Décision

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Fortin c. Mazda Canada inc.

2016 QCCA 31

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

QUÉBEC

N° :

200-09-008363-142

(200-06-000108-087)

 

DATE :

26 janvier 2016

 

 

CORAM :

LES HONORABLES

YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A.

JULIE DUTIL, J.C.A.

GUY GAGNON, J.C.A.

 

 

LISE FORTIN

APPELANTE - Représentante / Demanderesse

et

Toutes les personnes physiques et morales domiciliées ou résidentes au Québec, comptant cinquante (50) employés et moins, étant ou ayant été locataires, crédit-preneurs ou propriétaires d’un véhicule de marque et modèle Mazda 3, années 2004, 2005, 2006 et 2007 qui ont été victimes d’un vol ou d’une attaque qui a laissé une ou des bosses autour de la poignée de la portière du conducteur

et

Toutes les personnes physiques et morales domiciliées ou résidentes au Québec, comptant cinquante (50) employés et moins, étant devenues locataires, crédit-preneurs ou propriétaires d’un véhicule de marque et modèle Mazda 3, années 2004, 2005, 2006 et 2007 sur lequel a été installé après la prise de possession du véhicule, un renforcement du dispositif de verrouillage de la portière du conducteur

APPELANTS - Les groupes-demandeurs

c.

 

MAZDA CANADA INC.

INTIMÉE - Défenderesse

 

 

ARRÊT RECTIFICATIF

 

 

[1]           Attendu que par inadvertance une erreur d'écriture s'est glissée dans l'arrêt de la Cour du 15 janvier 2016 à son paragraphe 7 et dans les motifs du juge Gagnon au paragraphe 186;

[2]           Attendu qu'il y a lieu de corriger cette erreur d'écriture en vue de refléter les dispositions du nouveau Code de procédure civile (art. 338 n.C.p.c.) en matière de frais de justice;

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

[3]           RECTIFIE le paragraphe 7 de l'arrêt de la Cour de la manière suivante :

[7]        LE TOUT, avec les frais de justice contre l’intimée tant en première instance qu’en appel, mais excluant toutefois les frais d’expert;

[4]           Rectifie le paragraphe 186 des motifs du juge Gagnon de la manière suivante :

[186]    Je propose donc d'accueillir l'appel en partie et d'ordonner que le dossier soit retourné en première instance pour que l'audition sur la quantification des dommages ait lieu en tenant compte des conclusions précédentes et aux fins de déterminer leur mode de recouvrement, le tout avec les frais de justice contre l'intimée tant en première instance qu'en appel, mais excluant toutefois les frais d'expert.

 

 

 

 

YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A.

 

 

 

 

 

JULIE DUTIL, J.C.A.

 

 

 

 

 

GUY GAGNON, J.C.A.

 

Me Sébastien Richemont et Me Érika Normand-Couture

Woods & Associés

Pour les appelants

 

Me Robert E. Charbonneau, Me Stéphane Pitre et Me Anne Merminod

Borden, Ladner

Pour l’intimée

 

Date d’audience :

28 septembre 2015


Fortin c. Mazda Canada inc.

2016 QCCA 31

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

QUÉBEC

N° :

200-09-008363-142

(200-06-000108-087)

 

DATE :

Le 15 janvier 2016

 

 

CORAM :

LES HONORABLES

YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A.

JULIE DUTIL, J.C.A.

GUY GAGNON, J.C.A.

 

 

LISE FORTIN

APPELANTE - Représentante / Demanderesse

et

Toutes les personnes physiques et morales domiciliées ou résidentes au Québec, comptant cinquante (50) employés et moins, étant ou ayant été locataires, crédit-preneurs ou propriétaires d’un véhicule de marque et modèle Mazda 3, années 2004, 2005, 2006 et 2007 qui ont été victimes d’un vol ou d’une attaque qui a laissé une ou des bosses autour de la poignée de la portière du conducteur

et

Toutes les personnes physiques et morales domiciliées ou résidentes au Québec, comptant cinquante (50) employés et moins, étant devenues locataires, crédit-preneurs ou propriétaires d’un véhicule de marque et modèle Mazda 3, années 2004, 2005, 2006 et 2007 sur lequel a été installé après la prise de possession du véhicule, un renforcement du dispositif de verrouillage de la portière du conducteur

APPELANTS - Les groupes-demandeurs

c.

 

MAZDA CANADA INC.

INTIMÉE - Défenderesse

 

 

ARRÊT

 

 

[1]           Les appelants se pourvoient contre un jugement de la Cour supérieure (l’honorable Jacques Viens), rendu le 20 mai 2014, qui, dans le cadre d’une scission d’instance, rejette sur le fond un recours collectif intenté contre l’intimée Mazda Canada inc.;

[2]           Pour les motifs du juge Gagnon, auxquels souscrivent les juges Morissette et Dutil;

LA COUR :

[3]           accueille l’appel en partie seulement;

[4]           infirme le jugement de première instance;

[5]           Déclare que le recours collectif des appelants aurait dû être accueilli en ces termes :

accueille en partie la requête introductive d’instance réamendée;

CONDAMNE la défenderesse à verser à la représentante Lise Fortin une somme équivalant : au coût de la réparation des dommages survenus à son véhicule Mazda 3; au coût correspondant à la valeur des objets volés s’il en est; le cas échéant, au coût des franchises d’assurance pour la réparation de la portière côté conducteur et à la perte des objets volés; le tout portant intérêts au taux légal majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, calculés à compter de la date de la signification de la requête pour autorisation d'exercer un recours collectif;

CONDAMNE la défenderesse à verser à l’autre représentant Richard Robitaille les sommes reliées à chacun des chefs de réclamation autorisés à la représentante Lise Fortin, portant intérêts au taux légal majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, calculés à compter de la date de la signification de la requête pour autorisation d'exercer un recours collectif;

CONDAMNE la défenderesse à verser aux deux représentants des dommages à titre de diminution de leur obligation, portant intérêts au taux légal majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, calculés à compter de la date de la signification de la requête pour autorisation d'exercer un recours collectif, le tout conditionnel à la preuve de l’acquisition d’un modèle Mazda 3, années 2004, 2005, 2006 et 2007, survenue entre le 3 octobre 2006 et le 28 janvier 2008 si, au moment de cette acquisition, le véhicule était encore équipé d’un système de verrouillage déficient;

ORDONNE que les réclamations suivantes des membres du Groupe 1 fassent l'objet de réclamations individuelles à être déterminées lors de l’audition sur les dommages selon les prescriptions des articles 1037 à 1040 du Code de procédure civile;

CONDAMNE la défenderesse à verser à chacun des membres du Groupe 1 la somme équivalant au coût de réparation des dommages survenus sur leur véhicule Mazda 3, portant intérêts au taux légal majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, calculés à compter de la date de la signification de la requête pour autorisation d'exercer un recours collectif;

CONDAMNE la défenderesse à verser à chacun des membres du Groupe 1 la somme équivalant au coût des objets volés survenus dans leur véhicule Mazda 3, portant intérêts au taux légal majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, calculés à compter de la date de la signification de la requête pour autorisation d'exercer un recours collectif;

CONDAMNE la défenderesse à verser à chacun des membres du Groupe 1 la somme équivalant à toute franchise d'assurance assumée par eux pour la réparation des dommages subis à la portière côté conducteur et pour la perte d’objets volés, portant intérêts au taux légal majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, calculés à compter de la date de la signification de la requête pour autorisation d'exercer un recours collectif;

CONDAMNE la défenderesse à verser aux membres des deux groupes, à titre de recouvrement collectif, les dommages correspondant à la diminution de leur obligation, portant intérêts au taux légal majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, calculés à compter de la date de la signification de la requête pour autorisation d'exercer un recours collectif;

FIXE l’étendue des deux groupes aux fins de l’établissement de leur dommage pour ce dernier chef de réclamation aux seuls possesseurs d'un véhicule modèle Mazda 3, années 2004, 2005, 2006 et 2007, acquis entre le 3 octobre 2006 et le 28 janvier 2008, si, au moment de l’achat, ce véhicule était encore équipé d’un système de verrouillage déficient;

[6]           ORDONNE que le dossier soit retourné en première instance pour que l’audition sur la quantification des dommages ait lieu en tenant compte des conclusions précédentes et aux fins de déterminer leur mode de recouvrement;

[7]           LE TOUT, avec dépens contre l’intimée tant en première instance qu’en appel, mais excluant toutefois les frais d’expert.

 

 

 

 

 

YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A.

 

 

 

 

 

JULIE DUTIL, J.C.A.

 

 

 

 

 

GUY GAGNON, J.C.A.

 

Me Sébastien Richemont et Me Érika Normand-Couture

Woods & Associés

Pour les appelants

 

Me Robert E. Charbonneau, Me Stéphane Pitre et Me Anne Merminod

Borden, Ladner

Pour l’intimée

 

Date d’audience :

28 septembre 2015


 

 

MOTIFS DU JUGE GAGNON

 

 

[8]           Les appelants se pourvoient contre un jugement de la Cour supérieure (l’honorable Jacques Viens), rendu le 20 mai 2014, qui, dans le cadre d’une scission d’instance[1], rejette sur le fond un recours collectif intenté contre l’intimée Mazda Canada inc. (« Mazda »)[2]. Ils reprochent à ce fabricant d’avoir construit entre les années 2004 et 2007 le modèle Mazda 3 affecté d’un défaut de conception.

[9]           Les divergences que les appelants entretiennent avec le jugement de première instance se résument pour l’essentiel à deux reproches.

[10]        Tout d’abord, ils avancent que le modèle concerné était équipé d’un système de verrouillage de la portière côté conducteur marqué par une « faiblesse substantielle », rendant ce véhicule vulnérable aux attaques d’un malfaiteur, même néophyte. À leur avis, ce défaut était suffisamment grave pour constituer un manquement à la garantie d’usage à laquelle Mazda est tenue. Le juge de première instance (le « Juge ») n’a pas accepté cette prétention.

[11]        Aux dires des appelants, Mazda a aussi commis une faute sur un autre front en cachant l’existence de ce problème à sa clientèle, ce qui a joué sur le consentement des consommateurs lors de l’acquisition du modèle en cause. Cette prétention a également été rejetée.

[12]        Les appelants se divisent en deux groupes. Il y a tout d’abord ceux dont le véhicule a été l’objet d’une attaque près de la poignée de la portière du conducteur (« Groupe 1 »). Les membres de ce groupe réclament la valeur des objets volés dans leur véhicule ou la franchise encourue à l’occasion de l’indemnité versée par leur assureur pour ces vols. Leur réclamation inclut également le coût de la réparation de la portière endommagée ou, le cas échéant, la franchise payée pour cette restauration. Finalement, ils souhaitent obtenir des dommages punitifs.

[13]        Il y a aussi ces autres propriétaires qui soutiennent avoir subi des inconvénients à l’occasion de l’installation d’un mécanisme de renforcement offert gratuitement par Mazda en vue de corriger la conception initiale du système de verrouillage de la portière de leur véhicule (« Groupe 2 »). En appel, leur avocat a également plaidé que les membres de ce groupe ont craint que leur Mazda soit l’objet d’une attaque et, par mesure de prudence, se sont restreints dans son usage.

[14]        Les membres de ce groupe réclament également une diminution de leur obligation ainsi que des dommages punitifs. Fait à noter, le recours collectif est construit de telle sorte que les membres du Groupe 1 sont de facto membres du Groupe 2.

Le contexte

[15]        Il convient maintenant de brosser à grands traits le contexte à l’origine de l’appel. Je précise au passage que les faits acceptés par le Juge ne sont pas contestés. Ce sont plutôt ses conclusions tirées de la preuve qui, aux dires des appelants, posent problèmes.

[16]        À l’automne 2003, Mazda a mis sur le marché le véhicule Mazda 3, modèle 2004. En septembre 2006, on rapporte dans la province de la Colombie-Britannique deux cas d’entrée par effraction pour ce modèle. Ces méfaits se distinguaient des autres cas d’intrusion malveillante en raison de la facilité relative avec laquelle les malfaiteurs réalisaient leur larcin. Peu de temps après ces événements, la même province recensait 12 autres cas similaires d’entrée par effraction impliquant une Mazda 3. Une simple pression, un coup de pied ou encore un coup de poing dirigé stratégiquement au-dessus de la poignée de la portière côté conducteur suffisait pour neutraliser le système de verrouillage de ce véhicule.

[17]        Les médias de la région se sont rapidement emparés de la nouvelle, ce qui, du coup, a attisé l’enthousiasme des malfaiteurs. Dès l’automne 2006, on note une recrudescence des attaques contre ce modèle. En octobre de la même année, des notes internes en lien avec ce problème circulent chez Mazda[3]. Elles font voir que le fabricant est bien au fait de la nature particulière des assauts dirigés contre ses produits. En réponse à une situation considérée comme inquiétante, Mazda Motor (la société mère) conçoit un mécanisme de renforcement des portières qu’elle implante dans ses véhicules modèles 2007 à compter du 31 décembre 2006.

[18]        En dépit de cette initiative, le manufacturier constate que l’image de la Mazda 3 risquait d’être entachée par cette publicité négative. Mazda lance donc en février 2007 le Mazda Service Program (« MSP-14 ») réservé à sa seule clientèle de la Colombie-Britannique. Par l’entremise de ses concessionnaires, elle invite les propriétaires de Mazda 3 à se présenter dans un de ses établissements pour procéder gratuitement au renforcement du système de verrouillage des véhicules visés par le programme. L’avis au concessionnaire contient la mise en garde suivante :

Since it would be counter to the public interest to publicize the situation which has prompted the development of the counter measure, no notification will be sent to owners, and you are urged to be extremely careful in communicating the MSP within your organization, and to your customers. The locking mechanism on all Mazda 3 automobiles is adequate. Due to the nature of the criminal activity which has occurred, a customer satisfaction issue has arisen which has prompted the MSP. Excessive communication may educate criminals and lead to more illegal activity.[4]

[19]        Cette démarche ne réussit toutefois pas à contenir le battage médiatique dirigé contre les véhicules Mazda. En avril 2007, c’est au tour d’une station albertaine de diffuser des reportages traitant de ce problème. Mazda décide alors d’étendre son programme MSP-14 à la clientèle de cette partie du pays. Cette initiative n’empêche pas le vent en provenance de l’Ouest d’atteindre le Québec, alors que les médias de cette province se saisissent à leur tour de l’information.

[20]        À la toute fin de l’année 2007, notamment en raison de l’augmentation du nombre d’incidents rapportés dans la région de Montréal, Mazda lance pour tout le Canada un nouveau programme correctif appelé Special Service Program 75 (« SSP - 75 »). De même nature que le programme régional MSP-14, le SSP-75 vise à ajouter sans frais un renforcement du système de verrouillage sur les véhicules Mazda 3 en vue de contrer le problème de criminalité lié à ce modèle.

[21]        Cependant, les pièces nécessaires pour l’implantation de ce programme ne seront rendues disponibles qu’en avril 2008. Au Québec, le programme SSP-75 avait atteint en mai 2008 un niveau de complétion de 53 %, de 75 % en janvier 2009 et de 86 % à l’automne 2013.

[22]        Parmi les membres du Groupe 1, certains déclarent avoir décidé de payer eux-mêmes la facture liée aux travaux de débosselage de la portière. D’autres ont dû débourser la franchise pour sa réparation et celle inhérente à la réclamation pour la valeur des objets volés. Il y a également ces autres propriétaires de Mazda 3 qui ont tout simplement choisi de ne rien réclamer pour la perte de ces objets.

[23]        Certains membres de ce groupe se sont résignés à ne pas faire réparer leur Mazda 3 en raison de la probabilité qu’elle soit l’objet d’une autre tentative de vol. Il y a également les locataires qui, au moment de remettre leur véhicule, ont dû indemniser le locateur pour la portière endommagée.

[24]        De plus, ces membres soutiennent avoir subi un stress et de la frustration en raison de la vulnérabilité de leur véhicule et aussi pour les inconvénients liés à la difficulté de trouver des stationnements sécuritaires. Plusieurs ont cessé de laisser des objets dans leur automobile, jugeant cette pratique peu sécuritaire au regard de la publicité défavorable entourant la Mazda 3.

[25]        Finalement, les membres de ce groupe allèguent ne pas avoir été informés des lacunes du système de verrouillage lors de l’acquisition de leur véhicule. S’ils avaient été mis au fait de cette situation, ils n’auraient pas accepté de payer un prix aussi élevé pour l’achat ou la location de leur automobile ou auraient tout simplement considéré se procurer un autre modèle.

[26]        Quant aux membres du Groupe 2[5], plusieurs soutiennent avoir subi des troubles et inconvénients lors de l’installation gratuite des composantes nécessaires pour corriger le système de verrouillage. Outre les déplacements requis pour ces travaux, certains ont eu de la difficulté à obtenir un rendez-vous chez leur concessionnaire en raison de l’indisponibilité des pièces. Ces membres auraient également ressenti un stress lié au risque d’attaque dû à l’impossibilité de distinguer leur Mazda 3 des autres Mazda 3 qui n’avait pas encore profité de l’implantation d’un système renforcé pour le verrouillage de la portière. Finalement, ils se plaignent que Mazda leur a caché un fait important au moment de l’acquisition de leur véhicule.

Le jugement entrepris

[27]        Dans un jugement d’une facture impeccable, le Juge estime que le reproche fait à Mazda tient davantage à la performance du système de verrouillage de la Mazda 3 qu’à un défaut de conception lié à ce mécanisme. Il considère aussi que Mazda ne s’est pas rendue coupable d’avoir omis de divulguer à ses clients un fait important.

[28]        Il convient maintenant de revoir plus en détail l’analyse du Juge qui a mené à ces déterminations.

[29]        Chaque partie a présenté en première instance une preuve d’expert appuyant sa position respective. Les experts des appelants ont soutenu la thèse selon laquelle la fonction normale d’un système de verrouillage est de créer un obstacle suffisant, permettant de diminuer de façon substantielle la possibilité d’un vol. Selon eux, le mécanisme de verrouillage des Mazda 3 ne répondait pas à cette expectative minimale en matière de sécurité puisqu’il pouvait être contourné rapidement, sans outil et sans habileté particulière. Le Juge note même que parmi les vidéos produits par un des experts de Mazda (Donald Parker), on pouvait remarquer la possibilité de s’introduire par effraction dans la Mazda 3 en causant un minimum de dommages à la portière[6].

[30]        Toujours selon les experts des appelants, la vulnérabilité des véhicules concernés résidait dans le manque de soutien structurel du mécanisme de verrouillage aggravé par une conception déficiente de ce mécanisme.

[31]        En ce qui a trait à la conception proprement dite, la preuve technique fait voir que le mécanisme en cause consistait à faire progresser une tige vers le haut pour provoquer l’enclenchement du système de verrouillage. Au moment d’appliquer un coup à un endroit précis situé dans le haut de la portière, la tige s’abaissait subitement, déverrouillant ainsi le véhicule pour le laisser sans défense contre les intrusions hostiles.

[32]        Même s’il accepte la preuve des conséquences d’une attaque sur les portières de la Mazda 3, le Juge rejette les prétentions des experts des appelants portant sur la « faiblesse substantielle » du système de verrouillage.

[33]        À partir de la preuve présentée par Mazda dont celle de l’expert Gou[7], le Juge retient plutôt que le mécanisme en cause répondait aux attentes du consommateur s’il ne pouvait être désengagé sans déformer la portière ou briser la vitre. Le Juge souligne aussi l’inexistence d’une norme de sécurité régissant l’efficacité d’un système de verrouillage pour les automobiles, les seules apparentées à ce domaine se concentrant uniquement sur la sécurité physique des passagers.

[34]        Le Juge note également que le bruit occasionné par une vitre brisée à l’aide d’un marteau est 2,35 fois plus puissant que celui résultant d’un coup de poing appliqué sur la portière. Ce constat tiré, il n’ignore pas pour autant cette autre preuve faisant état de la possibilité de briser une vitre avec un objet pointu sans provoquer un bruit d’un niveau comparable à celui d’une vitre cassée. Il faut cependant savoir que l’essentiel de la preuve portait sur des coups donnés dans le haut de la portière des véhicules Mazda 3 sans l’aide d’instrument. Bref, le bruit provoqué par une vitre fracassée est apparu comme étant un débat se situant nettement en périphérie de la véritable question en litige.

[35]        Le Juge reconnaît que la tôle des véhicules Mazda 3 est plus mince que celle de la compétition (0,64 mm et 0,65 mm par rapport à 0,66 mm et 0,73 mm en général), mais retient que cette caractéristique reflète une tendance généralisée dans l’industrie automobile.

[36]        Se fondant sur l’arrêt ABB inc. c. Domtar inc.[8], le Juge considère que le critère central gouvernant la principale question en litige dont il est saisi est celui du déficit d’usage. Il ajoute que cet état de fait doit être suffisamment grave pour « rendre le bien impropre à l’usage auquel il est destiné ou en diminue[r] tellement l’utilité que l’acheteur n’aurait pas acheté à ce prix ».

[37]        Après analyse, il conclut que les véhicules Mazda 3 ne sont viciés par aucun déficit d’usage puisque, une fois le système de verrouillage enclenché, la portière se trouve bel et bien verrouillée. Selon lui, c’est plutôt la performance de ce système qui serait aux yeux de certains insuffisante, encore que ce soit le cas uniquement lorsque le véhicule est l’objet d’un méfait.

[38]        Il se dit d’avis que sans la preuve d’une norme quelconque ou d’un standard préétabli fixant un seuil d’efficacité pour un système de verrouillage, l’existence d’un déficit d’usage ne peut provenir que du défaut du mécanisme de verrouiller convenablement la portière. Or, selon le Juge, la facilité à contourner ce système de protection, surtout à l’occasion d’un méfait, ne relève pas du déficit d’usage.

[39]        Il rejette aussi les arguments des appelants concernant le non-respect par Mazda des obligations que lui impose la Loi sur la protection du consommateur[9] (« L.p.c. »). Il estime que l’interdiction de faire de la fausse publicité et l’obligation du fabricant de ne pas passer sous silence un fait important dans ses représentations auprès des consommateurs n’ont pas été enfreintes.

[40]        En ce qui a trait à ce dernier reproche, le Juge considère que seul un fait relatif à la sécurité physique des consommateurs est visé par cette obligation de divulgation énoncée à l’article 228 L.p.c. Comme la défaillance alléguée n’a aucun impact sur la sécurité physique des utilisateurs des produits Mazda, cette prétention des appelants s’avérerait non fondée.

[41]        Il rejette aussi l’idée que le programme SSP-75 puisse être vu comme un aveu de responsabilité de la part de Mazda.

[42]        Bien qu’il conclue à l’absence d'un défaut, le Juge choisit tout de même de se pencher sur l’exigibilité des différents chefs de réclamation avancés par les appelants.

[43]        Tout d’abord, il aurait rejeté toutes les réclamations du Groupe 2 au motif que ses membres n’ont jamais subi de tentative de vol, ce qui, à ses yeux, équivaut à une absence de preuve de la manifestation du vice. Comme Mazda a remédié au défaut allégué lors de sa campagne de correction, le préjudice est de toute façon inexistant. Ensuite, le Juge considère que les inconvénients liés au renfort du système de verrouillage font partie des troubles ordinaires de la vie et ne sont donc pas sujets à compensation. En somme, il conclut que les membres de ce groupe ne détiennent aucune réclamation contre Mazda.

[44]        En ce qui a trait aux réclamations des membres du Groupe 1, le Juge estime qu’il y a eu rupture du lien de causalité en raison des actes criminels perpétrés par les voleurs. Ces gestes illicites seraient plus directs et causaux que la faiblesse du système de verrouillage invoquée par les appelants.

[45]        Concernant les dommages punitifs réclamés sous la L.p.c., le Juge conclut qu’aucune preuve d’insouciance de la part de Mazda face à ses obligations légales ne lui a été présentée.

[46]        Finalement, il rejette le recours des appelants, mais sans frais puisqu’il juge les expertises produites par Mazda de peu d’utilité. Même s’il conclut à l’insuffisance du lien de causalité, il se dit tout de même d’avis que la faiblesse du système de verrouillage a été l’occasion des inconvénients subis par les membres des deux groupes, d’où sa conclusion sur les dépens.

Les moyens d’appel

[47]        Les moyens d’appel soulevés par les appelants tiennent à la fois de l’application de la L.p.c. et des règles gouvernant la responsabilité civile. Il convient donc de les regrouper selon la nature des droits invoqués.

[48]        Les moyens d’appel sous la L.p.c. :

Moyens d’appel fondés sur le déficit d’usage et le défaut de divulgation d’un fait important :

1.   La preuve a démontré l’existence d’un défaut de conception du système de verrouillage de la Mazda 3 (Groupes 1 et 2);

2.   Le Juge a eu tort de conclure à l’absence d’un déficit d’usage pour les membres du Groupe 2;

3.   Le Juge a eu tort de rejeter les demandes de réduction de l'obligation de chacun des appelants (Groupes 1 et 2);

4.   Mazda a contrevenu à l’article 228 L.p.c. (Groupes 1 et 2); et

5.   Les appelants ont droit à des dommages punitifs (Groupes 1 et 2).

[49]        Il y aussi les autres moyens d’appel avancés par les appelants qui doivent être tranchés au regard des règles usuelles en matière de responsabilité :

1.   La preuve de l’existence d’un lien causal (Groupe 1); et

2.   La demande d’indemnité pour troubles, ennuis et inconvénients (Groupes 1 et 2).

L’analyse

I)      Les recours sous la L.p.c.

1.     Le défaut de conception

[50]        Les appelants soutiennent que le Juge a commis une erreur de droit ou de fait déraisonnable dans son interprétation de ce qu’est un défaut de conception. Il aurait ainsi minimisé l’importance du critère de l’attente légitime du consommateur en dépit de l’approche généreuse devant être privilégiée en cette matière.

[51]        Selon eux, les attentes légitimes du consommateur à l’égard du système de verrouillage de la Mazda 3 reposaient sur l’assurance que ce mécanisme créait un obstacle suffisant pour dissuader les voleurs d’agir sans plus de retenue. Or, ces attentes ont été gravement déçues en raison de la facilité avec laquelle il était possible de contourner le système de verrouillage, et ce, même par des malfaiteurs néophytes.

[52]        Ils ajoutent que le Juge a utilisé le mauvais critère en empruntant à l’expert Gou l’idée selon laquelle un système de verrouillage est suffisamment performant si, pour le neutraliser, le malfaiteur doit infliger des dommages à la voiture.

[53]        Les appelants reprochent aussi au Juge d’avoir confondu l’existence du vice avec sa manifestation. Les attaques subies sur la Mazda 3 de même que les inconvénients vécus par les membres des deux groupes sont deux formes différentes de la manifestation du même défaut, alors que sa cause tient à la faiblesse du système de verrouillage.

[54]        Toujours de l’avis des appelants, le Juge ne pouvait se fonder sur l’absence de préjudice pour rejeter leur recours puisqu’un manquement à la L.p.c. entraîne l’application d’une présomption absolue de préjudice selon l’article 272 L.p.c.

[55]        Pour sa part, Mazda soutient que les appelants n’ont pas réussi à faire la preuve d’un déficit d’usage. Il a plutôt été démontré que, sans attaque, le mécanisme de verrouillage fonctionnait normalement. Son argument se résume à dire que l’existence même d’un défaut sans la preuve d’un déficit d’usage ne peut donner ouverture à la garantie de l’article 37 L.p.c.

i)      Les présomptions relatives à l’existence du défaut et à son antériorité selon la L.p.c.

[56]        Il convient de reproduire les dispositions pertinentes à l’étude des notions de déficit d’usage grave et d’attentes légitimes :

Loi sur la protection du consommateur, RLRQ, c. P-40.1

Consumer Protection Act, CQLR, c. P-40.1

37. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à l'usage auquel il est normalement destiné.

37. Goods forming the object of a contract must be fit for the purposes for which goods of that kind are ordinarily used.

38. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d'utilisation du bien.

38. Goods forming the object of a contract must be durable in normal use for a reasonable length of time, having regard to their price, the terms of the contract and the conditions of their use.

[…]

[…]

53. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d'exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur un vice caché du bien qui a fait l'objet du contrat, sauf si le consommateur pouvait déceler ce vice par un examen ordinaire.

53. A consumer who has entered into a contract with a merchant is entitled to exercise directly against the merchant or the manufacturer a recourse based on a latent defect in the goods forming the object of the contract, unless the consumer could have discovered the defect by an ordinary examination.

Il en est ainsi pour le défaut d'indications nécessaires à la protection de l'utilisateur contre un risque ou un danger dont il ne pouvait lui-même se rendre compte.

The same rule applies where there is a lack of instructions necessary for the protection of the user against a risk or danger of which he would otherwise be unaware.

Ni le commerçant, ni le fabricant ne peuvent alléguer le fait qu'ils ignoraient ce vice ou ce défaut.

The merchant or the manufacturer shall not plead that he was unaware of the defect or lack of instructions.

Le recours contre le fabricant peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.

The rights of action against the manufacturer may be exercised by any consumer who is a subsequent purchaser of the goods.

[57]        Ce pourvoi porte principalement sur la garantie légale de qualité (notamment celle de l’usage du bien) consacrée par les articles 37, 38 et 53 de la L.p.c. Le défaut de respecter les garanties d’usage et de durabilité mentionnées à ces dispositions donne ouverture au recours fondé sur le défaut caché du bien, objet d’un contrat de consommation. Comme le fait remarquer l’auteur Jeffrey Edwards, l’article 53 L.p.c. incorpore par référence la notion de vice caché à laquelle renvoie le C.c.Q.[10].

[58]        Même si on peut valablement soutenir que la L.p.c. apporte une distinction entre la notion de déficit d’usage et celle de vice caché[11], notre Cour s’est résolument rangée derrière la thèse doctrinale voulant que les garanties consacrées aux articles 37 et 38 de cette loi ne sont qu’une application particulière de la notion de vice caché, elle-même d’origine législative[12].

[59]        L’extrait suivant de l’arrêt Martin c. Pierre St-Cyr Auto caravanes ltée citant avec approbation l’auteur Claude Masse reflète cette position :

[20]      Le Juge a raison de faire le lien entre la garantie de qualité du Code civil et la protection accordée aux consommateurs par les articles 36 et 37 de la L.p.c. C’est aussi l’avis de Claude Masse, expert reconnu en la matière :

La garantie que l’on trouve à l’article 37 L.P.C. à l’effet que le bien acheté doit pouvoir servir à l’usage auquel il est normalement destiné est une manifestation et l’une des applications les plus importantes de la notion de vice caché. On doit donc constater que l’on ne s’écarte pas ici de cette notion fondamentale en droit civil québécois, et ce, malgré une controverse à cet effet soulevée par certaines décisions que nous rapportons dans ce qui va suivre. La jurisprudence majoritaire est maintenant à l’effet que les articles 37 et 38 L.P.C. constituent des applications particulières de la notion de vice caché, concept que l’on retrouve d’ailleurs à titre de fondement de l’article 53 de la L.P.C.

[…]

[21]      À mon avis, le Juge s’est bien dirigé en droit et la question qu’il se pose est la bonne.[13]

[Références omises.] [Je souligne.]

[60]        Je crois ne pas trahir la jurisprudence en concluant qu’un défaut caché selon la L.p.c., lorsqu’il prend l’aspect d’un déficit d’usage, exige, à l’instar du C.c.Q., de satisfaire aux critères suivants : 1) avoir une cause occulte, 2) être suffisamment grave, 3) être inconnu de l’acheteur et finalement 4) être antérieur à la vente.

[61]        S’il est maintenant généralement accepté que les différentes garanties de qualité en droit de la consommation relèvent d’une source commune, il faut cependant noter que le régime de preuve qui leur est applicable se distingue souvent de celui du droit commun, notamment en raison des présomptions contenues aux articles 37, 38 et 53 de la L.p.c.

[62]        L’article 37 L.p.c. confère au consommateur la garantie d’usage, c'est-à-dire que l'usage du bien doit répondre à ses attentes légitimes. Ainsi, dès que le bien ne permet pas l’usage auquel le consommateur peut raisonnablement s’attendre, il y a alors présomption que le défaut est antérieur à la vente, ce qui laisse également présumer, en application du troisième alinéa de l'article 53 L.p.c., de la connaissance par le vendeur de son existence.

[63]        À mon avis, le consommateur bénéficie aussi de cette autre présomption, découlant de la lecture de l’article 37 L.p.c., relative à l'existence d'une cause occulte. En raison du résultat précis imposé au commerçant par cette disposition, la preuve du consommateur doit pour l’essentiel se concentrer sur ce résultat insuffisant ou absent, selon le cas, si, bien entendu, il s’est livré à un examen ordinaire du bien avant l’achat. Ces preuves le dispensent de démontrer la cause à l’origine du déficit d’usage.

[64]        Plusieurs arguments militent en faveur de cette approche. Tout d’abord, la doctrine accepte l’idée d’une présomption relative au caractère occulte du vice à l’occasion de l’application de l’article 38 L.p.c. L’auteur Pierre-Claude Lafond écrit :

414.     Le grand avantage de cette garantie [art. 38 Lpc] pour le consommateur est l’absence d’exigence de faire la preuve, direct et indirect, d’un vice caché. La seule preuve que le consommateur doit présenter est que le bien n’a pas servi normalement pendant une durée raisonnable, compte tenu des trois critères de l’article 38 : son prix, le respect des clauses du contrat et les conditions normales d’utilisation.[14]

[Accentuation conforme à l’original.] [Je souligne.]

[65]        On trouve d’ailleurs une présomption semblable à l’article 1729 C.c.Q. pour le bien vendu par un vendeur professionnel « si le mauvais fonctionnement du bien […] survient prématurément par rapport à des biens […] de même espèce »[15].

[66]        Il me semble que le législateur n’a pu vouloir apporter une distinction entre le bien qui s’est éteint peu de temps après l’achat (art. 38 L.p.c.) d’avec celui dont les caractéristiques, au lieu de le pousser à l’agonie, continuent à accabler son propriétaire en raison de son incapacité à accomplir sa mission (art. 37 L.p.c.). Je n’accepte pas l’idée que le second puisse être soumis à un régime de preuve plus contraignant que le premier, sans compter que cette proposition s’oppose à la conception large et libérale découlant du rôle éminemment social des législations en matière de protection du consommateur[16].

[67]        Ensuite, rien ne fait voir à partir d’une lecture croisée des articles 37 et 38 de la L.p.c. que le législateur ait voulu hiérarchiser les garanties en rendant leur mise en œuvre plus difficile ou plus simple selon la nature de celle invoquée.

[68]        Sur le plan des comparaisons, je note que la garantie d’usage en matière de louage prévue à l’article 1854, al. 2 C.c.Q. ne se formalise pas de la preuve de la cause à l’origine de l’entrave à l’usage normal pour lequel le bien est loué. Si le locataire jouit d’une telle garantie avec la présomption qu’elle comporte, j’imagine difficilement les raisons qui obligeraient le consommateur à une preuve plus fastidieuse.

[69]        J’ajoute que l’importance de la présomption d’existence d'une cause occulte tient aussi au fait qu’elle élargit la conception traditionnelle du vice caché souvent limitée qu’au seul fonctionnement défectueux du bien. Or, il est loisible d’envisager la situation d’un produit dont le mécanisme ne souffre d’aucun défaut à proprement parler, mais, en raison de sa conception, ne permet pas d’en tirer l’usage pour lequel il a été construit[17]. Ainsi, si le déficit d’usage constitue un vice en lui-même, il ne suppose pas pour autant avoir pour cause un défaut matériel.

[70]        En définitive, je considère que les articles 37, 38 et 53 L.p.c. forment un tout cohérent en matière de défaut caché[18] comprenant les présomptions nécessaires à l’établissement des garanties qu’ils énoncent[19]. Le recours basé sur la garantie de l’article 37 L.p.c. exige du consommateur la preuve d’un déficit d’usage sérieux et celle de l'ignorance de cette condition au moment de la vente. Pour le reste, les présomptions contenues à la loi se chargent d’établir les autres facteurs traditionnels propres à la détermination du défaut caché.

ii)     La gravité du déficit d’usage et l’ignorance de son existence par le consommateur au moment de l’achat

[71]        La gravité du déficit d’usage réside dans la diminution importante de l’utilité du bien au point où le consommateur ne l’aurait pas acheté ou n’aurait pas consenti à donner un si haut prix s’il avait connu l’usage réduit qu’il pouvait obtenir de ce bien. La doctrine résume ainsi les indices permettant de cerner cette notion :

[…] Pour décider si un vice est assez grave pour donner ouverture à la garantie, on ne considère pas seulement le coût de sa réparation par rapport à la valeur du bien : on regarde tous les aspects, dont notamment la baisse de la valeur marchande du bien, la diminution de son usage normal (déficit d’usage), les inconvénients, actuels et prévisibles, du vice pour l’acheteur, étant entendu que les attentes légitimes de l’acheteur sont plus grandes pour un bien neuf que pour un bien usagé - parfois une même lacune ne constitue pas un vice pour un bien passablement usagé alors qu’elle l’est pour un bien neuf.[20]

[Références omises.]

[72]        Il n’est cependant pas nécessaire que le déficit enlève toute utilité au bien ou rende son usage impossible. Seule la preuve d’une gravité suffisante au point de jouer un rôle déterminant sur la décision du consommateur s’avère nécessaire[21]. Bref, le fabricant doit concevoir le bien en conservant à l’esprit les besoins et les objectifs de sa clientèle. Telle est la norme.

[73]        Le consommateur doit également démontrer que le défaut lui était inconnu au moment de l’achat. Cette preuve n’est habituellement pas très exigeante, d’autant qu’en pratique il arrive souvent que ce soit le vendeur lui-même qui se charge de faire la démonstration contraire[22].

[74]        Une fois que le consommateur s’est déchargé de son fardeau d’établir ces deux éléments (déficit d’usage et ignorance du défaut), l’article 272 L.p.c. crée une présomption absolue de préjudice donnant ouverture aux remèdes énumérés à cette disposition. La Cour suprême résume ainsi l’interaction entre un manquement par le commerçant aux obligations légales mentionnées au titre I de la L.p.c. et les réparations contractuelles et extracontractuelles que la loi accorde au consommateur :

[…] La L.p.c. impose d’abord aux commerçants et aux fabricants un éventail d’obligations contractuelles de source légale. Ces obligations se retrouvent principalement au titre I de la loi. La preuve de la violation de l’une de ces règles de fond permet donc, sans exigence additionnelle, au consommateur d’obtenir l’une des mesures de réparation contractuelles prévues à l’art. 272 L.p.c.[23]

iii)    Les attentes raisonnables du consommateur

[75]        À ce stade de l’analyse, il importe de ne pas amalgamer les notions de performance et de déficit d’usage grave pour décider si un bien doit être considéré comme étant défectueux. Il s’agit plutôt pour le consommateur de démonter que l’usage du bien est à ce point entravé qu’il ne peut être utilisé normalement pour les fins auxquelles il a été conçu.

[76]        Je suis d’accord avec l’auteur Edwards lorsque ce dernier définit ainsi le déficit d’usage :

Le déficit d’usage, qu’il s’agisse d’une simple diminution ou d’une carence majeure, s’y présente comme une condition de la qualification du vice au sens de la garantie. Cette interprétation est encore retenue par la plupart des auteurs. La première conséquence juridique de cette conception, bien connue d’ailleurs, est que tout vice ne peut être un vice au sens de la garantie, à moins d’entraîner un déficit d’usage du bien.[24]

[77]        Les professeurs L’Heureux et Lacoursière complètent ce raisonnement de la manière suivante :

[L’obligation de garantir l’usage normal d’un bien], qu’énoncent le Code civil et l’article 37 L.p.c., a pour effet d’imposer au fabricant et au commerçant un résultat précis de fournir un produit qui répond à l’attente raisonnable du consommateur ou qui est défectueux.[25]

[Je souligne.]

[78]        Le déficit d’usage a donc trait à l’importance de sa manifestation plutôt qu’à sa cause proprement dite, ce dernier facteur, en droit de la consommation, étant de toute façon réglé par le jeu des présomptions. En vue de cerner la notion de déficit d’usage, il faut principalement s’attarder aux circonstances de l’utilisation du bien (usage normal) analysées sous l’éclairage des attentes raisonnables du consommateur.

[79]        C’est la conclusion à laquelle parvient la Cour suprême dans Domtar :

[…] La vente d’une version améliorée ou plus performante d’un produit ne rend pas déficiente la version antérieure. L’écart de qualité et la différence dans l’utilisation possible du bien entre ces versions ne sauraient être qualifiés de vice caché. L’élément-clé de l’analyse se retrouve dans le déficit d’usage évalué à la lumière des attentes raisonnables de l’acheteur.[26]

[80]        Pour sa part, la doctrine circonscrit ainsi la notion d’attente légitime :

[…] Il arrive que le bien ou le service ne soient pas conformes à l’attente légitime du consommateur sans pour cela être altérés ou détériorés. […] L’attente légitime s’apprécie en fonction de divers facteurs : la nature du produit, sa destination, l’état de la technique, les informations données par le fabricant et le distributeur, et les stipulations du contrat. L’attente légitime est celle du consommateur; il n’appartient pas au commerçant ni au fabricant de la déterminer. En principe, elle s’apprécie in abstracto par rapport au consommateur moyen. Cependant, dans le cas où une caractéristique particulière est indiquée au contrat, l’appréciation se fait in concreto.[27]

[Je souligne.]

[81]        En résumé, le déficit d’usage se manifestera habituellement par une entrave lors de l’utilisation normale du bien provoquant une diminution importante de son utilité. Les attentes raisonnables du consommateur en ce domaine sont censées correspondre à la norme objective du consommateur moyen appréciée au regard de la nature du produit et de sa destination[28]. Sans être déterminante, la preuve de l’efficacité d’un bien de la même espèce dans un contexte d’usage normal constitue un comparable valable susceptible d’aider à identifier le déficit d’usage invoqué par le consommateur.

iv)    Les normes dans l’industrie

[82]        Pour déterminer l’usage auquel on peut normalement s’attendre d’un bien, le renvoi à des normes réglementaires ou légales ou encore à des standards dans l’industrie est un réflexe souvent justifié[29]. Ces facteurs, sans être dominants, peuvent valablement servir de point de départ à l’analyse de cette question.

[83]        Cela dit, l’usage protégé par la garantie de qualité est autonome. Le respect des normes par le commerçant ou le manufacturier ne met pas nécessairement ces parties à l’abri d’une conclusion de déficit d’usage[30]. D'ailleurs, une importante jurisprudence appuie cette idée[31].

[84]        La garantie d’usage imposée au commerçant et au manufacturier crée pour ces parties une obligation de résultat[32]. Celle-ci repose essentiellement sur les attentes légitimes de l’acheteur. Or, quitte à le redire, de telles attentes ne sont pas tributaires des normes de l’industrie. Ce principe a été reconnu dans l’arrêt Banque de Nouvelle-Écosse c. Raymond[33] :

Cet énoncé comporte un sophisme de droit. Ce n'est pas parce qu'un objet a été fabriqué suivant les normes de construction que l'acheteur ne pourra demander l'annulation de la vente, s'il s'avère qu'il est impropre à l'usage auquel il est destiné et pour lequel il a été acheté et vendu. Ce que les intimés ont acheté, ce n'étaient pas des objets fabriqués conformément à certaines normes, mais ce qu'on leur a représenté comme étant des maisons mobiles et, partant, des bâtiments destinés à l'habitation. À savoir si en l'espèce ce fut le cas, était essentiellement une question de fait.

[85]        Bref, le décideur qui choisit de trancher la question des attentes raisonnables du consommateur sur la seule base d’une norme quelconque commet une erreur en droit.

v)     La norme d’intervention

[86]        Avant d’appliquer le droit aux faits de l’espèce, il convient d’identifier la norme à laquelle je suis tenu au moment d’étudier l’opinion du Juge selon laquelle il n’était pas saisi d’une question relative à un déficit d’usage, mais plutôt d’un débat portant sur la qualité de la performance du système de verrouillage.

[87]        Dans l’arrêt Martin c. Pierre St-Cyr Auto caravanes ltée[34], notre Cour a décidé que les questions portant sur l’usage prévu du bien, la diminution de son utilité ou la gravité du déficit d’usage en lien avec les attentes légitimes d’un consommateur sont des questions de fait relevant de la compétence du juge de première instance[35]. Cependant, la Cour suprême, dans Domtar, a pris soin de préciser qu’une erreur de qualification constitue une erreur de droit[36] à l’égard de laquelle notre Cour n’a pas à faire montre d’une déférence particulière. J’entends donc m’en tenir à ces enseignements pour la suite des choses.

Application aux faits de l’espèce

[88]        Dans l’analyse qui va suivre, j’accepte comme étant démontrés tous les constats factuels tirés par le Juge. La question consiste donc à décider si les faits mis en preuve ont été correctement qualifiés.

[89]        Une autre précision s’impose, cette fois à l’égard de la preuve d’expert. Il ressort du dossier d’appel et, plus particulièrement, du jugement entrepris que le Juge ne s’est pas véritablement appuyé sur les expertises de Mazda pour trancher le débat tenu en première instance. Il écrit :

[183]    En effet, dans un premier temps, nous estimons que les expertises produites en défense [Mazda] n’étaient pas nécessaires pour permettre de comprendre la nature de la faiblesse dans le mécanisme de verrouillage de la portière avant, côté conducteur de la Mazda 3 des années 2004 à 2007 que des criminels ont exploitée à compter de l’automne 2006.

[90]        Par ailleurs, certaines opinions exprimées par les experts des deux parties ne relèvent pas nécessairement de leur science ou encore n’ont pas participé à une meilleure compréhension de la preuve acceptée par le Juge[37]. Notamment, je pense à la question des attentes légitimes du consommateur qui, à première vue, n'est pas du ressort exclusif des experts. J’estime donc que certains aspects de la preuve d’expert présentée en première instance sur lesquels je reviendrai plus loin ne méritent aucune déférence particulière.

-    Le déficit d’usage et la gravité du défaut

[91]        Dans la première partie de son analyse, le Juge en arrive rapidement à la conclusion que « dans son usage normal, il appert clairement de la preuve que ce mécanisme de verrouillage fonctionne très bien et ne semble pas affecté d’un vice ou d’un déficit d’usage ». Il s’est, sans doute, senti conforté dans cette position par l’opinion de l’expert de Mazda, Donald Parker, qui est venu affirmer qu’un « système de verrouillage sert simplement à garder honnêtes les gens honnêtes ».

[92]        À mon humble avis et avec beaucoup d’égards pour le Juge, j’estime qu’il a commis une erreur en concentrant son analyse sur le bon fonctionnement du système de verrouillage dans des conditions normales sans égard aux fins poursuivies par ce système de protection.

[93]        L’approche privilégiée par le Juge pose particulièrement problème en ce qu’elle restreint l’analyse au seul fonctionnement du système de verrouillage. Or, comme on l’a vu, il n’est pas nécessaire d’identifier un défaut matériel pour conclure à un déficit d’usage. La ligne de pensée suivie par le Juge ignore aussi les attentes légitimes du consommateur qui ne s’inquiète pas du fonctionnement du mécanisme de verrouillage tant que celui-ci lui assure une protection raisonnable.

[94]        De plus, cette façon d’aborder la question occulte les fins poursuivies par un système de protection. Il me semble inutile de mettre en place une mesure de défense si sa seule ambition est de se prémunir contre les gens honnêtes. Ce modeste objectif, à lui seul, comporte les éléments propres à un déficit d’usage, ne serait-ce qu’en raison du fait que l’obstacle contre le méfait devient dans ces conditions tout simplement futile.

[95]        La garantie de qualité d’usage implique une obligation de résultat pour le manufacturier non seulement à l’égard de la conception matérielle du bien, mais aussi pour l’assurance donnée au consommateur que le produit répondra à l’usage projeté selon ses attentes légitimes. Or, les appelants étaient en droit de s’attendre à ce que leur véhicule soit équipé d’un système de verrouillage capable de créer un obstacle raisonnable contre les intrusions malveillantes.

[96]        Le prisme par lequel le Juge a analysé la question du déficit d’usage a donc eu pour effet de nier aux appelants l’expression de leurs attentes légitimes autorisée par la garantie d’usage prévue à l’article 37 L.p.c.

[97]        En raison des présomptions que comporte cette disposition relative à l’existence d'une cause occulte et de son antériorité au moment de la vente, les appelants n’avaient qu’à démontrer la gravité du déficit d’usage de la Mazda 3 provoqué par la faiblesse « substantielle » du système de verrouillage.

[98]        Pour conclure en ce sens, il suffisait que ce modèle soit atteint d’un déficit d’une importance telle que les consommateurs ne l’auraient pas acheté s’ils avaient connu la véritable situation caractérisant ce véhicule. Or, le Juge ne traite pas véritablement de cette question dans ses motifs.

[99]        À ce chapitre, je me contenterai de dire que le dossier comporte une preuve incontestable selon laquelle les consommateurs entendus lors du procès n’auraient pas accepté de se procurer un véhicule Mazda 3 s’ils avaient été mis au fait de la vulnérabilité du système de verrouillage et des conséquences susceptibles de découler de cette carence.

[100]     Le déficit d’usage dont il est ici question s’est en outre manifesté par les restrictions d’usage que se sont imposées les propriétaires de la Mazda 3 en raison de la vulnérabilité de ce véhicule.

-    Les attentes raisonnables

[101]     Il me faut maintenant traiter plus spécifiquement de la question des attentes raisonnables du consommateur. En l’espèce, les appelants ont choisi d’acquérir un modèle Mazda 3 en tenant pour acquis que ce véhicule comportait les caractéristiques élémentaires possédées par les autres véhicules de même catégorie. Le fait que le mécanisme extérieur de désengagement de la gâche est neutralisé au moment d’enclencher le système de verrouillage ne permet pas, à lui seul, d’établir que les attentes raisonnables des appelants ont été comblées.

[102]     Le Juge aborde pour la première fois la question « des attentes raisonnables » au moment de discuter du lien de causalité. Il écrit :

[158]    Aucun consommateur ne peut donc raisonnablement s’attendre à ce que son véhicule automobile, toutes marques confondues, soit complètement à l’épreuve du vol, du vandalisme ou de toute autre activité criminelle.

[103]     Cette conclusion fixe les limites au-delà desquelles les attentes raisonnables du consommateur cessent de l’être. Cependant, une distinction s’impose entre l’attente du consommateur à l’égard d’un système idéal de protection qui mettrait son bien « complètement » à l’abri du vol et celle moins ambitieuse, mais toutefois raisonnable, se limitant à un système de protection capable de créer un obstacle élémentaire contre les intrusions malveillantes.

[104]     Cette nuance ne semble pas avoir été considérée par le Juge au moment de tirer la conclusion suivante :

[156]    En effet, le système de verrouillage de la portière d’un véhicule automobile est un mécanisme ayant essentiellement pour but de la verrouiller, et non pas d’empêcher une personne mal intentionnée de trouver un moyen illégal d’y pénétrer par l’usage de la force.

[105]     Je réitère que le consommateur moyen est en droit de s’attendre à ce que sa voiture soit équipée d’un système de verrouillage raisonnablement efficace. En bas de ce seuil, il s’agit d’un défaut. Le fait de contourner le système de verrouillage à l’aide d’un simple coup de poing porté sur la portière par un malfaiteur dépourvu de toute sophistication appuie l’idée que le produit n’est pas à la hauteur des attentes légitimes du consommateur.

[106]     En l’espèce, la nature du produit, sa destination, les attentes minimales en matière de protection élémentaire contre les intrusions malveillantes et l’état de la technique en ce domaine autorisaient le consommateur à exiger davantage.

[107]     À ce sujet, les membres du recours collectif ont affirmé ne pas s’être enquis auprès des vendeurs de la Mazda 3 si le système de verrouillage fonctionnait bien, s’agissant pour eux d’un « acquis », de quelque chose qui « va de soi » au moment d’acheter une voiture.

[108]     Je me permets d’ajouter qu’il me paraît tout à fait raisonnable d’admettre l’idée avancée par les appelants selon laquelle tout consommateur informé de la faiblesse du système de verrouillage de la Mazda 3 aurait renoncé à acquérir ce modèle ou encore n’aurait pas déboursé le prix exigé par Mazda.

-    Les normes de l’industrie

[109]     Le Juge a aussi conclu que l’usage normal d’un système de verrouillage dans des conditions normales devait correspondre à un système de protection qui, lorsque enclenché, permet de neutraliser la poignée de la portière. À la lecture de ses motifs, on remarque que l’absence de normes dans l’industrie occupe une place importante dans son raisonnement aux fins de trancher la question du déficit d’usage. Les passages suivants tirés de son jugement illustrent cette impression :

[104]    Sans la preuve de l’existence d’une norme, d’un règlement ou encore d’un standard de performance relativement à un degré de résistance minimum que Mazda aurait fait défaut de respecter, la simple allégation que le système de verrouillage est défaillant nous apparaît guère convaincante.

[…]

[106]    Certes, il semble bien que le système de verrouillage de la portière des véhicules Mazda 3 des années 2004 à 2007 ne soit pas le plus performant parmi ceux installés sur les véhicules de cette catégorie à l’époque, mais il ne déroge à aucune norme ni à aucun standard dans l’industrie automobile, de sorte que ce n’est pas sous cet aspect que la demanderesse trouvera un fondement susceptible d’engendrer la responsabilité de Mazda.

[107]    M. Bellavigna-Ladoux conclut, tant dans son rapport d’expertise qu’à l’audience, que le mécanisme de verrouillage de la portière avant, côté conducteur de la Mazda 3 est affecté d’un vice, puisqu’il est facile de déverrouiller la portière en frappant tout simplement près de la poignée.

[108]    Mais, en réalité, sa conclusion n’est pas tellement que la portière de la Mazda 3 et son système de verrouillage sont affectés d’un vice de conception, mais plutôt que la performance du système de verrouillage de la portière de ce véhicule est insuffisante.

[109]    Or, il [l’expert des appelants] conclut à l’insuffisance du système de verrouillage de la portière sans référer à une norme ou un standard et tout en reconnaissant qu’il n’y en a pas dans l’industrie.

[Je souligne.]

[110]     Il me semble que le Juge ajoute ici une charge de preuve additionnelle au consommateur en accolant à la notion de déficit d’usage la preuve d’une norme quelconque à laquelle l’industrie devrait s’astreindre. Selon cette logique, en l’absence de la preuve d’un manquement à une telle norme, on ne pourrait imputer au manufacturier une faute de la nature de celle reprochée à Mazda. Et en l’absence de toute norme, l’immunité serait alors totale.

[111]     Je réitère que si certains standards sont utiles pour démontrer l’usage attendu d’un bien, ils ne sont toutefois pas indispensables aux fins d’une telle démonstration. Ce qui est en cause ici, ce n’est pas le respect d’une norme, mais plutôt le respect des attentes légitimes du consommateur. Or, l’absence de normes ne libère pas le manufacturier de son obligation de tenir compte des besoins et des attentes raisonnables de sa clientèle[38].

[112]     Au demeurant, que le système de verrouillage soit taxé d’être défaillant ou de ne pas être suffisamment efficace, ces qualifications à elles seules importent peu. Si l’usage du bien ne répond pas aux attentes raisonnables du consommateur au point où il ne l’aurait pas acquis, il y a alors une preuve suffisante d’un déficit d’usage.

-    La norme d’intervention

[113]     J’estime que la preuve a démontré que, en raison d’un problème sérieux de conception, le système de verrouillage de la Mazda 3 était nettement insuffisant. Par son incapacité à assurer une protection minimale contre les intrusions hostiles, cette carence a provoqué un grave déficit d’usage insoupçonnable au moment de l’achat.

[114]     La preuve a aussi révélé que les membres des deux groupes n’auraient pas payé le prix consenti pour l’achat (ou la location) de cette Mazda 3. Quant à la cause occulte de laquelle découle le déficit d'usage et la preuve de son existence au moment de l’acquisition du bien, les présomptions contenues à l’article 37 L.p.c. règlent le sort de ces deux questions.

[115]     J’en viens à ces conclusions sur la base des preuves acceptées par le Juge. Je considère toutefois que le jugement entrepris a mal qualifié les faits en concluant que le problème identifié chez la Mazda 3 en était un de performance insuffisante, alors qu’il résidait plutôt dans une conception déficiente causant aux propriétaires de ces véhicules un important déficit d’usage. Comme on le verra plus loin, cette détermination permet aux membres du Groupe 1 de se prévaloir du recours autonome en dommages compensatoires de l’article 272 L.p.c.

2. et 3.    L’absence de déficit d’usage pour les membres du Groupe 2 et les demandes de réduction de l'obligation de chacun des membres des Groupes 1 et 2

[116]     Le Juge se dit d’avis que les membres du Groupe 2 n’ont souffert d’aucun déficit d’usage puisque leur véhicule n’a été l’objet d’aucune attaque. Bref, les membres de ce groupe n’ont subi aucun préjudice lié au problème de conception du système de verrouillage de la Mazda 3.

[117]     Cette conclusion ne tient évidemment pas compte de la présomption d’existence du défaut reliée à la garantie légale de l’article 37 L.p.c. Cependant, mes conclusions sur les dommages rendent théorique l’étude de la question de l’absence d’un déficit d’usage pour les membres de ce groupe.

[118]     Pour mieux comprendre l'analyse qui va suivre, il convient de revoir les différents chefs de réclamation avancés par les appelants :

-    une demande de réduction de l'obligation de chacun des membres des Groupes 1 et 2 pour défaut de conception (L.p.c.)[39];

-    une demande de réduction de l'obligation de chacun des membres des Groupes 1 et 2 pour manquement à l'obligation d'information (L.p.c.)[40];

-    une demande des Groupes 1 et 2 pour dommages punitifs (L.p.c.)[41];

-    une demande des membres du Groupe 1 pour dommages compensatoires (L.p.c.)[42];

-    une demande des Groupes 1 et 2 pour dommages non pécuniaires; et

-    une demande pour troubles et inconvénients liés au déplacement chez le concessionnaire des membres du Groupe 2[43].

[119]     Le cumul de ces recours n’est pas sans soulever certaines difficultés d’ordre juridique auxquelles il me faut maintenant répondre.

i)      La demande de réduction de l'obligation de chacun des membres des deux groupes pour défaut de conception (art. 37 et paragr. 272 c) L.p.c.)

[120]     Les appelants ont basé leur recours sur le défaut par Mazda de respecter sa garantie d’usage (art. 37 L.p.c.) et en recherchant pour cette faute la réduction de leur obligation (paragr. 272 c) L.p.c.). Il s’avère cependant que Mazda avait déjà mis en place les mesures correctrices en implantant le programme SSP-75. En agissant de la sorte, elle remédiait volontairement à son manquement (paragr. 272 a) L.p.c.).

[121]     Le Juge a eu raison de conclure que Mazda avait le droit de corriger ce défaut de conception et ainsi satisfaire à la garantie à laquelle elle était tenue (art. 37 et paragr. 272 a) L.p.c.) :

[139]    En offrant à sa clientèle d’installer à ses frais un renforcement de la portière avec le programme SSP-75, Mazda a remédié elle-même à la faiblesse du mécanisme de verrouillage de la portière, ce qu’elle avait le droit de faire.

[122]     Je rappelle qu’en plus du programme de correction implanté par Mazda, le manufacturier se voit aussi demander une réduction de l'obligation de chacun des membres des deux groupes fondée sur le même motif. Cette façon de faire soulève la possibilité pour le consommateur de cumuler les réparations mentionnées à l’article 272 a) à f) L.p.c. L’auteur Claude Masse répond ainsi à cette préoccupation :

Les recours prévus à l’article 272 ne peuvent être utilisés concurremment par le consommateur, sauf bien sûr en ce qui concerne la demande de dommages-intérêts et de dommages exemplaires. C’est au consommateur à faire le choix de la sanction qu’il demande en vertu de l’article 272 L.P.C. et non au Tribunal. Dans le cas où le consommateur ne demande aucune des sanctions prévues à l’article 272 L.P.C., le Tribunal doit rejeter la demande, et ce, même si le motif de la poursuite est fondé.[44]

[123]     Dans l’arrêt Nichols c. Toyota Drummondville (1982) inc.[45], notre Cour a reconnu que le consommateur pouvait « construire sa procédure de manière à cumuler plus d'un remède »[46] pour un même manquement. Elle a toutefois tempéré les conséquences d’une telle pratique en affirmant qu’il revenait au juge d’appliquer parmi les réparations recherchées celle la plus convenable aux circonstances de l’affaire.

[124]     Je reconnais que le choix d'invoquer un des remèdes mentionnés à l’article 272 a) à f) L.p.c. relève de la discrétion du consommateur[47]. Je suis aussi d’avis que l’exécution volontaire par le commerçant de ses obligations ne prive pas le consommateur de son droit de recourir à la modalité de réparation la mieux adaptée à sa situation.

[125]     Dans la présente affaire, rien ne fait cependant voir que les appelants auraient pu obtenir davantage par l’octroi d’une réduction de leur obligation pour défaut de conception plutôt que par l’exécution des obligations de Mazda pour corriger ce défaut.

[126]     Dans ce contexte, il n’est pas utile de s’arrêter à la conclusion du Juge portant sur l’absence d’un déficit d’usage pour les membres du Groupe 2, Mazda ayant de toute façon choisi de remédier volontairement au défaut de conception à l’origine du déficit d’usage. Son obligation est donc satisfaite sous ce rapport, et ce, à l’égard des deux groupes.

[127]     Le recours en réduction de l'obligation des appelants pour défaut par Mazda de respecter sa garantie d’usage doit donc être rejeté du fait de l’exécution subséquente par le manufacturier de son obligation sous le paragraphe 272 a) L.p.c. et aussi en raison d’une preuve qui ne permet pas de conclure que cette correction est en soi insuffisante pour combler le préjudice lié au défaut de conception.

ii)     Les demandes en réduction de l'obligation de chacun des membres des deux groupes pour manquement à l'obligation d'information (art. 228 et paragr. 272 c) L.p.c.)

[128]     Cela dit, le fait que Mazda a choisi volontairement d’exécuter ses obligations ne prive pas les appelants de rechercher une réduction de leur propre obligation sur la base du manquement de Mazda à son obligation de divulgation d’une information importante.

[129]     La diminution du prix de vente, en raison de la faute de Mazda d’avoir passé sous silence une information importante (art. 228 et 272 L.p.c.), répond à des considérations distinctes de celles applicables à la garantie de qualité (art. 37 et 272 L.p.c.).

[130]     Les réflexions suivantes de la Cour suprême dans l’arrêt Domtar jettent un éclairage intéressant sur la question :

Par ailleurs, dans la mesure où le vendeur manque à son obligation de dénoncer un vice, l’on peut probablement affirmer du même coup qu’il aura aussi violé son obligation générale de renseigner l’acheteur sur un élément déterminant en rapport avec le bien vendu, c’est-à-dire l’existence d’un vice caché.  Le présent litige se trouve dans cette dernière situation.  Dans la mesure où une partie invoque la garantie du vendeur contre les vices cachés, l’obligation de renseignement se trouve en quelque sorte subsumée dans la grille d’analyse de la responsabilité du vendeur pour vices cachés et le tribunal n’a pas à procéder à une analyse distincte de l’obligation de renseignement du vendeur. C’est pourquoi notre analyse et notre conclusion quant à la responsabilité de C.E. fondée sur la garantie contre les vices cachés suffisent pour statuer sur le présent dossier.[48]

[Je souligne.]

[131]     Selon ce qui précède, on remarque que la cause d’action liée à l’omission de divulguer un fait important ne s’estompe pas du simple fait qu’elle est accompagnée d’un recours pour défaut caché. À l’évidence, les deux causes d’action continuent à coexister, même si, dans certaines situations, elles peuvent être « subsumée[s] dans la grille d’analyse de la responsabilité du vendeur pour vices cachés ».

[132]     Dans le cas qui nous occupe, les conséquences liées au défaut par Mazda de respecter son obligation d’information ne peuvent se dissiper simplement parce qu’elle a choisi de réparer le défaut. Admettre cette idée laisserait en plan l’importante question du prix que le consommateur aurait été prêt à payer pour le bien déficient s’il avait connu l’information déterminante qu’on lui a cachée. Bref, l'exécution de la réparation dont est redevable le manufacturier pour avoir manqué à son obligation de garantie de qualité du bien ne le met pas pour autant à l’abri des conséquences liées à d’autres manquements aux dispositions d’ordre public de la L.p.c.

[133]     Je ne vois donc pas d’objection de principe à joindre le redressement recherché pour défaut de conception avec celui pour défaut d'information. Comme les deux ont pour fondement des sources légales distinctes (art. 37 et 228 L.p.c.), on ne peut parler en pareille cas de double indemnisation pour une même cause. L’important dans ces situations est de s’assurer que la compensation totale consentie au consommateur ne s’élèvera pas au-delà de son véritable préjudice.

[134]     Incidemment, la preuve fait voir que la mesure de correction implantée par Mazda a coûté au manufacturier pour chaque dispositif à peu près 9 $[49]. Dans les prochaines lignes, je m’apprête à conclure que Mazda a manqué à son obligation d’information (art. 228 L.p.c.). Dans ces conditions, il me semble évident que la pose d’un renfort du système de verrouillage ne permet pas à elle seule de combler le préjudice subi par les appelants à qui on a passé sous silence un fait important au moment de l’acquisition de leur Mazda 3.

4.     Le défaut de Mazda de divulguer un fait important

[135]     Il me faut maintenant décider si Mazda s’est rendue coupable d’un manquement à son obligation d’information. Le Juge écrit à ce sujet :

[124]    D’autre part, même si nous avions conclu que le dispositif de verrouillage de la portière était affecté d’un vice de conception, ce mécanisme ne représente aucun risque de préjudice corporel pour quiconque utilise le véhicule. L’allégation que Mazda a passé sous silence ou omis de divulguer un fait important relativement à un élément de sécurité dont le véhicule Mazda 3 devait être muni n’est donc pas fondée.

[Je souligne.]

[136]     Selon cet extrait, il semble que le Juge restreint l’obligation de divulgation faite au manufacturier au seul cas de « risque de préjudice corporel ». Pour ma part, je considère que l’article 228 L.p.c. voit plus grand. Je le reproduis :

Loi sur la protection du consommateur, RLRQ, c. P-40.1

Consumer Protection Act, CQLR, c. P-40.1

228. Aucun commerçant, fabricant ou publicitaire ne peut, dans une représentation qu'il fait à un consommateur, passer sous silence un fait important.

228. No merchant, manufacturer or advertiser may fail to mention an important fact in any representation made to a consumer.

[137]     Les appelants ont choisi de demander la réduction de leur obligation en fondant cette demande sur la réticence de Mazda à dévoiler à sa clientèle les carences du système de verrouillage de la Mazda 3. Ils invoquent une contravention à la loi (art. 228 L.p.c.) les autorisant à rechercher l’application de l’une des mesures réparatrices contenues à l’article 272 L.p.c.[50].

[138]     La doctrine définit ainsi ce qui constitue un fait important :

En ce qui a trait à l’article 228 de la L.P.C., on constatera ici que cette disposition a connu de nombreuses et intéressantes applications. Le pivot de cette disposition est bien sûr la question de savoir ce qu’est un « fait important ».

Un « fait important » est une information qui, si elle avait été communiquée au consommateur en temps opportun, aurait été de nature à influer sur sa décision de contracter ou sur les conditions et modalités du contrat. Il s’agit là d’une situation qui peut varier d’un contrat à l’autre.[51]

[Je souligne.]

[139]     Toujours avec beaucoup d’égards pour le Juge, je suis d’avis que le « fait important » dont il est question à l’article 228 L.p.c. ne vise pas uniquement à protéger la sécurité physique du consommateur[52]. Il englobe aussi tous les éléments déterminants du contrat susceptibles d’interférer avec son choix éclairé. En guise d’exemple, la jurisprudence a classé parmi les faits importants l’omission du vendeur de dévoiler à un acheteur le fait qu’une voiture d’occasion avait nécessité des réparations substantielles[53] ou encore le cas du commerçant qui a négligé d’informer ses clients du caractère aléatoire d’un escompte sur le prix du mazout[54].

[140]     Le « fait important » auquel renvoie l’article 228 L.p.c. a donc trait à un élément déterminant du contrat de vente, tels le prix, la garantie, les modalités de paiement, la qualité du bien, la nature de la transaction et toute autre considération décisive pour lesquels le consommateur a accepté de contracter avec le commerçant.

[141]     Selon ce que j’ai déterminé précédemment, les véhicules Mazda 3 visés par le recours des appelants étaient affectés d’un défaut caché. La preuve a aussi révélé que les membres des deux groupes, tous des consommateurs, auraient reconsidéré leur choix s’ils avaient su que leur véhicule pouvait être déverrouillé par un simple coup porté au-dessus de la portière.

[142]     Il ne fait aucun doute que la défaillance du système de verrouillage viciant les véhicules Mazda était en l’espèce un fait important qui devait être divulgué aux clients de ce manufacturier. Je considère que cette information était susceptible de jouer sur le choix du consommateur de contracter avec le commerçant ou encore sur les modalités à convenir avec ce dernier au moment de l’achat.

[143]     Or, la question de la déficience conceptuelle du système de verrouillage était connue de Mazda, à tout le moins à compter du 3 octobre 2006, soit le jour d’un rapport interne portant précisément sur le problème en cause[55]. Ce défaut a été subséquemment dévoilé à sa clientèle du Québec le 28 janvier 2008 par l’entremise d’une lettre de Mazda transmise à ses concessionnaires[56] leur annonçant le lancement du programme spécial de correction[57].

[144]     Les appelants voudraient voir appliquer contre Mazda une présomption absolue de connaissance du « fait important » en raison de son statut de manufacturier[58]. Si cette présomption devait être reconnue sans plus de nuances, elle ferait rétroagir la connaissance présumée de Mazda concernant le problème de conception à une date antérieure à sa connaissance réelle, ce qui permettrait d’élargir considérablement le Groupe 2.

[145]     La présomption invoquée par les appelants, si tant est qu’elle soit implicite à l’article 228 L.p.c., ce que je ne décide pas, ne peut être que réfragable[59]. En l’espèce, tout comme le Juge, j’estime que cette présomption a de toute façon été repoussée par une preuve directe qui établit la date de la connaissance réelle par Mazda du défaut de conception.

[146]     En conséquence de ce qui précède, certains membres des deux groupes ont le droit de réclamer une diminution du prix de leur Mazda 3 en raison du défaut par le manufacturier de dévoiler à sa clientèle l’information relative à « la faiblesse substantielle » du système de verrouillage dont étaient équipés certains de ses produits (art. 228 et 272 L.p.c.).

[147]     Cela dit, j’estime que les créanciers de ce chef de réclamation ne peuvent être que ceux ayant acquis le bien défectueux dans l’ignorance du fait important passé sous silence par Mazda. Tous les autres acquéreurs de Mazda 3 équipée d’un système de verrouillage revu et corrigé par le manufacturier au moment de l’achat de ce véhicule ne sont pas fondés à recourir à l’article 272 L.p.c. Mazda n’avait à leur égard aucun fait important à leur dévoiler, la question de l’insuffisance du système de verrouillage étant de toute façon connue par sa clientèle à compter de la lettre du 28 janvier 2008.

[148]     Le recours en diminution de prix pour défaut de divulguer un fait important vise donc tous les véhicules modèle Mazda 3, années 2004, 2005, 2006 et 2007, acquis entre le 3 octobre 2006 (début du manquement) et le 28 janvier 2008 (fin du manquement), si, au moment de l’achat, ces véhicules étaient encore équipés d’un système de verrouillage déficient.

5.     Les dommages punitifs réclamés par les deux groupes

[149]     Tout comme le Juge, j’estime que les appelants n’ont droit à aucun dommage punitif.

[150]     Tout d’abord, un manquement à une disposition de la L.p.c. ne donne pas nécessairement ouverture à une condamnation à des dommages punitifs sous l’article 272 L.p.c.[60]. Ensuite, le fardeau de preuve permettant d’obtenir ce type de condamnation s’avère assez lourd :

-    Les dommages-intérêts punitifs prévus par l’art. 272 L.p.c. seront octroyés en conformité avec l’art. 1621 C.c.Q. dans un objectif de prévention pour décourager la répétition de comportements indésirables;

-    Compte tenu de cet objectif et des objectifs de la L.p.c., les violations intentionnelles, malveillantes ou vexatoires, ainsi que la conduite marquée d’ignorance, d’insouciance ou de négligence sérieuse de la part des commerçants ou fabricants à l’égard de leurs obligations et des droits du consommateur sous le régime de la L.p.c. peuvent entraîner l’octroi de dommages-intérêts punitifs. Le tribunal doit toutefois étudier l’ensemble du comportement du commerçant lors de la violation et après celle-ci avant d’accorder des dommages-intérêts punitifs.[61]

[151]     Ici, il y a loin de la coupe aux lèvres. L’étude de la preuve ne démontre pas que Mazda a agi de manière intentionnelle, malveillante ou vexatoire, ou encore que sa conduite peut se qualifier d’ignorance sérieuse, d’insouciance ou de négligence atteignant ce niveau de gravité.

[152]     Le Juge s’est livré à une analyse minutieuse de « l’ensemble du comportement [de Mazda] lors de la violation et après celle-ci ». Il a conclu que le manufacturier n’avait pas eu « une conduite répréhensible ou un comportement que la L.p.c. vise à réprimer ». Cette détermination repose sur son appréciation de la preuve et les appelants n’ont pas établi que la discrétion du Juge a été exercée sur cette question de manière telle qu’elle soit entachée par une erreur manifeste ou déterminante.

[153]     Les membres des deux groupes n’ont donc droit à aucun dommage sous ce chef de réclamation.

II)     Les recours des appelants selon les règles de la responsabilité civile

1.     Le lien de causalité au regard des dommages compensatoires réclamés par le Groupe 1

[154]     Les membres du Groupe 1 réclament des dommages extracontractuels pour le coût des réparations des bosses causées à la portière de leur véhicule lors d’intrusions malveillantes et, le cas échéant, le coût de la franchise liée à ces réparations. Ils réclament aussi les franchises payées pour l’indemnisation de vols d’objets survenus lors de ces intrusions ou encore leur valeur si ceux-ci n’ont pas fait l’objet d’une réclamation à leur assureur.

[155]     Le Juge a conclu qu’il y avait eu novus actus interveniens puisqu’à ses dires l’intervention criminelle d’un tiers serait venue briser la chaîne de responsabilité de Mazda et ainsi rompre le lien de causalité entre la faute et les dommages. Je ne partage pas ce point de vue.

[156]     J’ai déjà tranché que le système de verrouillage du modèle Mazda en cause était affecté d’un défaut de conception en ce qu’il n’offrait pas un obstacle raisonnable contre les intrusions malveillantes. La preuve fait voir que ces intrusions particulières se sont multipliées au fur et à mesure que les médias dévoilaient au public la faiblesse du système de verrouillage de la Mazda 3. Il ressort aussi de la preuve que c’est en raison précisément de cette « faiblesse substantielle » que des malfaiteurs, même peu sophistiqués, s’en prenaient à ce modèle de véhicule.

[157]     Si on accepte l’idée qu’un système de sécurité vise au premier plan à se prémunir contre les personnes malhonnêtes, la question du lien de causalité devait donc être analysée sous l’éclairage de cet objectif. En l’espèce, la vulnérabilité des modèles en cause a tout simplement été l’occasion donnée par Mazda à des tiers malveillants d’accomplir leur méfait. Le dommage est ici le résultat de la faute du manufacturier qui a créé les conditions propres à sa réalisation. Il est la conséquence du vice, c'est-à-dire l’exploitation par des gens malhonnêtes du défaut de conception qui affligeait le modèle en cause.

[158]     Considérant ce qui précède, non seulement suis-je d’avis que le lien entre la faute et le dommage est plus direct qu’indirect, mais, dans le pire des scénarios, il n’a pas été démontré que nous sommes ici en présence d’une rupture « complète » du lien causal. Encore tout récemment, notre Cour écrivait à ce sujet dans l’arrêt Gargantiel[62] :

[25]      C’est d’ailleurs ce que notre cour dans Lacombe en 2003, dans Ville de Laval en 2012 et dans Pullan en 2013 énonce :

Extraits de Ville de Laval

[64]       À mon avis, le premier juge a correctement rejeté l'application du novus actus interveniens dans les circonstances révélées par la preuve (paragr. [344] à [359]). Comme la cour l'a déjà souligné, pour conclure à une rupture du lien causal, il faut à la fois l'arrêt complet du lien entre la faute initiale et le dommage et la relance d'un nouveau lien avec le préjudice en raison d'un acte sans rapport direct avec la faute initiale [Lacombe c. André, [2003] R.J.Q. 720, paragr. 59 (C.A.).]. La doctrine va dans le même sens [Jean-Louis Baudouin et Patrice Deslauriers, La responsabilité civile, Vol. I - Principes généraux, 7e éd., Cowansville, Éd. Yvon Blais, 2007, paragr.1-631.].

[65]       Ce n'est manifestement pas le cas ici. Quoi qu'en dise la Ville, il n'y a jamais eu disparition complète du lien entre la faute d'omission reprochée à ses policiers et les dommages subis. Au mieux, ce qu'identifie la Ville relève d'une faute « contributoire » pouvant mener à un partage de responsabilité.

Extrait de Pullan

[51]       Dans ces circonstances, la théorie de la causalité adéquate et le critère de la prévision raisonnable auraient dû conduire le juge à estimer qu'il n'y avait pas eu rupture de causalité, et, encore moins, rupture complète du lien causal, au sens où notre cour l'a décidé encore récemment :

[64]         À mon avis, le premier juge a correctement rejeté l'application du novus actus interveniens dans les circonstances révélées par la preuve (paragr. [344] à [359]). Comme la cour l'a déjà souligné, pour conclure à une rupture du lien causal, il faut à la fois l'arrêt complet du lien entre la faute initiale et le dommage et la relance d'un nouveau lien avec le préjudice en raison d'un acte sans rapport direct avec la faute initiale. La doctrine va dans le même sens.

[Références omises.] [Je souligne.]

[159]     De plus, j’estime que c’est Mazda elle-même qui apporte la meilleure preuve quant à l’existence d’un lien de causalité. Cet extrait tiré d’une note rédigée par un mandataire de Mazda me semble révélateur de l’étendue du lien causal plaidé par les appelants :

Due to the nature of the criminal activity which has occurred, a customer satisfaction issue has arisen which has prompted the MSP. Excessive communication may educate criminals and lead to more illegal activity.[63]

[Je souligne.]

[160]     Aussi, la réaction de Mazda à l’égard des dénonciations dont elle était l’objet constitue une autre démonstration de l’existence du lien causal entre sa faute et les dommages subis par les consommateurs. Voici ce qu’écrivait le 4 octobre 2006 un préposé de Mazda dans un document intitulé « Kaizen Request »[64] :

-    « We have received 12 cases of this incident from Vancouver area. Similar method of break has been done in Quebec. »

-    « Damaged to door panel and entry of the vehicle by thief, and valuables were stolen.  But none of them had the burglar alarm go off during this incident.  The drivers door panel was impacted above the door handle in order to open the door.  The door was locked when customer left his/her vehicle.  Certain body shop indicates that the door unlocks enough to open it momentarily by pressing door panel which pushes lock/unlock rod for key cylinder. The problem is 1) The door lock will be popped up (unlocked) with an impact. »

-    « Customers will be going to TV media in Vancouver area to report this matter.  We are very concerned that this information will spread on the public/internet, affecting vehicle image, sales and insurance costs in the near future.  Please establish production and field countermeasure to address this serious issue. »

[161]     Pour Mazda, il s’agit d’un « serious issue » susceptible de porter atteinte à l’image du modèle Mazda 3. Essentiellement, c’est le défaut de conception et les attaques qu’il suscite qui sont ici la préoccupation première du rédacteur de ce mémo. Si donc il existe un lien entre ce « serious issue » et l’image des produits Mazda, ce même lien existe forcément entre la cause des soucis de Mazda et les dommages subis par les membres du Groupe 1.

[162]     Pour ces raisons, je suis d’avis que l’hypothèse du novus actus interveniens n’est pas démontrée.

2.     Les troubles, ennuis et inconvénients

i)      Les dommages non pécuniaires réclamés par les membres des deux groupes

[163]     Les appelants tentent bien de nous pointer ici et là dans leur requête introductive d’instance réamendée du 13 août 2013 des bribes de phrases à la lecture desquelles on devrait percevoir leur volonté ferme de réclamer des dommages non pécuniaires. Devant la Cour, ils plaidaient que les inquiétudes vécues par les membres des deux groupes au regard des risques de voir leur véhicule vandalisé et la recherche continuelle d’un stationnement sécuritaire méritaient compensation.

[164]     Si cette preuve était utile pour établir une forme de déficit d’usage, je ne considère pas qu’elle puisse conduire pour autant à un dédommagement quelconque pour la simple raison que le Juge n’était saisi d’aucune demande allant en ce sens.

[165]     En dépit d’une lecture attentive de la requête introductive d’instance réamendée, je n’ai pu trouver, parmi les conclusions que contient cette procédure, une demande de compensation de la part des appelants portant spécifiquement sur des dommages de cette nature. Pour s’en convaincre, je reproduis les allégations concernées :

55.       Le vice de conception pour lequel Mazda a encouru et reconnu sa responsabilité a causé et cause toujours des dommages aux membres des Groupes;

56.       La représentante-demanderesse […] estime approprié d'ordonner le recouvrement collectif des sommes dues aux membres du groupe 2 (soit Toutes les personnes physiques et morales domiciliées ou résidentes au Québec, comptant cinquante (50) employés et moins, étant devenues locataires, crédit-preneurs ou propriétaires d'un véhicule de marque et modèle Mazda 3, années 2004, 2005, 2006 et 2007 sur lequel a été installé après la prise de possession du véhicule, un renforcement du dispositif de verrouillage de la portière du conducteur) et lesquels se détaillent comme suit :

a)         Les membres des Groupes sont en droit de réclamer une diminution de prix forfaitaire de 500,00 $ liée à la perte de valeur de leur véhicule laquelle est causée par ce défaut de sécurité et la pratique interdite commise par Mazda;

b)         Le fait pour les membres des Groupes d'avoir subi et de subir des troubles, ennuis et inconvénients, liés au déplacement chez le concessionnaire pour effectuer la réparation, a entraîné des dommages qu'ils sont justifiés de réclamer et qui sont évalués de façon forfaitaire à 500,00 $ par membre pour chacun des Groupes;

c)         Le fait pour Mazda d'avoir omis d'apporter les mesures appropriées en temps utile et d'avoir contrevenu à la L.P.C. donne ouverture à l'octroi de dommages punitifs fixés à 200,00 $ pour chacun des membres des Groupes. Cette somme est justifiée notamment à la lumière des profits excessivement importants réalisés par Mazda sur la vente de véhicule Mazda 3 et les capacités financières très importantes de cette dernière et les risques que le vice pouvait causer sur la sécurité physique des passagers en cas d'accident;

[Accentuation conforme à l'original.]

[166]     Par ailleurs, la preuve en première instance me paraît bien ténue sous ce rapport au point où les dommages réclamés me semblent ici difficilement prouvables[65].

[167]     Vu ce qui précède, c’est sans surprise que le Juge n’a pas traité de cette prétention qui s’est présentée en appel avec plus de vigueur qu’elle semble l’avoir été en première instance.

ii)     Troubles et inconvénients liés au déplacement chez le concessionnaire des membres du Groupe 2

[168]     Les membres du Groupe 2 soutiennent qu’ils ont subi des troubles, ennuis et inconvénients en raison des déplacements occasionnés chez leur concessionnaire pour l’installation de mesures correctives du système de verrouillage de leur Mazda. Le Juge a rejeté cet aspect de leur réclamation au motif qu’il s’agissait de troubles ordinaires de la vie. Je partage entièrement ce point de vue.

[169]     Tout d’abord, en raison de son aspect fortement individuel, cette partie de la réclamation des appelants se prête difficilement à une indemnisation collective.

[170]     Ensuite, même si les appelants ont subi des désagréments liés à la campagne lancée par Mazda pour corriger le défaut affectant son modèle Mazda 3, à l’évidence, ceux-ci n’excèdent pas les inconvénients normaux auxquels tous les propriétaires de véhicules sont confrontés ici et là dans le cours normal d’une année[66].

[171]     Le droit de la responsabilité civile n’ambitionne pas de compenser une partie pour toutes ses frustrations et susceptibilités liées au moindre manquement de la part de celui avec qui elle interagit, ne serait-ce qu’en raison de la grande part de subjectivité que comportent les demandes de cette nature. Aussi, il ne convient pas d’accaparer les tribunaux pour des réclamations individuelles reposant sur des conséquences de peu d’importance (art. 1604, al. 2 C.c.Q.), règles souvent reprises sous la forme de la maxime latine de minimis non curat lex.

CONCLUSION

[172]     Il convient maintenant de récapituler mes motifs en résumant les conclusions applicables à chaque groupe.

Groupe 1

[173]     J’ai conclu que le modèle Mazda 3 visé par le recours collectif était équipé d’un système de verrouillage déficient, causant à ses propriétaires (ou locataires) un important déficit d’usage.

[174]     La preuve fait cependant voir que Mazda a depuis exécuté son obligation en corrigeant ce défaut (paragr. 272 a) L.p.c.). J’ai aussi conclu que les membres du Groupe 1 ne peuvent, par surcroît, obtenir une indemnisation additionnelle sous forme de réduction de leur obligation sur la base de la même cause, c'est-à-dire un défaut de conception. Je suis parvenu à ce résultat après avoir considéré qu’un recours sous le paragraphe 272 c) L.p.c. n’aurait pas été plus avantageux pour les membres de ce groupe.

[175]     Toutefois, ces derniers ont droit à une réduction de leur obligation en raison du manquement à la Loi dont Mazda s’est rendue coupable, soit son omission de divulguer une information importante (art. 228 et 272 L.p.c.). L’étendue du groupe pour cette partie de la réclamation doit se limiter aux propriétaires d’une Mazda 3, années 2004, 2005, 2006 et 2007, acquise entre le 3 octobre 2006 et le 28 janvier 2008, si, au moment de l’achat, ce véhicule était encore équipé d’un système de verrouillage déficient.

[176]     De plus, les membres du Groupe 1 ont droit à des dommages compensatoires en vertu du recours autonome prévu à l’article 272 L.p.c. :

[125]     En cas de contravention par un commerçant ou un fabricant à une obligation visée par l’art. 272 L.p.c., le consommateur peut demander au tribunal de lui accorder des dommages-intérêts compensatoires. À cet égard, les intimées plaident que le recours en dommages-intérêts compensatoires est accessoire à l’octroi par le tribunal de l’une des mesures de réparation contractuelles prévues aux al. a) à f) de l’art. 272 L.p.c. (m.i., par. 72). Cet argument n’est pas fondé. Le texte de l’art. 272 L.p.c. contient les mots « sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas ». Cette expression, qui ne souffre d’aucune ambiguïté, signifie que le recours en dommages-intérêts, qu’il soit de nature contractuelle ou extracontractuelle, est autonome par rapport aux mesures de réparation contractuelles spécifiques prévues aux al. a) à f) de l’art. 272. En rédigeant l’art. 272 L.p.c. de cette façon, le législateur a voulu laisser au consommateur la liberté de choisir la sanction qu’il estime appropriée en réparation de son préjudice.

[126]     L’autonomie du recours en dommages-intérêts prévu à l’art. 272 L.p.c. ne signifie cependant pas que l’exercice de ce recours n’est assujetti à aucun encadrement juridique. D’abord, le recours en dommages-intérêts, qu’il se fonde sur un manquement contractuel ou sur une faute, doit être exercé dans le respect du principe régissant l’intérêt juridique pour intenter une poursuite en vertu de cette disposition. Ensuite, lorsque le consommateur choisit de réclamer des dommages-intérêts au commerçant ou au fabricant qu’il poursuit, l’exercice de son recours demeure soumis aux règles générales du droit civil québécois. En particulier, pour obtenir des dommages-intérêts compensatoires, il faut que le dommage subi soit susceptible d’évaluation ou quantifiable.

[127]     L’article 272 L.p.c. permet aussi l’octroi de dommages-intérêts compensatoires en matière extracontractuelle dans le cas où un commerçant ou un fabricant commet une pratique interdite. En effet, la doctrine et la jurisprudence majoritaires au Québec considèrent que le dol commis au cours de la phase précontractuelle constitue une faute civile susceptible d’engager la responsabilité extracontractuelle de son auteur (Lluelles et Moore, p. 321; Kingsway Financial Services Inc. c. 118997 Canada inc., 1999 CanLII 13530 (QC CA), 1999 CanLII 13530 (C.A. Qué.)). La preuve du dol établit ainsi la faute civile. En raison du caractère particulier de la L.p.c., cette preuve s’établit cependant selon des modalités différentes de celles applicables en vertu du Code civil du Québec.

[128]     En effet, dans la mesure où il est ouvert au consommateur, le recours prévu à l’art. 272 L.p.c. allège son fardeau de preuve au moyen d’une présomption absolue de préjudice découlant de toute illégalité commise par le commerçant ou le fabricant. Cette présomption dispense le consommateur de la nécessité de prouver l’intention de tromper du commerçant, comme l’exigerait le droit civil en matière de dol. Suivant l’interprétation suggérée par le juge Fish dans l’arrêt Turgeon, le consommateur qui bénéficie de la présomption irréfragable de préjudice aura également réussi à prouver la faute du commerçant ou du fabricant pour l’application de l’art. 272 L.p.c. Cette preuve permettra ainsi au tribunal de lui accorder des dommages-intérêts visant à compenser tout préjudice résultant de cette faute extracontractuelle.[67]

[177]     Le fait que Mazda a choisi volontairement d’exécuter ses obligations contractuelles ne limite en rien la possibilité pour les membres de ce groupe d’obtenir des dommages compensatoires extracontractuels. Comme l’indique la Cour suprême dans le passage précédemment cité, les dommages-intérêts constituent un recours autonome par rapport aux mesures de réparation spécifiques prévues à l'article 272 a) à f) L.p.c.

[178]     Concernant ce dernier chef de réclamation, j’ai aussi conclu que le lien de causalité entre la faute de Mazda et les dommages réclamés était démontré.

[179]     En résumé, en plus d'avoir droit à la réduction de leur obligation en raison de la faute de Mazda d'avoir passé sous silence un fait important (art. 228 et 272 L.p.c.), les membres du Groupe 1[68], dont le modèle concerné a été endommagé en raison d’une attaque perpétrée contre la portière côté conducteur, ont droit d’être compensés pour les dommages suivants :

1.         le coût de la réparation des dommages causés à la portière côté conducteur lors d’une tentative ou d’une intrusion malveillante réussie;

2.         le cas échéant, le coût de la franchise d’assurance relié à cette perte;

3.         la valeur des objets volés lors de ces intrusions malveillantes; et/ou

4.         le cas échéant, le coût de la franchise d’assurance relié à cette perte.

[180]     Comme je l’ai indiqué précédemment, les membres de ce groupe n’ont cependant pas droit à d’autres réparations en vertu de la L.p.c. ou encore à d’autres formes de compensation y compris des dommages punitifs.

Groupe 2

[181]     Les membres du Groupe 2[69] n’ont droit qu’à la réduction de leur obligation pour le défaut de Mazda de divulguer en temps utile une information importante (art. 228 et 272 L.p.c.). Ce groupe doit toutefois se limiter qu’aux propriétaires d’une Mazda 3, années 2004, 2005, 2006 et 2007, acquise entre le 3 octobre 2006 et le 28 janvier 2008, si, au moment de l’acquisition, ce véhicule était encore équipé d’un système de verrouillage déficient.

[182]     Les autres chefs de réclamation pour ce groupe doivent être rejetés car non fondés.

———————————-

[183]     Lors de l’audition d’appel, les appelants n’ont pas identifié de société commerciale dans la composition des deux groupes susceptible d’être concernée par le recours collectif. Les procédures en appel sont également silencieuses sur cette possibilité. La nécessité de prévoir des personnes morales parmi les membres des deux groupes n’est donc pas établie.

[184]     Autre point, la demande des appelants de condamner Mazda à payer les frais des experts Bellavigna-Ladoux et Swayze doit être rejetée, car l’utilité de leur expertise tant en première instance qu’en appel n’a pas été démontrée.

[185]     Compte tenu de ce qui précède, le recours collectif des appelants aurait dû être accueilli en ces termes :

accueille en partie la requête introductive d’instance réamendée;

CONDAMNE la défenderesse à verser à la représentante Lise Fortin une somme équivalant : au coût de la réparation des dommages survenus à son véhicule Mazda 3; au coût correspondant à la valeur des objets volés s’il en est; le cas échéant, au coût des franchises d’assurance pour la réparation de la portière côté conducteur et à la perte des objets volés; le tout portant intérêts au taux légal majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, calculés à compter de la date de la signification de la requête pour autorisation d'exercer un recours collectif;

CONDAMNE la défenderesse à verser à l’autre représentant Richard Robitaille les sommes reliées à chacun des chefs de réclamation autorisés à la représentante Lise Fortin, portant intérêts au taux légal majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, calculés à compter de la date de la signification de la requête pour autorisation d'exercer un recours collectif;

CONDAMNE la défenderesse à verser aux deux représentants des dommages à titre de diminution de leur obligation, portant intérêts au taux légal majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, calculés à compter de la date de la signification de la requête pour autorisation d'exercer un recours collectif, le tout conditionnel à la preuve de l’acquisition d’un modèle Mazda 3, années 2004, 2005, 2006 et 2007, survenue entre le 3 octobre 2006 et le 28 janvier 2008 si, au moment de cette acquisition, le véhicule était encore équipé d’un système de verrouillage déficient;

ORDONNE que les réclamations suivantes des membres du Groupe 1 fassent l'objet de réclamations individuelles à être déterminées lors de l'audition sur les dommages selon les prescriptions des articles 1037 à 1040 du Code de procédure civile;

CONDAMNE la défenderesse à verser à chacun des membres du Groupe 1 la somme équivalant au coût de réparation des dommages survenus sur leur véhicule Mazda 3, portant intérêts au taux légal majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, calculés à compter de la date de la signification de la requête pour autorisation d'exercer un recours collectif;

CONDAMNE la défenderesse à verser à chacun des membres du Groupe 1 la somme équivalant au coût des objets volés survenus dans leur véhicule Mazda 3, portant intérêts au taux légal majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, calculés à compter de la date de la signification de la requête pour autorisation d'exercer un recours collectif;

CONDAMNE la défenderesse à verser à chacun des membres du Groupe 1 la somme équivalant à toute franchise d'assurance assumée par eux pour la réparation des dommages subis à la portière côté conducteur et pour la perte d’objets volés, portant intérêts au taux légal majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, calculés à compter de la date de la signification de la requête pour autorisation d'exercer un recours collectif;

CONDAMNE la défenderesse à verser aux membres des deux groupes, à titre de recouvrement collectif, les dommages correspondant à la diminution de leur obligation, portant intérêts au taux légal majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, calculés à compter de la date de la signification de la requête pour autorisation d'exercer un recours collectif;

FIXE l’étendue des deux groupes aux fins de l’établissement de leur dommage pour ce dernier chef de réclamation aux seuls possesseurs d'un véhicule modèle Mazda 3, années 2004, 2005, 2006 et 2007, acquis entre le 3 octobre 2006 et le 28 janvier 2008, si, au moment de l’achat, ce véhicule était encore équipé d’un système de verrouillage déficient;

[186]     Je propose donc d'accueillir l'appel en partie et d'ordonner que le dossier soit retourné en première instance pour que l'audition sur la quantification des dommages ait lieu en tenant compte des conclusions précédentes et aux fins de déterminer leur mode de recouvrement, le tout avec dépens contre l'intimée tant en première instance qu'en appel, mais excluant toutefois les frais d'expert.

 

 

 

 

GUY GAGNON, J.C.A.

 



[1]     Robitaille c. Mazda Canada inc., 2013 QCCS 659.

[2]     Fortin c. Mazda Canada inc., 2014 QCCS 2617 (« jugement entrepris »).

[3]     Field Quality Information Report, 3 octobre 2006, Pièce P-14. Voir aussi Kaizen Request, 4 octobre 2006, Pièce P-15.

[4]     Extrait d’une lettre de Mazda en date du 28 février 2007 annonçant l’implantation du MSP-14, Pièce P-17.

[5]     Les membres du groupe 2 se définissent ainsi : « Toutes les personnes physiques et morales domiciliées ou résidentes au Québec, comptant cinquante (50) employés et moins, étant devenues locataires, crédit-preneurs ou propriétaires d'un véhicule de marque et modèle Mazda 3, années 2004, 2005, 2006 et 2007 sur lequel a été installé après la prise de possession du véhicule, un renforcement du dispositif de verrouillage de la portière du conducteur ». Voir Requête introductive d’instance réamendée, 13 août 2013, paragr. 5.

[6]     Jugement entrepris, paragr. 60; Vidéos de M. Donald Parker, Pièce D-27.

[7]     Rapports de Michel Gou, 18 juillet et 22 octobre 2013, Pièces D-30 et D-31.

[8]     ABB inc. c. Domtar inc., 2007 CSC 50.

[9]     Loi sur la protection du consommateur, RLRQ, c. P-40.1.

[10]    Jeffrey Edwards (maintenant juge à la Cour du Québec), La garantie de qualité du vendeur en droit québécois, 2e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2008, no 132, p. 58.

[11]    Ibid., no 129, p. 57.

[12]    Claude Masse, Loi sur la protection du consommateur : analyse et commentaires, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1999, p. 259. Voir également Pierre-Gabriel Jobin, « Réflexions sur une réforme des garanties légales des produits de consommation » dans Thierry Bourgoignie, Propos autour de l’effectivité du droit de la consommation, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008, p. 105-121 où l’auteur est d’avis que le droit québécois n’a pas avantage à considérer le droit de la protection du consommateur comme complètement autonome par rapport au droit commun.

[13]    Martin c. Pierre St-Cyr Auto caravanes ltée, 2010 QCCA 420. Voir aussi Fortier c. Meubles Léon ltée, 2014 QCCA 195, paragr. 97.

[14]    Pierre-Claude Lafond, Droit de la protection du consommateur : théorie et pratique, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2015, no 414, p. 178.

[15]    Martin c. Pierre St-Cyr Auto caravanes ltée, supra, note 13, paragr.13.

[16]    Richard c. Time, 2012 CSC 8, paragr. 103.

[17]    Couture-Poulin c. Performance NC inc., 2012 QCCQ 1264, paragr. 30. Voir aussi Nicole L’Heureux et Marc Lacoursière, Droit de la consommation, 6e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2011, no 80, p. 98.

[18]    P.-C. Lafond, supra, note 14, no 435, p. 184.

[19]    N. L’Heureux et M. Lacoursière, supra, note 17, no 83, p. 101.

[20]    Pierre-Gabriel Jobin avec la collaboration de Michelle Cumyn, La vente, 3e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2007, no 157, p. 200-201.

[21]    ABB inc. c. Domtar inc., supra, note 8, paragr. 52. Voir également N. L’Heureux et M. Lacoursière, supra, note 17, no 87, p. 104; P.-G. Jobin avec la collaboration de M. Cumyn, supra, note 20, no 157, p. 200; C. Masse, supra, note 12, p. 259.

[22]    Thérèse Rousseau-Houle, Précis de droit sur la vente et le louage des choses, Québec, Les Presses de l'Université de Laval, 1986, p. 134.

[23]    Richard c. Time, supra, note 16, paragr. 113.

[24]    J. Edwards, supra, note 10, no 302, p. 138.

[25]    N. L’Heureux et M. Lacoursière, supra, note 17, no 81, p. 99.

[26]    ABB Inc. c. Domtar Inc., supra, note 8, paragr. 49.

[27]    N. L’Heureux et M. Lacoursière, supra, note 17, no 80, p. 98.

[28]    Martin c. Pierre St-Cyr Auto caravanes ltée, supra, note 13.

[29]    Roy c. Proulx, 2015 QCCS 71; Bélisle c. Richard, 2013 QCCQ 3870; voir également P.-G. Jobin avec la collaboration de M. Cumyn, supra, note 20, no 155, p. 197.

[30]    J. Edwards, supra, note 10, nos 326 et 327, p. 151; P.-G. Jobin avec la collaboration de M. Cumyn, supra, note 20, no 155, 197.

[31]    Groupe Commerce (Le), compagnie d'assurances c. New Holland Canada ltée, J.E. 2004-467 (C.Q.), où le tribunal conclut que même si les boulons d’une presse à foin respectent les normes, ces derniers présentent tout de même un déficit d’usage; Deschênes c. Desparois, 2007 QCCS 1081, où le tribunal conclut que l’absence de drain français autour d’une maison constitue un vice caché même si les normes à l’époque de la construction d’une maison n’exigeaient pas ce type de drain; Doucet c. Golding, J.E. 2004-1548 (C.Q.); Stepanian c. Marmor, [2001] R.J.Q. 2704 (C.Q.), paragr. 37 et 38; Vallée c. Méthot, 2013 QCCQ 4719; Economical Mutual Insurance Group c. Crane Canada inc., 2010 QCCS 328, conf. par 2011 QCCA 2359; Boisclair c. Desormeaux, 2013 QCCS 3965, conf. par Laframboise c. Boisclair, 2015 QCCA 842, où la Cour confirme sur le fond, mais infirme sur la répartition des dommages.

[32]    J. Edwards, supra, note 10, nos 326 et 327, p. 151.

[33]    Banque de Nouvelle-Écosse c. Raymond, J.E. 87-299 (C.A.).

[34]    Martin c. Pierre St-Cyr Auto caravanes ltée, supra, note 13.

[35]    Ibid., paragr. 22.

[36]    ABB. c. Domtar inc., supra, note 8, paragr. 37.

[37]    C.G.U. compagnie d’assurance du Canada c. Paul, 2005 QCCA 315, paragr. 3. Voir aussi Jean-Claude Royer et Sophie Lavallée, La preuve civile, 4e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008, no 466, p. 326.

[38]    ABB inc. c. Domtar inc., supra, note 8, paragr. 95.

[39]    Requête introductive d’instance réamendée, 13 août 2013, paragr. 6 et 56 a).

[40]    Ibid., paragr. 45 b).

[41]    Ibid., paragr. 56 c).

[42]    Ibid., paragr. 58.

[43]    Ibid., paragr. 56 b).

[44]    C. Masse, supra, note 12, p. 999.

[45]    Nichols c. Toyota Drummondville (1982) inc., [1995] R.J.Q. 746 (C.A.).

[46]    Ibid., paragr. 4.

[47]    Richard c. Time, supra, note 16, paragr. 113; Systèmes Techno-pompes inc. c. Tremblay, 2006 QCCA 987, paragr. 22; John Scotti automobile ltée c. Tremblay, [2001] R.J.Q. 742 (C.Q.).

[48]    ABB inc. c. Domtar inc., supra, note 8, paragr. 109.

[49]    Témoignage de Donald MacPhee, 28 octobre 2013.

[50]    Richard c. Time, supra, note 16, paragr. 98 et 123.

[51]    C. Masse, supra, note 12, p. 862.

[52]    Richard c. Time, supra, note 16, paragr. 87.

[53]    Beauchamp c. Relais Toyota Inc., [1955] R.J.Q. 741 (C.A.).

[54]    Sa Majesté la Reine c. Ultramar Canada Inc., Cour des sessions de la paix, Montréal, no 500-27-010275-859, 28 août 1986, j. Morier cité dans C. Masse, supra, note 12, p. 868.

[55]    Field Quality Information Report, supra, note 3.

[56]    Lettre de Mazda à ses concessionnaires, 28 janvier 2008, Pièce P-22.

[57]    Spécial Service Program (SSP-75), 28 décembre 2007, Pièce D-8.

[58]    Banque de Montréal c. Bail, [1992] 2 R.C.S. 554, 587.

[59]    Lorsque la loi ne donne aucun indice du caractère irréfragable d’une présomption, par exemple par une mention expresse (comme à l’art. 2848 C.c.Q.), par la mention « est réputé » (art. 2847 C.c.Q.) ou par la création d’une présomption légale faisant obstacle à la naissance ou à l'exercice d'un droit (art. 2866 C.c.Q.), alors la présomption ne peut être que réfragable. En effet, une présomption est absolue lorsque le législateur impose la vérité d’une situation pour des raisons d’ordre public. Voir Léo Ducharme, Précis de la preuve, 6e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2005, nos 551-573, p. 222-228.

[60]    Richard c. Time Inc., supra, note 16, paragr. 178.

[61]    Ibid., paragr. 180.

[62]    Gargantiel c. Québec (Procureure générale), 2015 QCCA 224, paragr. 25, autorisation de pourvoi à la C.S.C. accueillie, 19 novembre 2015, 36388.

[63]    Lettre de Mazda, supra, note 4.

[64]    Kaizen Request, supra, note 3.

[65]    Sofio c. Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM), 2015 QCCA 1820.

[66]    Voir Christine A. Carron, « La quiétude et la règle de minimis : le recours collectif pour inconvénients mineurs », dans Service de la formation continue, Barreau du Québec, vol. 345, Développements récents en recours collectifs, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2012, p. 45, à la page 49.

[67]    Richard c. Time Inc., supra, note 16.

[68]    La composition de ce groupe n’inclut aucune personne morale.

[69]    La composition de ce groupe n’inclut aucune personne morale.

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