005 R.D.F.Q. 132 (C.Q).

[10]    [2008] QCCQ 10905

[11]    94 DTC1381

[12]    Thomson c. MNR [1946] RCS 209; à la page 213; Hauser c. Sa Majesté la Reine [2006] CAF 216; Barton c. Sa Majesté la Reine [2007] CC 1222.

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