Girard et Coopérative des techniciens ambulanciers du Québec (CTAQ) |
2007 QCCLP 5102 |
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[1] Le 28 mars 2007, monsieur Bruno Girard (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 16 mars 2007 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 8 février 2007 et déclare que l’assignation temporaire proposée par l'employeur, le 17 janvier 2007, est valable et que le travailleur est tenu de l’effectuer.
[3] L’audience s’est tenue le 7 août 2007 à Saguenay en présence du travailleur et de sa représentante. La Coopérative des techniciens ambulanciers du Québec (C.T.A.Q.) (l’employeur) était également représentée.
[4] Ce dossier a procédé en même temps que les dossiers 312280-02-0703 et 323982-02-0707 regroupés à celui-ci. Cependant ceux-ci ne sont pas, à ce jour, en délibéré.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[5] Le travailleur demande de déclarer que l’assignation temporaire proposée par l'employeur le 17 janvier 2007 n’est pas valable, puisque les tâches proposées par l'employeur ne sont pas suffisamment définies et, qu’au surplus, celles-ci ne sont pas effectuées dans la région du Saguenay. De plus, il soutient que l'assignation temporaire proposée n'est pas favorable à sa réadaptation.
L’AVIS DES MEMBRES
[6] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis de rejeter la requête du travailleur. Ils considèrent que la preuve prépondérante démontre que l’assignation temporaire proposée par l'employeur le 17 janvier 2007 est conforme aux dispositions de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
LES FAITS ET LES MOTIFS
[7] En 2006, le travailleur est âgé de 39 ans et travaille depuis 11 ans comme ambulancier pour l’employeur.
[8] Le 6 octobre 2006, il dépose une réclamation à la CSST pour un événement qu’il décrit comme suit :
En descendant l’excalier extérieur avec la trousse et moniteur je n’avais pas remarqué que la dernière marche étais plus élevé que les autres je me suis donné un coup dans le bas du dos suivie de vive dls. Pour ensuite me barré les pieds dans les débris d’asphalte. (sic)
[9] Le 16 octobre 2006, il consulte le docteur Jean-Jacques Dallaire qui diagnostique une lombalgie ainsi qu’une hernie discale probable. Il indique qu’une tomodensitométrie (TACO) est à venir.
[10] Le 3 novembre 2006, il consulte le docteur Dallaire qui pose le diagnostic de hernie discale L5-S1 gauche. Ce dernier autorise une assignation temporaire à compter de la même date.
[11] Le 7 novembre 2006, le travailleur consulte le docteur Mario Dubois qui diagnostique une hernie discale L5-S1 gauche. Ce dernier recommande un arrêt de travail jusqu’au 14 novembre 2006 et prescrit des traitements de physiothérapie.
[12] Le 14 novembre 2006, le travailleur consulte la docteure Martine Roy qui diagnostique une hernie discale L5-S1. Cette dernière recommande un arrêt de travail jusqu’au 5 décembre 2006.
[13] Le 5 décembre 2006, le travailleur consulte la docteure Roy qui reprend le même diagnostic. Cette dernière recommande un arrêt de travail jusqu’au 22 janvier 2007.
[14] Le 18 décembre 2006, le travailleur consulte le docteur Dezsö Barabas qui diagnostique une lombo-sciatalgie gauche.
[15] Le 20 décembre 2006, le docteur Michel Gagné, médecin conseil à la CSST, exprime l’opinion suivante :
Titre : BM Admissibilité
- ASPECT MÉDICAL :
Le dx de hernie discale L5-S1 est en relation médicale :
-il y a eu f.a. avec contrecoup au niveau lombaire (dénivellation d’une marche d’escalier avec charge aux membres supérieurs)
-délai de consultation n’est pas très long
-hernie soupçonnée avant investigation
-présence de signes cliniques concordants (paresthésie, hypoesthésie et faiblesse M.I. gauche) (sic)
[16] Le 21 décembre 2006, la CSST accepte la réclamation du travailleur en relation avec un diagnostic de hernie discale L5-S1. Le 19 janvier 2007, l’employeur demande la révision de cette décision et le 14 février 2007, la CSST à la suite d’une révision administrative confirme la décision rendue le 21 décembre 2006. Le 8 mars 2007, l’employeur dépose une requête au tribunal. La Commission des lésions professionnelles n’a cependant pas ici à décider de ce litige.
[17] Le 17 janvier 2007, le travailleur consulte la docteure Roy qui diagnostique une lombo-sciatalgie gauche secondaire à une hernie discale L5-S1. Cette dernière autorise une assignation temporaire de 5 demi-journées par semaine.
[18] Sur le formulaire d'assignation temporaire qu'elle complète, elle indique que le travail proposé par l’employeur, soit de trier, classer des documents administratifs et effectuer le suivi téléphonique de factures ainsi que les autres tâches indiquées sur une feuille annexée à ce formulaire, est un travail que le travailleur est raisonnablement en mesure de faire. De plus, elle indique que celui-ci est sans danger pour la santé et la sécurité et l’intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion, en plus d’être favorable à sa réadaptation.
[19] Elle ajoute qu’elle croit cependant qu’il est important que le travailleur « sente qu’il fasse des tâches utiles ».
[20] Le 18 janvier 2007, le docteur André Beaupré, chirurgien orthopédiste, rédige une expertise pour l’employeur.
[21] Ce dernier est d'avis que l'événement du 6 octobre 2006 est relativement mineur, puisqu’il « n’y a pas eu de mouvements extrêmes au niveau de la colonne lombaire pouvant causer une lésion ligamentaire ». De plus, il opine que « le syndrome douloureux accusé par monsieur Girard est en relation avec une condition personnelle dont il est porteur, soit une discopathie dégénérative lombaire multi-étagée ».
[22] Le 29 janvier 2007, le travailleur conteste l’assignation temporaire proposée par l’employeur le 17 janvier 2007.
[23] Il prétend que le travail proposé ne répond pas à la définition d’un travail favorisant la réadaptation. De plus, il ajoute que le temps requis pour effectuer les tâches ne dépasse pas 20 à 30 minutes sur une période de 4 heures, ce qui à son avis, ne favorise pas sa réadaptation.
[24] Le 8 février 2007, la directrice de l’accès au régime de la CSST est appelée à décider du litige soumis par le travailleur. Elle conclut que, selon les renseignements fournis sur le travail proposé en assignation temporaire, le travailleur « est apte à faire les tâches proposées » et qu’il doit se présenter au travail afin d'effectuer l'assignation suggérée par l’employeur et « dûment acceptée et signée par le médecin traitant », soit la docteure Martine Roy.
[25] Le 15 février 2007, le travailleur demande la révision de cette décision. Le 16 mars 2007, la CSST à la suite d’une révision administrative, confirme la décision rendue le 8 février 2007 et déclare que l’assignation temporaire proposée par l’employeur le 17 janvier 2007 est valable et « que le travailleur est tenu de s’y présenter ». Le 28 mars 2007, le travailleur dépose une requête au tribunal, d’où le présent litige.
[26] Le 22 février 2007, le travailleur consulte la docteure Roy qui pose le diagnostic de lombo-sciatalgie gauche, elle note que le travailleur a des paresthésies qui sont secondaires à la hernie discale L5-S1. Elle autorise, à nouveau, l’assignation temporaire 5 demi-journées par semaine jusqu’au 2 avril 2007.
[27] Le même jour, elle indique dans une lettre ce qui suit :
(…)
Je tiens cependant à souligner mon inquiétude quant au fait que monsieur Girard me rapporte qu’il a besoin de 20 à 30 minutes pour accomplir les tâches, et ce sur une période de 4 heures par jour. Il me rapporte donc qu’il est inactif pendant 3h30.
Considérant l’assignation temporaire comme un bon moyen habituellement de permettre à l’individu qui souffre d’une lésion de pouvoir garder contact et d’être actif, je me questionne présentement sur les bienfaits que l’on pourrait voir présentement. (…) (sic)
[28] Le 1er mars 2007, le travailleur consulte le docteur Sylvain Simard qui diagnostique une hernie discale L5-S1 gauche.
[29] Le 20 mars 2007, le travailleur consulte la docteure Roy qui reprend le diagnostic de lombo-sciatalgie gauche. Cette dernière note des paresthésies, au pied gauche, secondaires à la hernie discale L5-S1. Elle autorise une assignation temporaire de 5 demi-journées par semaine jusqu’au mois de mai.
[30] Le 4 avril 2007, le travailleur consulte le docteur Simard qui diagnostique une hernie discale/lombo-sciatalgie.
[31] Le dossier est acheminé, par la suite, au Bureau d’évaluation médicale (BEM). La CSST oppose un rapport de la docteure Roy à l’expertise du docteur André Beaupré du 18 janvier 2007.
[32] Le 3 mai 2007, le docteur Jean-Pierre Lacoursière, orthopédiste et membre du BEM, émet l’avis que le diagnostic à retenir est une hernie discale L5-S1 gauche et que cette lésion n’est pas consolidée. Il recommande que le travailleur soit dirigé dans une clinique de la douleur.
[33] Le 9 mai 2007, la CSST rend une décision suite à l’avis du BEM. Elle indique :
Vous avez reçu copie d’un avis rendu le 03 mai 2007 par un membre du Bureau d’évaluation médicale concernant l’événement du 06 octobre 2006. Cet avis porte sur le diagnostic, les soins ou traitements, l’atteinte permanente, la date de consolidation, les limitations fonctionnelles. La CSST, étant liée par cet avis, rend la décision suivante :
- Le diagnostic retenu est une hernie discale L5-S1 gauche. La lésion n’est pas consolidée.
- Les soins ou traitements sont toujours nécessaires. La CSST continuera donc à les payer.
- Il est trop tôt pour se prononcer sur l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles. (sic)
[34] Le 7 juin 2007, l’employeur demande la révision de cette décision. Le 27 juin 2007, la CSST à la suite d’une révision administrative, confirme la décision rendue le 9 mai 2007. Le 27 juillet 2007, l’employeur dépose une requête au tribunal. La Commission des lésions professionnelles n’a cependant pas ici à décider de ce litige.
[35] Le 2 août 2007, la représentante de la travailleuse dépose au greffe du tribunal, une note de service de l’employeur, rédigée le 23 janvier 2007, traitant de certaines modalités concernant l’assignation temporaire.
[36] Le 3 août 2007, la représentante du travailleur dépose au greffe du tribunal, des photocopies de rapports médicaux datés du 1er mai 2007, 11 juin 2007 et du 11 juillet 2007.
[37] Le 6 août 2007, le procureur de l’employeur dépose au greffe du tribunal, des copies de photographies du lieu de l’événement du 6 octobre 2006 ainsi que des rapports complémentaires du docteur André Beaupré, datés du 12 février 2007, 2 avril 2007 et 14 mai 2007, de même qu’un rapport d’expertise daté du 9 juillet 2007.
[38] À l’audience, le travailleur témoigne des circonstances de l’événement survenu le 6 octobre 2006 alors qu’il effectuait son travail d’ambulancier.
[39] Il indique qu’il avait été appelé sur les lieux d’une résidence pour une urgence. Il était accompagné d’une coéquipière.
[40] Après avoir procédé selon les protocoles d’usage, lui et sa consoeur décident de conduire le patient à l’hôpital.
[41] Le travailleur a donc descendu, en premier, les marches de l’édifice. Sa coéquipière n’était pas très loin, puisqu’elle veillait à la sécurité du patient qui descendait également les marches.
[42] Le travailleur relate qu’il descendait donc les marches et qu’il avait dans ses mains une trousse et un moniteur, le tout pesant environ une cinquantaine de livres.
[43] Par la suite, il mentionne qu’en descendant la dernière marche alors qu’il s’en allait tourner vers la droite, il a senti comme un coup dans le bas du dos suivi de vives douleurs. Il s’est ensuite barré les pieds dans des débris d’asphalte.
[44] Il rapporte que, par la suite, il a constaté que la dernière marche était surélevée de quelques pouces par rapport aux autres marches extérieures.
[45] Il a continué son travail malgré ses douleurs et a, par la suite, complété un rapport d’accident du travail chez l’employeur.
[46] Par la suite, il indique reconnaître les photographies qu’un superviseur a prises et démontrant les lieux où serait survenu l’accident.
[47] Le travailleur rapporte, par la suite, avoir été en congé les jours suivants, soit le samedi, le dimanche et le lundi ainsi que le mardi.
[48] Il relate, par la suite, avoir consulté le docteur Dallaire le 13 octobre 2006 et lui avoir fait part, à ce moment-là, qu’il avait des douleurs au membre inférieur gauche.
[49] Le travailleur témoigne ressentir encore aujourd’hui des engourdissements au membre inférieur gauche à partir de la fesse.
[50] Le travailleur rapporte qu’avant l’événement, il n’avait pas eu d’autres accidents ou événements au niveau lombaire sauf en 1998, où il avait eu une douleur dans le bas du dos en soulevant un patient. Il ne s’agissait cependant pas, indique-t-il, des mêmes douleurs que celles ressenties lors de l’événement du 6 octobre 2006.
[51] En contre-interrogatoire, le travailleur relate qu’entre le 16 octobre 2006 et le 3 novembre 2006, il a pris des congés et il est retourné au travail malgré ses douleurs. Il a eu des appels et il a fait ses « shifts » réguliers.
[52] Par la suite, le travailleur indique avoir été assigné au travail les 5 et 6 novembre 2006.
[53] Le travailleur poursuit en indiquant qu’il a été en assignation temporaire à compter du 17 janvier 2007 pour 3 semaines. Il a contesté celle-ci le 29 janvier 2007.
[54] Il indique qu’ils étaient 2 travailleurs en assignation temporaire et qu’ils étaient affectés à l’estampille de formulaires 810 ainsi qu’au classement de divers rapports d’événements survenus la veille.
[55] Il relate qu’ils avaient du travail pour environ une vingtaine de minutes sur un total de 4 heures et qu'il leur est même arrivé de jouer aux cartes, puisqu’ils manquaient de travail. Il précise que son assignation était autorisée pour 4 heures, puisqu’il avait des traitements de physiothérapie en après-midi.
[56] En contre-interrogatoire, il reconnaît avoir été en assignation temporaire du 22 au 26 janvier 2007 et du 29 janvier au 1er février 2007.
[57] Par la suite, monsieur Pierre Blackburn est entendu. Ce dernier est directeur adjoint des opérations au Saguenay pour l’employeur.
[58] Il indique qu’il est directeur des opérations depuis le 29 novembre 2006. II était auparavant superviseur pour l’employeur.
[59] Il témoigne qu’il avait demandé aux superviseurs d'attribuer des travaux aux travailleurs qui étaient en assignation temporaire.
[60] Il relate que le travailleur ne l’a pas appelé ni n’a appelé les superviseurs pour dire qu’il manquait d’ouvrage.
[61] Il rapporte que lui et les superviseurs étaient au bureau le matin vers 8 h 15 et revenaient, par la suite, vers midi.
[62] Il poursuit son témoignage en indiquant qu’il avait beaucoup de travail à faire effectuer par les travailleurs, de sorte qu’il est déçu que le travailleur ne l’ait pas contacté ni n’ait contacté les superviseurs pour indiquer qu'il manquait d'ouvrage.
[63] En contre-interrogatoire, il ajoute qu’il a vérifié avec les superviseurs de l’entreprise et le travailleur ne leur a pas fait part qu'il manquait d'ouvrage. Il a donc présumé que le travailleur avait suffisamment d’ouvrage, puisqu’il n’a pas contacté ses superviseurs ni lui-même pour demander du travail.
[64] La Commission des lésions professionnelles doit décider si l’assignation temporaire proposée par l'employeur le 17 janvier 2007 est conforme à la loi.
[65] L’article 179 de la loi prévoit ce qui suit :
179. L'employeur d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle peut assigner temporairement un travail à ce dernier, en attendant qu'il redevienne capable d'exercer son emploi ou devienne capable d'exercer un emploi convenable, même si sa lésion n'est pas consolidée, si le médecin qui a charge du travailleur croit que:
1° le travailleur est raisonnablement en mesure d'accomplir ce travail;
2° ce travail ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion; et
3° ce travail est favorable à la réadaptation du travailleur.
Si le travailleur n'est pas d'accord avec le
médecin, il peut se prévaloir de la procédure prévue par les articles
__________
1985, c. 6, a. 179.
[66]
Par ailleurs, les articles
37. Si le travailleur croit qu'il n'est pas raisonnablement en mesure d'accomplir les tâches auxquelles il est affecté par l'employeur, il peut demander au comité de santé et de sécurité, ou à défaut de comité, au représentant à la prévention et à l'employeur d'examiner et de décider la question en consultation avec le médecin responsable des services de santé de l'établissement ou, à défaut de médecin responsable, avec le directeur de santé publique de la région où se trouve l'établissement.
S'il n'y a pas de comité ni de représentant à la prévention, le travailleur peut adresser sa demande directement à la Commission.
La Commission rend sa décision dans les 20 jours de la demande et cette décision a effet immédiatement, malgré une demande de révision.
1979, c. 63, a. 37; 1985, c. 6, a. 525; 1992, c. 21, a. 302; 2001, c. 60, a. 167.
37.1. Une personne qui se croit lésée par une
décision rendue en vertu de l'article 37 peut, dans les 10 jours de sa
notification, en demander la révision par la Commission conformément aux
articles
1985, c. 6, a. 525; 1997, c. 27, a. 37.
37.2. La Commission doit procéder d'urgence sur une demande de révision faite en vertu de l'article 37.1.
La décision rendue par la Commission sur cette demande a effet immédiatement, malgré qu'elle soit contestée devant la Commission des lésions professionnelles.
1985, c. 6, a. 525; 1997, c. 27, a. 38.
37.3. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission à la suite d'une demande faite en vertu de l'article 37.1 peut, dans les 10 jours de sa notification, la contester devant la Commission des lésions professionnelles.
1985, c. 6, a. 525; 1992, c. 11, a. 48; 1997, c. 27, a. 39.
[67] Selon ces dispositions, l’employeur d’un travailleur qui est victime d’une lésion professionnelle peut l'assigner temporairement à un travail en attendant qu'il redevienne apte à exercer son emploi ou qu'il devienne capable d'exercer un emploi convenable.
[68] D'autre part, pour que l'assignation soit conforme à la loi, le médecin qui a charge du travailleur doit se prononcer sur les 3 conditions énoncées à l'article 179 de la loi.
[69]
Le travailleur qui n’est pas d’accord avec son médecin traitant peut se
prévaloir des procédures prévues aux articles
[70] En l'espèce, il ressort du témoignage du travailleur que la docteure Martine Roy est son médecin traitant. Cette dernière a indiqué, sur le formulaire d’assignation temporaire, qu’elle est d'avis que le travailleur est raisonnablement en mesure d’accomplir le travail qu’on lui propose, soit de trier, classer des documents administratifs et effectuer le suivi téléphonique de factures ainsi que les autres tâches indiquées sur une feuille annexée à ce formulaire. Elle est aussi d'avis que ce travail ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique du travailleur, compte tenu de sa lésion et que celui-ci était favorable à sa réadaptation.
[71] Le travailleur conteste l’opinion de son médecin pour le motif que les tâches mentionnées par l'employeur ne sont pas suffisamment définies et, qu’au surplus, celles-ci ne sont pas effectuées dans la région. De plus, il soutient que l'assignation temporaire proposée n'est pas favorable à sa réadaptation.
[72] Pour la Commission des lésions professionnelles, la description du travail proposée par l'employeur est suffisamment précise pour informer le travailleur et son médecin de la nature de la tâche qui était recommandée.
[73] De plus, le médecin du travailleur a autorisé le travailleur à effectuer le travail suggéré, suite à la lecture de ces termes, dans le formulaire d’assignation temporaire et le document l'accompagnant.
[74] Par ailleurs, comme le rappelle la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles dans l’affaire Dupuis et Minéraux Noranda inc.[3], la loi n'exige pas que l'employeur fournisse une description détaillée de la tâche à accomplir:
Dans ses représentations devant la Commission d’appel, le travailleur a notamment misé sur le fait que l’employeur ne lui avait pas remis de description écrite de la tâche qu’il voulait lui confier. L’article 179 de la loi ne comporte toutefois pas telle exigence et il suffit à cet égard, de la Commission d’appel, que le travailleur soit raisonnablement informé du genre de travail qu’on veut lui confier et de la volonté de l’employeur de l’assigner temporairement à tel travail, et ce, avec l’accord de son médecin. (sic)
(notre soulignement)
[75] La Commission des lésions professionnelles est donc d’avis que la contestation du travailleur, sur cet aspect, n’est pas bien fondée.
[76] Le tribunal ajoute que le même raisonnement s’applique à l’égard des tâches qui, selon le travailleur, ne sont pas effectuées dans la région, puisque à son avis, ce qui est énoncé par l'employeur est une suggestion de tâches. C’est d’ailleurs ce qui est indiqué sur le document accompagnant le formulaire d’assignation temporaire. De plus, comme déjà énoncé, les autres tâches étaient suffisamment précises pour informer le travailleur concernant le travail qui lui était proposé.
[77] D’autre part, le travailleur prétend également que l’assignation temporaire proposée n’est pas favorable à sa réadaptation.
[78] La Commission des lésions professionnelles est d'avis que les prétentions du travailleur, sur cet aspect, ne sont pas fondées.
[79] Ainsi, le soussigné souscrit aux propositions émises dans l’affaire Fortin et Accessoires d’ameublement AHF ltée[4] qui indiquaient le sens à donner à l’expression « favorable à la réadaptation » :
[55] La Commission des lésions professionnelles ne partage pas cette vision et rappelle qu'un travail favorable à la réadaptation comprend que ce travail puisse être favorable à la réadaptation physique mais également à la réadaptation sociale et professionnelle. Même si la travailleuse ne semble pas apprécier le travail proposé en assignation temporaire, ceci ne constitue pas un critère qui doit être retenu dans le cadre de l'application de l'application de l'article 179. Les aspirations et les goûts de la travailleuse devront plutôt être pris en compte lorsque le processus de réadaptation sera rendu à l'étape où il s'agit de déterminer un emploi convenable pour la travailleuse.
[56] La Commission des lésions professionnelles estime que l'assignation temporaire proposée par l'employeur est favorable à la réadaptation dans la mesure où elle lui permet de garder contact avec son milieu de travail et de conserver ses habitudes de travail. Il ne faut pas ici confondre le terme «favorable à la réadaptation» avec ceux de «traitements de la lésion». Tel que le rappelle la Commission des lésions professionnelles dans l'affaire Blier et Olymel Princeville6 l'assignation temporaire est favorable à la réadaptation dans la mesure où elle permet le maintien de l'activité physique, des habitudes de vie et de travail ainsi que du maintien du revenu complet et des avantages reliés à l'emploi habituel. En ce sens, l'assignation temporaire est favorable à la réadaptation au sens usuel de ce terme. (sic)
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6
CLP
(nos soulignements)
[80] De la même manière, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que le travail proposé au travailleur est favorable à sa réadaptation dans la mesure où celui-ci lui permet de maintenir des habitudes de travail.[5]
[81] Quant au fait que le travailleur allègue n’avoir eu à travailler que 20 à 30 minutes sur une période de 4 heures par jour, le tribunal souligne que le travailleur aurait dû demander à son employeur s’il avait d’autres travaux à lui faire effectuer, plutôt que d’attendre que ce dernier lui en donne. D’autant que, selon le témoignage non contredit de monsieur Belley, le travailleur était informé de contacter ses superviseurs ou son directeur, advenant un manque de travail.
[82] La Commission des lésions professionnelles est donc d’avis que la preuve ne démontre pas que les circonstances de l’assignation étaient contraires à sa réadaptation.
[83] Le soussigné ajoute qu’il apprécie que les conditions mêmes de l’exécution du travail en assignation temporaire ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion. Du reste, cela n’a pas été remis en cause par le travailleur.
[84] La Commission des lésions professionnelles est donc d’avis que l’assignation temporaire proposée au travailleur, le 17 janvier 2007, est conforme à la loi et que ce dernier était tenu de l’effectuer.
[85] Dans les circonstances, la requête du travailleur est rejetée.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de monsieur Bruno Girard, le travailleur;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 16 mars 2007 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que l’assignation temporaire proposée par l’employeur le 17 janvier 2007 est valable et que le travailleur est tenu de l’effectuer.
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Jean-Marc Hamel |
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Commissaire |
Madame Émilie Jean |
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CSN |
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Représentante de la partie requérante |
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Me Serge Belleau |
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GAGNÉ LETARTE |
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Représentant de la partie intéressée |
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[1] L.R.Q., chapitre A-3.001.
[2] L.R.Q., c. S-2.1
[3]
[4] C.L.P.
[5] Blier et Olymel
Princeville, C.L.P.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.