Décision

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Garneau c. Gestion Universitas inc.

2016 QCCS 5097

COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

 

 

 

N° :

200-17-017467-127

 

 

 

DATE :

7 octobre 2016

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

GEORGES TASCHEREAU

______________________________________________________________________

 

 

RICHARD GARNEAU, domicilié et résidant au […], Québec, district de Québec - […]

Demandeur

c.

GESTION UNIVERSITAS INC., personne morale légalement constituée, ayant son siège social au 3005, avenue Maricourt, Québec, district de Québec - G1W 4T8

Défenderesse

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           Le demandeur réclame de la défenderesse une somme de 2 814 073 $ comme suite à son congédiement.

LES FAITS

[2]           En mars 2000, le demandeur a répondu à un appel de candidatures lancé par la défenderesse pour la direction générale de son entreprise.

[3]           Le demandeur, un actuaire de formation, était alors vice-président, assurance individuelle, de M.F.Q. Vie, corporation d’assurance, et vice-président, ventes et opérations, de Sogefonds M.F.Q. inc..

[4]           Le demandeur a rencontré peu après les membres du comité de sélection formé au sein de la défenderesse, notamment, monsieur Jean Marchand, alors président de la défenderesse et président de Fondation Universitas du Canada, sa compagnie mère dont elle distribue les produits et gère les fiducies.

[5]           Au terme du processus de sélection, la candidature du demandeur a été retenue, parmi les 46 reçues, et monsieur Marchand a été chargé de lui soumettre une offre.

[6]           Au cours de la rencontre qui a suivi entre monsieur Marchand et le demandeur, il est vite apparu que l’écart entre la rémunération et les avantages offerts par la défenderesse au demandeur et ceux dont celui-ci bénéficiait auprès de son employeur était substantiel. L’offre, telle que soumise, était sans intérêt pour le demandeur. Il a toutefois été convenu que le demandeur transmettrait à brève échéance à monsieur Marchand un sommaire de sa rémunération et de ses avantages chez cet employeur.

[7]           Cela a été fait le 25 avril. Dans une lettre datée de la veille et transmise à monsieur Marchand par télécopieur[1], le demandeur lui déclarait notamment ce qui suit :

(…)

            Tel que convenu, je vous transmets un sommaire de mes conditions de travail. Vous trouverez ci-joint un peu plus de détails sur le régime de retraite des membres de la direction du Groupe MFQ ainsi que mon dernier état de paie.

Salaire 2000 :                                      129 700 $

Boni 1999 versé en 2000 :                  39 754 $            169 454 $

Boni 1998 versé en 1999 :                  environ 34 000 $

(…)

Régime de retraite :                2 % du salaire moyen des 5 meilleures années X nombre d’années de service. Retraite à 60 ans sans pénalité actuarielle et rente indexée selon l’inflation à la retraite.

Droits différés d’actions du Groupe MFQ :

                                                Le Groupe MFQ verse une valeur de 100 000 $ en actions du Groupe MFQ aux VP au moment de la retraite selon certaines conditions de détention d’actions que j’ai déjà remplies.

Automobile :                            Allocation pour la location sur 3 ans d’une voiture = 15 % du salaire + 12 000 $. Changement à tous les 3 ans. Toutes les dépenses reliées à l’utilisation de la voiture sont payées par l’employeur.

Associations prof. :                 Society of actuaries. Inst. canadien des actuaries. AIMR. (frais payés par MFQ) et un congrès par année ICA (obligatoire).

Assurance collective :             Assurance-vie + 4 X le salaire plus l’assurance pour dépendants (payés par MFQ)

                                                Assurance salaire court et long terme.

                                                Assurance maladie familiale (payée par MFQ)

                                                Assurance dentaire familiale (payée par MFQ).

Vacances :                              5 semaines de vacances (après 15 ans de service) → depuis l’an passé. Une semaine de type congrès.

(…)

[8]           Le demandeur était en vacances à l’extérieur du pays au moment de l’envoi de cette lettre à monsieur Marchand. Peu après son retour, plus précisément le 9 mai, monsieur Marchand et le demandeur se sont de nouveau rencontrés et, à cette occasion, ont convenu de la rémunération et des avantages dont le demandeur bénéficierait dans les termes suivants, énoncés dans une note manuscrite de monsieur Marchand remise par ce dernier au demandeur à cette occasion[2] :

Base 65 000 $ + 40 000 $ pour 1er juillet 2000 au 31 décembre dans le contrat.

(1)        Salaire :           130 000 $

            Boni :                 40 000 $

(2)        Automobile :    Location 3 ans

                                    15 % de 130 000 + 19500

                                                                  + 12 000

                                                                     31 500 $ + toutes les dépenses

(3)        Vacances :      Idem

(4)        Assurance-collective :

                                    Vie

                                    Salaire - court-long t.

                                    Maladie

                                    Dentaire

(5)          1 Congrès AIMR-ICA /an payé.

(6)          Régime de retraite :                         Idem - équivalence

                                                                     Voir France Bilodeau

(7)          « 100 000 $ actions »                      53 000 $ gagné

                                                                     Compenser (préciser)

[9]           La note était signée par monsieur Marchand et chacune de ses sections était au surplus paraphée par ce dernier.

[10]        La défenderesse a annoncé l’embauche du demandeur par voie de communiqué en date du 7 juin 2000. Le demandeur est entré en poste le 3 juillet suivant.

[11]        Le demandeur était alors âgé de 43 ans.

[12]        Un contrat de travail a été signé par les parties le 20 décembre suivant[3]. Il paraît essentiel d’en reproduire certains extraits :

1. Emploi

La Compagnie retient les services de M. Garneau à titre de directeur général de la Compagnie, conformément aux conditions établies par cette convention, que M. Garneau accepte.

2. Durée

La présente convention est faite pour une période fixe de trente-six (36) mois, commençant le premier juillet 2000 et se terminant le 30 juin 2003.

Par la suite, elle se renouvellera d’année en année, aux mêmes termes et conditions, pour une période de douze mois à chaque renouvellement, à moins qu’un avis à l’effet contraire n’ait été donné par l’une ou l’autre des parties, conformément à l’article 9.

Règle d’interprétation

L’intention respective des parties, en signant la présente convention, est que celle-ci ait une portée à long terme. Ainsi, dans la mesure où la Compagnie maintient son autonomie, sa progression et sa bonne santé financière, et que M. Garneau désire et est en mesure de poursuivre son œuvre, celui-ci peut s’attendre à ce que ses fonctions auprès de la Compagnie soient maintenues durant plusieurs années et la compagnie peut, de son côté, s’attendre à ce que M. Garneau demeure à son service pendant plusieurs années.

3. Fonctions

Les fonctions, devoirs et responsabilités de M. Garneau, à titre de directeur général, consistent à assurer l’exploitation des affaires courantes de la Compagnie et à planifier son développement futur dans une perspective de croissance, le tout conformément aux règlements généraux de la Compagnie et aux orientations et directions établies par le conseil d’administration. Il jouit de toute l’autorité nécessaire au bon exercice de ses fonctions.

(…)

5. Rémunération

En considération des services rendus par M. Garneau, la Compagnie lui verse un salaire annuel de base de cent trente mille dollars (130 000 $), payable, moins les déductions légales, par versements périodiques égaux et consécutifs au moins bimensuellement, suivant la politique de la Compagnie à cet égard.

En plus de son salaire de base (qui est révisé le premier janvier de chaque année à compter de 2001), M. Garneau peut toucher un bonus annuel conformément aux modalités et conditions établies à l’Annexe «A» de la présente convention.

Mesure transitoire

Pour ce qui est de la période se situant entre le 1er juillet 2000 et le 30 juin 2001, M. Garneau a droit à une rémunération spéciale (bonus) de quarante mille dollars (40 000 $).

6. Avantages sociaux et Régime de retraite

M. Garneau a droit à tous les avantages sociaux accordés aux cadres de la Compagnie, en conformité avec les régimes en vigueur au moment de la signature de la présente entente et avec ceux qui peuvent être mis en place par la suite, visant notamment les assurances collectives (vie, maladie et invalidité), le tout sous réserve et compte tenu des particularités indiquées à l’annexe B. En outre, M. Garneau est admissible à participer au régime de retraite de base en vigueur à Gestion Universitas, - dont il déclare avoir pris connaissance - ainsi qu’au « Régime de rentes d’appoint » établi spécifiquement en sa faveur et décrit à l’Annexe C au présent contrat, selon les conditions et modalités y indiquées.

(…)

9. Renouvellement

Au plus tard le quatre-vingt-dixième jour qui précède la date d’échéance normale du présent contrat, l’une des parties peut donner à l’autre un avis indiquant son intention de renouveler ou non le contrat à son échéance ou les conditions auxquelles elle est disposée à la renouveler, s’il y a lieu. Lorsque l’avis indique des conditions de renouvellement, les parties se rencontrent, de bonne foi, dans les meilleurs délais, pour tenter de déterminer les conditions de renouvellement.

Toute entente relative à un renouvellement doit intervenir au plus tard 45 jours avant la date prévue de l’échéance. En cas d’entente, les modifications sont consignées par écrit et sont annexées à la présente convention, pour en faire désormais partie.

10. Fin du contrat

Le présent contrat d’emploi prend fin :

a)      à son échéance, s’il n’a pas été renouvelé;

b)      à tout moment, sur avis de la Compagnie à M. Garneau pour cause juste et suffisante;

c)      à la date d’entrée en vigueur de tout nouveau contrat d’emploi entre les parties;

d)      au décès de M. Garneau.

Malgré l’article 2, le présent contrat peut aussi prendre fin trois mois après un avis écrit de démission provenant de M. Garneau.

Dans l’hypothèse où le présent contrat prend fin conformément aux paragraphes a ou b du présent article, la Compagnie verse à M. Garneau une indemnité de départ. Cette indemnité est de un mois de salaire par trimestre complet au service de la Compagnie, avec un maximum de douze mois. M. Garneau reconnaît que tout montant ainsi versé par la Compagnie vaut pour toute réclamation, de quelque nature que ce soit, que M. Garneau pourrait faire valoir envers la Compagnie, y compris au niveau du régime de retraite et du régime de rentes d’appoint prévus à l’annexe C du présent contrat [voir Annexe C] à l’exception de la clause 3.2 (prestation en cas de départ avant la retraite). Le montant est payé sans aucune admission de responsabilité et ne constitue pas une pénalité. M. Garneau fournit à la Compagnie une quittance complète au moment de la réception du paiement.

Malgré ce qui précède, aucune indemnité n’est payable en cas de fraude, de déloyauté ou de malversation.

(…)

[13]        L’annexe « C » à laquelle il est référé aux articles 6 et 10 du contrat de travail prévoit notamment ce qui suit :

3.1          Prestation de retraite

Conformément aux termes et conditions de ce Régime d’appoint, l’Employeur s’engage à verser à M. Richard Garneau, à la date de la retraite, une prestation de retraite additionnelle. Cette prestation additionnelle de retraite est égale, pour chaque année de participation au présent régime, à 2 % du salaire moyen des cinq (5) meilleures années à la retraite, réduite, s’il y a lieu, de ¼ % par mois d’anticipation antérieur à l’âge de 60 ans, moins le montant de la rente payable à la date de retraite par le Régime de base et moins les montants indiqués en annexe 1 de la présente Annexe C, accumulés aux taux indiqués.

Cette rente sera, de plus, ajustée le 1er janvier de chaque année pour tenir compte de l’augmentation de l’indice des prix à la consommation, jusqu’à concurrence d’un maximum de 5 %, et comportera une garantie qu’au décès de M. Garneau, 50 % de sa rente se continuera à son conjoint survivant, sa vie durant.

Toutefois, advenant le cas où la différence d’âge entre M. Garneau et son conjoint était supérieur à 6 ans, la rente serait alors réduite actuariellement pour tenir compte de l’excédent.

Compte tenu que le Régime de base est un régime à « cotisations déterminées », la rente payable en vertu des sommes accumulées au Régime de base ainsi que la rente payable en vertu des montants indiqués à l’annexe 1, accumulés avec intérêts, seront établies au moment de la retraite et correspondront aux montants de rentes pouvant être achetés à la suite d’une demande de soumission pour l’achat de ces rentes auprès d’une ou plusieurs compagnies d’assurance-vie faisant affaires au Québec. Aux fins de cette soumission pour l’achat de ces rentes auprès d’une ou plusieurs compagnies d’assurance-vie faisant affaires au Québec. Aux fins de cette soumission, ces rentes comporteront une garantie qu’au décès du rentier, 50 % de la rente se continuera à son conjoint survivant sa vie durant. De plus, cette soumission devra indiquer que ces rentes seront indexées au 1er janvier de chaque année, selon 100 % de l’augmentation de l’indice des prix à la consommation jusqu’à concurrence d’un maximum de 5 %.

3.2          Prestation en cas de départ avant la retraite

Conformément aux termes et conditions de ce Régime d’appoint, l’Employeur s’engage à verser à M. Richard Garneau une prestation en cas de départ avant la retraite. Cette prestation de départ est établie comme étant égale à la valeur présente de la rente acquise au moment du départ, telle qu’établie selon le paragraphe 3.1, compte tenu des années de participation à cette date et d’une indexation de la rente acquise dans le futur à un taux annuel de 4 % par année, moins la valeur des sommes accumulées au régime de base, et moins les montants indiqués en annexe 1, multipliée par 33 1/3 % par année de participation postérieure au 3 juillet 2000, jusqu’à concurrence de 100 %.

(…)

3.4        Prestation supplémentaire de retraite

En plus de la rente payable en vertu du paragraphe 3.1, M. Garneau aura droit, au moment de sa retraite, à une somme de 47 000 $.

[14]        Le renouvellement du contrat de travail du demandeur a été confirmé par écrit une seule fois après son embauche, en juin 2003, pour la période de douze mois commençant le 1er juillet 2003 et se terminant le 30 juin 2004.

[15]        Le demandeur est devenu le président et le directeur général de la défenderesse en septembre 2004.

[16]        En juin 2012, le conseil d’administration de Fondation Universitas du Canada a décidé de former un comité ad hoc pour se pencher sur la planification de la relève de monsieur Marchand au sein de l’organisation ainsi que celle des cadres supérieurs de la défenderesse. Monsieur Marchand, le président du conseil, monsieur Jean Lemieux, le vice-président du conseil, et monsieur Bernard Robichaud, membre du conseil et membre de son comité d’audit et de gouvernance, ont été désignés pour en faire partie.

[17]        Le 8 août suivant, lors d’une rencontre avec les trois membres de ce comité, le demandeur a appris de la bouche de monsieur Robichaud que les membres en étaient venus à la conclusion qu’il n’était plus l’homme de la situation pour diriger les destinées de la défenderesse et qu’ils recommanderaient au comité exécutif et au conseil d’administration qu’il soit mis fin à la relation d’affaires entre la défenderesse et lui. On l’a informé que cela risquait d’aboutir à un congédiement, mais on lui a également donné la possibilité de soumettre sa démission.

[18]        Par la suite, les parties n’ont pu en venir à une entente à l’amiable sur les modalités de leur séparation.

[19]        Au cours d’une rencontre avec le demandeur, le 17 août, messieurs Marchand et Lemieux ont remis à ce dernier une lettre datée du même jour et signée par eux au nom de la défenderesse, constatant son congédiement et en y exposant les motifs[4]. Par ailleurs, ils lui annonçaient l’intention de la défenderesse de lui verser l’indemnité de départ et la prestation en cas de départ avant la retraite prévues à son contrat d’emploi. En voici les extraits pertinents :

Monsieur,

En l’année 2000, vous avez signé un contrat d’emploi avec Gestion Universitas inc. (la « Compagnie »). Ce contrat devait prendre effet le premier juillet 2000 et se terminer le 30 juin 2003. Par la suite, le contrat se renouvelait d’année en année à moins qu’un avis à l’effet contraire n’ait été donné par l’une ou l’autre des parties. Votre contrat s’est ainsi renouvelé d’année en année jusqu’à aujourd’hui.

L’article 10 prévoit qu’il peut être mis fin à ce contrat, è tout moment, sur avis de la Compagnie, pour cause juste et suffisante.

Malheureusement, le conseil d’administration de la Compagnie se voit dans l’obligation de constater qu’il est aujourd’hui dans l’intérêt supérieur de l’entreprise de mettre fin à votre contrat d’emploi.

Il n’a pas été facile d’en arriver à cette conclusion, mais les constats effectués par l’ensemble des hauts dirigeants de la Compagnie ne laissent aucun autre choix. L’entreprise a atteint un niveau de développement et de complexité tel que vous ne semblez plus être en mesure de continuer à la diriger adéquatement.

Pour plus de précisions, les motifs appuyant la décision peuvent être exprimés comme suit :

a)    Vous faites défaut, depuis quelque temps, de produire, d’expliquer et d’appliquer correctement les plans de gestion annuels (ou «plans stratégiques»);

b)    Il a été constaté que vous faisiez souvent preuve d’un manque d’organisation et de préparation ainsi que d’une certaine incapacité à établir les véritables priorités de l’entreprise;

c)    Vous faites malheureusement preuve d’un manque de leadership et d’un défaut de crédibilité auprès des membres de la direction et du conseil d’administration. Vous semblez avoir perdu votre capacité à mobiliser et à stimuler les cadres et les employés;

d)    Vous faites preuve d’un manque de disponibilité et vous n’êtes pas suffisamment à l’écoute.

=======================

Conformément au troisième alinéa de l’article 10 de votre contrat, la Compagnie vous versera une indemnité de départ correspondant à 12 mois de salaire ainsi qu’une « prestation en cas de départ avant la retraite » (art. 3.2 de l’Annexe « C ».

12 mois de salaire

216 000 $

Prestation en cas de départ avant la retraite (art. 3.2 à l’Annexe « C »)

(à être calculée selon les paramètres de l’article 3.2)

[20]        Un projet d’entente de fin d’emploi et quittance transaction[5] était joint à cette lettre. À propos de la prestation en cas de départ avant la retraite, dont il était fait mention dans cette lettre, le projet d’entente prévoyait ce qui suit :

(…)

4.    En outre, malgré la clause 3.2 de l’Annexe C du contrat d’emploi de M. Garneau, laquelle prévoit le versement d’une prestation en cas de départ avant la retraite, la Compagnie accepte de verser à M. Garneau une rente annuelle calculée selon les paramètres indiqués à l’Annexe « A » de la présente ENTENTE de fin d’emploi et quittance. Le 1er janvier de chaque année, cette rente est ajustée afin de tenir compte de l’augmentation de l’indice des prix à la consommation, jusqu’à concurrence de 5 %.

5.    Au décès de M. Garneau, la Compagnie continuera à verser 50 % de la rente prévue au paragraphe 4 ci-devant au conjoint survivant de M. Garneau, le cas échéant, et ce, jusqu’au décès de celui-ci.

(…)

[21]        L’annexe « A » à laquelle il était référé à l’article 4 de ce projet d’entente, et qui l’accompagnait, stipulait ce qui suit :

Annexe «A»

La rente est calculée de la manière suivante :

a)    2 % du salaire moyen de M. Garneau, au cours des cinq années où le salaire de M. Garneau a été le plus élevé alors qu’il était à l’emploi de la Compagnie, multiplié par le nombre d’années où M. Garneau a été à l’emploi de la Compagnie. Cette rente est diminuée de ¼ % par mois d’anticipation de la fin d’emploi de M. Garneau par rapport au moment où celui-ci atteindra l’âge de 60 ans;

b)    La rente est réduite de la rente payable en vertu du régime de retraite de M. Garneau auprès de La Capitale Groupe Financier, en date de la fin d’emploi de M. Garneau auprès de la Compagnie.

c)    La rente est également réduite de la rente pouvant être achetée auprès d’une compagnie d’assurances avec les sommes accumulées au régime de retraite simplifié des employés de la Compagnie et comportant les mêmes modalités que la rente de base.

[22]        Le demandeur a répliqué à cette proposition de la défenderesse le 28 août, en lui soumettant, à son tour, un projet d’entente de fin d’emploi et quittance[6] prévoyant essentiellement le paiement par la défenderesse d’une indemnité de départ de 324 000 $ représentant 18 mois de salaire, d’une prime de rendement pour la période du 17 août 2012 au 1er mars 2014 au montant de 123 930 $, des cotisations à son régime de retraite à cotisations déterminées pendant une période de 18 mois, estimées à 19 440 $, d’une allocation pour véhicule automobile pendant une période de 18 mois, totalisant 18 162 $, de ses frais d’assurance et d’immatriculation pour 2013 estimés à 1 400 $, d’une somme de 10 000 $ à titre de frais de relocalisation, d’une prestation « en cas de départ à la retraite » selon la clause 3.2 de l’annexe C du contrat d’emploi temporairement estimée à un montant entre 1 800 000 $ et 2 000 000 $, de la valeur présente de la prestation supplémentaire de retraite de 47 000 $ prévue à l’article 3.4 de l’annexe C du contrat d’emploi, estimée à 41 000 $, et, enfin, d’une somme de 75 000 $ pour dommages moraux et atteinte à la réputation.

[23]        La défenderesse a soumis un second projet d’entente de fin d’emploi et de quittance au demandeur le 30 août[7]. Elle y convenait de lui payer une somme forfaitaire de 280 800 $ à titre d’indemnité de départ. Par ailleurs, elle s’engageait à lui payer une rente annuelle de 13 347 $, ajustable le 1er janvier de chaque année afin de tenir compte de l’augmentation de l’indice des prix à la consommation, jusqu’à concurrence de 5 %. Au décès du demandeur, elle continuerait de payer 50 % de la rente à sa conjointe survivante, le cas échéant, jusqu’au décès de cette dernière. Elle acceptait enfin de lui payer une somme de 10 000 $ pour frais de recherche d’emploi et de relocalisation ainsi que deux autres montants de peu d’importance dont il avait fait état dans sa contre-proposition du 28 août.

[24]        Dans une lettre adressée par Aon Hewitt à monsieur Marchand le 30 août, dont une copie a été remise au demandeur en même temps que le second projet d’entente[8], et dans laquelle il était fait état des calculs ayant permis d’établir le montant de la rente pour la première année à 13 347 $, on indiquait que la valeur présente de cette rente au 1er septembre 2012 était de 344 548 $.

[25]        Un monde impossible à franchir séparait les parties.

[26]        Le demandeur a mis la défenderesse formellement en demeure, le 7 septembre, de lui verser une somme totale de 613 328 $, sans compter la prestation en cas de départ avant la retraite dont la valeur, temporairement estimée par lui à un montant entre 1 800 000 $ et 2 000 000 $, restait à établir[9].

[27]        La requête introductive d’instance a été signifiée à la défenderesse le 30 novembre 2012.

[28]        Le 23 avril 2013, la défenderesse a déposé en fiducie auprès de Trust Eterna inc. un montant de 179 625,55 qu’elle considérait devoir au demandeur. Le 7 mai suivant, elle a requis le demandeur de l’encaisser. Ce montant se ventilait comme suit :

Ø  216 000 $ représentant une année de salaire, moins les déductions fiscales appropriées (75 600 $), soit 140 400 $;

Ø  47 000 $ représentant la prestation supplémentaire de retraite prévue au paragraphe 3.4 de l’annexe C du contrat d’emploi, moins les déductions fiscales appropriées (16 450 $), soit 30 550 $;

Ø  13 347 $ représentant la rente supplémentaire de retraite prévue au paragraphe 3.1 de l’annexe C du contrat d’emploi pour la période d’août 2012 à août 2013, moins les déductions fiscales appropriées (4 671,45 $), soit 8 675,55 $.

[29]        Avant prise en compte des montants totalisant 96 721,45 $ retenus par la défenderesse et versés aux autorités fiscales conformément à la loi, le montant total que cette dernière considérait devoir au demandeur était donc de 276 347 $.

[30]        Le demandeur a reconnu avoir reçu paiement de ce montant total de 276 347 $ et encaissé ce montant net de 179 625,55 $ le 12 juin 2013.

[31]        Le 20 janvier 2016, la défenderesse a déposé en fiducie auprès de Trust Eterna inc. un montant supplémentaire de 379 456,30 $ qu’elle considérait devoir au demandeur et a requis le demandeur de l’encaisser. Ce montant se ventilait comme suit :

Ø  397 800 $ représentant la prestation en cas de départ avant la retraite prévue au paragraphe 3.2 de l’annexe C du contrat de travail; MOINS :

§    Le montant de 47 000 représentant la prestation supplémentaire de retraite prévue au paragraphe 3.4 de l’annexe C du contrat de travail; et

§    le montant de 13 347 $ représentant la rente supplémentaire de retraite prévue au paragraphe 3.1 de l’annexe C du contrat de travail pour la période d’août 2012 à août 2013,

que la défenderesse avait requis le demandeur d’encaisser le 7 mai 2013 et que ce dernier a encaissés le 12 juin 2013, non dus par la demanderesse vu l’option des parties d’envisager le scénario d’un départ avant la retraite plutôt que celui d’une retraite; ainsi que

§    le montant de 21 000 $ représentant les cotisations salariales économisées par le demandeur,

soit un montant net de 315 653 $, auquel étaient ajoutés les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle depuis le 7 septembre 2012, date de la mise en demeure, jusqu’au 20 janvier 2016, totalisant 63 803,30 $.

LES PRÉTENTIONS DES PARTIES

[32]        Il n’est pas contesté que le contrat de travail liant la défenderesse au demandeur, à l’origine d’une durée de trois ans mais renouvelable par la suite annuellement, s’est transformé avec le temps en un contrat à durée indéterminée.

[33]        Le demandeur prétend qu’il a été congédié sans motif sérieux et, au surplus, que la défenderesse a agi de manière abusive.

[34]        La défenderesse prétend, au contraire, que le congédiement du demandeur était justifié, pour les motifs exposés dans sa lettre du 17 août 2012 à ce dernier, et que ses seules obligations envers lui, comme suite à ce congédiement, sont celles prévues au contrat de travail.

[35]        Subsidiairement, la défenderesse prétend qu’elle avait le droit de congédier le demandeur sans motif et que la somme de 216 000 $, représentant une année de salaire, qu’elle a versée à ce dernier pour tenir lieu de délai de congé constitue une indemnité raisonnable. Elle ajoute que les réclamations supplémentaires du demandeur sont grossièrement exagérées.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[36]        Le litige soulève essentiellement les questions suivantes :

1)        Le contrat de travail liant la défenderesse au demandeur a-t-il été résilié pour un motif sérieux?

2)        Le contrat de travail a-t-il été résilié d’une manière abusive?

3)        À quoi le demandeur peut-il prétendre comme suite à cette résiliation?

[37]        La prestation en cas de départ avant la retraite réclamée par le demandeur fait l’objet d’un litige particulier qui soulève également plusieurs questions. Il en sera fait état à la section du présent jugement y afférente.

ANALYSE

            1.         LA RÉSILIATION DU CONTRAT DE TRAVAIL

[38]        Le demandeur est actuaire de formation. Il a obtenu son baccalauréat ès sciences de l’actuariat de l’Université Laval en 1979 et est devenu fellow de l’Institut canadien des actuaires (F.I.C.A.) et de la Société des actuaires (F.S.A.) en 1987.

[39]        Après avoir commencé sa carrière à La Nationale, compagnie de réassurance du Canada, à Montréal, où il a travaillé trois ans et demi à titre de professionnel en actuariat, il est entré à l’emploi de M.F.Q. Vie, corporation d’assurance, en 1983, à titre de professionnel en actuariat, assurance. Par la suite, il a progressivement gravi les échelons au sein de cette compagnie, devenant directeur adjoint, actuariat corporatif, en 1988, puis directeur, actuariat individuel et corporatif, en 1990, puis vice-président, placements, en 1997, et, enfin, vice-président, assurance individuelle, à compter de 1997. La même année, il est également devenu le vice-président, ventes et opérations, de Sogefonds M.F.Q. inc., une compagnie du même groupe agissant comme dépositaire, placeur et gestionnaire du portefeuille d’un fonds commun d’investissement connu sous le nom de Fonds FICADRE.

[40]        En 2000, après 17 ans passés au service de M.F.Q. Vie, le demandeur, à titre de vice-président, assurance individuelle, avait la responsabilité de plus de 50 employés de support, de 125 représentants, de 5 à 10 professionnels de la mise en marché et de 5 à 10 professionnels en actuariat.

[41]        Fondation Universitas du Canada a vu le jour en 1964 à l’initiative d’un groupe de jeunes gens d’affaires dont monsieur Marchand était l’un des inspirateurs. En 2000, ses actifs sous administration, incluant les subventions gouvernementales, s’élevaient à 123 699 497 $.

[42]        À ce moment, les principales sources de revenus de la défenderesse étaient, comme elles le demeurent encore aujourd’hui, les honoraires d’adhésion tirés de la distribution des plans de bourses d’études dont Fondation Universitas du Canada faisait la promotion ainsi que les frais de gestion des fiducies. En 2000, les revenus tirés par la défenderesse de la première de ces sources s’élevaient à 5 052 516 $ et ceux tirés de la seconde à 1 999 935 $, pour un total de 7 052 451 $.

[43]        La structure de l’organisation au sein de la défenderesse était alors de type linéaire. La ligne d’autorité s’écoulait verticalement de haut en bas. Monsieur Marchand était le président du conseil d’administration. Selon ce que le tribunal comprend, il n’y avait pas de président. Le chef des opérations était un directeur général. Tous les directeurs de services lui étaient subordonnés à l’exception de Me Isabelle Grenier, une avocate qui s’occupait des affaires corporatives et de la gouvernance et qui était sous l’autorité de monsieur Marchand. Le personnel se composait de 35 à 40 employés au siège social et d’environ 125 représentants.

[44]        Fondation Universitas du Canada faisait face à des défis importants comme suite à l’instauration, en 1998, de la subvention canadienne pour l’épargne-études. L’augmentation de la valeur de l’actif des régimes enregistrés d’épargne-études (REEE) au Canada, passée de 4 milliards en 1998 à 7,2 milliards en 2000, une augmentation de plus de 55 %, témoigne éloquemment de l’effet immédiat de cette subvention. Les nouvelles opportunités d’affaires étaient énormes. Par ailleurs, les institutions bancaires, nouvellement arrivées sur le marché, offraient une vive compétition. Il fallait donc se battre davantage. Or, la structure organisationnelle de la défenderesse, sa filiale qui distribuait ses produits et gérait les fiducies, avait atteint ses limites et un coup de barre s’imposait.

[45]        Le demandeur avait une expérience de 21 ans dans l’assurance, un domaine dont les produits et le mode de fonctionnement avaient plusieurs points en commun avec ceux d’un promoteur, d’un distributeur et d’un gestionnaire de régimes d’épargne-études. Par ailleurs, la compagnie à l’emploi de laquelle il était depuis 17 ans, que l’on pouvait qualifier d’entreprise de taille moyenne au moment où il s’y était joint, avait crû de façon substantielle par la suite, de sorte qu’il avait une connaissance pratique des défis posés par la croissance d’une entreprise. De surcroît, la structure organisationnelle de cette autre compagnie ressemblait davantage à celle, fonctionnelle et décentralisée, dont on rêvait pour la défenderesse.

[46]        Au sein de cette autre compagnie, le demandeur avait notamment occupé successivement des fonctions de direction en matière de placements, pendant 3 ans, et en matière de ventes et d’opérations, pendant 2 ans, dont la pertinence sautait aux yeux. Qui plus est, alors que la défenderesse travaillait ardemment à l’informatisation de son entreprise, un passage obligé pour toute entreprise financière, le demandeur pouvait attester d’une expérience pertinence également à cet égard. Notamment, au cours de ses premières années à l’emploi de cette autre compagnie, alors qu’il était professionnel en actuariat et travaillait en assurance collective, il avait développé un logiciel en matière d’invalidité de longue durée.

[47]        Vu ce qui précède, on peut facilement comprendre que, au terme du processus d’évaluation des candidatures par les membres du comité de sélection formé au sein de la défenderesse, celle du demandeur a paru « la plus désirable », selon l’expression utilisée par monsieur Marchand.

[48]        À ces compétences et à ces expériences que les membres du comité de sélection avaient été à même d’identifier chez le demandeur à la lecture de son curriculum vitae et en entrevue avec lui, s’est ajouté, lors de la rencontre où monsieur Marchand lui a soumis une première offre, un autre facteur favorable à son embauche dont l’importance ne peut être sous-estimée. En effet, une relation de grande confiance s’est manifestée sur-le-champ entre les deux. Le demandeur a reconnu qu’une « chimie » s’était « installée » entre eux, monsieur Marchand et lui, dès ce moment.

[49]        En s’engageant dans le processus d’embauche d’un directeur général, en mars 2000, les administrateurs de la défenderesse et ceux de son actionnaire, Fondation Universitas du Canada, comprenaient que le candidat choisi pourrait éventuellement prendre la relève de monsieur Marchand, alors âgé de 63 ans. Lorsque monsieur Marchand et le demandeur, le 9 mai suivant, se sont entendus définitivement sur la rémunération et les avantages auxquels ce dernier aurait droit, il était compris, de chaque côté, que, dans quelques années, si tout allait bien, ce serait le cas.

[50]        Le contrat signé par les parties le 20 décembre suivant reflétait bien ce qui avait été entendu au printemps à propos de la portée du contrat et de la mission dont le demandeur était investi. En effet, même si le contrat avait une durée initiale de 3 ans, et était renouvelable par la suite d’année en année, il était précisé, à son article 2, que l’intention des parties était que celui-ci ait une portée à long terme. Par ailleurs, à son article 3, les fonctions du demandeur étaient bien définies : assurer l’exploitation des affaires de la défenderesse et planifier son développement futur dans une perspective de croissance.

[51]        Au cours des mois qui ont suivi son arrivée à la direction générale de la défenderesse, le demandeur a formé une équipe de direction dans le but de favoriser les échanges entre les individus et la formation de consensus. Ce mode de fonctionnement, plus collégial, était nouveau chez la défenderesse.

[52]        Le demandeur portait un intérêt particulier aux produits que la défenderesse offrait sur le marché et à leur distribution. Le choix de produits bien adaptés aux besoins de la clientèle cible et l’optimisation du système de distribution de ces derniers lui paraissaient essentiels au développement des affaires, un des défis qui lui avaient été donnés, et, à ces fins, la contribution des directeurs de tous les services pouvait être utile. Or, jusqu’à ce moment, le service des ventes avait toujours fait bande à part pour son fonctionnement. Le demandeur a mis fin à cette situation et, pour favoriser la synergie au sein de l’entreprise, a demandé à la directrice des ventes de se joindre au comité de direction. Cela s’est fait dès 2001.

[53]        Également en 2001, le demandeur a instauré la pratique de réunions annuelles de réflexion stratégique auxquelles participaient les membres du comité de direction et les cadres et professionnels. Ces réunions annuelles, dit-il, aidaient l’équipe de direction à s’orienter dans la détermination d’objectifs précis et la préparation de plans d’action afin de les réaliser, en vue de la préparation du budget et de sa présentation au conseil d’administration, au mois de décembre qui suivait. Elles lui permettaient par ailleurs, selon ses propres mots, « de voir le potentiel en dessous », « d’écouter et de prendre le pouls ».

[54]        Au début, ces réunions avaient lieu en septembre. Par la suite, elles ont été avancées et avaient lieu en juin.

[55]        Les premières réunions annuelles duraient une journée. Les membres du comité de direction et les cadres et professionnels la passaient ensemble et, à la fin, on dressait un bilan. Leur durée a par la suite été portée à deux jours. Le premier jour était consacré à la réflexion stratégique par les membres du comité de direction et les cadres et professionnels. Le deuxième jour, les membres du comité de direction se réunissaient pour dresser un bilan de la veille. Cette rencontre permettait aussi au demandeur de prendre connaissance des préoccupations des directeurs et, plus tard, des vice-présidents. Les dernières années avant le départ du demandeur, les réunions annuelles duraient trois jours. Les deux premiers jours se déroulaient comme auparavant et, le troisième jour, les membres du comité de direction et les cadres et professionnels dressaient ensemble le bilan de la réunion.

[56]        Le comité de direction se réunissait mensuellement. Le demandeur dirigeait les réunions et y soumettait son rapport.

[57]        Par ailleurs, le demandeur soumettait trimestriellement un rapport au conseil d’administration.

[58]        Déjà, alors qu’il était directeur général de la défenderesse, le demandeur avait pris l’habitude de diriger les réunions du comité de direction, avec l’appui et sous l’œil bienveillant de monsieur Marchand.

[59]        Lorsque le demandeur est entré en fonctions comme président, en 2004, monsieur Marchand, qui demeurait président du conseil d’administration, lui a dit : «C’est toi le patron. C’est toi qui diriges. C’est toi qui diriges les comités de direction, mais j’aimerais y aller si ça ne te dérange pas». Le demandeur, déjà habitué à ce modus vivendi avec monsieur Marchand, a accepté de bonne grâce. Monsieur Marchand, précise-t-il, le laissait décider.

[60]        Il faut dire que les relations entre le demandeur et monsieur Marchand étaient particulièrement bonnes. Elles dépassaient de loin la norme de la stricte relation d’affaires. Ils se rencontraient régulièrement, formellement et informellement. En 2002, ils avaient fondé ensemble Éducaide, un fonds d’aide à l’éducation destiné à soutenir financièrement des jeunes issus de milieux moins favorisés à l’aide de bourses de persévérance. Il y avait une forte complicité entre les deux hommes.

[61]        Monsieur Marchand a continué d’être présent aux réunions du comité de direction jusqu’à la fin de 2010. Il a également participé, jusqu’en 2010, aux réunions annuelles de planification stratégique. Il suivait son successeur de près.

[62]        À la fin de l’année 2007, le demandeur a subi une évaluation formelle de la part de monsieur Marchand. Les notes rédigées par monsieur Marchand, à la suite de sa rencontre avec le demandeur, témoignent de la nature des observations faites par le premier au second à cette occasion :

 

Remarques :

(1)          Insérer des «blancs» ds son agenda

Il est normal pour un PDG d’avoir parfois 1h ou 2 où rien n’est prévu, afin d’assurer un certain «thinking», une «disponibilité», un «regard» à l’interne et du MBW (managing by wandering around)

Aussi

·         faire gérer son agenda par S. Labbé. Tous devraient passer par elle.

·         prendre le temps de «fermer» ses réunions, lire ses notes et dispatcher

(2)          Déléguer davantage

a)    faire + confiance aux v-p

b)    ne pas faire ou refaire leur travail

(3)          Éliminer les dernières minutes

-       Les réunions préparées ds la dernière heure à éliminer.

-       Un rapport doit être prêt au moins 24 heures d’avance. C.E. - C.A. etc.

(4)          Savoir dire non quand c’est trop plein :

                         - à l’interne et parfois à l’externe.

(5)          Respecter les agendas et les horaires

(6)          Attention à ta santé

(7)          Améliorer la planification

(8)          Demeurer plus au-dessus de la mêlée

(9)          Vis-à-vis Vincent…se désimpliquer

(10)        Conserver son même enthousiasme[10]

[63]        Il appert de ces notes que, malgré les lacunes soulevées par monsieur Marchand, dont l’importance ne peut être sous-estimée, le style de gestion du demandeur, sept ans après son arrivée à la direction générale et trois ans après son accession à la présidence, n’était pas fondamentalement remis en cause. Quelques incidents survenus auparavant, notamment l’obligation pour monsieur Marchand d’intervenir auprès des directeurs d’agences pour mettre fin à un litige qui perdurait et que le demandeur ne parvenait pas à régler, avaient peut-être ébranlé un peu la confiance de monsieur Marchand en le demandeur. Il ne fait cependant aucun doute que, malgré ces incidents et ses lacunes, le demandeur, à la fin de 2007, avait l’appui de monsieur Marchand et, plus généralement, du conseil d’administration.

[64]        La gestion du demandeur était cependant jugée défavorablement par certains membres du comité de direction.

[65]        Josiane Rivard est entrée à l’emploi de la défenderesse en 2001 à titre de contrôleur financier. Elle est devenue directrice du service des finances en 2005. En 2007, elle est devenue vice-présidente finances, à l’occasion d’une modification de la structure organisationnelle où les directeurs de services dont devenus des vice-présidents.

[66]        Elle est aujourd’hui vice-présidente, finances et administration.

[67]        Madame Rivard a eu des premières réserves à l’égard du mode de gestion du demandeur, peu après être devenue directrice des services finances en 2005, étant sous la supervision de ce dernier. Elle regrettait que ses rencontres avec lui ne soient pas plus fréquentes.

[68]        Devenue vice-présidente en 2007, elle s’attendait à ce que son rôle et celui des autres vice-présidents soit d’appuyer le demandeur dans l’élaboration d’une vision pour l’entreprise et d’un plan pour son développement. Elle a vite constaté que la route serait longue.

[69]        Elle a rapidement perçu que le demandeur se désintéressait de la performance de l’entreprise. Elle a déploré l’absence d’utilisation de tableaux de bord présentant des indicateurs qui permettent, par exemple au moyen de graphiques, de mesurer la progression de l’entreprise vers l’atteinte d’objectifs préalablement fixés. Elle se demandait comment on pouvait, sans de tels outils, savoir où on en était et où on s’en allait. Sa surprise était grande, puisque le demandeur était en fonctions depuis sept ans et que, selon elle, il lui revenait, en tant que directeur général, d’identifier une vision pour l’entreprise.

[70]        Lorsque madame Rivard a communiqué au demandeur l’idée d’utiliser de tels tableaux, ce dernier s’est montré très favorable et lui a demandé, d’une part, de former les membres du comité de direction sur ces tableaux de bord et, d’autre part, de les diriger dans leur production. Sa surprise a de nouveau été grande, puisque, selon elle, il revenait au directeur général, responsable de l’identification des visions pour l’entreprise, de déterminer les réalisations à accomplir.

[71]        Madame Rivard a par ailleurs réalisé que l’entreprise n’avait pas de plan stratégique identifiant une vision à moyen terme et décrivant ses objectifs ainsi que les stratégies à mettre en œuvre pour les atteindre. Dès 2007, elle a commencé à attirer l’attention du demandeur sur l’importance pour l’entreprise de se donner une vision à moyen terme et a insisté de nouveau à plusieurs reprises au cours des années 2007 et 2008. Elle reconnaît que, à compter de 2007, les membres du comité de direction se sont livrés annuellement à un exercice de réflexion, mais précise qu’on y discutait essentiellement du court terme. Ce ne sera finalement qu’en 2011 qu’on établira, pour la première fois, un plan stratégique à moyen terme, jusqu’en 2015.

[72]        Selon madame Rivard, l’absence de stratégie corporative se faisait aussi sentir lors de la préparation des budgets. Au cours des exercices annuels de réflexion, de multiples projets étaient mis de l’avant. Ces exercices n’étaient cependant suivis d'aucune directive de la part du demandeur. Le temps de préparer le budget arrivé, à l’automne, chacun des vice-présidents préparait ses prévisions budgétaires en fonction de ce qui lui semblait important, à la suite du dernier exercice de réflexion. Madame Rivard recevait ces prévisions budgétaires, les ressemblait, en faisait l’analyse et soumettait le tout au demandeur. En 2009, elle a suggéré au demandeur que l’on procède à l’envers. Le demandeur fixerait d’abord des objectifs d’ordre financier, par exemple pour les honoraires d’adhésion, pour les frais de gestion des fiducies, pour la trésorerie et pour les bénéfices. Des enveloppes budgétaires seraient par la suite accordées à chacun des vice-présidents en fonction des résultats de cet exercice préalable. Le demandeur n’a pas cru à la pertinence de ce changement, de sorte que la pratique antérieure a continué.

[73]        Le tribunal retient essentiellement du témoignage de madame Rivard que celle-ci, au cours de toutes ces années, regrettait le manque d’implication et de leadership du demandeur. En définitive, comme elle l’a déclaré dans son témoignage, les membres du comité de direction étaient laissés à eux-mêmes.

[74]        Madame Rivard a également ressenti un manque d’implication du demandeur en 2010 lorsque, comme suite à une opération de vérification de l’Autorité des marchés financiers effectuée l’année précédente, il a fallu transférer l’actif sous administration lié à chacun des trois régimes de plans de bourses d’études dans des fiducies distinctes. Cette demande de l’Autorité des marchés financiers a entraîné un exercice de grande importance, tant sur le plan financier que sur le plan juridique, que le demandeur n’a pas jugé opportun de chapeauter. Sa collègue, Me Isabelle Grenier, la vice-présidente aux ressources humaines et affaires corporatives, et elles ont été laissées complètement à elles-mêmes. Selon madame Rivard, le demandeur aurait dû les appuyer et les accompagner, compte tenu qu’il s’agissait d’une transaction approchant les 700 000 000 $.

[75]        L’actif sous administration de Fondation Universitas du Canada s’élevait plus précisément à 689 681 992 $ au 31 décembre 2010. L’instauration, en 2007, de l’incitatif québécois à l’épargne-études (IQEE) avait donné un nouveau souffle à sa croissance. Par ailleurs, au cours de l’année 2010, les revenus de la défenderesse provenant des honoraires d’adhésion et des frais de gestion des fiducies se sont élevés à 18 046 804 $.

[76]        La défenderesse était à un tournant. Les problèmes d’informatique qui avaient causé de grands tourments au sein de l’entreprise pendant plusieurs années étaient réglés. Depuis deux ans, en effet, l’autonomie de la défenderesse était acquise sur le plan informatique et le système de gestion de l’IQEE était pleinement implanté à l’interne. On voulait s’attaquer au marché dans d’autres provinces, notamment en Ontario où la compétition était féroce. Le défi était majeur et il fallait s’armer pour y faire face. C’est dans ce contexte que le demandeur a décidé, d’une part, de confier à des experts une évaluation des risques d’entreprise, de façon à être en mesure d’en faire une gestion structurée et bien intégrée à l’organisation et, d’autre part, de procéder à la préparation d’un plan stratégique à moyen terme.

[77]        L’évaluation des risques d’entreprise a été confiée à Deloitte à l’été 2010. Monsieur Marchand, monsieur Garneau, madame Rivard, Me Grenier, madame Sonia Dupèré, la vice-présidente, services à la clientèle et gestion des contrats, monsieur Jean-Jacques Lévesque, le vice-président, technologies de l’information, et monsieur Pascal Gilbert, le vice-président, ventes et marketing, ont participé à l’exercice. En somme, le président du conseil d’administration et les six membres du comité exécutif.

[78]        Un premier rapport, préparé par Deloitte en novembre 2010, faisait état de 25 risques inhérents d’entreprise soumis aux participants pour obtenir leur appréciation de leur impact et de leur probabilité d’occurrence, des résultats de cette appréciation et de la cote d’importance de chacun de ces risques. Parmi les 8 risques les plus élevés identifiés en ordre d’importance, les deuxième et troisième avaient trait à la planification :

Ø  Planification opérationnelle. La gestion en mode réactionnel et la prise d’engagements rapide avant de mesurer les impacts nuisent à la cohésion des actions à l’interne, à l’efficacité des ressources humaines et au positionnement d’Universitas dans un marché en évolution.

Ø  Utilisation des ressources. L’évolution rapide d’Universitas et son environnement au cours des dernières années a fait en sorte que l’organisation évolue dans la cour des grands, mais avec des moyens limités sur le plan des RH, des budgets, des outils de travail, etc.

[79]        À propos de ces deux risques reliés à un manque de planification, le commentaire suivant apparaissait dans le rapport :

L’évolution rapide de l’environnement dans lequel Universitas évolue l’a amené à adopter un mode de gestion réactionnel. Cette façon de faire dure depuis trop longtemps et le manque de recul et de planification risque de nuire à la cohésion des actions et pourrait épuiser les ressources, tout indique qu’il est temps de revoir les outils et les façons de faire.

[80]        Il y avait manifestement un malaise au sein des membres du comité de direction à propos de la gestion de l’entreprise et les critiques de ces derniers, en bout de course, atteignaient le demandeur.

[81]        Sans limitation, madame Dupèré, lors de sa rencontre avec les deux consultants de Deloitte, a évoqué ses craintes à propos du leadership du demandeur. Elle leur a rapporté que les décisions étaient prises par monsieur Marchand et le demandeur et leur a déclaré qu’elle appréhendait ce qui arriverait après le départ de monsieur Marchand.

[82]        Madame Dupèré s’est également plainte auprès des deux consultants de ce que les réunions du comité de direction se terminaient typiquement sans que l’agenda soit épuisé.

[83]        Selon le témoignage de madame Dupèré, lors de ses rencontres avec le demandeur, il était très difficile d’obtenir son attention et de discuter des dossiers sous sa responsabilité dont elle souhaitait l’entretenir. Elle avait l’impression que ses dossiers ne l’intéressaient pas. Éducaide revenait souvent sur le tapis. En 2010, à un certain moment, elle lui a demandé que lors de leurs rencontres, on échange sur les sujets sous sa responsabilité avant de discuter d’Éducaide et de son programme Persévéra.

[84]        Me Grenier a également dénoncé aux consultants le manque de planification dans la gestion de la défenderesse et qu’on y agissait constamment en réaction, ainsi que le manque de leadership du demandeur. Elle remarquait que monsieur Marchand était « très présent » lors des réunions du comité de direction et qu’il intervenait notamment pour débloquer les discussions. Elle sentait que le demandeur avait besoin de monsieur Marchand.

[85]        Cette question de leadership du demandeur était très délicate et on l’a traitée en tenant compte de ce fait lors de l’évaluation des risques d’entreprise. Parmi les 25 risques inhérents soumis aux participants en figurait un ayant trait à la gouvernance et proposant que les rôles et les responsabilités du président et du président du conseil se confondaient à certains égards, ce qui pouvait rendre inefficace le processus de décision opérationnel. Dans le rapport d’étape, on a exclusivement fait état de l’impact de ce risque, évalué à 2,6/5.

[86]        Monsieur Marchand a évidemment reçu communication de ce rapport. Prenant conscience du problème que sa présence aux réunions consacrées aux opérations semblait poser, il a immédiatement cessé de participer aux assemblées du comité de direction et est devenu moins présent dans les opérations quotidiennes. À compter de ce moment, et nous étions à la fin de 2010, le demandeur avait toute la glace.

[87]        Il convient d’ajouter ici que c’est également pour laisser la glace au demandeur qu’après 2010, monsieur Marchand n’a plus participé aux réunions annuelles de réflexion stratégique.

[88]        Les commentaires des membres du comité de direction aux consultants concernant les rôles et les responsabilités du président et directeur général et du président du conseil d’administration, qui recelaient à n’en pas douter une préoccupation de leur part à l’égard du leadership au sein de l’entreprise, ont certainement interpellé monsieur Marchand. Le demandeur également.

[89]        Il paraît également intéressant de souligner que, selon ce qui est mentionné dans le premier rapport de Deloitte, les participants avaient identifié une autre question portant sur la gouvernance et le risque d’un changement de culture dans l’organisation advenant le départ de monsieur Marchand. Il a été décidé que cette question serait considérée plus en détail en dehors de l’exercice en cours. La seule identification de ce risque par les participants signalait que, dix ans après être devenu directeur général et six ans après être devenu président, le demandeur était loin d'avoir chaussé les bottes de monsieur Marchand.

[90]        Malgré tout, à la fin de 2010, selon ce qu’il appert de la preuve, le demandeur avait encore la confiance de monsieur Marchand.

[91]        Au printemps 2011, la défenderesse a fait procéder à un sondage sur le climat organisationnel au sein de l’entreprise. 58 employés y ont participé, dont 5 membres du comité de direction. Les participants ont été divisés en 8 groupes, en fonction du service auquel ils étaient attachés, et un 9e groupe était formé des 5 membres du comité de direction. Les résultats du sondage ont été présentés le 30 juin 2011. Ils ont révélé que, parmi les 9 groupes, celui formé des membres du comité de direction était clairement le moins satisfait. Les auteurs du rapport y soulignaient qu’il s’agissait d’un cas rare et qu’habituellement, au contraire, les membres du comité de direction étaient les plus satisfaits.

[92]        Me Grenier, qui avait pris l’initiative de faire procéder à ce sondage, a discuté des résultats de celui-ci avec le demandeur, particulièrement de ceux visant le comité de direction. Ce dernier, raconte-t-elle, en était préoccupé.

[93]        Monsieur Marchand a été informé par le demandeur de la tenue de ce sondage. Le demandeur ne lui en a cependant pas remis de copie ni, non plus, aux autres administrateurs de la défenderesse. Monsieur Marchand ne se souvient par ailleurs pas d'avoir discuté des résultats du sondage avec le demandeur.

[94]        En juin 2011, également, un deuxième rapport, ayant cette fois pour objets la définition et l'évaluation des risques résiduels au sein de l'entreprise, a été produit par Deloitte. À sa lecture, on constate que plusieurs actions avaient été entreprises par le comité de direction à la suite du premier rapport afin d'atténuer les risques les plus importants qui y avaient été identifiés.

[95]        Sans limitation, en mars, dans la foulée du premier rapport de Deloitte sur les risques d'entreprise qui avait signalé l'importance des deux risques découlant du manque de planification au sein de l'entreprise, on avait mis à exécution la deuxième décision prise par le demandeur en 2010 et on s'était engagé dans un exercice de planification stratégique. On l'avait fait avec l'idée de le compléter en septembre, en temps pour le début du processus de préparation budgétaire pour l'exercice financier 2012.

[96]        Les services de la firme Secor avaient été retenus. Selon le témoignage du demandeur, la décision de faire appel aux services de consultants externes répondait à son désir que ceux-ci rencontrent individuellement chacune des personnes clés de l'entreprise, hors sa présence, afin de connaître leurs idées sur une vision pour l'entreprise, ses forces, ses faiblesses, les opportunités qui s'offraient à elle, les menaces auxquelles elle faisait face, ses enjeux et les orientations à privilégier.

[97]        Madame Rivard explique autrement le recours à des consultants externes. Selon elle, les membres du comité de direction avaient demandé au demandeur que l'on fasse appel à des consultants externes pour les accompagner, parce que c'était la première fois que l'on se livrait à un tel exercice au sein de l'entreprise. En fait, précise-t-elle, les vice-présidents mettaient de plus en doute la capacité du demandeur de diriger un exercice d'une telle importance.

[98]        Ces deux témoignages, qui ne sont pas contradictoires in se, révèlent que, peu importe si la décision de faire appel à des consultants externes a résulté de la volonté du demandeur ou de la demande des vice-présidents, le demandeur n'avait pas joué de rôle de premier plan à cette première étape de l'exercice. Comme Me Grenier l'a déclaré, le demandeur a participé « au même titre que les vice-présidents, pas plus ».

[99]        La première étape de l'exercice avait permis d'identifier quatre enjeux pour la planification stratégique 2011-2015 dont le demandeur avait donné communication aux membres du comité exécutif de Fondation Universitas du Canada au cours d'une réunion qui avait lieu le 19 mai. À cette occasion, le demandeur leur avait également donné communication de l'essentiel des orientations du plan stratégique en gestation. Ils avaient approuvé le tout.

[100]     Vers la fin de mai, Secor avait produit à la défenderesse un document de planification stratégique que l'on a finalement qualifié de document de travail. Lors d'une réunion du comité exécutif de Fondation Universitas du Canada qui a eu lieu le 2 juin, et à laquelle le demandeur était présent, ses membres se sont déclarés à l'aise avec le document dans son ensemble. Sans limitation, ils demeuraient d'accord avec les quatre enjeux qu'ils avaient déjà approuvés, tout en insistant sur l'importance de l'un d'entre eux, la « vision du client ». Il appert toutefois du procès-verbal de la réunion et du témoignage de monsieur Marchand que le document les a laissés sur leur faim. Notamment, on a trouvé qu'il n'était pas fait sur mesure pour l'entreprise, qu'il contenait beaucoup de verbiage, de répétitions et de voeux pieux et que la force de vente était presque ignorée.

[101]     Outre les résultats du sondage sur le climat organisationnel et le rapport final sur la gestion des risques, un troisième fait a attiré l'attention au sein de l'équipe de direction de la défenderesse en juin 2011 : l'annonce du départ de monsieur Jean-Jacques Lévesque, le vice-président, technologies de l'information. La nouvelle a surpris. Monsieur Lévesque avait joué un rôle essentiel dans l'acquisition par la défenderesse de son autonomie sur le plan informatique et dans l'implantation de la gestion de l'Incitatif québécois à l'épargne-études et son travail avait été apprécié. Une motion de félicitations avait été adoptée par le conseil d'administration de la défenderesse en septembre 2008 pour souligner l'excellence de ses services.

[102]     Monsieur Marchand a rencontré monsieur Lévesque le 27 juin, afin d'en apprendre davantage sur les motifs de son départ. Il appert des notes rédigées par monsieur Marchand à la suite de cette entrevue que monsieur Lévesque avait plusieurs griefs à l'égard de la gestion de la défenderesse. Notamment, les rôles n'étaient pas définis clairement; le président et directeur général n'était pas à l'écoute; on discutait en comité de direction de sujets sans importance; on reportait les choses; on tournait en rond; les vice-présidents  n'avaient pas assez de marge de manoeuvre; ils jouaient un rôle de directeurs.

[103]     Lorsque, peu après sa rencontre avec monsieur Lévesque, monsieur Marchand a informé le demandeur de ses commentaires, ce dernier lui a rétorqué que monsieur Lévesque « était un gars incompétent », qu'il « ne voulait pas entrer dans l'équipe » et qu'il « ne voulait pas de plan stratégique ». Monsieur Marchand dit s'être alors posé des questions.

[104]     Au premier abord, on pourrait être tenté d'émettre l'hypothèse que monsieur Lévesque, à la veille de son départ et en raison de quelque insatisfaction, était plus critique que nécessaire dans ses commentaires sur la gestion de la défenderesse. Ce n'est vraisemblablement pas le cas. Il n'y a pas d'agressivité dans les propos de monsieur Lévesque et ses commentaires, qu'il ait raison ou tort, paraissent dignes de foi. Certains sont négatifs, mais d'autres sont positifs. Il fait même certaines suggestions à monsieur Marchand.

[105]     Certains commentaires de monsieur Lévesque rejoignent d'ailleurs des constats dont les résultats du sondage sur le climat organisationnel et les rapports sur la gestion des risques témoignaient.

[106]     Plus encore, certains commentaires de monsieur Lévesque rejoignent des déclarations de madame Rivard au cours de son témoignage à l'enquête, notamment à propos de la façon dont les réunions du comité de direction de la défenderesse se déroulaient à la suite du départ de monsieur Marchand, à la fin de 2010. Il était difficile pour le demandeur, a-t-elle rapporté, de diriger les réunions. On passait d'un sujet à l'autre. On s'attardait trop longtemps sur des sujets de nature opérationnelle et insuffisamment sur des sujets d'ordre stratégique. Le problème est devenu plus patent, a-t-elle dit, lors de l'exercice de planification stratégique.

[107]     À cette époque, madame Rivard regrettait également de ne pas avoir plus fréquemment de rencontres avec le demandeur, afin de discuter avec lui des enjeux résultant de la croissance rapide de la défenderesse et des initiatives à prendre pour y répondre. Elle ne se sentait pas sollicitée et, lorsqu'elle prenait l'initiative de lui énoncer certaines idées à ces sujets, elle ne le sentait pas intéressé.

[108]     Il paraît opportun d'établir un lien entre les commentaires de monsieur Lévesque et les déclarations de madame Rivard sur l'absence d'intérêt qu'ils percevaient de la part du demandeur, d'une part, et le témoignage de Me Grenier à propos d'une démarche qu'elle a effectuée auprès de ce dernier au cours du même mois de juin. Me Grenier a relaté que, se faisant l'écho des commentaires de ses collègues, elle a recommandé au demandeur, à l'occasion d'un lunch avec lui, de rencontrer plus souvent les vice-présidents sur une base personnelle et de traiter avec eux en profondeur de deux ou trois sujets à ces occasions, plutôt que de tout. Elle lui a signalé que les vice-présidents le trouvaient absent et ne sentaient pas son intérêt pour leurs dossiers.

[109]     À cette époque, tous les vice-présidents étaient débordés de travail et ne parvenaient pas à reprendre le contrôle dans l'accomplissement de leurs tâches. Leur fatigue était extrême. Pour remédier à ce problème, Me Grenier a suggéré au demandeur, lors de ce même lunch, de créer des postes de gestionnaire de niveau intermédiaire, soit des postes de directeur ou de chef de service, sous la responsabilité des vice-présidents, de façon à ce que ces derniers puissent s'occuper davantage des enjeux importants.

[110]     En définitive, il y avait de fortes tensions au sein du comité de direction de la défenderesse. Le mode de gestion du demandeur était contesté et son leadership était vacillant. Le message véhiculé par les résultats du sondage sur le climat organisationnel, par les deux rapports sur les risques d’entreprise, par les commentaires de monsieur Lévesque à monsieur Marchand à l’approche de son départ, et que ce dernier a communiqués au demandeur, par les constantes remises en question de madame Rivard sur la gestion de l’entreprise, lors de ses contacts avec lui et par les recommandations que Me Grenier lui faisaient en vue d’améliorer la communication avec les vice-présidents ne pouvaient manquer de rendre un homme de l’intelligence du demandeur conscient du sérieux de la situation. Le défi de la redresser était le sien.

[111]     Il paraît curieux que monsieur Marchand, un adepte formel du « management by wandering around », une méthode éprouvée pour aller chercher de l’information, n’ait pas été plus proactif à cette époque. On a l’impression qu’il n’avait pas conscience du danger du feu qui couvait lentement au sein du comité de direction de la défenderesse.

[112]     Il faut dire que, depuis qu’il avait cessé de participer aux réunions du comité de direction de la défenderesse, six mois plus tôt, monsieur Marchand n’avait plus connaissance en temps réel de ce qui s’y passait. Il ne pouvait par ailleurs pas apprécier la dynamique qui s’était établie entre ses membres par la suite. L’information qu’il recevait et que les autres membres du comité de direction et du conseil d’administration de Fondation Universitas du Canada recevaient dorénavant concernant la gestion de la défenderesse était principalement celle que le demandeur leur communiquait, notamment au moyen de ses rapports trimestriels. Ils étaient bien servis : les rapports du demandeur étaient d’excellente qualité et détaillés. Sur la foi de ces rapports, ils n’avaient aucune raison de s’inquiéter.

[113]     La communication par les vice-présidents à monsieur Marchand de leurs doléances concernant le leadership et la gestion du demandeur présentait une difficulté particulière en raison de deux facteurs : premièrement, leur obligation de loyauté envers leur président et, deuxièmement, la complicité entre monsieur Marchand et le demandeur, dont ils avaient certainement conscience. On ne peut donc écarter l’hypothèse que les vice-présidents éprouvaient une gêne à l’idée de s’en ouvrir à monsieur Marchand. Cette hypothèse est d’autant plus plausible que, dès qu’ils ont eu la chance de livrer leur pensée de façon anonyme, à l’occasion du sondage sur le climat organisationnel, ils n’ont pas hésité à se manifester. De toute évidence, ils avaient des choses à dire. Cependant, monsieur Marchand, puisqu’il n’avait pas reçu communication des résultats du sondage à ce moment, n’en avait pas connaissance.

[114]     Après la réception du document de Secor, l’exercice de planification stratégique s’est poursuivi pendant l’été en interne, entre les vice-présidents, sous la direction de madame Rivard.

[115]     En août, madame Rivard a été nommée directrice du bureau de projets, dont le rôle serait de coordonner la mise en place du plan stratégique et d’en faire le suivi. Compte tenu de l’importance des nouvelles tâches dont elle héritait et du temps qu’elle devrait y consacrer, elle serait dégagée de la moitié de ses autres tâches.

[116]     Un premier plan, faisant état d’une vision pour l’entreprise et d’une quarantaine de projets à réaliser, a été soumis au comité de direction de la défenderesse en septembre. Il s’avérait insuffisant et il fallait faire davantage. Au bénéfice du conseil d’administration, auquel le plan serait éventuellement présenté, le demandeur privilégiait la préparation d’un tableau comportant une liste de projets que madame Rivard a assimilé à un « portefeuille stratégique ». Elle était en désaccord avec cette idée et privilégiait plutôt la préparation d’un document plus détaillé permettant aux administrateurs de suivre l’évolution de la réflexion des membres du comité de direction et de comprendre le lien entre leur réflexion et le plan stratégique auquel ils aboutissaient. Me Grenier appuyait cette seconde proposition.

[117]     La deuxième proposition a été retenue.

[118]     Le document a été rédigé au courant des mois de septembre et octobre, principalement par madame Rivard. Me Grenier y a également contribué.

[119]     Les autres vice-présidents ont aussi participé à son élaboration.

[120]     Tenant compte des discussions que les vice-présidents avaient eues au cours de l’été à propos du plan stratégique, on a fait état dans le document des projets à réaliser selon leur ordre d’importance et on y a indiqué, à l’égard de chacun, l’année de sa réalisation.

[121]     Le demandeur n’a pas participé à la réalisation du document. Pendant une portion significative de la période au cours de laquelle le travail s’est fait, il était en vacances. On lui a remis le document à son retour et on en a discuté à une réunion du comité exécutif de la défenderesse le 15 novembre. Le demandeur a félicité les vice-présidents de leur travail et fait quelques commentaires. Le document n’a pas subi de modifications significatives.

[122]     Le plan stratégique a finalement été présenté au conseil d’administration de la défenderesse le 7 décembre. Les administrateurs ont manifesté leur mécontentement de ne pas avoir été mis davantage à contribution dans le processus. Ils se sont également plaints de ce que le document visait beaucoup les opérations, mais trop peu les enjeux. Toutefois, ils ont accepté le plan avec la compréhension qu’il devrait être révisé annuellement à la lumière des résultats de l’exercice en cours. Ils tenaient à être impliqués à ces occasions.

[123]     L’absence de participation du demandeur à la rédaction du plan stratégique se comprend aisément. Cette tâche pouvait facilement être déléguée. Sa faible participation à l’exercice de planification auquel les autres membres du comité de direction se sont livrés au cours de l’été, une participation qui, en plus, paraissait inattentive à certaines occasions, et son absence totale de participation à l’exercice qui a suivi la réunion du comité exécutif de septembre ont toutefois déçu.

[124]     Madame Dupèré, pour une, remarquait les fréquentes absences du demandeur lors des rencontres de planification à l’été et ses départs répétés avant la fin, lorsqu’il y assistait. Elle concluait à un manque d’intérêt de sa part. En fait, dit-elle, madame Rivard a pris le leadership de la planification stratégique, alors que c’est le demandeur qui aurait dû le prendre.

[125]     Me Grenier a également fait état de l’ « absence » du demandeur dans l’ensemble du processus et souligné qu’en raison de ce fait, madame Rivard s’était retrouvée avec une énorme somme de travail sur les épaules.

[126]     Madame Rivard a aussi fait état du manque d’intérêt qu’elle a perçu chez le demandeur tout au cours de l’exercice. Par ailleurs, elle a raconté qu’au retour de vacances du demandeur, en octobre, elle lui a remis le document complété pendant son absence et qui devait être soumis au comité de direction. Elle souhaitait obtenir ses commentaires. Par la suite, a-t-elle rapporté, il était très difficile à « attraper ». Finalement, elle a reçu un ou deux commentaires, ce qui lui a permis de procéder au dernier fignolage du document en vue de sa soumission au comité de direction.

[127]     Une déclaration de madame Dupèré à propos de l’examen que le demandeur a fait du document après qu’on lui eût remis est préoccupante. En le lisant elle-même, elle a constaté que deux projets dont le demandeur priorisait l’insertion dans le plan stratégique et la réalisation, soit le projet « Persévéra », un programme permettant de jumeler des entreprises avec des jeunes issus de milieux moins favorisés, afin de les aider à persévérer dans leurs études, et le projet de plan individuel d’épargne-études qui permettrait de le mettre de l’avant, n’y figuraient pas. Elle a donc demandé au demandeur si le projet Persévéra demeurait une priorité, sachant très bien que c’était le cas. À la lumière de cet incident, elle a conclu que le demandeur n’avait pas examiné le document.

[128]     Les préoccupations de madame Dupèré à l’égard de ce qu’elle a qualifié de « déresponsabilisation » de la part du demandeur à l’égard des « priorités » de la défenderesse n’étaient pas nouvelles. Elle s’en était précédemment ouverte à ce dernier de façon délicate et lui avait fait part de sa perception qu’il accordait plus d’importance à Éducaide, le bras philanthropique de la défenderesse, qu’aux affaires de la défenderesse elle-même.

[129]     Ces témoignages de trois vice-présidents sur le désintéressement du demandeur à l’égard de la planification stratégique, apparent à leurs yeux, se corroborent ou, à tout le moins, se complètent. Celui du demandeur à propos du rôle qu’il a joué a par ailleurs laissé le tribunal sur sa faim. Essentiellement, le demandeur s’est exprimé au sujet du plan stratégique en utilisant la première personne du pluriel, désignant ainsi les membres du comité de direction dans leur ensemble, sauf lorsqu’il a parlé de représentations y afférentes auprès du conseil d’administration, où il s’est exprimé à la première personne du singulier. Son témoignage était peu concluant.

[130]     Il faut, selon le tribunal, retenir les témoignages des trois vice-présidents.

[131]     Le président et directeur général d’une entreprise en est le conducteur. Il est responsable de son succès ou de son échec. Cela étant, il se doit de jouer un rôle de premier plan dans l’élaboration de sa mission, de ses valeurs, de ses enjeux, de ses objectifs et des projets à réaliser pour les atteindre, selon un ordre de priorité tenant compte des capacités de l’entreprise.

[132]     Il paraît tout à fait normal que l’équipe de direction participe à un exercice de planification stratégique. Par ailleurs, il est bien compréhensible que, le temps venu, la rédaction d’un plan stratégique soit confiée à une personne ou à un groupe limité de personnes. Toutefois, il revient au président et directeur général de contrôler l’exercice et de décider. À la lumière de la preuve, le demandeur n’a pas assumé le rôle qui lui revenait au cours de l’exercice de 2011. Il s’en est remis aux vice-présidents et, de façon plus particulière, à madame Rivard, à propos de laquelle on commençait à se demander, chez certains au sein du comité de direction, si elle ne jouait pas en fait un rôle de directrice générale.

[133]     Au-delà de ce qui précède, il convient de supposer que l’abdication par le demandeur de la tâche qui lui incombait et la perception que celle-ci a manifestement provoquée chez les vice-présidents n’étaient pas de nature à dissiper le malaise dont les résultats du sondage sur le climat organisationnel, notamment, lui avaient révélé l’existence.

[134]     Parallèlement à tout ça, le demandeur, en août, dans le sillon de la suggestion que Me Grenier lui avait faite quelques semaines plus tôt, a annoncé la création de postes de gestionnaire de niveau intermédiaire. La nouvelle a été bien reçue. Cette mesure emportait une réorganisation importante au travail au sein de l’entreprise.

[135]     Au cours de l’automne, le projet d’agrandissement de la bâtisse du siège social de l’organisation était sur la table. Le cinquantenaire approchait et on voulait le souligner dans la nouvelle bâtisse. On a procédé à une analyse des coûts et à la recherche d’un financement du projet. Le demandeur, fort d’une expérience dans l’immobilier auprès de son ancien employeur, a mis la main à la pâte.

[136]     Au début de 2012, les coûts de construction de financement de l’agrandissement de la bâtisse étaient connus. Ils dépassaient les prévisions. Il en résultait une contrainte pour la défenderesse sur le plan financier.

[137]     À ce moment, la défenderesse faisait face à une seconde contrainte, celle résultant des taxes imposées aux fiducies sur les honoraires d’administration qu’elle leur facturait et qui entraîneraient une nouvelle ponction de 1 500 000 $ par année. La défenderesse voulait absorber l’impact de ces taxes à même son budget, plutôt que de le faire subir, en bout de course, par les clients.

[138]     En janvier 2012, dans le cadre du processus de préparation budgétaire pour l’année, on a ainsi identifié, secteur par secteur, les postes où les dépenses seraient réduites de façon à en arriver à une réduction totale de 1 500 000 $. Des coupures ont été effectuées et des projets ont été reportés. Le secteur des technologies de l’information a assumé environ la moitié de l’effort. L’exercice, cela va de soi, aurait un impact direct sur la réalisation des objectifs du plan stratégique pour l’année 2012 et le recrutement des gestionnaires de niveau intermédiaire.

[139]     La situation a amené le comité de direction de la défenderesse à recommander au conseil d’administration de reporter temporairement l’agrandissement de la bâtisse du siège social. Il a été donné suite à cette recommandation.

[140]     La situation du demandeur demeurait très fragile au cours des premiers mois de 2012, notamment, selon madame Rivard, le demandeur manquait d’intérêt pour les travaux qu’elle réalisait dans le cadre de ses responsabilités de directrice du bureau des projets. Elle a raconté avoir invité le demandeur à une rencontre avec les personnes à qui l’on avait confié la réalisation de projets, au cours de laquelle on leur présenterait les outils de travail préparés pour eux à cette fin. Elle voulait que le demandeur prenne connaissance du travail qui se faisait. Or, le demandeur a quitté la rencontre avant la fin et madame Rivard n’a pu recevoir les commentaires qu’elle espérait.

[141]     Madame Dupèré était par ailleurs inquiète à propos de « l’avancement » de l’organisation, notamment en raison de ce qu’elle percevait comme l’absence d’un capitaine à bord. Elle avait déjà fait part au demandeur de ses inquiétudes et lui avait fait remarquer qu’il avait l’air heureux quand il était question d’Éducaide, contrairement à ce qui était le cas quand il était question de la défenderesse. Elle avait l’impression que son coeur était avec Éducaide plutôt qu’avec Universitas. Le demandeur, a-t-elle relaté, lui avait dit un jour que Éducaide était une jeune organisation et qu’il voulait lui consacrer du temps. Il avait ajouté qu’il faisait confiance aux vice-présidents pour « mener Universitas à terme », qu’il se fiait à eux et, de façon plus générale, à l’équipe de gestionnaires, mais qu’il faisait un suivi continuel des priorités et des efforts consacrés dans chacun des dossiers. Dans la réalité, a-t-elle conclu, en s’appuyant sur deux faits vécus personnellement, le suivi du demandeur était médiocre.

[142]     Au-delà de ce qui précède, il paraît important de souligner que l’importance accordée par le demandeur à Éducaide dans son discours et la proportion du temps qu’il semblait y consacrer faisaient l’objet de commentaires défavorables de la part de plusieurs vice-présidents.

[143]     Par ailleurs, les relations étaient loin d’être à leur meilleur entre les vice-présidents et le climat de travail en souffrait. Sans limitation, certains trouvaient que madame Rivard en ratissait large. Par exemple, on considérait qu’il n’appartenait pas au bureau de projets, qu’elle dirigeait, de décider des priorités de l’organisation. Des tensions existaient depuis plusieurs mois, tant et si bien qu’à l’été 2011, à l’époque où monsieur Lévesque avait annoncé son départ, madame Dupèré avait également remis en cause la poursuite de sa carrière au sein de l’organisation.

[144]     Il était essentiel que le plan stratégique soit présenté aux cadres et gestionnaires de la défenderesse, afin d’obtenir leur adhésion. Les journées annuelles de réflexion qui se tiendraient en juin offraient l’occasion rêvée de le faire et, aussi, de prendre le pouls. Il a été prévu que les deux premières journées de réflexion auraient lieu les 12 et 13 juin. Le premier jour, les membres du comité de direction et les cadres et professionnels seraient réunis et le plan stratégique serait présenté aux cadres et professionnels. Le deuxième jour, l’équipe de direction ferait le bilan de la rencontre de la veille et, le cas échéant, discuterait d’une mise à jour du plan stratégique. La date de la troisième journée de réflexion serait fixée plus tard.

[145]     La réalisation des projets du plan d’action pour l’année 2012, la première visée par le plan stratégique, a été enclenchée dès les premiers mois de l’année. Il appert du procès-verbal d’une réunion du comité exécutif de Fondation Universitas du Canada en date du 23 mai 2012 qu’à ce moment, la quasi-totalité des projets était en voie de réalisation. Dans 20 % des cas, leur réalisation achevait. Dans 30 % des cas, ils étaient réalisés dans une proportion de l’ordre de 50 % et, dans les autres cas, la réalisation était peu avancée.

[146]     Deux faits survenus en mai, sans lien avec le plan stratégique et avec les journées de réflexion prévues en juin, ont attiré l’attention du tribunal.

[147]     D’abord, au cours d’une rencontre qu’il y a eu avec le demandeur à une date indéterminée, monsieur Marchand a fait le point avec lui sur sa gestion et lui a passé des messages sur les changements ou les améliorations à apporter. Sommairement, il lui a demandé de dialoguer davantage avec les vice-présidents, de suivre et de connaître davantage leurs dossiers, de gérer l’interaction entre les départements et les services, de diminuer le temps qu’il passait à travailler personnellement sur l’ordinateur, qui se comptait en heures, une tâche ne relevant pas d’un président et directeur général.

[148]     Monsieur Marchand a par ailleurs rappelé au demandeur, à cette occasion,  les vertus du « management by wandering around », une méthode de gestion qu’il affectionnait. Son dernier message au demandeur résumait un peu les autres : écouter et agir, ce qui signifiait, selon l’interprétation du tribunal, être à l’écoute de ses collaborateurs et, après analyse, agir rapidement, de façon à les mobiliser.

[149]     Ces messages, malgré les critiques que plusieurs évoquaient et dont la plupart étaient déjà connus du demandeur, étaient ceux d’une personne qui accordait encore sa confiance au le demandeur.

[150]     Le deuxième fait survenu en mai qui a attiré l’attention du tribunal est la nomination du demandeur, le 23, à la présidence de Éducaide, en remplacement de monsieur Marchand. La décision a été prise par le conseil d’administration du Fonds, mais il faut supposer que monsieur Marchand a eu beaucoup à dire dans la nomination.

[151]     La nomination du demandeur était tout à fait naturelle, compte tenu de l’importance qu’il accordait à cette initiative depuis le début. Il n’en demeure pas moins qu’elle témoignait également du maintien par monsieur Marchand de sa confiance envers le demandeur.

[152]     Le comportement de monsieur Marchand, à l’occasion de ces deux faits, signale que ce dernier, en dépit de toutes les informations qu’il glanait ça et là en furetant dans la bâtisse ainsi que des confidences qu’il pouvait recevoir, n’était peut-être pas conscient de l’ampleur du malaise qui existait au sein du comité de direction.

[153]     Le même 23 mai, lors d’une réunion du comité exécutif de Fondation Universitas du Canada à laquelle le demandeur était présent, monsieur Marchand a par ailleurs annoncé la formation prochaine d’un comité ad hoc du conseil d’administration dont le mandat serait de planifier la relève du président du conseil d’administration, en l’occurrence lui-même, ainsi que de la haute direction de l’organisation. Les candidatures de messieurs Jean-Bernard Robichaud, Jean Lemieux et la sienne seraient proposées. Il a indiqué que chacun des administrateurs serait rencontré individuellement et interrogé sur sa vision des candidats qui pourraient potentiellement assurer la relève. Chaque membre de la direction de l’organisation serait également rencontré. Tel qu’annoncé, la formation, la composition et le mandat du comité ad hoc ont fait l’objet d’une décision du conseil d’administration le 6 juin.

[154]     Revenons aux journées de réflexion prévues les 12 et 13 juin. Au cours des réunions de préparation de celles-ci, il est apparu, selon ce que madame Rivard a rapporté, que les vice-présidents n’avaient pas tous la même compréhension de la vision de l’entreprise. Il lui paraissait important que l’on en vienne à une compréhension commune. En effet, la cohésion serait de mise au moment où les membres du comité de direction se présenteraient devant les cadres et professionnels la première journée. Madame Rivard, voulant s’en assurer, a sollicité la tenue d’une dernière réunion des membres du comité de direction la veille de la rencontre avec les cadres et professionnels. Elle a relaté que le demandeur ne voyait pas la pertinence de cette réunion ni, par la suite, de sa présence à celle-ci. Il y a finalement participé à son insistance. Elle jugeait qu’il était de son devoir d’y être.

[155]     La rencontre du 12 juin avec les cadres et les professionnels, dont le demandeur était l’animateur, a été un échec. L’objectif du comité de direction de gagner leur adhésion à la vision et au plan stratégique de l’entreprise a été raté.

[156]     Les vice-présidents ont été déçus. Sans limitation, madame Rivard a trouvé que l’ambiance était froide, que peu de questions étaient posées et que les réponses à celles posées étaient vagues.

[157]     Selon les résultats du sondage auquel 75 cadres et professionnels présents à la rencontre ont participé par la suite, 35 d’entre eux seulement considéraient qu’on avait répondu concrètement à leurs attentes. Les autres étaient neutres ou insatisfaits. Dans l’ensemble, les cadres et professionnels trouvaient la vision irréaliste et le plan stratégique trop ambitieux, compte tenu des ressources matérielles, financières et humaines de l’entreprise.

[158]     Voici quelques commentaires de participants au sondage qui témoignent de leur perception du déroulement de la rencontre ou du climat au sein du comité de direction :[11]

« Lors de cette rencontre, il y avait un malaise, un inconfort de la part des participants, des silences pesants et un grand besoin de réconfort. Nous aurions eu besoin d’un animateur dynamique, à l’écoute, capable d’aller chercher les participants, de reformuler et/ou de synthétiser leurs propos, de lancer des débats. Une ressource externe serait à privilégier à l’avenir. Par ailleurs, l’absence de monsieur Marchand est positive car les gens ont une certaine retenue en sa présence. »

« Lors de cette rencontre, les VP ont peu parlé, je n’ai pas senti qu’ils formaient une équipe et que je pouvais compter sur eux. Quel est le plan d’action, les moyens, les solutions concrètes que le comité de direction compte mettre de l’avant pour réaliser le plan stratégique ? Est-ce que le comité de direction a le leadership nécessaire ? L’implication de monsieur Garneau dans Éducaide peut-elle nuire à la réalisation du plan stratégique ? »

« La bonne volonté, c’est bien, mais lorsqu’on parle de stratégie (Plan stratégique contient des stratégies), il faut de la réflexion, de l’habileté à gérer le tout, et cela relève de la Direction de mobiliser les troupes vers la réalisation du Plan. Il faut exercer du leadership. Leadership par le Directeur général et par le comité de direction.

Il y a beaucoup de compétences dans le Comité de Direction mais pas de leadership afin de canaliser les compétences de chacun vers un but commun. On sent, et on voit, un tiraillement de « tire la couverture » entre les membres du Comité de direction. Et cela ne contribue certainement pas à mobiliser, ou motiver le reste de l’organisation. Toute décision du Comité de direction oblige chaque vice-présidence à se rallier à la décision, y adhérer, la transmettre comme si c’était sa décision individuelle. Il est malheureusement arrivé que ce ne soit pas le cas, donc cela met un doute, et la Direction se saborde elle-même. Encore là, manque de leadership. Si on ne sent pas que les membres du comité de direction sont motivés, comment peut-on l’être nous-même. »

[159]     C’est madame Labbé qui a fait la compilation des résultats du sondage. Elle les a jugés dévastateurs et les a interprétés comme un cri du coeur exprimant le désarroi des cadres et des professionnels. Elle estimait la situation assez sérieuse pour songer à en informer monsieur Marchand, dont elle avait été l’adjointe pendant de nombreuses années avant d’être celle du demandeur. Elle a fait part de sa réflexion à Me Grenier au moment où elle lui a remis sa copie des résultats du sondage. Cette dernière l’a dissuadée d’agir, lui représentant que ce n’était pas à elle de le faire. Elle l’a cependant assurée qu’elle tiendrait monsieur Marchand au fait de son inquiétude.

[160]     Me Grenier a rencontré monsieur Marchand le 28 juin. Cette rencontre a marqué le début d’une tournée de monsieur Marchand auprès du demandeur, de chacun des membres du comité de direction, de monsieur Gaston Roy, qui était à ce moment membre du comité exécutif de la défenderesse, et de madame Labbé. La tournée s’est terminée le 17 juillet.

[161]     Les commentaires recueillis par monsieur Marchand au cours de ces rencontres ont exposé au grand jour l’importante crise de leadership qui sévissait au sein du comité de direction et qui avait des répercussions sur l’ensemble des employés. La marmite venait de sauter et il y avait péril en la demeure. Sans limitation, il y avait possibilité de démission de deux vice-présidents et de madame Isabelle Ouellet, directrice à la gestion financière et administrative.

[162]     Tout est sorti au cours de ces rencontres. Outre le problème de leadership du demandeur, on a notamment déploré son « absence », son désintéressement, son manque de dynamisme, sa difficulté à gérer les priorités, son manque de maîtrise des dossiers, sa faculté d’écoute déficiente, son manque de préparation des réunions, ses changements d’idée, sa propension à déléguer à outrance, sa tendance à improviser. Il y avait, il convient de le noter, beaucoup de déjà vu.

[163]     La troisième journée de réflexion avec les cadres et les professionnels a eu lieu le 4 juillet. Elle a permis de limiter les dégâts. Madame Labbé a décrit le déroulement de cette journée dans les termes suivants, dans le document qu’elle a préparé en vue de sa rencontre avec monsieur Marchand :

« (…)

      Suite au constat d’échec du 12 juin, et après avoir lu les commentaires des participants, on s’est bien préparé à la réunion du 4 juillet. Mais encore là, il (le demandeur) a été incapable de tenir un discours rassembleur même si les VP lui avaient souligné les points à adresser. Les VP ont pris la relève en commençant par Isabelle, suivie des autres VP. On a senti la différence, le momentum était rétabli. RG a repris la parole et a dessoufflé la baloune. »[12]

[164]     Malgré tout, la situation était intenable et des gestes s’imposaient.

[165]     Monsieur Marchand a rencontré le demandeur une seconde fois le 31 juillet. Il lui a dénoncé qu’il était dérangé par les commentaires des vice-présidents et de directeurs sur le leadership de la compagnie. Le demandeur a imputé l’image de manque de leadership au manque de solidarité entre les membres du comité de direction.

[166]     À cette occasion, monsieur Marchand a également informé le demandeur que les membres du comité de la relève, créé, on s’en souvient, au début du mois précédent, rencontreraient tous les vice-présidents et lui et soumettraient leur rapport au comité exécutif. La rencontre entre les membres du comité et le demandeur a été fixée au 8 août.

[167]     C’est au cours de cette rencontre que le demandeur a appris de la bouche de monsieur Robichaud que les membres du comité en étaient venus à la conclusion qu’il n’était plus l’homme de la situation pour diriger les destinées de la défenderesse et qu’ils recommanderaient au comité exécutif et au conseil d’administration qu’il soit mis fin à la relation d’affaires entre la défenderesse et lui.

[168]     La lettre adressée par la défenderesse au demandeur le 17 août, reproduite plus haut, a formalisé le congédiement de ce dernier.

[169]     La résiliation du contrat de travail du demandeur par la défenderesse est susceptible de soulever l’application des règles énoncées aux articles 2091, 2092 et 2094 du Code civil :

2091. Chacune des parties à un contrat à durée indéterminée peut y mettre fin en donnant à l’autre un délai de congé.

Le délai de congé doit être raisonnable et tenir compte, notamment, de la nature de l’emploi, des circonstances particulières dans lesquelles il s’exerce et de la durée de la prestation de travail.

2092. Le salarié ne peut renoncer au droit qu’il a d’obtenir une indemnité en réparation du préjudice qu’il subit, lorsque le délai de congé est insuffisant ou que la résiliation est faite de manière abusive.

2094. Une partie peut, pour un motif sérieux, résilier unilatéralement et sans préavis le contrat de travail.

[170]     Considérant que le demandeur prétend qu’il a été congédié sans motif sérieux et que, au contraire, le défendeur soutient que le congédiement était justifié, il faut d’abord vider cette question.

[171]     Il revenait à la défenderesse de prouver par prépondérance qu’elle a résilié le contrat de travail pour un motif sérieux.

[172]     La notion de motif sérieux énoncée à l’article 2094 C.c.Q. équivaut à la notion pour « cause juste et suffisante » définie depuis longtemps par la jurisprudence.

[173]     L’honorable Marie-France Bich, de la Cour d’appel, écrivait ce qui suit en 1993, à l’époque où elle était professeure à l’Université de Montréal :

105. […] Bien que certains entretiennent là-dessus quelques doutes, nous croyons que les deux expressions sont équivalentes. […] Un motif sérieux, c’est, il nous semble, tout à la fois un motif grave et suffisant, gravité et suffisance devant être appréciées selon les circonstances de l’espèce. C’est parce que l’autre exécute mal ou n’exécute pas l’une de ses obligations (selon le standard proposé par l’article 1604, second alinéa, C.c.Q.), que le contractant peut résilier le contrat : voilà le motif sérieux. […]

106. À mon avis, l’article 2094 C.c.Q. ne change rien à ces règles […].[13]

             (soulignement ajouté)

[174]     Le professeur Robert P. Gagnon écrivait, la même année :

L’expression « motif sérieux » utilisée à l’article 2094 C.c.Q. se démarque de l’emploi par ailleurs courant dans la législation du travail des termes « cause juste et suffisante » pour désigner un motif légitime de renvoi du salarié. Quelle que soit l’expression retenue, il aurait été utile que le législateur précise que la cause de la résiliation doit être imputable à l’autre partie, en l’occurrence au salarié en cas de congédiement. Néanmoins, le poids de la jurisprudence tant des instances spécialisées du travail que des tribunaux de droit commun est si significatif relativement aux motifs susceptibles de justifier un licenciement sans indemnité ni préavis que le sens à donner à l’expression « motif sérieux » devrait être celui d’une faute grave commise par le salarié ou d’une cause juste et suffisante qui se rapporte à sa conduite ou à son défaut d’exécuter le travail. Cette interprétation est d’ailleurs la seule qui puisse se concilier avec le principe général énoncé au deuxième alinéa de l’article 1604 C.c.Q. […][14]

(soulignement ajouté)

[175]     Dans l’ouvrage « Le congédiement en droit québécois en matière de contrat individuel de travail », il est écrit plus particulièrement ce qui suit à propos des employés engagés dans le but de remplir un poste de cadre :

4.2.23 L’employé qui est engagé dans le but de remplir un poste de cadre, et d’exercer effectivement certaines responsabilités au sein d’une entreprise, garantie implicitement qu’il possède les qualités et les talents appropriés pour accomplir les tâches qui lui sont assignées, faute de quoi il pourra être congédié pour cause.

4.2.24 D’ailleurs, dans l’arrêt rendu par la Cour d’appel Sirois c. O’Neill, C.A. Mtl, D.T.E. 99T-598, la Cour a renversé le jugement de première instance ayant accueilli l’action du demandeur congédié pour incompétence. La Cour d’appel a jugé que le tribunal de première instance avait commis une erreur en concluant ainsi, n’ayant pas tenu compte des obligations rigoureuses inhérentes à la fonction de président-directeur général pour laquelle il avait été engagé, soit essentiellement une tâche de direction, de management et d’organisation. […][15]

(soulignements ajoutés)

[176]     Selon le contrat d’emploi du demandeur à titre de directeur général, les fonctions, devoirs et responsabilités de ce dernier consistaient à assurer l’exploitation des affaires courantes de la défenderesse et à assurer son développement futur dans une perspective de croissance.

[177]     Sa nomination au poste de président et directeur général, en 2004, a consacré son statut de chef de l’entreprise.

[178]     Le président et chef de la direction d’une entreprise est responsable de tout, principalement dans le cas d’une entreprise comme celle de la défenderesse, à savoir : les produits, la mise en marché, la stratégie, la création d’une culture d’entreprise, la finance, les ressources humaines, les technologies de l’information, les ventes, le respect des lois et règlements s’appliquant à la compagnie et à son entreprise et les relations publiques. Le succès de l’entreprise repose sur ses épaules.

[179]     Un très grand nombre de tâches sont déléguées, cela va de soi. Certaines relèvent cependant directement du président et chef de la direction et doivent demeurer sous son contrôle en raison de leur importance capitale pour l’entreprise. Parmi celles-ci figure la conception de la vision de l’entreprise. La preuve révèle que le demandeur a renoncé au leadership qu’il devait exercer à cet égard. Il a montré peu d’intérêt à l’exercice auquel on s’est livré au sein du comité de direction à compter de 2011 et a, à toutes fins utiles, délégué sa tâche à madame Rivard. En bout de course, il a perdu le contrôle sur l’exercice et sur le comité de direction. Selon toute vraisemblance, son manque de leadership, après avoir d’abord encouragé la naissance de tensions au sein du comité de direction, a contribué de façon significative à l’éclatement qui s’est manifesté à la suite de la rencontre du 12 juin avec les cadres et professionnels.

[180]     Les premières années qui ont suivi la nomination du demandeur au poste de président et directeur général se sont bien passées. La situation a commencé à se détériorer tôt après la fin de la participation de monsieur Marchand aux réunions du comité exécutif, à la fin de 2010. L’absence de monsieur Marchand, qui jouait essentiellement le rôle d’un « executive chairman » au sein de la défenderesse, a probablement privé le demandeur d’un support qui lui était crucial. Les lacunes qu’on avait identifiées dans sa gestion jusque-là, et dont on semblait s’accommoder, paraissent avoir été par la suite perçues avec de plus en plus d’acuité par les membres du comité de direction.

[181]     Un passage du document préparé par madame Labbé en vue de sa rencontre avec monsieur Marchand à la suite des événements de juin 2012 a particulièrement attiré l’attention du tribunal :

« (…) Ça fait un bon bout de temps et c’est pu l’fun de venir travailler en raison de tout ce qu’on vit mais que lui ne voit pas.

Aujourd’hui, on vit une situation de crise et même si j’adore Richard en tant que personne parce qu’il a de très grandes qualités humaines, par respect pour vous et pour l’organisation que vous avez mis en place il y a presque 50 ans, je me dois de voir au-delà de l’homme en vous parlant franchement des vraies affaires qui selon moi ont provoqué cette situation.

Premièrement, je pense honnêtement que RG était l’homme de la situation quand vous l’avez embauché en 2001 mais dans ce temps-là il dirigeait une PE. Le problème c’est qu’aujourd’hui nous sommes devenus une PME et cette PME a des besoins grandissants, différents, plus exigeants et au fur et à mesure que la cie grossit les lacunes de Richard deviennent de plus en plus évidentes et menaçantes.

J’imagine que les rencontres que vous faites sont pour vous aider à comprendre la situation et ce qui a pu mener à cette situation. J’y ai bien réfléchi et j’ai identifié ce qui, selon moi, sont les lacunes importantes qui ont mené à la situation aujourd’hui.

1.    Manque d’organisation et de préparation

2.    Manque de jugement

3.    Incapacité à identifier les priorités et s’y tenir

4.    Manque d’engagement

5.    Ne sait pas écouter

6.    Ne sait pas mobiliser

7.    MANQUE DE LEADERSHIP

(…). »[16]

[182]     Tout, ou à peu près, se retrouve dans ce court passage où madame Labbé se fait en quelque sorte l’écho des constats de l’ensemble des vice-présidents.

[183]     Au moment où la tournée de monsieur Marchand a eu lieu, la situation était généralisée au sein de l’équipe de direction. Elle était en outre irrécupérable. Trop de constats défavorables sur la gestion et le leadership du demandeur s’étaient accumulés et les membres de l’équipe avaient perdu espoir en tout redressement. Ce dernier n’avait plus de prise sur son équipe.

[184]     Dans ces circonstances, on pouvait raisonnablement craindre pour la réalisation des objectifs que l’entreprise s’était fixés.

[185]     Les administrateurs de la défenderesse devaient composer à la fois avec les lacunes dans la gestion et le leadership du demandeur, dont la preuve a été faite de façon prépondérante, et avec ce climat qui en était résulté au sein de l’équipe de direction. L’urgence d’agir, vu notamment les risques de départ de deux vice-présidents et d’une directrice de service, ne pouvait leur échapper.

[186]     De l’avis du tribunal, ces lacunes et ce climat, considérés ensemble, constituaient un motif sérieux permettant à la défenderesse de résilier le contrat de travail du demandeur unilatéralement et sans préavis.

[187]     Le demandeur ne peut plaider ignorance des lacunes qu’on lui imputait dans ses gestions et son leadership. Monsieur Marchand l’en entretenait sporadiquement ainsi que des façons de les corriger. Certains vice-présidents s’ouvraient également à lui. Surtout, toutefois, les rapports sur la gestion des risques de novembre 2010 et de juin 2011 et les résultats du sondage sur le climat organisationnel auquel on a procédé au printemps de 2011 avaient lancé des messages clairs. À l’été 2012, pourtant, sa gestion et son leadership souffraient essentiellement des mêmes maux et il avait, à toutes fins utiles, perdu la confiance et l’adhésion de son équipe de direction de façon définitive. De plus, il venait de perdre la confiance des administrateurs.

[188]     Le congédiement du demandeur et la promptitude avec laquelle on y a procédé n’étaient pas abusifs, compte tenu de la preuve.

            2.         LES SOMMES AUXQUELLES LE DEMANDEUR A DROIT

                        2.1       L’indemnité de départ

[189]     Le contrat de travail prévoit, à son article 10, que, dans l’hypothèse où celui-ci prend fin pour une cause juste et suffisante, la défenderesse doit verser au demandeur une indemnité de départ représentant un mois de salaire par trimestre complet à son service avec un maximum de douze mois.

[190]     Le demandeur y reconnaît que cette indemnité de départ vaut pour toute réclamation, de quelque nature que ce soit, qu’il pourrait faire valoir envers la défenderesse, à l’exception de celle prévue à la clause 3.2 de l’annexe C lui donnant droit à une prestation en cas de départ avant la retraite et sur laquelle nous reviendrons plus tard.

[191]     Considérant que le demandeur a été à l’emploi de la défenderesse pendant plus de douze ans, il a donc droit à une indemnité de départ représentant douze mois de salaire.

[192]     Au moment de la résiliation du contrat de travail, le demandeur recevait un salaire annuel de 216 000 $. C’est le montant auquel il a droit.

[193]     Comme mentionné plus haut dans le présent jugement, la défenderesse, le 23 avril 2013, a déposé en fiducie auprès de Trust Eterna inc. un montant de 140 400 $ représentant une année de salaire à 216 000 $ moins les déductions fiscales appropriées qui s’élevaient à 75 600 $. Puis, le 7 mai suivant, elle a requis le demandeur d’encaisser ce montant.

[194]     Ce montant net de 140 400 $ a été encaissé par le demandeur le 12 juin suivant.

                        2.2       La prestation en cas de départ avant la retraite

[195]     L’article 6 du contrat de travail prévoit que le demandeur est admissible à participer au régime de retraite de base en vigueur chez la défenderesse ainsi qu’au « Régime de rentes d’appoint » établi spécifiquement en sa faveur et décrit à l’Annexe C au contrat.

[196]     En vertu de l’article 3.1 de l’annexe C, la défenderesse s’engage à verser au demandeur, à la date de la retraite, une prestation de retraite additionnelle égale, pour chaque année de participation au régime de rentes d’appoint, à 2 % du salaire moyen des cinq (5) meilleures années à la retraite, réduite, s’il y a lieu, de ¼ % par mois d’anticipation antérieur à l’âge de 60 ans, moins le montant de rente payable à la date de retraite par le régime de base en vigueur chez la défenderesse et moins certains montants indiqués en annexe I de l’annexe C, accumulés aux taux y mentionnés, sur lesquels nous reviendrons plus loin.

[197]     Il est également prévu à cet article 3.1 que la rente sera ajustée le 1er janvier de chaque année pour tenir compte de l’augmentation de l’indice des prix à la consommation, jusqu’à concurrence d’un maximum de 5 %, et que, à compter du décès du demandeur, 50 % de la rente continuera d’être payée au conjoint survivant, sa vie durant. Toutefois, advenant le cas où la différence d’âge entre le demandeur et son conjoint serait supérieure à 6 ans, la rente serait réduite actuariellement pour tenir compte de l’excédent.

[198]     Aux fins du régime d’appoint, la date de la retraite est, selon l’article 2 de l’annexe C, le premier jour du mois coïncidant avec le 60e jour de naissance du demandeur ou le suivant.

[199]     En vertu de l’article 3.2 de l’annexe C, la défenderesse s’engage par ailleurs à verser une prestation au demandeur en cas de départ avant la retraite. Cette prestation est également à la valeur présente de la rente acquise au moment de son départ, telle qu’établie selon le paragraphe 3.1, compte tenu des années de participation à cette date et d’une indexation de la rente acquise dans le futur à un taux annuel de 4 % par année, moins la valeur des sommes accumulées au régime de base, et moins les montants indiqués en annexe 1 et sur lesquels nous reviendrons plus loin, multipliée par 33 1/3 % par année de participation postérieure au 3 juillet 2000, jusqu’à concurrence de 100 %.

[200]     Se prévalant de l’article 3.2 de l’annexe C au contrat de travail et en utilisant pour ses calculs les données mentionnées dans l’annexe 1 de cette annexe C,, le demandeur réclame de la défenderesse une somme de 1 840 800 $ à titre de prestation de départ.

[201]     La défenderesse prétend lui devoir une somme de 397 800 $ au même titre.

[202]     La défenderesse soutient que l’entente intervenue entre monsieur Marchand et le demandeur, au moment de l’embauche de ce dernier, avait pour objet, eu égard à son régime de retraite, de lui garantir des avantages équivalents ou comparables à ceux dont il aurait bénéficié s’il était demeuré à l’emploi de son employeur précédent.

[203]     Elle reproche au demandeur, essentiellement, d’avoir délibérément induit en erreur madame France Bilodeau, désignée par monsieur Marchand pour concrétiser la portion de l’entente relative au régime de retraite avec lui, en lui faisant valoir qu’il allait retirer toutes les sommes auxquelles il avait droit en vertu de ses deux régimes de retraite chez MFQ, en omettant de lui mentionner que la rente de retraite globale à laquelle il avait droit en vertu de ceux-ci incluait la rente provenant de la Régie des rentes du Québec.

[204]     Plaidant que, en raison de ces agissements du demandeur, le texte de l’annexe C du contrat de travail ne correspond pas à l’entente intervenue entre monsieur Marchand et lui, elle demande que l’annexe C du contrat de travail signé le 20 décembre 2000 soit partiellement annulée et que ses obligations en vertu de celle-ci soient réduites.

[205]     Selon elle, le montant en capital de 397 800 $ qu’elle a requis le demandeur d’encaisser le 20 janvier 2016, après l’avoir déposé en fiducie auprès de Trust Eterna inc., et que ce dernier a encaissé, est celui auquel il a droit à titre de « prestation en cas de départ avant la retraite ».

                        2.2.1         Le retrait des sommes auxquelles le demandeur avait droit en vertu de ses régimes à la MFQ

[206]     On se souvient que le demandeur, dans sa lettre du 24 avril à monsieur Marchand lui dévoilant les conditions de travail dont il bénéficiait chez son employeur d’alors, lui avait déclaré ce qui suit concernant son régime de retraite :

Régime de retraite :    2 % du salaire moyen des 5 meilleures années X nombre d’années de service. Retraite à 60 ans sans pénalité actuarielle et rente indexée selon l’inflation à la retraite.

[207]     Par ailleurs, on se souvient que, sur la note manuscrite remise par monsieur Marchand au demandeur lors de leur rencontre du 9 mai, et qui constatait leur entente, il était inscrit ce qui suit à propos du régime de retraite :

Régime de retraite :    Idem, équivalence

                                    Voir France Bilodeau

[208]     Madame France Bilodeau était une actuaire à l’emploi de Groupe-conseil Aon inc., dont elle était aussi vice-présidente, et oeuvrait notamment en matière de régimes de retraite. Elle était également membre du conseil d’administration de Fondation Universitas du Canada.

[209]     La formalisation de la portion de l’entente ayant trait au futur régime de retraite du demandeur devenait ainsi l’apanage de deux actuaires qui savaient bien de quoi il en retournait.

[210]     Monsieur Marchand a remis à madame Bilodeau la lettre du demandeur du 24 avril ainsi que deux autres documents que ce dernier lui avait transmis en même temps, soit un relevé, au 31 décembre 1999, de la participation du demandeur au régime de base dont il bénéficiait chez son employeur, le « Régime de retraite des membres de la direction de MFQ Vie, corporation d’assurance et ses sociétés affiliées », et un relevé à la même date de sa participation au Régime d’appoint, le « Régime de retraite des membres de la direction ».

[211]     Ces deux régimes de retraite étaient à prestations déterminées.

[212]     Le relevé de participation au régime d’appoint, présenté sous la forme d’une note de service et daté du 6 mars 2000, mentionnait notamment ce qui suit au bas de sa première page :

(…) l’estimé de votre rente acquise au 31 décembre 1999, si vous aviez pris votre retraite ou aviez quitté la compagnie à cette date, est le suivant :

Rente payable par le régime de retraite :                                                     28 520 $

Rente payable par le régime additionnel :                                                    58 759 $

Rente totale acquise :                                                                                   87 279 $

[213]     Le demandeur avait encerclé le montant de 87 279 $ et renvoyé le lecteur au moyen d’une flèche à un ajout de sa main précisant :

Rente payable à 60 ans

avec ≈ 35 ans de service

X 2 % X salaire 1999

[214]     Le demandeur avait également ajouté une note de sa main à la deuxième page de la lettre, à la suite de la signature de son auteur :

NB    Le régime est intégré à la RRQ. L’objectif du régime global incluant le régime additionnel est de verser une rente totale égale à 2 % X nombre d’années de service X salaire moyen. Il n’y a aucune réduction actuarielle à partir de l’âge de 60 ans.

[215]     Dans une lettre qu’elle lui a adressée le 11 mai, madame Bilodeau a résumé les modalités des régimes de retraite auxquels le demandeur participerait s’il devenait un employé de la demanderesse. Elle lui écrivait notamment :

Cher Monsieur,

Pour faire suite à votre demande, il nous fait plaisir de vous résumer, par la présente, les modalités des régimes de retraite auxquels vous participeriez en tant qu’employé de Gestion Universitas.

Tous les employés de Gestion Universitas bénéficient d’un régime de retraite, lequel est de type à « cotisations déterminées ». À cet égard, l’employeur, ainsi que vous-même, verseriez à la caisse de retraite une cotisation égale à 6 % de votre salaire, sujet, bien entendu, à la limite fiscale de 13 500 $ par année. Cette caisse de retraite est administrée par l’Industrielle Alliance et les choix de placements sont effectués par les participants.

Par ailleurs, le comité exécutif aimerait établir un régime d’appoint « top hot » à votre égard, lequel aurait comme objectif de vous accorder une rente de 2 % de votre salaire moyen des cinq (5) meilleures années et ce, sans limite quant au niveau du salaire, payable sans réduction dès l’âge de 60 ans. Ce régime aurait une application rétroactive, c’est-à-dire que les calculs seraient effectués en tenant compte d’une reconnaissance d’un service passé, soit rétroactivement à la date d’adhésion au régime de retraite de votre ancien employeur, le 13 juin 1983.

(…)

Vous noterez que ces résultats ne tiennent pas compte des sommes que vous recevrez de vos anciens régimes de retraite. Compte tenu que l’objectif de ce régime d’appoint est de vous procurer des revenus à la retraite comparables à ceux que vous auraient procurés vos régimes actuels, le règlement du régime d’appoint tiendra compte des montants que vous recevrez à titre de prestation de cessation de service de vos anciens régimes de retraite.

(…)

[216]     Cette lettre est postérieure de deux jours seulement à la rencontre au cours de laquelle monsieur Marchand et le demandeur ont convenu de la rémunération et des avantages dont ce dernier bénéficierait. Son contenu amène à inférer que madame Bilodeau avait déjà en sa possession les documents transmis par le demandeur à monsieur Marchand le 25 avril.

[217]     Le demandeur a donné sa démission le 15 mai à la MFQ.

[218]     Le 1er juin, le demandeur a transmis à madame Bilodeau copie d’une lettre qui lui avait été adressée le 29 mai par madame Hélène Painchaud, du service de l’actuariat à la MFQ, et dans laquelle cette dernière l’informait des trois options qui s’offraient à lui relativement à son régime de retraite de base et à son régime d’appoint à cet endroit.

[219]     Sommairement, le demandeur pouvait d’abord exercer son droit à une rente différée qui lui serait payable à compter de 60 ans sans réduction actuarielle et qui serait réversible dans une proportion de 50 % à son conjoint advenant son décès. La rente payable par le régime de retraite de base serait établie au moment de la retraite au montant maximal alors permis par les lois fiscales, et la rente qui ne pourrait être versée par le régime de retraite de base, serait couverte par le régime d’appoint. Sa valeur serait établie à ce moment et cette dernière serait payable comptant et imposable. Il pourrait cependant être convenu entre la MFQ et le participant d’en étaler le paiement sur quelques années.

[220]     La rente annuelle globale payable en vertu du régime de retraite de base et du régime d’appoint était estimée à 90 903,11 $ au soixantième anniversaire de naissance du demandeur. Calculée au 30 juin 2000, la date à laquelle le départ du demandeur était présumément prévu, la valeur de la rente différée en vertu du régime de base et de celle en vertu du régime d’appoint totalisait 509 170,04 $.

[221]     Plutôt que d’exercer son droit à une rente différée, le demandeur pouvait opter pour un transfert de la valeur des deux rentes au 30 juin 2000 totalisant 509 170,04 $. La lettre de madame Painchaud précisait à ce sujet :

(…)

                         Dans ce cas, un montant de 210 753,58 $ sera transféré du régime de retraite à un compte de retraite immobilisé. Ce montant représente une valeur de la rente maximale actuellement payable par le régime de retraite, soit 1 722,22 $ par année de service plus vos contributions excédentaires.

                         De plus, un montant de 298 416,46 $ sera payable par le régime additionnel. Ce montant est payable comptant et imposable. Un certain montant peut être transféré dans un REER et la balance peut être étalée sur quelques années selon des modalités à convenir avec l’employeur.

                         Si vous choisissez cette option, le transfert de la valeur de votre rente du régime de retraite à un compte de retraite immobilisé doit être effectué dans les 180 jours suivant votre cessation de participation. Des intérêts seront ajoutés au moment du transfert afin de tenir compte du nombre de jours écoulés entre la date de votre cessation de participation et celle du règlement.

                         À défaut de nous aviser de votre choix de transfert à l’intérieur du délai de 180 jours, vous ne pourrez exercer votre droit de transfert que dans 5 ans. Aussi, la valeur de votre rente sera recalculée afin de tenir compte des taux d’intérêt en vigueur au moment du transfert.

[222]     La troisième option offerte au demandeur était de combiner les deux premières.

[223]     D’une part, la valeur de la rente maximale payable par le régime de base au 30 juin 2000, soit 210 753,58 $, serait transférée du régime de retraite de base à un compte de retraite immobilisé, de la même façon que si le demandeur exerçait la deuxième option.

[224]     D’autre part, la valeur de la rente couverte par le régime d’appoint, établie par madame Painchaud à 298 416,46 $ en date du 30 juin 2000 et qui, selon ses calculs, procurerait une rente annuelle de 53 848,87 $ au soixantième anniversaire de naissance du demandeur, serait de nouveau calculée à ce soixantième anniversaire en fonction de cette rente annuelle. Le montant obtenu serait payable comptant et imposable. Il pourrait cependant être convenu avec la MFQ d’en étaler le paiement sur quelques années.

[225]     Madame Bilodeau dit avoir communiqué avec le demandeur de son domicile le soir même de la réception de la lettre du 29 mai, donc le 1er juin, et lui avoir demandé : « Richard, que fais-tu avec ton argent ? Tu le sors ? » Il lui a répondu : « Oui ». Elle a pris cela pour acquis.

[226]     Madame Bilodeau a soumis un rapport à monsieur Marchand le 12 juin sur le travail en cours concernant le futur régime de retraite du demandeur. Il convient de reproduire l’essentiel de la lettre, vu son importance :

(…)

Cher Monsieur,

Pour faire suite à votre demande, vous trouverez ci-dessous un tableau illustrant nos résultats quant au coût d’accorder une rente de 2 % du salaire moyen des cinq (5) meilleures années au directeur général et ce, sans limite quant au niveau du salaire. À cet égard, il est à noter que cette rente sera payable sans réduction dès l’âge de 60 ans, et aura une application rétroactive, c’est-à-dire que les calculs seront effectués en tenant compte d’une reconnaissance d’un service passé, soit rétroactivement à la date d’adhésion de M. Garneau au régime de retraite de son ancien employeur.

Les données et hypothèses utilisées sont décrites en annexe à la présente et les résultats suivants sont obtenus :

Rente annuelle égale à 2 % du salaire moyen 5 ans       153 100 $

Rente annuelle payable en vertu du régime de retraite de Gestion Universitas                                                  41 600 $

Rente annuelle additionnelle requise à la retraite * 111 500 $

Valeur de la rente additionnelle au 1er juin 2000     535 600 $

* Correspond au déboursé annuel qui sera requis de Gestion Universitas lors de la retraite du directeur général. En dollars d’aujourd’hui, cette somme est de 35 300 $.

La valeur de la rente additionnelle représente la somme requise au 1er juin 2000 pour acquitter totalement cette rente.

Nous tenons à vous mentionner que nos calculs ont été effectués en supposant :

-     Que la rente sera payable dès l’âge de 60 ans sans réduction actuarielle, comportera une garantie qu’au décès du rentier, 50 % de la rente sera payable au conjoint survivant, sa vie durant, et qu’elle sera pleinement indexée selon 100 % de l’augmentation de l’indice des prix à la consommation.

-     Un taux de cotisation de 6 % du salaire au régime de base.

-     Un salaire au 1er juin 2000 de 130 000 $.

Il est aussi à noter que nous avons considéré que les sommes accumulées en vertu du régime complémentaire de retraite serviraient à acheter une rente au moment de la retraite.

À cet égard, bien que le règlement du régime d’appoint sera rédigé en supposant que les sommes accumulées en vertu de la portion cotisations déterminées serviront à financer une rente au moment de la retraite, le directeur général pourra décider, au moment de sa retraite, de transférer ces sommes dans un compte de retraite immobilisé.

Par ailleurs, et puisque l’objectif du régime d’appoint est de procurer à M. Garneau des revenus à la retraite comparables à ceux que lui auraient procurés ses régimes actuels, il faut tenir compte des sommes reçues par M. Garneau de ses anciens régimes de retraite suite à sa cessation de service. En effet, M. Garneau a droit aux sommes suivantes en date du 30 juin 2000 :

            -        Transfert dans un CRI : 210 754 $

            -        Transfert dans un REER : 26 000 $

            -        Montant comptant (imposable) : 272 400 $

Ainsi, ces montants serviront à réduire la valeur des engagements de Gestion Universitas au moment de la retraite de M. Garneau. Tel que convenu, ces montants seront accumulés à un taux d’intérêt de 7 %, en ce qui a trait aux régimes enregistrés (210 754 $ + 26 000 $), et à un taux de 3,5 % pour la somme imposable. Sur ce dernier point, seule une somme de 130 800 $ sera considérée, soit le montant imposable de 272 400 $ réduit de 52 % pour tenir compte des ponctions fiscales.

Par le fait même, la valeur des engagements de Gestion Universitas serait donc d’environ 168 000 $ en date du 1er juin 2000, soit la valeur totale de 535 500 $, moins les sommes payables par ses anciens régimes de retraite, soit 210 800 $ + 26 000 $ + 130 800 $. Si le tout est conforme à vos attentes, nous préparerons le règlement du régime d’appoint faisant état de ces modalités. Nous devrons toutefois connaître vos directives quant à l’acquisition de ces bénéfices en cas de départ ou de décès avant la retraite.

(…)

[227]     Ce rapport supposait que le demandeur exercerait la seconde option que madame Painchaud lui avait offerte dans sa lettre du 29 mai.

[228]     Les projets de règlement qui ont été préparés par la suite par madame Bilodeau, relativement au régime de rentes d’appoint du demandeur chez la défenderesse, ainsi que le règlement signé en bout de course et annexé au contrat de travail supposent également l’exercice de cette seconde option par le demandeur. Le texte de l’annexe 1 du règlement (annexe C du contrat de travail) en témoigne.

[229]     Cette annexe 1 fait état d’hypothèses et méthodes actuarielles devant servir de base pour déterminer, au moment du départ, du décès ou de la retraite du demandeur, la valeur des sommes acquises à ses deux régimes de retraite à la MFQ et notamment prises en compte dans le calcul de la prestation en cas de départ avant la retraite prévue à l’article 3.2 de l’annexe C.

[230]     Or, à l’article 4 de l’annexe 1, il est fait mention d’un montant « enregistré » de 236 800 $ et d’un montant « non enregistré » de 130 800 $. Le montant « enregistré » de 236 800 $ comprend la valeur au 30 juin 2000 de la rente maximale alors payable par le régime de base de la MFQ (210 687,52 $), transférable en franchise d’impôt dans un compte de retraite immobilisé (CRI) et un montant de 26 000 $ distrait de la valeur à la même date du régime d’appoint de MFQ (298 416,46 $). En 2000, les lois fiscales permettaient au demandeur, de transférer un tel montant de 26 000 $ dans un REER en franchise d’impôt, à titre d’allocation de retraite. Le total de ces deux montants de 210 687,52 $ et de 26 000$, soit 236 687,52 $, était arrondi à 236 800 $. Quant au montant « non enregistré » de 130 800 $, il correspondait à la valeur, au 30 juin 2000, de la rente différée de 53 848,87 $ payable au 60e anniversaire de naissance du demandeur par le régime d’appoint de la MFQ (298 416,46 $), moins le montant de 26 000 $ distrait pour être transféré dans un REER en franchise d’impôt, et moins l’impôt, calculé au taux de 52 % sur le montant résiduel de 272 416,46 $. Le montant net d’impôt ainsi obtenu, 130 759,90 $, était arrondi à 130 800 $.

[231]     Par ailleurs, il est fait mention à l’article 3 de l’annexe 1, de l’hypothèse de l’utilisation d’un taux d’intérêt annuel de 7 %, composé annuellement, pour déterminer la valeur de l’argent « enregistré » à une date future et d’un taux annuel de 3,5 %, composé annuellement, pour déterminer celle de l’argent « non enregistré ». L’indication de deux taux distincts s’explique facilement. En effet, les revenus sur les montants transférés dans un CRI et dans un REER, donc « enregistrés » n’étaient pas imposables. On pouvait donc poser l’hypothèse que leur valeur s’accroîtrait à ce taux, qui était celui généralement utilisé à l’époque. Par contre, les revenus sur le résidu de la valeur du régime d’appoint de la MFQ payés au demandeur seraient imposables. Le taux de croissance de la valeur de ce résidu s’en trouvait en conséquence substantiellement réduit. Ici, on a supposé que ces revenus seraient imposés à un taux de 50 %.

[232]     Madame Bilodeau affirme avoir été convaincue, jusqu’en janvier 2011, que le demandeur avait exercé la seconde option mentionnée dans la lettre de madame Painchaud du 29 mai 2000 et retiré toutes les sommes auxquelles il avait droit en vertu de ses deux régimes de retraite à la MFQ. À ce moment, au hasard d’une rencontre de corridor avec un collègue de travail chez Aon Hewitt, elle a appris que ce n’était pas le cas. Ce collègue travaillait à la production du rapport annuel de la défenderesse sur les charges comptables qui devraient être inscrites dans ses états financiers pour l’exercice terminé le 31 décembre 2010 relativement aux régimes de retraite offerts à ses employés. Il lui a indiqué que la gestion des charges comptables concernant le régime de rentes d’appoint du demandeur était erronée, parce qu’elle s’appuyait sur des informations inexactes. À l’occasion d’un travail semblable par Aon Hewitt à La Capitale assurances et services financiers (ci-après désignée La Capitale), qui succédait à la MFQ, on avait constaté que les régimes de retraite du demandeur étaient dans ses livres.

[233]     Peu après, plus précisément le 14 février, madame Bilodeau a dénoncé au demandeur la découverte qu’il avait « laissé son argent à La Capitale » et lui a souligné que le règlement relatif à son régime de rentes d’appoint devrait être mis à jour pour tenir compte de ce fait. À la même occasion, elle lui a demandé de lui remettre ses relevés de participation à ses deux régimes de retraite à La Capitale pour l’année 2010, de façon à ce que Aon Hewitt puisse faire état des chiffres réels dans son rapport à la défenderesse sur les charges comptables. Le demandeur les lui a remis.

[234]     Madame Bilodeau déclare avoir informé le demandeur par la suite que les charges comptables à inscrire aux états financiers de la défenderesse pour l’exercice terminé le 31 décembre 2010 avaient été corrigées pour tenir compte du fait que son argent était resté à La Capitale.

[235]     Au début de 2012, madame Bilodeau a de nouveau obtenu du demandeur ses relevés de participation à ses deux régimes de retraite à La Capitale, cette fois au 31 décembre 2011, et lui a réitéré que le règlement relatif à son régime de rentes d’appoint devrait être mis à jour. À la même époque, le demandeur et madame Bilodeau ont également discuté de la possibilité que le règlement soit modifié pour prévoir, à la retraite du demandeur, le paiement d’une rente à terme fixe de 5 ou 10 ans plutôt que d’une rente viagère.

[236]     Madame Bilodeau précise que, lorsqu’elle a indiqué au demandeur, au début de 2011, qu’il faudrait mettre le règlement à jour, ce dernier n’a manifesté aucun refus ni objection. Au début de 2012 non plus. Elle n’a pas, non plus, eu connaissance de la manifestation de quelque refus ou objection de sa part à ses collègues de travail.

[237]     Selon madame Bilodeau, la mise à jour du règlement devait être éventuellement concrétisée. Elle figurait sur sa liste de choses à faire. Cependant, au moment du congédiement du demandeur, elle ne s’en était pas encore occupée.

[238]     Madame Bilodeau ajoute qu’en aucun temps à compter du moment, en 2011, où elle a appris que le demandeur avait laissé son argent à La Capitale, et jusqu’au 24 août 2012, elle a imaginé que « le demandeur voulait faire un coup d’argent avec son régime de retraite ». Elle dit avoir réalisé ce jour-là que c’était le cas, lorsqu’elle a pris connaissance d’un courriel transmis par le demandeur à monsieur Jean Boisvert, un collègue de travail chez Aon Hewitt, et dont une copie lui avait été acheminée, interdisant à Aon Hewitt de transmettre à la défenderesse et à la Fondation Universitas du Canada, de quelque façon que ce soit, toute information relative à son régime de retraite à La Capitale.

[239]     La version du demandeur relativement à la genèse du règlement relatif à son régime de rentes d’appoint chez la défenderesse s’articule par ailleurs essentiellement autour de six éléments.

[240]     Premièrement, lors de sa rencontre avec madame Bilodeau, le 11 mai, où il lui a notamment remis la lettre du même jour du Groupe-conseil Aon inc. lui résumant les modalités des régimes de retraite auxquels il participerait s’il devenait à l’emploi de la défenderesse, cette dernière lui a déclaré qu’il pouvait faire ce qu’il voulait avec ses droits en vertu de ses régimes de retraite à la MFQ. Elle lui a également mentionné à plusieurs reprises, dit-il, que, après réception des informations de son employeur relatives à ses régimes de retraite, on cristalliserait les montants à recevoir de ce dernier et prévoirait pour l’avenir un taux d’accumulation de 7 % par année, jusqu’à la retraite. Elle lui a précisé, ajoute-t-il, qu’il était important que l’on dissocie son régime à la MFQ et le régime d’appoint sur lequel elle travaillait, et que la défenderesse ne pouvait pas s’engager à honorer une rente acquise par lui chez son employeur précédent.

[241]     Deuxièmement, il déclare avoir pris la décision de laisser son emploi à la MFQ et d’accepter l’offre de la défenderesse après avoir pris connaissance de cette lettre de Groupe-conseil Aon inc. et avoir obtenu ces informations de madame Bilodeau.

[242]     Troisièmement, l’élément de fait qui a immédiatement suivi la rencontre du 11 mai avec madame Bilodeau, relativement à son régime de retraite éventuel, est la lettre de madame Painchaud du 29 mai, dont il a transmis une copie à madame Bilodeau le 1er juin.

[243]     Entre le 11 et le 29 mai, précise-t-il, il a démissionné de son emploi de la MFQ et eut certaines communications avec monsieur Marchand. Il ne fait cependant mention d’aucune discussion avec ce dernier relativement à son régime de retraite éventuel.

[244]     Quatrièmement, les montants à cristalliser, aux fins du règlement concernant son régime de rentes d’appoint, ont été déterminés à l’aide des données mentionnées dans la lettre de madame Painchaud du 29 mai.

[245]     Cinquièmement, il déclare que, après la lettre de madame Painchaud du 29 mai, madame Bilodeau et lui se sont parlé au téléphone. D’une part, dit-il, elle ne lui a demandé aucune « autre » information. D’autre part, elle lui a déclaré qu’elle intégrerait les valeurs indiquées en regard de la deuxième option offerte dans cette lettre dans le calcul des prestations en vertu du régime des rentes d’appoint, lors de la rédaction du règlement.

[246]     Sixièmement, la lettre adressée par madame Bilodeau à monsieur Marchand le 12 juin, dont le but premier était d’informer ce dernier du coût du régime de rentes d’appoint, confirme ce qui avait déjà été entendu et annonce ce qui sera inscrit dans le règlement relatif au régime.

                        2.2.2         L’intégration de la rente de retraite globale à la rente de la RRQ

[247]     Lorsqu’on dit d’une rente de retraite qu’elle est « intégrée » à la rente de la RRQ, l’on indique que le régime de retraite en vertu duquel elle est payable tient compte du fait que le participant recevra une rente de la RRQ à compter de son 65e anniversaire de naissance et que la rente de retraite est ainsi diminuée à compter de ce moment. Certains régimes de base prévoient une telle intégration, d’autres ne le font pas.

[248]     Cela étant dit, revenons au relevé de participation du demandeur au régime d’appoint de la MFQ présenté sous la forme d’une note de service et daté du 6 mars 2000. Il y est mentionné que la rente payable en vertu de son régime de base, acquise au 31 décembre 1999, est estimée à 28 520 $ et que celle payable en vertu de son régime d’appoint, acquise à la même date, est estimée à 58 759 $ pour une rente totale acquise de 87 279 $. Rappelons-nous par ailleurs que le demandeur avait inscrit dans une note manuscrite reliée au montant de la rente totale :

Rente payable à 60 ans

avec ≈ 35 ans de service

x 2 % x salaire 1999

[249]     Rappelons-nous aussi de la note manuscrite suivante que le demandeur avait ajoutée à la page 2 :

NB       Le régime est intégré à la RRQ. L’objectif du régime global incluant le régime additionnel est de verser une rente totale égale à 2 % x nombre d’années de service x salaire moyen. Il n’y a aucune réduction actuarielle à partir de l’âge de 60 ans.

[250]     C’est en se fondant sur ces informations, qui reprenaient celles contenues dans la lettre du 24 avril du demandeur à monsieur Marchand, que madame Bilodeau a écrit dans sa lettre du 11 mai au demandeur :

(…)

      Par ailleurs, le comité exécutif aimerait établir un régime d’appoint « top hat » à votre égard, lequel aurait comme objectif de vous accorder une rente de 2 % de votre salaire moyen des cinq (5) meilleures années et ce, sans limite quant au niveau du salaire, payable sans réduction dès l’âge de 60 ans. Ce régime aurait une application rétroactive, c’est-à-dire que les calculs seraient effectués en tenant compte d’une reconnaissance d’un service passé, soit rétroactivement à la date d’adhésion au régime de retraite de votre ancien employeur, le 13 juin 1983.

(…)

[251]     Dans le règlement qu’elle a subséquemment rédigé, et qui a été annexé au contrat de travail, madame Bilodeau a, dans la même veine, prévu que le demandeur aurait droit, à compter de l’âge de 60 ans, à une rente égale à 2 % de son salaire moyen des 5 meilleures années à la retraite, tout en lui reconnaissant 17,06 années de participation à compter de la prise d’effet du règlement. Elle n’a pas prévu que la rente de retraite payable en vertu du régime inclurait la rente de la RRQ.

[252]     À une époque indéterminée en 2013, alors que le litige était en cours, madame Bilodeau a reçu des procureurs de la défenderesse une copie de la résolution adoptée par le conseil d’administration de la MFQ le 19 août 1988 décrétant la création du régime de rentes d’appoint au bénéfice de ses employés. Il y était écrit :

(…)

Considérant l’intention de la compagnie de verser à ses employés participants une rente de retraite qui, en incluant la rente provenant de la Régie des rentes du Québec, soit égale à 2 % du salaire agréé par année de service admissible;

Sur proposition de M. Jean-Yves Dupéré, appuyée par M. Jean-Louis Lapointe, il est unanimement résolu :

-       de garantir à tous les employés participant à un régime de retraite dans la compagnie, un supplément à la rente de retraite égale au montant actualisé de la différence entre la rente payable ou acquise en vertu du régime de retraite et la rente qui aurait été autrement payable ou acquise, n’eut été des limites des lois sur l’impôt; et payable selon des modalités à convenir à la date effective de la retraite;

-       de garantir que tout bénéfice d’emploi ou allocation de retraite consenti à un employé, basé sur le montant de la rente de retraite, soit calculé sur la rente qui aurait été autrement payable ou acquise, n’eut été des limites des lois sur l’impôt, et non sur la rente prévue aux régimes de retraite en vigueur; (…)

(…)

[253]     Madame Bilodeau dit avoir froncé les sourcils lorsqu’elle a pris connaissance de cette résolution et constaté que la rente de retraite que la MFQ entendait verser à ses employés participants, égale à 2 % du salaire agréé par année de service admissible, incluait la rente de la RRQ.

[254]     Elle n’avait pas eu accès à ce document en 2000 et s’était fiée, dit-elle, sur les seuls documents reçus du demandeur. Elle a été induite en erreur par ceux-ci.

[255]     Premièrement, soutient-elle, il était clairement indiqué, dans la lettre du 24 avril du demandeur à monsieur Marchand, que son régime de retraite à la MFQ lui procurait une rente égale à 2 % de son salaire moyen des 5 meilleures années multiplié par le nombre d’années de service. Il n’était nullement fait mention que cette rente incluait celle de la Régie des rentes.

[256]     Deuxièmement, la note manuscrite au bas de la première page du relevé de participation du demandeur au régime de rentes d’appoint de la MFQ amenait à conclure que la rente annuelle totale de 87 279 $ estimée au 31 décembre 1999, qui était encerclée et à laquelle la note renvoyait, était calculée en fonction d’une rente égale à 2 % de son salaire de 1999 multiplié par environ 35 ans de service. Il n’était pas mentionné que cette rente annuelle totale incluait la rente de la RRQ.

[257]     Troisièmement, tout en reconnaissant qu’il était mentionné, à la première phrase de la note manuscrite à la fin du même relevé de participation, que le régime était intégré à la RRQ, elle soutient que la phrase le suivant immédiatement, énonçant que l’objectif du régime global incluant le régime additionnel (était) de verser une « rente totale égale à 2 % X nombre d’années de service X salaire moyen », amenait à inférer que le fait que le régime de base de la MFQ soit intégré ou non à la RRQ était sans importance. En effet, selon ce que le demandeur indiquait dans cette deuxième phrase, l’objectif du régime global était, de toute façon, de lui verser une rente totale calculée à l’aide de ces données.

[258]     Madame Bilodeau ajoute que, si on voulait l’informer que le régime « au global » tenait compte de l’intégration, on devait exclusivement écrire : « Le régime est intégré à la R.R.Q. ». « Un point c’est tout ». Là, elle aurait compris, dit-elle.

[259]     Madame Bilodeau a rédigé le règlement relatif au régime de rentes d’appoint du demandeur en se fiant aux informations écrites reçues de ce dernier et de façon à ce qu’il reçoive une rente additionnelle de retraite égale, pour chaque année de participation au régime, à 2 % de son salaire moyen des cinq meilleures années à la retraite, sans pénalité, à compter de l’âge de 60 ans.

[260]     Madame Bilodeau fait remarquer que, le 10 octobre 2000, elle a transmis au demandeur un fichier Excel indiquant l’évolution de la valeur de son régime de rentes d’appoint au cours des années qui suivraient. Le demandeur, un actuaire, ne pouvait manquer de constater à l’examen du fichier qu’elle avait estimé les montants des rentes annuelles futures en utilisant comme facteur de calcul 2 % de ses salaires estimés. Il ne lui a rien dit. Pourtant, étant actuaire, il savait que, à cause de l’intégration du régime de base à la RRQ, le taux de rente en vertu du régime de la MFQ n’était pas un « plein » 2 %.

[261]     Au départ, le demandeur soumet que la note manuscrite à la fin du relevé de sa participation au régime de rentes d’appoint de la MFQ au 31 décembre 1999 mentionnait expressément que le régime était intégré à la RRQ.

[262]     La preuve qu’il a administrée vise par ailleurs à convaincre que le libellé de cette note manuscrite dans son ensemble et certaines autres mentions dans les documents remis à madame Bilodeau suffisaient au moins pour soulever des doutes et amener cette dernière à requérir d’autres informations. L’attention de madame Bilodeau a notamment été attirée sur l’emploi de l’expression « maximum des gains admissibles (MGA) » dans le relevé afférent au régime de base, qui supposait que le demandeur cotisait à la RRQ.

                        2.2.3         Discussion

                                    2.2.3.1      Les moyens préliminaires

[263]     La défenderesse a ajouté sa conclusion demandant l’annulation en partie de l’annexe C du contrat de travail et la réduction de ses obligations en conséquence par une défense ré-ré-amendée datée du 19 octobre 2015, soit près de trois ans après la signification de l’action.

[264]     Dès le début du procès, le demandeur a annoncé qu’il s’objectait à cet amendement au motif qu’il introduisait un recours distinct et, par ailleurs, que ce recours était prescrit.

[265]     Il a été entendu que, pour éviter tout délai dans le déroulement du procès, ces moyens seraient plaidés en même temps que le fond.

[266]     L’article 199 du Code de procédure civile en vigueur au moment de cet amendement énonçait ce qui suit :

199. Les parties peuvent, en tout temps avant jugement, amender leurs actes de procédure sans autorisation et aussi souvent que nécessaire en autant que l'amendement n'est pas inutile, contraire aux intérêts de la justice ou qu'il n'en résulte pas une demande entièrement nouvelle sans rapport avec la demande originaire.

L'amendement peut notamment viser à modifier, rectifier ou compléter les énonciations ou conclusions, invoquer des faits nouveaux ou faire valoir un droit échu depuis la signification de la requête introductive d'instance.

[267]     Par son action, le demandeur réclame essentiellement le paiement de sommes d’argent en exécution de certaines dispositions du contrat de travail qui le liait à la défenderesse ainsi que des dommages.

[268]     Par ses défenses précédentes, la défenderesse demandait essentiellement le rejet de toutes les conclusions de la requête introductive d’instance, tout en demandant au tribunal, par des conclusions principales ou subsidiaires, de prendre acte de paiements inférieurs à ceux réclamés qu’elle avait faits au demandeur, de prendre acte de ses prétentions sur la nature et l’étendue de ses obligations envers le demandeur, ou de déterminer ces dernières et de lui en ordonner l’exécution.

[269]     Plusieurs allégations contenues dans ces défenses faisaient déjà état des reproches qu’elle avait à l’égard des agissements du demandeur. Sans limitation, depuis sa défense originaire du 5 avril 2013, elle alléguait, au paragraphe 167, que le demandeur avait délibérément omis de transférer la valeur de sa rente acquise chez la MFQ dans un compte de retraite immobilisé. Par ailleurs, depuis sa défense amendée du 26 mars 2014, elle alléguait, au paragraphe 175, que, à l’occasion de la mise en place de son régime de rentes d’appoint en 2000, le demandeur avait délibérément omis de mentionner à madame Bilodeau que le régime de rentes d’appoint dont il bénéficiait à La Capitale était combiné à celui de la Régie des rentes du Québec et qu’en conséquence, les montants qu’il était en droit de recevoir de La Capitale n’équivalaient pas à 2 % de son salaire.

[270]     Vu ces allégations et vu celles qui leur sont connexes dans les défenses précédentes, l’ajout par la défenderesse, dans sa défense ré-ré-amendée du 19 octobre 2015, d’une conclusion demandant l’annulation en partie de l’annexe C du contrat de travail qui formalise la mise en place du régime de rentes d’appoint du demandeur et, en conséquence, la réduction de ses obligations, constitue simplement l’exercice d’un moyen de droit additionnel fondé sur les mêmes faits. Comme la défenderesse l’a souligné, elle en est une « conséquence implicite ».

[271]     Cet amendement n’introduit certainement pas une demande entièrement nouvelle sans rapport avec la demande originaire. Le premier moyen du demandeur doit donc être rejeté.

[272]     Le moyen de prescription soulevé par le demandeur doit par ailleurs s’analyser à la lumière des articles 2925 et 2927 C.c.Q. qui fixent le délai de prescription applicable à l’action directe en nullité :


2925.
 L’action qui tend à faire valoir un droit personnel ou un droit réel mobilier et dont le délai de prescription n’est pas autrement fixé se prescrit par trois ans.

2927. Le délai de prescription de l’action en nullité d’un contrat court à compter de la connaissance de la cause de nullité par celui qui l’invoque, ou à compter de la cessation de la violence ou de la crainte.

[273]     Madame Bilodeau a appris, en janvier 2011, que le demandeur avait laissé son argent à La Capitale et elle en a informé monsieur Marchand le même mois. Or, les faits afférents à l’omission délibérée du demandeur de transférer la valeur de sa rente acquise chez la MFQ dans un compte de retraite immobilisé ont été allégués par la défenderesse et reprochés au demandeur dans la défense originaire du 5 avril 2013, soit un peu moins que deux ans et trois mois plus tard.

[274]     Par ailleurs, madame Bilodeau a appris, vers le mois de mai 2013, en prenant connaissance de la résolution adoptée par le conseil d’administration de la MFQ le 19 août 1988, que le régime de retraite dont le demandeur bénéficiait chez la MFQ ne lui procurait pas un « plein » 2 %, parce que la rente à laquelle il avait droit incluait la rente de la RRQ. Elle en a immédiatement informé les procureurs de la défenderesse. Or, les faits afférents à l’omission délibérée du demandeur, à l’occasion de la mise en place de son régime de rentes d’appoint en 2000, de mentionner à madame Bilodeau que les montants qu’il était en droit de recevoir en vertu de son régime à la MFQ (à l’époque) n’équivalaient pas à 2 % de son salaire ont été allégués dans la défense amendée du 26 mars 2014, soit environ 10 mois plus tard.

[275]     Dans les deux cas, la défenderesse a agi bien avant l’expiration du délai de prescription de trois ans prévu au Code civil. Cela étant, le second moyen du demandeur doit être également rejeté.

                                    2.2.3.2      Le fond

[276]     Les articles 6, 7 et 1375 du Code civil énoncent respectivement ce qui suit :


6.
 Toute personne est tenue d’exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi.

7. Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d’une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l’encontre des exigences de la bonne foi.

 

1375. La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l’obligation qu’à celui de son exécution ou de son extinction.

[277]     Ces trois articles traitent de la bonne foi.

[278]     Dans son sens subjectif, traditionnel, le concept de bonne foi a deux acceptions dans le vocabulaire juridique. La première est celle qui oppose bonne foi à mauvaise foi : est de bonne foi toute personne qui agit sans intention malicieuse. Selon la seconde acception, la bonne foi est l’ignorance ou la perception erronée de la réalité : une personne est de mauvaise foi lorsqu’elle agit en sachant qu’elle le fait de façon illégale ou illégitime. Ces ceux acceptions renvoient à la disposition d’esprit dans laquelle une personne se trouve lorsqu’elle agit.[17]

[279]     Le Code civil, aux articles 6, 7 et 1375, en consacre une troisième, celle de la bonne foi dite objective qui a un sens beaucoup plus large et devient une norme de comportement acceptable :

  Selon le contexte, de telles normes ont une dimension morale, sociale, ou encore elles renvoient simplement au « bon sens » ou au « raisonnable ». La bonne foi est donc devenue l’éthique de comportement exigée en matière contractuelle (comme d’ailleurs dans bien d’autres matières). Elle suppose un comportement loyal et honnête. On parle alors d’agir selon les exigences de la bonne foi. Ainsi, une personne peut être de bonne foi (au sens subjectif), c’est-à-dire ne pas agir de façon malicieuse ou agir dans l’ignorance de certains faits, et agir tout de même à l’encontre des exigences de la bonne foi, soit en violant des normes de comportement objectives et généralement admises dans la société.[18]

[280]     Pour déterminer les normes de comportement applicables de la part des parties dans le contexte du présent dossier, certains facteurs particuliers doivent être pris en compte.

[281]     Premièrement, la relation contractuelle entre les parties avait pour objet l’engagement du futur directeur général de la défenderesse et, selon toute probabilité, son futur président, celui qui deviendrait le fondé de pouvoir du conseil d’administration auprès de l’ensemble des employés. Cette relation était, par essence, fondée sur la confiance mutuelle.

[282]     Deuxièmement, la défenderesse est une administratrice du bien d’autrui. Ses administrateurs et dirigeants doivent fidélité aux bénéficiaires de l’administration, en l’occurrence les déposants, et agir dans leur intérêt, particulièrement dans les contrats auxquels ils sont parties, lorsque ces contrats sont de nature à avoir un impact financier sur le patrimoine administré.

[283]     Troisièmement, il y avait entre monsieur Marchand et le demandeur un lien de confiance et de complicité exceptionnel. Ce lien s’était établi dès leurs premiers contacts. Comme le demandeur l’a déclaré au cours de son témoignage, « Ça a cliqué avec Jean Marchand, tout de suite ».

[284]     Quatrièmement, la défenderesse, à l’époque où le défendeur est arrivé, était une petite. Elle avait de 35 à 40 employés à son siège social. Ces employés, peu importe leur position au sein de l’entreprise, se côtoyaient immanquablement tous les jours. Les relations entre eux étaient étroites et familières.

[285]     Ces facteurs avaient de toute évidence un impact sur le principe de bonne foi devant présider à la conduite des parties. Sans limitation, les obligations de prudence, d’information, de loyauté et de coopération auxquelles elles étaient assujetties, des corollaires de leur obligation de bonne foi, s’en trouvaient accentuées.

[286]     Les notes manuscrites remises par monsieur Marchand au demandeur le 9 mai constataient l’essentiel de leur entente définitive sur les avantages d’ordre financier et les vacances dont ce dernier bénéficierait s’il acceptait l’offre de la défenderesse.

[287]     Une analyse comparative de la lettre du demandeur à monsieur Marchand, datée du 24 avril 2000, et de ces notes manuscrites du 9 mai suffisent pour convaincre le tribunal que l’objectif fondamental de monsieur Marchand était de procurer au demandeur les mêmes avantages d’ordre financier que s’il demeurait à l’emploi de la MFQ, ou des avantages équivalents, à une seule exception près : ses droits différés d’actions. Vu la nature de l’organisation, monsieur Marchand était incapable de lui offrir le même avantage. Toutefois, il lui offrait de le compenser d’un montant correspondant à la valeur de ces droits connue à ce moment.

[288]     Sans limitation, la lettre du 24 avril, on s’en souvient, mentionnait à propos du régime de retraite du demandeur à la MFQ :

2 % du salaire moyen des 5 meilleures années X nombre d’années de service. Retraite à 60 ans sans pénalité actuarielle et rente indexée selon l’inflation à la retraite.

[289]     Par ailleurs, il était indiqué dans les notes manuscrites du 9 mai à ce sujet :

Idem équivalence

Voir France Bilodeau

[290]     Le 11 mai, date à laquelle madame Bilodeau a rédigé la lettre au demandeur lui résumant les modalités des régimes de retraite auxquels ce dernier participerait en tant qu’employé de la défenderesse, elle n’avait pas d’autres informations à propos de ses régimes de retraite à la MFQ que celles contenues dans la lettre du 24 avril, le relevé de participation au régime de base au 31 décembre 1999 et la note de service du 6 mars concernant le régime de rentes d’appoint. Elle n’avait pas en sa possession, notamment, la lettre de madame Painchaud du 29 mai faisant état des options qui s’offraient au demandeur. Elle devait donc, pour l’instant, se limiter à des propos généraux.

[291]     Deux points retiennent l’attention du tribunal à la lecture de cette lettre. Premièrement, il y était prévu que le régime de rentes d’appoint qui serait établi au bénéfice du demandeur aurait une application rétroactive, c’est-à-dire que les calculs seraient effectués en tenant compte de la reconnaissance d’un service passé rétroactivement au 13 juin 1983, date à laquelle il avait adhéré au régime de retraite de la MFQ. Deuxièmement, il y était prévu que, l’objectif du régime d’appoint étant de lui procurer des revenus à la retraite comparables à ceux que lui auraient procurés les régimes de la MFQ, le règlement de ce régime tiendrait compte des montants qu’il recevrait à titre de prestation de cessation de service de ses anciens régimes.

[292]     Les passages de la lettre où il est fait état de ces deux points ne laissent aucun doute, d’une part, sur l’objectif du futur régime de rentes d’appoint d’assurer au demandeur la pérennité des avantages dont il bénéficiait en vertu de ses régimes de retraite à la MFQ et, d’autre part, sur le lien de complémentarité entre les régimes de retraite du demandeur à la MFQ et ceux dont il bénéficiera chez la défenderesse. Il n’y était cependant pas mentionné de quelle façon il serait tenu compte des montants que le demandeur ne recevrait pas de ses anciens régimes à titre de prestation de cessation de service, en l’occurrence ceux qu’il y laisserait, s’il pouvait le faire.

[293]     Les témoignages du demandeur et de madame Bilodeau sur leurs communications téléphoniques à la suite de la transmission de la lettre de madame Painchaud du 29 mai par le demandeur à madame Bilodeau, le 1er juin, deviennent ainsi d’une grande importance. D’une part, le demandeur déclare que, au cours d’une conversation téléphonique qui a suivi, mais dont il ne précise pas le moment, madame Bilodeau ne lui a pas demandé « d’autre information » et lui a dit que, lors de la rédaction du règlement, elle intégrerait les valeurs indiquées en regard de la deuxième option offerte dans la lettre, celle impliquant le retrait des montants auxquels il avait droit en vertu de ses deux régimes de retraite à la MFQ. Il ajoute que madame Bilodeau lui avait dit à plusieurs reprises auparavant : « Tu feras ce que tu veux avec cet argent-là ». D’autre part, madame Bilodeau déclare qu’elle a appelé le demandeur le soir même du 1er juin, après avoir pris connaissance de la lettre, et elle lui a demandé : « Richard, que fais-tu avec ton argent ? Tu le sors ? ». Il lui a répondu : « Oui ».

[294]     Si le demandeur laissait son argent dans ses régimes de retraite à la MFQ, la rédaction du règlement était d’une simplicité élémentaire. Fondamentalement, il suffisait de prévoir dans le règlement que le demandeur, en vertu de son régime de rentes d’appoint, aurait droit à compter de son 60e anniversaire de naissance à une rente annuelle égale à 2 % de son salaire moyen des cinq meilleures années X le nombre d’années de service depuis le 13 juin 1983, moins la rente annuelle achetée à l’aide des sommes accumulées dans le régime de retraite de base chez la défenderesse et moins la rente annuelle totale de 90 903,11 $ payable en vertu des deux régimes de retraite du demandeur à la MFQ, tel que mentionné dans la lettre de madame Painchaud.

[295]     Cette méthode de calcul de la rente payable en vertu du régime de rentes d’appoint était simple, parce qu’elle offrait l’avantage de l’emploi du même élément de calcul à l’égard des quatre régimes de retraite en cause. En plus, et c’est important de le souligner, les risques étaient partagés entre le demandeur et la défenderesse.

[296]     Cela étant, il paraît tout à fait invraisemblable que madame Bilodeau, une actuaire spécialisée dans les régimes de retraite depuis de nombreuses années, n’ait pas demandé au demandeur, après avoir pris connaissance de la lettre de madame Painchaud, quelle option il entendait exercer. Il s’agissait d’une information essentielle pour l’établissement d’un régime de rentes d’appoint conforme à ce qui avait été entendu entre monsieur Marchand et lui le 9 mai. La façon dont elle effectuerait les calculs en dépendait.

[297]     Il paraît tout aussi invraisemblable que madame Bilodeau, tout au cours de ses tractations avec le demandeur, lui ait à la fois déclaré que, d’une part, il pourrait faire ce qu’il voulait avec son argent à la MFQ et que, d’autre part, sans égard à ce qu’il faisait, selon ce qu’il faut comprendre du témoignage du demandeur, elle intégrerait dans ses calculs les valeurs indiquées en regard de la deuxième option offerte dans le lettre de madame Painchaud. Ce faisant, et si le demandeur laissait son argent à la MFQ par la suite, elle aurait permis que sa cliente assume indûment des risques injustifiés et ainsi agi à l’encontre de l’intérêt de sa cliente.

[298]     La surprise de madame Bilodeau au début de 2011, lorsqu’elle a appris que les régimes de retraite du demandeur étaient encore dans les livres de la MFQ, et sa démarche spontanée auprès de lui afin d’obtenir ses relevés de participation dans ces régimes au 31 décembre 2010 et lui indiquer que le règlement relatif à son régime de rentes d’appoint devrait être modifié pour tenir compte de ce fait sont au surplus incompatibles.

[299]     La version du demandeur est fortement fragilisée par son comportement lors de ces démarches de madame Bilodeau et par la suite. Il lui a remis ses relevés de participation à ses deux régimes de retraite chez la MFQ et n’a manifesté aucune désapprobation à l’annonce par madame Bilodeau que le règlement devrait être modifié. Si on en juge à la lumière de l’attitude déterminée du demandeur dans son courriel du 24 août 2012 à monsieur Boisvert, de Aon Hewitt[19], il est permis de supposer que si celui-ci, au début de 2011 et de nouveau au début de 2012, avait été le moindrement en désaccord avec le projet de madame Bilodeau de modifier le règlement pour tenir compte du fait qu’il avait laissé son argent à la MFQ, il le lui aurait manifesté « tout de go » et, qui plus est, serait immédiatement allé en informer monsieur Marchand. Cela est d’autant plus plausible que, en 2011 et en 2012, les valeurs accumulées depuis 2000 dans les régimes de retraite du demandeur chez la MFQ étaient connues et que le demandeur connaissait l’importance de l’enjeu sur le plan financier.

[300]     La preuve ne permet pas d’affirmer que, en juin 2000, au moment où le demandeur a déclaré à madame Bilodeau qu’il sortait son argent de ses régimes de retraite à la MFQ, il avait décidé de le laisser chez cette dernière. L’on sait toutefois que, le 27 décembre 2000, soit 180 jours après le 30 juin 2000, date à laquelle le demandeur avait cessé de participer au régime de retraite de la MFQ, son argent y était encore. Or, selon la loi, il devait transférer la valeur de sa rente en vertu de son régime de base à l’intérieur de ce délai de 180 jours et cela était clairement indiqué dans la lettre de madame Painchaud. Il ne pourrait le faire par la suite que tous les cinq ans. À ce moment, sa décision de laisser son argent à la MFQ était donc prise. Le contrat de travail venait d’être signé quelques jours plus tôt, le 21 décembre. Le tribunal conclut que, au moment de cette signature, le demandeur avait pris sa décision.

[301]     Le comportement du demandeur à propos de l’intégration de son régime de retraite chez MFQ à la RRQ a été comparable à celui qu’il a eu à propos de son argent à la MFQ.

[302]     Il est vrai que, dans la note manuscrite qu’il a ajoutée à la fin du relevé de participation au régime d’appoint de la MFQ, transmis à monsieur Marchand à la fin d’avril, le demandeur a indiqué que « le régime » était « intégré » à la RRQ. Évidemment, il référait au régime de base, le seul qui était enregistré. En ajoutant toutefois que l’objectif du régime global incluant le régime additionnel était de verser une rente totale égale à 2 %, il induisait le lecteur en erreur. En effet, compte tenu de l’intégration du régime de base à la RRQ, la rente totale à laquelle le demandeur avait droit n’était pas d’un plein 2 %. C’était excusable. On échangeait à ce moment des propos généraux. Le silence du demandeur après qu’il eut pris connaissance du fichier Excel que madame Bilodeau lui a transmis le 10 octobre 2000 est toutefois inexcusable. À ce moment, on était au coeur des tractations entourant la rédaction du règlement par madame Bilodeau. Le demandeur étant actuaire, un examen sommaire du fichier lui suffisait pour constater que sa collègue avait estimé les montants des rentes annuelles futures en utilisant comme facteur de calcul un plein 2 % de ses salaires estimés. Il savait.

[303]     Avec tout le respect, le tribunal est d’avis que le demandeur, par ses représentations et ses silences au cours de ses tractations avec madame Bilodeau, a abusé de la confiance de cette dernière.

[304]     Grâce à ces représentations et à ces silences, le demandeur bénéficierait chez la défenderesse d’un régime de rentes d’appoint lui garantissant à la retraite une rente annuelle tenant compte de toutes les années travaillées à la MFQ et chez la défenderesse, et cette rente serait supérieure, en pourcentage de son salaire, à celle à laquelle il avait droit en vertu de ses régimes de retraite à la MFQ. La valeur de ses deux régimes à la MFQ serait par ailleurs cristallisée, vu ses représentations qu’il sortait son argent de la MFQ. Il n’encourait aucun risque. Ses régimes de retraite à la MFQ, quant à eux, lui garantissaient une rente annuelle de retraite totale de 90 903,11 $ à l’âge de 60 ans. Le montant de la rente annuelle payable en vertu du régime de base et la valeur de celle payable en vertu du régime d’appoint seraient déterminés à ce moment en fonction de cette rente totale annuelle de 90 903,11 $ et la valeur de la rente du régime de rentes d’appoint serait payable comptant et imposable. Ainsi, en laissant son argent à la MFQ, le demandeur pourrait notamment faire fructifier la totalité de la valeur de son régime additionnel à la MFQ avant impôt, soit 298 416,48 $, tout en étant assuré, en vertu du règlement sur son régime de rentes d’appoint chez la défenderesse, d’une accumulation au taux de 3,5 % l’an, composé, de la valeur de 130 800 $ inscrite dans l’annexe 1 de l’annexe C en regard du même régime.

[305]     Tout cela sans courir quelque risque et aux dépens de la défenderesse qui, elle, assumait tous les risques.

[306]     Grâce à ses représentations et à ses silences coupables au cours de la période qui a précédé la signature du contrat de travail, et grâce à ses agissements par la suite, le demandeur, aux dépens de la défenderesse, s’est retrouvé avec un régime de retraite lui procurant, à compter de l’âge de soixante ans, une rente annuelle très substantiellement supérieure à celle convenue entre monsieur Marchand et lui le 9 mai 2000. En fait, selon une estimation communiquée au procès, elle représente environ 3,25 % de son salaire.

[307]     Cet écart, cela va de soi, se reflète sur la prestation en cas de départ avant la retraite prévue à l’article 3.2 de l’annexe C du contrat de travail. Il permet de comprendre que le demandeur réclame de la défenderesse un montant de 1 840 800 $ à ce titre et que la défenderesse, se fondant sur l’entente intervenue entre monsieur Marchand et lui, prétend lui devoir 397 800 $.

[308]     En raison des représentations et des silences coupables du demandeur à propos de son argent à la MFQ et de l’intégration de son régime de retraite chez MFQ à la RRQ, confirmés par la suite, la défenderesse a contracté à des conditions beaucoup plus onéreuses que celles auxquelles elle aurait contracté, si elle avait connu la vérité.

[309]     Dans ses tractations avec madame Bilodeau, le demandeur a nettement violé de façon déterminante l’obligation d’agir selon les exigences de la bonne foi qui lui incombait dans le contexte décrit plus haut dans le présent dossier. Son comportement constituait une faute.

[310]     Il y a donc lieu pour le tribunal d’intervenir.

[311]     Les articles 1407, 1434 et 1458 C.c.Q. énoncent respectivement ce qui suit :

1407. Celui dont le consentement est vicié a le droit de demander la nullité du contrat; en cas d’erreur provoquée par le dol, de crainte ou de lésion, il peut demander, outre la nullité, des dommages-intérêts ou encore, s’il préfère que le contrat soit maintenu, demander une réduction de son obligation équivalente aux dommages-intérêts qu’il eût été justifié de réclamer.

1434. Le contrat valablement formé oblige ceux qui l’ont conclu non seulement pour ce qu’ils y ont exprimé, mais aussi pour tout ce qui en découle d’après sa nature et suivant les usages, l’équité ou la loi.

1458. Toute personne a le devoir d’honorer les engagements qu’elle a contractés.

Elle est, lorsqu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice, corporel, moral ou matériel, qu’elle cause à son cocontractant et tenue de réparer ce préjudice; ni elle ni le cocontractant ne peuvent alors se soustraire à l’application des règles du régime contractuel de responsabilité pour opter en faveur de règles qui leur seraient plus profitables.

[312]     Ces dispositions autorisent la défenderesse à demander une réduction de son obligation équivalente aux dommages-intérêts qu’elle eût été justifiée de réclamer. Point n’est nécessaire de considérer sa demande que l’annexe C du contrat de travail soit en partie annulée.

[313]     La défenderesse fonde sa prétention qu’elle doit un montant de 397 800 $ au demandeur à titre de prestation de départ, en s’appuyant sur les conclusions d’un rapport d’expertise préparé par monsieur Louis Martin, actuaire, le 21 février 2014.

[314]     Pour en arriver à ce montant, monsieur Martin a procédé en quatre temps :

·        Premièrement, il a établi la prestation de rente et la prestation en capital (c’est-à-dire une valeur actuarielle) équivalentes à celles dont le demandeur aurait bénéficié s’il avait maintenu, jusqu’en août 2012 inclusivement, le mois de son congédiement, sa participation aux programmes de retraite établis en faveur des membres de la direction de La Capitale Assurances MFQ inc. et ses sociétés affiliées;

·        Deuxièmement, il a établi la prestation de rente et la prestation en capital (c’est-à-dire une valeur actuarielle) auxquelles le demandeur avait droit en vertu de sa participation aux programmes de retraite établis en faveur des membres de la direction de La Capitale Assurances MFA inc. et ses sociétés affiliées jusqu’en juin 2000;

·        Troisièmement, il a établi la prestation en capital à laquelle le demandeur avait droit en vertu du régime de retraite de Gestion Universitas inc. qui, souvenons-nous, est un régime à cotisations déterminées, pour la période comprise entre juillet 2000 et août 2012;

·        Quatrièmement, il a calculé la différence entre les prestations établies au cours de sa première opération et celles établies au cours de ses deuxième et troisième opérations.

[315]     Le tribunal retient la méthode de calcul et les conclusions du rapport de monsieur Martin ci-dessus, à une exception près. Celui-ci ne tient pas compte d’une modification apportée à l’automne 2000 à l’article 3.2 du projet d’annexe C préparé par madame Bilodeau, à la demande du demandeur, et prévoyant qu’en cas de départ de ce dernier avant la retraite, la prestation de départ serait établie en tenant compte, en plus de ses années de participation au régime, d’une indexation de la rente acquise dans le futur à un taux annuel de 4 %. Cette modification s’est retrouvée dans l’annexe C signée en bout de course.

[316]     La défenderesse soumet que le taux d’indexation inscrit au règlement concernant le régime de rentes d’appoint du demandeur aurait dû être un taux variable calculé en fonction de l’inflation et de l’augmentation anticipée des salaires et non un taux fixe de 4 %. Elle ajoute que celui qui devrait être utilisé est celui de 2,7 %, c’est-à-dire celui qui était en vigueur chez La Capitale au moment du départ du demandeur.

[317]     Le tribunal est d’avis qu’il y a lieu de s’en remettre à ce qui a été convenu entre madame Bilodeau et le demandeur et tenir compte d’une indexation de la rente acquise à un taux annuel de 4 % à compter du départ du demandeur. Cette modification est, relativement parlant, mineure et à l’intérieur des limites du spectre de l’équivalence.

[318]     Le taux de 4 % par année convenu entre madame Bilodeau et le demandeur était évidemment un taux théorique. Il était peut-être supérieur au taux en vigueur chez La Capitale en 2000, mais il n’en demeure pas moins qu’à la lumière de l’expérience des trois décennies précédentes concernant les taux d’intérêt, l’utilisation d’un taux fixe de 4 %, plutôt qu’un taux variable, faisait plein de sens.

[319]     Dans un rapport additionnel daté du 14 décembre 2015, monsieur Martin a conclu que, si on tenant compte dans les calculs d’une indexation de la rente acquise à un taux annuel de 4 % à compter du départ du demandeur jusqu’au 24 mars 2017, date de son soixantième anniversaire de naissance, la prestation de départ est de 457 700 $. C’est le montant que le tribunal retiendra.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[320]     DÉCLARE que l’indemnité de départ à laquelle le demandeur a droit comme suite à son congédiement est celle prévue à l’article 10 du contrat d’emploi signé par les parties le 20 décembre 2000;

[321]     DÉCLARE que l’indemnité de départ payable par la défenderesse au demandeur est donc de 216 000 $;

[322]     RÉDUIT à 457 700 $ la prestation de départ autrement payable par la défenderesse au demandeur en vertu de l’article 3.2 de l’annexe C du contrat d’emploi signé par les parties le 20 décembre 2000;

[323]     PREND ACTE du paiement par la défenderesse au demandeur, en date du 7 mai 2013, d’une somme de 276 347 $ incluant notamment le montant de l’indemnité de départ de 216 000 $ moins les déductions fiscales appropriées (75 600 $), soit un montant net de 140 400 $;

[324]     ORDONNE à la défenderesse de payer au demandeur l’intérêt au taux légal et, en plus, l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q. à compter du 7 septembre 2012 jusqu’au 7 mai 2013 sur le montant net de 140 400 $ mentionné au paragraphe précédent;

[325]     PREND ACTE du paiement par la défenderesse au demandeur, en date du 20 janvier 2016, d’une somme additionnelle de 379 456,30 $ incluant notamment, avant prise en compte de certaines distractions, le montant de 397 800 $ qu’elle reconnaissait lui devoir à titre de prestation de départ et les intérêts ainsi que l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q. à compter du 7 septembre 2012 jusqu’au 20 janvier 2016.

[326]     ORDONNE à la défenderesse de payer au demandeur une somme de 59 900 $, avec intérêt au taux légal et, en plus, l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q., à compter du 7 septembre 2012;

[327]     Après prise en compte des paiements effectués par la défenderesse, le 7 mai 2013 et le 20 janvier 2016, et sous réserve des conclusions ci-dessus, REJETTE les conclusions de la requête introductive d’instance du demandeur;

[328]     Chaque partie payant ses frais de justice.

 

 

 

__________________________________

GEORGES TASCHEREAU, j.c.s.

 

Me Pierre Jolin

Me Guylaine Lacerte

McCarthy Tétrault (casier 10)

Procureurs du demandeur

 

Me Pierre Beaudoin

Me Paméla Kelly Nadeau

Me Charlotte Fortin

Lavery de Billy (casier 3)

Procureurs de la défenderesse

 

Dates d’audience :

21, 22, 23, 26, 27, 28, 29, 30 octobre 2015

2, 3, 27, novembre 2015

11, 12, 13, 14, 15, 20 janvier 2016


 

 

TABLE DES MATIÈRES

 

                                                                                                                   Page

 

LES FAITS ……………………………………………………………………………                 1

LES PRÉTENTIONS DES PARTIES ………………………………………………               13

LES QUESTIONS EN LITIGE …..………………………………………………….                 13  

ANALYSE

1.        LA RÉSILIATION DU CONTRAT DE TRAVAIL ………………………..                  14

2.        LES SOMMES AUXQUELLES LE DEMANDEUR A DROIT                                     

2.1    L’indemnité de départ ………………………………………………..               40

2.2    La prestation en cas de départ avant la retraite ………………….                 41

         2.2.1   Le retrait des sommes auxquelles le demandeur avait droit en vertu de ses régimes à la MFQ …........................                                                       42

         2.2.2   L’intégration de la rente de retraite globale à la rente de la RRQ ………………………………………………………...                             51

         2.2.3   Discussion

                     2.2.3.1      Les moyens préliminaires ……………………….               54

                     2.2.3.2      Le fond …………………………………………….               56

CONCLUSIONS ……………………………………………………….....................                 64

 

           



[1]     Pièce D-3.

[2]     Pièce P-7.

[3]     Pièce P-6.

[4]     Pièce P-19.

[5]     Pièce P-20.

[6]     Pièce P-85.

[7]     Pièce D-14 A

[8]     Pièce D-14.

[9]     Pièce P-21.

[10]    Pièce P-26. Certaines coquilles ont été corrigées.

[11]    Pièce D-10, p. 2, p. 3, p. 5.

[12]    Pièce D-24, p. 3.

[13]    Marie-France BICH, Le contrat de travail : Code civil du Québec, Livre cinquième, Titre deuxième, chapitre septième (articles 2085-2097 C.c.Q.) dans Barreau du Québec et Chambre des notaires du Québec, La réforme du Code civil : obligations, contrats nommés, Tome 2, Sainte-Foy, P.U.L., 1993, pp. 779 et 780.

[14]    Robert P. GAGNON, Le droit du travail au Québec, 2e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1993, pp. 74 et 75.

[15]    Georges AUDET, Robert BONHOMME ET Clément GASCON, Le congédiement en droit québécois en matière de contrat individuel de travail, 3e édi. vol. 1, édition sur feuilles mobiles, Cowansville, Editions Yvon Blais, janvier 2015, no 4.2.23 et 4.2.24, p. 4-23 et 4-24.

[16]    Pièce D-24, p.1.

[17]    BAUDOIN et JOBIN, Les obligations, 6e édition, Pierre Gabriel Jobin avec la collaboration de Nathalie Vézina, 2005, Éditions Yvon Blais, Cowansville, p. 143, no 98.

[18]    Op.cit., note 17, pp. 143-144, no 98.

[19]    Pièce D-13.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.