Trudeau c. AD 4 Distribution Canada inc. |
2013 QCCS 2678 |
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JL 2167 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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N° : |
500-17-074811-129 |
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DATE : |
Le 17 juin 2013 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
HÉLÈNE LE BEL, J.C.S. |
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STÉFANIE TRUDEAU |
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Demanderesse |
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c. |
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A D 4 DISTRIBUTION CANADA INC. et ANDRÉ GRENIER et JULIE ALIAS ALYSON QUEEN |
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Défendeurs |
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et 157989 CANADA INC. |
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Mise en cause |
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Jugement |
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[1] La demanderesse est une policière qui travaille pour le Service de police de la ville de Montréal ( SPVM ) depuis plus de 19 ans. Elle poursuit les défendeurs pour obtenir une ordonnance d'injonction permanente pour interdire ou restreindre la diffusion d'un film pornographique qui porte atteinte à sa dignité et à sa vie privée et pour réclamer des dommages compensatoires et punitifs de 100 000 $.
[2] Les défendeurs sont la compagnie qui a produit et qui distribue l'œuvre en question et le président de la compagnie ainsi que la vedette du film. Ils invoquent leur liberté d'expression et leur droit de parodier un personnage devenu célèbre.
[3] La demanderesse est policière au SPVM; elle porte dans son emploi l'identification et le numéro matricule 728. Elle est devenue célèbre, sans doute contre son gré, au cours de l'année 2012 en raison de divers incidents dans lesquels elle a été impliquée et qui ont fait l'objet d'une vaste couverture médiatique.
[4] Ainsi, à l'occasion des manifestations étudiantes du printemps et de l'été 2012, elle a été impliquée dans une confrontation avec des manifestants à l'occasion de laquelle elle a été filmée aspergeant les manifestants de poivre de Cayenne. Une vidéo de l'incident a été diffusée dans plusieurs bulletins de nouvelles, dans les médias et sur internet. L'agente 728 est devenue célèbre du jour au lendemain. Son numéro matricule a même été scandé lors de manifestations dénonçant la brutalité policière. Ceci, sans compter les chroniques, les commentaires ainsi que les caricatures et les pancartes.
[5] En octobre 2012, l'agente 728 a été impliquée dans un autre incident; on a parlé d'une « arrestation musclée ». Alors qu'elle patrouillait dans un quartier bien connu de Montréal, le Plateau, elle a interpelé des citoyens sortis sur la chaussée pour accueillir des gens, parce qu'ils avaient une « bière » à la main, ce qui est prohibé par un règlement municipal. Le citoyen a refusé de collaborer ou a tardé à le faire; il y a eu usage de la force. L'incident s'est terminé par des arrestations.
[6] Encore une fois, l'incident a été filmé et le film largement diffusé et commenté. Une conversation téléphonique dans laquelle madame décrivait les événements à son supérieur a été enregistrée ainsi qu'une autre conversation avec des collègues. Encore une fois, l'affaire a reçu une importante couverture médiatique.
[7] Peu après, le SPVM annonçait que la requérante avait été suspendue et la tenue d'une enquête interne sur ses méthodes d'intervention et sur certains propos qu'elle avait tenus. Elle fait aussi l'objet d'une enquête criminelle.
[8] Le langage coloré utilisé dans la conversation avec le supérieur a reçu beaucoup d'attention. On a retenu certaines expressions : gratteux de guitare, mangeux de marde, rats, carrés rouges.
[9] Au cours du mois de novembre 2012, la compagnie défenderesse a fabriqué et produit un film qui portait le titre « 728 agente XXX » mettant en vedette l'autre défenderesse, qui est connue sous le nom de scène : Alyson Queen. Sur son site Web, elle se décrit comme : « Actrice porno québécoise ».
[10] Le 21 novembre 2012, Alyson Queen accordait une entrevue radiophonique diffusée au poste 98.5 FM pour parler du lancement du film en question. Dans cette entrevue avec Dutrisac, elle décrivait le film comme une « parodie » inspirée de faits réels mettant en vedette une policière à la chasse de « carrés rouges ». Elle annonçait en même temps « un tapis rouge », une première dans l'industrie du film pornographique au Québec, pour le lancement du film ; l'événement devait avoir lieu le 27 novembre dans un hôtel ou un bar de la rue Saint-Laurent. Fait particulier, un mouchoir et un condom seraient alors remis à tous ceux qui verseraient le prix d'entrée de 5 $. Elle annonçait également que le ou vers le 18 décembre, le film deviendrait disponible sur une chaîne télévisée.
[11] Le même jour, elle donnait une entrevue télévisée où elle reprenait sensiblement les mêmes propos. L'écoute de l'enregistrement montre que l'interviewer mentionne à plusieurs reprises le « matricule 728 ». Il est beaucoup question du contenu érotique du film encore que madame Queen précise que personne ne soutient ou n'affirme que la demanderesse se comporte comme la vedette du film.
[12] Peu après, la demanderesse soumettait au Tribunal la présente requête introductive d'instance pour injonction provisoire, interlocutoire et permanente et en dommages. Le 26 novembre 2012, l'honorable Pierre Tessier homologuait une entente intervenue entre les parties intitulée « ordonnance de sauvegarde » qui ordonnait aux défendeurs de cesser la promotion du film ou de son lancement et de remettre à la procureure de la demanderesse une copie du film. L'audition de la demande d'injonction interlocutoire était reportée au 10 décembre 2012.
[13] Le 7 décembre 2012, la compagnie défenderesse et André Grenier produisaient une requête en rejet de la requête introductive d'instance et en dommages pour abus de procédure, fondée sur l'article 54.1 C.p.c. présentable le 10 décembre 2012, date fixée pour l'audition de la requête pour injonction interlocutoire. Ils demandaient le rejet de l'action, le remboursement de leurs honoraires extrajudiciaires, ainsi que des dommages-intérêts pour compenser les pertes subies et des dommages punitifs.
[14] Le 10 décembre 2012, la demanderesse produit une requête amendée pour préciser les conclusions recherchées au niveau interlocutoire. Elle demande au tribunal d'interdire toute promotion du film « 728 agente XXX », d'ordonner que le titre du film soit modifié pour supprimer toute référence au chiffre 728 ou à l'un ou l'autre des chiffres composant ce numéro, d'enlever du film deux extraits sonores « où on entend la foule scander 728 » et de supprimer deux passages où la vedette du film prononce certaines paroles qui sont celles de la requérante et d'enlever tout visuel où on voit 728.
[15] Le 10 décembre 2012, l'honorable Pierre Jasmin émettait une ordonnance de sauvegarde qui permettait la diffusion du film à la condition qu'on change le titre du film et qu'on en retire toute référence à « 728 » ou « à la demanderesse et au numéro de matricule 728 ou à aucun des chiffres composant son matricule » et deux mentions expresses. Le 8 janvier 2013, l'audition était fixée au 1er février 2013 et l'ordonnance de sauvegarde reconduite jusqu'à cette date.
[16] L'affaire a été entendue le 1er février 2013. Le Tribunal doit donc disposer de la requête introductive d'instance amendée et de la requête pour rejet fondée sur l'article 54.1 C.p.c.
[17] La preuve soumise est essentiellement documentaire.
[18] La demanderesse a produit un repiquage de la bande-annonce du film « 728 agente XXX » et des deux entrevues d'Alyson Queen annonçant la sortie du film, ainsi que le film lui-même.
[19] La demanderesse a témoigné pour expliquer combien elle a été perturbée et choquée d'être ainsi associée à un film pornographique. Elle craint les réactions de ses confrères lorsqu'elle reprendra le travail. Elle voit là un manque de respect. Le film utilise ses mots et insinue qu'elle se livrerait à des comportements sexuels à l'occasion du travail, ce qu'elle n'accepte pas.
[20] Elle explique que toute personne qui devient agent de la paix se voit attribuer un numéro matricule qui lui est propre. De nos jours, les corps de police québécois se concertent pour s'assurer que chaque numéro matricule soit unique. Dans le passé le Service de police de la ville de Montréal a « recyclé » certains numéros matricules déjà utilisés, ce qui explique qu'elle porte le numéro 728, mais cette pratique a maintenant été abandonnée. Comme agent de la paix, elle est tenue de s'identifier en déclinant son nom et son numéro matricule. Compte tenu des circonstances, tous savent que le 728 c'est elle.
[21] La défenderesse Alyson Queen n'a pas comparu et elle n'est pas présente. Le procureur de la demanderesse produit un nouvel avis de présentation de la requête pour le 7 février 2013 et annonce son intention de faire constater le défaut de comparaître de la défenderesse Julie alias Alyson Queen. À cette date, le défaut est constaté et le dossier « référé au greffe pour la preuve ».
[22] Les défendeurs AD4 et André Grenier produisent quelques caricatures « mettant en vedette » l'agente 728 ainsi qu'un repiquage d'extraits de l'émission Bye Bye 2012 diffusée le 31 décembre 2012 dans lequel on voit un comédien en costume de policier, portant le casque et la tenue de combat et le matricule 728. Des sketchs mettent en vedette ce personnage qu'on revoit à plusieurs reprises au cours de l'émission. Selon les défendeurs, l'agent 728 est la « vedette » de l'émission si on considère le nombre et la durée de ses apparitions.
[23] Le président de AD 4, André Grenier témoigne. AD4 est une entreprise de production et de distribution de films « adultes » et le film « 728 agente XXX » a été soumis à la Régie du cinéma et approuvé par elle pour diffusion, selon les modalités applicables à ce type de films. L'entreprise fournit des films à diverses stations de télévision qui les diffusent pendant la nuit à l'intention d'un certain public. Le film dont il est question est une parodie érotique, un genre bien connu dans l'industrie. Il le compare à divers films mettant en vedette des politiciens bien connus ou des vedettes ; il mentionne notamment Barack Obama, Oprah Winfrey et DSK.
[24] Selon lui, AD4 a bien pris soin de ne pas utiliser l'image ou le nom de la demanderesse et a même choisi une actrice qui ne lui ressemble aucunement pour incarner le rôle principal. Les uniformes de policier et les voitures de police qu'on voit dans le film ne sont pas ceux du SPVM, mais ceux de la police de Toronto. Les dialogues contiennent certaines expressions ou phrases telles que « carrés rouges » ou « mangeux de marde » qui ont pu être prononcées par la demanderesse, mais elle ne peut pas prétendre en avoir l'usage exclusif ou avoir le droit d'empêcher quiconque de les utiliser. Selon lui, les procédures intentées par la demanderesse ont causé un grave préjudice à son entreprise puisque le film n'a pu être diffusé tel que prévu et que tout retard dans la projection ne fait qu'accroître les pertes de la compagnie.
[25] Il explique que la séquence du film dans laquelle on entend des manifestants scander « 728 » a été tournée à l'occasion d'une des nombreuses manifestations qui ont eu lieu l'an dernier, notamment pour dénoncer la brutalité policière. AD4 s'est contentée d'envoyer une équipe filmer une de ces manifestations.
[26] La demanderesse soutient que les défenderesses lui causent un grave préjudice en l'associant à un film pornographique. De plus, ils utilisent sans autorisation son image et sa ressemblance à des fins commerciales et pour lui nuire, ce qui constitue une atteinte illicite à sa vie privée.
[27] Elle réclame des dommages en invoquant notamment l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans Aubry c. Éditions Vice-Versa[1] et deux jugements rendus par l'honorable Pierre Nollet dans Larente c. 9140-9599 Québec inc.[2] et dans Geoffré c. 9140-9599 Québec inc.[3]. Elle demande au Tribunal d'émettre une injonction permanente maintenant en vigueur l'ordonnance de sauvegarde émise par l'honorable Pierre Jasmin. On devrait ainsi supprimer toute référence au chiffre « 728 » ou à l'un des chiffres qui le composent.
[28] Les défendeurs soutiennent pour leur part qu'ils n'utilisent ni le nom, ni l'image de la demanderesse. Ils défendent leur œuvre en invoquant leur liberté d'expression et leur droit de parodier ou de caricaturer un personnage public. La demanderesse est seule à blâmer pour les gestes et les paroles qui l'ont rendue célèbre.
[29] Selon eux, si la demande en justice entreprise par la demanderesse pouvait peut-être se justifier à l'origine, elle est devenue abusive lorsque celle-ci a continué ses procédures après avoir eu l'occasion de prendre connaissance du film pour constater qu'il n'utilise ni son nom, ni son image. La poursuite des procédures par la suite devient abusive et ne sert qu'à faire échec à la liberté d'expression des défendeurs et à leur causer préjudice en retardant indûment la sortie du film. Ils demandent donc le rejet de l'action et des dommages compensatoires et punitifs.
[30] Il ne semble ni nécessaire ni utile de rappeler que le droit à la vie privée est garanti par la Charte des droits et libertés de la personne et que le droit à l'image est une composante essentielle de ce droit. La publication de l'image d'une personne ou son utilisation à des fins commerciales sans autorisation est une atteinte à ce droit. Certains auteurs ont parlé d'un « droit à l'anonymat ».
[31] En même temps, la liberté d'expression est un droit fondamental garanti par la Charte canadienne des droits autant que par la Charte des droits et libertés de la personne. Pour plusieurs, ce droit est même un fondement de toute société libre et démocratique.
[32] Dans le présent cas, il n'y a pas ici d'utilisation non autorisée de l'image ou du nom de la demanderesse. Son nom n'est jamais mentionné, on ne montre pas sa photo et l'actrice qui tient le rôle principal ne lui ressemble en rien. Ce fait n'est d'ailleurs pas contesté.
[33] La demanderesse soutient cependant que le « matricule 728 » lui est propre et qu'il a été couramment utilisé pour la désigner dans des reportages ou des commentaires de telle sorte que la seule référence au chiffre « 728 » permet de la désigner et de l'identifier.
[34] Elle soutient que :
« L'image d'une personne est ce qui nous permet de l'identifier clairement. Dans le présent cas, il ne fait aucun doute que le numéro de « Matricule 728 » représente uniquement la demanderesse de même que les comportements faits et gestes qu'elle a posés (pour lesquels d'ailleurs elle fait présentement l'objet d'une enquête interne), puisque ces derniers ont été fortement médiatisés.
Or, les défendeurs ont délibérément utilisé sans droit l'image de la demanderesse, son numéro de matricule (son nom en quelque sorte) pour mousser la publicité d'un film pornographique. Il ne fait aucun doute pour la personne raisonnable qu'on réfère directement à la demanderesse lorsqu'on utilise le numéro de matricule 728, au surplus, lorsqu'on l'associe à un uniforme de policier, à une voiture de patrouille portant le numéro 728, et qu'on fait référence aux événements de la grève étudiante et aux événements ou paroles prononcés par la demanderesse et pour lesquels elle fait l'objet d'une enquête, comme c'est le cas dans le film que tente (sic) de diffuser les défendeurs. »
[35] Il ne fait pas de doute que le film contient diverses mentions du chiffre 728, notamment dans son titre. On y voit aussi une voiture de patrouille portant l'identifiant « 7-28 ». Dans une séquence, on entend des manifestants scander « 728 », « 728 ».
[36] Il est certainement vrai que le chiffre « 728 » et « le matricule 728 » sont maintenant fort bien connus chez nous. Doit-on conclure pour autant, comme le propose la demanderesse, que ce chiffre et ce numéro matricule font partie intégrante de son image, et donc de sa « personne », et qu'ils ne peuvent être utilisés sans son autorisation ?
[37] Le Tribunal ne peut tout simplement pas accepter cette proposition.
[38] Notons que le droit fondamental en cause ici est le « droit à la vie privée », qu'on a parfois décrit comme un droit à l'anonymat. Or, le numéro matricule 728 ne fait pas partie de la vie privée de la demanderesse, mais bel et bien de sa vie publique. Elle est une policière, une agente de la paix et c'est à ce titre qu'on lui a attribué le numéro matricule 728. Dès qu'elle quittera ces fonctions, elle cessera d'être le numéro matricule 728. C'est le service de police qui décerne le numéro matricule à un agent et qui le reprend à son départ.
[39] Il est vrai qu'elle est maintenant fort bien connue, célèbre même, de telle sorte que la référence au « matricule 728 » permet de la reconnaître mais ce phénomène est entièrement lié à ses faits et gestes comme policière. Ces gestes n'ont pas été posés dans la sphère de la vie privée et ne relèvent pas de la vie privée.
[40] Bien au contraire, ce qui caractérise l'agent de la paix dans notre société est le rôle qui lui est attribué dans le maintien de l'ordre et le fait qu’en raison de ce rôle très particulier, il est autorisé à employer « la force » ( art. 25 C.cr. ). D'ailleurs, la demanderesse admet volontiers que les gestes qu'elle a posés et les paroles qu'elle a prononcées qui lui ont valu sa « notoriété » l'ont été dans le cadre de ses fonctions de policière. L'utilisation du poivre de cayenne est l'utilisation d'une « arme » au sens de l'article 2 C.cr. Le Code criminel autorise expressément un « agent de la paix » à utiliser la « force nécessaire » pour procéder à une arrestation.
[41] Dans ce contexte particulier, un policier ou un agent de la paix est un fonctionnaire public, quelqu'un qui est investi d'une autorité particulière et qui joue un rôle important dans notre société. Qu'on puisse prétendre soustraire une telle personne à la critique ou au commentaire, fut-ce sous la forme de la parodie ou de la caricature, en invoquant la notion de l'atteinte à la vie privée semble pour le moins étonnant.
[42] L'article 5 de la Charte des Droits et Libertés de la personne est formel : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée ». Cela inclut bien sûr les hommes publics ou les artistes ou les fonctionnaires publics, mais, dans le cas de ces derniers, une partie importante de leurs activités ne relève pas de la vie privée mais de la vie publique :
« L'intérêt public ainsi défini est donc déterminant dans certains cas. La pondération des droits en cause dépend de la nature de l'information, mais aussi de la situation des intéressés. C'est une question qui est dépendante du contexte. Ainsi, il est généralement reconnu que certains éléments de la vie privée d'une personne exerçant une activité publique ou ayant acquis une certaine notoriété peuvent devenir matière d'intérêt public… »[4]
[43] On peut certainement comprendre que la demanderesse déplore le fait d'être associée à un film « pornographique » selon elle, « adulte » selon les défendeurs, mais cela ne l’autorise pas à exiger le retrait ou la modification du film qui a par ailleurs reçu l’aval de la Régie du cinéma.
[44] Il n’appartient pas aux tribunaux d’adjuger du mérite artistique ou du simple mérite de l’œuvre produite par AD4 ou de distinguer les mauvaises caricatures des bonnes ou de sanctionner les parodies qui seraient de mauvais goût.
[45] Dans la sphère publique, la liberté d'expression autorise et permet la critique, le commentaire, le débat, la contestation, par des procédures ou des manifestations ou par l'humour ou la caricature ou la parodie, des faits et gestes de ceux qui nous gouvernent ou qui, comme les policiers, se trouvent en position d'autorité.
[46] Le Tribunal conclut donc que, dans le présent cas, le recours de la demanderesse est mal fondé. Le présent cas est manifestement différent de ceux soumis à l'honorable Pierre Nollet qu'invoque la requérante[5]. En effet, dans ces affaires, on avait fait fi des termes d'une entente pour publier la photo de jeunes femmes dans la page centrale d'un magazine pornographique. Il s'agissait purement et simplement de l'utilisation non autorisée de l'image de quelqu'un et la faute était aggravée par la nature de la publication.
[47] Faut-il conclure, comme le soumettent les défendeurs, que le recours est abusif au sens de l'article 54.1 C.p.c. et qu'ils auraient droit à des dommages-intérêts parce que la demanderesse a maintenu ses procédures après avoir visionné le film ? Compte tenu des circonstances du présent cas et du fait que ce moyen n'a pas vraiment été soulevé et débattu lors du procès, le Tribunal ne le croit pas.
[48] REJETTE la requête introductive d'instance ;
[49] AVEC dépens.
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__________________________________ HÉLÈNE LE BEL, J.C.S. |
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Me Anne-Élizabeth Girard |
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Gosselin Girard Avocats inc. Avocats de la demanderesse |
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Me Thomas Villeneuve Gagné Pepper & et Associés |
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Avocats des défendeurs A D 4 Distribution Canada inc et André Grenier |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.