Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Desrosiers |
2008 QCCDBQ 053
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COMITÉ DE DISCIPLINE |
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Barreau du Québec |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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N° : |
06-07-02384 |
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DATE : |
21 avril 2008 |
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LE COMITÉ : |
Me JEAN PÂQUET |
Président |
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Me JOSÉ P. DORAIS, avocat |
Membre |
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Me GERALD F. KANDESTIN, avocat |
Membre |
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Me DANIEL MANDRON, en sa qualité de syndic adjoint du Barreau du Québec |
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Partie plaignante |
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c. |
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Me JEAN DESROSIERS |
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Partie intimée |
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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SUR SANCTION |
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Me Brigitte Nadeau agit en reprise d’instance à titre de syndique adjointe plaignante et se représente seule.
L’intimé se représente seul.
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LA PLAINTE
[1] Dans le présent dossier, l’intimé fait l’objet d’une plainte disciplinaire dont le seul chef est ainsi libellé :
« Je, soussigné, DANIEL MANDRON, avocat, régulièrement inscrit au Tableau de l'Ordre des avocats en ma qualité de syndic adjoint du Barreau du Québec, déclare que :
Me Jean Desrosiers, régulièrement inscrit au Tableau de l'Ordre des avocats, a commis des actes dérogatoires à l'honneur et à la dignité du Barreau, savoir :
1o À Montréal, le 10 mai 2007, a tenu des propos injurieux et inacceptables au sujet de son client Monsieur G.F. dans une lettre qu’il a expédiée et qu’a reçue Me Marie-Claude Dumas, la nouvelle procureure de Monsieur G.F., contrevenant ainsi aux dispositions de l’article 2.00.01 du Code de déontologie des avocats ;
Se rendant ainsi passible des sanctions prévues à l’article 156 du Code des professions ;
Et le plaignant demande justice.
Montréal, le 22 novembre 2007 »
[2] L’instruction et l’audition de cette plainte disciplinaire ont été tenues le 2 avril 2008.
[3] Dès le début de l’instruction et de l’audition de cette plainte disciplinaire, l’intimé enregistre un plaidoyer de culpabilité sous le seul chef de la plainte telle que portée.
[4] Le Comité a, séance tenante et unanimement, déclaré l’intimé coupable sous le seul chef de la plainte telle que portée.
[5] Les parties ont alors annoncé leur intention de procéder à leurs représentations sur sanction.
[6] Avant de ce faire cependant, il fut procédé à une courte preuve pour expliquer les circonstances entourant la commission de l’infraction reprochée à l’intimé.
[7] C’est ainsi que le Comité a entendu successivement les témoignages de la syndique adjointe plaignante en reprise d’instance et de l’intimé.
[8] Les témoignages de ceux-ci associés à la preuve documentaire (pièces SP-1 à SP-4) constituent l’essentiel de la preuve dans le présent dossier.
[9] De l’ensemble de la preuve, le Comité retient plus particulièrement ce qui suit.
[10] En tout temps utile aux gestes reprochés à l’intimé, ce dernier est membre en règle et dûment inscrit au tableau de l’Ordre des avocats (pièce SP-1).
[11] Le 7 mai 2007, Me Marie-Claude Dumas, en sa qualité de nouvelle procureure de Joe Forgione transmet une lettre à l’intimé faisant état d’un différend relié au paiement des honoraires encourus par l’intimé au bénéfice de Joe Forgione (pièce SP-4).
[12] Après avoir fait état des prétentions de son nouveau client, Me Marie-Claude Dumas souhaite obtenir de l’intimé un compte rendu des services rendus et des sommes qu’il réclame de Joe Forgione.
[13] Le 10 mai 2007, l’intimé répond à la lettre de Me Marie-Claude Dumas (pièce SP-3).
[14] Dans cette lettre du 10 mai 2007, l’intimé fait état de ses prétentions au regard de ses honoraires professionnels tout en mettant en garde sa consoeur quant à la conduite de son nouveau client.
[15] Les extraits suivants de cette lettre du 10 mai 2007 (pièce SP-3) sont révélateurs :
« …
…nous vous conseillons de prendre garde concernant votre droit de pratique et votre sécurité personnelle avec monsieur Forgione.
…
..en analysant les multiples dossiers impliquant monsieur Forgione, vous comprendrez très bien toutes (sic) les qualificatifs de malhonnêteté que recèle cette personne.
La parole donnée à ses ouvriers n’était que des mensonges, de la fourberie et carrément du vol.
…
En définitive, monsieur Forgione est un individu malhonnête, sans aucune parole et qui prend un malin plaisir à frauder tout le monde, etc.
… »
[16] Dans sa lettre (pièce SP-3), l’intimé conclut au paiement de 5 000 $ d’honoraires et sollicite sa consoeur pour que cette somme lui soit transmise au plus tard le 11 mai 2007.
[17] À défaut de ce faire, l’intimé affirme qu’il déposera une action en dommages et intérêts punitifs contre son ancien client.
[18] Interpellé à l’audience par le Comité, l’intimé explique qu’il n’a reçu à ce jour aucun paiement de la part de son ancien client, qu’il a préparé des procédures pour lui réclamer les sommes dues, mais que ces procédures n’ont pas encore été déposées devant le Tribunal compétent.
[19] C’est dans ce contexte que la présente plainte a été portée contre l’intimé.
LES REPRÉSENTATIONS CONJOINTES ET COMMUNES
[20] D’un commun accord, les parties suggèrent qu’une sanction relevant de la nature d’une réprimande soit imposée à l’intimé.
[21] Les parties demeurent par ailleurs muettes au regard du paiement des débours.
DISCUSSION
[22] Les reproches formulés contre l’intimé contreviennent aux dispositions de l’article 2.00.01 du Code de déontologie des avocats, que le Comité croit utile de reproduire ci-après :
« 2.00.01. L’avocat doit agir avec dignité, intégrité, honneur, respect, modération et courtoisie. »
[23] Cet article est contenu dans la section II dudit Code de déontologie traitant des devoirs généraux et des obligations de l’avocat envers le public.
[24] L’article 2.00.01 précité du Code de déontologie invite notamment l’avocat à agir avec dignité et modération.
[25] C’est là le principal reproche formulé par la syndique adjointe plaignante en reprise d’instance contre l’intimé.
[26] La syndique adjointe plaignante en reprise d’instance argue principalement que l’intimé aurait dû faire preuve de plus de dignité et surtout de modération dans la lettre qu’il transmettait à sa consoeur le 10 mai 2007 (pièce SP-3).
[27] La preuve a révélé qu’un litige est toujours pendant entre l’intimé et son ancien client au regard du paiement d’honoraires.
[28] On peut comprendre que l’intimé ait d’abord été irrité par les prétentions de son ancien client telles que véhiculées par sa nouvelle procureure et souhaité mettre en garde cette dernière contre les agissements de son ancien client.
[29] C’était là, d’affirmer l’intimé, ma seule intention.
[30] En d’autres termes, ce faisant, l’intimé n’avait pas l’intention de contrevenir à ses obligations déontologiques.
[31] C’est pourquoi d’ailleurs, à l’audience, la syndique adjointe plaignante en reprise d’instance a manifesté une certaine empathie pour l’intimé.
[32] Il n’est pas interdit de mettre en garde un confrère ou une consoeur, d’affirmer la syndique adjointe plaignante en reprise d’instance, mais tout est dans la manière de le faire.
[33] Les propos de l’intimé, tels qu’on les retrouve dans les extraits précités de sa lettre du 10 mai 2007 (pièce SP-3), faisaient preuve d’un manque de modération.
[34] Interpellé par le président du Comité à l’audience, l’intimé affirme « qu’il agirait tout autrement » si semblable situation devait se présenter de nouveau.
[35] Les risques de récidive apparaissent donc bien minces.
[36] Par ailleurs, l’intimé ne fait l’objet d’aucun antécédents disciplinaires.
[37] Tenant compte de ce qui précède, et notamment du plaidoyer de culpabilité de l’intimé et de la suggestion commune des parties d’une sanction relevant de la nature d’une réprimande, cette suggestion emporte l’adhésion du Comité.
[38] L’intimé se verra donc imposer une réprimande.
[39] Enfin, et tenant compte de la discrétion dont le Comité bénéficie dans l’application de l’article 151 du Code des professions, et en l’absence de représentations particulières de la syndique adjointe plaignante en reprise d’instance au chapitre des débours, l’intimé ne sera pas condamné au paiement d’iceux.
DÉCISION
EN CONSÉQUENCE, LE COMITÉ, UNANIMEMENT :
Sous le seul chef :
DÉCLARE l’intimé coupable;
IMPOSE à l’intimé une réprimande.
Le tout sans frais.
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__________________________________ Me JEAN PÂQUET, président
__________________________________ Me JOSÉ P. DORAIS, avocat, membre
__________________________________ Me GERALD F. KANDESTIN, avocat, membre
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Me Brigitte Nadeau agit en reprise d’instance à titre de syndique adjointe plaignante et se représente seule. |
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L’intimé se représente seul. |
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Date d’audience : |
2 avril 2008 |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.