Charcuterie La Tour Eiffel, division de McCain Foods Ltd. c. S3E Renewable Energies Inc. |
2014 QCCS 210 |
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COUR SUPÉRIEURE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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N° : |
500-17-065377-114 |
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DATE : |
21 janvier 2014 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
MARTIN DALLAIRE, J.C.S. |
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CHARCUTERIE LA TOUR EIFFEL, division de McCain Foods Limited 1160, Michèle-Bohec St., Blainville (Québec) J7C 5E2 |
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Demanderesse |
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c. |
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S3E RENEWABLE ENERGIES INC. 10117 - 38, Place du commerce, Montréal (Québec) H3E 1T8 et
3469328 CANADA INC. 10117 - 38, Place du commerce, Montréal (Québec) H3E 1T8
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Défenderesses |
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et 3469328 CANADA INC. 10117 - 38, Place du commerce, Montréal (Québec) H3E 1T8
Requérante et LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD’S 1155, rue Metcalfe, bureau 2220, Montréal (Québec) H3B 2V6 |
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Mise en cause - intimée
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JUGEMENT SUR REQUÊTE DE LA REQUÉRANTE 3469328 CANADA INC. POUR ENJOINDRE L’INTIMÉE À PRENDRE FAIT ET CAUSE |
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[1] La compagnie 3469328 Canada inc. [Compagnie] cherche à enjoindre aux souscripteurs des Lloyd’s [Lloyd’s] à la défendre à une action intentée par Charcuterie La Tour Eiffel [Charcuterie).
[2] Charcuterie exploite une usine de production alimentaire qui, au cours de l’année 2007, retient les services de la Compagnie pour une analyse de son efficacité énergétique.
[3] Insatisfaite des résultats et prétextant des dommages, elle recherche la responsabilité de la Compagnie et de l’une de ses entités par une action ré ré ré ré amendée de 1 845 078 $.
[4] En cours de procédures, elle joint à sa réclamation, l’assureur de la requérante soit les Lloyd’s.
[5] Nonobstant ce fait, la Compagnie souhaite l’intervention de son assureur en raison de polices souscrites, soit la CSM 2828 [pièce R-4] et CSM 2983 [pièce R-5] puisque les deux polices sont essentiellement identiques, mais pour des périodes de couverture différentes. En sus, elle souhaite retenir les services de son procureur.
[6] Selon les allégués de la requête, la Compagnie signe un premier contrat le ou vers le 24 octobre 2007 pour une étude de faisabilité en efficacité énergétique avec Charcuterie [pièce R-1].
[7] Ayant constaté qu’il y a lieu de procéder à des modifications de système pour y donner suite, Charcuterie signe un second contrat avec la Compagnie le 28 mars 2008 pour confier la consultation et la gestion du projet [pièce R-2].
[8] Les services se révèlent insatisfaisants puisque Charcuterie loge son recours de 1 845 078 $ ré ré ré ré amendé le 24 avril 2013.
[9] Plus spécifiquement, elle reproche [pièce R-3] :
[…]
13. More specifically, Defendants were to review the compressed air, steam and refrigeration systems located in Plaintiff’s facilities and to elaborate energy management strategies through equipment modification or replacement;
14. As part of the consulting services agreement, P-1, Defendants were also to complete and file the necessary documents to obtain financial aid from Gaz Metropolitain;
[…]
25. Consequently, on or about March 27 2008, Plaintiff and Defendants entered into a project management agreement with respect to services to be rendered by Defendants in managing the procurement and installation of new refrigeration, steam and compressed air equipment, as appears from a copy of said project management agreement, communicated herein as EXHIBIT P-4;
26. More specifically, the services to be provided by Defendants pursuant to the agreement P-4 included the supervision of the installation of the systems recommended in the feasibility study P-2, with a purpose of procuring significant reduction in Plaintiff’s energy consumption and substantial cost savings associated thereto;
27. All the equipment recommended by Defendants regarding the compressed air, steam and refrigeration systems was purchased and installed under the direct supervision and management of Defendants;
[…]
32 Finally, as will be more fully demonstrated at the hearing, Defendants negligently failed to complete and file the necessary documents to obtain a $50 000 grant from Gaz Metropolitain and as a consequence of this negligence, Plaintiff did not receive the expected grant; ».
[10] Ainsi, le chef de réclamation comporte plusieurs chefs de dommages allégués, notamment [pièce R-3] :
· La non obtention d’aide financière d’Hydro-Québec;
· La non obtention d’aide financière de Gaz Métropolitain;
· La non obtention d’économie d’énergie escompté par la demanderesse;
· Perte de frais de consultation pour étude de faisabilité;
· Perte de temps de gestion de la demanderesse;
[11] Or, selon la Compagnie, les reproches et les dommages qui en découlent sont couverts au sens des polices d’assurance CSM 2828 pour la période du 9 septembre 2008 au 9 septembre 2009 et CSM 2983 pour la période du 9 septembre 2009 au 9 septembre 2010.
[12] Avant d’entamer son recours, Charcuterie et la Compagnie échangent des discussions sur la situation. Ainsi, selon les pièces déposées par la mise en cause le 18 mai 2009, le représentant de la Compagnie écrit au représentant de Charcuterie afin de répondre aux doléances exprimées par celle-ci, entre autres [pièce I-1] :
« Des discussions que nous avons eues avec vous cette semaine, nous concluons que vous nous prêtez de mauvaises intentions alors que notre mandat est très clair. Puisque vous croyez que S3e est redevable quant à la performance des équipements installés, nous vous demandons de nous indiquer dans le document que nous avons signé le(s) paragraphe(s) qui exigerai(en)t une telle obligation de la part de S3e ».
[Soulignement ajouté]
[13] Subséquemment, Charcuterie rétorque qu’elle entend procéder à une analyse plus poussée des réclamations et qu’elle réserve ses droits et recours tel qu’il appert de la lettre du 21 mai 2009 [pièce I-2] :
« Une firme indépendante procède présentement à une réévaluation de vos recommandations et des résultats de la mise en œuvre de celles-ci. Suite à la réception du rapport de cette firme, nous vous aviserons plus formellement de notre position. Entre-temps, nous réservons tous nos droits et recours ».
[Soulignement ajouté]
[14] Enfin, selon le courriel du 9 juillet 2009, dans le cadre d’échanges d’informations, le président de la compagnie, comptable de formation, exige le paiement dû et suggère une avenue de solution pour parfaire la réponse à Hydro-Québec [pièce I-3] :
« Toutefois si McCain changeait d’avis et décidait :
· de payer les sommes dues dans un délai de 10 jours de la présente,
· de retirer la lettre de menace (sic) signée par Guy Gaudet, et de renoncer à toutes poursuites (qui sont de toute façon non-fondées) ».
[Soulignement ajouté]
[15] Ayant transmis la réclamation à ses assureurs mis en cause en l’instance, ceux-ci nient couverture selon la lettre transmise le 27 juin 2011 par les ajusteurs au dossier soit McLarens DSV [pièce R-6].
[16] Cette lettre énonce pour l’essentiel les motifs suivants :
1. Selon les informations contenues à notre dossier, il appert que vous ou votre compagnie auriez été informé d’une réclamation formulée par Charcuterie La Tour Eiffel (Div. de McCain Foods Limited) ou, à tout le moins, de circonstances ou d’évènements pouvant mener à une réclamation de la part de cette dernière avant même que le contrat d’assurance CSM2983 ne soit émis. Or, la clause 6 contenue à la section Exclusions de votre contrat d’assurance prévoit spécifiquement ce qui suit :
« Sont exclus de la présente assurance :
6. Les réclamations découlant de circonstances ou d’événements :
a) […]
b) Connus de l’Assuré avant la prise d’effet de la présente police;»
Pour ce motif, votre assureur, Certains Souscripteurs du Lloyd’s, n’entend pas donner suite à la réclamation formulée par Charcuterie La Tour Eiffel (Div. de McCain Foods Limited) contre S3E (3469328 Canada inc.).
2. Les dommages réclamés par Charcuterie La Tour Eiffel (Div. de McCain Foods Limited) résultent notamment du fait que les économies d’énergie anticipées suite à l’implantation des équipements ne se seraient jamais concrétisées. En d’autres mots, les recommandations contenues à l’étude de faisabilité réalisée par S3E (3469328 Canada inc.) ne se seraient jamais traduites par les économies d’énergie anticipées et représentées à Charcuterie La Tour Eiffel (Div. de McCain Foods Limited). L’allégation 22 de la Requête introductive d’instance (Motion to institute proceedings) mentionne d’ailleurs que « the energy savings which were to be delivered were not achieved ». Il s’agit ici de dommages qui sont exclus de la garantie d’assurance offerte en vertu de l’Exclusion 9 du contrat d’assurance qui se lit comme suit :
« Sont exclus de la présente assurance :
9. La responsabilité découlant d’estimation financières (sic) des coûts de construction probables, des bénéfices, du rendement du capital, du rendement économique ou d’autres estimations donnant lieu à des prévisions de rendement économique; »
Il est donc de l’intention de votre assureur, Certains Souscripteurs du Lloyd’s, de ne pas donner suite à la réclamation formulée par Charcuterie La Tour Eiffel (Div. de McCain Foods Limited) contre S3E (3469328 Canada inc.) à cet égard.
[17] Se voyant donc confronté au refus exprimé par l’assureur, la Compagnie souhaite son intervention afin d’assumer la présente réclamation y compris l’assumation des frais et des honoraires extra judiciaires des procureurs de la Compagnie.
[18] La requérante prétend qu’en raison de la couverture et du type de réclamation logée, elle doit bénéficier de sa couverture d’assurance et de l’intervention de son assureur puisque les motifs d’exclusion allégués par l’intimée ne se retrouvent pas en raison de la nature même du recours, de ses énoncés et de son libellé.
[19] Par ailleurs, étant donné qu’il y a deux polices identiques qui couvrent deux périodes différentes, s’il y a non couverture dans l’une, ce que conteste la requérante, on doit se rabattre sur l’autre puisque s’il n’y avait pas une connaissance d’un sinistre non divulgué à ce moment-là, la réclamation était présentable sur la couverture d’assurance antérieure pour un évènement couvert par cette dernière.
[20] Du côté de l’intimée, elle prétend que le type de réclamation logée découle d’un problème d’estimation qui n’est pas couvert par la police. De plus, la requérante ne bénéficie d’aucune couverture en vertu de la première police d’assurance [pièce R-4] puisqu’aucune réclamation n’a été déclarée à l’assureur pendant la période de cette police et que par ailleurs, elle ne bénéficie d’aucune couverture en vertu de la seconde police d’assurance [pièce R-5] puisque la réclamation de la demanderesse découle d’une réclamation ou de circonstances et d’évènements connus de la requérante assurée avant la prise d’effet de cette police et non déclarés.
[21] Le Code civil prévoit spécifiquement le droit à la couverture suivant l’article 2503 :
2503. L'assureur est tenu de prendre fait et cause pour toute personne qui a droit au bénéfice de l'assurance et d'assumer sa défense dans toute action dirigée contre elle.
Les frais et dépens qui résultent des actions contre l'assuré, y compris ceux de la défense, ainsi que les intérêts sur le montant de l'assurance, sont à la charge de l'assureur, en plus du montant d'assurance.
[22] De surcroit, avant de se livrer à l’analyse de la situation, il importe de reproduire les textes de la police d’assurance.
[23] Ainsi, la police prévoit à titre d’exclusion [exclusion 9 du contrat d’assurance] une clause qui se lit comme suit :
« 9. La responsabilité découlant d’estimations financières des coûts de construction probables, des bénéfices, du rendement du capital, du rendement économique ou d’autres estimations donnant lieu à des prévisions de rendement économique ».
[Soulignement ajouté]
[24] Plus spécifiquement sont exclues de la présente assurance :
« 6. Les réclamations découlant de circonstances ou d’évènements :
[…]
b) connus de l’Assuré avant la prise d’effet de la présente police ».
[Soulignement ajouté]
[25] Enfin, selon les termes de la police, celle-ci ne couvre la requérante que pour une poursuite pour l’obtention de dommages intérêts engagée pour la première fois :
a) soit pendant la période d’assurance stipulée à l’article 4 des Conditions particulières, dès lors que l’Assureur en a été avisé immédiatement;
b) soit après la cessation du contrat, dès lors que l’Assureur a reçu de l’Assuré un avis écrit de la réclamation pendant la période d’assurance stipulée aux Conditions particulières;
et que dans un cas comme dans l’autre :
1) la réclamation découle de services professionnels rendus à autrui après la date limite de rétroactivité éventuellement indiquée aux Conditions particulières, d’une part;
l’Assuré n’ait pas eu connaissance de la réclamation avant la date de prise d’effet de la présente police stipulée aux Conditions particulières, d’autre part…
[Soulignements ajoutés]
[26] Le premier argument concerne l’exclusion en raison du libellé de la réclamation.
[27] Tel que plaidé par le procureur de la requérante dans ce recours de type Wellington, le bénéfice du doute doit toujours bénéficier à l’assuré. Règle générale, dès qu’il s’agit d’une question d’interprétation, celle-ci doit recevoir une interprétation large de la part du tribunal et qu’il revient au juge du fond d’analyser la situation à la lumière de toute la preuve.
[28] Bien que dans les faits il puisse y avoir une indication au paragraphe 30 de la réclamation amendée, qu’il s’agit d’une estimation et d’une perte qui peut être à première vue non couverte, il n’en résulte pas moins que la réclamation est le fruit d’activités professionnelles couvertes par l’assureur, car autrement l’assurance perdrait tout son sens. D’ailleurs, une lecture combinée de l’ensemble des paragraphes incite à le lire en ce sens.
[29] Il risque d’y avoir là une zone grise que seul un juge du fond sera en mesure d’apprécier. À ce titre, le tribunal estime à première vue, de façon prima facie, que le recours est couvert en raison des allégués et de l’analyse des procédures.
[30] Par contre, le deuxième argument présente un écueil plus difficile pour la requérante. En effet, le tribunal doit se placer dans un contexte où le représentant de l’entreprise ayant des études universitaires, comptable de formation, est placé dans une conjoncture de confrontation où il risque d’y avoir une réclamation contre son entreprise.
[31] Ainsi, en lisant attentivement les pièces I-1 à I-3, il s’agit de correspondances qui montrent un glissement progressif vers un contentieux. En effet, bien qu’à l’origine les termes soient généraux à partir de I-2 et I-3, les termes sont très explicites.
[32] On demande, dans le cadre d’une éventuelle entente, à renoncer à toute poursuite. Il y a donc là un risque inhérent qui aurait dû être divulgué à l’assureur lors de la souscription.
[33] Le tribunal est en mesure de comprendre que le président de la Compagnie est un comptable de profession. Il voit mal comment ce professionnel ait pu penser qu’il n’y aurait pas de recours et qu’il n’y aurait pas de litige concernant les travaux exécutés auprès de la demanderesse.
[34] En effet, c’est dès le mois de mai que la demanderesse se montre insatisfaite de ses services. Par ailleurs, elle s’apprête à engager des professionnels pour obtenir des avis additionnels sur la qualité du travail qu’elle fournit. Comme le dit l’adage populaire, « Ça regarde mal ».
[35] Par la suite, c’est le représentant de la demanderesse qui exige en contrepartie dans son courriel une renonciation à toute poursuite. Cette exigence d’une renonciation démontre qu’il s’attend à ce qu’une poursuite soit logée et que ce risque est réel et non potentiel.
[36] Or, en aucun temps, lorsqu’il renouvelle sa police d’assurance, il avise son courtier de ce péril qui rappelons-le, s’il avait été dénoncé, aurait pu amener une appréciation différente de la part de l’assureur.
[37] Ainsi, en analysant adéquatement la pièce R-5 qui est la proposition souscrite au cours de l’année 2009 et complétée le 19 août 2009, plus particulièrement à la section 20 a) du formulaire, des réponses négatives sont formulées sur la connaissance ou la « conscience » d’une réclamation ou de quelconque acte, erreur, omission ou circonstance qui puisse entraîner des réclamations.
[38] Enfin, dans une décision de la Cour suprême, celle-ci expose l’attente d’un assuré[1] :
« Si le message est clair, le fait que le tiers s’est, par politesse, abstenu de formuler en termes juridiques catégoriques sa demande ou son intention de tenir l’assuré responsable ne devrait pas empêcher la conclusion qu’il y a eu présentation d’une réclamation. Lorsqu’un assuré raisonnable conclurait, dans toutes les circonstances, qu’un tiers lui a présenté une réclamation en ce sens qu’il a compris qu’une poursuite serait intentée contre lui à défaut d’un paiement satisfaisant ou d’une autre forme de réparation, on peut affirmer qu’il y a eu présentation d’une réclamation, même sans demande ou déclaration de responsabilité officielles ».
[Soulignement ajouté]
[39] Ainsi, en raison des circonstances, le tribunal conclut qu’une personne avisée et raisonnable aurait aisément déduit qu’une poursuite serait intentée.
[40] Cette déclaration remplie de façon négative est contraire à la réalité. Ce faisant, l’assureur est bien fondé de refuser la couverture puisque cette négation qui n’est pas le reflet de la réalité emporte une conséquence particulière contre lui.
[41] Du surcroit, le texte contient une exclusion pour des réclamations qui découlent de circonstances ou d’évènements connus de l’assuré avant la police. Il s’agit d’une police pouvant être qualifiée d’hybride puisqu’elle incorpore une police sur base d’évènement.
[42] C’est un produit attrayant qui comporte cependant des « trous de garantie », comme le rappelle à propos la Cour suprême, toujours dans la même décision[2] :
Bref, s’il est raisonnable de soutenir qu’une certaine partie de la diminution des primes (et de l’offre plus importante de garantie) que l’on associe aux polices « sur la base des réclamations » et aux polices hybrides s’explique par une plus grande certitude sur le plan des risques, il demeure que ces types de police sont moins coûteux et plus faciles à obtenir que les polices « sur la base des événements » principalement parce qu’ils comportent en soi d’importants trous de garantie.
Cela ne veut pas dire que les polices « sur la base des réclamations » ou les polices hybrides qui comportent de tels trous de garantie sont nécessairement injustes pour l’assuré. Il appartient à l’assurée d’accepter de conclure une entente d’indemnisation assortie de risques accrus (si cette expression n’est pas antinomique) en échange d’une prime moins élevée. La question de l’équité se pose seulement si l’assuré ne sait pas qu’il achète une police « assortie de risques accrus »…
Il ressort donc de ces considérations qu’il faut examiner avec prudence les polices dites « sur la base des réclamations » afin de déterminer si, globalement, elles placent clairement sur les épaules de l’assuré le risque de la responsabilité à long terme.
[43] Une décision de la Cour supérieure de l’Ontario la commente en ce sens[3] :
The significance of an exclusion
[29] As already stated, the existence of an exclusion “which is ‘clear and unambiguous' will result in there being no coverage available to the policyholder”: see Annotated Commercial General Liability Policy, supra, at p. 2-3.
[30] “Exclusion clauses . . . operate to take a risk out of coverage”: see Annotated Commercial General Liability Policy, supra, at p. 13-1.
[31] It will be seen in a moment, that the existence of an exclusion affects the availability of relief from forfeiture.
« aware of any situation or circumstance »
[32] Question 23 in the 2010 Application and in the 2011 Application asks whether the applicant for insurance is “aware of any situation or circumstance which may in the future result in a claim.” What level of awareness is required?
[33] Mr. Cole relies upon Glenburn Dairy Ltd. v. Canadian General Insurance Co., 1953 CarswellBC 156 (B.C.C.A.) where the Court considered a special condition of a policy of insurance that required an insured, “upon the occurrence of an accident,” to give written notice to the insurer “as soon as practicable.” At para. 6, it was held by O'Halloran, J.A., one of two Justices writing for the majority:
Notice of the occurrence of an accident must . . . be given in all circumstances . . . even if in the mind of the insured at the time of its occurrence responsibility would seem unlikely or validity of a claim, if ever made, would seem to have little, if any, real foundation.
[34] At para. 20, Robertson, J.A., the other majority Justice, when discussing the knowledge of the accident possessed by an employee of the insured, framed the issue thusly: “. . . should [the employee] as a man of ordinary prudence have foreseen that ‘a claim could arise therefrom.' ”
[35] The test whether a situation or circumstance should be reported to an insurer, as being one which may in the future result in a claim, is an objective test: see Fellowes, McNeil v. Kansa General International Insurance Company Ltd. et al., 2000 CanLII 22279 (Ont. C.A.) at paras. 46 and 49, citing Sayle v. Jevco, (1984), 58 B.C.L.R. 122, affirmed, (1985), 16 C.C.L.I. 309 (B.C.C.A.).
[…]
[39] And also the following from DeGrasse v. Insurance Corp. of British Columbia, 1994 CarswellBC 16 (B.C.S.C.) at para. 41, citing Couch on Insurance, 2nd ed., vol. 7, at para. 36:49 [pp.482-83], that “the effect of [an exclusion] is to declare that there never was insurance with respect to the excluded risk.”
[…]
Was Underwriters prejudiced?
[41] Because we are dealing with an exclusion to the Policy (as opposed to, say, a condition), the existence of prejudice to Underwriters is irrelevant.
[Soulignements ajoutés]
[44] Enfin, tel que souligné par la Cour suprême du Canada, il n’y a pas d’application si l’exclusion s’applique[4] :
« Lorsqu’il ressort clairement que la demande ne relève pas de la portée de la police, soit parce qu’elle n’est pas visée par la protection initiale, soit en raison d’une clause d’exclusion, il n’y a pas d’obligation de défendre ».
[Soulignement ajouté]
[45] Quant à l’argument que la première police s’appliquerait, le tribunal ne peut y donner suite puisqu’aucune réclamation n’est déclarée pour cette période.
[46] D’ailleurs, un article de Me J.-François Gagnon reprend pour l’essentiel l’argumentaire[5] :
2. Les contrats sur la base des réclamations présentées et déclarées
La majorité des polices sur base des réclamations présentées impose une condition additionnelle à la mise en œuvre de la garantie, à savoir la présentation de la réclamation à l’assureur en cours de terme.
Le libellé suivant est représentatif de l’état actuel du marché :
Moyennant la prime fixée, sur la foi des renseignements obtenus dans la proposition qui fait partie de la présente assurance et sous réserve de toutes les dispositions de la présente assurance, l’assureur convient de payer, pour le compte de l’assurée, toute somme que celui-ci sera légalement tenu de payer à titre de dommages occasionnés à des tiers pour toutes fautes, erreurs ou omissions commises ou alléguées, résultant de ses activités professionnelles.
Page 148
Il est précisé que sous réserve de ses termes, limites et conditions, la présente assurance ne s’applique qu’aux réclamations présentées à l’assurée et rapportées à l’assureur durant la période d’assurance.
[Soulignements ajoutés]
[47] Par ailleurs, ce n’est pas autrement qu’en décide la Cour supérieure de l’Ontario suivant une décision récente de monsieur le juge Donohue [6] :
[37] It is not incumbent on the Insurer to make enquiries of the insured as to whether there are valid claims, but it is incumbent on the Insured to make the claim by giving notice.
[…]
[49] If the court finds that the notice was not complied with, the PLA seeks relief from forfeiture by section 129 of the insurance act RSO 1990 c. 1.8. This grants the court power to relieve against forfeiture where there has been imperfect compliance with notice of a claim and the court considers it inequitable.
[50] In light of my finding that the Insurer has been prejudiced on these facts, I would not find it appropriate to grant relief against forfeiture.
[51] In any event, it has been clarified by the Court of Appeal in Stuart v Hutchins, [1998] 40 O.R. (3d) 321 (C.A.) at p. 9 that relief from forfeiture for failure to give notice is not available in “claims made and reported” policies such as this one. The notice requirement was considered an integral part of the event triggering coverage in such policies (see p. 11).
[52] The notice is a condition precedent to coverage in such “claims made and reported” contracts. Failure to give the timely notice is non-compliance with the contract. It cannot be excused.
[48] N’ayant donc pas d’avis de réclamation pendant la période de la première police [pièce R-4], aucune couverture n’est fournie.
[49] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[50] REJETTE la requête amendée de 3469328 Canada inc. pour en joindre Les Souscripteurs du Lloyd’s à prendre ses faits et cause;
[51] LE TOUT, avec dépens.
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__________________________________ MARTIN DALLAIRE Juge à la Cour supérieure |
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Me Marie-Christine Levasseur |
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Mes BCF |
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Procureurs de la demanderesse Charcuterie La Tour Eiffel |
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Me Simon Bégin |
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Mes Joli-Coeur Lacasse |
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Procureurs de la requérante 3469328 Canada inc. |
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Me Vikki Andrighetti |
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Mes Fraticelli Provost |
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Procureurs de la mise en cause-intimée Les Souscripteurs du Lloyd’s |
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Date d’audience : |
6 décembre 2013 |
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[1] Reid Crowther ltd v. Simcoe & Erie Ins. Co, [1993] 1 S.C.R., p. 275.
[2] Reid Crowther ltd v. Simcoe & Erie Ins. Co, op.cit., note 1, p. 266.
[3] Certain Underwriters at Lloyd’s of London v. All Spec Home Inspections et al, 2013 ONSC 7149.
[4] Progressive Homes ltd v. Lombard General Insurance Company of Canda, [2010] 2 R.C.S.
[5] J.-François Gagnon, La portée des exclusions relatives aux réclamations et aux actes fautifs antérieurs dans les polices sur base de réclamation présentée dans Développements récents en droit des assurances 2005, pages 147 et 148.
[6] Peel Law Association c. Royal & Sun Alliance Insurance Company of Canada et al., 2013 ONSC 2312.
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