Décision

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Poulin et BCH Unique inc.

2009 QCCLP 6374

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Lévis

21 septembre 2009

 

Région :

Chaudière-Appalaches

 

Dossier :

342987-03B-0803

 

Dossier CSST :

124273657

 

Commissaire :

Ann Quigley, juge administratif

 

Membres :

Claude Jacques, associations d’employeurs

 

Francine Roy, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Sylvie Poulin

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

B.C.H. Unique inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 13 mars 2008, madame Sylvie Poulin (la travailleuse) dépose une requête devant la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 11 mars 2008 à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme la décision rendue initialement le 11 décembre 2007 et déclare que la travailleuse n’a pas été victime d’une récidive, rechute ou aggravation le 8 novembre 2007 de l’événement du 14 mars 2003. En conséquence, la CSST déclare que la travailleuse n’a pas droit aux indemnités prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

[3]                Une audience a lieu devant la Commission des lésions professionnelles le 10 juin 2009 à St-Joseph-de-Beauce. La travailleuse et B.C.H. Unique inc. (l'employeur) sont présents et représentés.

 

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître que le 8 novembre 2007, elle a subi une récidive, rechute ou aggravation de l’événement initial du 14 mars 2003.

 

LES FAITS

[5]                De l’ensemble de la preuve offerte et notamment à la lumière des témoignages de la travailleuse et du docteur Michel Giguère de même que de l’ensemble de la preuve documentaire produite, le tribunal retient les faits suivants.

[6]                La travailleuse occupe l’emploi de préposée à la sérigraphie chez l'employeur au moment où elle se blesse le 14 mars 2003. L’accident survient alors qu’elle procède au classement d’enveloppes sur une étagère très chargée. La travailleuse ressent immédiatement un pincement et des élancements à l’épaule droite.

[7]                Le 19 mars 2003, la travailleuse consulte la docteure Line Bouffard qui pose un diagnostic d’entorse à l’épaule droite et recommande l’application de chaleur locale, la prise d’anti-inflammatoires et de myorelaxants.

[8]                La travailleuse est prise en charge par la docteure Bouffard qui la voit sur une base régulière. Elle lui prescrit notamment des traitements de physiothérapie qui débutent en avril 2003.

[9]                Le 9 avril 2003, la travailleuse produit une réclamation à la CSST en lien avec l’événement du 14 mars 2003. Elle décrit ainsi l’événement :

En poussant un paquet d’enveloppe dans une étagère (mouvement d’abduction horizontal) avec le bras droit, j’ai ressenti une douleur à l’épaule droite. [sic]

 

 

[10]           Le 6 mai 2003, la CSST accepte la réclamation de la travailleuse pour une entorse de l’épaule et une entorse dorsale haute.

[11]           Dans le cadre du suivi médical de la condition de la travailleuse, plusieurs diagnostics sont posés dont notamment celui de tendinite subaiguë posé par le docteur Gagnon  le 15 juillet 2003 et celui de myosite du trapèze et du rhomboïde droit posé par la docteure Bouffard le 24 juillet 2003.

[12]           Le 31 juillet 2003, la travailleuse est évaluée par le docteur Paul-O. Nadeau, chirurgien orthopédiste, à la demande de l'employeur.

[13]           À l’issue de son évaluation, le docteur Nadeau conclut à un diagnostic d’entorse de l’épaule droite et d’élongation musculaire légère. Il consolide la lésion professionnelle en date de son examen, soit le 31 juillet 2003 et est d’avis que la travailleuse ne conserve aucune atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique ni limitations fonctionnelles en lien avec le fait accidentel. De plus, il est d’avis qu’aucun traitement additionnel n’est requis.

[14]           Le 3 décembre 2003, en réaction à l’expertise médicale du docteur Nadeau, la docteure Bouffard complète un rapport complémentaire. Elle maintient le diagnostic de myosite du trapèze et du rhomboïde droit. Comme traitement, elle recommande, tout comme le docteur Arsenault, un repos complet pour permettre à la travailleuse de guérir et envisage une consolidation probable dans deux à trois mois.

[15]           Le 9 février 2004, la travailleuse est évaluée par le docteur Denis Laflamme, orthopédiste et membre du Bureau d'évaluation médicale (BEM). Le docteur Laflamme doit se prononcer tant sur le diagnostic que sur la période prévisible de consolidation de la lésion et les soins ou traitements.

[16]           À l’issue de son évaluation, le docteur Laflamme retient le diagnostic de tendinite à l’épaule droite et est d’avis que la lésion n’est pas consolidée. Il recommande de poursuivre les traitements en cours et indique que la travailleuse pourrait bénéficier d’une infiltration cortisonée.

[17]           Le 28 mars 2004, la travailleuse passe un examen par résonance magnétique de la colonne cervicale. Les résultats de cet examen sont interprétés par le docteur Bernard Rodrigue, radiologiste. Il conclut à un examen dans les limites de la normale, mis à part un minime bombement discal au niveau C5-C6, lequel n’entraîne aucune répercussion sur le canal spinal ou sur les foramens adjacents.

[18]           Le 16 avril 2004, la docteure Bouffard rédige un rapport complémentaire, toujours en réaction à l’expertise médicale du docteur Nadeau du 31 juillet 2003. Elle prescrit de la physiothérapie et du repos. Elle est d’avis que la travailleuse conservera des limitations fonctionnelles.

[19]           Quant à la détermination de l’atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, la docteure Bouffard indique qu’elle sera évaluée à la suite de la consultation en physiatrie qui est prévue le 26 avril 2004. La docteure Bouffard considère que compte tenu du diagnostic de myosite et considérant les symptômes persistants, la lésion n’est toujours pas consolidée et conclut son rapport en disant qu’elle attend les résultats de la résonance magnétique cervicale avant de déterminer si d’autres traitements seront nécessaires.

[20]           Le 26 avril 2004, la travailleuse est évaluée par la docteure Claudine Morand, physiatre. Elle constate des douleurs myofasciales du trapèze et recommande la cessation des traitements de physiothérapie afin de les remplacer par des traitements d’ergothérapie ainsi que des infiltrations de Botox.

[21]           Le 27 mai 2004, la travailleuse est évaluée par le docteur Richard Lirette, orthopédiste et membre du BEM. Le docteur Lirette doit se prononcer tant sur la date prévisible de consolidation de la lésion que sur les soins ou traitements.

[22]           À l’issue de son évaluation, le docteur Lirette conclut que la lésion n’est pas consolidée et est d’avis qu’il y a lieu de poursuivre les traitements tels que suggérés par le médecin traitant et de procéder à une infiltration sous-acromiale et à un Xylotest à l’épaule droite.

[23]           Le 28 juin 2004, la travailleuse est évaluée par le docteur Paul-O Nadeau à la demande de l'employeur.

[24]           À l’issue de son évaluation, le docteur Nadeau retient le diagnostic d’entorse au niveau de l’épaule droite. De plus, il précise que s’il y a eu tendinite, elle est consolidée depuis le 28 juin 2004. Il est d’avis que la travailleuse n’a besoin d’aucun autre traitement. De plus, il considère qu’elle ne conserve aucune atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique ni limitations fonctionnelles.

[25]           Le 5 août 2004, la docteure Bouffard complète un rapport complémentaire en réaction à la deuxième évaluation médicale du docteur Nadeau. Elle retient le diagnostic de myosite du trapèze droit et est d’avis que la lésion n’est toujours pas consolidée. Comme traitements, elle recommande une injection de Botox de même qu’une consultation auprès du docteur Michel Giguère, orthopédiste.

[26]           Le 3 septembre 2004, la travailleuse est évaluée par le docteur François Morin, orthopédiste et membre du BEM. Le docteur Morin doit se prononcer tant sur la date de consolidation de la lésion que sur les soins ou traitements.

[27]           À la suite de son évaluation, le docteur Morin est d’avis que la lésion est consolidée en date du 3 septembre 2004. Il considère qu’il n’y a aucune autre indication de traitements, prenant notamment en considération le fait qu’il n’y a pas d’indication d’injection au Botox étant donné que la douleur est diffuse. Il considère également le fait que le Xylotest et l’infiltration acromioclaviculaire n’ont pas apporté de soulagement au niveau de l’épaule. Il est d’avis que la douleur vient en très grande majorité du trapèze et qu’il n’y a aucune indication de thérapie au niveau de l’épaule.

[28]           Le 5 octobre 2004, le docteur Blais complète un rapport final où il pose le diagnostic de myosite du trapèze droit encore symptomatique, établit que la lésion professionnelle est consolidée le 5 octobre 2004 et que la travailleuse ne conserve aucune atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique. Cependant, il considère que la travailleuse conserve des limitations fonctionnelles.

[29]           Le 29 octobre 2004, le docteur Blais rédige un rapport complémentaire où il indique qu’il suit la travailleuse depuis le 14 juillet 2004 puisque son médecin traitant est en congé maladie. Il réitère le diagnostic de myosite du trapèze droit et mentionne que la travailleuse continue de présenter des algies sous-scapulaires droites. Cependant, depuis le 14 juillet 2004, la travailleuse constate une amélioration progressive de sa condition.

[30]           Quant à la question des limitations fonctionnelles, telles que notées sur le rapport final, le docteur Blais précise qu’en raison de la diminution progressive de la symptomatologie, il est probable que la travailleuse ne conservera pas de limitations fonctionnelles permanentes.

[31]           Le 16 décembre 2004, la travailleuse est évaluée par le docteur Réjean Cloutier, orthopédiste et membre du BEM. Le docteur Cloutier doit se prononcer en lien avec l’existence ou non de limitations fonctionnelles.

[32]           À la suite de son évaluation, le docteur Cloutier conclut que la travailleuse ne conserve pas de limitations fonctionnelles.

[33]           Pour en venir à cette conclusion, il se base notamment sur le fait que son examen objectif est tout à fait normal et superposable à celui auquel a procédé le docteur Morin le 3 septembre 2004.

[34]           Le 2 février 2005, la travailleuse consulte le docteur Giguère, orthopédiste, qui pose le diagnostic de tendinopathie de l’épaule droite avec myalgie du trapèze droit. Il recommande la tenue d’un Xylotest mais note que la travailleuse est actuellement enceinte.

[35]           Le 12 octobre 2005, la travailleuse revoit le docteur Giguère qui pose le diagnostic de tendinopathie de l’épaule droite et prescrit une résonance magnétique de l’épaule droite.

[36]           Le 30 novembre 2005, la travailleuse revoit le docteur Giguère qui procède à un Xylotest sous-acromial droit qui s’avère positif et recommande une chirurgie. Il est d’avis qu’il y aura des limitations fonctionnelles à prévoir.

[37]           Le 23 janvier 2006, la travailleuse revoit le docteur Giguère qui note peu de changements et prévoit revoir la travailleuse pour une infiltration cortisonée lorsqu’elle aura complété l’allaitement de son enfant.

[38]           Le 10 mars 2006, la travailleuse est évaluée par le docteur Giguère. Dans son examen, le médecin note la présence de douleurs au niveau de la coiffe des rotateurs de l’épaule et au niveau du trapèze droit. Il pose le diagnostic de tendinopathie de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite avec myalgie du trapèze droit secondaire.

[39]           De plus, il est d’avis que la lésion n’est pas consolidée puisqu’un Xylotest passé le 30 novembre 2005 s’est avéré positif avec amélioration importante des symptômes à l’épaule droite et au trapèze droit.

[40]           De même, il considère que l’examen objectif démontre toujours la présence de signes d’accrochage à l’épaule droite et de douleurs lors de stress contrarié.

[41]           Quant aux traitements, il recommande l’essai avec quelques infiltrations cortisonées de l’épaule droite lorsque la travailleuse aura cessé l’allaitement et indique que si la symptomatologie ne s’améliore pas avec des infiltrations cortisonées, un traitement chirurgical sera alors recommandé, soit une chirurgie de type acromioplastie.

[42]           Malgré le fait qu’il considère que la lésion professionnelle de la travailleuse n’est pas consolidée, il dresse le bilan suivant des séquelles :

CODE                  DESCRIPTION                                                           DAP

 

102 383                Atteinte permanente des tissus mous

                           au niveau de l’épaule droite                                          2 %

104 906                Perte de 10° de flexion antérieure

                           au niveau de l’épaule droite                                          1 %

104 808                Perte de 10° d’abduction passive

                           au niveau de l’épaule droite                                          1 %

Préjudice esthétique

224 144                Modification de la forme et de la symétrie,

                           atteinte non permanente ou légère                                0 %

Séquelles antérieures                                                                             Nil

Autre déficit relié à la bilatéralité ne s’applique pas.

 

 

[43]           Il émet également les limitations fonctionnelles suivantes :

·         Éviter le travail au-dessus de 90° avec l’épaule droite;

·         Éviter des positions statiques d’abduction et de flexion antérieure même inférieure à 90° avec le membre supérieur droit;

·         Éviter les mouvements de rotation répétés avec le membre supérieur droit;

·         Éviter la manipulation de charges à bout de bras de plus de 5 à 10 livres avec le membre supérieur.

 

 

[44]           À l’audience, la travailleuse témoigne à l’effet qu’elle a tenté d’obtenir un certain soulagement de la douleur qu’elle ressentait au niveau de l’épaule droite par différents types de traitements, dont des traitements d’acupuncture qu’elle aurait reçus de janvier à mars 2007. Ceux-ci lui auraient procuré un soulagement temporaire d’une à deux journées. Elle a aussi tenté des traitements d’ostéopathie, de psychothérapie, d’orthothérapie et d’homéopathie.

[45]           La travailleuse poursuit son témoignage en disant que sa qualité de vie est nettement détériorée, tant en ce qui a trait à ses activités de la vie quotidienne qu’au niveau des sports qu’elle ne peut plus pratiquer et de son sommeil qui est grandement affecté.

[46]           La travailleuse indique que le 20 avril 2007, elle a reçu des infiltrations du docteur Giguère qui lui ont apporté un soulagement temporaire d’une semaine puis la douleur est revenue.

[47]           La travailleuse affirme que depuis décembre 2004, soit depuis l’évaluation du BEM du docteur Cloutier, elle a eu une amélioration de 50 % des douleurs.

[48]           Interrogée sur le moment où le docteur Giguère et elle-même ont discuté pour la première fois de la possibilité qu’elle subisse une intervention chirurgicale, la travailleuse indique que c’était en 2006. Cependant, elle n’était pas prête à recevoir une telle intervention chirurgicale puisqu’à ce moment, elle allaitait son enfant.

[49]           En effet, la travailleuse a accouché en septembre 2004 et a allaité jusqu’en novembre 2007. La travailleuse précise qu’en novembre 2007, elle a communiqué avec le docteur Giguère pour lui dire qu’elle était prête à subir l’intervention chirurgicale qu’il lui avait recommandée dès 2006.

[50]           Le 26 septembre 2007, la Commission des lésions professionnelles rend une décision. Le tribunal doit alors se prononcer sur le diagnostic à retenir en lien avec la lésion professionnelle initiale, sur la date de consolidation de la lésion professionnelle et sur les autres conséquences médicales de cette lésion.

[51]           Après avoir analysé l’ensemble de la preuve médicale dont il dispose, et notamment l’expertise médicale du docteur Giguère du 10 mars 2006 qui recommandait une intervention chirurgicale de type acromioplastie, le tribunal conclut que la tendinite de l’épaule droite dont la travailleuse a souffert est consolidée le 3 septembre 2004 sans nécessité de soins ou de traitements additionnels et que, de plus, la travailleuse ne conserve aucune atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique ni limitations fonctionnelles. De ce fait, la travailleuse a la capacité d’exercer son emploi prélésionnel. Cette décision a acquis un caractère final et irrévocable.

[52]           Le 8 novembre 2007, la travailleuse est opérée par le docteur Giguère. Il procède alors à une scopie et acromioplastie de même qu’une excision de la clavicule distale droite. Au protocole opératoire rédigé par le médecin apparaît le diagnostic de tendinopathie de l’épaule droite et synovite acromioclaviculaire de l’épaule droite. De plus, le protocole révèle que la clavicule est proéminente et l’espace est restreint. Le docteur Giguère procède d’ailleurs à l’excision de 5 à 6 mm de clavicule distale.

[53]           À la suite de cette intervention chirurgicale, la travailleuse produit une réclamation à la CSST pour récidive, rechute ou aggravation. Cette réclamation est refusée par la CSST au motif qu’elle ne voit aucun lien entre la scopie acromioclaviculaire distale droite et l’événement initial du 14 mars 2003. Cette décision se base sur l’opinion du médecin de la CSST qui retient le fait que la lésion à l’épaule droite était bien résolue sans atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique ni limitation fonctionnelle. Ainsi, selon ce médecin, en l’absence d’un nouveau traumatisme au travail et de facteurs de risque particuliers au travail (puisque la travailleuse n’a pas repris le travail depuis l’événement d’origine), il ne peut relier la chirurgie avec l’événement initial. La révision administrative confirme ce refus et le tribunal est actuellement saisi d’une requête à l’encontre de cette décision.

[54]           À l’audience, la travailleuse témoigne à l’effet que la chirurgie l’a améliorée d’environ 20 % et que des douleurs persistent sous forme de « coups de couteau ». Cependant, le Xylotest acromioclaviculaire reçu après l’intervention chirurgicale l’a améliorée de 50 %.

[55]           Le 10 décembre 2007, la travailleuse revoit le docteur Giguère qui parle de douleurs ++ à la suite des traitements de physiothérapie. Il recommande donc de les cesser. De plus, il mentionne que la travailleuse se plaint de douleurs nocturnes à l’épaule droite. Il ne pose aucun diagnostic précis sur l’attestation médicale qu’il rédige pour la CSST.

[56]           La travailleuse revoit le docteur Giguère le 25 janvier 2008. Il ne constate alors aucun changement dans la condition de la travailleuse. Il recommande l’essai de Lyrica et prévoit la revoir dans 5 à 6 semaines.

[57]           Lors de la consultation du 14 mars 2008 auprès du docteur Giguère, ce dernier note des douleurs persistantes à l’épaule droite et prescrit de la massothérapie.

[58]           La travailleuse revoit le docteur Giguère le 14 mai 2008. Il pose alors le diagnostic de tendinopathie de l’épaule droite, mentionne que la travailleuse conserve des limitations fonctionnelles et lui recommande de refaire de la physiothérapie.

[59]           Lors de la consultation du 9 juillet 2008, le docteur Giguère réitère le diagnostic de tendinopathie de l’épaule droite, réfère aux résultats d’une résonance magnétique qui aurait révélé de la tendinose et réfère la travailleuse au docteur Jean-François Bégin afin d’obtenir son opinion.

[60]           La travailleuse consulte le docteur Bégin le 9 octobre 2008. Il rédige un rapport médical destiné à la CSST où il réfère à une acromioplastie de l’épaule droite sans particularité. Il ne recommande pas de procéder à une autre chirurgie. Il écrit que la travailleuse devra revoir le docteur Giguère, ce qu’elle fait le 9 janvier 2009. Il pose alors le diagnostic de syndrome facettaire dorsal droit, recommande une infiltration du trapèze droit et de l’épaule droite.

[61]           Le 27 février 2009, le docteur Nadeau, mandaté par l’employeur, rédige un rapport à la suite de l’étude du dossier de la travailleuse. L’employeur lui demande de se prononcer relativement à la récidive, rechute ou aggravation du 8 novembre 2007.

[62]           À l’issue de son analyse, le docteur Nadeau conclut que la travailleuse n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 8 novembre 2007. Selon lui, la condition de la travailleuse est stable depuis longtemps et rien ne permet de démontrer qu’elle s’est détériorée ou aggravée. À preuve, selon lui, l’intervention chirurgicale n’a pas amélioré la condition de la travailleuse.

[63]           Le 24 mars 2009, la travailleuse est évaluée par le docteur Jean-François Roy, chirurgien orthopédiste, à la demande du procureur de la travailleuse.

[64]           Dans le cadre du mandat qui lui est confié, le docteur Roy doit se prononcer en lien avec la chirurgie subie par la travailleuse le 8 novembre 2007.

[65]           Lors de cette évaluation, la travailleuse dit présenter une douleur à la face supérieure de l’épaule droite qu’elle qualifie de constante. Cette douleur la réveille la nuit lorsqu’elle se couche sur le côté droit. Elle est amplifiée par les mouvements de l’épaule droite et de façon moindre, par la rotation de la tête. Elle peut irradier jusqu’à la face interne du coude droit, vers la région inter-scapulaire et sternale.

[66]           À l’examen physique, le docteur Roy note une sensibilité à l’articulation acromioclaviculaire droite et à la région du sus-épineux jusqu’au niveau de l’omoplate. Par ailleurs, les manœuvres de Speed, de Neer et de Jobe sont négatives, tant à droite qu’à gauche. Le docteur Roy constate une diminution de l’amplitude articulaire de l’épaule droite. L’abduction est mesurée à 130 degrés à droite et à 150 degrés à gauche. Quant à l’élévation antérieure, elle s’effectue à 130 degrés à droite et à 170 degrés à gauche. L’extension est mesurée à 40 degrés à droite et 60 degrés à gauche. La rotation interne est mesurée à 70 degrés plutôt que 100 degrés à gauche. L’abduction est symétrique à 30 degrés et la rotation externe est symétrique à 100 degrés.

[67]           L’examen neurologique est normal, tout comme l’examen vasculaire.

[68]           À l’issue de son évaluation, le docteur Roy est d’opinion que la chirurgie du 8 novembre 2007 et l’événement initial sont interreliés puisqu’à son avis, une dysfonction au niveau du trapèze peut entraîner, de façon indirecte, un syndrome de butée de l’épaule car le trapèze est un muscle qui participe à la mobilisation de l’épaule en stabilisant l’omoplate.

[69]           Il poursuit en affirmant que même si la lésion était consolidée le 3 septembre 2004 sans atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique, les douleurs au niveau du trapèze persistaient, ce qui a entraîné, de façon directe, une perturbation de la fonction du trapèze et, par le fait même, une dysfonction de l’épaule droite et un phénomène d’accrochage secondaire.

[70]           Le docteur Roy suggère un autre xylotest à l’épaule droite pour voir si la pathologie à l’épaule explique la majorité des symptômes. De plus, il croit qu’un traitement de Botox pourrait être tenté à la clinique de la douleur afin de soulager la myosite du trapèze.

[71]           Il dresse le bilan suivant des séquelles :

DAP ACTUEL :

 

102 383             Atteinte des tissus mous du membre supérieur droit       2 %

                        avec séquelles fonctionnelles

 

104 826             Abduction de l’épaule droite à 130 degrés                      3 %

 

104 924             Flexion antérieure à 130 degrés maintenue                    2 %

 

 

 

 

[72]           De plus, le docteur Roy est d’avis que la travailleuse conserve les limitations fonctionnelles suivantes :

- éviter de travailler avec le bras droit le long du corps;

- éviter de travailler avec les membres supérieurs au-dessus du niveau des épaules;

- éviter de manipuler des charges de plus de 15 livres;

- éviter les mouvements répétitifs de rotation ou d’élévation du membre supérieur droit;

- doit avoir un appui-coude sur sa chaise si elle a un travail assis.

 

 

[73]           Le 31 mars 2009, la travailleuse revoit le docteur Giguère qui procède à un xylotest sous acromial droit qui s’avère négatif. Il recommande de faire un xylotest acromioclaviculaire droit et prévoit revoir la travailleuse.

[74]           La travailleuse informe le tribunal qu’elle a  bénéficié du xylotest acromioclaviculaire droit qui aurait amélioré sa condition de 50 %.

[75]           À l’audience, le tribunal a également entendu le témoignage du docteur Michel Giguère, orthopédiste, depuis 1992.

[76]           D’entrée de jeu, le docteur Giguère confirme que la travailleuse l’a consulté pour la première fois le 2 février 2005.

[77]           Le docteur Giguère est affirmatif à l’effet que la chirurgie subie par la travailleuse le 8 novembre 2007 est en lien direct avec l’accident du travail dont elle a été victime le 14 mars 2003.

[78]           Le docteur Giguère explique la nécessité de procéder à une chirurgie en raison du Xylotest sous-acromial droit auquel il a procédé le 30 novembre 2005 qui s’est avéré positif et a amené une amélioration de 50 % de la condition de la travailleuse. Le docteur Giguère affirme que lorsqu’un tel test est positif, une chirurgie est recommandée.

[79]           Lors de cette chirurgie, le docteur Giguère a procédé à une excision partielle de la clavicule distale en raison d’une proéminence constatée.

[80]           Le docteur Giguère est affirmatif à l’effet que n’eut été de l’événement de 2003, la travailleuse n’aurait pas eu à subir cette intervention.

 

[81]           À son avis, la lésion qu’a subie la travailleuse en 2003 a amené un syndrome d’accrochage qui a eu un effet irritant de friction et a provoqué un débalancement au niveau de son épaule droite.

[82]           Par ailleurs, le docteur Giguère admet que l’excision de la clavicule provient d’un problème de morphologie qu’il était difficile de cerner en préopératoire mais qui a été réglé par l’intervention chirurgicale.

[83]           De même, le docteur Giguère admet que les résultats de la résonance magnétique du 20 novembre 2005 ont révélé un acromion basculé inférieurement qui pouvait prédisposer à des syndromes d’accrochage.

[84]           Au soutien de sa position selon laquelle il existe une relation entre l’intervention chirurgicale subie et la lésion professionnelle, le docteur Giguère réfère à de la littérature médicale dont notamment l’édition la plus récente du Manuel de pathologie de l’appareil locomoteur[2] rédigé par les docteurs Bergeron, Leclair et Fortin.

[85]           Le docteur Giguère confirme que sa recommandation de procéder à une intervention chirurgicale remonte au 30 novembre 2005, soit à la suite des résultats du Xylotest qui se sont avéré positifs. La chirurgie a eu lieu en novembre 2007 puisque la travailleuse n’était pas disponible auparavant, allaitant son enfant.

[86]           Le docteur Giguère est d’avis qu’entre son évaluation médicale du 10 mars 2006 et l’infiltration qui a eu lieu en avril 2007, la condition de la travailleuse est demeurée relativement stable.

[87]           Interrogée quant à savoir si la proéminence de la clavicule distale était à l’origine de la douleur que ressentait la travailleuse, le docteur Giguère ne le croit pas mais n’est pas en mesure de l’affirmer puisqu’il n’y a pas eu de test acromioclaviculaire administré préalablement à l’opération. Cependant, il soumet que si tel était le cas, la condition de la travailleuse se serait complètement rétablie à la suite de l’excision de la clavicule. Or, tel n’est pas le cas.

 

L’AVIS DES MEMBRES

[88]           Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs partagent le même avis.

[89]           Ils considèrent que le tribunal a la compétence requise pour se prononcer sur cette nouvelle réclamation produite par la travailleuse pour récidive, rechute ou aggravation à compter du 8 novembre 2007 nonobstant la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 26 septembre 2007.

[90]           En effet, ils basent leur position sur le fait qu’il n’y a pas identité d’objets entre les deux litiges.

[91]           Quant au fond, ils sont d’opinion que la preuve médicale prépondérante offerte permet de conclure qu’il y a une relation entre l’intervention chirurgicale subie le 8 novembre 2007 et le fait accidentel initial.

[92]           Pour en venir à cette conclusion, ils retiennent notamment le témoignage du docteur Giguère et les expertises médicales des docteurs Giguère et Roy qui apportent des explications sur le lien de causalité.

[93]           Les membres sont d’avis que la travailleuse a satisfait au fardeau de preuve qui lui incombait.

[94]           Dans ces circonstances, les membres sont d’avis d’accueillir la requête déposée par la travailleuse le 13 mars 2008 et d’infirmer la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 11 mars 2008 à la suite d’une révision administrative.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[95]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le 8 novembre 2007, la travailleuse a subi une récidive, rechute ou aggravation de l’événement initial du 14 mars 2003.

[96]           Afin de se prononcer en lien avec la récidive, rechute ou aggravation du 8 novembre 2007, la Commission des lésions professionnelles est liée, tout comme l’était la CSST, par le diagnostic posé par le médecin qui a charge, le docteur Giguère, soit celui de tendinopathie de l’épaule droite et de synovite acromioclaviculaire de l’épaule droite ayant nécessité une scopie, une acromioplastie et une excision de la clavicule distale droite.

 

 

[97]           La loi définit ainsi la notion de « lésion professionnelle » :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1.

 

 

[98]           La notion de « récidive, rechute ou aggravation » n’est toutefois pas définie à la loi. Il est donc utile de s’en remettre aux paramètres développés par la jurisprudence de ce tribunal de même que par la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles.

[99]           Selon la jurisprudence[3], il faut retenir le sens courant de ces termes, soit une réapparition, recrudescence ou aggravation de la lésion survenue lors de l'événement initial.

[100]       Ainsi, le tribunal doit rechercher, dans la preuve médicale dont il dispose, une modification de l’état de santé de la travailleuse survenue après la consolidation de la lésion professionnelle initiale lui permettant de conclure à une récidive, rechute ou aggravation.

[101]       Dans l’affaire Boisvert et Halco inc.[4], la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles détermine certains éléments permettant de conclure à la survenance d’une récidive, rechute ou aggravation. Ces éléments sont :

§                      La gravité de la lésion initiale;

§                      La continuité de la symptomatologie;

§                      L’existence ou non d’un suivi médical;

§                      Le retour au travail avec ou sans limitation fonctionnelle;

§                      La présence ou l’absence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique;

§                      La présence ou l’absence de conditions personnelles;

§                      La compatibilité de la symptomatologie alléguée au moment de la rechute, récidive ou aggravation et celle de la lésion initiale;

§                      Le délai entre la rechute, récidive ou aggravation et la lésion initiale.

 

 

[102]       Le tribunal tient à rappeler qu'aucun de ces paramètres n'est, à lui seul, déterminant. C’est plutôt la combinaison de plusieurs éléments qui permet ou non de conclure à l’existence d’une récidive, rechute ou aggravation.

[103]       Par ailleurs, en ce qui a trait au lien de causalité entre la récidive, rechute ou aggravation et la lésion initiale, il doit être démontré de manière prépondérante par le travailleur. Cette relation ne peut être présumée ni reposée uniquement sur son témoignage[5].

[104]       Appliquant les paramètres mentionnés plus haut au présent dossier, la Commission des lésions professionnelles rappelle que la travailleuse a subi une lésion professionnelle le 14 mars 2003.

[105]       Le diagnostic retenu par la CSST à la suite d’un avis émis par le docteur Laflamme du BEM est celui de tendinite de l’épaule droite.

[106]       La lésion a été consolidée le 3 septembre 2004, tel que l’a déterminé la Commission des lésions professionnelles le 26 septembre 2007[6].

[107]       Dans le cadre de cette décision, le tribunal devait également se prononcer en lien avec les soins ou traitements requis, l’existence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique et de limitations fonctionnelles.

[108]       La Commission des lésions professionnelles a alors statué à l’effet que la condition de la travailleuse ne nécessitait pas de soins ou traitements et était consolidée sans atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique ni limitations fonctionnelles.

[109]       Fait à noter, la Commission des lésions professionnelles avait alors en main le rapport d’expertise médicale rédigé par le docteur Giguère à la suite de l’évaluation de la condition de la travailleuse à laquelle il a procédé le 10 mars 2006. Le commissaire Jolicoeur s’exprime comme suit en lien avec cette expertise médicale :

[89] Nous avons lu avec beaucoup d’attention l’expertise élaborée du docteur Michel Giguère, chirurgien orthopédiste. Sa conclusion provient d’un Xylotest pratiqué le 30 novembre 2005 qui s’est avéré positif avec amélioration importante des symptômes à l’épaule droite et au trapèze. En conséquence, il conclut que la lésion n’est pas consolidée et préconise un traitement chirurgical de type acromioplastie qui n’avait pas été pratiquée au moment de l’audition. Rappelons que la travailleuse était en retrait préventif à compter du 4 septembre 2004 jusqu’au mois de mai 2005 et qu’elle prévoyait allaiter son enfant durant un certain temps.

 

[90] Au moment de l’audience, elle n’avait pas repris son travail.

 

[91] Les spécialistes consultés et membres du BEM, ont conclu à un examen objectif tout à fait normal et sans signe d’évidence de tendinite de la coiffe des rotateurs. De plus, la travailleuse a bénéficié d’un traitement conservateur des plus adéquats sur une période de plus d’un an et demi et comme l’examen objectif du docteur Morin en date du 3 septembre était normal, il consolide la lésion à cette date, et ce, sans limitations fonctionnelles.

 

[92] Sans vouloir minimiser l’importance du rapport d’expertise du docteur Giguère, nous devons reconnaître que son expertise n’est pas prépondérante et que les examens des autres médecins spécialistes ne peuvent être écartés. Leurs examens sont complets et ces derniers arrivent, pour la plupart, à la même conclusion. La lésion est consolidée sans déficit anatomo-physiologique ni limitations fonctionnelles.

 

[93] La requête de la travailleuse est rejetée.

 

 

[110]       La CSST, au stade de la révision administrative, prend en considération ces passages de la décision de la Commission des lésions professionnelles précitée pour conclure que :

Considérant la décision rendue par la CLP le 26 septembre 2007 à l’effet de retenir la lésion de tendinite consolidée le 3 septembre 2004 sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles; considérant que lors de cette prise de décision, la CLP était clairement informée de l’opinion du médecin traitant de la travailleuse stipulant que la travailleuse nécessitait une intervention chirurgicale de type acromioplastie; considérant que malgré cette information, la CLP a maintenu la consolidation de la lésion; considérant l’intervention chirurgicale du 8 novembre 2007, la Révision administrative est d’avis que la preuve au dossier n’est pas prépondérante à l’effet de démontrer que la travailleuse soit victime d’une récidive, rechute ou aggravation telle qu’alléguée.

 

 

[111]       À l’audience, cet élément a été soulevé afin de connaître les arguments du procureur de la travailleuse.

[112]       À son avis, la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 26 septembre 2007 n’a pas l’autorité de la chose jugée et ne constitue aucunement un obstacle à la compétence du tribunal dans le présent dossier.

[113]       Le procureur de la travailleuse met le tribunal en garde contre le fait qu’au moment où la Commission des lésions professionnelles s’est prononcée, soit en septembre 2007, l’intervention chirurgicale proposée par le docteur Giguère constituait une hypothèse puisqu’elle n’avait pas eu lieu.

[114]       Selon le procureur de  la travailleuse, la situation est actuellement tout autre puisque l’intervention chirurgicale a eu lieu et a mené à une amélioration importante de la condition de la travailleuse, amélioration qu’elle évalue à 50 %.

[115]       Le procureur de la travailleuse est donc d’avis que le tribunal peut et doit se prononcer relativement à la réclamation de la travailleuse pour récidive, rechute ou aggravation à compter du 8 novembre 2007 même si la Commission des lésions professionnelles s’est prononcée le 26 septembre 2007 en déterminant qu’aucun autre traitement n’était requis à ce moment en lien avec la lésion initiale du 3 septembre 2004.

[116]       Le tribunal partage la position soutenue par le procureur de la travailleuse pour les motifs ci-après exposés.

[117]       En effet, le tribunal rappelle qu’il est saisi d’une nouvelle réclamation pour récidive, rechute ou aggravation à compter du 8 novembre 2007, soit postérieurement à la décision de la Commission des lésions professionnelles rendue le 26 septembre 2007. Il n’y a donc pas identité d’objets.

[118]       De plus, au moment où le présent tribunal doit statuer, la situation est fort différente de celle soumise au tribunal antérieurement en ce que la travailleuse a été opérée et qu’il est ainsi possible d’évaluer, de manière tangible, la nécessité de l’intervention chirurgicale et ses conséquences en lien avec la lésion professionnelle.

[119]       Le présent tribunal a rappelé à maintes reprises que le principe de l’autorité de la chose jugée auquel semble référer la CSST dans le cadre de la décision rendue par la révision administrative le 11 mars 2008 et faisant l’objet du présent litige ne s’applique pas à la Commission des lésions professionnelles.

[120]       C’est ce qu’a rappelé la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Hamilton et Léonce Nollet enr[7].

[121]       Dans cette affaire, tout comme dans le présent dossier, le travailleur réclamait pour une récidive, rechute ou aggravation. Or, dans le cadre de l’admissibilité de la lésion professionnelle initiale, le diagnostic de vertige avait été refusé. La CSST a donc soulevé l’autorité de la chose jugée en prétendant que, puisqu’elle s’était déjà prononcée relativement au refus de ce diagnostic et que cette décision n’avait pas été contestée, ayant ainsi acquis l’autorité de la chose jugée, la Commission des lésions professionnelles n’avait pas la compétence pour se prononcer à nouveau à ce sujet. Le premier commissaire saisi de l’affaire a donné raison à la CSST mais une requête en révision de cette décision a été accueillie.

[122]       Comme principal motif, la Commission des lésions professionnelles rappelle qu’elle ne doit pas refuser d'examiner le fond d'une affaire qui lui est soumise sous prétexte qu'une décision antérieure de la CSST en regard d'une autre réclamation aurait le caractère de la chose jugée. Elle en a profité pour remettre fortement en doute la pertinence de cette règle en droit administratif lorsque les lois d'ordre public sont en cause. Elle est d’opinion que si la règle de la chose jugée permet en droit judiciaire privé que l'erreur se perpétue, cela n'est pas le cas en droit administratif puisque l'organisme applique une loi d'ordre public.

[123]       Le tribunal conclut donc que le premier commissaire devait apprécier l’ensemble de la preuve médicale au dossier afin de se prononcer sur l’existence ou non d’une récidive, rechute ou aggravation ayant la compétence requise pour le faire.

[124]       Ce principe a été confirmé par la suite[8].

[125]       La soussignée adhère à cette position fortement majoritaire.

[126]       Dans les circonstances propres au présent dossier, en présence d’une réclamation dont l’objet est différent de celui que devait trancher le juge administratif Jolicoeur dans le cadre de la décision qu’il a rendue le 26 septembre 2007, le tribunal se sent valablement saisi de la situation et entend se prononcer sur le litige qui lui est soumis.

[127]       En s’inspirant des critères jurisprudentiels énoncés plus haut, le tribunal conclut que la lésion subie le 14 mars 2003 peut être qualifiée de légère à modérée en présence de circonstances ne comportant pas de traumatisme majeur et compte tenu également du fait que la travailleuse ne conserve aucune atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique ni limitations fonctionnelles et est ainsi présumée capable d’exercer son emploi depuis le 3 septembre 2004.

[128]       Par ailleurs, le tribunal constate que depuis la consolidation de sa lésion professionnelle, la travailleuse a fait l’objet d’un suivi médical régulier.

 

[129]       Ainsi, après la consolidation de la lésion en 2004, la travailleuse a consulté le docteur Giguère à cinq reprises. En 2005, elle l’a consulté à trois reprises et a subi un Xylotest qui s’est avéré positif. En 2006, elle l’a consulté à deux occasions et en 2007, elle l’a consulté à six reprises.

[130]       Ces consultations médicales confirment la continuité de la symptomatologie au même siège de lésion.

[131]       Par ailleurs, le tribunal constate qu’un délai de plus de quatre ans sépare l’événement initial du 14 mars 2003 de la récidive, rechute ou aggravation alléguée du 8 novembre 2007. Cependant, ce délai s’explique en grande partie par le fait que pour une période de près de trois ans, la travailleuse a allaité son enfant, ce qui la rendait non disponible pour une intervention chirurgicale.

[132]       De plus, la preuve révèle qu’au cours de cette période, elle a cherché à soulager sa douleur par différents types de traitements dont des traitements d’ostéopathie, de psychothérapie, d’orthothérapie et d’homéopathie. Elle n’est donc pas restée passive à l’égard de sa pathologie, démontrant un désir constant de trouver une solution et un soulagement à la douleur ressentie.

[133]       Quant à la présence d’une condition personnelle, le protocole opératoire a révélé que la travailleuse présentait une clavicule proéminente et un espace restreint. Sur la base de cette découverte fortuite, le docteur Giguère a procédé à l’excision d’une portion de la clavicule distale droite.

[134]       Cependant, le tribunal retient de la preuve offerte que cette condition n’occasionnait aucun problème à la travailleuse avant le fait accidentel, étant totalement asymptomatique.

[135]       Dans le présent dossier, la travailleuse a-t-elle démontré, de manière prépondérante, le lien de causalité entre l’intervention chirurgicale subie le 8 novembre 2007 et la lésion professionnelle du 14 mars 2003 ?

[136]       Le tribunal conclut que oui.

[137]       Pour en venir à cette conclusion, le tribunal retient qu’il s’agit ici du même siège de lésion, soit l’épaule droite.

[138]       De plus, il appert du témoignage de la travailleuse que l’intervention chirurgicale, combinée à un nouveau xylotest acromioclaviculaire, a apporté une amélioration de sa condition de l’ordre de 50 %.

[139]       De même, le tribunal dispose de deux opinions médicales, soit celles du docteur Giguère et du docteur Roy qui, tous deux, voient et documentent un lien de causalité entre la lésion professionnelle subie par la travailleuse le 14 mars 2003 et l’intervention chirurgicale du 8 novembre 2007.

[140]       Le tribunal est d’opinion que ces opinions sont prépondérantes au dossier et n’ont aucunement été contredites.

[141]       À cela s’ajoutent les explications offertes par le docteur Giguère à l’audience permettant de comprendre l’utilité et la relation entre l’intervention chirurgicale du 8 novembre 2007 et la lésion professionnelle initiale.

[142]       Dans ces circonstances, compte tenu notamment de la similitude des sièges de lésion, de la compatibilité de la symptomatologie, du suivi médical et de la preuve de lien de causalité entre le fait accidentel du 14 mars 2003 et l’intervention chirurgicale subie le 8 novembre 2007, le tribunal conclut que la travailleuse a subi une lésion professionnelle le 8 novembre 2007 sous l’angle d’une récidive, rechute ou aggravation.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête déposée par madame Sylvie Poulin, la travailleuse, le 13 mars 2008;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 11 mars 2008 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la travailleuse a subi une lésion professionnelle le 8 novembre 2007, soit une récidive, rechute ou aggravation de l’événement initial du 14 mars 2003.

 

 

 

 

Ann Quigley

 

 

 

Me Marc Bellemare

BELLEMARE, AVOCATS

Représentant de la partie requérante

 

 

Mme Geneviève Trudel

RAYMOND CHABOT SST INC.

Représentante de la partie intéressée

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           Yves BERGERON, Luc FORTIN et Richard LECLAIRE, Pathologie médicale de l'appareil locomoteur, 2e éd., Saint-Hyacinthe, Edisem, Paris, Maloine, 2008, 1444 pages.

 

[3]           Lapointe et Compagnie minière Québec-Cartier, [1989] C.A.L.P. 38 ; Millette et Communauté urbaine de Montréal, [1994] C.A.L.P. 853 .

[4]           [1995] C.A.L.P. 19 .

[5]           Saurel c. Commission des lésions professionnelles, CS Montréal, 500-05-074874-023, 13 février 2003, J. Frappier; Belleau-Chabot et Commission scolaire Chomedey de Laval, [1995] C.A.L.P. 1341 .

[6]           263920-03B-0406, 239193-03B-0407 et 255229-03B-0502, 26 septembre 2007, R. Jolicoeur.

[7]           C.L.P. 114887-03B-9904, 00-12-27, M. Carignan (décision accueillant la requête en révision); Voir au même effet : Roy et Commonwealth Plywood ltée, 149888-08-0011, 02-02-04, P. Prégent.

[8]           Hogues et Techno Diesel, 162238-61-0106, 02-04-22, L. Nadeau, (02LP-29); Meunier et Michel Desjardins ltée, 176858-72-0201, 02-09-05, F. Juteau; Thibodeau et Réseau Santé Richelieu-Yamaska, [2003] C.L.P. 936 ; Lavoie et Pepsi-Cola Canada ltée, 132537-71-0002, 03-12-30, A. Suicco, révision rejetée, 04-12-30, N. Lacroix.

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