Paquette et Québec (Ministère de la Santé et des Services sociaux) |
2014 QCCFP 25 |
|||
COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE |
||||
|
||||
CANADA |
||||
PROVINCE DE QUÉBEC |
||||
|
||||
DOSSIERS No: |
||||
|
||||
DATE : |
15 décembre 2014 |
|||
_________________________________________________________________ |
||||
|
||||
DEVANT LE COMMISSAIRE : |
Me Robert Hardy |
|||
_________________________________________________________________ |
||||
|
||||
|
||||
éLISE PAQUETTE
|
||||
Appelante
|
||||
Et
|
||||
MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX
|
||||
Intimé |
||||
|
||||
________________________________________________________________ |
||||
|
||||
DÉCISION CORRIGÉE |
||||
(Article |
||||
_________________________________________________________________ |
||||
|
||||
CONSIDÉRANT que cette erreur ne change en rien la substance de la décision rendue;
CONSIDÉRANT qu'un tribunal administratif peut corriger une erreur consécutive à un lapsus ou une erreur manifeste de sa part[1].
POUR CES MOTIFS, la Commission corrige cette décision de la manière suivante :
· Substitue, à la dernière page de la décision, au nom indiqué comme procureure de l’appelante, soit Me Christine Beaulieu, celui de Me Pascale Racicot.
Original signé par :
|
||
|
_____________________________ Robert Hardy, avocat Commissaire |
|
|
||
|
||
Me Pascale Racicot Procureure pour l’appelante |
||
|
||
|
||
Me Annick Dupré Me Jean-François Dolbec |
||
Procureurs pour l’intimé |
||
|
||
|
||
|
|
|
Paquette et Québec (Ministère de la Santé et des Services sociaux) |
2014 QCCFP 25 |
|||
COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE |
||||
|
||||
CANADA |
||||
PROVINCE DE QUÉBEC |
||||
|
||||
DOSSIER No : |
1301223 |
|||
|
||||
DATE : |
10 décembre 2014 |
|||
___________________________________________________________ |
||||
|
||||
DEVANT LE COMMISSAIRE : |
Me Robert Hardy |
|||
___________________________________________________________ |
||||
|
||||
|
||||
ÉLISE PAQUETTE
|
||||
Appelante
|
||||
Et
|
||||
MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX
|
||||
Intimé |
||||
|
||||
___________________________________________________________ |
||||
|
||||
DÉCISION |
||||
(Article |
||||
___________________________________________________________ |
||||
|
||||
[1] Dans son appel du 17 octobre 2013, Mme Élise Paquette se plaint notamment d’avoir été l’objet d’une mesure disciplinaire déguisée au moment d’une rencontre tenue un peu moins d’un mois auparavant. À cette occasion, lui a été communiquée verbalement la décision du ministère de la Santé et des Services sociaux (ci-après le « MSSS »), de l’évincer de ses fonctions de directrice, un poste de cadre, classe 3, à la Direction du développement stratégique et des innovations Aînés (ci-après la « DDSIA »), du Secrétariat aux aînés (ci-après le « SA »).[2] Voici l’essentiel de son appel.
Lors d’une rencontre tenue le 23 septembre 2013, dont l’objet devait être la mise en œuvre des recommandations du diagnostic organisationnel, la sous-ministre adjointe, Mme Catherine Ferembach, m’informe de sa décision de m’évincer de mes fonctions de directrice et elle m’indique également que je n’occuperai plus aucun poste au Secrétariat aux aînés. Cette décision de la sous-ministre adjointe m’a été communiquée verbalement.
Lors de cette même rencontre, elle m’a demandé de lui remettre sur le champ mon blackberry ainsi que ma carte d’accès à l’édifice, et de ne prendre aucun dossier qui concerne le Secrétariat aux aînés. J’ai dû être escortée par son adjoint exécutif pour me rendre à mon bureau afin de récupérer mes effets personnels et également, jusqu’à ma sortie de l’édifice.
Dans les circonstances de la présente affaire, je considère cette décision abusive et qu’elle constitue une mesure disciplinaire déguisée voir même un congédiement déguisé. De plus, cette décision et la façon dont j’ai été traitée par Madame Ferembach portent une atteinte à ma réputation, à mon statut et à mon prestige vis-à-vis mes employés, mes collègues, mon organisation et les partenaires.
[2] Avant d’apprécier les gestes dénoncés par Mme Paquette, revoyons la trame des événements rapportée par celle-ci, pour compléter cet exposé par la perspective des principaux acteurs de la décision contestée.
[3] En septembre 2013, Mme Paquette occupait son poste depuis un peu plus de trois ans. À son arrivée en juin 2010, le SA faisait partie du ministère de la Famille et des Aînés et il est passé au MSSS en septembre 2012.
[4] Gestionnaire depuis 14 ans, Mme Paquette a occupé d’autres emplois de cadre, classe 3 : environ trois ans au Secrétariat du Conseil du trésor, un an au Centre de services partagés du Québec, et un an et demi également au ministère de la Justice, où elle avait été cadre, classe 4, pendant un peu plus de cinq ans. Au total, en ajoutant ses années à titre de professionnelle, Mme Paquette fait carrière depuis environ 25 ans dans la fonction publique.
[5] La direction dont elle était responsable au SA avait mission de développer des politiques et des stratégies d’orientations pour favoriser la contribution des aînés à la société. Cette direction comptait, au moment des événements, une quinzaine d’employés, dont six de niveau professionnel, répartis pour la plupart en deux équipes, l’une s’occupant du dossier de la maltraitance et l’autre du programme Municipalités amies des Aînés. Le bureau de direction de la DDSIA, ce qui sera appelé plus loin la garde rapprochée de Mme Paquette, était composé d’un adjoint, d’un technicien et d’un employé de secrétariat.
[6] Outre la direction dont Mme Paquette était responsable, le SA comportait également la Direction du développement des programmes et des partenariats Aînés, dirigée par une cadre, classe 4, et comptant environ une dizaine de personnes. Cette direction était responsable des programmes de financement et des relations avec les partenaires externes. Enfin, depuis l’arrivée de Mme Paquette au SA, Mme Catherine Ferembach, sous-ministre adjointe, était sa supérieure immédiate. Elles se rencontraient lors de réunions statutaires et lors de celles du comité de gestion avec l’autre directrice et les adjoints.
Origine du diagnostic organisationnel
[7] Le 9 mai 2013, à la fin d’une rencontre statutaire, vers 16 h 30, sa supérieure lui a annoncé qu’elle lui présenterait le lendemain un consultant : « C’est ma décision de gestion, de dire Mme Ferembach, selon Mme Paquette. Il y a des gens qui sont partis de ton équipe et j’ai décidé de faire faire un diagnostic ».
[8] Mme Paquette dit avoir reçu cette annonce comme un choc et ne pas avoir compris la décision. Toujours dérangée par cette notification, alors qu’elle retourne à la maison en automobile, elle reçoit un appel de sa supérieure qui lui dit qu’elle aimerait qu’elle aille dîner le lendemain avec le consultant.
[9] Encore sous la commotion, elle lui a dit qu’elle ne voyait pas pourquoi elle irait dîner avec une personne qu’elle ne connaissait pas. Mme Ferembach lui aurait alors répondu qu’elle savait exactement ce qu’elle pouvait ressentir pour l’avoir déjà vécu dans un emploi antérieur. Mme Paquette lui a répliqué que ce qu’elle venait de dire ne l’aidait pas beaucoup et elle est rentrée à la maison, tourmentée et appréhendant la prochaine journée.
[10] Le lendemain, 10 mai, après quelques minutes de rencontre à trois, le consultant, monsieur Jean-Luc Boudreau, est demeuré avec Mme Paquette et lui a exposé sa méthode de travail. Elle dit qu’il a répondu à ses interrogations, mais surtout qu’il lui en a posé une : « C’est quoi votre plus grande crainte? », à quoi elle lui a répondu : « J’ai peur qu’on utilise ce diagnostic pour me tasser ». Outré d’après elle de sa réponse, M. Boudreau aurait protesté en disant qu’il était un consultant professionnel et qu’il n’aurait jamais pris un mandat comme ça.
[11] M. Boudreau lui a fait parvenir à son adresse courriel personnelle, le 13 mai, la présentation qu’il s’attendait de livrer aux employés de son équipe pour leur annoncer son intervention.
[12] À la lecture du projet de diaporama Power Point (E-2), elle a été heurtée par le passage indiquant qu’elle avait pris part à la décision de mener un diagnostic. Voici le passage dérangeant Mme Paquette, que nous soulignons :
Suite à des discussions entre la sous-ministre adjointe et la directrice de la DDSIA, il a été convenu de retenir les services d’une firme externe afin d’établir un diagnostic de la situation actuelle à la DDSIA. L’objectif poursuivi est que les gestionnaires et les employés impliqués puissent se donner ensemble un portrait clair de la situation et des pistes de travail à explorer rapidement par la suite, avec la participation active des employés de la DDSIA et de leur gestionnaire.
[…]
[13] Le même soir qu’elle a pris connaissance du document, Mme Paquette a téléphoné à M. Boudreau pour lui mentionner qu’elle était d’accord avec les étapes de sa démarche, mais qu’elle était mal à l’aise qu’il soit mentionné que c’était à la suite des discussions entre Mme Ferembach et elle que l’embauche d’un consultant avait été décidée. « On pouvait dire qu’un consultant avait été embauché, mais pas que c’était moi qui avait demandé cela », explique-t-elle.
[14] Quand M. Boudreau veut savoir pourquoi elle demande de biffer le passage qui la heurte, Mme Paquette répond que ce serait comme mentir à ses employés. Elle estime être une gestionnaire proche de son personnel et que puisque ses gens ignoraient tout, il leur aurait semblé qu’elle avait préparé des choses à leur insu. Elle ajoute :
Ce n’était pas mon style de gestion. Ce n’était pas crédible. Les employés auraient dit : « Comment ça tu nous en a jamais parlé? » Ça n’avait pas de sens.
La présentation du projet de diagnostic
[15] La présentation de la démarche du diagnostic étant prévue pour le 15 mai, lors d’une séance de préparation à cette rencontre, Mme Paquette a lu à Mme Ferembach et M. Boudreau le message qu’elle avait préparé à l’intention de ses employés et qu’ils ont trouvé correct, selon elle.
[16] Lors de la réunion, Mme Paquette dit s’être assise à l’un des bouts de la table comme à son habitude, les employés de sa direction prenant place un peu partout au fur et à mesure de leur arrivée à la rencontre.
[17] D’après elle, personne, mis à part Mme Ferembach, M. Boudreau et elle-même, ne savait qu’il y aurait un diagnostic. Mme Ferembach a ouvert la rencontre en exposant le contexte par une métaphore d’un bateau qui n’arrive pas nécessairement toujours à bon port et qu’elle avait pris la décision de réaliser un diagnostic de la situation.
[18] À son tour de parole, Mme Paquette a dit qu’elle avait été ébranlée par cette décision. Tout en rappelant que l’équipe, à travers ses mandats, avait déjà mené un exercice sur l’organisation du travail, elle a poursuivi en mentionnant qu’elle avait décidé d’embarquer dans la démarche parce qu’elle souhaitait que celle-ci permette à tout le monde d’être plus heureux au travail.
[19] Elle a précisé qu’elle avait rencontré M. Boudreau qui lui avait présenté sa démarche, qu’on pouvait avoir confiance qu’elle serait menée de façon confidentielle, enfin qu’elle serait là pour eux tout au long de son déroulement et qu’ils pouvaient compter sur elle.
[20] Mme Paquette raconte qu’elle était très émue au moment de s’exprimer et lorsqu’elle a voulu prendre un peu d’eau pour retrouver contenance, elle en a renversée avant de reprendre avec quelques mots pour détendre l’atmosphère.
[21] Après la présentation de M. Boudreau, un employé a demandé pourquoi tout le personnel du SA ne participait pas au diagnostic. À ceux suggérant qu’il y aurait également quelque chose à améliorer dans l’autre direction, M. Boudreau a répondu que ce n’était pas exclu.
[22] Après la rencontre d’une durée d’une heure à une heure et demie, Mme Ferembach, M. Boudreau et Mme Paquette se sont réunis pour un retour sur la réunion. Le non verbal de Mme Ferembach indiquait un malaise, selon Mme Paquette. À un certain moment, M. Boudreau lui a demandé si c’était correct d’avoir mentionné que le diagnostic pourrait porter sur l’ensemble du SA, la réponse de Mme Ferembach a été qu’il n’en était pas question.
[23] M. Boudreau s’est aussi interrogé pourquoi les employés avaient eu autant de questions, ce à quoi Mme Paquette dit avoir répondu qu’ils étaient comme cela et qu’elle n’était pas surprise. Comme une d’entre eux avait dit : « On t’aime Élise », M. Boudreau s’est demandé comment expliquer la réaction de « caring », de bienveillance, de cette employée. Mme Paquette dit avoir expliqué que c’était une personne de cœur mais qu’elle avait été toute aussi surprise qu’eux du témoignage ainsi rendu.
[24] Puis, selon Mme Paquette, Mme Ferembach et M. Boudreau lui ont dit qu’elle ne s’était pas bien comportée durant la rencontre, qu’elle avait été trop émotive et que c’est cela qui avait provoqué la réaction de « caring ». De son côté, Mme Ferembach lui aurait mentionné :
Si tu te positionnes en victime comme cela, ça va pas bien aller du tout.
[25] De se faire réprimander devant sa supérieure par le consultant a bouleversé Mme Paquette et elle se rappelle avoir dit qu’elle était désolée de ne pas avoir répondu à leurs attentes. Par ailleurs, comme sa fille venait, quelque temps avant, d’avoir une commotion cérébrale, elle a ajouté qu’elle était à bout et qu’elle devait quitter pour aller la voir.
[26] Dans les jours suivants, Mme Paquette est entrée en contact avec le directeur des ressources humaines du MSSS, M. Claude Tremblay. À la suite du blâme qu’elle avait reçu, elle souhaitait que quelqu’un de sa direction soit présent dans la démarche. M. Tremblay l’a rassurée, lui a dit qu’il connaissait le consultant, qu’on pouvait lui faire confiance, qu’à tout événement il serait là aux diverses étapes de réalisation du diagnostic et qu’une démarche semblable pouvait survenir pas seulement dans sa direction à elle.
Les entrevues
[27] Puis est arrivé le temps pour M. Boudreau de mener les entrevues. Dans son cas, Mme Paquette dit que la rencontre s’est déroulée correctement.
[28] Peu après, Mme Paquette a relayé, par courriel (E-5) à Mme Ferembach, des demandes de certains employés, dont celle que le diagnostic leur soit présenté directement, sans leur présence à toutes deux. Selon Mme Paquette, Mme Ferembach ne s’y objectait pas davantage qu’elle, mais M. Boudreau appréciait moins ce changement.
[29] Quelques jours après les premières rencontres, deux ou trois personnes sont venues mentionner à Mme Paquette que le consultant, lors de certaines entrevues, référait à ce que d’autres employés lui avaient dit.
[30] Au début de juillet, Mme Paquette a été convoquée à une rencontre avec M. Tremblay et M. Boudreau. Sur place, ce dernier lui a remis le document synthèse (E-13) des entrevues individuelles et un autre comportant les diapositives (E-14) qui devaient servir pour la présentation du diagnostic au personnel de la DDSIA, documents comportant respectivement 42 et 30 pages.
[31] On lui a dit qu’on ne pouvait pas lui en laisser une copie, mais qu’on voulait seulement qu’elle les lise immédiatement et qu’elle dise si elle était d’accord avec le contenu. Mme Paquette dit avoir trouvé inusité qu’elle ne puisse pas avoir copie des documents puisqu’il s’agissait de son personnel.
[32] Comme on insistait pour qu’elle donne son appréciation, elle dit s’être arrêtée plus attentivement aux parties qui concernaient ses comportements de gestion et ceux de Mme Ferembach, en passant plus rapidement sur l’énoncé de la mission et sur celui de la vision de l’organisation.
[33] Elle dit avoir réagi au commentaire qu’elle était une personne « maternante », se demandant ce que le terme voulait dire. Selon M. Boudreau, cela référait entre autres à son habitude d’organiser des pauses avec ses employés dénommées Coconut Café, ce que certains trouvaient infantilisant. Elle a retenu également qu’il était mentionné qu’il était difficile de travailler avec elle en situation de stress, ce avec quoi elle s’est dite d’accord.
[34] Mme Paquette dit s’être sentie soulagée car somme toute peu de choses lui étaient reprochées.
[35] Avant qu’elle ne quitte, M. Boudreau lui a demandé si elle était à l’aise avec ce qu’elle venait de lire, elle se rappelle avoir mentionné qu’elle n’avait pas à être d’accord ou pas avec ce que les employés avaient dit et qu’elle allait essayer de retenir les principaux messages pour essayer de s’améliorer, bien qu’elle ne partait pas avec une copie des documents.
[36] Comme elle était très occupée à la préparation d’un colloque international prévu pour septembre, les suites de la démarche de diagnostic ont été reportées jusqu’après cet événement.
Les recommandations du diagnostic
[37] Au colloque, qui s’est tenu à Québec, du 9 au 11 septembre, on a reçu quelque 700 participants provenant de 50 pays, auxquels se sont adressés environ 200 conférenciers. L’événement a été couronné de succès et Mme Paquette a reçu une lettre de félicitations (A-5) du ministre de la Santé et des Services sociaux, annotée à la main du commentaire : « Chère Élise, Bravo pour ce beau travail. Les sceptiques ont été confondus ».
[38] Le 18 septembre, Mme Paquette est convoquée à une rencontre en fin de journée, à laquelle participe, outre M. Boudreau, une conseillère de la Direction des ressources humaines (ci-après la « DRH ») du MSSS, Mme Sonia Normand. Le but de la rencontre était de partager avec Mme Paquette les recommandations du rapport de consultation. M. Boudreau lui remet là encore un document de plusieurs pages dont elle doit prendre connaissance sur le champ.
[39] En lisant la recommandation d’une restructuration du SA, Mme Paquette s’est exclamée en disant :
C’est exactement ce que je vous avais dit que je craignais, la première fois que je vous ai rencontré.
[40] M. Boudreau l’aurait invitée à continuer à lire et à dire ce qu’elle en pensait; sa réponse a été qu’elle n’avait rien à ajouter. Sauf qu’en elle-même, elle se disait que la restructuration mènerait à lui faire perdre des dossiers, car ce serait la quatrième réorganisation en trois ans et demi et qu’à chaque fois elle avait « perdu des plumes », des mandats. Autre perspective marquante que Mme Paquette avait retenue, la réorganisation viserait tout le SA et pas seulement sa direction, donc même le secteur qui n’avait pas été concerné par le diagnostic.
[41] Le lendemain, 19 septembre, c’était la rencontre pour présenter le rapport de M. Boudreau au personnel de la DDSIA. Selon Mme Paquette, la réunion a été houleuse. Elle était arrivée tôt, alors qu’il n’y avait que peu de personnes dans la salle. Elle s’est assise aux deux tiers d’une table toute en longueur, disposée avec un écran à une extrémité pour la présentation du diaporama.
[42] À leur arrivée, M. Boudreau s’est placé à la gauche de l’écran, Mme Ferembach près de lui, les deux du même côté que Mme Paquette qui se trouvait déjà un peu plus vers l’arrière.
[43] M. Boudreau a fait la présentation, puis à un certain moment, des participants ont réagi, parfois fortement. L’une se demandait comment se faisait-il que c’était la DDSIA qui « s’était tapé » le diagnostic, alors que tous les services allaient en profiter. Une autre mentionnait que ce qui était présenté n’avait rien à voir avec le diagnostic. Un autre souhaitait pouvoir relire celui-ci. Mme Paquette mentionne avoir posé trois ou quatre questions de précision, mais ce sont les employés qui sont principalement intervenus.
[44] La rencontre a pris fin à l’approche de l’heure du repas. Mme Paquette est allée trouver M. Boudreau et Mme Ferembach demeurés dans la salle, et Mme Normand est venue les rejoindre. Toutefois, selon Mme Paquette, les deux premiers ne souhaitaient visiblement pas lui parler.
La rencontre du 23 septembre
[45] La rencontre du lundi, 23 septembre, avait pour objet la mise en œuvre des recommandations. Y sont présents Mme Ferembach, M. Boudreau, Mme Normand et Mme Paquette. Incidemment, le hasard a voulu que cette dernière a reçu la lettre de félicitations du ministre ce jour-là.
[46] D’après Mme Paquette, Mme Ferembach a commencé par résumer des faits, comme ceux relatifs aux départs d’employés de son équipe, disant que cela la préoccupait. Puis elle a posé la question de la confiance :
Est-ce que tu peux me dire si tu me fais confiance?
[47] À quoi Mme Paquette dit avoir répondu :
Je ne sais pas. Je ne sais pas les suites. Qu’est-ce qui va arriver? J’attends de voir.
[48] C’est alors que Mme Ferembach lui aurait répliqué :
Moi, je ne te fais plus confiance. Trois personnes ont quitté ton équipe à cause de toi.
Des employés ont dit que je n’avais pas de vision, car tu as monté ta garde rapprochée contre moi.
À partir de maintenant, tu ne travailles plus au SA.
Tu seras accompagnée par mon adjoint, M. [X], ce soir même. Tu devras vider ton bureau sur le champ, lui remettre ton BlackBerry, ta carte d’accès à l’immeuble et tu ne pourras prendre aucun document qui concerne le SA.
Tu vas être escortée à la sortie de l’édifice par M. [X].
[49] À un certain moment, M. Boudreau intervient pour lui signaler que son comportement avait été inapproprié dès la fois où elle n’avait pas voulu mettre son nom sur le document annonçant le diagnostic à son personnel.
[50] Mme Paquette raconte qu’entendre tout cela l’a mise dans tous ses états. Elle se rappelle avoir dit à Mme Ferembach qu’elle n’en pouvait plus et qu’elle lui demandait de sortir de la salle, avec M. Boudreau.
[51] Avant de quitter, Mme Ferembach lui aurait précisé qu’elle pourrait monter [à l’étage des bureaux du SA] quand les employés auraient quitté, mais qu’elle ne pouvait pas aller leur dire au revoir.
[52] Demeurée seule avec Mme Normand, Mme Paquette, qui avait mal au cœur, s’est dite consternée et inquiète de la suite des événements. Elle se rappelle avoir demandé à Mme Normand si on allait lui remettre une lettre, si elle était relevée de ses fonctions, s’il y avait des accusations portées contre elle. Et la réponse était toujours qu’il n’y en avait pas.
[53] Lorsqu’elle lui demande si elle savait, avant la réunion, ce qui était pour arriver, Mme Normand lui aurait répondu qu’elle connaissait l’objet de la rencontre, soit la mise en œuvre des recommandations, mais qu’elle était aussi informée que ce n’était pas de cela qu’on parlerait. Elle savait qu’il y aurait une discussion, mais elle n’était pas au courant du reste.
[54] Au moment de retourner à son bureau, Mme Normand l’accompagnait. Lorsqu’elle est arrivée, M. X l’attendait. Elle demande s’il y a un chariot pour mettre ses objets personnels, des cadres, des livres, etc., ce qui n’est pas le cas. Pendant qu’elle est en train d’emplir une boîte déjà dans son bureau, Mme Normand lui a dit qu’elle allait appeler quelqu’un.
[55] Finalement, elle, toujours en pleurs, a mis ce qu’elle avait ramassé sur une chaise à roulettes et elle est partie, accompagnée de M. X et de Mme Normand.
[56] En prenant l’ascenseur, elle a croisé des gens avec qui elle avait travaillé pendant les trois ans et demi qu’elle a passé au SA. « C’était un cauchemar, dit-elle. C’était comme dans un film. » À un autre endroit, le groupe a dû emprunter un escalier roulant : en descendant, des choses tombaient de la chaise. Arrivés à une guérite, la chaise ne pouvait pas passer. C’est son conjoint, venant d’arriver, qui a recueilli ce qu’elle lui remettait par-dessus le tourniquet. Puis elle et M. X ont traversé la barrière et ce dernier lui a demandé son BlackBerry et sa carte d’accès qu’elle lui a remis.
[57] Par après, lorsqu’elle a téléphoné à son ancien poste de travail, c’était la voix de la secrétaire de Mme Ferembach qui répondait. Elle a pris conscience qu’elle ne faisait plus partie du SA. Elle était disparue de l’organigramme, elle n’avait plus accès à ses messages électroniques soutient-elle.
J’avais [auparavant] accès à distance à mes courriels. Tout était débranché.
L’attribution de la nouvelle affectation
[58] Deux jours après son départ, le mercredi 25 septembre, Mme Normand l’a appelée. Mme Paquette lui a dit qu’elle n’arrêtait pas de pleurer et qu’elle se demandait toujours s’il pouvait y avoir dans le rapport quelque chose d’épouvantable dont elle n’avait pas pris conscience au moment de le lire.
[59] Elle reconnaît avoir enguirlandé Mme Normand en lui disant qu’elle voulait obtenir un document du MSSS lui précisant quel était son statut, son nouveau supérieur. Qu’elle ne voulait plus dépendre de Mme Ferembach qui lui faisait peur. Elle se rappelle lui avoir même dit :
Toi, si tu ne peux pas m’aider, pourquoi tu m’appelles? Je veux parler à une personne en autorité au ministère. Cela fait deux nuits que je ne dors pas. Je ne suis plus du monde. Ça ne va pas bien.
[60] Elle croit que Mme Normand l’a rappelée une autre fois pour prendre encore de ses nouvelles.
[61] Ses journées n’étaient pas plaisantes. À chaque jour, elle s’habillait comme si elle allait travailler. Le matin où venait habituellement la personne qui faisait du ménage, elle partait. Elle était incapable de dire pourquoi elle devait demeurer à la maison. Elle n’a pas dit à sa fille ce qui lui était arrivé, elle en avait trop honte et elle avait perdu confiance en elle-même.
[62] À travers son tourment, elle dit s’être occupée d’abord de retrouver le sommeil et elle a rencontré son médecin. Elle pensait encore au SA, aux employés qui le lendemain de son départ avaient dû trouver son bureau vide et se demander ce qu’elle avait bien pu faire pour ne plus être là.
[63] Elle a ensuite consulté l’Alliance des cadres, mais elle n’était pas portée à déposer une plainte contre le MSSS, car elle n’avait rien contre le ministère comme tel.
[64] Elle a décidé plutôt d’appeler d’abord la sous-ministre en titre. Comme elle avait laissé un message, on l’a rappelée dans les jours qui ont suivi pour la convoquer à une rencontre. Elle a eu une longue discussion avec la sous-ministre qui s’est étonnée de la façon dont les choses s’étaient passées, qui lui a mentionné qu’elle avait une bonne réputation de gestionnaire. Mme Paquette souligne que la sous-ministre a été « aidante ». Cette dernière lui a demandé ce qu’elle voudrait faire et après avoir appris qu’elle souhaitait demeurer au dossier des aînés, la sous-ministre lui a dit :
Si j’ai un conseil à te donner, c’est de revenir travailler le plus rapidement possible. Pas de rester à la maison; ce n’est pas bon pour personne.
[65] Elle lui a dit également qu’elle allait passer le mot à ses sous-ministres adjoints pour trouver quelque chose dans leur équipe.
[66] Quelques jours plus tard, elle a eu l’occasion de rencontrer un premier sous-ministre adjoint, puis un sous-ministre associé qui lui a proposé un poste de coordonnatrice de la certification des résidences pour aînés. Ce poste ne comportait la supervision que de deux professionnels et des contractuels. Mais ayant en tête ce que la sous-ministre en titre lui avait dit, elle a accepté l’emploi, en indiquant toutefois à son nouveau supérieur qu’elle allait tout de même se plaindre, qu’elle ne pouvait pas « subir une telle atteinte à sa réputation sans faire valoir ses droits ».
[67] Elle a recommencé à travailler le 21 octobre 2013, soit un mois après avoir dû quitter le SA. Au moment de témoigner, elle a toujours le même emploi.
[68] Au début, cela a été difficile. Le travail est en rapport avec l’application d’un règlement et comporte plusieurs aspects techniques et d’ordre opérationnel. Mais elle a été très bien accueillie, ce qui l’a amenée à donner tout son potentiel.
[69] Par ailleurs, relativement à son départ du SA, elle n’a jamais reçu de document lui exposant les motifs de sa mise à l’écart de son poste précédent, ni obtenu copie de la version finale du rapport du consultant. Elle a tenté de l’obtenir par une demande d’accès au document, mais l’accès lui a été refusé.
[70] En contre-interrogatoire, Mme Paquette va reconnaître qu’un nombre de huit départs, par rapport à une liste (E-1) originelle de 13 employés ayant quitté sa direction entre mars 2012 et septembre 2013, pouvait être un phénomène préoccupant. Interrogée sur les motifs ayant amené huit personnes à quitter son équipe alors qu’elle dirigeait la DDSIA, Mme Paquette invoque qu’une personne a obtenu une promotion, une seconde est devenue l’adjointe d’un sous-ministre adjoint, une autre, étant occasionnelle, s’est trouvé un emploi régulier, une quatrième, arrivée d’un cégep un peu malgré elle, a décidé de repartir parce qu’elle trouvait les règles administratives un peu lourdes, deux sont parties parce qu’elles n’avaient pas apprécié la nomination d’une chef d’équipe et deux ont choisi de changer d’équipe, tout en demeurant au SA.
[71] En rapport avec la réunion du 15 mai 2013, à l’occasion de laquelle le projet de diagnostic avait été présenté au personnel de la DDSIA et que Mme Paquette avait eu quelques larmes au moment de faire la lecture des notes qu’elle avait préparées, il lui est présenté, à l’audience, un extrait du Référentiel de compétences du gestionnaire-leader de la fonction publique québécoise (E-4).[3] Dans l’exposé de la pyramide des compétences clés d’un gestionnaire, il est fait mention de la gestion de soi et de l’adaptabilité, définie comme étant :
Disposition d’une personne à se connaître et à se faire confiance, à maîtriser ses émotions et à faire preuve d’adaptabilité.
[72] Mme Paquette dit qu’elle est une personne sensible et elle reconnaît qu’elle a été émue en lisant son message à ses employés, mais soutient qu’elle n’était pas en déséquilibre à ce moment-là dans son rôle de gestionnaire.
[73] Au sujet de la lettre de félicitations reçue du ministre après la tenue du colloque de septembre 2013, Mme Paquette savait que c’était Mme Ferembach qui avait invité le ministre à en envoyer une à un certain nombre de personnes, mais, selon elle, c’était prévu dans le cadre de l’organisation de l’événement.
[74] Elle dit se rappeler que la confiance était un des enjeux importants relevés dans le rapport de M. Boudreau.
[75] Par ailleurs, le 16 octobre 2013, un courriel (E-6) du sous-ministre associé responsable de la Direction générale des services sociaux du MSSS, adressé à plus d’une centaine de personnes, leur annonçait la nomination de Mme Paquette à un nouveau poste. Son acte de nomination (E-7) indique qu’elle est affectée au poste de Directrice - Unité de la certification résidences aux aînés, un emploi de cadre, classe 3, comme celui qu’elle venait de quitter.
[76] Enfin, Mme Paquette affirme qu’avant le printemps 2013, on ne lui avait jamais fait de reproches quant aux départs survenus dans sa direction.
La perspective de la DRH du MSSS
[77] Première à témoigner pour le MSSS, Mme Normand est adjointe administrative au ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale. Immédiatement auparavant, elle a été conseillère en ressources humaines au MSSS pendant quatre ans et le SA était un de ses clients.
[78] Avant la rencontre du 18 septembre, elle n’avait pas été impliquée dans la démarche du diagnostic. M. Tremblay lui a alors demandé d’assister à cette réunion, en préparation de celle du personnel prévue pour le lendemain, pour être présente au moment où les recommandations de M. Boudreau seraient exposées à Mme Paquette. Elle n’avait jamais rencontré M. Boudreau auparavant, ni encore pris connaissance des recommandations de son rapport et pas davantage joué un rôle conseil par rapport à la démarche. Elle ne sait pas non plus si quelqu’un d’autre de l’équipe de développement de première ligne avait été mis à contribution à cet égard.
[79] Elle se rappelle que lors de cette rencontre, Mme Paquette a demandé pourquoi le document ne lui était pas remis, mais à son souvenir, la réunion s’est déroulée rondement et « rien en particulier n’a accroché ».
[80] Requise également d’assister le lendemain à la rencontre d’équipe, Mme Normand n’avait cependant pas contribué à sa préparation et elle ne savait pas comment cela allait se dérouler. « Ce n’est pas avec moi, que cela a été décidé », dit-elle. Elle ne devait qu’y représenter la DRH, sans avoir encore là à intervenir. Elle est arrivée une des premières. Elle avait croisé Mme Ferembach dans le corridor avant d’entrer dans la salle où M. Boudreau était déjà arrivé, mais elle ne se rappelle pas si c’était le cas pour Mme Paquette.
[81] Elle confirme la disposition de la salle et celle des participants décrites précédemment. Les autres employés se sont joints graduellement à eux et la présentation de M. Boudreau s’est déroulée normalement.
[82] Plusieurs personnes sont intervenues. Certaines questions ont porté sur le document qui n’était pas remis au personnel et sur les raisons pour lesquelles les gens de l’équipe désiraient l’avoir. Mme Normand mentionne que le ton de Mme Paquette était approprié, pas agressif ni irrespectueux. C’est M. Boudreau qui a répondu en expliquant qu’il ne souhaitait pas que son rapport circule et indiquant qu’il laisserait par contre chacune des recommandations assez longtemps à l’écran pour permettre à qui le souhaitait d’en prendre note.
[83] Au sujet d’autres interventions du personnel, Mme Normand en a retenu une en particulier dont le ton lui est apparu irrespectueux à l’égard de Mme Ferembach. Il s’agissait d’une adjointe de Mme Paquette qui s’en prenait à la longueur du processus de diagnostic avec des remarques du type : « Quand est-ce que ça va finir. Ça n’a plus de fin ». Ce à quoi Mme Ferembach avait répondu qu’il avait fallu prendre une pause en raison de la période des vacances, mais qu’en gros l’échéancier avait été respecté. Mme Paquette n’est pas intervenue dans cet échange et a laissé son adjointe interpeller Mme Ferembach. D’ailleurs, à son souvenir, Mme Paquette n’aurait pas tellement pris la parole cette fois-là.
[84] Lorsque la rencontre s’est terminée, alors que Mme Ferembach, M. Boudreau et Mme Paquette étaient à discuter, Mme Normand a quitté, comprenant qu’ils voulaient faire un retour entre eux sur la réunion. Cette journée-là, elle dit n’avoir pas pris beaucoup de notes.
[85] En prévision de la rencontre du 23 septembre, M. Tremblay a encore demandé à Mme Normand d’y représenter la DRH. Mais il n’est pas entré dans les détails de ce qui allait s’y dérouler. Elle savait que l’enjeu de confiance allait probablement y être soulevé, mais elle ne pouvait pas présumer, par exemple, qu’on allait demander à Mme Paquette « de faire ses boîtes ».
[86] Ce jour-là, avant de rencontrer Mme Paquette, s’est tenue une autre réunion à laquelle ont participé Mme Ferembach, M. Tremblay, elle-même ainsi qu’un adjoint du sous-ministre adjoint responsable du personnel ministériel. L’objectif de la réunion était d’informer cet adjoint de la démarche et du fait que « ça n’allait pas bien ». Elle ne croit pas cependant qu’on l’ait informé de ce qui pourrait se passer en fin de journée relativement au départ précipité de Mme Paquette.
[87] De cette rencontre du 23 septembre avec Mme Paquette, Mme Normand en a un bon souvenir pour avoir pris des notes en points de forme. Là encore, son rôle n’était pas d’intervenir, mais seulement d’assister à la réunion qui a débuté vers 16 heures et a duré environ 45 minutes.
[88] Le lendemain ou le surlendemain, elle a mis ses notes au propre (E-8) pour les inclure dans un document (E-10), préparé à la demande et avec M. Tremblay, traitant de l’ensemble du dossier de Mme Paquette et destiné à l’adjoint du sous-ministre adjoint responsable du personnel. Cette rencontre ayant été le point culminant du litige, la Commission reprend l’intégral de la version dactylographiée d’une page et demi de ces notes.
III Bilan de la rencontre du 23 septembre 2013
Lieu : Édifice H
Personnes présentes : Élise Paquette, Catherine Ferembach, Sonia Normand, Jean-Luc Boudreau (consultant)
Bilan de la rencontre :
· La rencontre a débuté à 16h en présence des personnes mentionnées plus haut;
· Mme Ferembach a débuté la rencontre en tentant de faire un bref historique de ce qui a mené à la situation actuelle;
· Mme Ferembach est revenue sur les 5 départs qui ont eu lieu dans la direction de Mme Paquette et les raisons qui ont mené à ces départs;
· Mme Paquette a questionné les raisons invoquées et mentionné qu’elle aurait aimé avoir ces informations avant;
· Sur un ton très calme, Mme Ferembach a mentionné à Mme Paquette qu’elle aimerait avoir une conversation franche et ouverte à ce moment-ci;
· Mme Ferembach a demandé à Mme Paquette si elle lui faisait confiance. Mme Paquette lui a répondu qu’elle attendait de voir ce qu’elle (Mme Ferembach) allait faire avant de lui dire si elle lui faisait confiance. Elle (Mme Paquette) a ajouté qu’en attendant, elle ne lui faisait pas confiance.
· Mme Ferembach lui a dit qu’elle ne lui faisait pas confiance non plus. Qu’elle arrivait donc au constat qu’il n’y avait pas de confiance entre les deux, que la confiance mutuelle n’était pas là actuellement et que le bris de confiance était un motif de relocalisation pour Mme Paquette.
· À ce moment, Mme Paquette a tenté de prendre M. Boudreau à témoin en disant que dès le début de la démarche avec le consultant, elle avait mentionné que l’intention était de la tasser de son poste au Secrétariat. M. Boudreau lui a expliqué alors que l’intention n’était pas du tout de la tasser, mais de recadrer la situation et de l’aider à repositionner son leadership comme gestionnaire.
· Ensuite, M. Boudreau lui a de nouveau mentionné qu’il ne pouvait pas se substituer aux décisions de Mme Ferembach. Que les décisions prises appartenaient au MSSS.
· M. Boudreau a également rappelé à Mme Paquette que dès le départ, elle a choisi de se dissocier elle-même de la démarche en demandant d’enlever un libellé qui l’incluait dans la décision de faire un diagnostic;
· Mme Ferembach a de nouveau mentionné que c’était le bris de confiance qui avait amené la situation jusque-là. Elle a ensuite mentionné à Mme Paquette que son passage au Secrétariat se terminait à ce moment-là. Qu’elle souhaitait qu’elle demeure chez elle avec salaire à partir de maintenant et que la DRH allait l’accompagner dans sa recherche d’emploi afin de lui en trouver un le plus rapidement possible. Elle lui a ensuite demandé de vider son bureau le soir même, de laisser sa carte d’accès et son BlackBerry dans son bureau.
· Mme Normand a ensuite remis sa carte d’affaires à Mme Paquette en lui disant qu’elle pouvait la contacter à tout moment et qu’elle allait l’aider à se relocaliser le plus rapidement possible.
· À 16h45 Mme Paquette a mentionné qu’elle n’avait plus rien à dire et que ce qui l’intéressait était ce qui allait arriver le lendemain. Ensuite, elle a demandé à Mme Ferembach et M. Boudreau de sortir et a ajouté qu’elle souhaitait rester dans la salle avec Sonia Normand.
[89] Commentant ses notes à l’audience, Mme Normand va mentionner qu’elle ne se rappelle pas s’il a été précisé lors de la rencontre depuis quand le bris de confiance avait été constaté. Au sujet des décisions prises par Mme Ferembach auxquelles M. Boudreau avait dit qu’il ne pouvait pas se substituer, Mme Normand dit, qu’à son souvenir, il ne les a pas précisées. Elle ajoute que selon elle, « c’était probablement les décisions finales mentionnées » dans ses notes. Mais elle ajoute aussi qu’elle n’était pas « dans les réflexions de Mme Ferembach » et qu’elle ne pouvait pas le savoir.
[90] Mme Normand raconte qu’une fois seule avec Mme Paquette, elle lui a dit qu’elle allait essayer de la supporter le plus possible. Mme Paquette était en état de choc, fâchée, en pleurs. Elle a mentionné qu’elle connaissait ses droits, que cela n’en resterait pas là et qu’elle allait porter plainte à la Commission. Mme Normand dit qu’à ce moment-là, elle y a perçu comme un désir de vengeance.
[91] Elle est restée en tête-à-tête avec Mme Paquette environ 30 minutes. Celle-ci a exprimé l’idée, de différentes manières, qu’elle devait être sous enquête, qu’elle pourrait être démise de ses fonctions ou congédiée. Mme Normand dit avoir tenté encore de la rassurer, que ce n’était pas le cas, qu’elle allait garder son salaire.
[92] Lorsqu’elles sont remontées dans les locaux du SA, vers 17h30 croit-elle, Mme Normand avait déjà appelé son conjoint et l’objectif était qu’il les aide à vider le bureau des effets personnels de Mme Paquette. Mais, étant donné qu’on était après les heures régulières, il n’a pu les y rejoindre.
[93] Mme Normand précise qu’elle ne s’était jamais rendu dans ces locaux, n’en connaissait pas l’environnement et ne savait pas où trouver des boîtes et un diable pour les transporter. Elle s’est dit qu’elles seraient mieux de revenir un autre soir. Mais lorsqu’elle a discuté en ce sens, par téléphone, avec Mme Ferembach, celle-ci lui a dit qu’elle souhaitait que cela se déroule ce soir-là et elle a offert plutôt de lui envoyer l’aide d’un de ses adjoints qui était encore au bureau. C’est lui qui a trouvé des boîtes, a aidé à les remplir et à les descendre à l’accueil où attendait le conjoint de Mme Paquette.
[94] Il y a eu ainsi au moins deux aller-retours entre le bureau et la sortie et Mme Normand ne se rappelle pas avoir croisé plusieurs personnes au cours de leurs déplacements : « Peut-être une. Il était quand-même tard ». Elle suggère environ 19 heures.
[95] Par la suite, à la demande de M. Tremblay de garder contact avec Mme Paquette, elle l’a appelée à son domicile, à deux occasions. M. Tremblay lui avait demandé d’être en support et lui avait dit à plusieurs reprises de s’assurer que cela allait, alors qu’entre temps les ressources humaines allaient tenter de lui trouver un autre poste au MSSS.
[96] Mme Normand a rejoint Mme Paquette le 25 et le 30 septembre et elle a pris des notes (E-9) de leurs échanges téléphoniques. On peut y lire que Mme Paquette s’inquiète toujours, qu’elle attend encore une lettre par laquelle elle craint qu’on lui annonce qu’elle va être congédiée et qu’elle veut qu’une personne en autorité l’appelle pour lui expliquer pourquoi Mme Ferembach lui avait fait cela. Le 25 septembre, Mme Paquette mentionne qu’elle a reçu six courriels, à son adresse personnelle, de membres de son ancienne équipe qui lui avaient confié que Mme Ferembach avait dit qu’ils avaient un mois pour adhérer, sinon qu’ils pouvaient « se trouver un job ailleurs ». Dans les notes du 30 septembre, il est indiqué que Mme Normand a mentionné à Mme Paquette qu’un sous-ministre adjoint pourrait avoir quelque chose à lui suggérer et elle lui a offert de lui faire savoir qu’elles avaient échangé sur le sujet. Mme Paquette a répondu qu’elle le contacterait elle-même.
[97] Mme Normand affirme que toutes les démarches pour tenter de trouver un nouvel emploi à Mme Paquette ont été entreprises après le 23 septembre. Rien à cet égard n’avait été planifié auparavant. C’est M. Tremblay qui lui a mentionné qu’un sous-ministre adjoint pourrait avoir quelque chose pour elle. Par ailleurs, il n’a pas fait partie de leurs discussions de communiquer par écrit avec Mme Paquette. À sa connaissance, il n’y a pas eu davantage de note transmise aux employés pour leur annoncer son départ.
[98] À l’interrogation de la procureure de Mme Paquette s’il était d’usage de demander à un cadre, qui est réaffecté à un autre poste dans le même ministère, de remettre son BlackBerry et sa carte d’accès, Mme Normand répond que c’était la première fois qu’une telle situation se présentait à elle et qu’elle ne pouvait pas en conséquence témoigner sur ce sujet.
[99] Mme Normand conclut qu’après ses deux appels à Mme Paquette, elle n’a pas eu à faire d’autre suivi. C’est le bureau du sous-ministre adjoint responsable du personnel qui a pris le dossier en main.
La perspective du consultant
[100] Après avoir obtenu un diplôme de l’École des hautes études commerciales de Montréal en 1974, M. Boudreau a été d’abord gestionnaire, pour agir ensuite comme consultant à partir de 2001, d’abord pour le Groupe conseil CFC et maintenant à son compte depuis 2011, opérant sous le vocable Stratégies Conseils JLB Inc.
[101] C’est par l’entremise de M. Tremblay qu’il est entré en contact avec Mme Ferembach le 7 mai 2013. À leur première rencontre, elle lui a expliqué qu’il était survenu plusieurs départs à la DDSIA, occasionnant une perte d’expertise importante. Elle lui a dit également qu’une démarche entreprise par l’ensemble des employés pour résoudre des difficultés avec la directrice n’avait pas abouti.
[102] Le 10 mai, M. Boudreau a rencontré Mme Paquette, seule, pour lui expliquer plus en détail son approche, dite de «Survey Feedback ». Selon cette méthode, on pose un diagnostic et par la suite tous les participants sont rencontrés pour qu’ils puissent le valider et le partager avant qu’on lui donne suite avec des recommandations.
[103] Mme Paquette lui a alors mentionné être à l’aise avec la méthodologie, mais que son inconfort résidait dans le fait qu’elle n’avait pas été consultée sur le fait qu’il y aurait un diagnostic et sur celui qu’il n’y en aurait un uniquement dans sa direction. Elle lui aurait même parlé d’allégations, alors qu’il n’y en avait pas.
[104] M. Boudreau considère que c’était une opportunité pour Mme Paquette, voire une obligation, de s’associer à cette démarche parce qu’elle était faite pour l’aider à reprendre sa direction en main : « Elle avait tout le loisir de s’associer à la décision et de se positionner en leadership dans la démarche ».
[105] M. Boudreau lui a fait parvenir le « Power Point » qu’il avait préparé pour la présentation du projet de diagnostic aux employés. De sa rencontre avec Mme Paquette, il avait perçu qu’elle était partie prenante à la démarche, malgré ses réserves quant à ses éléments fondateurs. C’est pourquoi il avait écrit, dans les débuts de son diaporama, la phrase : « Suite à des discussions entre la sous-ministre adjointe et la directrice de la DDSIA, il a été convenu …».
[106] En début de soirée du 13 mai, Mme Paquette lui a téléphoné pour lui demander d’enlever ce passage et de le remplacer par quelque chose où elle n’apparaissait pas comme partie prenante à la démarche. Ce qu’il a fait, mais de façon prudente, précise-t-il, « en laissant la porte ouverte », en prenant soin qu’il n’y ait « aucune connotation dans le document qui puisse faire croire qu’elle se dissociait de la décision, même si elle l’avait fait expressément. J’ai juste neutralisé le texte pour qu’elle puisse se remettre en leadership à son souhait ».
[107] M. Boudreau dépose un compte-rendu (E-12) de sa conversation téléphonique avec Mme Paquette, qu’il a réalisé le lendemain de son appel et qu’il a fait parvenir à Mme Ferembach. Il y est mentionné que Mme Paquette lui a fait part qu’il y avait un « bris de confiance » avec sa gestionnaire avec qui elle croyait pourtant s’être rapprochée au cours de la dernière année. Elle a parlé encore d’allégations contre elle, alors qu’il lui dit que ce n’était pas le cas. Elle ne nie pas qu’il y ait des problèmes dans sa direction, mais elle prétend que cela touche l’ensemble du SA. Il est écrit qu’elle a motivé sa demande ainsi :
· Elle se dissocie de la décision par souci d’authenticité mais me dit qu’elle va participer à l’exercice et qu’elle y croit. Elle trouve l’approche professionnelle, bien conçue et que cela va sûrement aider son équipe. C’est le seul ajustement demandé à la présentation PP aux employés. Elle n’a aucun commentaire sur le reste de la présentation.
[108] C’était la première fois qu’une gestionnaire l’appelait pour se dissocier d’un diagnostic qui concernait sa propre équipe. « Ça m’a alerté, dit-il, ça m’a inquiété, donc j’ai pris des notes de cette conversation-là ».
[109] Pour M. Boudreau, lorsque tu es gestionnaire et que l’on te propose de faire un diagnostic de ta direction, tu as le devoir d’en prendre acte. La décision initiale avait été prise, Mme Paquette avait le choix de se positionner en leadership ou non. Par ailleurs, M. Boudreau confirme que Mme Paquette les avait informés, lui et Mme Ferembach, du message qu’elle s’attendait de livrer à son personnel et que c’était correct.
[110] Le 15 mai, Mme Paquette lui a présenté l’ensemble de son équipe. Elle lui a expliqué la nature de leurs postes, les fonctions de chacune et chacun, les forces qu’elle leur reconnaissait, les mandats qui leur étaient confiés. L’exercice lui a permis de voir la perception de la gestionnaire de ses propres joueurs.
[111] Cette rencontre s’est relativement bien passée, admet-il. Les employés ont été en mesure de poser des questions, d’approfondir la méthodologie. Sauf que Mme Paquette a sangloté une bonne partie de la rencontre, ce qu’il a trouvé désarçonnant. M. Boudreau confirme que personne ne s’est enquis du pourquoi de ces pleurs ou n’a demandé une pause. Cela ne semblait pas déranger les participants et les personnes près d’elle qui en ont probablement pris soin, alors cela n’a pas été un objet de distraction. C’est après la réunion que celle-ci leur a confié que sa fille avait fait une commotion cérébrale la veille. Cela fait dire à M. Boudreau, que « par souci d’authenticité, cela aurait été bien qu’elle l’explique aux employés durant la rencontre. Donc, j’ai trouvé cela curieux ». Mais, répète-t-il un peu plus tard, dans l’ensemble, la réunion s’est bien déroulée, tous les employés ayant accepté d’être rencontrés.
[112] M. Boudreau mentionne que c’est en tant que consultant en management qu’après la rencontre il a donné du « feedback » à Mme Paquette relativement à son comportement. Il lui a rappelé qu’elle s’était déjà dissociée de la démarche et, en sanglotant comme elle venait de faire, elle s’était positionnée comme une victime à qui on imposait une décision difficile. En se laissant submerger par l’émotion, elle pouvait impacter son leadership. Il dit avoir agi ainsi pour l’aider, car, encore au début du processus, il y aurait d’autres opportunités de se réinstaller dans une position de leader, les entrevues n’étant pas encore faites.
[113] Il dit ne pas avoir eu un ton condescendant avec elle, mais ajoute que lorsqu’ « on pose un diagnostic sur une direction où il y a de la détresse [référant à celle des employés], il faut nommer un chat, un chat ».
[114] Les entrevues du personnel de la DDSIA se sont déroulées sur quatre jours, entre le 21 et le 27 mai 2013, chaque employé s’étant ouvert de façon très spontanée. Dans ses entrevues, M. Boudreau dit qu’il se réservait entre autres une période de baguette magique : « Si t’avais le pouvoir d’améliorer quelque chose dans la direction, ce serait quoi tes trois vœux? » Et les gens pouvaient exprimer des pistes d’amélioration.
[115] Dans le cas de Mme Paquette, elle s’est présentée avec des notes écrites qui ont couvert bien des aspects, essentiellement dirigés vers Mme Ferembach.
[116] Ayant à s’absenter à l’extérieur du pays trois semaines en juin, M. Boudreau avait fait connaître son adresse courriel aux gens qui avaient été interviewés afin qu’ils puissent lui faire parvenir au besoin des compléments d’information qui seraient intégrés à son analyse.
[117] À son retour, il a constaté qu’une majorité des personnes qui lui avaient écrit désiraient que le diagnostic leur soit présenté en l’absence des gestionnaires. Il a été surpris car cela allait, selon lui, à l’encontre du mode prévu de partager le diagnostic ensemble, après l’avoir déposé d’abord à la haute direction, puis à Mme Paquette et ensuite à son personnel.
[118] M. Boudreau dit s’être validé auprès de Mme Ferembach pour savoir ce qui avait pu se passer pour que les employés demandent d’être rencontrés seuls. Elle lui a dit qu’elle avait été informée que c’était davantage une démarche de Mme Paquette et de ses employés, comprendre de son groupe rapproché. Il s’est finalement plié à la demande.
[119] Le rapport global de M. Boudreau comporte trois parties : la première, de 42 pages, renferme la synthèse des entrevues individuelles, la seconde prend la forme de trente diapositives sur un Diagnostic préliminaire, alors que la troisième présente, sur 11 pages, les huit recommandations qui en découlent.
[120] Les deux premières parties du rapport ont été remises à M. Tremblay et à Mme Ferembach, puis plus tard à Mme Paquette en présence de M. Tremblay.
[121] M. Boudreau explique qu’il ne voulait pas remettre copie de ses documents à Mme Paquette car ils comprenaient « des secrets de famille, des choses qui ne vont pas entre nous » et il souhaitait qu’il y en ait le moins possible de copies en circulation.
Élise Paquette, dans d’autres circonstances, aurait pu faire partie de la liste de distribution, mais elle avait choisi de participer au diagnostic comme participante.
C’était un exercice privé. Un document que t’oublies sur un coin de bureau ou que tu décides de partager avec quelqu’un, de faire des photocopies. Là je ne parle pas de Mme Paquette ou de ses intentions, je parle de ce qu’on essaie d’éviter : c’est que le document ne se trouve en circulation par erreur ou par malveillance.
[122] M. Boudreau raconte qu’il a eu à réaliser un diagnostic à deux voix. Il y avait celle des personnes qui relevaient directement de Mme Paquette qui semblait pointer davantage vers le leadership de Mme Ferembach. Puis il y avait la voix des professionnels qui se dirigeait davantage vers Mme Paquette.
[123] À Mme Ferembach, il était reproché d’être trop en retrait, de trop transiger par courriel et d’être plus axée sur les résultats que sur l’humain. Par ailleurs, l’équipe de direction de la DDSIA considérait qu’elle ne lui donnait pas suffisamment de marge de manœuvre dans la gestion des priorités et de faire de la micro-gestion lorsque son niveau d’anxiété augmentait.
[124] De Mme Paquette, plusieurs personnes avaient relevé un style de gestion « maternant » et un côté émotif dérangeant dans les rapports professionnels. Il était souhaité de sa part une implication moindre dans les contenus et qu’elle laisse plus d’autonomie aux professionnels. Au sujet de l’exercice à propos des valeurs que Mme Paquette avait déjà mené, les répondants qui y avaient participé en faisaient un constat d’échec de par l’omission d’y apporter un suivi.
[125] M. Boudreau a terminé son diagnostic en énumérant une série de facteurs de risque stratégique : « enjeux de communication, liens de collaboration déficients, style de leadership pas toujours adapté au profil des individus, conflits internes et externes, manque de reconnaissance, enjeux de développement des compétences, responsabilisation des employés absente, enjeu de positionnement avec des nouveaux acteurs, etc. ».
[126] Il conclut cependant en ajoutant un facteur additionnel à privilégier :
Il y a cependant un facteur de risque majeur qui émerge à ce moment-ci, qui n’est pas encore tangible mais qui est central selon notre avis. C’est celui de la perte d’expertise. La perte d’employés expérimentés a été rapide et l’historique démontre que les personnes expérimentées ayant quitté n’ont pas transmis leur expertise et leur expérience au SA.
À terme, nous croyons que cette situation pourrait mettre en cause la pérennité même de la DDSIA dans sa forme actuelle et impacter le SA en entier. Au-delà de tous les enjeux soulevés par le diagnostic, la tendance des derniers mois démontre une perte d’expertise qui a dépassé le point critique à la DDSIA. […]
[127] M. Boudreau mentionne qu’avant de produire la version à présenter au personnel, il avait discuté de son diagnostic avec Mme Ferembach, mais pas avec Mme Paquette parce qu’elle s’était dissociée au départ de la démarche. À la question s’il avait informé cette dernière de cette conséquence de s’être mise ainsi en porte-à-faux, M. Boudreau répond qu’il lui avait dit que ce serait compliqué, sans nécessairement préciser.
[128] Au début de juillet, une version résumée a été présentée aux employés, en l’absence de la direction. Leur rétroaction a été positive; si certains avaient pu craindre que la consultation aboutisse à un diagnostic de complaisance, les gens ont trouvé plutôt que les constats reflétaient ce qui avait été dit.
[129] M. Boudreau a profité de la période des vacances estivales pour préparer le document sur les recommandations qu’il a présenté d’abord à Mme Ferembach le 31 juillet. Comme M. Tremblay était lui-même en congé, ils ont convenu de reporter en septembre les suites à donner au dossier. Toutefois, à ce moment-là, M. Tremblay étant en voie de changer de ministère, cela a mené Mme Normand à s’inclure dans le suivi à réaliser.
[130] Selon M. Boudreau, la rencontre du 18 septembre pour présenter les recommandations à Mme Paquette s’est déroulée relativement bien, celle-ci étant d’accord avec celles-là. La quatrième recommandation portait sur la confiance :
Le diagnostic a mis en lumière des enjeux de confiance entre les deux directions.
Il faut d’abord évaluer l’impact de l’enjeu de confiance sur la mise en place des différentes recommandations.
[131] Toutefois, la rencontre du 19 septembre a mal tourné. Après la présentation des recommandations, les commentaires du personnel lui sont apparus agressifs. On en voulait encore au fait que la DDSIA avait été seule dans l’exercice, alors que c’est l’ensemble du SA qui aurait dû être visé. Encore là, des reproches visaient Mme Ferembach.
[132] M. Boudreau remarque que Mme Paquette n’était pas assise près de sa patronne, mais au milieu de ses employés. « De mon point de vue, Mme Paquette, n’a pas calmé ses troupes, dit-il, et la rencontre a été un peu difficile ». Il ajoutera qu’en s’assoyant au milieu de ses employés, alors que Mme Ferembach était dans son coin, cela ne donnait pas une image de solidarité.
[133] Lorsqu’on lui demande un exemple d’intervention que Mme Paquette a pu faire devant son personnel, le 19 septembre, et qui démontrerait qu’elle ne s’était pas correctement impliquée dans cette réunion, M. Boudreau répond qu’il ne se rappelle pas ce qu’elle a dit, mais plutôt ce qu’elle n’a pas dit. Par exemple, quand une personne est revenue sur le choix de mener le diagnostic dans une seule direction du SA, elle aurait pu dire que ce n’était plus approprié de revenir là-dessus. « Elle n’a pas joué le rôle de tampon entre ses employés et la sous-ministre adjointe, précise-t-il. Elle ne leur a pas fait de remarques du type : On devrait se reparler de cela après ».
[134] Par ailleurs, s’il a échangé sur ces différents malaises avec Mme Ferembach, il mentionne ne pas en avoir discuté avec Mme Paquette.
[135] Pour lui, il y avait là encore une gestionnaire qui s’était dissociée de la démarche, y inclus des recommandations, alors qu’elle s’était dite en accord avec ces dernières la veille. Que « la gestionnaire demeure silencieuse posait à nouveau l’enjeu de confiance et d’association à la démarche depuis le début. Fallait une rencontre pour mettre sur la table les prochaines étapes » estime-t-il.
[136] Dans les jours qui ont suivi la présentation des recommandations au personnel de la DDSIA, M. Boudreau a eu des échanges avec Mme Ferembach. Il explique que la seule raison qui a motivé sa présence à la réunion qui devait suivre avec Mme Paquette, le 23 septembre, c’était pour « reprendre la balle au bond » dans la perspective où celle-ci ferait amende honorable de sa conduite. « pour enclencher quelque chose, s’il y avait de l’ouverture », dit-il.
[137] Puis lorsque Mme Ferembach a posé à Mme Paquette la question de confiance envers elle, celle-ci « lui a retourné la balle en disant quelque chose comme : je vais attendre ce que tu vas faire pour regagner ma confiance. Comme si elle ne faisait pas partie du tout de l’équation. Cela a été un des éléments qui ont fait que cette discussion-là s’est terminée comme elle s’est terminée ».
[138] En contre-interrogatoire, M. Boudreau va affirmer que lorsqu’il dit qu’au moment de débuter la démarche en vue du diagnostic, il n’y avait pas eu de plaintes contre Mme Paquette, c’est qu’on ne lui en avait pas rapportées : « S’il y en a eu, on ne me les a pas communiquées ». Il y avait plutôt une équipe en détresse, une rencontre interne qui n’avait pas donné de résultat et des départs de gens expérimentés.
[139] Lorsqu’on lui demande s’il avait validé avec les personnes qui avaient quitté les raisons de leur départ, M. Boudreau mentionne que non. Il aurait souhaité rencontrer les deux ou trois dernières à partir, pour saisir plus en profondeur leurs motifs, mais il avait compris qu’on voulait travailler avec celles qui étaient encore là. Il avait demandé s’il y avait eu des entrevues de départ, ce qui n’était pas le cas. Une employée qui avait quitté lui a même offert de le rencontrer, mais Mme Ferembach ne lui a pas donné le mandat de le faire. L’hypothèse a été que l’opinion des personnes qui étaient restées était tout aussi valable que celle des gens qui étaient partis. Au cours du contre-interrogatoire de Mme Ferembach, on apprendra qu’elle trouvait qu’interroger les gens qui avaient quitté n’était pas un élément stratégique à ce moment-là et qu’en plus une question de coût et de temps pour le faire était à prendre en compte.
[140] Lorsqu’il est fait remarquer à M. Boudreau qu’il n’a pas écrit dans son rapport que les départs étaient dus à Mme Paquette, il reconnaît que son rapport des entrevues n’en fait pas mention. Toutefois, il ajoute qu’on le lui avait dit dans des entrevues : « C’est le constat que j’ai fait dans ma tête, mais je ne l’ai pas écrit. » Par ailleurs, il convient que tous les départs n’ont pas eu nécessairement la même origine : il faut retenir qu’il y en a eu à la suite de réorganisations antérieures, d’autres étant dus à des comportements de gestion à la DDSIA.
[141] M. Boudreau reconnaît que Mme Paquette n’a jamais refusé de discuter avec lui. Il ne lui a certes pas demandé de participer aux entrevues, ce qui constituait selon lui une anomalie, mais il ne se souvient pas lui avoir dit que c’était inapproprié de le faire.
[142] Bien que le document sur les recommandations (E-15) fasse état d’un bris de confiance entre les deux directions du SA, M. Boudreau confirme qu’il n’avait rencontré que la directrice de la DDSIA dans le cours de ses travaux.
[143] Il est d’accord aussi avec la proposition qu’au début de la présentation des recommandations aux employés, le 19 septembre, il s’était manifesté une forte réaction au fait que plusieurs s’adressaient à l’ensemble du SA, alors que c’est seulement le personnel de la DDSIA qui avait dû s’investir dans l’opération. Nuançant son propos en interrogatoire principal à l’effet que la rencontre avait mal tourné, M. Boudreau affirme plutôt que ce n’était pas une rencontre qui avait bien été, précisant que « c’était mitigé, mais on allait de l’avant ».
[144] Mme Ferembach, étant sortie ébranlée de la rencontre, lui a alors exprimé que pour elle la confiance était un gros enjeu et qu’il fallait qu’elle ait une discussion avec Mme Paquette pour voir comment reprendre cela ensemble.
[145] Avant la rencontre du 23 septembre, M. Boudreau ne savait pas qu’il allait être demandé à Mme Paquette de quitter le SA sur le champ, de faire ses boîtes le soir-même, de remettre son BlackBerry, etc. Il n’avait pas été consulté à cet égard, puisque de toute façon cela ne lui appartenait pas. « C’était une des hypothèses que la réunion se termine mal, que les deux positions soient irréconciliables, mais moi ce que je disais : c’est une décision qui appartient au gestionnaire ».
[146] Le premier mandat de M. Boudreau s’est terminé là. Mais, il en obtenu un autre un peu plus tard, qui se poursuit toujours, après l’établissement d’une nouvelle réorganisation, dans un cadre où son intervention est davantage en retrait. Il a ainsi eu à conseiller Mme Ferembach et l’autre directrice pour l’organisation et l’animation de rencontres de mobilisation du personnel et d’un exercice de vision avec les employés.
[147] Lorsque la Commission demande à M. Boudreau comment, avant même de réaliser les entrevues du personnel, il estimait déjà qu’il y avait de la détresse dans l’équipe de Mme Paquette, comme il est rapporté aux paragraphes 113 et 138 de cette décision, celui-ci répond que c’est le sentiment qui s’était dégagé d’informations reçues lors de sa première rencontre avec Mme Ferembach, en mai. Elle lui avait parlé du départ récent en maladie d’une employée, qu’il n’avait pas eu l’occasion de rencontrer et qui a quitté par la suite, mais qui avait fait part à Mme Ferembach qu’il régnait un état de tension dans l’équipe de Mme Paquette.
La perspective de la sous-ministre-adjointe responsable de la DDSIA
[148] Mme Catherine Ferembach est sous-ministre adjointe au ministère de la Famille et à ce titre responsable du SA qui, depuis les événements pertinents à ce litige, est passé, au plan organisationnel, du MSSS à celui de la Famille.
[149] Elle est dans la fonction publique depuis 10 ans et au SA depuis janvier 2010, soit quelque six mois avant que Mme Paquette vienne y travailler à son tour. Auparavant, à partir de 1994, Mme Ferembach, qui a une formation en sciences politiques, avait occupé divers emplois dans les domaines de l’employabilité, dans celui de l’intégration aux nouveaux modes de travail, et également pour une société d’aide au développement de collectivités. En 2001, elle a été directrice générale du Fonds Jeunesse Québec jusqu’en 2004, alors qu’elle a été nommée secrétaire adjointe au Secrétariat à la jeunesse, rattaché au Conseil exécutif, où elle est demeurée jusqu’en 2010.
[150] À son arrivée au SA, l’organigramme de ce dernier comportait déjà deux directions, comme en 2013. Lorsque le directeur de la DDSIA a quitté peu après qu’elle fût entrée en fonction, elle s’est mise à la recherche d’un cadre, classe 3. Mme Paquette lui a été référée par son adjointe exécutive de l’époque qui la lui recommandait pour l’avoir déjà côtoyée au plan professionnel.
[151] Au moment où elle s’est jointe au SA, des postes étaient disponibles à la DDSIA : des emplois qui s’étaient libérés à Montréal et qu’elle avait choisi de déplacer à Québec.
[152] Le premier mandat qu’elle a confié à Mme Paquette était de mettre en œuvre le Plan d’action contre la maltraitance des aînés. Il s’agissait d’aller chercher des autorisations auprès du Conseil du trésor pour signer des ententes avec des partenaires, négocier le contenu de ces ententes et voir à les mettre en application. Par exemple, le SA en a conclu une avec un centre de santé et de services sociaux pour professionnaliser une ligne d’écoute téléphonique, auparavant opérée par des bénévoles. Mme Ferembach dit avoir beaucoup soutenu Mme Paquette qui n’était pas habituée à ce type de négociations.
[153] Durant l’été 2010, le responsable de l’autre direction du SA, occupant un poste de cadre, classe 4, a quitté à son tour pour être remplacé par un professionnel à l’interne qui était déjà sur la liste des personnes déclarées aptes à occuper un tel emploi. Toutefois, durant sa période de probation, lui et Mme Ferembach ont convenu que la gestion des ressources humaines n’était pas une activité pour lui et il a repris des fonctions professionnelles, qu’il occupe d’ailleurs toujours au SA. C’est finalement en janvier 2012 qu’a été embauchée la responsable de l’autre direction, toujours en place au moment de l’audience.
[154] Au cours de la première année de service de Mme Paquette au SA, Mme Ferembach dit avoir noté qu’elle avait une attitude négative à l’intérieur de l’équipe. Le secrétariat était en train de mettre en place le nouveau plan d’action et malgré les difficultés, il était important de rester positif. Mme Paquette, selon elle, était plutôt régulièrement en mode critique, et ce, d’une façon ouverte qui s’exprimait par des remarques du style : « Cela n’est pas bon. Je n’ai jamais vu cela », remarques qui revenaient souvent dans ses propos.
[155] Au point, que lors de son évaluation de rendement effectuée au printemps 2011, soit pour l’année 2010-2011, Mme Ferembach lui avait attribué la cote C, soit un rendement satisfaisant, en lui demandant d’être dans l’équipe plus positive et axée davantage sur les solutions que les critiques.
[156] Mme Paquette avait réagi en allant plusieurs fois voir Mme Ferembach pour savoir pourquoi elle lui avait accordé seulement ce niveau-là d’évaluation. Cette dernière dira en contre-interrogatoire qu’elle en avait parlé à sa sous-ministre et à la directrice des ressources humaines de l’époque. Elle a finalement haussé la cote à C+, le 1er juin (A-9.1). Mme Ferembach a rédigé de nouvelles attentes (A-9) à Mme Paquette pour les six mois suivants, le document étant daté du 22 juin 2011, pour une période de référence du 1er juin au 31 octobre.
[157] Mme Ferembach dit que Mme Paquette lui avait confié qu’elle la trouvait trop présente dans ses dossiers et lui avait dit : « Laisses moi gérer comme je veux et tu verras les résultats ». Dans les mois qui ont suivi, Mme Paquette a fait des efforts et les problèmes se sont résorbés d’après Mme Ferembach, qui quant à elle était très occupée à la rédaction d’une nouvelle politique pour le SA.
[158] Pour l’année 2011-2012, Mme Paquette a obtenu la cote B, d’après le formulaire d’évaluation (A-8) signé par Mme Ferembach le 18 mai 2012 et co-signée par la supérieure hiérarchique le 13 juin. On y lit ce qui suit :
Mme Paquette a assumé la gestion des deux directions du Secrétariat aux aînés presque tout au long de l’année 2011-2012. Elle s’est, également, assurée de réaliser plusieurs mandats majeurs dont l’adoption de la loi 22 qui modifie le Code civil et le lancement du programme des Carrefours d’informations aînés. Pour ces raisons, son rendement a dépassé les attentes.
[159] Dans les commentaires de la personne évaluée, on apprend ceci :
J’aime beaucoup contribuer à la mission du MFA et ainsi participer à l’amélioration des conditions de vie des aînés. Avec mon équipe, nous avons relevé de bons défis et sommes fiers des résultats atteints. Merci pour la confiance!
[160] Par ailleurs, si une série de six départs survenus depuis 2010 n’avait pas trop inquiété à prime abord Mme Ferembach, considérant que cela arrive fréquemment lorsque des directions changent, comme c’était survenu dans les premiers mois de 2010, celle-ci dit l’avoir été davantage, au printemps 2012, avec trois départs additionnels de personnes qui n’étaient restées que quelques mois au SA.
[161] À la fin de l’été, Mme Paquette l’a informée que durant les vacances les membres de son équipe s’étaient réunis pour manifester des insatisfactions, dont entre autres une relative à la manière dont les espaces de bureau avaient été distribués. Mme Ferembach mentionne lui avoir offert son aide, mais que Mme Paquette lui avait demandé de la laisser gérer cela elle-même.
[162] En décembre ou janvier suivant, une employée de l’équipe de Mme Paquette a choisi de passer dans l’autre direction du SA. Selon Mme Paquette cette personne était insatisfaite de ne pas avoir été retenue pour un poste de chef d’équipe et représentait un cas difficile à gérer. Il appert cependant que cela n’était pas le cas et cette personne est toujours à l’emploi du SA. Dans le même temps, une professionnelle du groupe de Mme Paquette a quitté le SA en se disant insatisfaite du mode de gestion de sa directrice.
[163] Puis au printemps 2013, une autre professionnelle est venue rencontrer Mme Ferembach. Elle reprochait à Mme Paquette d’avoir annulé une rencontre qu’elles devaient avoir et de ne pas percevoir le momentum à l’occasion duquel il aurait été opportun de poser des démarches stratégiques auprès de certains ministères. Elle en avait également contre le côté maternant de Mme Paquette de contrôler le travail de ses employés.
[164] Cette personne lui est apparue en grande détresse, même qu’elle lui a mentionné avoir eu des idées suicidaires. Mme Ferembach lui a dit qu’elle allait s’occuper d’elle, qu’elle pouvait demeurer à la maison jusqu’à ce qu’elle rencontre son médecin la semaine suivante. Mme Ferembach dit avoir avisé M. Tremblay de cela le lendemain et, par la même occasion, elle a discuté avec lui de l’opportunité de réaliser un diagnostic dans l’équipe de Mme Paquette.
[165] Mme Ferembach explique que lorsqu’elle se promenait dans le secteur de la DDSIA, l’atmosphère avait l’air d’être bon. Les gens souriaient et ne semblaient pas avoir de problèmes de relations tendues. Par ailleurs, comme on en était rendu à une douzaine de départs dans ce groupe, étant donné en plus la contestation survenue l’été précédent et maintenant le cas récent de détresse, elle n’arrivait pas à comprendre ce qui se passait.
[166] En comparaison, dans l’autre direction, depuis l’arrivée de la nouvelle directrice en janvier 2012 et jusqu’à septembre 2013, il n’y a eu que trois départs dont celui de la personne qui n’avait pas obtenu ce poste, ainsi que celui d’une autre qui avait dû être invitée à changer d’organisme.
[167] La réalisation d’un diagnostic lui est apparue appropriée puisqu’il s’agissait d’un exercice réalisé pour elle au Secrétariat à la Jeunesse. Après avoir été aux commandes de cet organisme depuis trois ans, un groupe d’employés s’était plaint de son mode de gestion. Une intervention extérieure avait mené à la tenue d’un diagnostic, sur un modèle semblable à celui réalisé par M. Boudreau, exercice qui s’était bien déroulé et qui avait mené à des changements bénéfiques pour tout le monde.
[168] Quant à la personne chez qui Mme Ferembach avait constaté un état de détresse, elle a été en arrêt de travail, indiquant qu’elle pensait quitter le SA. Il y a eu des discussions pour qu’elle y demeure en changeant d’équipe, mais Mme Paquette disait avoir des problèmes avec elle et ne voulait pas de cette solution. Elle craignait que son image en ressorte affectée ou encore qu’une plainte pour harcèlement psychologique soit portée contre elle.
[169] Mme Ferembach n’est pas entrée avec Mme Paquette dans le détail de ce que lui avait confié cette personne puisque cela avait été reçu sous le sceau de la confidentialité. Elle lui a seulement dit qu’elle avait avec elle une relation difficile et en conséquence, de l’avis de Mme Ferembach, Mme Paquette devait se douter que son départ en maladie était en lien avec ce facteur. Finalement, la personne n’a pas de toute façon voulu demeurer au SA.
[170] Lorsqu’en contre-interrogatoire, il lui sera fait remarquer qu’il est surprenant dans les circonstances d’une détresse si grande qu’elle n’en ait pas parlé à Mme Paquette, Mme Ferembach dira qu’à la DRH, on ne lui avait pas conseillé de le faire. Elle ajoutera peu après que la relocalisation de Mme Paquette n’était pas liée au départ de cette personne.
[171] En contre-interrogatoire, Mme Ferembach va se rappeler qu’elle a été invitée et a participé à une réunion (A-10) de la DDSIA, le 10 avril 2013. Elle reconnaît qu’elle avait été bien accueillie à cette rencontre. Elle précise qu’à ce moment-là elle entretenait de très bonnes relations avec Mme Paquette et qu’elle n’avait pas de raisons de croire qu’il ne fallait pas qu’elle y aille. Lorsqu’il lui est suggéré que le but de la rencontre était précisément de faire le point sur la démarche qui avait suivi les événements de l’été 2012, Mme Ferembach reconnaît qu’il a pu y avoir « des éléments sur comment on fonctionne à l’intérieur du SA », mais qu’il s’agissait plutôt d’éléments de vision, sujet qui correspondait à l’invitation « de venir expliquer : où est-ce qu’on s’en va? ».
[172] Mme Ferembach raconte à sa manière la rencontre du 9 mai 2013 avec Mme Paquette, pour lui annoncer sa décision de réaliser un diagnostic dans son équipe. Celle-ci n’était pas satisfaite de l’approche et, encore là, disait craindre l’effet sur son image. Comme elle avait quitté rapidement Mme Ferembach, celle-ci l’a rappelée pour la rassurer. Elle souhaitait la convaincre d’embarquer dans la démarche, ce qu’elle-même avait fait au Secrétariat à la Jeunesse et qui avait été très profitable pour elle et pour l’organisation.
[173] La suite, soit la rencontre du 10 mai de Mmes Ferembach et Paquette avec M. Boudreau, puis le tête-à-tête entre ces deux derniers, a déjà été rapportée.
[174] C’est dimanche, le 12 mai, en fin d’après-midi, que M. Boudreau a fait parvenir par courriel (E-11) à Mme Ferembach son projet de diaporama en vue de la rencontre avec le personnel de la DDSIA prévue pour le 15. Elle lui a fourni l’adresse du courrier électronique de Mme Paquette pour qu’il le lui achemine.
[175] Mme Ferembach ayant remarqué, le lendemain, lundi, que Mme Paquette ne semblait pas bien aller, elle dit l’avoir invitée par courriel (E-19; E-20) à discuter de la situation et elles se sont effectivement vu en après-midi de la même journée. Celle-ci lui aurait dit que faire un diagnostic était une mauvaise décision de gestion, qu’elle avait des droits et qu’elle entendait les faire valoir. Rappelons que c’est ce 13 mai en soirée que Mme Paquette devait demander à M. Boudreau d’apporter un changement à son projet de diaporama.
[176] Le lendemain, se disant inquiète des commentaires que Mme Paquette lui avait faits la veille et qu’elle avait répétés à M. Boudreau en soirée, Mme Ferembach a décidé de consulter la DRH. Elle raconte avoir demandé à M. Tremblay si elle « faisait les bonnes affaires » et il l’a encouragée à poursuivre.
Il m’a confirmé que j’étais dans mon droit de gestion de décider d’un diagnostic, que c’était tout-à-fait légitime et que je pouvais continuer.
[177] Par la suite, relativement à la demande de Mme Paquette de ne pas voir apparaître dans le projet de diagnostic qu’elle avait convenu de cet exercice, Mme Ferembach mentionne qu’elle a été d’accord pour que ce passage soit modifié si cela faisait en sorte que Mme Paquette accepte de participer au diagnostic.
[178] En rapport avec la première rencontre du personnel de la DDSIA, le 15 mai, Mme Ferembach se rappelle qu’auparavant Mme Paquette leur a lu, à elle et M. Boudreau, le message qu’elle s’attendait de livrer à ses employés. Elle confirme que ni elle, ni M. Boudreau ne lui avait demandé de le modifier. Elle ne trouvait pas correct le passage où Mme Paquette disait avoir été ébranlée en apprenant qu’il y aurait un diagnostic dans son équipe, mais elle ne voulait pas la bousculer, de dire Mme Ferembach.
[179] De la rencontre du personnel, Mme Ferembach n’a pas conservé un bon souvenir, notamment la réaction émotive de Mme Paquette qui a lu son message avec peine, renversant son verre d’eau et pleurant au point que les gens étant mal à l’aise de la situation, une personne est intervenue pour la consoler.
[180] Même si M. Boudreau a pu présenter son diaporama, qu’il y ait eu une série de questions et qu’à cet égard la rencontre s’était bien déroulée, Mme Ferembach, à l’opposé de Mme Paquette redevenue calme après la séance d’échanges, dit avoir été un peu catastrophée du fait que celle-ci était apparue comme une victime, alors qu’elle-même avait hérité du rôle du bourreau.
[181] Elle se demandait aussi comment les employés allaient pouvoir témoigner en toute sérénité, alors que leur gestionnaire avait fondu en larmes. Elle se rappelle avoir dit à Mme Paquette, après la rencontre, que le fait qu’elle avait pleuré mettait en péril le déroulement du diagnostic. Ce à quoi Mme Paquette lui avait répondu qu’elle était une gestionnaire authentique et que c’était normal qu’elle exprime ses émotions devant ses employés.
[182] Interrogée sur la qualité de ses relations avec Mme Paquette, Mme Ferembach répond qu’elles n’étaient pas mauvaises jusqu’à ce moment-là. Mais elles s’étaient un peu dégradées à compter du moment où Mme Paquette s’était dissociée de la décision d’entreprendre la démarche, lui avait dit qu’elle avait pris une mauvaise décision de gestion et avait dit à M. Boudreau qu’il y avait un bris de confiance de la part de sa supérieure à son égard.
[183] Mme Ferembach se rappelle d’une réunion, le 30 mai, avec Mme Paquette, après le début des entrevues individuelles, à l’occasion de laquelle celle-ci lui avait mentionné qu’elle « était probablement une bonne personne, mais qu’elle la terrorisait », dans sa façon de vérifier, en comité de gestion, l’avancement de la réalisation de ses mandats.
[184] Mme Ferembach a appelé à nouveau M. Tremblay qui lui a conseillé de valider à la fin d’une rencontre si tout s’était bien déroulé et qu’elle était satisfaite.
[185] Durant l’absence de M. Boudreau, trois semaines en juin, Mme Paquette lui a indiqué que son équipe avait formulé, en réunion, plusieurs demandes par rapport à la suite de la démarche. Voici en quoi elles consistaient, telles que décrites par Mme Paquette dans un courriel du 6 juin (E-5).
Bonjour Catherine,
Voici, comme convenu ce matin, les demandes formulées par l’équipe concernant les prochaines étapes du diagnostic :
- L’équipe a manifesté qu’il est essentiel qu’il y ait des suites au rapport (plan d’action) et que cela se fasse avec un accompagnement extérieur au SA.
- L’équipe souhaite avoir un ordre du jour et le rapport-diagnostic avant la rencontre du 4 juillet. L’ordre du jour devrait contenir les principales étapes du déroulement de la rencontre.
- Concernant cette rencontre, les professionnels vont écrire au consultant afin de vérifier s’il est possible de faire une rencontre de « validation » du diagnostic seulement avec les membres de l’équipe sans l’équipe de gestion.
- Les membres de l’équipe désirent savoir si [X et Y, deux des personnes ayant quitté l’équipe] seront présentes dans la rencontre?
Meilleures salutations.
[186] Mme Ferembach dit avoir alors contacté M. Tremblay pour savoir comment répondre à ces demandes-là et ils se sont réunis avec Mme Paquette. Les demandes ont dans l’ensemble été accueillies, à l’exception de la remise à l’avance du rapport qu’il n’était pas approprié de diffuser avant sa présentation.
[187] Lorsqu’elle a reçu la synthèse des entrevues individuelles, Mme Ferembach dit s’être inquiétée de particulièrement deux choses. D’une part, de la mention en fin de rapport qu’il semblait exister chez plusieurs professionnels, sauf pour les nouveaux arrivés au SA, un climat de méfiance et peu d’espoir de pouvoir changer des choses d’où la nécessité de donner suite au diagnostic. D’autre part, elle indique aussi le passage énonçant le facteur de risque majeur dont il a été fait mention précédemment.
[188] Lorsque M. Boudreau lui fait parvenir ses recommandations, fin juillet-début août 2013, Mme Ferembach dit les avoir pris avec un grain de sel, car elle voulait consulter les ressources humaines et M. Tremblay était alors en vacances. De plus, elle était en train de peaufiner l’écriture d’un document sur la vision du SA, sur lequel elle travaillait depuis plusieurs semaines, alors que d’autres personnes étaient en pleine préparation du colloque international de septembre.
[189] D’autres événements ont déplu et préoccupé Mme Ferembach. Par exemple, l’insistance de Mme Paquette, en août, pour pourvoir certains postes vacants et pour en vérifier d’autres s’ils étaient de niveau expert comme le prétendait les professionnels qui les occupaient. Cette insistance était déplacée puisque Mme Ferembach l’avait déjà informée qu’elle préférait attendre de voir les développements au niveau ministériel, par rapport à la vision du SA qui était en cours d’élaboration. Un autre exemple a été la réaction vive de Mme Paquette, manifestée devant son adjointe, lorsque Mme Ferembach lui avait dit qu’elle ne pourrait pas se rendre à un colloque prévu à Yellowknife, ce qui, au dire de Mme Paquette, pouvait laisser l’impression que son travail n’était pas reconnu.
[190] Survient la rencontre du 19 septembre pour exposer les conclusions du diagnostic au personnel de la DDSIA. Mme Ferembach dit qu’elle s’y présentait positivement, convaincue que cela allait être un moment agréable puisqu’on s’orientait enfin vers les solutions. Mais tel ne fut pas le cas, comme on l’a vu.
[191] Là où Mme Ferembach s’attendait à ce que Mme Paquette l’aide en prenant position pour l’application des recommandations, elle s’est retrouvée plutôt face à des interventions, des remarques sur un ton inapproprié qui la mettaient, elle, en cause. En contre-interrogatoire, Mme Ferembach dira qu’elle n’a jamais remis en question l’engagement de Mme Paquette auprès des aînés, mais qu’en septembre 2013, c’était sa confiance en elle et sa loyauté qui étaient en cause.
[192] Le lendemain, elle a convoqué la réunion de la fin d’avant-midi, avec M. Tremblay, Mme Normand et l’adjoint du sous-ministre adjoint responsable des ressources humaines.
[193] Mme Ferembach a alors expliqué tout ce qui était arrivé depuis le lancement du diagnostic. Elle a demandé les options qui s’offraient à elle dans le contexte de l’accueil qui lui avait été réservé la veille, ainsi que dans celui où elle allait avoir à présenter prochainement à tout le personnel une proposition de vision et probablement une nouvelle réorganisation à envisager.
[194] Mme Ferembach explique ainsi son choix de relocaliser Mme Paquette :
Ce n’était pas une décision contre Mme Paquette, c’était une décision pour l’équipe. Je ne me voyais pas opérer une présentation du document sur la vision, des changements dans l’organisation, avec une gestionnaire qui ne m’appuierait pas d’une façon indéfectible. J’avais cet appui-là de l’autre directrice.
[195] M. Tremblay lui a dit qu’elle pouvait relocaliser Mme Paquette, qu’elle n’était pas obligée de la garder au SA, que c’était un droit qu’elle avait, que ce n’était pas quelque chose qui se faisait fréquemment, mais que cela arrivait.
[196] Enfin, en plus de l’option de relocalisation, il avait été convenu d’échanger d’abord avec Mme Paquette sur la question de confiance. Si elle devait admettre par exemple sa responsabilité à propos des départs, on serait en position d’envisager une autre discussion, notamment sur la façon d’enclencher l’application des recommandations. Mais il n’a pas été discuté de la façon dont devait lui être faite l’annonce, le cas échéant, de la relocalisation, ni du message à transmettre à son personnel dans les circonstances.
[197] Interrogée sur la raison qui avait mené, le 23 septembre, à récupérer le BlackBerry de Mme Paquette, Mme Ferembach explique seulement que dans l’après-midi de ce jour-là elle avait appelé Mme Normand qui lui a dit que c’était à elle, Mme Ferembach, de faire cela.
[198] Le lendemain, Mme Ferembach, accompagnée de l’autre directrice du SA chargée d’assurer l’intérim à la DDSIA, a rencontré les employés de Mme Paquette pour annoncer son départ. Elle dit leur avoir expliqué qu’elle souhaitait dorénavant un environnement sain, dans le sens de respectueux dans les propos énoncés. Elle se rappelle avoir expliqué la nuance entre l’empathie et la sympathie : cette dernière se manifeste lorsqu’on vit les émotions en même temps ou à la place de la personne, l’empathie étant qu’on est capable de comprendre ces émotions-là sans obligatoirement les vivre. Propos qui l’ont amenée à préciser qu’elle pouvait avoir beaucoup d’empathie pour l’équipe, mais pas de sympathie. Elle pouvait comprendre les émotions que les gens avaient eues, mais qu’il fallait que le climat émotif dans lequel ils avaient vécu cesse.
[199] C’est dans ce contexte que Mme Ferembach dit avoir mentionné que les personnes qui « n’étaient pas à l’aise, que c’était leur droit et que si elles voulaient partir ailleurs, on pourrait leur donner un coup de main ».
[200] Après le départ de Mme Paquette, un second mandat a été donné à M. Boudreau pour mettre les recommandations du diagnostic en application, ce qui s’est bien déroulé. Enfin, pour conclure la relocalisation de Mme Paquette, le mouvement de personnel s’est fait avec poste et crédits : le SA a perdu un poste et le salaire afférent est passé à la nouvelle direction où elle a été affectée.
[201] Mme Ferembach convient qu’elle n’a à aucun moment dit à Mme Paquette, avant le 23 septembre, qu’elle était en situation de perdre son emploi au SA. Par contre, elle indique qu’elle lui avait manifesté plusieurs fois son inconfort par rapport à son comportement. Elle en cite quatre : qu’elle ne lui soit pas revenue au sujet d’une rencontre dont elle lui avait fait part, qu’elle ait insisté pour aller à Yellowknife alors que ce n’était pas nécessaire, qu’elle ne se soit pas sentie responsable de deux départs récents et enfin qu’elle ait répété sa demande à propos des postes qu’il n’était pas urgent de pourvoir.
[202] Elle reconnaît ne pas en avoir discuté davantage à ce moment-là avec elle parce que cela faisait deux fois qu’elle se conduisait incorrectement devant son équipe : le 19 septembre et la fois où elle avait fondu en larmes.
[203] Ce que la rencontre du 19 septembre avait démontré, dit Mme Ferembach, c’est que Mme Paquette n’avait pas été ce jour-là solidaire de sa gestion, mais aussi qu’elle n’avait pas, tout au long du diagnostic, assumé le leadership qu’il fallait pour sécuriser son équipe par rapport à cet exercice.
[204] En conclusion de son contre-interrogatoire, il est demandé à Mme Ferembach en quoi, à la fin de la rencontre du 23 septembre, il était urgent que Mme Paquette soit requise de quitter le SA sur le champ, qu’elle fasse ses boîtes le soir même plutôt que de revenir le lendemain, qu’on lui demande de remettre son BlackBerry, sa carte d’accès, le tout dans les circonstances déjà exposées.
[205] Mme Ferembach énonce trois raisons. En premier, elle devait présenter son document de vision le 26 septembre. Deuxièmement, elle a jugé qu’il n’était pas pertinent de permettre à Mme Paquette de faire un aller-retour avec son équipe, au risque d’insécuriser davantage celle-ci. Enfin, elle considérait qu’ « il y avait un virage à opérer », ce qu’elle a fait le lendemain « pour que cessent les départs, que l’équipe sache qu’il y avait un capitaine dans le bateau ». Elle ne pensait pas que Mme Paquette avait accumulé autant de choses dans son bureau et croyait que ce n’était pas si compliqué de quitter le soir-même.
[206] Quant à l’exposé livré au personnel de la DDSIA, le 24 septembre, Mme Ferembach l’explique en disant qu’elle voulait qu’il soit compris qu’elle était solide dans ce qu’elle faisait, qu’elle savait où elle s’en allait et qu’on pouvait lui faire confiance.
[207] Enfin, a comparu pour le MSSS, M. Jacques Montminy, coordonnateur du secteur de l’exploitation des infrastructures, à la Direction générale des technologies de l’information du ministère. Son équipe s’occupe de la gestion des accès, de la sécurité, des identifiants, des serveurs, bref de tout ce qui touche l’information technologique, et ce, pour que les systèmes soient opérationnels et fonctionnels.
[208] En vue de l’audience, il a vérifié les demandes de changement de droit d’accès (E-24) en rapport avec Mme Paquette. Suivant le rapport de ses recherches (E-25) établissant toutes les demandes concernant son utilisation d’un appareil quelconque, téléphone, ordinateur ou autre, aucune demande n’a été enregistrée pour la période de septembre 2013. Le rapport indique cependant un changement en date du 21 octobre, soit, selon ce que la preuve a démontré, au moment où Mme Paquette est entrée en fonction dans son nouveau poste de directrice de la certification des résidences privées pour aînés. En conséquence, il faut en déduire que, contrairement à ce qu’a affirmé Mme Paquette, l’accès au système de courriel du MSSS ne lui a pas été retiré à compter du moment où il lui a été demandé de quitter le SA.
[209] Cette contradiction du témoignage de Mme Paquette n’est pas cependant retenue contre elle étant donné d’une part, que cette question d’accès par son adresse courriel du bureau n’a pas eu de conséquence sur le litige. D’autre part, de ce que la Commission a retenu de la preuve, il est possible qu’elle ait cru que tel accès lui était bloqué puisque les employés de sa direction qui ont communiqué par courriel avec elle, après le 23 septembre, l’ont rejointe à son adresse courriel personnelle.
De l’appelante
[210] La procureure de Mme Paquette évoque que cette affaire met en cause une mesure disciplinaire déguisée du fait que ce qui a été imposé à l’appelante l’a été en marge du Règlement sur l’éthique et la discipline dans la fonction publique (RLRQ c. F-3.1.1, r. 3) (ci-après le « Règlement ») et que cette mesure aurait causé un grave préjudice à sa destinataire.
[211] Si le MSSS avait des reproches à faire à Mme Paquette, il devait l’en informer, lui indiquer lesquels et, à la limite, lui imposer une mesure disciplinaire, mais dans le respect de la règle d’une progression dans les sanctions et suivant la gravité de la situation, ce qui n’a manifestement pas été le cas.
[212] Dans le cadre de cette audience, il est demandé à la Commission de décider uniquement du bien-fondé de ces prétentions et de réserver pour un autre moment le débat sur les remèdes appropriés au préjudice.
[213] La procureure fait valoir que le diagnostic, qui a joué un grand rôle dans l’attribution de la mesure disciplinaire, n’a pas été entrepris en raison de problèmes de gestion de Mme Paquette. Celle-ci en veut pour preuve ce que M. Boudreau lui a dit lorsqu’elle lui a téléphoné le 13 mai et qu’il a consigné dans ses notes : « Je lui ai précisé qu’il n’y a aucune plainte contre elle et pas d’allégations non plus. » (E-12). Également, il faut relever que Mme Paquette a eu deux évaluations, l’une de niveau satisfaisant, C+, et une autre, B, un niveau qui dépasse les attentes, et ce, pour une période où elle avait géré les deux directions du SA. Cette situation est loin de celle d’une gestionnaire non en contrôle ou qui avait besoin d’être « remise en selle », pour citer M. Boudreau.
[214] Le contexte exposé en introduction de la synthèse des entrevues individuelles décrit mieux les problèmes du SA au moment de lancer le diagnostic. On vient de subir un changement organisationnel consécutif au transfert du SA, du ministère de la Famille au MSSS, turbulence à l’origine du départ de certaines personnes. De plus, une conférence internationale majeure est en préparation et occasionne un surplus de travail pour tous.
[215] Pour justifier le diagnostic, il est invoqué la perte d’employés expérimentés et une démarche interne de recherche de solutions organisationnelles, initiée en 2012 et qui n’avait pas produit de résultats significatifs. On doit alors se demander deux choses : pourquoi cibler uniquement la DDSIA et pourquoi ne pas rencontrer ceux qui sont partis et vérifier les raisons de leur départ?
[216] Comment peut-on soutenir, comme il est mentionné dans l’historique du diagnostic (E-10), que M. Boudreau a constaté que Mme Paquette avait « de nombreuses lacunes au niveau de sa gestion », qu’il y avait eu de grandes pertes d’expertise sous sa direction et que ses modes de gestion « rendaient certains employés mal à l’aise »? Comme la démarche ne visait pas à résoudre ce type de questionnement, la procureure considère que les affirmations relèvent de la diffamation et sont en partie à la source du préjudice causé à Mme Paquette.
[217] Mme Ferembach a dit qu’elle avait rencontré une personne en détresse parmi le personnel de la DDSIA, mais aussi que tout semblait bien aller lorsqu’elle se rendait dans le secteur de cette direction. Rien dans la preuve ne permet d’attribuer cet état de détresse directement à Mme Paquette. De plus, on n’a pas informé cette dernière des reproches qui lui étaient faits en rapport avec cette affaire. Rien ne lui laissait croire que son emploi était en jeu. Des doutes s’infèrent ainsi quant aux assises et à l’objectif réel du diagnostic. M. Boudreau s’est défendu que celui-ci avait pour but de tasser Mme Paquette, mais au final, de dire la procureure, le fait est que quelqu’un a perdu son emploi.
[218] Toujours d’après la preuve, il ressort qu’en mai Mme Paquette a été mise devant un fait accompli : le diagnostic était commandé sans qu’il en ait été question avec elle. Elle n’a demandé qu’un changement dans le résumé présentant le projet et c’est le début de la fin pour elle. Cela lui sera expliqué en septembre, lorsqu’on lui dira qu’elle s’était alors dissociée de la démarche.
[219] Pourtant, avant la présentation du projet au personnel, Mme Paquette avait pris soin de communiquer à Mme Ferembach et à M. Boudreau le contenu du message (A-4) qu’elle allait transmettre et tout était correct. Elle y disait notamment :
Je vous cacherai pas que j’ai été ébranlée de cette décision. Cela m’a amené à faire une réflexion importante.
Je me suis dit que nous avions déjà, comme équipe, débuté un exercice sur l’OT [organisation du travail]. À travers nos mandats, avec les moyens du bord.
Aussi, j’ai décidé d’embarquer parce que je souhaite profondément que cette démarche permette à chacun d’entre vous d’être plus heureux au travail.
[…]
Aussi, je vous demande de collaborer. J’ai rencontré M. Boudreau qui m’a présenté sa démarche et il m’a semblé très compétent et sa démarche me semble très bien.
[220] Voilà qui témoigne d’une gestionnaire qui collabore totalement. Pourtant, on lui reprochera plus tard d’avoir dit qu’elle avait été ébranlée en apprenant qu’il y aurait un diagnostic dans sa direction. Mais alors, en quoi est-ce si grave de dire qu’on a été ébranlé, de se demander la procureure.
[221] Et encore, où se situe la vérité entre Mme Ferembach qui dit que Mme Paquette a pleuré durant la rencontre, M. Boudreau soutenant qu’elle a plutôt sangloté et Mme Paquette qui admet avoir été émue dans les circonstances. De toute façon, quelle importance accorder à tout cela puisque la rencontre s’est poursuivie et que le comportement de Mme Paquette n’a pas empêché le personnel d’y participer et de poser des questions.
[222] La procureure souligne que dans le projet de diagnostic (E-2) présenté en juin par M. Boudreau, il était mentionné que l’opération allait nécessiter « la participation active des employés de la DDSIA et de leur gestionnaire ». Or, la preuve a été faite que Mme Paquette, malgré sa déception de ne pas avoir été mise dans le coup au départ, a pris une part active dans l’opération.
[223] Début juillet, quand le diagnostic préliminaire (E-14) est porté à la connaissance du personnel, tous sont d’accord. Mais lorsque les recommandations (E-15) sont produites, fin juillet, elles ne sont transmises qu’à Mme Ferembach et à M. Tremblay.
[224] Quant à la DDSIA, l’équipe s’investit dans la préparation de la conférence internationale de septembre et personne, pas plus Mme Paquette, n’est informé de ce qui s’en vient. Aucun enjeu de confiance n’est révélé à celle-ci. La conférence est une réussite et Mme Paquette reçoit des félicitations (A-5) du ministre, datées du 19 septembre, pour sa contribution à l’événement. Peu importe par qui la rédaction de la lettre a été initiée, il demeure que la tenue de la conférence a été menée à terme par Mme Paquette et avec brio.
[225] Le 18 septembre, les recommandations sont finalement présentées à Mme Paquette qui en prend acte. À leur lecture, personne ne peut y déceler que quelqu’un est sur le point de perdre son emploi. Elles s’appliquent à l’ensemble du SA. La quatrième recommandation qui traite de l’enjeu de confiance s’adresse aux deux directions, pas spécifiquement à la DDSIA.
[226] Mais la rencontre du lendemain, avec tout le personnel, provoque chez certains une forte réaction : un premier employé trouve particulier que le diagnostic ait été réalisé seulement à la DDSIA, mais que les recommandations visent tout le SA. Une autre pleure, d’autres veulent revoir le diagnostic de juillet parce qu’ils ne le retrouvent plus dans les recommandations. Ces réactions non prévisibles font qu’on est dépassé par les événements.
[227] La procureure dit oser croire que la mise à l’écart de Mme Paquette n’a pas été décidée parce qu’elle ne s’était pas assise au bon endroit. D’autant plus que Mme Normand a reconnu, en contre-interrogatoire, que Mme Paquette n’ait pas été située près de Mme Ferembach n’avait pas eu d’impact.
[228] Bien que ce soit les employés qui réagissent, c’est Mme Paquette qui va en payer le prix : on a des reproches à lui faire, mais on ne lui en parle pas tout de suite. Selon la procureure, dès ce moment-là, le processus disciplinaire avait débuté, sans même que l’enjeu de confiance n’ait été énoncé.
[229] Ce n’est qu’à la réunion du 23 septembre, qui doit porter sur le suivi à donner aux recommandations, que le vrai motif va se révéler, que l’enjeu de confiance va se jouer sur la base d’une seule question : « Est-ce que tu me fais confiance? ». Et Mme Paquette n’a pas donné la bonne réponse : « Je vais regarder ce que tu vas faire et après on va voir », de résumer la procureure.
[230] C’est à ce moment, suivant les notes (E-8) de Mme Normand, que Mme Ferembach a annoncé à Mme Paquette :
· Que son passage au SA se terminait à ce moment-là,
· Qu’elle devait demeurer chez elle, avec salaire,
· Que la DRH allait l’accompagner dans une recherche d’emploi,
· Qu’elle devait vider son bureau le soir-même,
· Et y laisser sa carte d’accès et son BlackBerry.
[231] Selon la procureure, un employeur « peut avoir dans son coffre à outils le droit de réaffecter quelqu’un, mais tout est dans la façon de le faire ». Ce qui s’est passé à ce moment-là n’avait pas été discuté avec les ressources humaines et Mme Normand n’en était pas davantage informée.
[232] Annoncer ainsi à Mme Paquette, la fin de son emploi au SA, ne peut se justifier. Il s’agit d’une décision abusive qui a porté atteinte à sa dignité. Le traitement qui lui a été servi est du type de celui réservé à une personne qui a commis une faute grave, qui a pu voler ou frauder.
[233] Aucune explication n’est donnée aux partenaires avec qui Mme Paquette transigeait. Quant au message transmis par Mme Ferembach au personnel de la DDSIA au lendemain du départ de leur directrice, c’est qu’elle n’a pas de sympathie et que ceux qui veulent partir sont libres de le faire. En mai, de souligner la procureure, on se préoccupait des départs et en septembre, on les encourage.
[234]
La procureure invoque l’article
Le premier prévoit que :
Toute personne qui travaille a droit, conformément à la loi, à des conditions de travail justes et raisonnables et qui respectent sa santé, sa sécurité et son intégrité physique.
Le second dispose que :
L’employeur, outre qu’il est tenu de permettre l’exécution de la prestation de travail convenue et de payer la rémunération fixée, doit prendre les mesures appropriées à la nature du travail, en vue de protéger la santé, la sécurité et la dignité du salarié.
[235] De ces dispositions, la procureure tire l’argument qu’en omettant d’informer correctement Mme Paquette de ce qu’on avait à lui reprocher, tout en lui faisant porter la responsabilité d’actes qui n’ont pas été prouvés et en mettant fin à son emploi au SA, de la façon et avec les conséquences qu’elle a décrites, le MSSS lui avait administré une mesure disciplinaire déguisée qui avait porté atteinte à sa réputation et l’avait privée de son droit de rétablir celle-ci en ayant l’occasion de se défendre.
[236] C’est dans cet esprit que Mme Paquette a déposé son appel, qu’elle demande à la Commission de l’accueillir et de lui accorder réparation. Au soutien de sa thèse, la procureure réfère à une dizaine de décisions. La Commission souligne les suivantes.
[237] Dans l’affaire Langlois c. Ministère de la Justice du Québec[4], la Cour suprême a décidé que la Commission avait compétence pour entendre un appel par lequel un fonctionnaire invoquait qu’une mesure disciplinaire déguisée lui avait été décernée sous le couvert d’une affectation ou d’une mutation.
[238] Citant des auteurs en matière de droit administratif, la Cour a retenu notamment ce qui suit :
b) Les mesures administratives qui sont commandées par un motif disciplinaire sans qu’aient été suivies les formes de la procédure disciplinaire, constituent des sanctions disciplinaires déguisées et sont annulées par la jurisprudence en raison de ce qu’elles éludent les garanties accordées aux fonctionnaires et constituent un détournement de procédure.[5]
[239] Et la Cour a conclu qu’elle ne pouvait « admettre que l’employeur puisse priver un fonctionnaire du droit d’appel en baptisant une sanction disciplinaire d’affectation ou de mutation ».[6]
[240] Dans une autre décision de la Cour suprême, l’affaire Barreau du Québec c. McCullock-Finney[7], on aborde la notion d’abus de droit :
[…] Cependant, l’insouciance grave implique un dérèglement fondamental des modalités de l’exercice du pouvoir, à tel point qu’on peut en déduire l’absence de bonne foi et présumer la mauvaise foi. L’acte, dans les modalités de son accomplissement, devient inexplicable et incompréhensible, au point qu’il puisse être considéré comme un véritable abus de pouvoir par rapport à ses fins.[8]
[241] La Cour d’appel s’est prononcée dans un sens similaire, dans l’affaire Syndicat de l’enseignement de la région de Québec c. Jean-Guy Ménard.[9]
[45] Les appelants invoquent, à bon droit, les
articles
[46] Le ministre de la Justice écrit, au sujet de l’article 6, qu’il a « indirectement pour effet d’empêcher que l’exercice d’un droit ne soit détourné de sa fin sociale intrinsèque et des normes morales généralement reconnues dans notre société » : Commentaires du ministre de la Justice, Tome 1, Publications du Québec, 1993, p.8.
[47] Il commente par ailleurs ainsi l’article 7 (idem) :
Cet article consacre la théorie de l’abus de droit reconnue tant par la doctrine que par la jurisprudence et en précise la portée. Comme l’article 6, il introduit au code une règle reposant sur le respect des principes de justice et de valeurs morales et sociales dans l’exercice des droits en indiquant les deux axes de l’abus de droit : l’intention de nuire ou l’acte excessif et déraisonnable.
[…]
(Soulignements de la Cour)
[242] La procureure conclut que la preuve a entièrement démontré le bien-fondé de l’appel de Mme Paquette. Elle demande à la Commission de l’accueillir, de déclarer qu’elle a été victime d’une mesure disciplinaire déguisée et de réserver sa compétence pour décider des mesures de réparation.
[243] Pour le procureur du MSSS, au regard de l’article 33 de la Loi sur la fonction publique[10] (ci-après la « Loi »), la Commission n’a pas la compétence juridique pour trancher le litige soulevé par l’appel de Mme Paquette, car la décision du MSSS de la relocaliser constitue une mesure administrative.
[244] Cet argument se comprend d’autant mieux que Mme Paquette a conservé son statut de cadre et sa rémunération, et ce, pour le même ministère, dans la même ville et n’est demeurée sans travail qu’une courte période de temps.
[245] Le litige n’en est pas un en matière disciplinaire ou même de rendement. Il se situe plutôt « en matière d’adhésion, d’engagement et de respect des décisions de l’employeur, dans le cadre des rôles et responsabilités de chacun ».
[246] L’appel de Mme Paquette semble suscité par un esprit de vengeance qui occulte des faits. Par exemple, dans la rédaction de son appel, elle met de l’emphase sur l’avis de convocation à la rencontre du 23 septembre, mentionnant que son objet était la mise en œuvre des recommandations. Mais en opposant cette indication à l’annonce faite au cours de cette réunion, elle oublie que la convocation avait été envoyée avant le 19 septembre. Elle omet ainsi de tenir compte qu’il s’était passé des événements qui ont amené Mme Ferembach à aborder un autre sujet que celui annoncé.
[247] Or, il est arrivé qu’une cadre a confronté sa supérieure en lui disant, sur un ton de défi, qu’elle n’avait pas confiance en elle et qu’elle la regarderait aller. On veut maintenant faire de Mme Paquette une victime, alors qu’il a été simplement convenu d’un désaccord important pour la survie du SA.
[248] Selon le procureur, le litige commande l’analyse par la Commission de deux décisions de Mme Ferembach : celle de faire réaliser un diagnostic par un consultant et celle de relocaliser Mme Paquette. La première n’est pas contestée, étant une décision d’opportunité qui appartenait à Mme Ferembach. Quant à la seconde, le MSSS suggère qu’elle est du même ordre : elle a été prise dans une perspective d’efficience et de bonne gestion de la DDSIA.
[249] La première décision est facilement justifiée. Il y avait des choses inexpliquées à la DDSIA : plusieurs départs, dont certains pour uniquement passer de cette direction à l’autre, alors que l’inverse n’était pas observé. Des autres départs, il en résultait des pertes d’expertise pour le SA.
[250] Quant à la seconde décision, bien des faits en démontrent la pertinence :
· Dès le départ, Mme Paquette a été réfractaire à la décision de Mme Ferembach. Celle-ci lui dit qu’une employée en détresse est venue la voir et Mme Paquette s’inquiète davantage des preuves détenues contre elle;
· Elle aurait voulu être consultée avant la commande du diagnostic, mais il ne s’agit pas d’une gestion par consensus; même que Mme Ferembach l’a rappelée pour la sécuriser et lui confier qu’elle aussi était déjà passée par un de ces moments difficiles. Si Mme Paquette n’était toujours pas d’accord, elle aurait pu quitter à ce moment-là;
· M. Boudreau veut l’inclure dans la présentation de la démarche et elle demande de ne pas indiquer qu’elle en a convenu avec Mme Ferembach;
· Elle soulève elle-même à celui-ci la question d’un bris de confiance;
· Il lui est offert de demeurer au-dessus de la mêlée dans l’étape des entrevues; elle choisit plutôt de se situer au même niveau que les employés et d’être rencontrée pour donner sa perception des choses;
· Sa présentation aux employés, le 15 mai, réalisée avec émotion et suivie de sanglots, se transforme en une opération de victimisation.
[251] Tous ces faits démontrent que Mme Paquette n’a jamais réellement adhéré à la démarche de diagnostic.
[252] Mme Paquette déplore que M. Boudreau n’ait pas rencontré les personnes qui ont quitté le SA, mais économiquement parlant, la décision de Mme Ferembach de lui demander de s’en tenir au personnel en poste se tenait.
[253] On veut reprocher également à Mme Ferembach de ne pas avoir étendu le diagnostic aux deux directions. Mais c’était à la DDSIA que les problèmes se posaient et le compte-rendu des entrevues est venu en faire état.
[254] Pour le procureur, il est à retenir que le contenu du diagnostic (E-13), la pièce la plus importante selon lui, ne vient pas de Mme Ferembach, mais des employés de la DDSIA. Il y est mentionné entre autres :
· On se sent en mode d’improvisation;
· On remet en question le leadership; l’organisation est déficiente et elle est combinée avec une tension ressentie entre les deux directions;
· On reproche son peu de disponibilité à Mme Paquette, d’avoir abandonné en grande partie les rencontres statutaires avec les professionnels;
· En même temps, on mentionne qu’elle est présente par ailleurs à des rencontres auxquelles elle n’aurait pas besoin d’assister;
· Il y aurait eu manque d’orientation et d’encadrement de sa part, associé à une attribution de charges de travail inégales entre les employés;
· On déplore la faible autonomie laissée aux professionnels, alors qu’on peut parfois se mettre à trois pour préparer une lettre.
[255] Devant un tel constat de turbulence, c’était le temps de se regrouper au sein de l’équipe de direction, non de se diviser. Mme Paquette prend connaissance de cette partie du rapport. Elle aurait aimé en avoir une copie, mais elle pouvait prendre tout son temps pour la lire et elle n’a pris qu’une vingtaine de minutes pour la consulter.
[256] De l’avis du procureur, les craintes de Mme Paquette, quant à l’effet que le rapport pouvait avoir sur l’avenir de sa carrière, « ont été prépondérantes sur l’urgence de corriger le tir au sein de sa direction ».
[257] À la rencontre des employés du 19 septembre, l’intérêt supérieur du SA s’est entrechoqué avec les craintes personnelles de Mme Paquette relatives à sa carrière et à son emploi. On vient présenter les recommandations pour corriger des choses et c’est plutôt sa garde rapprochée qui va tirer sur Mme Ferembach pendant que Mme Paquette demeure inactive. Dans son absence d’intervention, M. Boudreau voit correctement un manque de solidarité.
[258] Malgré cet élément additionnel au comportement observé lors de la réunion précédente avec le personnel, Mme Ferembach ne rabroue pas Mme Paquette, mais demande plutôt conseil aux ressources humaines. On lui indique qu’on peut relocaliser une personne, sans perte de droits, lorsqu’il y a un défaut d’adhésion, une perte de confiance. De façon imagée, le procureur constate qu’il lui a été suggéré de « sonder son cœur et ses reins » une dernière fois, ultime démarche qui s’est soldée par une attitude de défi de la part de Mme Paquette, ce qui a entraîné sa relocalisation, la meilleure mesure à appliquer dans les circonstances, une mesure administrative.
[259] Cette décision n’a pas été prise sur un coup de tête : Mme Ferembach a consulté et on lui a dit d’aborder avec Mme Paquette la question de la confiance. Si celle-ci adhérait enfin à la démarche, elles pourraient aller de l’avant. Or, il est patent que Mme Paquette a plutôt initié la fin qui lui a été réservée.
[260] Ce qui s’est passé ensuite ne devrait pas teinter la décision de la Commission, selon le procureur. Relativement aux éléments comme le retrait du téléphone portable et de la carte d’accès au bureau, il s’agit d’effets de la décision et ce n’est pas ce qui est demandé à la Commission d’analyser. En invoquant que Mme Paquette a été escortée jusqu’à la porte ou qu’elle a été requise de quitter le bureau sur le champ, on tente d’influencer le tribunal en ajoutant de la couleur au dossier, mais ce n’est pas ce qui importe.
[261] Il est davantage fondamental de se rappeler deux des principes en droit du travail inscrits au CcQ :
2085. Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s’oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d’une autre personne, l’employeur.
2088. Le salarié, outre qu’il est tenu d’exécuter son travail avec prudence et diligence, doit agir avec loyauté et ne pas faire usage de l’information à caractère confidentiel qu’il obtient dans l’exécution ou à l’occasion de son travail.
[262] Le premier signifie qu’en travaillant sous la direction et le contrôle de Mme Ferembach, Mme Paquette pouvait discuter, à porte close, de toute question. Mais, illustrant l’attitude différente à adopter devant une décision, le procureur rappelle l’adage que le choix est alors « de se commettre ou de se démettre ».
[263] Le second principe, relatif à la loyauté attendue d’un salarié à l’égard de son employeur, impliquait que, face à une décision de Mme Ferembach, Mme Paquette était tenue d’être solidaire avec sa supérieure devant ses employés. Lorsqu’une personne dit à sa supérieure qu’elle n’a pas confiance en elle et qu’elle va la regarder aller, elle commet alors un affront à son autorité, c’est un manque de respect flagrant.
[264] Qu’est-ce que Mme Ferembach pouvait faire, de se demander le procureur : prendre une mesure disciplinaire et lui faire perdre la face devant son équipe? Le mieux était de lui dire qu’elle serait relocalisée.
[265] Au plan du droit, le procureur réfère la Commission aux distinctions d’un groupe d’auteurs, entre une mesure disciplinaire et une autre administrative.
1.007 […] Ainsi, la mesure disciplinaire a un but répressif puisqu’elle vise à punir le salarié mais aussi à l’inciter à amender sa conduite pour la rendre compatible avec la poursuite des activités de l’employeur. La sanction disciplinaire a également un certain caractère d’exemplarité au sein de l’organisation. Par conséquent, la mesure disciplinaire met en cause le caractère volontaire du comportement reproché au salarié.
Cependant, même si à la base de la mesure patronale il s’agit du comportement volontaire du salarié, la mesure peut tout de même constituer une mesure administrative en raison du comportement et des décisions des parties impliquées […].
1.008 La mesure non disciplinaire à la suite d’un manquement involontaire du salarié résulte des pouvoirs généraux de gestion de l’employeur et vise à restaurer l’efficacité et l’efficience au sein de l’organisation de l’employeur […]. [11]
[266] Comment retenir que le MSSS a pris une mesure disciplinaire en décidant de relocaliser Mme Paquette? Cela équivaudrait à la punir parce qu’elle n’avait plus confiance en Mme Ferembach. De plus, comment aurait-elle pu écrire la lettre de félicitations pour signature du ministre, en sachant qu’elle allait retirer son emploi sous peu à sa directrice? Dans les deux cas, cela n’a pas de sens.
[267] La relocalisation de Mme Paquette est plutôt l’expression, comme le précisent les auteurs, d’une volonté, exprimée en comité de gestion patronal du SA, de « restaurer l’efficacité et l’efficience » de son organisation. Le procureur du MSSS renvoie la Commission à trois de ses décisions dans lesquelles une allégation de mesure disciplinaire avait été rejetée.
[268] Dans l’affaire Bérubé[12], la plaignante avait été replacée dans un autre emploi dans la même ville, et ce, en raison de relations difficiles entre elle et une collègue. Dans ces circonstances-là, la Commission a été d’avis que des raisons d’efficience, dans la gestion de l’établissement de détention où elles travaillaient, avaient correctement dicté le choix de l’employeur. Selon le procureur du MSSS, il s’agit d’une situation très semblable à celle sous étude.
[269] Dans la décision Caron[13], l’exposé des faits avait convaincu la Commission qu’il ne pouvait pas s’agir d’une mesure disciplinaire car de toute façon le comportement du plaignant apparaissait impossible à corriger de cette manière. À l’instar de ce raisonnement, le procureur du MSSS soutient que la relocalisation de Mme Paquette ait été une mesure disciplinaire est difficile à concevoir : cela ne l’aurait pas inscrite dans le climat de confiance recherché.
[270] Enfin, dans l’affaire Chevrier[14], une réorganisation administrative était venue priver la plaignante de son emploi de cadre, classe 2, pour lequel elle gérait environ 175 personnes et un budget de 60 millions $. Le nouveau poste ne plaçait plus que 90 personnes sous sa direction, avec un budget réduit des deux tiers. Selon la Commission, la preuve n’avait pas permis d’établir que la création de la nouvelle direction qui lui avait été confiée avait visé à la punir.
[271] En conclusion, le procureur du MSSS évoque l’intérêt supérieur de l’État, qu’il fallait que le SA poursuive ses activités dans un climat de confiance. Mme Paquette n’a pas pris l’ultime chance de le rétablir et d’adhérer à ce qui lui était proposé. La preuve a démontré que la décision de relocaliser Mme Paquette était celle qu’il fallait prendre. Il s’est agi d’une mesure administrative qui échappe à la compétence de la Commission et celle-ci doit rejeter l’appel.
Le droit applicable
[272]
Cet appel est porté devant la Commission en vertu de l’article
33. À moins qu’une convention collective de travail n’attribue en ces matières une compétence à une autre instance, un fonctionnaire peut interjeter appel devant la Commission de la fonction publique de la décision l’informant :
1° de son classement lors de son intégration à une classe d’emploi nouvelle ou modifiée;
2° de sa rétrogradation;
3° de son congédiement;
4° d’une mesure disciplinaire;
5° qu’il est relevé provisoirement de ses fonctions.
[…]
[273] Une mesure disciplinaire relève du Règlement, dont l’article 18 prévoit qu’elle « peut consister en une réprimande, une suspension ou un congédiement selon la nature de la gravité de la faute qu’elle vise à réprimer ». Et l’article qui suit dispose que la « mesure disciplinaire doit être communiquée par écrit au fonctionnaire concerné ».
[274] En matière disciplinaire, il revient à l’employeur de démontrer la justesse de sa décision. Mais en l’absence d’une mesure disciplinaire formelle, c’est à Mme Paquette que revient le fardeau de prouver la nature disciplinaire des gestes reprochés et qui auraient été déguisés, dissimulés dans l’attribution de sa nouvelle affectation. Pour y réussir, elle doit démontrer, suivant l’ensemble de la preuve, qu’il est plus probable qu’improbable qu’il en ait été ainsi.
[275] Par ailleurs, la relocalisation est en fait une nouvelle affectation, soit un des modes de dotation des emplois que la Directive concernant la classification et la gestion des emplois de cadres et de leurs titulaires[15] définit ainsi :
31. […]
1° l’affectation
L’affectation permet de pourvoir à un emploi vacant d’un ministère ou d’un organisme par un cadre qui appartient à ce ministère ou cet organisme et dont la classe d’emplois est la même que celle de l’emploi à pourvoir.
[276] Enfin, il faut retenir que la dotation des emplois de cadre est une responsabilité du sous-ministre, selon l’article 28 de la même directive. Cette responsabilité est exercée dans le cadre de la structure hiérarchique, d’où il faut comprendre qu’une affectation d’un cadre inférieur peut découler d’une recommandation de ses supérieurs au sous-ministre en titre.
La double question en litige
[277] Dans la rédaction de son appel, Mme Paquette mentionne que la décision de l’évincer de ses fonctions au SA a constitué une mesure disciplinaire déguisée. Mais elle écrit aussi que la façon dont elle a été traitée lorsqu’on le lui a annoncé a porté atteinte notamment à sa réputation et à son statut. La Commission considère que son appel comporte deux volets : celui de l’affecter à un autre emploi qu’au SA et celui concernant la manière de le lui faire savoir.
[278] Pour le MSSS, le second volet, circonscrit ci-haut par la Commission, ne devrait pas faire partie de sa décision parce que les événements auxquels il réfère ne seraient que des conséquences de la question principale, la décision de relocaliser Mme Paquette. La Commission ne partage pas ce point de vue.
[279] L’ensemble des faits se rapportent qu’à un seul sujet, le changement d’affectation de Mme Paquette. Si on ne peut pas séparer le nœud d’un problème de ses origines, ses conclusions ne peuvent en être davantage disjointes. Si la nouvelle affectation de Mme Paquette s’est située dans un continuum, on ne peut oblitérer de celui-ci aucune phase de sa réalisation : ce qui a précédé la décision de l’affecter ailleurs et ce qui s’est passé tant et aussi longtemps que cette nouvelle affectation n’a pu être réalisée.
[280] C’est pourquoi l’analyse du litige va reprendre les arguments des parties relativement à la portée non seulement des gestes posés par les principaux acteurs quant à la qualification de la mesure prise à l’égard de Mme Paquette et qui se sont situés jusqu’à ce qu’on lui annonce son départ de la DDSIA, mais encore ce qui est survenu de façon concomitante à la transmission de cet avis et ce qui a suivi jusqu’au 21 octobre 2013, au moment où elle a été affectée à un nouvel emploi. Cette approche en deux temps va permettre de répondre aux deux volets de l’appel de Mme Paquette circonscrits par la Commission.
La décision d’affecter Mme Paquette à un nouvel emploi ailleurs qu’au SA
[281] L’enjeu de confiance est le trait principal de la décision qui a mené à la relocalisation de Mme Paquette et la trame de cette décision s’est tissée en gros depuis mai jusqu’au 23 septembre 2013. Avant mai, l’importance de ce facteur n’était pas à la connaissance de Mme Paquette, en preuve son aveu à M. Boudreau, début mai, qu’elle croyait que les accrochages qu’elle avait pu avoir avec Mme Ferembach étaient choses du passé et que tout allait bien. C’est dans cet esprit qu’elle soulève à ce moment-là, selon la Commission, la confiance qu’elle croyait rétablie entre elle et sa supérieure.
[282] La preuve a démontré que Mme Paquette était une personne qui ne dissimule pas le fond de sa pensée. C’est la même chose pour ses émotions, comme son témoignage à l’audience en a été également empreint. Pour elle, c’est une marque d’authenticité. Pour d’autres, ce trait de caractère peut être interprété différemment.
[283] En mai 2013, Mme Ferembach avait accumulé peu d’observations négatives à l’égard de Mme Paquette, si ce n’est que des problèmes avaient été soulevés l’été d’avant.
[284] C’est lorsqu’une personne va se confier à elle pour se plaindre du traitement que Mme Paquette lui réserve que naissent ses inquiétudes. À ce questionnement se juxtapose une préoccupation relative au roulement du personnel de la DDSIA, qui par ailleurs n’était pas un phénomène nouveau : la preuve a démontré qu’il y avait déjà des postes vacants lorsque Mme Ferembach est arrivée au SA, notamment ceux qu’elle a rapatriés de Montréal à Québec. Sont aussi devenus vacants celui du directeur de la DDSIA qui a quitté peu après qu’elle fut arrivée, et le même poste délaissé une seconde fois par un premier remplaçant issu des rangs du SA et qui est retourné après quelques mois à des fonctions de professionnel. Sans compter que d’autres postes se sont également libérés dans l’autre direction, dont un après que l’on se soit rendu compte que son occupant ne faisait pas l’affaire.
[285] Toutefois, dans l’équipe de Mme Paquette, le nombre de départs, toutes causes confondues, était plus grand et pouvait susciter des interrogations chez sa supérieure immédiate.
[286] Mme Ferembach mentionne aussi, comme élément à l’origine du diagnostic, les récriminations de l’été 2012 des employés de la DDSIA, auxquelles il n’avait pas été apporté de suivi approprié. À ce sujet, Mme Paquette répond que la question devait être discutée lors de la rencontre de son équipe du 10 avril 2013, à laquelle Mme Ferembach a participé. Ce que la preuve a révélé, c’est que celle-ci a plutôt parlé de la vision en général qu’il était demandé au SA de définir, un sujet qui semble l’avoir préoccupé passablement, comme elle en a fait état plus d’une fois au cours de son témoignage. Il demeure que la « période d’échange », inscrite au point 2 de l’ordre du jour (A-10) prévoyant la participation de Mme Ferembach, à cette partie de la rencontre, aurait pu être l’occasion de s’enquérir des sentiments de l’équipe par rapport aux problèmes qui avaient été soulevés, s’ils revêtaient toujours de l’inquiétude pour elle. Mais ce ne devait pas peser lourd dans la balance puisque lorsqu’elle se rendait dans le secteur de son équipe tout avait l’air correct et les gens semblaient à l’aise.
[287] Lorsqu’elle décide de faire faire un diagnostic organisationnel de la DDSIA, Mme Ferembach est parfaitement dans son droit et n’est pas tenue de consulter sa directrice. Ce qui n’empêche pas Mme Paquette de mal prendre la chose, alors qu’elle s’imagine que tout va bien avec sa supérieure.
[288] L’annonce abrupte du diagnostic à Mme Paquette et celle de sa rencontre du consultant, dès le lendemain-midi, était de nature à susciter des interrogations chez celle-ci. Il ne faut pas se surprendre qu’elle suspecte s’être passé quelque chose d’important pour que tout à coup survienne une enquête sur sa gestion. En ce sens, la Commission a de la difficulté à convenir que sa réaction épidermique à se voir associer à l’entreprise du diagnostic soit le signe d’une dissociation de sa part de l’objectif poursuivi.
[289] Que M. Boudreau ait pris ombrage de sa demande relative à son projet de présentation, préparé de bonne foi, peut se comprendre. Mais s’il a senti, comme il en a témoigné, que malgré tout elle était d’accord pour embarquer dans la démarche, la Commission ne comprend pas qu’il lui ait reproché aussi souvent par la suite sa première réaction. D’autant plus qu’elle avait démontré sa volonté de collaborer dans son message à son équipe, bien que celui-ci ait été transmis avec des émotions dont ses employés qui la connaissaient bien ne devaient pas, eux, se surprendre. Sa collaboration était manifeste puisqu’elle lui avait aussi présenté chacun de ses employés et lui avait expliqué leurs tâches et leurs rôles dans l’organisation.
[290] De la séance de compte-rendu critique de la première rencontre avec le personnel de la DDSIA, la Commission retient deux éléments : le refus de Mme Ferembach d’étendre la portée du diagnostic à l’ensemble du SA et la remarque qu’elle a faite à Mme Paquette que cela n’irait pas bien si elle se positionnait en victime. Comme c’est M. Boudreau qui avait laissé entendre au personnel, le 15 mai, qu’on allait réfléchir à leur préoccupation par rapport à la portée de l’exercice envisagé, la Commission comprend mal pourquoi il sera surprenant que des employés reviennent sur le sujet à la rencontre du 19 septembre, que ce soit quelqu’un de la « garde rapprochée » de Mme Paquette ou une autre personne. Par ailleurs, la suggestion qui lui est faite qu’elle se serait présentée comme une victime, qui n’a pas été contredite, apparaît bien tôt dans le cheminement du projet. Elle pouvait, dans le contexte, ajouter à la perplexité de Mme Paquette par rapport à sa crainte que le diagnostic, comme elle l’avait dit à M. Boudreau, visait à la « tasser ».
[291] Mais le malaise avec lequel Mme Ferembach était ressortie de la même rencontre pouvait aussi porter celle-ci à croire que sa directrice aurait pu intervenir davantage qu’en se contentant, à peu de choses près, de lire un message. Son malaise a pu également être nourri par la demande de Mme Paquette à M. Tremblay pour que la DRH suive le diagnostic de près. Cette prudence de l’une pouvait alimenter une méfiance chez l’autre.
[292] M. Boudreau dit avoir été mal à l’aise que Mme Paquette se place au niveau de ses employés et se prête à une entrevue. La Commission peut comprendre que ce n’est pas coutume, mais elle ne voit pas en quoi cela devait miner sa crédibilité, d’autant plus qu’elle a reconnu qu’elle n’avait rien à redire au sujet de son entrevue. Sa propension à dire vivement ce qui l’indispose porte à croire que si elle avait été en désaccord avec cette partie de l’exercice de diagnostic, elle l’aurait critiquée ouvertement.
[293] En rapport avec le fait que Mme Paquette a transmis des demandes de son équipe à Mme Ferembach, quant aux suites à donner aux entrevues, le MSSS soutiendra en plaidoirie que Mme Paquette s’était manifestée, par son courriel, un peu comme une représentante syndicale. Elle aurait dû plutôt tenter de calmer le jeu à la place de mousser les revendications de son équipe. La Commission estime que la démarche, qui sous-tend l’intention prêtée à Mme Paquette, peut également être interprétée comme une volonté d’informer sa supérieure des préoccupations de son personnel pour qu’on leur apporte une réponse appropriée.
[294] C’est dans le même sens de supporter le diagnostic que la Commission estime que Mme Paquette a confié à Mme Ferembach et M. Tremblay que des employés lui avaient dit trouver surprenant que M. Boudreau ait mentionné à certains ce qu’il avait pu entendre à l’occasion d’autres entrevues. En rapportant ce fait à Mme Ferembach et M. Tremblay, avec qui il a été décidé que toute question à cet égard devait être référée directement à M. Boudreau, la Commission est d’avis que Mme Paquette a démontré un intérêt à ce que les craintes de ses employés soient éteintes et que le processus se poursuive sans heurt.
[295] Par ailleurs, la Commission est d’avis que de ne pas remettre à Mme Paquette, au début de juillet, copie du document synthèse des entrevues, était de nature à attiser sa conviction qu’on ne lui faisait plus confiance. La crainte que des employés en prennent connaissance trop tôt ne pouvait pas être grande puisque ce rapport d’étape devait leur être présenté de toute façon dans les jours qui suivaient.
[296] La Commission trouve ainsi qu’il n’est pas étonnant que Mme Paquette ait réagi fortement, le 18 septembre, en prenant connaissance de la recommandation qui suggérait une nouvelle réorganisation du SA, et ce, en rappelant à M. Boudreau que la crainte de voir ses tâches réduites, dont elle lui avait parlé en mai, était pour se matérialiser.
[297] Peu de temps auparavant, à la fin d’août, c’était Mme Ferembach qui avait trouvé dérangeant l’insistance avec laquelle Mme Paquette demandait que les postes vacants à la DDSIA soient pourvus. D’une part, ce n’était pas opportun de procéder avant de savoir comment les autorités supérieures du MSSS allaient accueillir les propositions quant à la vision à retenir pour le SA. D’autre part, ce ne l’était pas davantage tant que la mise en œuvre des recommandations issues du diagnostic n’aurait pas débuté. Le report de pourvoir ces postes pouvait ennuyer Mme Paquette, mais les motifs d’agir de Mme Ferembach sont compréhensibles.
[298] De toute son analyse des événements survenus depuis mai jusqu’au 19 septembre 2013, la Commission déduit que la confiance n’était plus tellement présente entre la sous-ministre adjointe du SA et sa directrice de la DDSIA. Ce jour-là, cet état de fait s’est seulement accentué pour Mme Ferembach qui est ressortie de la rencontre avec la conviction que Mme Paquette avait omis de se conduire selon ce que ses responsabilités de cadre devaient lui prescrire de faire, à savoir contrôler les émotions, cette fois, de sa troupe.
[299] À la même époque, Mme Paquette avait accumulé plusieurs frustrations de nature à l’amener à croire que sa situation au SA était sinon précaire, du moins inconfortable. Mais, dans le même temps, les félicitations, datées du même jour, qu’elle va recevoir à la suite du colloque international, cette reconnaissance de son apport, pouvaient lui faire croire que les choses allaient s’arranger. L’impact chez elle de la lettre du ministre n’est pas à minimiser; le corps de la lettre pouvait être un message de circonstance destiné aussi à plusieurs autres personnes, mais le commentaire manuscrit qui y avait été ajouté était une marque personnelle d’encouragement.
[300] La Commission retient que l’interprétation de mêmes événements par Mmes Paquette et Ferembach, entre mai et septembre 2013, a été tout à l’opposé pour l’une et l’autre et a pu contribuer à émousser la confiance réciproque qu’elles ont dit avoir recherchée.
[301] Mais de l’ensemble de la preuve de ce qui s’est passé jusqu’au 19 septembre 2013, la Commission ne peut conclure qu’il était déjà décidé que Mme Paquette allait être affectée à un autre emploi. Elle ne peut donc pas conclure qu’à la même date le MSSS voulait punir Mme Paquette en la déplaçant d’emploi.
La mesure disciplinaire déguisée du 23 septembre 2013
[302] Mais le 23 du même mois, la donne a changé. Mme Ferembach a validé l’option d’une nouvelle affectation en consultant M. Tremblay et un représentant du sous-ministre adjoint responsable du personnel, lors d’une réunion préparatoire à la rencontre avec Mme Paquette, réunion à laquelle a participé également Mme Normand.
[303] De la preuve reçue, cette dernière est le témoin le plus objectif des événements de ce jour-là. À son souvenir, cette réunion a permis d’informer le représentant du sous-ministre adjoint des difficultés rencontrées avec Mme Paquette et qu’on s’entendait pour vérifier l’état de confiance qui subsistait entre elle et Mme Ferembach. Mais on n’avait pas fait part à ce représentant de la façon dont on s’attendait d’aviser Mme Paquette de ce qui l’attendait, si les marques de confiance qu’on souhaitait ne se manifestaient pas.
[304] La Commission est d’avis que les événements survenus le 23 septembre 2013, comportent suffisamment d’éléments pour conclure que la rencontre, à laquelle Mme Paquette a été conviée en fin d’après-midi ce jour-là, a été l’occasion de lui administrer une mesure disciplinaire déguisée, de la nature d’une réprimande, servie à l’occasion de l’annonce qu’elle allait être affectée à un nouvel emploi. Pour en arriver à cette conclusion, la Commission retient les facteurs suivants.
[305] Tout au long de son témoignage, Mme Ferembach a ponctué ses réponses de références à des consultations de la DRH qui précédaient les décisions qu’elle prenait par rapport à Mme Paquette. À au moins huit reprises, elle les a justifiées de cette manière, alors que pour la plus importante, celle qui devait mettre un point final à sa relation de bureau avec sa directrice, elle ne s’est pas enquise de la manière qui serait la plus appropriée de procéder.
[306] La Commission ne comprend pas que la prudence habituelle aussi marquée ait laissé place à une attitude incompatible avec ce qui aurait dû être une mesure administrative.
[307] L’analyse par la Commission des faits mis en preuve et son interprétation des gestes posés à l’endroit de Mme Paquette mènent à conclure que l’annonce qu’elle était déplacée de son poste et qu’elle devait quitter son emploi sur le champ, telle qu’elle lui a été présentée, comportait quelque chose de malvenu dans la façon d’exécuter l’intention première du ministère qui devait être simplement de l’affecter à d’autres fonctions.
[308] Le droit d’affecter des cadres selon les besoins du service est total, mais les cadres ne sont pas des pièces qu’on peut déplacer sans aucun ménagement ou sans explications fournies de manière raisonnable. La façon de le faire ne doit pas laisser place à des actions comportant des aspects jusqu’à un certain point infamants, susceptibles de laisser croire, à la principale intéressée ou aux personnes témoins ou informées de ce qui lui arrive, qu’elle a dû poser des gestes condamnables, à « blâmer avec rigueur » comme nous dit le dictionnaire.[16]
[309] Cela a été malheureusement le cas dans cette affaire.
[310] Mme Normand a constaté que la réponse de Mme Paquette à la question, on ne peut plus directe de Mme Ferembach a été lapidaire, dans un accent de colère d’une personne qui n’avait pas vu venir ce qui lui était réservé. Mais ceci n’explique pas cela.
[311] Pourquoi Mme Paquette devait-elle quitter le SA sur le champ, vider son bureau le soir-même, remettre son téléphone et sa carte d’accès avant de quitter la place, sans avoir l’occasion de rencontrer son personnel ou d’annuler ses rendez-vous des prochains jours? Il n’était pas nécessaire que le déplacement des affaires personnelles de Mme Paquette, sur une chaise à roulettes, soit constaté par plus d’une ou quelques personnes pour que la première intéressée se sente atteinte dans sa dignité par la manière qu’elle était tenue de quitter les lieux. Ce qui a été le cas.
[312] Même si l’on voulait croire que la sanction de Mme Ferembach n’était que le reflet d’une émotion négative à la suite de la réponse de Mme Paquette, la question qui suit serait pourquoi, alors qu’elle devait avoir repris son sang-froid, a-t-elle maintenu sa décision de procéder comme elle l’avait dit lorsque Mme Normand, la représentante de la DRH, consternée par la tournure des événements, lui suggérait d’au moins reporter à plus tard le déménagement des affaires personnelles. Les raisons évoquées par Mme Ferembach à ce sujet sont fuyantes et la Commission ne les retient pas.
[313] Mme Normand a eu la réaction d’une personne raisonnable dans les circonstances. Mais le maintien de sa position initiale par Mme Ferembach, quant à la façon d’appliquer son annonce de la nouvelle affectation est venu confirmer que des reproches sévères y étaient associés et qu’ils devaient être ressentis comme tel par la principale intéressée.
[314] La Commission est d’avis que la nouvelle affectation de Mme Paquette a constitué, dans la forme que son annonce a prise, un exemple que le SA a voulu donner de la détermination avec laquelle on allait dorénavant mener la barque, pour reprendre l’exemple du capitaine, choisi par Mme Ferembach pour illustrer ce qui l’animait. L’avis ferme livré peu après aux employés de la DDSIA de tenir les rangs serrés ou de quitter l’a confirmé : ce qui avait été le lot de Mme Paquette était une forme d’avertissement pour les autres.
[315] De la jurisprudence soumise par les parties, la Commission commente certains enseignements.
[316] Dans l’affaire Bérubé, rappelée par le MSSS, le changement de poste de la plaignante n’avait pas été réalisé dans un contexte semblable à celui-ci. La plaignante ne voulait pas du déménagement retenu parmi plusieurs hypothèses d’affectation proposées par le ministère de la Sécurité publique.[17]
[317]
La décision Caron a été soumise quant à elle pour démontrer que
la nouvelle affectation de Mme Paquette ne pouvait pas constituer
une mesure disciplinaire puisqu’il était difficile de s’imaginer que tenter de
la punir allait améliorer le climat de confiance qu’on voulait rétablir. La
Commission pourrait être d’accord avec cette proposition, mais ce n’est pas la
question à trancher. Il ne s’agit pas de déterminer si la nouvelle affectation
était appropriée ou pas, la Commission n’ayant pas compétence pour s’immiscer
dans le choix d’une mesure administrative, suivant l’article
[318] Enfin dans le cas Chevrier, il n’était pas question de situations conflictuelles, mais d’une seule décision d’affaires qui avait commandé la réorganisation majeure des responsabilités de la plaignante, ce qui le rend peu pertinent à la résolution de cette affaire-ci.
[319] Des décisions soumises par Mme Paquette, la Commission retient, de l’affaire Langlois, que la Cour suprême donnait aussi autorité aux propos d’un auteur sur le rôle du décideur dans les circonstances où est invoquée une mesure disciplinaire déguisée :
929.- À la vérité, c’est le juge qui apprécie au vu des pièces du dossier l’existence ou l’absence d’intention disciplinaire dans la mesure qui est critiquée.[18]
[320] De la décision Legros rendue par la Cour d’appel, la Commission retient qu’elle admet l’application de la théorie de l’abus de droit en matière de relations de travail. De l’extrait des Commentaires du ministre de la Justice[19] qu’elle reprend à son compte, soulignons le passage où il est affirmé ce qui constitue « les deux axes de l’abus de droit : l’intention de nuire ou l’acte excessif et déraisonnable ».
[321] Dans ce cas-ci, ce qui a entouré l’administration de ce qui devait être une simple mesure administrative a constitué globalement un acte excessif et déraisonnable.
[322] Le MSSS considère que ce qui s’est produit à l’occasion de l’annonce à Mme Paquette qu’elle allait être affectée à un nouvel emploi, ne devait pas entrer dans le prisme de la décision de la Commission, car cela ne faisait pas partie de ce qui lui était demandé d’analyser. La Commission n’est pas d’accord. Des trois paragraphes de l’appel qui décrivent les faits reprochés, un s’en prend à la nouvelle affectation, soit lorsque Mme Paquette dit qu’elle a été évincée de ses fonctions. Mais les deux paragraphes suivants dénoncent les conditions dans lesquelles cette annonce lui a été faite.
[323] Mme Paquette ne conteste pas le droit du MSSS d’affecter un cadre à un emploi différent, mais bien davantage la façon dont on l’a déplacée de son poste.
[324] La Commission fait aussi un parallèle entre ce dossier et l’affaire Standard Broadcasting Corporation Limited[20] dans laquelle la Cour d’appel avait traité d’une compensation demandée pour abus de droit, et ce, dans le contexte d’une action en dommages à la suite du congédiement d’un cadre supérieur dans une entreprise du secteur de la radio.
[325] La Cour rappelait, comme l’avait établi la Cour suprême dans l’arrêt Soucisse c. Banque Nationale[21], que la « théorie de l’abus de droit en matières contractuelles fait désormais partie à la fois du droit jurisprudentiel […] et désormais de notre droit législatif (art. 6, 7 et 1375 Cc. En matière de contrat de travail, l’article 2092 [sur le congédiement] la reconnaît aussi explicitement). Elle ne sanctionne plus seulement […] l’acte intentionnel ou de mauvaise foi, mais aussi « […] l’exercice déraisonnable du droit […] » ».[22]
[326] La Cour d’appel précise : « Congédier n’est pas une faute, congédier de façon humiliante, dégradante, blessante ou mortifiante, peut l’être! ».[23]
[327] La Cour ajoute plus loin qu’il y a abus de droit lorsque l’employeur est de mauvaise foi, mais aussi lorsqu’il « place volontairement ou par négligence l’employé « dans une situation humiliante ou embarrassante ….» ».[24]
[328] La Commission est d’avis que ces principes relatifs à la théorie de l’abus de droit en matière de congédiement peuvent trouver application également dans les cas où une personne perd son emploi par une nouvelle affectation.
[329] Pour paraphraser la Cour suprême dans l’affaire Barreau du Québec, les modalités d’accomplissement de l’annonce de la nouvelle affectation à Mme Paquette sont inexplicables et incompréhensibles, au point qu’elles peuvent être considérées comme un véritable abus de pouvoir par rapport à leurs fins.
[330] De plus, la Commission considère que Mme Paquette a repoussé le fardeau de la preuve qui lui revenait : elle a démontré que les conditions dans lesquelles elle a été placée, lors de l’annonce qu’elle serait affectée ailleurs, dépassaient largement le seuil du raisonnable, signifiaient des reproches et visaient à la punir. D’où la conclusion de la Commission qu’il s’est agi d’une mesure disciplinaire déguisée, qui doit être annulée pour la forme puisqu’aucune pièce en témoignant n’a, il va de soi, été versée dans son dossier d’employée.
[331] Par ailleurs, relativement aux suites de cette conclusion, la Commission retient aussi de la décision de la Cour d’appel dans l’affaire Standard Broadcasting, qu’elle y précise, en citant un autre de ses arrêts[25], que tout préjudice résultant d’un congédiement n’est pas indemnisable, car une telle mesure provoque des effets traumatisant, inquiétude, anxiété, stress, qui découle de la mesure elle-même, « nécessairement de l’exercice d’un droit ». Pour être indemnisé, un préjudice doit être « la conséquence d’un acte fautif de l’employeur et non l’effet courant et ordinaire du congédiement lui-même ».[26]
[332] Toutefois, il ne convient pas de pousser plus loin immédiatement l’analyse de la portée des différents gestes posés à l’endroit de Mme Paquette pour déterminer l’ampleur du préjudice qu’elle estime avoir subi. La Commission n’oublie pas, par exemple, l’attention qui a été portée, postérieurement au 23 septembre, au règlement de la situation difficile vécue par Mme Paquette. Cela est du domaine de l’évaluation du préjudice sur laquelle les parties présenteront leur position respective au moment des suites, le cas échéant, à donner à cette affaire. Il suffit pour l’instant de constater qu’une mesure disciplinaire déguisée a été administrée à Mme Paquette, tel qu’exposé précédemment.
POUR CES MOTIFS, la Commission:
· ACCUEILLE EN PARTIE l’appel de Mme Élise Paquette;
· DÉCIDE que l’affectation, par le Ministère de la Santé et des Services sociaux, de Mme Paquette à un nouvel emploi au ministère n’a pas été en soi une mesure disciplinaire déguisée;
· DÉCIDE que la façon dont le MSSS a retiré Mme Paquette de son emploi de directrice au Secrétariat aux aînés constitue une mesure disciplinaire déguisée, de la nature d’une réprimande administrée de façon non conforme au droit applicable;
· ANNULE cette mesure disciplinaire déguisée;
· RÉSERVE SA COMPÉTENCE pour entendre les parties sur l’étendue des préjudices allégués dans l’appel de Mme Paquette et sur les mesures de réparation à établir, le cas échéant.
|
_____________________________ Robert Hardy, avocat Commissaire |
||
|
|||
|
|||
Me Christine Beaulieu |
|||
Procureure pour l’appelante |
|||
|
|||
|
|||
Me Annick Dupré |
|||
Me Jean-François Dolbec |
|||
Procureurs pour l’intimé |
|||
|
|||
Lieu de l’audience : |
Québec |
||
|
|
||
Dates de l’audience : |
9 et 12 mai, 25 et 26 juin et 7 juillet 2014 |
||
|
|||
|
|||
|
|
||
[1]
Chandler c. Alberta Association of Architects,
[2] Depuis le 24 avril 2014, la responsabilité du SA relève du ministère de la Famille.
[3] Référentiel de compétences du gestionnaire-leader de la fonction publique québécoise, Secrétariat du Conseil du trésor, 2012, 30 p., p. 13.
[4]
[5] Idem, p. 478.
[6] Idem, p. 483.
[7]
[8] Idem, p. 39, la Cour référant alors elle-même à l’ouvrage Traité de droit administratif, des auteurs R. Dussault et L. Borgeat, 2e édition, 1989, t. III, p. 485.
[9]
[10] RLRQ, c. F-3.1.1.
[11] BERNIER, Linda; BLANCHET, Guy; GRANOSIK, Lukasz; SÉGUIN, Éric. Les mesures disciplinaires et non disciplinaires dans les rapports collectifs du travail, 2e édition, Éditions Yvon Blais, vol. I, mise à jour 2014-1.
[12]
Bérubé c. Ministère de la Sécurité publique,
[13] Caron c. Ministère de la Sécurité publique, 2012 CanLII 24568 (QC CFP). Voir par. 43.
[14]
Chevrier c. Commission de la santé et de la sécurité du travail,
[15] C. T. 198195 du 30 avril 2002 et ses modifications.
[16] Voir le mot « condamner » dans Le Petit Robert 2013, Nouvelle édition du Petit Robert, Paris, 2013, p. 501.
[17] Décision citée, note 10, par.73.
[18] Citée note 4, p. 479.
[19] Commentaires publiés en 1993, émis à l’occasion de l’adoption de la réforme du Code civil du Québec, entrée en vigueur le 1er janvier 1994.
[20]
Standard Broadcasting Corporation Limited c. Stewart,
[21]
[22] Citée note 20, p. 9-10.
[23] Idem, p. 12.
[24] Idem, p. 13.
[25] Société Hôtelière Canadien Pacifique c. Hoeckner, J. E. 88-805, p. 4.
[26] Citée note 20, p. 15.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.