Centre hospitalier de l'Université de Montréal-Pavillon Mailloux et Commission de la santé et de la sécurité du travail |
2012 QCCLP 2553 |
|
||
COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
||
|
||
|
||
Montréal |
5 avril 2012 |
|
|
||
Régions : |
Montréal, Montérégie |
|
|
||
383712-71-0907-3 391499-62-0910 391502-62-0910 391595-62-0910 391604-62-0910 391701-62-0910 391785-71-0909-3 391851-71-0909-3 393675-71-0910-3 395433-62-0911 395831-71-0911-2 398826-62-0912 405142-71-1003-3 405775-71-1003-2 |
||
|
||
Dossiers CSST : |
123190969 124247701 125268755 126884873 126887140 127170983 128162963 130807779 130840325 131294118 131505554 133280909 134262195 |
|
|
||
Commissaires : |
Daniel Martin, Pauline Perron et Carmen Racine, juges administratifs |
|
______________________________________________________________________ |
||
|
||
|
|
|
Centre hospitalier de l’Université de Montréal-Pavillon Mailloux Sécurité des incendies de Montréal Arrondissement Mercier/Hochelaga-Maisonneuve Université McGill Entrepôt non-périssable (Montréal) |
|
|
Parties requérantes |
|
|
|
|
|
et |
|
|
|
|
|
Commission de la santé et de la sécurité du travail |
|
|
Partie intervenante |
|
|
________________________________________________________________
DÉCISION
________________________________________________________________
TABLE DES MATIÈRES
Page
INTRODUCTION 4
L’OBJET DES CONTESTATIONS 7
LES FAITS 7
Centre hospitalier de l’Université de Montréal-Pavillon Mailloux 8
Université McGill 10
Entrepôt non-périssable (Montréal) 14
Sécurité des incendies de Montréal et Arrondissement
Mercier/Hochelaga-Maisonneuve 15
Commission de la santé et de la sécurité du travail 17
L’ARGUMENTATION DES EMPLOYEURS 21
Le délai 21
L’effet de la consolidation sans atteinte permanente
ni limitation fonctionnelle 27
La notion de décision et le fardeau de la preuve 29
L’ARGUMENTATION DE LA CSST 37
LA RÉPLIQUE DES EMPLOYEURS 43
LA RÉPLIQUE DE LA CSST 44
LES MOTIFS DE LA DÉCISION 44
L’intérêt des employeurs et le caractère académique
des litiges 45
Le fondement juridique de l’action des employeurs 51
La notion de décision et le délai pour soumettre
une demande de retrait des coûts 54
Les coûts relatifs aux visites médicales et le
fardeau de la preuve 60
OPINION DISSIDENTE 80
Les motifs de la dissidence 81
Le régime de financement 82
La notion de consolidation et le droit à l’assistance
médicale 84
La procédure d’évaluation médicale et les recours 88
L’analyse et le fardeau de la preuve 91
LES FAITS ET LES MOTIFS SUR LES DOSSIERS TYPES PRÉSENTÉS
PAR LES EMPLOYEURS 96
Centre hospitalier de l’Université de Montréal-
Pavillon Mailloux 96
Dossier : 391595 96
Dossier : 391701 98
Dossier : 391785 100
Dossier : 391851 102
Dossier : 391502 103
Dossier : 391499 106
Dossier : 391604 108
Université McGill 110
Dossier : 393675 110
Dossier : 383712 111
Dossier : 405142 112
Entrepôt non-périssable (Montréal) 113
Dossier : 405775 113
Sécurité des incendies de Montréal 115
Dossier : 395433 115
Arrondissement Mercier/Hochelaga-Maisonneuve 117
Dossier : 395831 117
Dossier : 398826 118
DISPOSITIF 121
ANNEXE 1 127
ANNEXE 2 132
INTRODUCTION
[1] La question de l’imputation des coûts relatifs aux visites médicales effectuées après la date de la consolidation d’une lésion professionnelle sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle fait l’objet de décisions contradictoires à la Commission des lésions professionnelles.
[2]
Certains juges administratifs[1] s’inspirent du libellé du
premier alinéa de l’article
[3] Pour ces juges, une consolidation « guérison » équivaut à mettre un terme à la lésion professionnelle en ce sens que le travailleur n’a plus besoin de soins ou de traitements ou d’assistance médicale en raison de son état et qu’il redevient capable d’exercer son emploi. Donnant effet à la définition du terme consolidation retrouvée à la loi et aux décisions portant sur les conséquences médicales de la lésion professionnelle en cause, ces juges estiment qu’une telle preuve permet de conclure que les visites médicales effectuées après la date d’une telle consolidation « guérison » ne sont plus requises en raison de la lésion professionnelle. Ces prestations ne sont donc plus dues en raison de cette lésion et les coûts relatifs à celle-ci ne peuvent donc être imputés au dossier d’expérience de l’employeur selon le premier alinéa de l’article 326 de la loi. Dès lors, ces juges acceptent de retirer ces coûts du dossier d’expérience de l’employeur.
[4] Toutefois, ils maintiennent imputés à ce dossier d’expérience les coûts relatifs à la procédure d’évaluation médicale (par exemple : rapport final, rapport complémentaire, expertise du membre du Bureau d’évaluation médicale) puisque les coûts générés par ces démarches médico-administratives sont reliés à la lésion professionnelle et ils sont nécessaires à la cristallisation et à la finalisation des conséquences médicales de cette lésion, même s’ils sont encourus après la consolidation de celle-ci.
[5] Une deuxième position existe à la Commission des lésions professionnelles et est suivie par plusieurs juges administratifs[3].
[6] Ces juges considèrent qu’il ne peut y avoir un transfert automatique des frais de visites médicales effectuées après la date de la consolidation de la lésion professionnelle même si elle n’a pas entraîné d’atteinte permanente ni de limitation fonctionnelle.
[7] En effet, le seul élément de la consolidation de la lésion sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle n’est pas suffisant pour conclure qu’obligatoirement l’employeur ne peut être imputé du coût des visites médicales. Il appartient plutôt à l’employeur de démontrer que la ou les visites médicales n’ont pas été effectuées «en raison» de la lésion professionnelle pour ne pas être imputé des coûts en question.
[8] Pour certains juges administratifs, si l’absence de relation entre la nature ou l’objet de ces frais et la lésion n’est pas établie, les coûts relatifs à ces frais doivent demeurer imputés au dossier de l’employeur. En effet, malgré une consolidation sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, certaines circonstances, aussi rares soient-elles, pourraient requérir une consultation médicale.
[9] L’existence de ces deux positions entraîne une incertitude chez les justiciables employeurs, le fardeau de la preuve qui leur est imposé et le sort de leur contestation étant susceptibles de varier considérablement selon la thèse favorisée par le juge administratif en charge de leur dossier.
[10] Dans le but de mettre fin ou, à tout le moins, d’atténuer cette controverse, divers dossiers portant sur cette question sont regroupés et une formation de trois juges administratifs est désignée afin d’entendre et de disposer de ces litiges[4].
[11] Après avoir décidé[5], à la suite d’une question préliminaire soulevée par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) et visant à attaquer la légalité de la constitution de cette formation, que ces litiges concernent l’imputation des coûts et relèvent de la division du financement, la présente formation avise les parties que le débat portera sur le sujet suivant :
- l’imputation du coût des visites médicales effectuées après la date de la consolidation d’une lésion professionnelle sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[12] Afin d’alimenter sa réflexion, la présente formation demande aux parties de traiter :
- du fondement juridique d’une demande de retrait de tels coûts du dossier d’expérience de l’employeur;
- de l’existence ou de la non-existence d’un délai afin de soumettre une demande de retrait de tels coûts du dossier d’expérience d’un employeur;
- dans
l’éventualité où un tel délai existe, du fondement juridique de celui-ci, à
savoir le délai de 90 jours prévu à l’article
- de la notion de décision, de décision implicite et du statut du « Relevé des prestations accordées et des sommes imputées » reçu mensuellement par les employeurs eu égard à cette problématique;
- de l’effet juridique de la consolidation d’une lésion professionnelle sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[13] Les parties sont donc invitées à identifier des dossiers types en lien avec ces questions et à les choisir de façon à ce qu’ils couvrent le plus grand nombre de situations possibles, à savoir :
- des dossiers où le délai constitue une fin de non-recevoir, peu importe l’origine du délai invoqué;
- des dossiers où la date de la consolidation est déterminée par le médecin qui a charge du travailleur;
- des dossiers où la date de la consolidation est déterminée à la suite d’un avis émis par le membre du Bureau d’évaluation médicale et qui font l’objet de décisions par la CSST initialement ou à la suite d’une révision administrative ou qui font l’objet de décisions par la Commission des lésions professionnelles après une entente en conciliation ou à la suite d’une audience.
[14] Cet exercice est fait par les parties et, par la suite, des audiences sont tenues à Montréal, les 7, 8 et 14 septembre 2011, en présence de Me Linda Lauzon, représentante de l’employeur Centre hospitalier de l’Université de Montréal-Pavillon Mailloux, de madame Marie-France Pinard, représentante des employeurs Sécurité des incendies de Montréal et Arrondissement Mercier/Hochelaga-Maisonneuve, de madame Geneviève Leroux, agissant au nom de l’employeur Université McGill, de Me Lucie Guimond, représentante de l’employeur Entrepôt non-périssable (Montréal) et de Mes Karine De Conninck et Pierre-Michel Lajeunesse, représentants de la CSST. Pour sa part, Me Marie-Hélène Jetté, procureure de l’employeur Université McGill, a informé le tribunal qu’elle ne serait pas présente lors des audiences bien qu’elle continuait à le représenter.
[15] Ces audiences portent sur les dossiers identifiés, les autres étant suspendus jusqu’à ce qu’une décision soit rendue en l’espèce.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
[16] Les employeurs partagent un objectif commun, à savoir le retrait des coûts relatifs aux visites médicales effectuées après la date de la consolidation d’une lésion professionnelle sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[17] Ils demandent donc à la présente formation de déclarer que ces coûts doivent être retirés de leur dossier d’expérience puisque, vu la consolidation de la lésion professionnelle sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, ils ne sont plus reliés et ils ne sont plus dus en raison de cette lésion.
LES FAITS
[18] Les parties présentent leur preuve à tour de rôle dans chacun des dossiers choisis par ces dernières.
[19] Afin de bien comprendre les problèmes soulevés et l’argumentation offerte, la présente formation croit opportun de dresser un portrait général des dossiers présentés et de la preuve faite par chacune des parties impliquées tout en exposant les incidents qui se sont produits au cours des audiences et les solutions préconisées par celle-ci.
Centre hospitalier de l’Université de Montréal-Pavillon Mailloux
[20] Me Lauzon représente cet employeur.
[21] Cet employeur identifie sept dossiers illustrant différentes situations.
[22] Me Lauzon indique que, dans tous ces cas, les demandes de retrait des coûts sont initiées à la suite de vérifications effectuées à partir des données disponibles sur le système informatique de la CSST, en février ou mars 2009, et non après la réception mensuelle du « Relevé des prestations accordées et des sommes imputées » par ce dernier. Elle ajoute que ces relevés sont plus ou moins utilisés et que l’employeur ne s’en serait pas servi pour formuler ses demandes.
[23] Par ailleurs, les dossiers choisis par celle-ci visent évidemment des questions d’imputation de coûts de visites médicales après la consolidation de la lésion professionnelle sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[24] Cinq des sept demandes de l’employeur sont rejetées par la CSST au motif que celui-ci ne respecte pas les délais prévus au Règlement sur la nouvelle détermination de l’imputation et ces décisions sont maintenues par la CSST à la suite d’une révision administrative au motif que l’employeur ne démontre pas les éléments permettant une reconsidération en vertu de l’article 365 de la loi.
[25] Afin de rendre ces décisions, la CSST en révision administrative s’inspire d’une note provinciale élaborée par cet organisme le 30 avril 2004 et intitulée « Le paiement et l’imputation des services professionnels de la santé après la date de consolidation ou après le retour au travail ».
[26] Dans ce document, la CSST précise les modalités de paiement et d’imputation des services des professionnels de la santé lorsque ces services sont rendus après la date de la consolidation de la lésion. Elle indique avoir déjà élaboré une note au sujet des frais relatifs aux soins ou aux traitements, mais comme cette note n’aborde pas la question du paiement des services des professionnels de la santé, elle désire corriger cette lacune par cette nouvelle directive.
[27] Donc, après avoir rappelé que le travailleur a droit à l’assistance médicale que requiert son état en raison de sa lésion professionnelle et après avoir cité ce qui est inclus dans la notion d’assistance médicale à l’article 189 de la loi, la CSST s’exprime ainsi sur le sort réservé aux coûts découlant d’une visite médicale :
La Commission rembourse à la Régie de l’assurance maladie du Québec le coût des services rendus par les médecins ou acquitte ces services directement aux médecins selon le cas […] lorsque ceux-ci sont requis au point de vue médical et par l’état du travailleur en raison de sa lésion professionnelle.
Le paiement du coût de la visite médicale doit donc dépendre de son objet et de sa relation avec la lésion et non pas du moment où la consultation prend place.
En effet, la consolidation de la lésion étant définie comme la guérison ou la stabilisation d’une lésion professionnelle à la suite de laquelle aucune amélioration n’est possible, il faut comprendre que même si une lésion professionnelle est consolidée, il est possible qu’une ou des visites médicales soient jugées nécessaires par le médecin qui a charge pour effectuer un suivi de l’état de santé du travailleur, qu’il y ait ou non présence d’atteinte permanente et de limitation fonctionnelle.
Ainsi, le coût découlant d’une visite médicale après la date de consolidation demeure imputé au dossier de l’employeur. Il en est de même dans le cas d’un acte médico-administratif nécessaire au processus d’évaluation médicale (ex : REM, RMF, rapport médical complémentaire ou rapport d’expertise demandé en vertu de l’article 204).
Par conséquent, l’employeur qui effectue une
demande à l’effet que le coût d’une visite médicale n’aurait pas dû être
remboursé par la Commission devra effectuer la démonstration que cette visite
n’était pas en relation avec la lésion professionnelle selon les modalités de
reconsidération prévues à l’article
Situation où une décision a été rendue suite à un BEM
Le fait qu’un membre du bureau d’évaluation
médicale se soit prononcé à l’effet que les soins ou les traitements ne sont
pas ou plus nécessaires à partir d’une certaine date, ne signifie pas que la Commission doive refuser de payer le coût d’une visite médicale après cette date. En effet,
une visite médicale n’est pas un soin ou un traitement en vertu de l’article
Dans un tel cas, l’employeur devra également
effectuer la démonstration que la visite médicale n’était pas en relation avec
la lésion professionnelle selon les modalités de reconsidération prévues à
l’article
[28] Par ailleurs, Me Lauzon retient aussi deux dossiers dans lesquels la question des délais n’est pas abordée et où la CSST justifie son refus par le fait qu’un travailleur a droit à l’assistance médicale que requiert son état et qu’aucune disposition législative ne précise la fin de ce droit.
[29] Se basant sur les faits particuliers retrouvés dans chacun de ces dossiers, Me Lauzon s’interroge sur la date considérée par la CSST afin de déterminer que les délais ne sont pas respectés. Elle se questionne également sur l’utilisation de l’article 365 de la loi en matière d’imputation.
[30] Me Lauzon ajoute que, contrairement à ce qui est prévu à sa note provinciale, la CSST retire d’emblée du dossier d’expérience de l’employeur les coûts rattachés au processus d’évaluation médicale, soit ceux relatifs à l’examen fait par le membre du Bureau d’évaluation médicale ou par le médecin désigné ou ceux générés par la confection d’un rapport complémentaire, pour les imputer à l’ensemble des employeurs.
[31] Invités à faire des admissions à ce sujet, les représentants de la CSST indiquent que, sans nier cette façon de faire, ils feront entendre un témoin sur cette question.
[32] Me Lauzon remarque aussi que, dans certains dossiers, les visites médicales dont les coûts sont imputés à l’employeur ne sont appuyées d’aucun rapport médical. Il est donc impossible pour l’employeur d’en connaître le motif et la teneur.
[33] De plus, elle constate que la CSST prend pour acquis que toute visite médicale est en relation avec la lésion professionnelle, même si elle survient plus d’un an après la date de la consolidation sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle. Elle considère que cette façon de faire est injustifiable.
[34] En outre, Me Lauzon souligne qu’une décision portant sur la capacité de travail d’un travailleur peut être assimilée à une consolidation sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle lorsque le médecin traitant fait défaut de produire un rapport final.
[35] Enfin, Me Lauzon désire que la présente formation se prononce sur le sort des coûts générés entre la date de la consolidation d’une lésion et la date où le membre du Bureau d’évaluation médicale se prononce sur l’absence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles.
Université McGill
[36] Madame Geneviève Leroux témoigne pour cet employeur.
[37] Elle soumet trois dossiers dans lesquels elle n’a pu démontrer l’absence de relation entre les visites médicales et la lésion professionnelle et dans lesquels la CSST a refusé de retirer les coûts de ces visites du dossier d’expérience de l’employeur.
[38] La présente formation constate qu’aucune des décisions rendues ne porte sur la question des délais. La CSST invoque plutôt que le travailleur a droit à l’assistance médicale que requiert son état et qu’il revient à l’employeur de démontrer que les coûts des visites médicales dont il demande le retrait ne sont pas en relation avec la lésion professionnelle. La CSST ajoute que le fait qu’aucun rapport médical ne supporte la visite médicale est sans incidence puisque l’article 201 de la loi édicte que le médecin n’a pas d’obligation de fournir un tel rapport si l’évolution de la pathologie n’est pas modifiée de façon significative.
[39] À l’audience, madame Leroux témoigne longuement sur l’imputation des coûts relatifs aux visites médicales et sur le fardeau de la preuve imposé par la CSST.
[40] Elle explique qu’elle est responsable d’une équipe de quatre personnes. Cette équipe gère les absences découlant des accidents du travail et des invalidités personnelles de courte et longue durée. Cette situation lui donne accès aux dossiers des travailleurs sans égard à la cause de l’absence de ceux-ci.
[41] Madame Leroux indique qu’elle reçoit mensuellement les « Relevés des prestations accordées et des sommes imputées » émis par la CSST pour chacun des dossiers des accidentés du travail. Ces relevés ont, en tout, entre 45 et 60 pages. Ils sont scrutés par elle ou par les membres de son équipe, mais pour des fins de rédaction et pour éviter d’alourdir le texte, la présente formation s’exprimera comme si seule madame Leroux était à l’origine des démarches.
[42] Donc, madame Leroux examine les relevés. Elle vérifie si les frais apparaissant sur ces relevés correspondent à la réalité et sont justifiés. Lorsqu’elle réalise, par exemple, que des coûts sont imputés après la date de la consolidation d’une lésion professionnelle sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, elle questionne la CSST et, lorsqu’elle en vient à la conclusion que l’employeur ne doit pas assumer ces coûts, elle demande à la CSST de les retirer du dossier.
[43] Madame Leroux note que, dans la plupart des directions régionales de la CSST avec lesquelles elle fait affaire, les coûts des visites médicales générés après la consolidation de la lésion professionnelle sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle sont retirés du dossier d’expérience de l’employeur lorsqu’ils sont portés à l’attention de la CSST. Cependant, les directions de Montréal et de la couronne de Montréal font exception. Ces directions régionales refusent systématiquement de retirer ces coûts alléguant que le travailleur a droit à l’assistance médicale que requiert son état (article 188 de la loi), mentionnant que, en vertu de l’article 201 de la loi, il importe peu qu’aucun rapport écrit n’appuie les coûts réclamés pour la visite médicale et imposant à l’employeur le fardeau de démontrer que les coûts dont il demande le retrait ne sont pas reliés à la lésion professionnelle.
[44] Or, madame Leroux souligne que ce fardeau est très lourd puisque, en l’absence de tout rapport médical écrit, il devient impossible de démontrer que la visite n’est pas reliée à la lésion professionnelle.
[45] Madame Leroux déplore le fait que la CSST prenne pour acquis que toute visite médicale est en relation avec la lésion professionnelle sans égard au moment où elle est effectuée. Son expérience lui enseigne que cette hypothèse est erronée. En effet, comme elle gère les absences relatives aux accidents du travail et aux invalidités de courte et de longue durée, elle est, la plupart du temps, en mesure de faire des recoupements et de vérifier si une visite médicale relève d’un accident ou d’une condition personnelle.
[46] Ainsi, elle donne en exemple le cas d’un travailleur qui subit un accident du travail et qui s’absente deux mois en raison de celui-ci. Trois mois après la consolidation de sa lésion sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, le travailleur débute une période d’absence pour une condition personnelle de dépression. Une vérification des relevés mensuels émis par la CSST lui permet de constater que ces visites pour une condition sans lien avec la lésion professionnelle sont facturées par la CSST au dossier d’expérience de l’employeur. Madame Leroux avise la CSST de sa méprise et celle-ci retire les coûts pour la période visée. Toutefois, par la suite, elle continue à facturer l’employeur pour ces coûts la forçant constamment à intervenir.
[47] Madame Leroux instaure donc une procédure où, pour chaque visite médicale qu’elle ne peut expliquer au vu du dossier CSST, elle communique avec cet organisme afin d’obtenir des explications.
[48] Lorsque la CSST ne peut lui en fournir, elle regarde dans le dossier d’invalidité personnelle du travailleur et elle y trouve parfois la réponse à ses questions.
[49] Elle s’aperçoit qu’il arrive souvent que les consultations personnelles des travailleurs soient confondues avec celles relevant d’un accident du travail et soient facturées à l’employeur.
[50] Par ailleurs, lorsqu’elle ne trouve pas la réponse dans le dossier d’invalidité personnelle des travailleurs, elle se permet de contacter leurs supérieurs immédiats afin de s’enquérir des motifs de l’absence ou encore elle les appelle directement pour les interroger sur le motif de la visite médicale facturée. Elle bénéficie, heureusement, d’une grande collaboration de ces derniers. Elle apprend, notamment, qu’il n’y a pas de visite à la date identifiée ou encore que les consultations visent des problèmes personnels (piqûres d’insectes, échardes, examens annuels, examens gynécologiques, accident d’équitation, problèmes à l’estomac, cancer, obstruction pulmonaire chronique, etc).
[51] Toutefois, lorsqu’une somme est imputée plusieurs années après l’émission d’un rapport final sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle ou encore plusieurs années après que la visite ait été effectuée, le travailleur ne peut aider l’employeur, car il ne peut se rappeler de la visite ou de son motif.
[52] La position adoptée par ces directions régionales oblige donc madame Leroux à faire de nombreuses vérifications et démarches afin de prouver l’absence de relation exigée de la CSST. Celles-ci requièrent plusieurs heures de travail mensuellement. Madame Leroux essaie d’agir dans un délai de 30 jours de la réception du « Relevé des prestations accordées et des sommes imputées » au cas où ce relevé soit assimilé à une décision. Bref, madame Leroux qualifie tout ce procédé de « très exigeant ».
[53] Madame Leroux admet cependant que, lorsqu’elle réussit à faire cette démonstration, les coûts identifiés sont retirés du dossier d’expérience de l’employeur.
[54] Madame Leroux signale que l’employeur n’a qu’un seul dossier d’expérience et qu’il y a peu de réclamations pour accidents du travail chez ce dernier, soit entre 45 et 55 par année. Pourtant, les erreurs commises par la CSST sont nombreuses. Ainsi, en 2009, 43 réclamations sont produites à la CSST et madame Leroux relève des erreurs d’imputation des coûts de visites médicales dans 7 dossiers pour une marge d’erreur de 16 %. En 2010, 58 réclamations sont déposées et des erreurs sont observées dans 9 dossiers pour une marge d’erreurs de 15 %. Madame Leroux estime qu’il s’agit d’un pourcentage d’erreurs assez considérable.
[55] De plus, les vérifications de madame Leroux lui permettent de déceler, durant les deux dernières années, 31 dossiers comportant 70 visites médicales sans aucun lien avec la lésion professionnelle. Elle récupère ainsi une somme totale de 10 200 $.
[56] Madame Leroux constate que l’employeur est privilégié puisqu’il a un accès conjoint aux dossiers CSST et aux dossiers d’invalidité. Cette promiscuité lui permet de faire les vérifications nécessaires et de prouver que, par exemple, le motif d’une consultation médicale est personnel. Le fardeau imposé par la CSST l’oblige cependant à produire auprès de cet organisme des rapports médicaux ou hospitaliers sans lien avec la lésion professionnelle et ce, à l’insu des travailleurs, ce qui l’indispose grandement.
[57] Madame Leroux croit que le problème se situe au niveau de la facturation entre la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) et la CSST. Or, ayant travaillé dans un cabinet de médecin pour payer ses études, elle indique que, d’une part, ceux-ci émettent toujours un rapport d’évolution dans un cas de CSST car bien peu d’entre eux connaissent l’article 201 de la loi. D’autre part, elle remarque que la facturation à la RAMQ ou à la CSST est une question de code, l’utilisation du mauvais code faisant basculer un coût relié à une consultation personnelle dans le dossier d’expérience CSST d’un employeur.
[58] Madame Leroux comprend que la CSST rembourse tous les coûts réclamés par la RAMQ sans faire aucune analyse et que, par la suite, elle demande à l’employeur de faire la démonstration que ces coûts ne sont pas reliés à la lésion professionnelle. Elle réalise qu’il n’existe aucun mécanisme de vérification et que la CSST se décharge de cette responsabilité sur le dos des employeurs.
[59] Elle considère que la CSST leur impose un fardeau énorme et, dans certains cas, impossible à assumer.
[60] Elle demande donc à la présente formation de retirer du dossier d’expérience de l’employeur les coûts relatifs aux visites médicales effectuées après la date de la consolidation des lésions sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle dans chacun des dossiers soumis à son attention.
[61] Elle demande également que ces coûts soient retournés à la RAMQ, plutôt qu’ils soient versés au fonds général, puisqu’ils ne relèvent pas de la loi qui nous occupe et qu’ils n’ont pas à être supportés par les employeurs.
Entrepôt non-périssable (Montréal)
[62] Me Lucie Guimond représente cet employeur.
[63] Elle présente un seul dossier.
[64] Dans cette affaire, l’employeur réalise, après avoir vérifié les relevés informatiques obtenus de la CSST en juin et en octobre 2009, que des coûts apparaissent durant cette période dans un dossier fermé depuis le 10 juin 2007.
[65] Après consultation du fichier « Liste des comptes de médecin du dossier », il constate que les coûts de deux visites médicales, datées du 18 juin 2009, sont portés au dossier d’expérience de l’employeur.
[66] L’employeur réclame le retrait de ces coûts qui ne sont appuyés d’aucun rapport médical au dossier. La CSST lui répond que le travailleur a droit à l’assistance médicale que requiert son état et que ces frais additionnels découlent d’un remboursement fait à la RAMQ pour des services rendus entre 2004 et 2008. La CSST impose donc à l’employeur de démontrer l’absence de relation entre ces coûts et la lésion professionnelle.
[67] De son côté, la CSST, à la suite d’une révision administrative, se base sur la note provinciale citée précédemment afin de justifier son refus.
Sécurité des incendies de Montréal et Arrondissement Mercier/Hochelaga-Maisonneuve
[68] Madame Marie-France Pinard représente ces employeurs.
[69] Elle soumet trois dossiers à l’attention de la présente formation.
[70] Dans ces affaires, la CSST impute au dossier d’expérience de l’employeur, en 2009, des sommes relatives à des visites et actes médicaux effectués après la consolidation de ces lésions en 2007 ou en 2008. De plus, certaines de ces visites ne sont pas appuyées du rapport du médecin consulté. La CSST refuse de retirer ces coûts précisant que les coûts relatifs aux visites médicales et les coûts des actes médico-administratifs nécessaires au processus d’évaluation médicale demeurent imputés au dossier de l’employeur.
[71] À l’audience, madame Caroline Dupras, conseillère principale au financement de la santé et de la sécurité du travail chez l’employeur, témoigne à la demande des employeurs.
[72] Elle explique que son département gère 44 dossiers d’expérience et que le système de financement qui s’applique à l’employeur est le régime rétrospectif.
[73] Madame Dupras est à la tête d’une équipe de deux à trois personnes. Cette équipe s’occupe des aspects financiers de la santé et de la sécurité, soit, notamment, des avis de cotisation, des déclarations mensuelles et annuelles des salaires et des vérifications des « Relevés des prestations accordées et des sommes imputées » reçus mensuellement de la CSST. De plus, elle se tient informée des changements législatifs et réglementaires et de la jurisprudence pertinente en cette matière. En outre, cette équipe intervient pour soutenir et conseiller les quelques arrondissements qui font eux-mêmes la vérification de leurs relevés. Madame Dupras a même conçu un guide de vérification pour ces derniers.
[74] Madame Dupras reçoit donc, à tous les mois, les « Relevés des prestations accordées et des sommes imputées » dans chacun des dossiers d’expérience de l’employeur. Ces relevés font état des prestations imputées au dossier d’expérience de l’employeur pour chacun des dossiers CSST.
[75] Ces relevés mensuels représentent une masse considérable de documents. Ainsi, ceux concernant les pompiers et les policiers mesurent de trois à quatre pouces d’épaisseur alors que les relevés visant les autres dossiers d’expérience comportent entre ½ et deux pouces d’épaisseur de paperasse.
[76] Malgré l’ampleur de ces documents, l’équipe de madame Dupras les vérifie et, lorsqu’elle y retrouve des anomalies, elle utilise les données informatiques mises à la disposition des employeurs par la CSST, dont la « Liste des comptes de médecin du dossier », afin d’identifier l’origine des coûts imputés.
[77] L’employeur possède aussi son propre logiciel afin de l’aider à computer ou à retrouver les données pertinentes pour chacun des dossiers.
[78] Lorsqu’elle réalise que les coûts sont relatifs à des visites médicales (soit un code de visite à un omnipraticien, à un spécialiste ou à un établissement de santé) et que ces coûts sont générés après la date de la consolidation de la lésion professionnelle sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, elle s’adresse à la CSST afin d’obtenir un retrait de ces coûts du dossier d’expérience concerné.
[79] Madame Dupras indique que, contrairement à ce qui est écrit dans la note provinciale ou dans les décisions rendues par la CSST, les coûts relatifs aux actes médico-administratifs sont habituellement retirés du dossier d’expérience de l’employeur et imputés aux employeurs de toutes les unités. De même, les coûts visant les soins ou les traitements reçus après la consolidation de la lésion professionnelle sont également soustraits du dossier. Toutefois, la problématique du coût rattaché à la visite médicale demeure.
[80] À cet égard, madame Dupras souligne que les coûts relatifs aux visites médicales sont imputés après que la RAMQ ait fait sa réclamation à la CSST. Il est donc rare que l’imputation à l’employeur soit contemporaine à l’époque où ces coûts sont générés puisque le fait que les factures des médecins soient d’abord adressées à la RAMQ pour être, ensuite, acheminées à la CSST, entraîne certains délais. L’employeur n’est donc pas informé de l’imputation de ces coûts en temps réel, mais toujours en différé au moment où il reçoit un relevé mensuel les incluant.
[81] Madame Dupras présente également une preuve assez étoffée visant à démontrer que, compte tenu du régime de financement applicable à l’employeur, les coûts des visites médicales qui peuvent, à première vue, sembler minimes sont, en bout de piste, plus importants.
[82] Cette preuve est entendue sous réserve de sa pertinence vu l’objet des litiges dont la présente formation est saisie.
[83] Or, d’une part, aucune disposition législative ne limite l’accès à la Commission des lésions professionnelles selon les sommes en jeu et, d’autre part, les employeurs n’invoquent aucunement qu’ils sont obérés injustement par les coûts imputés. Une preuve extensive de nature financière n’est donc pas utile dans un tel contexte et, en conséquence, la présente formation ne compte ni reproduire, ni tenir compte de cette partie du témoignage de madame Dupras.
Commission de la santé et de la sécurité du travail
[84] La CSST fait entendre madame Louise Tremblay, actuaire et cheffe du service de la tarification à la CSST.
[85] Madame Tremblay dirige une équipe de 13 à 14 personnes, composée presque exclusivement d’actuaires, dont la tâche principale consiste à établir les taux de cotisation des différents régimes de financement mis en place par la CSST.
[86] Elle explique que la CSST est un assureur public dont la mission est d’indemniser les travailleurs victimes de lésions professionnelles.
[87] Pour procéder à cette indemnisation, la CSST doit aller chercher les sommes nécessaires auprès de tous les employeurs.
[88] La CSST doit donc identifier ses besoins financiers pour une année de cotisation et déterminer la tarification appropriée ainsi que la part que doit supporter chacun des employeurs.
[89] Les objectifs poursuivis lors de cet exercice sont énumérés comme suit par madame Tremblay :
- les coûts relatifs aux lésions professionnelles ne doivent pas mettre en péril la survie d’un employeur;
- l’employeur doit assumer les coûts selon les risques qu’il représente;
- l’employeur doit être incité à mettre en place des mécanismes de prévention;
- l’employeur doit favoriser le retour précoce à l’emploi.
[90] La CSST met donc sur pied divers modes de tarification visant à promouvoir ces objectifs.
[91] Trois modes de tarification sont privilégiés par la CSST.
[92] Le taux de l’unité cible les employeurs payant 7 000 $ et moins de cotisations à la CSST. Ils sont environ 130 000. Ils exploitent de petites entreprises. Ils assument 10 % de la cotisation totale de la CSST. Leurs besoins en assurance sont grands, mais leurs taux sont peu réactifs. Toutefois, ils ont un léger incitatif à s’occuper de leurs dossiers puisque les coûts grandissant dans une unité peuvent affecter le taux général de celle-ci.
[93] Le taux personnalisé cible les employeurs payant entre 7 000 $ et 400 000 $ de cotisations à la CSST. Ils sont environ 55 000. Ils exploitent des moyennes entreprises. Ils assument 55 % de la cotisation totale de la CSST. Ce mode de tarification est réactif puisqu’il reconnaît les efforts faits en matière de santé, de sécurité et de prévention et qu’il tient compte de l’expérience des employeurs à divers degrés.
[94] Le régime rétrospectif cible les employeurs payant plus de 400 000 $ de cotisations à la CSST. Ils sont environ 1 200-1 300. Ils exploitent de grosses entreprises. Ils assument 35 % de la cotisation totale de la CSST. Ce mode de tarification est très réactif puisque la cotisation est basée sur les coûts réels générés par ceux-ci.
[95] Les employeurs impliqués dans les présents dossiers sont tous visés par le régime rétrospectif.
[96] Madame Tremblay poursuit en traitant des paramètres utilisés pour calculer l’ajustement rétrospectif des employeurs bénéficiant de ce régime.
[97] Ainsi, la cotisation initiale est basée sur le taux personnalisé de l’employeur. Quatre ans plus tard, la CSST procède à un recalcul qui tient compte de l’expérience réelle de ce dernier.
[98] Entre temps, la CSST effectue deux ajustements provisoires, soit un premier, obligatoire, 24 mois après la première cotisation et un second, optionnel, 36 mois après celle-ci. Ces ajustements en cours de période permettent à l’employeur de se faire une idée des coûts qui l’attendent lors de l’ajustement définitif à venir au terme de la période de quatre ans.
[99] Donc, la CSST laisse mûrir chaque lésion professionnelle durant quatre ans et, en bout de piste, elle cotise rétrospectivement l’employeur pour cette période en tenant compte des données suivantes :
-les coûts des lésions;
-les déboursés;
-les différents facteurs pour les coûts futurs et les coûts d’indemnisation.
[100] Chaque lésion est catégorisée et elle fait l’objet d’un coût spécifique selon sa durée, le but étant que les sommes récoltées correspondent aux coûts de la réparation établis par la CSST.
[101] La CSST considère également les sommes devant être assumées par l’unité en vertu du deuxième alinéa de l’article 326 de la loi et elle calcule la quote-part de l’employeur en proportion des coûts d’indemnisation engendrés par celui-ci dans cette unité particulière.
[102] Enfin, la CSST prend en compte un facteur pour les dépenses non imputées, à savoir les frais d’administration de la CSST, les éléments de capitalisation et divers autres coûts dont ceux imputés à l’ensemble des employeurs.
[103] La CSST fait donc le total de tous ces coûts et elle cotise l’employeur en conséquence selon les principes applicables en matière d’assurance.
[104] À cet égard, les employeurs bénéficiant du régime rétrospectif sont invités à choisir une limite se situant dans une fourchette s’échelonnant de 1 ½ à 9 fois le revenu maximum annuel assurable. Cette limite est assimilable à une franchise assumée par l’employeur et ce n’est que lorsque les coûts totaux dépassent cette limite que le reste est couvert par la prime d’assurance payée à la CSST. Donc, plus la limite choisie est élevée, plus la prime payée est basse.
[105] Après avoir fait cet exposé général, madame Tremblay désire fournir des détails sur les choix de limites faits par les employeurs impliqués dans les présents litiges et sur les conséquences de ces choix pour ces derniers.
[106] Les employeurs s’opposent à cette preuve puisque, d’une part, elle semble peu pertinente aux litiges portés à l’attention de la présente formation et puisque, d’autre part, ces données sont confidentielles. En outre, même en supposant que les employeurs soient toujours à l’intérieur de la limite choisie par ceux-ci, le cumul de coûts qu’ils ne doivent pas assumer est susceptible de les faire dépasser cette limite et d’agir sur le montant de leur prime. Les employeurs veulent donc restreindre le débat aux questions de droit et aux faits particuliers de leurs dossiers sans égard aux impacts financiers réels de leurs demandes.
[107] Après avoir délibéré, la présente formation décide unanimement que, pour les mêmes motifs que ceux exposés lors du témoignage offert par madame Dupras, cette preuve de nature financière n’est pas pertinente en l’espèce. En effet, les litiges dont elle est saisie concernent l’imputation des coûts générés par des visites médicales effectuées après la consolidation d’une lésion professionnelle sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle. Ces litiges peuvent être résolus par l’interprétation de diverses dispositions législatives sans égard au régime de financement ou à la tarification afférente à chacun des employeurs impliqués. De plus, aucune disposition législative ne limite l’accès au tribunal selon les sommes en jeu. Enfin, les employeurs ne plaident pas qu’ils sont obérés injustement par les coûts imputés, mais bien que ces coûts ne doivent pas être versés à leur dossier d’expérience sans égard à l’impact financier réel ou présumé de ceux-ci. Une preuve extensive de nature financière n’est donc pas utile dans un tel contexte.
[108] Les représentants de la CSST requièrent un délai après que la présente formation leur ait communiqué cette décision et, au terme de leur réflexion, ils annoncent que, comme la présente formation ne les autorise pas à faire une preuve des régimes de financement applicables aux employeurs et des impacts financiers de leurs demandes respectives, ils n’ont plus aucune preuve à présenter.
[109] La CSST ne fournit donc aucune preuve au sujet des décisions rendues en matière d’imputation des frais relatifs aux visites médicales ou au sujet des échanges intervenant entre la RAMQ et la CSST concernant ces frais ou au sujet des vérifications faites afin de s’assurer du bien-fondé des réclamations reçues de la RAMQ ou au sujet des sommes qui sont d’emblée imputées aux employeurs et de celles qui sont d’emblée retirées de leur dossier d’expérience pour être versées au fonds général.
[110] La présente formation devra donc composer avec la preuve offerte par les employeurs sur ces différentes questions.
L’ARGUMENTATION DES EMPLOYEURS
[111] Les représentantes des employeurs présentent une argumentation commune en ce sens qu’elles se divisent le travail et que chacune plaide un aspect des diverses questions soulevées par les présents litiges.
Le délai
[112] Me Linda Lauzon traite du volet concernant les délais pour formuler une demande en vertu du premier alinéa de l’article 326 de la loi.
[113] Elle remarque que le premier alinéa de l’article 326 de la loi ne prévoit pas de délai. Il édicte que la CSST impute les coûts reliés aux prestations dues en raison d’un accident du travail. Aucune discrétion n’est accordée à la CSST; elle doit agir lorsque les conditions qui y sont décrites sont démontrées.
[114] Toutefois, le second alinéa de l’article 326 de la loi emploie le mot « peut » conférant à la CSST une certaine discrétion.
[115] Enfin, le troisième alinéa de cet article mentionne un délai d’un an qui s’applique certes au second alinéa, mais qui ne vise aucunement celui invoqué par les employeurs.
[116] Ce délai d’un an est donc inapplicable aux présentes affaires. Me Lauzon rappelle d’ailleurs qu’aucune des décisions rendues par la CSST à la suite d’une révision administrative ne fait allusion à ce délai ou ne justifie le refus de retirer les coûts par ce dernier. Me Lauzon conclut que le délai décrit à l’article 326 (3) de la loi n’est pas pertinent au débat.
[117] Par
ailleurs, elle cite les articles 41, 41.1 et
- toute disposition d’une loi est réputée avoir pour objet de reconnaître des droits, d’imposer des obligations ou de favoriser l’exercice des droits, ou encore de remédier à quelque abus ou de procurer quelque avantage et une telle loi doit recevoir une interprétation large et libérale assurant l’accomplissement de son objet et l’exécution de ses prescriptions suivant leurs véritables sens, esprit et fin;
- les dispositions d’une loi s’interprètent les unes par les autres en donnant à chacune le sens qui résulte de l’ensemble et qui lui donne effet; et
- chaque fois qu’il est prescrit qu’une chose sera faite ou doit être faite, l’obligation de l’accomplir est absolue, mais s’il est dit qu’une chose pourra ou peut être faite, il est facultatif de l’accomplir ou non.
[118] Elle signale que ce n’est pas un hasard si les premier et deuxième alinéas de l’article 326 de la loi sont libellés différemment et qu’il faut donner un effet à ces différences. Ainsi, la CSST doit certes imputer les coûts des prestations au dossier d’expérience de l’employeur en vertu du premier alinéa de cet article, mais ces coûts doivent correspondre aux critères prévus par le législateur. Ils doivent donc viser des « prestations dues en raison d’un accident du travail ». Or, lorsque ces critères ne sont pas respectés, le législateur ne prescrit aucun délai pour informer la CSST qu’elle a mal exercé sa compétence et pour lui demander de corriger la situation.
[119] Me Lauzon fait une analogie avec l’affaire Roland Boulanger & Cie et la CSST[10] dans laquelle la Commission des lésions professionnelles interprète l’article 327 de la loi et analyse les délais pour s’en prévaloir. Elle demande à la présente formation d’en adopter le raisonnement et les conclusions.
[120] Me Lauzon poursuit en s’interrogeant sur la reconsidération décrite à l’article 365 de la loi et son applicabilité aux présents litiges. Elle rappelle que la reconsidération prévue à cette disposition législative implique d’abord qu’une première décision soit rendue, ce qui est loin d’être prouvé ici. Elle concède que la CSST rend une décision générale d’imputation. Cependant, lorsque l’employeur désire voir retirer les coûts des visites médicales de son dossier d’expérience, il ne s’attaque pas à cette décision générale puisque ce ne sont que certains montants bien particuliers qu’il cible et qui sont remis en cause. De plus, l’effet de la reconsidération est de remplacer toute la décision, ce qui n’est pas l’effet recherché par l’employeur.
[121] Cet article et son délai de 90 jours ne peuvent donc éclairer la présente formation sur les délais prévus pour agir.
[122] En outre, cet article est spécifiquement exclu en matière de financement et, dès lors, il est erroné de l’invoquer comme le fait la CSST dans certaines décisions.
[123] Me Lauzon enchaîne en analysant le Règlement sur la nouvelle détermination de l’imputation. Elle constate, une fois de plus, qu’une décision doit être rendue préalablement sur le sujet attaqué et que la personne qui requiert une nouvelle détermination de l’imputation doit démontrer l’existence d’une erreur dans cette décision ou encore un fait nouveau essentiel permettant de la modifier dans le sens revendiqué.
[124] Or, Me Lauzon souligne qu’il n’existe aucune décision portant spécifiquement sur l’imputation des coûts relatifs aux visites médicales. En effet, la preuve révèle que ces coûts sont imputés sans qu’aucune analyse ne soit faite et sans réflexion d’aucune sorte. En conséquence, le délai de six mois mentionné au règlement ne peut courir de la date d’émission de l’avis général d’imputation ou d’un avis de cotisation, puisque ces avis ne traitent pas de cette question précise.
[125] Elle invoque de nouveau l’affaire Roland Boulanger & Cie[11] afin d’appuyer ses propos à cet égard. Elle cite aussi une autre décision, l’affaire J.M. Bouchard & Fils inc.[12], alléguant que la présente formation peut en tirer des enseignements et s’en inspirer.
[126] Me Lauzon discute ensuite du délai de trois ans prévu au Code civil du Québec. Elle réfère plus particulièrement aux articles 2878, 2879, 2880 et 2925 qui se lisent comme suit :
2878. Le tribunal ne peut suppléer d’office le moyen résultant de la prescription.
Toutefois, le tribunal doit déclarer d’office la déchéance du recours, lorsque celle-ci est prévue par la loi. Cette déchéance ne se présume pas; elle résulte d’un texte exprès.
2879. Le délai de prescription se compte par jour entier. Le jour à partir duquel court la prescription n’est pas compté dans le calcul du délai.
La prescription n’est acquise que lorsque le dernier jour du délai est révolu. Lorsque le dernier jour est un samedi ou un jour férié, la prescription n’est acquise qu’au premier jour ouvrable qui suit.
2880. La dépossession fixe le point de départ du délai de la prescription acquisitive.
Le jour où le droit d’action a pris naissance fixe le point de départ de la prescription extinctive.
2925. L’action qui tend à faire valoir un droit personnel ou un droit réel immobilier et dont le délai de prescription n’est pas autrement fixé se prescrit par trois ans.
[127] Me Lauzon indique que ces dispositions sont utilisées à titre supplétif lorsque la loi spécifique est silencieuse sur ces aspects.
[128] Me Lauzon soutient que la loi qui nous occupe est complète et ne souffre d’aucun oubli. En effet, lorsque le législateur veut imposer un délai pour agir, il le précise à la disposition législative pertinente. Ainsi, l’article 431 de la loi instaure un processus visant la récupération des trop perçus et les délais pour ce faire. Ces délais ne s’appliquent qu’à cette situation et ils ne peuvent être importés aux présents litiges.
[129] Par
contre, le délai de trois ans prévu à l’article
[130] Cependant, Me Lauzon signale que le problème du point de départ de ce délai de trois ans demeure entier. La CSST mentionne souvent que l’employeur n’a pas déposé sa demande dans le délai sans jamais préciser le point de départ considéré. Or, aucune décision spécifique n’est rendue sur la question de l’imputation des coûts des visites médicales. Le délai ne peut donc courir d’une telle décision.
[131] Par ailleurs, que faire lorsque, dans un cas comme celui d’une des travailleuses en cause, la lésion professionnelle est consolidée en décembre 2006, les visites médicales contestées sont effectuées en janvier et février 2007, mais que l’employeur n’en est informé qu’en recevant son relevé de septembre 2009 ? Le point de départ ne peut être les dates des visites médicales puisque l’employeur n’en connaît l’existence que plus de deux ans plus tard.
[132] Le point de départ peut-il être le relevé mensuel des sommes imputées ? Me Lauzon ne le croit pas, car ce relevé n’est pas une décision. Son analyse l’amène donc à conclure qu’il n’y a pas de point de départ fixe et que, conformément à ce qui est prévu au Code civil du Québec, la déchéance ne se présume pas. Donc, pour appliquer le délai du Code civil à titre supplétif, la présente formation doit déterminer que l’article 326 (1) de la loi est incomplet, que le législateur a omis de prévoir un délai et que celui du Code civil peut être considéré dans un tel contexte.
[133] Me Lauzon réfère à diverses décisions[13] tout au long de son argumentation.
[134] Me Guimond commente également la question du délai. Elle remarque qu’aucun délai n’est prévu au premier alinéa de l’article 326 de la loi. Elle soutient toutefois qu’il serait illusoire de prétendre qu’aucun délai n’encadre les actions de l’employeur puisque tout est prescriptible. Le délai de trois ans du Code civil doit donc être privilégié.
[135] Elle cite de nombreux extraits des décisions déposées par Me Lauzon auxquelles elle ajoute d’autres jugements[14] pertinents en cette matière.
[136] Elle enchaîne en traitant du point de départ de ce délai. Elle estime qu’aucune décision n’est rendue par la CSST au sujet du coût des visites médicales et que la thèse développée par cet organisme lors du moyen préliminaire, et qui veut que l’échange de données informatiques entre la CSST et la RAMQ constitue une telle décision et que le relevé des prestations soit la voie par laquelle cette décision est notifiée, ne peut être retenue.
[137] En effet, la loi prescrit ce que doit contenir une décision et, à l’évidence, le transfert de données informatiques entre deux organismes ne correspond pas à ces critères. Or, l’existence préalable d’une décision est essentielle à l’application de l’article 365 de la loi ou du Règlement sur la nouvelle détermination de l’imputation puisqu’une décision en bonne et due forme traitant spécifiquement du sujet en cause doit être rendue avant de pouvoir en demander la reconsidération. Ces dispositions législatives ne peuvent donc servir de base aux multiples refus de la CSST.
[138] Cependant, Me Guimond affirme qu’une décision n’est pas indispensable à l’application du délai de prescription prévu au Code civil du Québec. Selon la Cour d’appel du Québec[15], le point de départ de ce délai est le jour où le titulaire du droit possède toutes les données nécessaires pour agir.
[139] Ce point de départ est donc une question de faits et il varie selon les informations reçues par l’employeur et selon le moment où il prend connaissance de la problématique relative à l’imputation des coûts qu’il estime ne pas devoir assumer.
[140] Cette connaissance n’est pas nécessairement acquise lors de la réception du relevé des prestations puisqu’il arrive que certains recoupements doivent être faits avant que l’employeur réalise qu’il est spolié et que son droit soit mis en évidence.
[141] Me Guimond remarque que la CSST oppose parfois la question du délai afin de refuser les demandes des employeurs sans jamais préciser le point de départ de celui-ci. Or, elle indique que, lorsque la présente formation ne peut fixer ce point de départ, elle ne peut le présumer ou en tirer des conclusions négatives pour les employeurs. En fait, la question du délai ne peut être soulevée si la CSST ne démontre pas le point de départ considéré et le retard allégué[16].
[142] Me Guimond estime donc que le délai ne peut constituer une fin de non-recevoir dans les présents dossiers.
[143] De son côté, madame Pinard partage généralement l’analyse faite par Me Guimond. Elle considère que le délai applicable est celui du Code civil du Québec.
[144] Toutefois, elle estime qu’il commence à courir dès la notification du « Relevé des prestations accordées et des sommes imputées » contenant l’information concernant les coûts des visites médicales imputés après la date de la consolidation de la lésion professionnelle.
[145] Les employeurs traitent ensuite de l’effet d’une consolidation sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
L’effet de la consolidation sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle
[146] Madame Marie-France Pinard présente ce volet de l’argumentation offerte par les employeurs.
[147] Elle dresse d’abord un bref tableau des dossiers des employeurs qu’elle représente remarquant que toutes les lésions en cause sont consolidées sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, soit par le médecin qui a charge du travailleur ou à la suite de décisions rendues après un avis émis par un membre du Bureau d’évaluation médicale.
[148] Les employeurs sont informés de l’imputation des coûts des visites médicales postérieures à la date de la consolidation lorsqu’ils reçoivent le relevé des prestations et ils agissent avec diligence afin d’obtenir un retrait de ces coûts de leur dossier d’expérience.
[149] Or, la CSST refuse pour divers motifs, soit l’absence de preuve de non-relation entre la visite médicale et la lésion professionnelle ou encore le non-respect des prescriptions de l’article 365 de la loi.
[150] Madame Pinard croit que l’article 365 de la loi n’est pas applicable en matière de financement. De plus, elle considère que l’employeur n’a pas à produire une preuve d’absence de relation puisqu’il va de soi qu’une lésion consolidée sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle est guérie et ne peut plus générer de coûts de nature médicale, sauf en cas de récidive, rechute ou aggravation.
[151] Madame Pinard déplore le fait que la CSST ne respecte pas les décisions de la Commission des lésions professionnelles et ne leur donne pas l’effet escompté. Elle souligne qu’une décision de la Commission des lésions professionnelles entérinant un accord en conciliation a autant de valeur qu’une décision rendue au terme d’une audience. Elle rappelle que, pour en venir à une telle entente, le travailleur est consulté et les enjeux lui sont expliqués. Aussi, la preuve au dossier doit appuyer les conclusions recherchées.
[152] La décision faisant suite à un accord doit donc être exécutée comme toute autre décision finale. Pourtant, la CSST ignore les effets pratiques de ces décisions et elle persiste à imputer aux dossiers d’expérience des employeurs les coûts relatifs aux visites médicales.
[153] Madame Pinard cite de nombreuses décisions[17] dans lesquelles la Commission des lésions professionnelles détermine qu’une consolidation sans nécessité de soins ou de traitements, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle ferme la porte à toute imputation subséquente.
[154] Elle signale également que, la plupart du temps, la CSST exécute les décisions rendues à la suite d’un avis émis par le membre du Bureau d’évaluation médicale et elle retire du dossier d’expérience des employeurs les coûts relatifs aux traitements, aux déplacements et à l’indemnité de remplacement du revenu puisqu’elle ne les considère plus reliés à la lésion professionnelle. Elle s’explique donc mal pourquoi la visite médicale fait l’objet d’un traitement distinct.
[155] Enfin, madame Pinard commente deux décisions[18] portant sur l’imputation des coûts des visites médicales chez le même employeur et où ces litiges identiques subissent un sort différent.
[156] Elle soutient que la seconde décision impose un fardeau de preuve excessif en exigeant une preuve d’impact sur la cotisation et une preuve d’absence de relation. Elle se demande comment justifier médicalement des visites effectuées après une consolidation sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle. Elle s’interroge sur les bases d’un tel raisonnement. Elle réitère qu’un travailleur peut certes consulter son médecin à sa guise, mais il n’est pas juste de présumer que toutes ces visites sont reliées à une lésion professionnelle et de forcer l’employeur à démontrer le contraire.
[157] Elle s’oppose donc à l’interprétation préconisée par la CSST et elle demande à la présente formation de privilégier celle mise de l’avant dans les décisions déposées.
[158] Me Lucie Guimond assure la présentation d’un autre segment de l’argumentation des employeurs. Elle traite successivement de la question des délais, de la notion de décision et du fardeau de la preuve.
[159] Les points soulevés sur la problématique des délais sont rapportés dans la rubrique pertinente et, en conséquence, celle qui suit portera sur la notion de décision et sur le fardeau de la preuve qui incombe à l’employeur.
La notion de décision et le fardeau de la preuve
[160] Me Guimond rappelle d’abord que l’article de la loi invoqué par les employeurs est le premier alinéa de l’article 326 de la loi et que toute discussion sur la proportionnalité des recours ou sur l’impact financier des demandes devient inutile dans un tel contexte.
[161] Elle rappelle également que, dans la décision statuant sur le moyen préliminaire soulevé par la CSST, la présente formation établit qu’il est pertinent de se référer aux dispositions législatives visant l’indemnisation afin de décider d’une question de financement et qu’il n’y a pas d’étanchéité entre ces deux divisions.
[162] Par ailleurs, elle remarque que la CSST ne présente aucune preuve sur le mécanisme mis en place pour recevoir les factures de la RAMQ et procéder à leur remboursement.
[163] Un agent reçoit-il des factures en papier afin de les attribuer au dossier d’expérience pertinent ? Me Guimond en doute compte tenu de la masse imposante de papier que représentent les « Relevés des prestations accordées et des sommes imputées » reçus mensuellement par les employeurs.
[164] Me Guimond ajoute que, si un tel scénario était préconisé par la CSST, l’agent responsable ne pourrait scruter toutes les factures, réfléchir sur le montant réclamé par la RAMQ, se demander si la somme est en relation avec la lésion professionnelle ou si la visite médicale vise le diagnostic reconnu ou plutôt une condition personnelle sans lien avec la lésion professionnelle. Bref, il est difficile d’imaginer une quelconque forme de contrôle des réclamations faites par la RAMQ ou encore un processus décisionnel préalable à l’imputation des sommes à l’employeur. De plus, Me Guimond souligne que, lors de la conférence préparatoire, le représentant de la CSST admettait qu’aucune décision spécifique n’est rendue en matière d’imputation des coûts relatifs aux visites médicales ou de remboursement à la RAMQ et qu’il comptait plaider, par analogie, la jurisprudence développée en vertu des articles 31 et 327 de la loi.
[165] Me Guimond en conclut que, par son silence à l’audience et par son attitude lors de la conférence préparatoire, la CSST admet qu’aucune décision n’est à l’origine de l’imputation des coûts dont les employeurs réclament le retrait de leur dossier d’expérience.
[166] Me Guimond croit donc que la facturation de la RAMQ à la CSST et le paiement fait par celle-ci à la RAMQ se font automatiquement, sans réflexion et sans consultation en vue d’obtenir l’information nécessaire à une prise de décision éclairée.
[167] Me Guimond remarque aussi qu’il est rare que le relevé par lequel l’employeur apprend que des sommes sont imputées après la date de la consolidation sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle soit émis de façon contemporaine aux dates où les visites médicales sont effectuées. Un décalage de deux ans est parfois observé, preuve qu’il existe un certain délai entre le paiement par la RAMQ et sa réclamation à la CSST.
[168] Me Guimond estime que ces délais inhérents au système doivent être pris en compte lorsque l’employeur se fait opposer que sa demande ne respecte pas un quelconque délai légal.
[169] En outre, ces délais nuisent grandement à l’obtention de la preuve exigée des employeurs. En effet, dans la plupart des décisions, la CSST refuse les demandes des employeurs en leur reprochant de ne pas avoir prouvé l’absence de relation entre la visite médicale ciblée et la lésion professionnelle. Or, comment l’employeur peut-il s’acquitter d’un si lourd fardeau lorsque, d’une part, il en est informé des années plus tard et lorsque, d’autre part, un grand nombre de ces visites médicales tardives ne sont aucunement appuyées d’un rapport médical faisant état du motif de la consultation ?
[170] Me Guimond reconnaît que l’article 201 de la loi ne crée aucune obligation envers un médecin de produire un rapport à la CSST si l’évolution de la lésion n’est pas significative. Toutefois, la production d’un rapport entraîne un paiement et il est donc très rare qu’un médecin n’émette pas de rapport lorsqu’une visite médicale vise une lésion professionnelle. L’absence de rapport dans le dossier de la CSST oriente donc vers une absence de relation entre la visite médicale en question et la lésion professionnelle.
[171] De plus, Me Guimond soutient que ce ne sont pas tous les employeurs qui jouissent des moyens de madame Leroux et qui peuvent obtenir les informations requises en consultant le dossier d’invalidité personnelle du travailleur ou en téléphonant à ce dernier. Le fardeau de preuve imposé est donc exorbitant.
[172] Me Guimond réfère ensuite aux notes provinciales élaborées par la CSST sur les questions du « Remboursement de frais après la consolidation de la lésion ou après le retour au travail » et du « Paiement et l’imputation des services professionnels de la santé après la date de consolidation ou après le retour au travail » déposées lors de l’audience sur la question préliminaire.
[173] Elle indique que celle qui concerne les soins ou les traitements prévoit une analyse des faits et des décisions rendues avant de procéder à l’imputation de ces frais. Un processus décisionnel est donc imposé en cette matière.
[174] Toutefois, la note portant sur l’imputation des services professionnels de la santé lorsque le service est rendu après la date de la consolidation de la lésion ne prévoit aucune étude ou analyse de la situation. Il est indiqué que les coûts demeurent imputés au dossier de l’employeur et qu’il lui revient de démontrer l’absence de relation selon les modalités de reconsidération prévues à l’article 365 de la loi.
[175] Pour Me Guimond, il est clair qu’aucune décision ne précède l’imputation des coûts relatifs aux visites médicales puisqu’aucune des démarches préalables à la prise d’une telle décision n’est décrite à cette note provinciale.
[176] Me Guimond dépose de même une définition[19] du terme « décision ». Elle considère qu’une décision est le fait d’un acte réfléchi d’un être humain et non le résultat d’un échange entre deux ordinateurs. Dans les présents dossiers, aucun être humain n’est saisi de la facturation de la RAMQ et n’étudie son bien-fondé eu égard à la lésion professionnelle reconnue et à la preuve médicale spécifique. La CSST se contente de rembourser la RAMQ et de verser les sommes dans les dossiers d’expérience des employeurs sans jamais s’interroger sur la relation avec la lésion professionnelle. Il n’y a donc aucun processus décisionnel précédant cette imputation.
[177] Me Guimond poursuit en traitant de la décision générale d’imputation rendue en vertu des articles 326 et 331 de la loi. Elle prétend que cette décision n’est pas une décision initiale en regard des demandes spécifiques présentées par les employeurs.
[178] Elle soutient d’abord qu’une décision doit être précédée d’une analyse sur le sujet visé par les présents litiges, à savoir l’imputation des coûts des visites médicales effectuées après la date de la consolidation de la lésion professionnelle sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[179] La décision générale d’imputation, émise de façon contemporaine à celle reconnaissant l’admissibilité d’une réclamation, ne peut, à l’évidence, porter sur le sujet précis soulevé par les employeurs.
[180] De plus, l’article 354 de la loi énonce qu’une décision doit être écrite, motivée et notifiée aux parties concernées, ce qui n’est manifestement pas le cas en ce qui a trait à l’imputation des coûts relatifs aux visites médicales survenues après la date de la consolidation de la lésion professionnelle sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle. Il n’y a, en effet, aucun écrit produit lors du remboursement de la RAMQ par la CSST. De même, aucune analyse ne précède cette démarche et aucune motivation ne transpire du geste posé par la CSST ou du relevé des prestations reçu par les employeurs. L’article 354 de la loi n’est donc pas respecté.
[181] Me Guimond dépose et commente un certain nombre de décisions[20] soutenant ses propos sur ces questions.
[182] Me Guimond concède que, dans la plupart des cas, l’employeur est informé du remboursement fait par la CSST envers la RAMQ et de l’imputation des frais relatifs aux visites médicales à son dossier d’expérience lorsqu’il reçoit mensuellement le « Relevé des prestations accordées et des sommes imputées ».
[183] Or, selon les propres prétentions de la CSST lors de l’audience sur la question préliminaire, ce relevé n’est pas une décision de la CSST, mais simplement un moyen de notifier une décision prise antérieurement à une date inconnue. La CSST reconnaît donc qu’il ne s’agit pas d’une décision au sens de la loi.
[184] De plus, un simple examen de ce document permet de constater qu’il n’est qu’un relevé informatique, émis sans réflexion et sans analyse préalables, et qui ne comporte aucune motivation apparente ou présumée. Il ne possède donc pas les attributs exigés d’une décision.
[185] La seule utilité de ce document réside dans les informations qu’il contient. Il peut également servir de point de départ au délai de trois ans prévu au Code civil du Québec. Cependant, selon Me Guimond, il ne peut faire office de décision en matière d’imputation.
[186] Par ailleurs, s’il fallait considérer, comme l’a plaidé la CSST sur la question préliminaire, que ce relevé constitue le moyen privilégié afin de notifier une décision d’imputation prise antérieurement, encore faudrait-il pouvoir obtenir, à un moment ou à un autre, la décision écrite et motivée qui précède cette notification.
[187] Pourtant, aucune telle décision n’existe et, dès lors, ce relevé ne peut être assimilé à une décision ou à la notification d’une décision. Me Guimond invoque de la jurisprudence[21] appuyant son point de vue à ce sujet.
[188] Me Guimond traite ensuite du concept de la décision implicite.
[189] Elle concède que cette notion est parfois reconnue par la Commission des lésions professionnelles en l’absence d’une décision écrite en bonne et due forme rendue par la CSST. Le tribunal infère alors de certaines notes, de certains paiements ou de l’attitude de la CSST qu’une décision implicite est rendue sur un sujet donné.
[190] Cependant, cette décision implicite émane toujours d’un être humain, et non d’un échange entre ordinateurs. De plus, les cas[22] où de telles décisions implicites sont identifiées sont particuliers. Il se dégage de la preuve disponible des éléments suffisamment précis et concordants pour conclure à l’existence d’une décision. De l’avis de Me Guimond, aucune telle preuve ne se dégage des cas sous étude.
[191] Il n’existe donc pas de décision implicite au sujet de l’imputation des coûts relatifs aux visites médicales et, en conséquence, la première décision rendue à ce sujet est celle répondant aux demandes de retrait de coûts formulées par les employeurs.
[192] Me Guimond s’attarde ensuite à commenter des décisions[23] portant sur la question de l’imputation de tels coûts afin de suggérer des pistes de solutions quant à l’interprétation à donner à divers termes et quant au courant jurisprudentiel devant être favorisé.
[193] Ainsi, elle admet que les services offerts par un professionnel de la santé sont des prestations au sens de l’article 2 de la loi. Toutefois, elle soutient qu’il n’y a pas lieu de faire une distinction entre ces services et les soins ou les traitements ou les médicaments.
[194] À cet égard, elle remarque que l’article 189 de la loi décrit ce que comprend l’assistance médicale prévue à la loi. Cet article énumère un certain nombre d’items, dont les services des professionnels de la santé, les soins ou les traitements fournis par un établissement, les médicaments et autres produits pharmaceutiques, les prothèses et les orthèses et les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes précédents.
[195] Pourtant, à l’article 212 de la loi, il n’est question que des soins ou des traitements administrés ou prescrits. Est-ce à dire que ces soins ou ces traitements excluent, par exemple, les médicaments ? Les orthèses et les prothèses ? De plus, l’expression utilisée à l’article 212 de la loi vise-t-elle les soins ou les traitements du premier ou du dernier paragraphe de l’article 189 de la loi ?
[196] Me Guimond croit que l’expression soins ou traitements de l’article 212 de la loi doit recevoir une interprétation large. Elle considère qu’elle cible tous les items prévus à l’article 189 de la loi et qu’il n’y a donc pas lieu de distinguer entre les services des professionnels de la santé et les soins ou les traitements qu’ils prescrivent ou qu’ils administrent. Ainsi, les frais relatifs aux visites médicales doivent subir le même sort que ceux relatifs aux soins et aux traitements.
[197] En outre,
Me Guimond souligne que les articles 7 et
[198] Aussi, dans ses notes provinciales, la CSST considère que les médicaments font partie des soins ou des traitements déterminés par un membre du Bureau d’évaluation médicale, même s’ils sont prévus dans un paragraphe distinct à l’article 189 de la loi.
[199] Enfin, lorsqu’une lésion est consolidée sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, la CSST retire du dossier d’expérience de l’employeur les coûts relatifs aux soins ou aux traitements qui ne sont plus requis à compter de cette consolidation, mais elle refuse de soustraire les frais relatifs à la visite médicale servant de support à ces soins ou à ces traitements. Le sort de ces frais accessoires ne devrait-il pas suivre celui réservé aux frais principaux générés par les soins et les traitements ?
[200] Me Guimond conclut de cette analyse que l’énumération retrouvée à l’article 189 de la loi ne vient d’aucune façon justifier un traitement différent des frais occasionnés par les visites médicales. L’effet combiné des articles 2, 188 et 326 de la loi devrait entraîner un retrait de ces coûts dès qu’une lésion est consolidée sans nécessité de traitements ultérieurs, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[201] Me Guimond enchaîne en citant la définition du terme « consolidation » prévue à l’article 2 de la loi. Elle remarque que la consolidation d’une lésion est soit la guérison de cette lésion, soit la stabilisation de celle-ci. La consolidation « guérison » est incompatible avec la poursuite des traitements et des visites médicales alors que la consolidation « stabilisation » peut nécessiter un suivi médical subséquent afin d’assurer le maintien de la condition.
[202] Me Guimond indique qu’il ne faut pas confondre ces deux types de consolidation. La consolidation guérison, donc sans séquelles, ne peut générer de visites médicales postérieures pour ajuster la médication ou une orthèse. Cette consolidation ferme le dossier et les coûts doivent cesser d’être imputés à l’employeur.
[203] Me Guimond est consciente du fait que, dans certaines décisions, le tribunal signale qu’une consolidation avec douleurs résiduelles peut justifier des visites médicales subséquentes. Cependant, elle invite la présente formation à donner un sens au fait que la lésion est consolidée sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle. Elle interprète ces données comme une absence de séquelles reliées à la lésion professionnelle de telle sorte que les visites médicales ultérieures ne peuvent être en relation avec celle-ci. Elle ajoute qu’un travailleur qui poursuit les visites médicales après que son médecin traitant ait consolidé sa lésion professionnelle sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle se trouve à contester indirectement l’opinion de ce médecin, ce qu’il ne peut faire en vertu de la loi.
[204] En fait, le travailleur peut consulter son médecin à son gré, le problème n’est pas là. Le problème est de savoir si l’employeur doit payer pour toutes les consultations intervenues, parfois, plusieurs années après la consolidation de la lésion professionnelle.
[205] Me Guimond discute aussi des cas de consolidation rétroactive à la suite d’un avis émis par le membre du Bureau d’évaluation médicale et ayant fait l’objet d’une décision par la CSST, initialement ou en révision administrative, ou par la Commission des lésions professionnelles, après audience ou au terme d’un accord en conciliation. Elle estime que les décisions finales à cet égard doivent être appliquées par la CSST.
[206] Ainsi, même si les soins et les traitements prodigués après la date de la consolidation déterminée par une décision finale ont pu sembler utiles et bénéfiques lorsqu’ils ont été administrés, dans la mesure où la Commission des lésions professionnelles juge que la lésion est guérie à une date antérieure et qu’ils ne sont plus requis à compter de cette date, il faut donner un effet à ce jugement.
[207] Or, la CSST retire les frais relatifs aux soins tout en maintenant l’imputation des coûts des visites médicales. Les employeurs sont en droit de se demander à quoi sert la visite médicale si le soin ou le traitement qui y est rattaché n’est plus considéré relié à la lésion professionnelle.
[208] Me Guimond conclut que tous les frais générés après la date de la consolidation d’une lésion professionnelle sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle doivent être soustraits du dossier d’expérience d’un employeur sans égard aux mécanismes ou processus ayant cours entre la RAMQ et la CSST.
[209] Si la CSST n’exerce aucun contrôle sur les frais réclamés par la RAMQ, cela ne doit pas devenir le problème des employeurs.
[210] Me Guimond termine son exposé en commentant l’affaire Société canadienne des postes et Morissette[25]. Elle analyse les faits particuliers rapportés dans ce jugement et elle conclut qu’il s’agit d’un cas d’espèce ou d’une situation exceptionnelle où la solution préconisée protège la travailleuse impliquée. Elle ne croit donc pas que ce jugement puisse être importé ou ait un impact sur les présents litiges.
L’ARGUMENTATION DE LA CSST
[211] Les représentants de la CSST, Mes De Conninck et Lajeunesse, s’opposent aux prétentions des employeurs. Ils constatent que ceux-ci revendiquent un retrait automatique des coûts des visites médicales générés après la consolidation de la lésion professionnelle, sans réflexion ou analyse, ce qui ne peut être entériné par cet organisme.
[212] Interrogés par un membre du tribunal au sujet des disparités régionales existant dans le traitement de tels dossiers, les représentants de la CSST expliquent que cet organisme, tout comme la Commission des lésions professionnelles, présente parfois des opinions divergentes d’une région à l’autre. Il n’y aurait donc pas lieu de s’en formaliser. Ils insistent cependant sur le fait que la position défendue devant la présente formation reflète celle de leur mandant.
[213] Les représentants de la CSST discutent, par la suite, du rôle de la CSST.
[214] Ils indiquent qu’elle est fiduciaire du régime de santé et de sécurité. Les objectifs de tarification sont adoptés par le conseil d’administration, dont les employeurs font partie, et la CSST doit s’assurer que ces objectifs sont respectés. La CSST doit veiller à ce que l’équité[26] entre les employeurs soit sauvegardée et à ce que les intérêts de tous les employeurs soient protégés. Ainsi, ils doivent faire en sorte que les employeurs qui ne sont pas présents à l’audience ne soient pas lésés par la décision à venir puisque ceux-ci se « verront pelleter les coûts » dont veulent se délester les requérants.
[215] L’équité signifie donc que chaque employeur paie ce qu’il doit payer.
[216] Or, à défaut d’avoir accepté une preuve sur les coûts du régime, la présente formation ne peut rendre une décision dans les présentes affaires. En effet, les représentants de la CSST rappellent que cette dernière a des besoins financiers et que la tarification vise à répartir la facture entre les employeurs au moyen de l’imputation.
[217] L’imputation est donc à la base du système de tarification et elle agit à titre d’interface entre la réparation et le financement.
[218] Ils estiment que la présente formation ne peut ignorer ou faire fi de ce qui se passe en réparation afin de statuer sur les litiges en financement et ils concluent qu’en refusant de considérer les impacts financiers des demandes des employeurs, elle occulte la partie la plus importante de son mandat.
[219] Ainsi, en raison du rejet de l’objection préliminaire formulée avant les présentes audiences et du refus de la preuve de nature financière offerte par cet organisme, les présents débats deviennent académiques.
[220] Ils signalent que, en se privant d’une telle preuve, la présente formation ne peut savoir si l’imputation des coûts des visites médicales entraîne un préjudice pour les employeurs. La présente formation ignore donc s’ils sont des personnes lésées au sens de l’article 359 de la loi et, dès lors, comme les employeurs n’ont pas fait la preuve de leur intérêt, leurs requêtes doivent être rejetées.
[221] Les représentants de la CSST considèrent qu’en l’absence de ces faits, la présente formation ne peut que rendre une décision déclaratoire, un exercice qui excède ses pouvoirs.
[222] Les représentants de la CSST ajoutent que certains extraits de la décision rendue sur la question préliminaire règlent également le débat. Ils notent que les employeurs admettent qu’ils ne s’attaquent pas au droit du travailleur de recevoir des prestations d’assistance médicale. Ils reconnaissent donc que le travailleur y avait droit et, en conséquence, les frais reliés à cette assistance médicale doivent être imputés aux dossiers d’expérience des employeurs conformément à ce qui est prévu à l’article 326 de la loi. Il est donc trop tard pour revenir sur ces admissions au stade de la décision au fond[27].
[223] Les représentants de la CSST réfèrent aussi au Règlement sur l’ajustement rétrospectif de la cotisation[28]. Ils mentionnent que l’article 12 de ce règlement énumère les sommes considérées afin de déterminer les coûts d’indemnisation d’un accident du travail. Ils remarquent que, dans cette énumération, les coûts des prestations d’assistance médicale auxquelles le travailleur a droit pour un service rendu ou pour un bien reçu doivent être pris en compte dans ce calcul.
[224] Ils en concluent que dès que le droit à l’assistance médicale du travailleur est reconnu, comme en l’espèce, les coûts doivent être considérés aux fins de la cotisation.
[225] Les représentants de la CSST réitèrent que les présents litiges visent l’imputation de sommes et non le droit aux prestations des travailleurs. Les employeurs reconnaissent le droit à l’assistance médicale en vertu de l’article 188 de la loi. Ils ne peuvent donc remettre ce droit en cause au stade de l’imputation et la présente formation siégeant dans la division du financement n’est pas le bon forum pour ce faire.
[226] De plus, les décisions rendues en financement sont susceptibles d’affecter les travailleurs et, dès lors, la présente formation doit éviter un tel résultat. Ils citent plusieurs décisions[29] où la Commission des lésions professionnelles refuse d’intervenir dans un contexte qu’ils considèrent similaire.
[227] Par ailleurs, dans l’éventualité où la présente formation ne retient pas ce raisonnement, les représentants de la CSST plaident qu’il n’y a aucun délai prévu au premier alinéa de l’article 326 de la loi puisque cet article oblige la CSST à imputer à l’employeur les coûts reliés à la lésion professionnelle et que l’employeur n’a aucune demande à formuler à cet égard[30]. Un délai n’est donc pas nécessaire dans ces circonstances. Les représentants de la CSST sont donc d’avis que permettre aux employeurs d’utiliser cet article pour revendiquer un retrait des coûts et imposer un délai pour ce faire équivaut à « torturer » le texte de la loi tout en démontrant que cette interprétation n’a aucune assise légale et doit être écartée.
[228] Ainsi, un employeur qui veut faire soustraire des coûts de son dossier d’expérience doit contester les décisions rendues en réparation et non celles visant l’imputation. C’est au terme du processus de contestation et après l’obtention d’une décision niant le droit du travailleur à l’assistance médicale que l’employeur pourra revendiquer un retrait de ces coûts de son dossier d’expérience. Cependant, un employeur ne peut se servir du premier alinéa de l’article 326 pour réclamer directement un tel retrait de coûts[31].
[229] Les représentants de la CSST considèrent donc que les décisions rendues en vertu de cet alinéa sont automatiques et qu’aucun délai, ni aucun mécanisme ne sont prévus afin de permettre à l’employeur de s’en prévaloir.
[230] Un employeur peut certes contester l’imputation des coûts dans le délai de 30 jours prescrit à la loi ou par la démonstration d’un fait essentiel, mais s’il n’agit pas, ce n’est pas par l’entremise d’une demande de retrait de coûts déposée ultérieurement qu’il peut le faire.
[231] Selon les représentants de la CSST, cela règle la problématique relative au délai.
[232] Les représentants de la CSST commentent, par la suite, les doléances des employeurs quant au fardeau de la preuve qui leur est imposé. Ils soutiennent que ceux-ci ne passent que quelques heures par mois à scruter les relevés des prestations afin d’y déceler des erreurs. On ne peut donc parler d’un fardeau administratif excessif ou exagéré.
[233] Ils ajoutent que les employeurs auraient dû soumettre une preuve d’impact financier afin de permettre à la présente formation d’évaluer les coûts ou la charge de travail générés par la position adoptée par la CSST en regard des bénéfices qu’ils en retirent. Ils remarquent qu’un fardeau administratif est inhérent à toute gestion de dossier. Or, la CSST met à la disposition des employeurs des logiciels dans le but de faciliter leur travail. Ils peuvent donc s’en servir afin d’alléger leur fardeau.
[234] De plus, ils rappellent que, lorsque madame Leroux réussit à prouver l’absence de relation entre les coûts et la lésion professionnelle, la CSST retire ces coûts de son dossier d’expérience. Elle démontre donc qu’il est possible de faire ce travail avec les outils fournis aux employeurs. Il n’y a donc pas lieu de conclure à un fardeau de la preuve exorbitant.
[235] En outre, les représentants de la CSST soulignent que le fait que cet organisme semble déléguer aux employeurs le travail de recherche et de tri des coûts constitue un certain avantage pour ces derniers. En effet, si la CSST devait scruter toute la facturation reçue de la RAMQ afin d’exclure les coûts non reliés, il faudrait qu’elle embauche des employés pour effectuer ce tri et ce suivi ce qui entraînerait des coûts additionnels pour les employeurs.
[236] Les représentants de la CSST notent que, de toute façon, l’absence d’analyse alléguée par les employeurs ou l’échange de fichiers informatiques entre la CSST et la RAMQ ne sont pas prouvés. Ils indiquent que la CSST doit gérer du volume et que, dans un tel contexte, si les médecins complètent des formulaires et utilisent un code CSST, il est plausible que cet organisme prenne pour acquis ou présume que la visite médicale est reliée à la lésion professionnelle, quitte à ce que l’employeur prouve le contraire.
[237] Ils estiment qu’il s’agit d’une saine gestion des ressources qui ne peut que profiter aux employeurs. Ainsi, même s’il se glisse quelques erreurs durant ce processus, ce n’est pas très grave compte tenu de l’imposant volume de factures traitées par la CSST.
[238] Enfin, il est juste que les employeurs assument le fardeau de la preuve. Il ne peut y avoir de retrait automatique des coûts du dossier d’expérience des employeurs. Les représentants de la CSST citent longuement une décision[32] où l’exigence d’une preuve de non-relation est jugée bien fondée et où plusieurs exemples de coûts, même si générés après la consolidation de la lésion professionnelle, sont considérés liés à cette lésion. Les représentants de la CSST demandent au tribunal de s’en inspirer aux fins de rendre les présentes décisions.
[239] Les représentants de la CSST traitent aussi des questions d’injustice et d’iniquité soulevées par les employeurs. Ils signalent que ces notions ne doivent pas être prises en compte surtout lorsque, comme en l’espèce, la CSST a été empêchée de présenter une preuve concernant le système de tarification et d’établir qu’il n’y a ni injustice, ni iniquité dans les présents dossiers.
[240] Les représentants de la CSST reviennent ensuite sur la question de la nature des litiges portés à l’attention de la présente formation.
[241] Malgré la décision sur l’objection préliminaire statuant qu’il s’agit de litiges en financement, ils soutiennent toujours que les décisions prises en matière d’assistance médicale visent l’indemnisation.
[242] Ils remarquent que les employeurs prétendent qu’il n’y a pas de décision précédant l’imputation des coûts à leur dossier d’expérience.
[243] Pourtant, selon la définition du dictionnaire déposée par ceux-ci, un acte unilatéral de l’administration constitue également une décision. L’imputation en vertu de l’article 326(1) de la loi est un automatisme, un acte unilatéral de l’administration et, donc, une décision. De plus, l’article 331 de la loi énonce clairement que les avis d’imputation sont des décisions au sens de la loi. Cela a pour effet de régler le problème. Enfin, comme l’assistance médicale relève de l’indemnisation, l’analyse de la relation est faite dans le dossier de réparation et, lorsque cette relation est reconnue, l’imputation suit automatiquement. Il n’est donc pas nécessaire de s’interroger plus longuement à ce sujet.
[244] Les représentants de la CSST répondent aussi à l’argument présenté par les employeurs qui veut que les visites médicales subissent le même sort que les soins ou les traitements lorsque la consolidation rétroagit à une date antérieure à celle prévue par le médecin qui a charge du travailleur.
[245] Ils s’opposent au fait que les coûts relatifs aux visites médicales soient confondus avec ceux découlant des soins ou des traitements. Ils allèguent que l’article 189 de la loi distingue ces deux notions et que cette distinction doit être maintenue en matière d’imputation.
[246] De plus, l’article 212 de la loi ne cible que les soins ou les traitements et, en conséquence, une décision qui fait suite à un avis du membre du Bureau d’évaluation médicale ne peut porter sur la question des visites médicales.
[247] En outre, une certaine jurisprudence se dessine visant à exclure les prescriptions de médicaments des soins ou des traitements[33]. Cela milite en faveur de la position soutenue par la CSST.
[248] De même, les représentants de la CSST sont d’avis que le jugement de la Cour d’appel dans l’affaire Société canadienne des postes et Morissette[34] empêche tout effet rétroactif de la décision faisant suite à l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale. En effet, la Cour d’appel enseigne que la capacité de la travailleuse ne peut rétroagir à une date antérieure et que cette capacité doit s’arrimer à la réalité.
[249] La CSST réfléchit d’ailleurs sur la question du retrait des coûts relatifs aux soins ou aux traitements à la lumière de l’arrêt Société canadienne des postes même si, pour le moment, ces coûts sont soustraits à compter de la date de la consolidation de la lésion professionnelle, sans nécessité de soins ou de traitements, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[250] En terminant, les représentants de la CSST affirment qu’ils sont conscients que les visites médicales effectuées après la consolidation d’une lésion professionnelle peuvent difficilement être en relation avec celle-ci.
[251] Toutefois, comme les prestations sont reçues avec droit par les travailleurs, les coûts qui en découlent doivent être imputés aux employeurs en vertu du premier alinéa de l’article 326 de la loi.
LA RÉPLIQUE DES EMPLOYEURS
[252] Les employeurs répondent aux propos tenus par la CSST. Ils indiquent qu’ils n’ont jamais admis que les prestations étaient reçues avec droit, mais bien que les litiges dont était saisie la présente formation ne concernaient pas les droits des travailleurs. Ils constatent que les représentants de la CSST n’acceptent pas les décisions rendues sur la question préliminaire ou sur la non-pertinence de la preuve de nature financière et qu’ils essaient de les remettre en cause dans le cadre de leur argumentation.
[253] De plus, la CSST change une fois de plus de position eu égard à ce qu’elle plaide lors de la question préliminaire. Elle soutient alors qu’il y a une décision implicite sur l’imputation, notifiée par le relevé des prestations et assortie d’un délai de contestation de 30 jours alors que, maintenant, elle est plutôt d’avis qu’il n’y a plus de délai et que l’article 326 (1) de la loi ne peut être utilisé pour obtenir un retrait des coûts.
[254] Les employeurs s’étonnent également de la prétention de la CSST quant à leur absence d’intérêt et quant à la nécessité de faire une preuve de nature financière pour démontrer cet intérêt. Ils remarquent que, en 2011, 38 décisions sont rendues sur la question de l’imputation du coût des visites médicales et que la CSST n’invoque jamais ce manque d’intérêt, même lorsqu’elle intervient au dossier.
[255] Les employeurs indiquent aussi que les représentants de la CSST déforment les témoignages de mesdames Dupras et Leroux et ils invitent la présente formation à s’en remettre aux propos tenus par celles-ci et non aux interprétations erronées offertes par ces représentants.
[256] Ils ajoutent que l’affaire Société canadienne des postes est un cas d’espèce inapplicable aux présents litiges. En outre, ils notent que la CSST n’a aucunement changé ses façons de faire depuis cette décision, preuve qu’elle n’y voit pas un enseignement convenant à toutes les situations.
[257] Enfin, les employeurs soutiennent que le débat est loin d’être académique. Des questions de droit sont soulevées eu égard aux faits de chacun des dossiers et les employeurs réclament des réponses tant sur l’interprétation à donner aux diverses dispositions législatives pertinentes que dans les dossiers particuliers portés à l’attention de la présente formation.
[258] Les employeurs affirment qu’ils ne veulent surtout pas « pelleter » les coûts au fonds général. Ils ne veulent qu’assumer ce qu’ils doivent, sans plus.
[259] Par ailleurs, si les coûts relèvent de la RAMQ, ils doivent y retourner et être défrayés par cet organisme.
LA RÉPLIQUE DE LA CSST
[260] Les représentants de la CSST répondent sur différents points, dont le retour des coûts à la RAMQ. Ils rappellent que les présents litiges visent l’imputation et que si cette imputation ne peut être faite aux dossiers d’expérience particuliers des employeurs, elle doit être versée au fonds général et être supportée par tous les employeurs.
[261] Par ailleurs, le 16 septembre 2011, les représentants de la CSST adressent au tribunal une lettre par laquelle ils désirent informer la présente formation d’un jugement rendu par la Cour supérieure le 7 septembre 2011 dans l’affaire Automobiles Jalbert inc. c. Commission des lésions professionnelles[35] et, plus particulièrement, de l’extrait suivant qui, disent-ils, « est pertinent aux fins de la résolution des présents litiges » :
[172] Au surplus, le Tribunal est d’avis que la CLP-2 a décidé raisonnablement en concluant qu’il n’y a aucun motif raisonnable permettant de croire que la LATMP s’applique différemment en division de la prévention et de l’indemnisation des lésions professionnelles qu’en division du financement. La LATMP s’applique de façon uniforme, peu importe la division qui est visée. Le législateur n’a aucunement prévu, quelle que soit la division concernée, d’accorder un statut particulier à une mutuelle de prévention.
[262] Cela met fin aux représentations des parties.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[263] Les litiges dont est saisie la présente formation soulèvent plusieurs interrogations qui peuvent être exposées comme suit :
1) Les employeurs ont-il un intérêt à contester les décisions rendues dans les présents dossiers ? Le débat est-il devenu académique et conduit-il la présente formation à rendre une décision purement déclaratoire sans effet utile ?
2) Le premier alinéa de l’article 326 de la loi peut-il être utilisé par les employeurs afin de requérir le retrait des coûts relatifs aux visites médicales effectuées après la consolidation d’une lésion professionnelle sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle ?
3) Dans l’éventualité où cet article peut servir à cette fin, l’action des employeurs est-elle sujette à un délai ? Et, si oui, lequel ? Existe-t-il une décision préalable portant sur l’imputation des coûts des visites médicales qu’il est possible de contester selon les délais légaux ou dont il est possible de demander la reconsidération ? Le délai de prescription édicté au Code civil du Québec peut-il être appliqué à titre supplétif ?
4) Les coûts relatifs aux visites médicales effectuées après la consolidation d’une lésion professionnelle sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle doivent-ils être imputés aux dossiers d’expérience des employeurs en vertu de l’article 326 de la loi et quel est le fardeau de la preuve devant être assumé par ces derniers en cette matière ?
[264] La présente formation compte donc répondre à ces questions avant de statuer de façon plus spécifique sur chacun des dossiers portés à son attention.
L’intérêt des employeurs et le caractère académique des litiges
[265] La CSST soulève l’absence d’intérêt des employeurs et le caractère académique du présent débat.
[266] Dans un premier temps, la présente formation signale qu’elle s’est déjà prononcée sur la nature des recours formés par les employeurs. Il convient de se référer au passage pertinent de la décision rendue sur la question préliminaire soulevée par la CSST[36] :
[98] Les recours formés à la suite de décisions rendues en application de ces chapitres de la loi relèvent donc de la division du financement et, en fait, dans les présents litiges, ils n’impliquent aucunement les travailleurs. Il n’existe donc aucun recours formé à l’encontre de décisions reconnaissant des droits à ces derniers.
[99] Ainsi, afin de statuer sur les recours formés par les employeurs, la présente formation devra examiner le contexte juridique dans lequel s’inscrit l’imputation du coût d’une prestation. Cette démarche impliquera l’analyse des dispositions pertinentes de la loi sans pour autant modifier l’objet du litige. La présente formation ne se prononcera pas sur le droit à l’assistance médicale pour déterminer si l’employeur doit être ou non imputé de certains coûts puisque cette question n’est ni soulevée, ni tranchée dans les décisions contestées. La présente formation serait d’ailleurs malavisée de se prononcer sur un tel sujet puisqu’il n'a jamais été débattu antérieurement13.
__________________
13 Blanchette et
Durivage Multi-Marques inc. C.A.L.P.
[267] Dans cette décision, la présente formation a également statué comme suit sur la notion d’intérêt :
[108] En effet, la notion d’intérêt a été interprétée à quelques reprises par la Commission des lésions professionnelles.
[109] Ainsi, dans l’affaire Groupe Pro-B inc. et Bergeron18, le tribunal indique que, pour être considérée comme une partie intéressée à un litige, une personne doit, à l’évidence, avoir un intérêt dans celui-ci. Cet intérêt se mesure en fonction du préjudice qu’elle peut subir en regard de la nature de la décision contestée.
[110] Dans l’affaire Le Monde des Athlètes et Cyr19, la Commission des lésions professionnelles précise que, pour être lésée selon la loi, les intérêts d’une personne doivent être affectés par une décision. La Commission des lésions professionnelles ajoute que c’est le préjudice subi par cette personne qui lui confère l’intérêt nécessaire pour contester une décision.
[111] Dans la décision Centre de santé et de services sociaux de Rimouski-Neigette c. CLP20, la Cour supérieure énonce que la Commission des lésions professionnelles n’a compétence pour intervenir que dans les cas où la personne qui se croit lésée aura fait la preuve d’un préjudice auquel la décision finale pourra remédier de façon effective.
[112] Enfin, dans l’affaire Prieur et Sûreté du Québec21, la Commission des lésions professionnelles déclare qu’une décision rendue en matière d’imputation n’est pas de nature à léser un travailleur puisque son seul impact est d’influencer la cotisation d’un employeur et non de retirer des droits au travailleur.
[113] Il ressort de ces décisions que l’intérêt d’une personne doit être évalué selon le préjudice subi par celle-ci en raison de la décision rendue.
___________________
18
19 C.L.P.
20
21 C.L.P.
[268] De même, dans plusieurs autres décisions[37], la Commission des lésions professionnelles analyse cette question de l’intérêt d’une partie à soumettre une contestation et elle reprend avec approbation les propos tenus précédemment.
[269] Ainsi, la Commission des lésions professionnelles indique que l’intérêt d’une partie se mesure en fonction du préjudice qu’elle subit en raison de la décision contestée. Ce préjudice n’est pas que d’ordre pécuniaire. Il englobe d’autres facettes des droits reconnus aux justiciables. De plus, la Commission des lésions professionnelles établit que le tribunal ne peut se saisir d’un recours purement théorique et rendre une décision déclaratoire. Sa décision doit avoir un effet utile et remédier à un litige toujours actuel et à une situation factuelle bien réelle. Enfin, le tribunal doit faire preuve d’une grande prudence avant de rejeter une requête au motif d’absence d’intérêt. Il doit bien s’assurer qu’il ne subsiste plus aucun tel intérêt et que toute preuve présentée serait inutile.
[270] À la lumière de ces enseignements, la présente formation doit déterminer si les employeurs sont des personnes lésées au sens de l’article 359 de la loi. Il doit aussi décider si les débats sont devenus académiques, faute par les employeurs d’avoir contesté le droit aux prestations d’assistance médicale reconnu aux travailleurs.
[271] Afin de statuer sur l’intérêt à contester des employeurs et sur leur qualité de « personnes lésées », la présente formation croit opportun d’examiner d’abord la nature des décisions attaquées par ces derniers.
[272] La présente formation constate que les recours formés par les employeurs visent le retrait de certains coûts de leur dossier d’expérience. Plus particulièrement, il s’agit de ceux reliés aux visites médicales effectuées par un travailleur après la consolidation de sa lésion professionnelle sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[273] Dans toutes les décisions contestées, la CSST se prononce sur le maintien de l’imputation des coûts de ces visites médicales aux dossiers d’expérience de ces derniers.
[274] Toutes ces décisions sont rendues en application de l’article 326 de la loi, lequel édicte le principe général d’imputation des coûts reliés à un accident du travail. Cet article fait partie du chapitre IX de la loi. Or, en vertu des dispositions de ce chapitre, la CSST perçoit des employeurs les sommes requises afin de financer le régime d’indemnisation des travailleurs. L’imputation des coûts fait partie de cette démarche en ce sens que les coûts imputés aux dossiers d’expérience des employeurs font partie des paramètres utilisés par la CSST afin d’établir la part d’un employeur dans le financement de ce régime.
[275] Donc, selon ces dispositions, toute imputation du coût d’une prestation est susceptible d’influencer le dossier d’expérience d’un employeur et, au final, sa cotisation.
[276] Dès lors, il y a lieu de conclure que les décisions rendues en application du chapitre IX de la loi ont un impact sur le dossier d’expérience d’un employeur et que ce dernier a donc un intérêt apparent à les contester. Ainsi, lorsque le tribunal vient modifier une décision rendue par la CSST et qu’il retire des coûts du dossier d’expérience d’un employeur, cela fait en sorte que les coûts pris en compte dans l’établissement de sa part dans le financement du régime s’en trouvent réduits ce qui, en bout de piste, ne peut qu’avoir un effet bénéfique sur sa cotisation.
[277] De plus, madame Tremblay de la CSST souligne que cet organisme agit comme un assureur public. La CSST pourvoit à ses besoins financiers en cotisant les employeurs. Elle détermine le montant de cette cotisation en fonction des coûts imputés à leurs dossiers. L’imputation influence donc la cotisation et, en conséquence, les employeurs ont un intérêt à voir certains coûts retirés de leur dossier d’expérience.
[278] Aussi, dans une décision récente rendue dans l’affaire Multi-Marques inc.[38], la Commission des lésions professionnelles en arrive également à la conclusion que l’imputation d’un coût a un impact sur la cotisation. Elle est alors saisie d’un litige portant sur un avis de cotisation émis par la CSST à la suite de l’imputation des coûts relatifs à l’assistance médicale. La Commission des lésions professionnelles analyse le Règlement sur l'ajustement rétrospectif de la cotisation[39] et elle indique que les articles 9 à 12 de ce règlement déterminent la marche à suivre afin de calculer la cotisation d’un employeur. La Commission des lésions professionnelles constate qu’en vertu de l’article 11 de ce règlement, l’ensemble des coûts reliés à un accident du travail est pris en considération afin de déterminer la cotisation. Cela inclut évidemment ceux reliés à une visite médicale. La Commission des lésions professionnelles en conclut que la CSST ne peut cotiser un employeur s’il n’est pas d’abord imputé du coût des prestations qui fait varier cette cotisation. Ainsi, l’opération d’imputer à un employeur les coûts relatifs aux prestations d’assistance médicale est essentielle et obligatoire à la cotisation et elle doit précéder la transmission d’un nouvel avis de cotisation.
[279] Cette affaire démontre donc la connexité entre l’imputation des coûts et la cotisation des employeurs et elle milite en faveur de la reconnaissance d’un intérêt pour ces derniers à voir la présente formation disposer des présents litiges dans le sens qu’ils revendiquent.
[280] La présente formation rappelle également que, dans le cadre de son témoignage, madame Tremblay de la CSST précise que les employeurs au régime rétrospectif, dont font partie les requérants, assument 35 % de la cotisation totale de la CSST. Elle souligne que ce mode de tarification est très réactif puisque la cotisation est basée sur les coûts réels générés par ceux-ci.
[281] Ainsi, toute imputation est susceptible d’entraîner un impact financier dans le dossier d’expérience d’un employeur, ne serait-ce qu’en lui faisant atteindre plus rapidement ou dépasser la limite choisie par celui-ci. Dans ce contexte, si un employeur considère que cette imputation est non fondée, il doit pouvoir la contester. C’est d’ailleurs, le sens des démarches entreprises par les employeurs dans les présents dossiers.
[282] Il ressort de cette analyse que, lors de l’exercice d’un recours par un employeur visant à remettre en cause l’imputation d’un coût à son dossier d’expérience, la présente formation peut difficilement conclure qu’il n’est pas une personne lésée et qu’il s’agit là d’une question théorique. L’intérêt des employeurs dans ce genre de litiges peut raisonnablement être établi dans ces circonstances.
[283] Il serait, par ailleurs, contraire à une bonne administration de la justice d’exiger des employeurs une preuve actuarielle afin de démontrer l’impact particulier de chacune des sommes imputées à son dossier d’expérience. En effet, ces sommes sont cumulées et elles sont prises en compte dans l’établissement de la prime payable par l’employeur et dans le calcul de sa cotisation. Ces éléments suffisent à prouver le préjudice qu’il subit et son intérêt à contester. En outre, le fait que le montant récupéré par l’employeur soit ou non important est sans incidence puisque la loi n’assujettit plus le droit de contester à un seuil minimal. Il s’agit, entre autres, d’un des motifs justifiant le refus de la présente formation d’entendre la preuve de nature financière offerte par les parties.
[284] Les recours formés par les employeurs ne sont donc pas purement théoriques. Les employeurs s’avèrent des « personnes lésées » et ils ont un intérêt bien réel à soumettre les présents litiges à la Commission des lésions professionnelles.
[285] Dans un deuxième temps, le fait qu’un employeur ne remette pas en cause le droit d’un travailleur de consulter un médecin ne l’empêche pas de revendiquer le retrait du coût d’une telle consultation.
[286] En effet, comme la présente formation l’a déjà souligné, les recours dont elle est saisie portent sur l’imputation des coûts des visites médicales et non sur le droit du travailleur d’effectuer une telle visite.
[287] La présente formation a donc considéré que les travailleurs n’avaient aucun intérêt dans le litige portant sur l’imputation des coûts des visites médicales. Ceux-ci consultent leur médecin sans se soucier qui, de la CSST ou de la RAMQ, assumera les coûts de cette visite.
[288] Par ailleurs, la CSST n’autorise pas chacune de ces visites et l’employeur n’est pas informé de ces consultations avant qu’elles aient lieu. L’employeur est plutôt placé devant le fait accompli. Lorsqu’il s’adresse à la CSST afin d’obtenir un retrait de ces coûts, le travailleur a déjà consulté son médecin et la facturation de cette visite est chose du passé et ne l’implique nullement. Elle a été faite envers la RAMQ qui en a réclamé le remboursement à la CSST qui, elle, l’a défrayée sans aucune participation de l’employeur et sans même qu’il soit avisé de ces tractations inter-organismes. L’employeur ne peut donc s’y opposer à l’époque pertinente aux débours.
[289] Dès lors, la présente formation ne peut exiger de l’employeur d’avoir, au préalable, exprimé son désaccord quant au droit du travailleur de recevoir une telle prestation. En effet, une telle exigence cadre mal avec la preuve prépondérante reçue par la présente formation. En fait, elle peut difficilement se concevoir puisque l’employeur n’est pas informé de la visite médicale controversée de façon contemporaine à la date à laquelle ce service est fourni au travailleur.
[290] Ainsi, un délai de parfois plus de deux ans sépare le moment où ce service est rendu et le moment où l’employeur en prend connaissance en consultant son « Relevé des prestations accordées et des sommes imputées » ou les données informatiques fournies par la CSST. Il est donc impossible pour ce dernier de contester le bien-fondé de ce service en temps opportun. De plus, les employeurs reconnaissent qu’un travailleur conserve toujours son droit de consulter un médecin, même après la consolidation d’une lésion professionnelle. C’est l’imputation à leur dossier d’expérience des coûts de cette visite qui est contestée, et non l’exercice d’un tel droit.
[291] Or, à la suite d’une visite médicale, le médecin facture la RAMQ, laquelle réclame ultérieurement le montant à la CSST. Sur réception de cette demande et après le paiement à la RAMQ, la CSST impute ce coût au dossier d’expérience de l’employeur sans analyser la relation entre cette visite et l’accident du travail.
[292] La CSST procède donc par automatisme ce qui, selon elle, se justifie par le volume de factures traitées. Pourtant, cette imputation a un effet sur le dossier d’expérience de l’employeur, tout comme les autres décisions en cette matière, puisqu’elle vient, soit accélérer l’atteinte de la limite choisie, soit hausser les coûts considérés lors du calcul de la cotisation. Les employeurs ont donc un intérêt réel à la remettre en cause.
[293] Enfin, la présente formation n’a aucune raison de traiter les présents litiges différemment des autres contestations déposées selon le chapitre IX de la loi. En effet, dans les litiges initiés en vertu des articles 327, 328 ou 329 de la loi, le tribunal ne requiert pas de l’employeur qu’il démontre d’abord un impact sur sa cotisation avant de l’entendre.
[294] Le même raisonnement s’applique lorsque la Commission des lésions professionnelles est saisie d’une contestation quant au droit du travailleur de recevoir une prestation prévue à la loi. Le tribunal ne requiert pas de l’employeur qu’il établisse préalablement son intérêt par une preuve d’impact financier avant de lui permettre de faire des représentations.
[295] Pour l’ensemble de ces motifs, la présente formation conclut que les employeurs ont un intérêt à soumettre leurs recours, qu’ils sont des personnes susceptibles d’être lésées par les décisions rendues par la CSST, que la présente formation peut apporter des solutions concrètes aux problèmes soulevés et que les présents débats sont donc loin d’être académiques.
[296] La présente formation poursuivra donc sa réflexion en s’interrogeant sur le fondement juridique permettant aux employeurs de soumettre une demande de retrait des coûts relatifs aux visites médicales effectuées après la consolidation de la lésion professionnelle sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
Le fondement juridique de l’action des employeurs
[297] La CSST plaide que les employeurs ne peuvent demander le retrait de certains coûts en se basant sur le premier alinéa de l’article 326 de la loi puisqu’il est impératif.
[298] Cet article exige, lorsqu’il y a eu un déboursé pour des fins d’indemnisation d’un travailleur, comme c’est le cas dans les présents dossiers, que la CSST impute ce coût au dossier d’expérience de l’employeur. Les employeurs ne peuvent donc recourir à cette même disposition pour demander le retrait de ces coûts.
[299] La CSST reconnaît faire certaines erreurs en ce domaine, mais l’ensemble des employeurs les assument et, en somme, «ce n’est pas si grave».
[300] Par conséquent, si un employeur particulier, comme c’est le cas dans les dossiers qui nous sont soumis, constate une erreur, il lui appartient de démontrer cette erreur.
[301] Le litige soumis ici présente plusieurs similitudes avec la situation présentée à la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Roland Boulanger & Cie et CSST[40], décision dans laquelle il était question d’une demande faite en vertu de l’article 327 de la loi.
[302] Dans cette affaire, la Commission des lésions professionnelles retient, d’abord, qu’étant donné les termes de l’article 327 de la loi, aucune procédure de demande à la CSST n’y est prévue. La CSST doit imputer les coûts aux employeurs de toutes les unités lorsqu’elle est confrontée à une des situations décrites à cet article.
[303] Or, la Commission des lésions professionnelles constate que cela n’est pas toujours fait et, dans le but de corriger cette lacune, elle conclut qu’un employeur peut tout de même porter à l’attention de la CSST une des deux situations prévues à cette disposition et lui demander de retirer les coûts de son dossier d’expérience et de les imputer aux employeurs de toutes les unités si cette dernière fait défaut d’agir.
[304] Aux paragraphes 53 et suivants de la décision, la Commission des lésions professionnelles justifie juridiquement sa position:
[53] La Commission des lésions professionnelles est consciente que la façon de procéder ne répond pas littéralement au texte de la Loi puisque l’article 327 ne prévoit pas la possibilité de faire une demande. Cependant, à l’évidence, elle vient pallier une lacune dans le processus d’analyse qui doit être fait par la CSST pour répondre aux impératifs de l’article 327. Pour les membres du présent Tribunal, le raisonnement adopté par la Commission des lésions professionnelles quant aux demandes invoquant l’article 327 est en conformité avec l’esprit de la Loi et les principes qui caractérisent la justice administrative, à savoir la souplesse, l’accessibilité et la célérité.
[54] Sur cet aspect, le Tribunal juge approprié de rappeler certains propos tenus par le professeur Yves Ouellette dans son ouvrage traitant des tribunaux administratifs au Canada10 sur le rôle des tribunaux administratifs :
[…]
Les tribunaux administratifs de révision ne se cantonnent pas dans la simple annulation des décisions initiales de l’Administration; ils statuent en lieu et place de l’Administration et exercent de façon judiciaire un contrôle à caractère hiérarchique qui répond aux attentes impatientes des simples mortels qui recherchent plus qu’une victoire morale, l’annulation d’une décision, mais une réponse concrète à leur démarche.
[…]
[55] C’est l’une des conclusions à laquelle en arrive le professeur Ouellet après une analyse détaillée des principes de procédure, de preuve et de décision applicables à différents tribunaux administratifs canadiens ainsi qu’une analyse des éléments communs au mode de fonctionnement des différents tribunaux administratifs canadiens, dont ceux agissant en appel de décisions initiales ou dans un processus de novo. De l’avis du Tribunal, la Commission des lésions professionnelles n’échappe pas à cette analyse. Cette conclusion du professeur Ouellet fait appel à la compétence exclusive de la Commission des lésions professionnelles et les pouvoirs qu’elle possède pour exercer pleinement cette compétence et ce, en harmonie avec les principes qui caractérisent la justice administrative.
[56] Rappelons d’ailleurs que la compétence exclusive de la Commission des lésions professionnelles est déterminée à l’article 369 de la Loi :
369. La Commission des lésions professionnelles statue, à l'exclusion de tout autre tribunal:
1° sur les recours formés en vertu des articles 359, 359.1, 450 et 451;
2° sur les recours formés en vertu des
articles
__________
1985, c. 6, a. 369; 1997, c. 27, a. 24.
[57] De façon plus spécifique, les recours formés en regard de l’article 359 et qui ont trait au financement sont entendus par la division du financement11.
[58] Quant aux pouvoirs donnés à la Commission des lésions professionnelles pour qu’elle exerce pleinement sa compétence exclusive, ils sont prévus à l’article 377 de la Loi :
377. La Commission des lésions professionnelles a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence.
Elle peut confirmer, modifier ou infirmer la décision, l'ordre ou l'ordonnance contesté et, s'il y a lieu, rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, à son avis, aurait dû être rendu en premier lieu.
__________
1985, c. 6, a. 377; 1997, c. 27, a. 24.
[59] Ainsi, en tenant compte du contexte préalablement décrit et des outils mis à sa disposition, la Commission des lésions professionnelles possède tous les moyens nécessaires pour apporter une réponse concrète à la démarche des employeurs.
_____________________
10 Y. OUELLETTE, Les tribunaux administratifs au Canada, Les Éditions Thémis, 1997, page 541.
11 Articles 370 et 371 de la Loi.
[305] La présente formation estime que ce raisonnement est tout aussi applicable dans les cas qui nous occupent.
[306] En effet, tout comme l’article 327 de la loi, l’article 326 est clair. Les coûts des prestations dues en raison d’un accident du travail doivent être imputés à l’employeur.
[307] Toutefois, dans la perspective où, comme dans les présents dossiers, les employeurs, lors de leurs vérifications, croient que le coût d’une prestation n’aurait pas dû être imputé parce que la prestation n’est pas due «en raison de» l’accident du travail en cause, la présente formation doit permettre une façon de procéder qui vient pallier une lacune dans le processus d’analyse[41] qui doit être fait par la CSST.
[308] Encore ici, les principes qui caractérisent la justice administrative, particulièrement la souplesse, commandent une solution quoique celle-ci ne réponde pas littéralement au texte de la loi.
[309] La présente formation est donc d’avis que les employeurs peuvent présenter des demandes de retrait des coûts des visites médicales en se basant sur le premier alinéa de l’article 326 de la loi.
[310] La présente formation se demandera donc si un délai encadre l’action des employeurs en vertu de cet article.
La notion de décision et le délai pour soumettre une demande de retrait des coûts
[311] La présente formation doit déterminer s’il existe un délai afin de soumettre une demande de retrait des coûts des visites médicales des dossiers d’expérience des employeurs. Or, avant de répondre à cette interrogation, la présente formation doit d’abord établir s’il existe une décision de la CSST, explicite ou implicite, traitant de ce sujet particulier afin de pouvoir statuer sur la disposition législative applicable en l’espèce.
[312] En effet, selon la réponse apportée à cette question, le délai de contestation peut varier considérablement.
[313] Ainsi, s’agit-il de celui prévu à l’article 365 de la loi comme le soutient la CSST en révision administrative, ou encore celui mentionné au Règlement sur la nouvelle détermination de l’imputation comme le mentionne la CSST dans ses décisions initiales, ou encore les délais usuels de contestation prévus aux articles 358 et 359 de la loi, ou sinon le délai de prescription de trois ans énoncé au Code Civil ?
[314] Les employeurs soutiennent qu’aucune décision n’est rendue sur la question des coûts des visites médicales et qu’aucun délai n’est prévu au premier alinéa de l’article 326 de la loi. Ils considèrent donc que les délais d’appel de la loi ou ceux édictés afin de demander la reconsidération d’une décision ne sont pas applicables. Cependant, ils plaident que la présente formation pourrait appliquer le délai de trois ans du Code civil.
[315] La présente formation constate d’abord que, dans tous les dossiers de réclamation pour un accident du travail, la CSST émet un avis général d’imputation de façon contemporaine à sa décision d’admissibilité. Toutefois, un tel avis n’est pas nécessairement déposé dans les dossiers qui se retrouvent devant la Commission des lésions professionnelles. C’est d’ailleurs la situation qui prévaut dans les présents dossiers.
[316] Il y a donc lieu de se demander si un tel avis peut constituer la décision initiale sur l’imputation des coûts des visites médicales.
[317] Dans l’affaire Roland Boulanger & Cie et la CSST[42], la Commission des lésions professionnelles conclut que les décisions générales d’imputation n’impliquent aucune analyse minimale permettant de considérer qu’elles couvrent la situation prévue à l’article 327 de la loi. La Commission des lésions professionnelles juge donc que ces avis ne constituent pas des décisions initiales en regard de cette disposition.
[318] Dans l’affaire Abattoir Colbex inc.[43], la Commission des lésions professionnelles retient le même raisonnement au sujet des demandes présentées en vertu du deuxième alinéa de l’article 328 de la loi.
[319] La Commission des lésions professionnelles en arrive à la même conclusion dans l’affaire Émondage St-Germain & Frères Ltée et CSST[44]. Elle rappelle qu’afin de conclure à l’existence d’une décision au sens de la loi, celle-ci doit non seulement être écrite et notifiée, mais elle doit également être motivée. Elle souligne que l’absence d’une telle décision et, de surcroît, l’absence de tout avis d’imputation au dossier l’empêchent de statuer que cet avis émis de concert avec la décision d’admissibilité vise autre chose qu’une imputation automatique des coûts au dossier d’expérience de l’employeur.
[320] Il appert de l’analyse de la jurisprudence que l’avis général d’imputation ne saurait constituer la décision initiale portant sur l’imputation des coûts des visites médicales effectuées après la consolidation d’une lésion professionnelle.
[321] En effet, cet avis ne comporte pas les éléments de motivation essentiels permettant de le qualifier de décision au sens de la loi. Il ne révèle aucune analyse préalable sur ce sujet précis. Il s’avère plutôt un automatisme visant à informer l’employeur que les coûts de la lésion professionnelle acceptée par cet organisme lui seront imputés.
[322] Dans la mesure où cet avis général d’imputation ne constitue pas une décision, à tout le moins sur la question en litige, à savoir l’imputation du coût des visites médicales effectuées après la consolidation de la lésion professionnelle sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, il convient de se demander si le « Relevé des prestations accordées et des sommes imputées » est assimilable à une telle décision.
[323] Or, la Commission des lésions professionnelles détermine, à plusieurs occasions[45], qu’un relevé informatique mensuel des coûts, émis de façon automatique, contenant des dizaines d’informations sur de multiples dossiers et ne comportant aucun des éléments prescrits aux articles 354 et 355 de la loi ne peut être assimilé à une décision au sens de la loi. Elle considère que la réponse de la CSST à la demande déposée par un employeur au sujet de l’imputation des coûts de certaines visites médicales constitue la première et la seule décision motivée sur cette question.
[324] Certes, la Commission des lésions professionnelles a aussi statué, à quelques reprises[46], que les « Relevés des sommes imputées » portant sur la base salariale d’un travailleur peuvent être assimilés à une décision. La Commission des lésions professionnelles souligne alors que, même s’il s’agit de décisions imprécises et incomplètes, l’employeur peut soumettre une demande de révision dans un délai de trente jours de la notification d’un tel relevé. Ce dernier raisonnement est cependant moins répandu et il vise l’indemnisation et non le financement.
[325] Or, en matière de financement, la tendance majoritaire observée est de refuser d’assimiler le « Relevé des prestations accordées et des sommes imputées » à une décision au sens de la loi.
[326] Appliquant ces principes aux cas en l’espèce, la présente formation note d’abord que la CSST n’offre aucune preuve sur la question de l’existence d’une décision portant sur l’imputation des coûts des visites médicales ou sur la forme que prendrait une telle décision. Elle se contente de mentionner que l’avis général d’imputation est une décision au sens de la loi.
[327] Par contre, à la conférence préparatoire et lors de la présentation du moyen préliminaire, elle plaide que la décision est prise au moment du remboursement de la visite médicale à la RAMQ et que cette décision est notifiée lorsque l’employeur reçoit le « Relevé des prestations accordées et des sommes imputées ».
[328] Effectivement, dans certains dossiers dont la présente formation est saisie, il existe un « Relevé des prestations accordées et des sommes imputées » et les employeurs formulent une demande de retrait des coûts lorsqu’ils réalisent, à la lumière de ce relevé ou de comparaisons faites entre deux relevés, que des coûts additionnels générés après la consolidation de la lésion professionnelle sont portés à leur dossier d’expérience.
[329] Toutefois, dans d’autres dossiers, le litige débute par une demande de retrait de coûts à la suite de vérifications effectuées à l’aide des données informatiques fournies par la CSST.
[330] Lorsqu’un « Relevé des prestations accordées et des sommes imputées » est à l’origine de la démarche d’un employeur, la présente formation constate que celui-ci est transmis mensuellement à l’employeur et il fait état des sommes inscrites à son dossier d’expérience, pour une période spécifique, pour chacun des travailleurs victimes d’une lésion professionnelle.
[331] À titre d’exemple, dans l’un des dossiers en cause[47], la CSST impute à l’employeur des frais d’assistance médicale. Elle précise qu’il s’agit de consultations et d’actes médicaux effectués les 5 janvier et 16 février 2007 pour un total de 122,25 $. Le document sur lequel figure cette information porte la date du 8 septembre 2009. Il est donc émis plus de deux ans après les consultations et les actes médicaux concernés. Il contient le nom de la travailleuse, le numéro du dossier, le numéro d’assurance-sociale, la date de l’accident et le siège de lésion. Il ne comporte aucune mention quant à sa qualité de décision ou quant aux droits et modalités de contestation. Ce document n’est accompagné d’aucun rapport médical à l’appui des coûts imputés et il ne précise d’aucune façon le motif de la visite médicale dont l’employeur doit supporter les coûts.
[332] Aussi, dans la plupart des dossiers, il y a absence de rapport médical ou d’autre document de nature médicale permettant de préciser le motif de la visite. En outre, le nombre de relevés reçus par un employeur varie en fonction du volume des réclamations, cette masse pouvant atteindre plusieurs pouces d’épaisseur.
[333] Ainsi, à
la suite de l’analyse de la jurisprudence et des faits particuliers mis en
preuve, la présente formation estime que ces relevés informatiques ne
constituent pas des décisions au sens de la loi. Ces derniers ne rencontrent
pas les exigences édictées aux articles 354 et 355 de la loi, ni celles
imposées à la CSST en vertu de l’article
[334] Ils sont émis sans réflexion ou analyse préalables, et les coûts des visites médicales qui y sont imputés ne sont que le reflet des factures remboursées automatiquement à la RAMQ sans que personne ne s’interroge sur le bien-fondé de celles-ci.
[335] L’avis général d’imputation, tout comme le relevé informatique mensuel, ne constituent donc pas des décisions au sens de la loi, à tout le moins sur la question du coût des visites médicales.
[336] La présente formation est donc d’avis qu’aucune décision spécifique visant l’imputation des coûts des visites médicales effectuées après la consolidation de la lésion professionnelle n’est rendue par la CSST avant que les employeurs formulent leurs demandes de retrait de ces coûts de leur dossier d’expérience.
[337] Les employeurs ne peuvent donc demander la révision ou en appeler d’une telle décision selon ce qui est prévu aux articles 358 et 359 de la loi. De plus, il ne peut y avoir une reconsidération de cette décision au sens de l’article 365 de la loi ou une nouvelle détermination de l’imputation au sens du règlement prévu à cette fin, puisque ces deux textes de loi exigent l’existence d’une décision préalable.
[338] La présente formation ajoute que l’article 365 de la loi ne peut s’appliquer aux présents litiges puisque cette disposition ne peut être invoquée en matière de financement. Cet article n’est donc d’aucun secours à la CSST et il ne peut servir de fondement au rejet des demandes des employeurs.
[339] Il reste donc à s’interroger sur le délai de prescription prévu au Code civil du Québec.
[340] Le Code civil du Québec peut être utilisé à titre supplétif lorsque la loi particulière est muette sur un sujet donné.
[341] Il est donc opportun de statuer sur l’application du délai général de prescription qu’il édicte puisqu’aucun délai spécifique n’encadre l’action des employeurs en vertu du premier alinéa de l’article 326 de la loi et que la présente formation croit qu’un tel délai doit être imposé afin d’éviter les actions tardives. Le Code civil du Québec peut donc venir combler le vide laissé par le législateur.
[342] L’article
[343] Ici, les employeurs recherchent la reconnaissance d’un droit personnel, soit le retrait de coûts de leur dossier d’expérience et, en l’absence de délai prescrit dans la loi qui nous occupe, celui de trois ans décrit au Code civil peut être utilisé à titre supplétif.
[344] La Commission des lésions professionnelles en est d’ailleurs venue à cette conclusion dans
l’affaire Polane Excavation[49]. Appelée à se
prononcer sur le délai régissant la demande de retrait des coûts relatifs aux
visites médicales formulée par l’employeur, la Commission des lésions professionnelles décide « que le délai général de prescription
de trois ans établi par le droit commun en vertu de l’article
[345] Il y a cependant lieu de s’interroger sur le point de départ de ce délai. Dans l’affaire CARRA c. Turbide[50], la Cour d’appel du Québec enseigne que, pour appliquer ce délai, une décision préalable n’est pas indispensable. La Cour précise que le point de départ de ce délai est le jour où le titulaire du droit possède toutes les données nécessaires pour agir.
[346] Ce point de départ est donc une question de faits. Il varie selon les informations reçues par l’employeur et selon le moment où il détient ou aurait dû détenir toutes les données lui permettant de déterminer si la CSST est, ou non, justifiée de lui imputer le coût d’une visite médicale alors que la lésion professionnelle est consolidée sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[347] La preuve démontre que l’employeur dispose parfois de ces informations en consultant les éléments se trouvant au système informatique de la CSST ou encore en analysant un ou plusieurs relevés informatiques transmis mensuellement par la CSST et en effectuant certaines vérifications au dossier du travailleur. Le délai de trois ans commence donc à courir lorsque l’employeur réussit ou aurait dû réussir à colliger ces informations.
[348] La recevabilité des demandes des employeurs sera donc évaluée à la lumière de ces principes, lorsque le refus porte spécifiquement sur une question de délai.
[349] Toutefois,
la présente formation ne compte pas soulever cette question d’office. En effet,
l’article
[350] La présente formation compte donc maintenant entrer dans le vif du sujet et traiter de l’interprétation à donner aux termes retrouvés au premier alinéa de l’article 326 de la loi et du fardeau de la preuve devant être assumé par les employeurs.
Les coûts relatifs aux visites médicales et le fardeau de la preuve
Décision du tribunal
[351] Dans l’ensemble des litiges dont elle est saisie, la présente formation doit déterminer si les coûts relatifs aux visites médicales générés après la date de la consolidation d’une lésion professionnelle, sans nécessité de traitements additionnels, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, doivent ou non être imputés au dossier d’expérience de l’employeur.
[352] Or, la présente formation n’a pu en arriver à un consensus sur ce point particulier et, en conséquence, l’opinion qui suit reflète celle de la majorité, à savoir les juges administratifs Daniel Martin et Carmen Racine (le tribunal).
[353] Les employeurs invoquent donc, au soutien de leurs demandes, l’article 326 de la loi et ils soutiennent que les coûts des visites médicales générés après la date de la consolidation d’une lésion professionnelle, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, ne peuvent être imputés à leurs dossiers d’expérience en vertu de cet article.
[354] Le principe général en matière d’imputation des coûts est effectivement énoncé à l’article 326 de la loi. Il édicte ce qui suit :
326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.
L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.
__________
1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.
[355] La CSST doit donc, conformément à cet article, imputer le coût des prestations découlant d’un accident du travail au dossier d’expérience de l’employeur du travailleur victime de cet accident.
[356] L’article 326 de la loi réfère au concept de « prestation ». Ce terme est défini à l’article 2 de la loi. Cette définition se lit ainsi :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« prestation » : une indemnité versée en argent, une assistance financière ou un service fourni en vertu de la présente loi;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
[357] Les articles 188 et 189 de la loi traitent de l’assistance médicale. Ils prévoient que le travailleur a droit à l’assistance médicale que requiert son état en raison de la lésion professionnelle et ils énumèrent ce que le législateur entend couvrir par ce terme. Il y est écrit :
188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.
__________
1985, c. 6, a. 188.
189. L'assistance médicale consiste en ce qui suit :
1° les services de professionnels de la santé;
2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);
3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;
4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes et des tissus et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;
5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.
__________
1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166; 2009, c. 30, a. 58.
[358] Le tribunal constate que la seule lésion professionnelle visée par l’article 326 de la loi est l’accident du travail et c’est donc uniquement dans le cadre d’une telle lésion professionnelle que cet article peut être invoqué par les employeurs afin de requérir le retrait de certains coûts de leur dossier d’expérience.
[359] De même, il ressort des articles de loi cités précédemment que les frais relatifs aux visites médicales effectuées à la suite et en raison d’une lésion professionnelle constituent des prestations au sens de l’article 2 de la loi. Cette conclusion fait l’objet d’un consensus dans la jurisprudence, peu importe le courant adopté.
[360] Dès lors, l’effet combiné des articles 2, 188, 189 et 326 de la loi permet assurément au tribunal de conclure que les coûts reliés aux services d’un professionnel de la santé font partie des risques assurés et qu’ils doivent être imputés au dossier d’expérience de l’employeur, mais seulement lorsqu’ils sont dus en raison d’un accident du travail.
[361] Maintenant le tribunal remarque que l’article 189 de la loi énumère divers éléments constituant l’assistance médicale à laquelle le travailleur a droit en raison de sa lésion professionnelle.
[362] Ce sont les services de professionnels de la santé, les soins ou les traitements fournis par un établissement, les médicaments et les autres produits pharmaceutiques, les prothèses ou les orthèses et les soins, les traitements, les aides techniques et les frais autres que ceux décrits dans les paragraphes précédents.
[363] Le législateur distingue donc les services des professionnels de la santé des soins ou des traitements, à tout le moins en ce qui concerne la loi qui nous occupe.
[364] De plus, la
notion de soins ou de traitements réfère à une réalité certes complémentaire,
mais différente de la fourniture des services des professionnels de la santé. Ainsi,
selon l’article
[365] De même, selon le sens ordinaire de ces termes, le mot « soins » renvoie aux « moyens par lesquels on s’efforce de rendre la santé à un malade »[52] alors que le traitement est l’ « ensemble des moyens mis en œuvre pour guérir ou soulager une maladie, des symptômes »[53]. Ces expressions présupposent donc l’existence d’un problème de santé auquel le médecin désire remédier. Or, une consultation médicale peut avoir lieu de façon préventive ou afin de faire le point sur son état de santé sans qu’il en résulte des soins ou des traitements.
[366] Il n’y a donc pas lieu de confondre les services d’un professionnel de la santé et les soins ou les traitements prescrits ou prodigués par celui-ci.
[367] Le tribunal ne peut donc retenir les prétentions des employeurs à cet égard. Il ne peut conclure que, en vertu des dispositions législatives pertinentes et du sens commun de ces termes, les visites médicales ne sont que les accessoires ou le véhicule par lequel les soins ou les traitements sont prodigués par un professionnel de la santé, bien que le tribunal concède qu’il est difficile de concevoir en quelle occasion un travailleur pourra consulter son médecin sans rechercher un soin ou un traitement dans le contexte d’une lésion professionnelle. Le tribunal approuve donc le courant jurisprudentiel développé à ce sujet et illustré, plus particulièrement, dans les décisions mentionnées à l’annexe 2 de la présente décision.
[368] Ceci étant dit, le problème qui se pose dans les présents dossiers reste entier.
[369] En effet, ce n’est pas parce que les services d’un professionnel de la santé se distinguent des soins ou des traitements que ces deux entités doivent subir un sort différent lorsqu’il est question d’imputation de coûts en vertu du premier alinéa de l’article 326 de la loi.
[370] À cet égard, le tribunal constate que, selon l’article 2 de la loi, un accident du travail se définit comme suit :
« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
[371] Un accident du travail débute donc avec l’événement imprévu et soudain qui génère la lésion professionnelle.
[372] La lésion découlant de l’événement fait l’objet d’un suivi médical et de soins ou de traitements dans le but d’atteindre, ultimement, la consolidation de celle-ci.
[373] L’article 2 de la loi énonce ce que le législateur entend par la consolidation d’une lésion. Il indique :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« consolidation » : la guérison ou la stabilisation d'une lésion professionnelle à la suite de laquelle aucune amélioration de l'état de santé du travailleur victime de cette lésion n'est prévisible;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
[374] La consolidation au sens de la loi vise donc deux concepts bien distincts, soit la guérison d’une lésion OU la stabilisation de celle-ci, à savoir l’atteinte d’un état stable au-delà duquel aucune amélioration de l’état de santé n’est prévisible.
[375] En effet, l’utilisation de la conjonction « ou » exprime une alternative entre ces deux notions, et non un cumul de celles-ci, de telle sorte que la non-amélioration de l’état s’adresse à la stabilisation et non à la guérison de la lésion.
[376] De plus, le sens ordinaire des mots « guérison » et « guérir » oriente vers un rétablissement total et complet du travailleur et vers une absence de séquelles résultant de la lésion :
« guérison » : Disparition complète d’un mal physique ou moral.[54]
« guérir » : Délivrer d’un mal physique ou moral. Recouvrer la santé. Disparaître, cesser en parlant d’une maladie.[55]
[377] Les dictionnaires médicaux offrent des définitions similaires. À titre d’exemple, dans le Dictionnaire de médecine[56], il est écrit que la guérison est le « retour à l’état de santé antérieur à la maladie ou à la blessure » et il est aussi précisé que « en matière d’accident de travail ou de maladie professionnelle, la délivrance d’un certificat de guérison exclut la détermination d’un taux d’invalidité ».
[378] Une lésion professionnelle peut donc se solder par une guérison ou par une stabilisation de l’état du travailleur.
[379] La guérison n’est certes pas décrite à la loi, comme l’est le concept de stabilisation, mais il ressort du sens usuel de ce terme qu’il y a disparition complète du problème de santé affligeant le travailleur.
[380] Dès lors, une lésion consolidée parce que guérie ne génère pas d’atteinte permanente ou de limitations fonctionnelles et ne nécessite pas de soins ou de traitements additionnels.
[381] Tout au contraire, la lésion consolidée parce que stabilisée oriente vers la reconnaissance de séquelles permanentes et de limitations fonctionnelles et vers la nécessité de soins ou de traitements dans le but de maintenir, au besoin, l’état stable acquis au terme des traitements actifs.
[382] Le suivi médical amorcé à la suite d’un accident du travail se termine donc par l’une ou l’autre des consolidations prévues par le législateur.
[383] Maintenant, les conséquences médicales d’une lésion professionnelle, à savoir le diagnostic, la date de la consolidation, la nécessité des soins ou des traitements, l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles, peuvent être déterminées par le médecin qui a charge du travailleur ou à la suite d’une procédure d’évaluation médicale et des décisions qui en découlent.
[384] Les conclusions d’ordre médical et les décisions rendues englobent donc une plus vaste réalité que la simple question de la non-nécessité des soins ou des traitements. Elles visent plutôt l’ensemble des conséquences médicales d’une lésion professionnelle.
[385] Or, la preuve prépondérante révèle que, lorsqu’une lésion professionnelle est consolidée sans nécessité de traitements additionnels, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, que ce soit en raison d’un rapport final émis par le médecin traitant ou que ce soit en raison de décisions rendues à ce sujet, la CSST retire du dossier d’expérience de l’employeur les coûts relatifs aux soins ou aux traitements générés au-delà de la date de la consolidation. Elle soustrait également de ce dossier les frais de déplacement encourus pour se rendre chez le médecin ou pour recevoir ces soins ou ces traitements, elle détermine que la capacité de travail est acquise à compter de la date de la consolidation d’une telle lésion et elle met fin au droit à l’indemnité de remplacement du revenu à cette date.
[386] Pourtant, elle refuse de soustraire les coûts relatifs aux visites médicales puisque rien ne prévoit la fin du droit à l’assistance médicale et que les décisions portant sur les soins ou les traitements ne visent pas les visites médicales.
[387] Le tribunal ne peut retenir une telle argumentation. Le droit à l’assistance médicale est, selon l’article 188 de la loi, intimement lié à la lésion professionnelle puisque cette assistance cible l’état de santé découlant de cette lésion et qu’elle doit être prodiguée uniquement en raison de celle-ci.
[388] Le rétablissement du travailleur par la guérison de sa lésion rend donc cette assistance inutile. De plus, lorsque qu’une lésion est consolidée sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, la CSST retire du dossier d’expérience de l’employeur les coûts relatifs aux soins ou aux traitements ainsi que les frais de déplacement générés pour recevoir ces soins ou ces traitements parce qu’elle considère que l’effet du rapport final émis ou des décisions rendues est de nier toute relation entre ces coûts et la lésion professionnelle. Le tribunal s’explique donc mal comment la visite médicale effectuée pour recevoir ces soins ou ces traitements peut demeurer reliée à cette lésion.
[389] Par ailleurs, une revue exhaustive des décisions énumérées à l’annexe I de la présente décision permet au tribunal de constater que, dans la presque totalité de ces décisions, ce n’est pas uniquement en raison de la non-nécessité des soins ou des traitements ou en raison d’une confusion entre les soins et les traitements et les visites médicales que la Commission des lésions professionnelles accepte de retirer les coûts relatifs à ces visites du dossier d’expérience d’un employeur.
[390] C’est plutôt l’analyse globale de l’effet d’une consolidation sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle qui conduit ces juges à conclure à une guérison totale de la lésion professionnelle.
[391] Ces juges infèrent de cette preuve que les services de professionnels de la santé ou que les soins ou les traitements postérieurs à cette consolidation ne sont plus requis par l’état du travailleur en raison de la lésion professionnelle puisque celle-ci est guérie et ne produit plus d’effets médicaux. Ces prestations ne sont donc plus dues en raison de l’accident du travail et, dès lors, les coûts relatifs à celles-ci ne peuvent plus être imputés en vertu de l’article 326 de la loi.
[392] Le fait que les services de professionnels de la santé soient distincts des soins et des traitements n’a aucune incidence sur ce raisonnement, car il n’est pas basé sur la non-nécessité des soins ou des traitements émanant d’un rapport final émis par un médecin traitant ou d’un avis rendu par le membre du Bureau d’évaluation médicale, mais bien sur l’ensemble des conséquences médicales finales résultant de la lésion professionnelle.
[393] La problématique jurisprudentielle ne provient donc pas d’une confusion entre ces deux concepts, mais plutôt de la divergence au sujet du fardeau de la preuve imposé aux employeurs afin de conclure que les prestations ne sont plus dues en raison de l’accident du travail et de procéder au retrait des coûts qu’ils réclament.
[394] En effet, tous les décideurs recherchent l’absence de relation entre les coûts des visites médicales en litige et l’accident du travail, puisque le premier alinéa de l’article 326 impose l’imputation de tels coûts lorsque la relation est reconnue, mais la preuve qu’ils exigent afin d’en arriver à une telle conclusion diffère selon le courant jurisprudentiel privilégié.
[395] Or, il est faux de prétendre, comme le plaide la CSST, que les employeurs revendiquent un retrait « automatique » de ces coûts ou, encore, que les juges administratifs favorisant le courant jurisprudentiel largement majoritaire font preuve d’automatisme sans égard à la preuve disponible.
[396] Ces juges sont, au contraire, bien au fait de la preuve qui, dans tous les cas, démontre l’existence d’une lésion consolidée, sans nécessité de traitements supplémentaires, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle. Ils estiment que cette preuve suffit pour déterminer que les coûts des services de professionnels de la santé engendrés postérieurement à cette détermination ne sont plus dus « en raison de l’accident du travail ». Ils exigent donc d’avoir en main une telle preuve avant de procéder au retrait des coûts du dossier d’expérience de l’employeur. On ne saurait donc parler d’automatisme dans un tel contexte.
[397] La plupart des juges administratifs prônant le courant jurisprudentiel minoritaire recherchent, à l’instar de la CSST, une preuve additionnelle de non-relation. Ils exigent de l’employeur une preuve spécifique d’absence de relation entre les coûts dont il demande le retrait et la lésion professionnelle.
[398] Or, la preuve prépondérante, sinon unique, reçue dans les dossiers portés à l’attention du tribunal lui permet de conclure qu’un tel fardeau de preuve est trop lourd et, souvent, impossible à respecter.
[399] En effet, la preuve révèle que tous les coûts des visites médicales, qu’elles soient, ou non, reliées à une lésion professionnelle, sont d’abord facturés à la RAMQ. Cet organisme devrait, en principe, faire le tri des factures et retourner à la CSST celles relatives à des lésions professionnelles. De son côté, la CSST devrait, toujours en principe, vérifier si les factures reçues de la RAMQ visent des lésions professionnelles et en imputer les coûts aux employeurs concernés.
[400] Pourtant, dans son argumentation à l’audience, la CSST reconnaît qu’une telle vérification n’a pas lieu en raison du volume des factures reçues de la RAMQ. La CSST rembourse donc la RAMQ, elle impute l’employeur et elle lui laisse le soin de lui démontrer que ces coûts ne doivent pas lui être imputés en exigeant une preuve spécifique d’absence de relation.
[401] Le tribunal constate donc que la CSST ne s’assure pas de la pertinence des frais réclamés avant de rembourser la RAMQ et d’imputer ces coûts aux employeurs. Une telle absence de vérification explique l’imputation aux dossiers d’expérience des employeurs de coûts relevant du régime public d’assurance maladie.
[402] Ainsi, madame Leroux témoigne de cas bien concrets où des coûts reliés à des maladies personnelles avérées sont imputés au dossier d’expérience de l’employeur, même après que ce dernier ait avisé la CSST de cette problématique.
[403] Madame Leroux relève également un pourcentage considérable d’erreurs commises dans ses dossiers alors qu’elle gère un nombre assez restreint de réclamations.
[404] Les erreurs en cette matière ne semblent donc pas des cas isolés. Il s’agit plutôt de réalités auxquelles les employeurs sont confrontés. Or, ceux-ci n’ont aucune emprise sur les méthodes utilisées par la CSST afin de filtrer les coûts.
[405] En fait, la CSST semble plutôt se reposer sur les employeurs et sur les démarches qu’ils entreprennent pour ce faire. Le tribunal estime que, en agissant ainsi, la CSST demande aux employeurs de faire le travail qui lui est dévolu. Une telle « délégation » commande, à tout le moins, une certaine souplesse dans le fardeau de la preuve imposé à ces derniers. Or, celui recherché par la CSST dans certaines directions régionales, à savoir une preuve spécifique d’absence de relation, n’est pas réaliste.
[406] En effet, les coûts relatifs aux visites médicales sont souvent imputés au dossier d’expérience d’un employeur plusieurs années après la date de la visite, parfois lorsque la RAMQ fait une mise à jour de ses dossiers[57]. De plus, il arrive qu’aucun rapport médical ne soit émis en regard de celle-ci.
[407] L’employeur apprend donc, plusieurs années plus tard, qu’une visite médicale a eu lieu et il ignore tout des motifs de celle-ci puisqu’aucun rapport médical n’est produit à l’appui de cette visite.
[408] Le tribunal peine à voir comment l’employeur peut démontrer que cette visite médicale particulière n’est pas reliée à la lésion professionnelle autrement qu’en établissant que cette lésion est consolidée sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle et que, dans un tel contexte, les visites médicales postérieures à cette consolidation ne peuvent être effectuées en raison de cette lésion.
[409] Il est vrai que madame Leroux réussit à faire cette démonstration en appelant les travailleurs pour s’enquérir des motifs de la visite médicale ou encore en consultant les documents confidentiels se trouvant dans leur dossier d’assurance invalidité.
[410] Or, d’une part, cet avantage de gérer deux régimes d’indemnisation n’est pas donné à tous les employeurs.
[411] Ces régimes sont habituellement étanches et l’employeur ne peut donc puiser au dossier d’invalidité l’information relative au motif d’une visite médicale particulière.
[412] D’autre part, les bris de confidentialité que génère une telle méthode ne sont pas souhaitables et ils ne doivent pas être recherchés ou encouragés par la Commission des lésions professionnelles. L’imposition d’un fardeau de preuve moins lourd apparaît un moindre mal que les incursions inopportunes dans le dossier confidentiel d’un travailleur dans le but de respecter un fardeau de la preuve qui s’avère exorbitant dans les circonstances.
[413] Le tribunal est donc d’avis que le fardeau de preuve que doit respecter l’employeur se limite à démontrer que la lésion découlant de l’accident du travail est consolidée sans nécessité de traitements additionnels, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle et que des coûts générés après cette date de consolidation sont imputés à son dossier d’expérience.
[414] Comme l’exprimait avec justesse la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Rampes-Alumi-Fibre inc.[58], la consolidation sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle signifie la guérison de la lésion et la fin de l’indemnisation de la part de la CSST. Elle écrit :
[37] Comme la lésion du travailleur était consolidée le 9 mars 2004 sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles, on doit donc considérer qu’elle était guérie à cette date, référant en cela à la définition de la notion de consolidation prévue à l’article 2 de la Loi : […]
[38] La consolidation peut en effet signifier une guérison ou une stabilisation de l’état de santé d’un travailleur. La stabilisation surviendra lorsque des séquelles permanentes demeurent. Le travailleur atteindra un plateau à partir duquel son état ne s’améliorera plus. On parlera donc de consolidation-stabilisation avec séquelles permanentes. Cependant, lorsqu’il n’y a pas d’atteinte permanente ni de limitations fonctionnelles, on doit donc conclure que le travailleur ne garde aucune séquelle de sa lésion et qu’elle est par conséquent guérie. Par le fait même, une lésion guérie ne donne plus droit à une indemnisation de la part de la CSST.
[415] Le courant jurisprudentiel minoritaire s’oppose certes à cette interprétation. Dans certaines décisions, les juges administratifs soutiennent que diverses raisons peuvent expliquer des consultations médicales postérieures à la consolidation d’une lésion professionnelle sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[416] Ils parlent de consultations pour des douleurs chroniques, d’obtention d’un nouveau plan de traitements, de traitements additionnels prescrits, de recommandation de poursuivre les modalités thérapeutiques, d’ajustement de prothèses ou d’orthèses, de travailleurs porteurs d’une atteinte permanente infra-barème devant consulter en raison de douleurs toujours présentes, de travailleurs consultant leur médecin pour faire remplir des formulaires, de travailleurs se présentant chez un dentiste afin de faire ajuster une prothèse dentaire, de travailleurs recevant des traitements de soutien afin d’être maintenus en emploi, de travailleurs voulant s’assurer que leur état n’a pas évolué, de travailleurs désirant savoir s’ils conservent une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles, de travailleurs désirant se faire confirmer l’atteinte d’un plateau thérapeutique ou l’échec des traitements proposés ou encore de travailleurs consultant en raison d’une récidive, rechute ou aggravation éventuelle.
[417] Le tribunal remarque cependant que, dans aucun des dossiers concernés, ces situations de faits hypothétiques ne sont démontrées. Or, la Commission des lésions professionnelles ne peut rejeter une demande en se basant sur des faits non prouvés.
[418] De plus, comme mentionné précédemment, il ne s’agit pas de procéder à un retrait de coûts automatique sans égard aux faits particuliers du dossier présenté au tribunal.
[419] Ainsi, si le dossier révèle que, malgré la consolidation de la lésion professionnelle sans nécessité de soins ou de traitements, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, le travailleur souffre toujours de douleurs chroniques, que ces douleurs sont reconnues et indemnisées par la CSST puisque reliées à la lésion professionnelle et que ce dernier consulte son médecin pour faire ajuster sa médication, le tribunal ne pourra faire autrement que de conclure que cette visite médicale constitue une prestation due en raison de l’accident du travail dont les coûts doivent être imputés à l’employeur.
[420] Il en est de même des autres hypothèses soulevées.
[421] Bien qu’il soit peu probable, voire impossible, qu’une lésion consolidée sans nécessité de traitements additionnels génère des visites médicales afin d’ajuster de tels traitements ou de revoir le plan de traitements ou de prescrire des traitements additionnels ou des traitements de soutien ou de se faire confirmer l’atteinte d’un plateau thérapeutique ou l’échec des traitements proposés, s’il s’avère que, dans le dossier particulier porté à l’attention du tribunal, ces traitements supplémentaires prescrits sont acceptés par la CSST et administrés en raison de la lésion professionnelle, les coûts relatifs à ces visites médicales devront demeurer imputés au dossier d’expérience de l’employeur.
[422] En outre, bien que le tribunal ait quelques difficultés à imaginer une telle situation lorsque la lésion est consolidée sans nécessité de traitements supplémentaires, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, si des prothèses ou des orthèses sont prescrites et qu’elles sont défrayées par la CSST, la visite médicale générée après la date de la consolidation de la lésion afin d’ajuster une telle prothèse ou une telle orthèse sera considérée reliée à cette lésion.
[423] Quant à la récidive, rechute ou aggravation, il s’agit d’une lésion professionnelle différente de celle reconnue à l’origine et qui obéit à ses propres règles. Ainsi, si cette lésion est acceptée par la CSST, les visites médicales qui ont permis d’en établir l’existence seront évidemment reliées à cette lésion et les coûts en seront imputés au dossier d’expérience de l’employeur selon les règles applicables en cette matière. Une récidive, rechute ou aggravation non prouvée ou non acceptée ou hypothétique ne peut cependant justifier le maintien des coûts des visites médicales effectuées après la guérison d’une lésion professionnelle.
[424] Donc, même si la consolidation d’une lésion sans nécessité de traitements additionnels, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle emporte généralement la fin de l’indemnisation et l’arrêt de l’imputation des coûts au dossier d’expérience de l’employeur, les faits particuliers d’un dossier peuvent amener le tribunal à conclure autrement. Ces faits doivent toutefois être prouvés, le refus ne pouvant être basé sur des situations hypothétiques non démontrées.
[425] Maintenant, le tribunal remarque que la consolidation sans nécessité de soins ou de traitements, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle peut être déterminée à la suite d’un rapport émis par le médecin traitant ou à la suite de décisions rendues au terme d’un processus d’évaluation médicale.
[426] Ces deux façons de faire commandent-elles des solutions différentes lorsque vient le temps de statuer sur les demandes de retrait de coûts faites par les employeurs ?
[427] Le tribunal considère que non, le raisonnement étant identique, sans égard à la façon dont la consolidation est acquise.
[428] En effet, lorsque le médecin traitant émet un rapport final sur lequel il consolide la lésion sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle ou lorsque, sans émettre un rapport final sur le formulaire prévu à cette fin, il inscrit que le travailleur peut reprendre son travail sans restrictions, il met fin aux conséquences médicales de la lésion professionnelle à cette date.
[429] Dès lors, les visites médicales subséquentes ne peuvent être reliées à cette lésion. De plus, comme le plaident les employeurs, permettre au travailleur de consulter son médecin en raison de sa lésion professionnelle, alors que ce dernier a déjà décidé que la lésion est consolidée, qu’elle ne nécessite plus de soins et qu’il n’en découle aucune atteinte permanente ou limitation fonctionnelle, équivaut à lui permettre de contrer l’opinion de ce médecin, un exercice interdit en vertu de la loi.
[430] Par ailleurs, lorsque la consolidation est décrétée à la suite d’un avis émis par le membre du Bureau d’évaluation médicale et au terme de décisions rendues par la CSST ou par la Commission des lésions professionnelles, après audience ou en vertu d’une entente en conciliation entérinée par le tribunal, il arrive qu’il n’y ait pas coïncidence entre le moment où la lésion est consolidée, le moment où il est déterminé qu’il ne résulte aucune atteinte permanente ni limitation fonctionnelle et le moment où des décisions sont rendues à cet égard. Il arrive aussi qu’une décision modifie rétroactivement la date de la consolidation et la situe à une date antérieure à celle retenue précédemment.
[431] Or, durant ces intervalles, des visites médicales sont effectuées et des soins sont prodigués. Qu’advient-il des coûts relatifs à ceux-ci ?
[432] La preuve démontre que la CSST retire du dossier d’expérience de l’employeur les coûts reliés aux soins ou aux traitements ou aux frais de déplacement générés après la consolidation de la lésion professionnelle sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, mais elle laisse au dossier d’expérience de l’employeur les coûts engendrés par les visites médicales.
[433] De l’avis du tribunal, ces coûts doivent également être soustraits du dossier d’expérience de l’employeur. Dans l’affaire Rampes Alumi-Fibres inc.[59], la Commission des lésions professionnelles explique bien pourquoi ces coûts doivent subir le même sort. Elle indique ce qui suit à ce sujet :
[39] Dans un système idéal, les décisions sur les concepts médicaux ou juridiques contenus à la Loi devraient être rendues le jour même de leur survenance. Un pareil système idéal ne peut pas, bien entendu, exister dans la réalité.
[40] Ainsi, une date de consolidation sera souvent définitivement déterminée avant que la question de l’atteinte permanente ou des limitations fonctionnelles ne soit fixée, comme en l’espèce. La CSST maintiendra entre-temps le versement de l’indemnité de remplacement du revenu et l’octroi de soins requis par le travailleur.
[41] Si plus tard la lésion est déclarée exempte d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles, on cessera alors l’indemnité et l’octroi des soins sans en exiger le remboursement du travailleur.
[42] Cependant, légalement, le constat postérieur de l’absence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles rétroagit à la date de consolidation de sorte que l’on doit constater qu’après une consolidation sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles, aucune autre indemnité ne devrait être versée par la suite. Dans un système idéal où les décisions seraient rendues de façon instantanée, aucun argent ne serait déboursé après la date de consolidation. Dans notre système où les délais sont encourus notamment par l’exigence d’un rapport complémentaire et par les délais de renvoi au Bureau d’évaluation médicale, la solution à un problème vient souvent plusieurs mois plus tard. Ceci ne devrait pas avoir pour effet de pénaliser un employeur en imputant à son dossier des sommes qui n’auraient jamais dû être versées n’eut été les délais administratifs encourus en vertu de la Loi.
[43] Ainsi, si le membre du Bureau d’évaluation médicale avait vu le travailleur le jour même de la consolidation, aucune somme n’aurait été octroyée par la suite et le tribunal estime que l’employeur n’a pas à payer pour le versement de ces sommes, […]
[Nos soulignements]
[434] La Commission des lésions professionnelles tient des propos similaires dans la décision Ambulances St-Amour de Lanaudière[60] :
[28] L’employeur ne doit pas non plus être imputé de ces frais parce qu’il a exercé des droits qui lui sont accordés par la Loi; il s’est prévalu de la procédure médicale prévue à la Loi, et lorsque la lésion professionnelle est consolidée sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles, donc avec une capacité de retour au travail, le dossier se termine à ce moment, sans quoi le principe même de la consolidation d’une lésion perdrait tout son sens. La travailleuse avait le droit à son tour de se prévaloir de ses droits de contestation, ce qu’elle n’a pas fait; la décision est alors devenue finale et doit être exécutée.
[Nos soulignements]
[435] De plus, dans l’affaire Mittal Canada Lachine inc.[61], la Commission des lésions professionnelles estime qu’une décision consolidant une lésion professionnelle sans nécessité de traitements additionnels, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle a pour effet juridique de nier toute relation entre les visites médicales postérieures à la date de la consolidation et cette lésion. Elle note :
[38] Le fait de déclarer que l’employeur n’a pas à être imputé du coût des prestations reliées aux visites médicales postérieures à la consolidation ne constitue pas une négation du droit du travailleur de continuer à consulter son médecin.
[39] D’ailleurs, en l’espèce, la consolidation de la lésion au 18 juillet 2006 découle d’une décision ayant un effet rétroactif puisqu’au moment où les consultations ont été effectuées, la décision de la Commission des lésions professionnelles entérinant l’accord n’avait pas été rendue.
[40] Toutefois, par l’effet de cette dernière et en l’absence de preuve contraire, le tribunal se doit de conclure que ces visites, quoique semblant justifiées du point de vue médical, tant aux yeux du travailleur que des médecins consultés, ne sont tout de même pas juridiquement reliées à la lésion professionnelle selon la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles, le 11 avril 2007.
[41] L’employeur ayant contesté la décision de la CSST faisant suite à l’avis du Bureau d’évaluation médicale en ce qui a trait à la date de consolidation de la lésion et la nécessité et la durée des soins et traitements, il est en droit de bénéficier des conséquences juridiques de la décision rendue à ce sujet et par conséquent d’obtenir que ces visites médicales postérieures à la consolidation de la lésion ne soient pas imputées à son dossier financier.
[Nos soulignements]
[436] Enfin, dans une décision récente[62], la Commission des lésions professionnelles fait une revue des deux courants jurisprudentiels ayant cours à la Commission des lésions professionnelles et des arguments qui sous-tendent l’un et l’autre. Elle retient le courant majoritaire et elle justifie ce choix, entre autres, par l’effet juridique des décisions statuant sur les conséquences médicales d’une lésion professionnelle. Elle indique ce qui suit à ce sujet :
[24] La soussignée souscrit toujours à l’interprétation retenue par le premier courant non seulement parce qu’elle est majoritaire, mais également en raison des motifs qui soutiennent cette approche.
[25] Dans un cas comme en l’espèce, conclure autrement aurait pour effet de nier une décision finale de la Commission des lésions professionnelles qui vient faire rétroagir la date de consolidation et qui consolide la lésion, sans nécessité de traitements, sans atteinte permanente et sans limitation fonctionnelle.
[26] Il est vrai qu’il ne faut pas conclure par automatisme et qu’il y a peut-être certaines circonstances où les visites demeurent en relation avec la lésion professionnelle. Toutefois, en général dans de telles situations, l’effet de cette décision finale implique que les visites médicales postérieures à la date de consolidation ne sont pas des prestations dues en raison de l’accident du travail.
[27] Certes, ces visites médicales étaient initialement reliées à la lésion professionnelle d’ailleurs, tout comme les traitements reçus alors. Dans le présent dossier, les visites postérieures au 24 avril 2009 sont pour la grande majorité des consultations auprès du Dr Pontbriand, médecin traitant de la travailleuse, pour le suivi de la lésion professionnelle, et ce, jusqu’à ce qu’il produise son rapport d’évaluation médicale le 11 février 2010.
[28] Cependant, lorsqu’une décision finale a pour effet de faire rétroagir la date de consolidation, la fin des traitements, de capacité et de fin des indemnités, dans le cas évidemment d’une lésion consolidée sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, il est difficile de conclure que les frais d’assistance médicale relatifs aux visites médicales sont toujours dus en raison de la lésion professionnelle.
[29] Prenons un exemple dans le présent dossier. Le 2 juin 2009, la travailleuse consulte le Dr Pontbriand en raison de son entorse au poignet droit. Celui-ci maintient la prescription d’ergothérapie et d’acupuncture. À la suite de la décision de la Commission des lésions professionnelles déclarant la lésion professionnelle consolidée au 24 avril 2009, sans nécessité de traitements supplémentaires, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, la CSST retire du dossier de l’employeur les coûts des traitements reçus par la travailleuse.
[30] Pourquoi le coût de la visite médicale au cours de laquelle les traitements en question sont prescrits demeure-t-il un coût relié à la lésion professionnelle ?
[31] Dans Industries Plastique Transco ltée, la Commission des lésions professionnelles fait une distinction basée sur l’article 212 de la loi au motif que les services des professionnels de la santé ne sont pas un élément prévu à cette disposition pouvant faire l’objet de la procédure d’évaluation médicale :
[54] Il faut certes donner un effet juridique à une décision finale statuant sur la date de consolidation de la lésion et la nécessité ou durée des soins et traitements. Toutefois, le tribunal est d’avis qu’une telle décision a une portée limitée. Elle ne peut inclure les services de professionnels de la santé puisqu’il ne s’agit pas là d’un élément pouvant faire l’objet d’une procédure d’évaluation médicale, aux termes des articles 199 et suivants de la loi. Seuls les éléments prévus à l’article 212 de la loi peuvent faire l’objet de cette procédure. En d’autres termes, une conclusion prononcée sur un élément de l’article 212 de la loi ne peut avoir pour effet direct de mettre fin à des services de professionnels de la santé prévus au chapitre portant sur l’assistance médicale.
[32] Avec respect, la soussignée ne peut souscrire à cet argument de texte. Il faut donner un sens à la décision finale qui déclare la lésion professionnelle consolidée sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle et qui détermine la capacité de reprendre le travail. Pour reprendre l’expression utilisée dans Logistec Arrimage inc., dans une telle situation, la lésion est bouclée et les coûts reliés à l’assistance médicale postérieurs à cette date ne sont plus en relation avec la lésion professionnelle. Par conséquent, ils doivent être retirés du dossier de l’employeur.
[Références omises]
[Nos soulignements]
[437] Le tribunal est donc d’avis qu’il faut donner un sens aux décisions finales cristallisant les conséquences médicales d’une lésion professionnelle et fixer à la date de la consolidation, sans nécessité de traitements additionnels, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, la responsabilité incombant aux employeurs en ce qui concerne les coûts relatifs aux visites médicales, à moins d’une preuve prépondérante spécifique permettant d’écarter un tel constat.
[438] Le tribunal retient donc les motifs et les conclusions privilégiés par la très vaste majorité des juges administratifs composant la Commission des lésions professionnelles comme l’illustre, d’ailleurs, le relevé non exhaustif retrouvé à l’annexe I de la présente décision.
[439] Le jugement rendu dans l’affaire Société canadienne des postes c. Morissette[63] semble certes proposer une autre voie, à tout le moins en ce qui concerne la capacité de travail de la travailleuse en cause, en s’en remettant à la date effective du retour au travail de celle-ci. Cependant, il faut bien comprendre que, dans ce dossier, l’employeur verse directement l’indemnité de remplacement du revenu et il est donc en mesure de réclamer un remboursement à la travailleuse. La Cour d’appel préconise alors une approche visant à protéger celle-ci et à empêcher un tel remboursement. Or, ces faits particuliers ne se retrouvent pas dans les litiges portés à l’attention du tribunal. De plus, ce jugement est rendu par la Cour d’appel au début de l’année 2010 et, pourtant, la CSST fait toujours rétroagir la capacité de travail d’un travailleur à la date de la consolidation de sa lésion professionnelle, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, même si ces conséquences médicales sont déterminées postérieurement. Cette décision a donc eu, jusqu’à présent, un impact limité tant sur les pratiques de la CSST que sur les décisions rendues par la Commission des lésions professionnelles. Elle ne vient donc pas modifier les conclusions retenues précédemment.
[440] Le tribunal doit aussi s’interroger sur les coûts relatifs à la procédure d’évaluation médicale. En effet, même si la jurisprudence majoritaire accorde généralement le retrait des coûts relatifs aux visites médicales, elle laisse au dossier d’expérience de l’employeur ceux découlant de la procédure d’évaluation médicale au motif qu’ils résultent de démarches médico-administratives en lien avec la lésion professionnelle et qu’ils sont générés dans le but de statuer sur les conséquences médicales finales de cette lésion[64].
[441] Toutefois, durant l’audience, les employeurs indiquent à la présente formation que ces coûts sont systématiquement retirés du dossier d’expérience de l’employeur et qu’ils sont imputés aux employeurs de toutes les unités, une information qui n’est ni confirmée, ni infirmée par la CSST.
[442] Le tribunal n’ayant reçu aucune preuve pertinente de la CSST à ce sujet, elle doit comprendre que ces frais ne sont généralement pas imputés aux employeurs individuellement et qu’ils ne devraient donc pas faire l’objet de litiges devant la Commission des lésions professionnelles.
[443] Cependant, dans l’éventualité où un litige portant, entre autres, sur l’imputation de tels frais est initié devant la Commission des lésions professionnelles, le tribunal n’aura d’autres choix que de maintenir l’imputation au dossier d’expérience de l’employeur compte tenu de la jurisprudence majoritaire, sinon unanime, développée sur cette question. Ainsi, si de tels coûts font partie de ceux dont l’employeur réclame le retrait de son dossier d’expérience, le tribunal estime qu’ils devront demeurer imputés à ce dossier puisque, sans ces déboursés, il est impossible de se prononcer de façon finale sur les conséquences médicales de la lésion professionnelle.
[444] Enfin, le tribunal note une préoccupation exprimée par plusieurs employeurs au sujet du sort réservé aux coûts des visites médicales retirés de leurs dossiers d’expérience. Ils considèrent que ces coûts ne doivent pas être imputés au fonds général, mais qu’ils doivent plutôt être retournés à la RAMQ, puisqu’ils ne sont plus considérés en relation avec la lésion professionnelle.
[445] Or, même si le premier alinéa de l’article 326 de la loi autorise le tribunal à retirer du dossier d’expérience d’un employeur les coûts reliés aux prestations qui ne sont pas dues en raison d’un accident du travail, cet alinéa ne précise pas où ces coûts doivent être versés, contrairement à ce que le législateur édicte au second alinéa de l’article 326 ou aux articles 327, 328 ou 329 de la loi.
[446] Ainsi, bien qu’il puisse sembler logique que les coûts reliés à une condition sans lien avec un accident du travail soient assumés par la RAMQ et que ceux qui découlent des délais inhérents au processus d’évaluation médicale soient assumés par l’ensemble des employeurs, le tribunal ne dispose d’aucune assise légale lui permettant de dicter la conduite de la CSST en cette matière. Il ne peut donc se prononcer dans le sens recherché par les employeurs.
[447] En conclusion, le tribunal rappelle que :
a) les employeurs ont un intérêt réel à demander le retrait de leur dossier d’expérience des coûts relatifs aux visites médicales effectuées après la date de la consolidation d’une lésion attribuable à un accident du travail sans nécessité de traitements additionnels, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, même si ces coûts considérés individuellement peuvent sembler minimes;
b) le premier alinéa de l’article 326 de la loi constitue le fondement juridique d’une telle démarche;
c) l’employeur
doit agir dans le délai de trois ans prévu à l’article
d) le point de départ de ce délai est la date où il prend ou il aurait dû prendre connaissance de l’imputation de coûts postérieurs à la date de la consolidation de la lésion professionnelle sans nécessité de traitements additionnels, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle;
e) toutefois,
conformément à ce qui est édicté à l’article
f) l’article 2 de la loi énonce qu’une lésion professionnelle peut faire l’objet d’une guérison ou d’une stabilisation;
g) une lésion professionnelle guérie est celle qui entraîne un rétablissement complet du travailleur et, donc, une non-nécessité de soins ou de traitements et une absence d’atteinte permanente et de limitation fonctionnelle;
h) une lésion professionnelle guérie ne génère plus de conséquences médicales et n’est donc plus sujette à l’indemnisation, sauf si la preuve révèle des situations particulières permettant d’écarter un tel constat;
i) la consolidation d’une lésion professionnelle sans nécessité de traitements, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle entraîne la fin de l’imputation des coûts relatifs aux visites médicales au dossier d’expérience des employeurs, sans égard au fait que cette consolidation soit déterminée par le médecin qui a charge du travailleur ou qu’elle soit acquise au terme d’un processus d’évaluation médicale et de décisions rendues par la CSST ou par la Commission des lésions professionnelles;
j) le fardeau de la preuve qui incombe à l’employeur est donc de démontrer que les coûts des visites médicales dont il requiert le retrait de son dossier d’expérience émanent d’un accident du travail et sont générés après la date de la consolidation de la lésion professionnelle sans nécessité de traitements additionnels, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle;
k) les frais relatifs à la procédure d’évaluation médicale doivent toutefois, s’ils n’ont pas déjà été retirés du dossier d’expérience de l’employeur, demeurer imputés à ce dossier puisqu’ils sont toujours générés en raison de la lésion professionnelle et qu’ils sont essentiels à la détermination des conséquences médicales finales de cette lésion.
[448] Le tribunal procédera donc à l’analyse de chacun des cas types soumis par les employeurs et elle en décidera à la lueur des critères énoncés précédemment.
OPINION DISSIDENTE
[449] La soussignée a lu la position exprimée par le tribunal.
[450] Au paragraphe 447, le tribunal conclut :
En conclusion, le tribunal rappelle que :
a) les employeurs ont un intérêt réel à demander le retrait de leurs dossiers d’expérience des coûts relatifs aux visites médicales effectuées après la date de la consolidation d’une lésion attribuable à un accident du travail sans nécessité de traitements additionnels, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, même si ces coûts considérés individuellement peuvent sembler minimes;
b) le premier alinéa de l’article 326 de la loi constitue le fondement juridique d’une telle démarche;
c) l’employeur doit agir dans le délai
de trois ans prévu à l’article
d) le point de départ de ce délai est la date où il prend ou il aurait dû prendre connaissance de l’imputation de coûts postérieurs à la date de la consolidation de la lésion professionnelle sans nécessité de traitements additionnels, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle;
e) toutefois, conformément à ce qui est
édicté à l’article
f) l’article 2 de la loi énonce qu’une lésion professionnelle peut faire l’objet d’une guérison ou d’une stabilisation;
g) une lésion professionnelle guérie est celle qui entraîne un rétablissement complet du travailleur et, donc, une non-nécessité de soins ou de traitements et une absence d’atteinte permanente et de limitation fonctionnelle;
h) une lésion professionnelle guérie ne génère plus de conséquences médicales et n’est donc plus sujette à l’indemnisation, sauf si la preuve révèle des situations particulières permettant d’écarter un tel constat;
i) la consolidation d’une lésion professionnelle sans nécessité de traitements, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle entraîne la fin de l’imputation de coûts au dossier d’expérience des employeurs, sans égard au fait que cette consolidation soit déterminée par le médecin qui a charge du travailleur ou qu’elle soit acquise au terme d’un processus d’évaluation médicale et de décisions rendues par la CSST ou la Commission des lésions professionnelles;
j) le fardeau de la preuve qui incombe à l’employeur est donc de démontrer que les coûts dont il requiert le retrait de son dossier d’expérience sont générés après la date de la consolidation de la lésion sans nécessité de traitements additionnels, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle;
k) les frais relatifs à la procédure d’évaluation médicale doivent toutefois, s’ils n’ont pas déjà été retirés du dossier d’expérience de l’employeur, demeurer imputés à ce dossier puisqu’ils sont toujours générés en raison de la lésion professionnelle et qu’ils sont essentiels à la détermination des conséquences médicales finales de cette lésion.
[451] La soussignée partage les conclusions a) à h) et k). Toutefois, pour les motifs ci-exposés, elle ne peut se rallier aux conclusions i) et j).
Les motifs de la dissidence
[452] Il faut placer le présent litige dans son cadre juridique qui est celui de l’imputation du coût d’une visite médicale alors qu’une date de consolidation de la lésion professionnelle, sans nécessité de soins ou de traitements, sans déficit anatomo-physiologique ni limitation fonctionnelle[65], a été établie par une décision. Il ne s’agit pas ici de déterminer si, en vertu de la loi, le travailleur a droit aux visites médicales. Tous s’entendent pour dire qu’il y a droit et cette question relève de la division de l’indemnisation de la Commission des lésions professionnelles.
[453] En effet, il n’y a pas de litige sur le fait qu’une visite médicale est une prestation lorsqu’elle constitue un service fourni en vertu de la loi :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« prestation » : une indemnité versée en argent, une assistance financière ou un service fourni en vertu de la présente loi;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
[454] Ici le litige découle du fait que, sans aucune analyse, la CSST rembourse la RAMQ pour les visites médicales réclamées et impute ensuite ces coûts au dossier d’expérience de l’employeur. C’est alors que l’employeur est informé de ces coûts et qu’il conteste l’imputation à son dossier pour toutes les visites médicales effectuées après la date consolidation de la lésion, quelque soit la manière dont celle-ci a été établie.
[455] Les dossiers soumis à la présente formation montrent que cette contestation peut survenir plusieurs années après que la visite médicale a été effectuée puisqu’il apparaît que la RAMQ présente ses réclamations par rafales et qu’elle a accusé un long retard ces dernières années.
Le régime de financement
[456] Il est important ici de rappeler le cadre des règles régissant le financement du régime établi par la loi.
[457] Tel que le rappelle une formation de trois juges administratifs dans l’affaire Ministère des transports et CSST[66] :
[309] Le financement du régime mis en place par la loi s’articule autour de concepts d’assurance mutuelle, tels le risque assuré (les travailleurs étant les « assurés »), l’expérience, la classification des employeurs (« les preneurs ») et la cotisation (« la prime ») appropriée pour couvrir le risque associé aux activités qu’ils exercent.
[458] Le mécanisme de financement du régime d’indemnisation des lésions professionnelles repose sur l’obligation de chacun des employeurs de cotiser en fonction du coût des lésions professionnelles dont il est responsable. Ainsi, chaque employeur doit assumer les coûts résultant des risques professionnels qu’il génère par les activités économiques qu’il exerce. Tout accident du travail entraîne des coûts sur le plan médical, juridique et administratif. Tous ces coûts découlent de l’application de la loi.
[459] La jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles reconnaît, en matière de financement, que l’application de la loi ne peut constituer une situation injuste pour un employeur car les coûts qu’elle engendre constituent les risques assurables et le législateur n’a pu créer une situation inéquitable[67], tel qu’il est établi en matière d’interprétation des lois[68] :
[…] on supposera, par exemple, que le «bon législateur», le «législateur raisonnable» ne peut pas, sauf s’il en manifeste clairement l’intention, vouloir qu’une la loi produise des effets déraisonnables ou manifestement injustes.
[460] Comme l’indique la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Ville de Drummondville[69] :
[26] La Commission des lésions professionnelles rappelle aussi que l’employeur cotise à un régime d’assurance mutuelle obligatoire publique. Il paie une prime à la CSST et s’assure que le travailleur sera indemnisé en cas de risque. C’est la même loi qui chapeaute tant le régime d’indemnisation que le régime de financement. L’appréciation de ce qui est juste ou non doit s’effectuer dans ce contexte en analysant les dispositions législatives les unes par rapport aux autres.
[27] À l’article 326 de la loi, le législateur a prévu une règle générale qui veut que l’employeur soit imputé des coûts des prestations dues en raison d’un accident du travail. Il a également prévu d’autres dispositions d’exception qui permettent, en certaines circonstances, un transfert ou un partage des coûts.
[28] C’est ainsi qu’il prévoit, à l’article 328 de la loi, faire supporter à plus d’un employeur les coûts engendrés par une maladie professionnelle si le travailleur a contracté cette maladie chez plus d’un employeur.
[29] Le législateur prévoit aussi, à l’article 327 de la loi, une imputation aux employeurs de toutes les unités si le travailleur est victime d’une lésion professionnelle lors de soins qu’il reçoit ou lorsqu’il participe à une activité prescrite dans le cadre de traitements médicaux ou de son plan individualisé de réadaptation.
[30] Or, force est de constater que le législateur n’a pas prévu d’exception au principe général qui veut que l’employeur assume les coûts inhérents à la survenance d’un accident du travail lorsque la base salariale devant servir au calcul de l’indemnité est majorée selon les circonstances qu’il prescrit.
[31] Certes, le deuxième alinéa prévoit un transfert du coût des prestations à tous les employeurs lorsque l’employeur au dossier est obéré injustement. Or, de l’avis de la Commission des lésions professionnelles, cette exception peut trouver application après l’analyse de faits particuliers mais elle ne peut certainement pas trouver application lorsqu’il s’agit des conséquences dans l’application d’une disposition législative. Bref, elle est d'avis que l’application d’une disposition législative ne peut être interprétée comme obérant injustement l’employeur.
[Nos soulignements]
[461] Ainsi, les coûts qu’engendre l’exercice de leurs droits par les travailleurs font partie des risques assurables de l’employeur. La question à laquelle nous devons répondre se pose juridiquement comme suit : les frais pour une visite médicale du travailleur en raison de son accident du travail après la consolidation de sa lésion sans déficit anatomo-physiologique ni limitation fonctionnelle, constituent-ils des risques assurés par l’employeur ?
[462] Le premier alinéa de l’article 326 expose les risques pour lesquels l’employeur s’assure, soit le coût des prestations dues en raison d’un accident du travail :
326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.
[…]
__________
1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.
La notion de consolidation et le droit à l’assistance médicale
[463] On comprend qu’une lésion professionnelle doit avoir une fin sur le plan médical. C’est la notion de consolidation de la lésion qui est définie dans la loi comme suit :
« consolidation » : la guérison ou la stabilisation d'une lésion professionnelle à la suite de laquelle aucune amélioration de l'état de santé du travailleur victime de cette lésion n'est prévisible;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
[464] Indépendamment de la consolidation d’une lésion, le législateur prévoit au chapitre V intitulé « ASSISTANCE MÉDICALE » que l’assistance médicale que requiert l’état d’un travailleur en raison de sa lésion professionnelle comprend les services de professionnels de la santé :
188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.
__________
1985, c. 6, a. 188.
189. L'assistance médicale consiste en ce qui suit :
1° les services de professionnels de la santé;
2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);
3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;
4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes et des tissus et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;
5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.
__________
1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166; 2009, c. 30, a. 58.
[465] Ainsi, même une fois la lésion consolidée, et même guérie au sens juridique du mot, la loi n’empêche pas un travailleur de consulter son médecin « en raison de sa lésion » puisque les articles 188 et 189 ne font aucune référence à la notion de consolidation, comme la loi le fait par exemple aux articles 46 et 47 quant à la capacité de travail et au versement de l’indemnité de remplacement du revenu :
46. Le travailleur est présumé incapable d'exercer son emploi tant que la lésion professionnelle dont il a été victime n'est pas consolidée.
__________
1985, c. 6, a. 46.
47. Le travailleur dont la lésion professionnelle est consolidée a droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 45 tant qu'il a besoin de réadaptation pour redevenir capable d'exercer son emploi ou, si cet objectif ne peut être atteint, pour devenir capable d'exercer à plein temps un emploi convenable.
__________
1985, c. 6, a. 47.
[466] Mais, il y a plus. Aux paragraphes g) et h) des conclusions précitées, le tribunal statue sur les conséquences juridiques découlant de la guérison d’une lésion professionnelle. Cependant, la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles considère que le terme « consolidation » n’est pas synonyme de « guérison »[70] :
[45] Par ailleurs, la jurisprudence2 a établi que la consolidation d’une lésion n’est pas synonyme de guérison et qu’il y a consolidation lorsqu’il n’y a plus d’amélioration prévisible de la lésion professionnelle, c’est-à-dire qu’un seuil thérapeutique est atteint et qu’aucun traitement ne peut prévisiblement apporter une amélioration.
__________
2 Voir notamment : Soucy-Tessier
et CSST
[467] Il ne faut pas confondre l’un et l’autre[71] :
[78] La jurisprudence enseigne qu’il ne faut pas confondre la guérison d’une lésion d’avec sa consolidation et qu’il y a consolidation lorsqu'il n'y a plus d'amélioration prévisible, que la lésion atteint un seuil thérapeutique et qu'aucun traitement ne peut prévisiblement apporter une amélioration à l’état du travailleur1.
__________
1 Soucy-Tessier
et CSST,
[468] Qu’en est-il donc des cas où la lésion professionnelle est déclarée consolidée non pas parce qu’il y a guérison, mais parce qu’il y a stabilisation de la lésion à cause de l’atteinte d’un plateau thérapeutique et ce même si celle-ci n’entraîne pas d’atteinte permanente ni limitation fonctionnelle? Il s’agit là aussi d’une lésion consolidée au sens de l’article 2 de la loi.
[469] Il arrive que de telles lésions nécessite quand même un suivi médical, ne serait-ce que pour surveiller l’évolution de la condition du travailleur, pour renouveler les prescriptions de médication ou en ajuster, le cas échéant, la posologie.
[470] Je considère que ce suivi post-consolidation est, lui aussi, dû en raison de l’accident dont le travailleur a été victime.
[471] Donc, bien que les énoncés des conclusions g) et h) soient exacts dans le cas de lésions guéries, ils ne le sont pas nécessairement dans les cas de lésions stabilisées, celles qui forment l’autre catégorie de lésions consolidées.
[472] D’autre part, comme la Cour supérieure a eu l’occasion de le rappeler « la notion de consolidation est essentiellement médicale »[72]. La question de la consolidation d’une lésion doit être tranchée sur la base de considérations médicales[73].
[473] Ces mêmes remarques s’appliquent à l’égard des conclusions relatives à l’absence de la nécessité des soins ou traitements, l’absence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles.
[474] Toutefois, au contraire, la détermination qu’une prestation est due en raison d’un accident du travail relève essentiellement de l’ordre juridique, car il s’agit alors de vérifier l’existence ou l’absence d’une relation de cause à effet (lien causal) entre l’accident du travail et, en l’occurrence, la visite médicale.
[475] Je ne crois pas que des conclusions essentiellement médicales doivent automatiquement emporter le sort d’une question essentiellement juridique.
[476] Avec respect pour l’opinion contraire, je suis donc d’avis que l’on ne peut conclure à l’absence de relation entre des services de professionnels de la santé et un accident du travail pour la seule raison qu’une lésion professionnelle est consolidée sans déficit anatomo-physiologique ni limitation fonctionnelle. Cela explique ma dissidence avec les conclusions émises par le tribunal aux paragraphes i) et j).
[477] À mon avis, il y a toujours lieu d’examiner si la visite médicale est bel et bien effectuée « en raison de la lésion » pour déterminer si son coût peut être imputé à l’employeur parce qu’il est alors dû « en raison de l’accident du travail ».
[478] Notons ici que cette vérification est simple. En général, un rapport médical complété par le médecin qui a charge figure au dossier. Tel qu’indiqué par un des témoins des employeurs et comme la Commission des lésions professionnelles est elle-même en mesure de le constater, en pratique, le médecin complète toujours un rapport médical pour la CSST lorsqu’il s’agit d’une consultation qu’il constate être en raison de l’accident du travail. À l’inverse, en l’absence d’un tel rapport, il y a lieu d’avoir de sérieux doutes quant à la relation entre la consultation et l’accident du travail. Également, plus le temps s’écoule entre la date de la consolidation d’une lésion et une visite médicale, plus le lien de causalité entre les deux s’amenuise. On s’approche alors davantage à une guérison qu’à une stabilisation sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle. Il s’agit toujours d’une appréciation de l’ensemble des faits.
[479] En pratique, la date de consolidation de la lésion est fixée dans l’un ou l’autre des scénarios suivants :
· La date de la consolidation de la lésion professionnelle est déterminée par la CSST à la suite de l’émission d’un rapport final par le médecin qui a charge;
· La date de la consolidation de la lésion professionnelle est déterminée par la CSST à la suite d’un avis émis par le membre du Bureau d’évaluation médicale qui l’a fixée à la date de son examen ou à une date antérieure;
· La date de la consolidation de la lésion professionnelle est déterminée par la Commission des lésions professionnelles à la suite d’une audience ou d’une entente qui l’a fixée nécessairement à une date antérieure à la décision.
[480] Dans la plupart des cas, la première situation met fin aux visites médicales. Au cas contraire, les faits particuliers du dossier doivent être analysés pour déterminer si les coûts engendrés sont oui ou non en raison de l’accident en dépit de la consolidation.
[481] Les litiges (demandes de transfert d’imputation) surgissent surtout dans les cas où la date de consolidation a été fixée par un membre du Bureau d’évaluation médicale ou par la Commission des lésions professionnelles alors qu’elle est saisie d’une contestation à ce sujet. L’employeur demande alors de ne pas être imputé pour les visites médicales effectuées par le travailleur pendant la période où il y avait une contestation médicale et que la date de consolidation de la lésion n’était pas définitivement établie, ni médicalement, ni juridiquement.
La procédure d’évaluation médicale et les recours
[482] Rappelons qu’en cas de litige, la loi offre à la fois une procédure d’évaluation médicale détaillée pour contester des conclusions médicales précises et une procédure de contestation sur le plan juridique, à plusieurs paliers.
[483] En ce qui concerne les conclusions médicales contestables, celles-ci sont décrites à l’article 212 de la loi :
212. L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants :
1° le diagnostic;
2° la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;
3° la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;
4° l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;
5° l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.
L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester.
__________
1985, c. 6, a. 212; 1992, c. 11, a. 15; 1997, c. 27, a. 4.
[484] On remarque que les services de professionnels de la santé prévus à titre d’assistance médicale n’y figurent pas. Peut-on assimiler les services d’un professionnel de la santé, ici une visite médicale, aux termes « soins ou traitements administrés ou prescrits » que l’on retrouve au troisième alinéa de l’article 212 ?
[485] Dans la Loi médicale[74], l’article 31 énonce en quoi consiste l’exercice de la médecine :
31. L'exercice de la médecine consiste à évaluer et à diagnostiquer toute déficience de la santé de l'être humain, à prévenir et à traiter les maladies dans le but de maintenir la santé ou de la rétablir.
Dans le cadre de l'exercice de la médecine, les activités réservées au médecin sont les suivantes:
1° diagnostiquer les maladies ;
2° prescrire les examens diagnostiques;
3° utiliser les techniques diagnostiques invasives ou présentant des risques de préjudice;
4° déterminer le traitement médical;
5° prescrire les médicaments et les autres substances;
6° prescrire les traitements;
7° utiliser les techniques ou appliquer les traitements, invasifs ou présentant des risques de préjudice, incluant les interventions esthétiques;
8° exercer une surveillance clinique de la condition des personnes malades dont l'état de santé présente des risques;
9° effectuer le suivi de la grossesse et pratiquer les accouchements;
10° décider de l'utilisation des mesures de contention.
__________
1973, c. 46, a. 29; 2002, c. 33, a. 17.
[486] On comprend que lors d’une visite médicale, le médecin peut poser une foule d’actes différents. Notamment, il peut prescrire un traitement qu’il prodiguera lui-même. Il apparaît donc clairement, qu’une visite médicale ne peut être assimilable à un soin ou traitement. D’ailleurs, la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles, à laquelle se rallie le tribunal, considère que le législateur, lorsqu’il traite des « services de professionnels de la santé » à l’article 189 de la loi et des « soins et traitements » à l’article 212, fait appel à deux notions distinctes, non assimilables.
[487] La soussignée estime qu’il faut donc tenir compte de cette distinction et non simplement la constater et déclarer ensuite « qu’il s’agit de deux entités » mais qu’elles doivent connaître le même sort.
[488] Si le législateur avait voulu qu’on confonde ces deux notions ou qu’on les traite pareillement, il n’aurait eu qu’à inclure les visites médicales avec les soins et traitements au point 3 des éléments médicaux contestables énoncés à l’article 212 de la loi. Ou, il n’aurait eu qu’à indiquer, au chapitre de l’Assistance médicale, qu’un travailleur n’a plus droit aux services de professionnels de la santé lorsque sa lésion est consolidée et même y préciser que ceci s’applique que lors d’une consolidation sans déficit anatomo-physiologique ni limitation fonctionnelle.
[489] L’article 224.1 de la loi établit que la CSST est liée par l’avis du membre du Bureau d'évaluation médicale lorsqu’il se prononce sur les points médicaux prévus à l’article 212 de la loi et rend une décision en conséquence :
224.1. Lorsqu'un membre du Bureau d'évaluation médicale rend un avis en vertu de l'article 221 dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par cet avis et rend une décision en conséquence.
[…]
__________
1992, c. 11, a. 27.
[490] Par conséquent, à la suite de l’examen par le membre du Bureau d'évaluation médicale, le travailleur est avisé, et ce par une décision de la CSST, de la date de la consolidation de sa lésion professionnelle. Celle-ci est, soit rétroactive à la date de l’examen par le médecin désigné de l’employeur, soit fixée à la date de l’examen par le membre du Bureau d'évaluation médicale.
[491] Notons que l’article 361 de la loi prévoit que la décision rendue a un effet immédiat, malgré une demande de révision :
361. Une décision de la Commission a effet immédiatement, malgré une demande de révision, sauf s'il s'agit d'une décision qui accorde une indemnité pour dommages corporels ou une indemnité forfaitaire de décès prévue par les articles 98 à 100 et 101.1, le deuxième alinéa de l'article 102 et les articles 103 à 108 et 110, auquel cas la décision a effet lorsqu'elle devient finale.
__________
1985, c. 6, a. 361; 1989, c. 74, a. 10; 1992, c. 11, a. 34; 2009, c. 19, a. 8.
[492] La procédure d’évaluation médicale prévue à la loi est alors complétée.
[493] Par ses articles 349, 358 et suivants et 359 et suivants, la loi instaure un système décisionnel à trois niveaux : la décision initiale, la décision à la suite d’une révision administrative et la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles.
[494] Il ressort de ce qui précède que la loi permet les visites médicales et qu’elle n’instaure pas de mécanisme médical pour contester leur bien-fondé comme elle le fait pour les soins et traitements. Ainsi, à l’issue de la procédure d’évaluation médicale, aucune décision n’est rendue quant au droit du travailleur de consulter son médecin ni à l’issue de la contestation sur le plan juridique, cette question ne pouvant faire partie du litige.
L’analyse et le fardeau de preuve
[495] Le tribunal considère que pour donner effet à la consolidation et aux décisions portant sur les conséquences médicales d’un accident du travail il faut, sur simple preuve de la consolidation, sans déficit anatomo-physiologique ni limitation fonctionnelle, conclure que la visite médicale ne peut avoir eu lieu « en raison de l’accident du travail » à moins d’une preuve contraire, précise-t-on. Ce faisant, le tribunal procède à un transfert d’imputation puisque la preuve de la date de consolidation et de l’absence de déficit anatomo-physiologique et de limitations fonctionnelles a été fournie. Il considère tenir ainsi compte de « l’ensemble des conséquences médicales finales résultant de la lésion professionnelle ». Par ailleurs, le tribunal estime que de demander une preuve additionnelle à l’employeur serait lui imposer un fardeau trop lourd et, dans la très grande majorité des cas, impossible à respecter.
[496] La soussignée est plutôt d’avis que, dans les faits, lors d’une demande de retrait des coûts des visites médicales, le dossier démontre qu’il y a eu des visites médicales qui ont été faites auprès du médecin qui a charge ou auprès d’un consultant et que ces médecins ont complété un rapport médical. Avec respect, décider en de telles circonstances, que le travailleur n’a pas ainsi consulté son médecin en raison de son accident du travail équivaut à fonder sa décision sur certains faits seulement (la preuve de la consolidation sans déficit anatomo-physiologique ni limitation fonctionnelle établie par la Commission des lésions professionnelles) sans tenir compte du reste de la preuve (par exemple, que le travailleur a consulté son médecin parce que ce dernier était d’avis que la lésion n’était pas consolidée). Ce n’est pas parce que la Commission des lésions professionnelles subséquemment, avec l’ensemble de la preuve présentée y compris souvent des expertises médicales supplémentaires par les deux parties, conclut à une consolidation sans déficit anatomo-physiologique ni limitation fonctionnelle que l’on doive conclure que le travailleur n’a pas consulté « en raison de son accident du travail ». Ce raisonnement m’apparaît ne pas tenir compte de l’ensemble de la preuve présentée. De plus, il s’agit là d’un raisonnement basé sur une déduction et non sur des faits prouvés : on «infère» que le travailleur n’a pas consulté « en raison de sa lésion professionnelle » malgré que, tel que permis par la loi, il a consulté et le médecin a complété un rapport médical et que ceci figure au dossier.
[497] Pour ces motifs, la soussignée ne peut se rallier à l’opinion voulant que, dans de telles conditions, ces visites médicales n’ont pas été effectuées en raison de l’accident du travail subi et que les frais qui en découlent ne constituent pas un risque assurable pour l’employeur concerné.
[498] L’affaire Entrepôt non périssable Montréal[75] donne un bon exemple de ce que le raisonnement suivi par le tribunal peut provoquer comme résultat. Alors que les visites médicales ont clairement été faites « en raison de l’accident du travail » survenu chez l’employeur, leurs coûts n’en seront pas moins imputés à l’ensemble des employeurs.
[499] En effet, dans cette affaire, le médecin qui a charge est d’avis que la lésion professionnelle n’est pas consolidée et il recommande la poursuite des traitements. Le médecin désigné de l’employeur examine ensuite le travailleur et conclut à la consolidation de la lésion professionnelle avec un déficit anatomo-physiologique et des limitations fonctionnelles. Vient ensuite l’avis d’un membre du Bureau d'évaluation médicale qui conclut que les traitements suivis par le travailleur tel que prescrit par son médecin, lequel a été régulièrement vu par son médecin, ont été bénéfiques faisant en sorte qu’il peut consolider la lésion professionnelle à la date de son examen, sans déficit anatomo-physiologique ni limitation fonctionnelle. Par la suite, les parties s’entendent pour conclure que la lésion professionnelle est consolidée à la date émise par le médecin désigné, mais sans déficit anatomo-physiologique ni limitation fonctionnelle. Une décision de la Commission des lésions professionnelles vient ensuite entériner cet accord.
[500] L’employeur, plaidant la position soutenue par le tribunal, demande de ne pas être imputé du coût des visites médicales effectuées entre la date d’examen du médecin désigné et la date de l’examen du membre du Bureau d'évaluation médicale, puisque la Commission des lésions professionnelles a reconnu que la lésion était consolidée, sans déficit anatomo-physiologique ni limitation fonctionnelle donc « guérie » à la date de l’examen du médecin désigné par l’employeur et qu’il faut donner effet à la décision finale. La soussignée a rejeté cette demande, car ne tenir compte que des conclusions médicales finales aurait fait fi du reste de la preuve présentée.
[501] Aussi, l’affaire Bois Kennebec[76] donne un autre exemple de l’injustice susceptible de résulter d’un transfert, pour l’ensemble des employeurs :
[41] La particularité du présent dossier réside dans le fait que le médecin qui a charge du travailleur, soit le docteur Guillemette, consolide la lésion professionnelle en date du 10 août 2007. Quant au docteur Lacoursière, agissant pour le Bureau d’évaluation médicale, il consolide la lésion au 13 août 2007, date où le travailleur a repris son emploi régulier.
[42] Cependant, dans le cadre d’un accord intervenu en conciliation à la Commission des lésions professionnelles, les parties s’entendent plutôt, sans préciser le ou les diagnostics, pour retenir la date de consolidation du 27 juin 2007 proposée par le docteur Lacasse.
[43] Il appert des faits qu’en l’espèce, le travailleur n’a pas consulté de médecin relativement à la lésion professionnelle du 16 mai 2007, après la date de consolidation qu’il a retenue, soit le 10 août 2007, hormis l’évaluation à laquelle a procédé le docteur Lacoursière le 30 août 2007 au terme de laquelle, il conclut à la consolidation de la lésion professionnelle le 13 août 2007.
[44] Néanmoins, l’effet de l’accord intervenu entre les parties devant la Commission des lésions professionnelles, lequel a été entériné par ce tribunal et constitue donc une décision finale de cette instance, fait rétroagir la date de consolidation au 27 juin 2007.
[45] Or, le présent tribunal est d’avis que les consultations médicales du travailleur entre le 27 juin et le 10 août 2007 sont en lien avec la lésion professionnelle subie.
[46] Ceci appert notamment de la consultation du 30 juin 2007 où le docteur Guillemette réfère le travailleur en orthopédie, en raison de la fragilité de sa condition ou encore de celle du 13 juillet 2007 où il recommande de cesser les traitements de physiothérapie même si l’entorse du trapèze droit n’est pas résolue, autorise un retour au travail et prévoit revoir le travailleur dans un mois pour voir comment le tout va évoluer.
[47] Quant à la consultation du 10 août 2007, elle permet au médecin d’évaluer la condition du travailleur et de confirmer la consolidation de la lésion professionnelle à cette date, de même que l’absence d’atteinte permanente à l’intégrité physique et de limitations fonctionnelles.
Relativement à l’évaluation du 30 août 2007 à laquelle a procédé le docteur Lacoursière du Bureau d’évaluation médicale, elle est en lien direct avec la lésion professionnelle du 16 mai 2007 provenant d’une exigence de la loi.
[502] Enfin, une situation semblable à celle retrouvée dans l’affaire Empire Stevedoring cie ltée[77] est fréquemment présentée à la Commission des lésions professionnelles :
LES FAITS
[…]
[6] Le médecin désigné de l’employeur, le Dr Carl Giasson examine la travailleuse. Il conclut que la lésion est consolidée en date de son examen, soit le 6 novembre 2006 et que les soins et traitements ne sont plus requis. Il constate que la travailleuse conserve une atteinte permanente de 0 % et qu’elle ne présente pas de limitation fonctionnelle.
[7] Le 14 janvier 2007, le Bureau d’évaluation médicale rend un avis dans lequel il consolide la lésion professionnelle de la travailleuse le 12 janvier 2007 sans nécessité de soins supplémentaires avec une atteinte permanente de 0 % et sans limitations fonctionnelles.
[8] Le médecin qui a charge rédige un rapport final le 24 janvier 2007 consolidant également la lésion à cette date, sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.
[9] Le 5 février 2008, la Commission des lésions professionnelles rend une décision entérinant un accord en vertu de l’article 429.46 de la loi par laquelle elle conclut que la lésion de la travailleuse est consolidée le 6 novembre 2006 sans nécessité de soins supplémentaires et ce, sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. La Commission des lésions professionnelles déclare également que la travailleuse est capable de reprendre son travail en date du 6 novembre 2006.
[…]
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[…]
[24] Dans le présent dossier, le tribunal conclut que les visites du 13 novembre et 21 décembre 2006 sont en lien avec la lésion professionnelle du 29 août 2006. Lors de la visite du 13 novembre 2006, le médecin qui a charge maintient l’arrêt de travail et lors de la visite du 21 décembre 2006, il recommande un retour au travail selon certaines modalités pour le 27 décembre 2006. Il est clair pour le tribunal que n’eût été de l’accident de travail, le médecin traitant n’aurait pas eu à se prononcer sur une date de retour au travail. Dans ce contexte, il est d’avis qu’il existe un lien entre ces deux visites médicales et l’accident de travail du 29 août 2006.
[…]
[503] Aussi, la soussignée ne partage pas l’avis du tribunal voulant que l’employeur soit confronté à une preuve impossible à présenter. Il est faux d’affirmer que les juges administratifs soutenant la deuxième position exigent une preuve de non-relation. Il s’agit d’une très faible minorité de juges administratifs. Qui plus est, ce n’est pas la position adoptée par la soussignée puisqu’elle accorde une place privilégiée au fait qu’une visite médicale imputée doit être prouvée par un rapport médical.
[504] En effet, il faut reconnaître la particularité de la situation. Le paiement de la visite médicale se fait de manière automatique, sans analyse, entre deux ordinateurs. L’employeur est ensuite imputé des frais de cette visite. Or, si l’employeur constate que le paiement a été fait alors qu’il n’y a aucun rapport médical au dossier de la CSST correspondant à la visite médicale imputée, les coûts de cette visite pourront raisonnablement être transférés aux employeurs de toutes les unités puisque l’on sait pertinemment que les médecins ne produisent ces rapports médicaux que lorsque la visite est en raison de l’accident du travail.
[505] La preuve est ainsi fort simple. Pas de rapport médicaux correspondants, pas d’imputation, car la preuve du lien de causalité est inexistante à sa face même. À ce titre, la soussignée ne retient pas les prétentions de la CSST voulant qu’en application de l’article 201 de la loi, le médecin qui a charge n’a pas à compléter un rapport médical s’il n’y a pas de changement significatif. L’expérience de tous ceux présents à l’audience est éloquente. Tous savent, qu’en pratique, les médecins produisent toujours des rapports médicaux.
[506] Il est ainsi possible de respecter la loi et de faire en sorte que l’ensemble des employeurs n’ait pas à subir une augmentation de leur taux d’unité pour cotiser en raison des risques assurables d’un employeur qui est au régime rétrospectif.
[507] Il s’agit d’une situation qui respecte la loi, qui est claire, concrète, juste et équitable tel que l’exige l’article 351 de la loi et le droit administratif.
[508] Par surcroît, par la présente décision les employeurs peuvent bénéficier d’un long délai pour contester et ils n’auront pas à s’immiscer dans la vie personnelle des travailleurs pour ce faire. En effet, en l’absence d’un rapport médical dans le dossier de la CSST après la date de consolidation d’une lésion professionnelle sans déficit anatomo-physiologique ni limitation fonctionnelle, il n’a pas été démontré qu’il s’agit d’une visite médicale « en raison de l’accident du travail ». Il ne s’agit donc plus de risques assurables de l’employeur.
[509] À l’inverse, malgré une consolidation d’une lésion professionnelle sans déficit anatomo-physiologique ni limitation fonctionnelle, les frais d’une visite médicale pourront être portés au dossier financier de l’employeur, si la preuve démontre que cette prestation a été fournie « en raison de l’accident du travail ».
LES FAITS ET LES MOTIFS sur les dossiers types présentés par les employeurs
Centre hospitalier de l’Université de Montréal-Pavillon Mailloux
Dossier 391595 (CSST 127170983)
Opinion de la présente formation
[510] Dans ce dossier, monsieur Jean Champagne (le travailleur) est victime d’un accident du travail le 7 janvier 2005. Il se blesse à la région lombaire.
[511] Une indemnité de remplacement du revenu est versée pour la période du 8 au 14 janvier 2005. Le médecin qui a charge rédige deux rapports médicaux datés du 10 janvier 2005. Il prévoit consolider la lésion professionnelle le 15 janvier 2005 et, de fait, le versement de l’indemnité de remplacement du revenu cesse à cette date. Ce médecin n’émet aucun rapport final.
[512] Toutefois, la CSST dépose dans ce même dossier un rapport daté du 3 mars 2005. Le médecin qui a charge y prévoit un retour au travail régulier le 14 mars 2005. Or, ce rapport concerne une autre réclamation du travailleur laquelle est en lien avec un autre site de lésion.
[513] La CSST impute au dossier d’expérience de l’employeur les coûts relatifs à trois visites médicales effectuées les 10 janvier, 3 mars et 14 mars 2005 même si les visites médicales postérieures au 10 janvier 2005 ne concernent pas la même réclamation.
[514] Le 8 mars 2009, l’employeur réclame un retrait des coûts à compter du 15 janvier 2005. Il soutient que la lésion survenue le 7 janvier 2005 est consolidée à cette date. Le 2 avril 2009, la CSST rejette cette demande arguant qu’elle est déposée en dehors du délai de six mois prévu au Règlement sur la nouvelle détermination de l’imputation.
[515] L’employeur demande la révision de cette décision et, le 1er septembre 2009, la CSST, à la suite d’une révision administrative, la maintient au motif que l’employeur n’a pas respecté les conditions permettant une reconsidération en vertu de l’article 365 de la loi.
[516] À l’audience, Me Lauzon indique que les deux visites de mars 2005 ne devraient pas figurer au dossier d’expérience de l’employeur.
[517] Elle ajoute que, le 6 avril 2010, le travailleur est victime d’une autre lésion professionnelle sans lien avec celle survenue en janvier 2005 et, pourtant, selon un relevé informatique récent de la « Liste des comptes de médecin du dossier », des coûts de visites médicales sont imputés au dossier de 2005, du 12 avril au 1er novembre 2010. Elle y voit une preuve de désorganisation et d’erreurs dans l’imputation des coûts effectuée par la CSST.
[518] La CSST dispose donc de ce litige en invoquant que l’employeur n’a pas respecté les délais prévus au Règlement sur la nouvelle détermination de l’imputation ou les conditions donnant ouverture à la reconsidération au sens de l’article 365 de la loi.
[519] Or, en fonction des critères établis dans la présente décision, il y a lieu de conclure que, contrairement à ce qui est rapporté dans la décision rendue par la CSST à la suite d’une révision administrative, l’article 365 de la loi ne s’applique pas à la demande de l’employeur. Il convient également de préciser que le Règlement sur la nouvelle détermination de l’imputation ne s’applique pas non plus à cette demande.
[520] Les décisions rendues par la CSST, initialement et à la suite d’une révision administrative, ne peuvent donc être maintenues.
[521] La présente formation se prononcera donc sur le fond de ce litige.
[522] Ainsi, il ressort du présent dossier que la CSST a imputé au dossier de l’employeur les coûts de deux visites médicales effectuées postérieurement à la date où la CSST cesse de verser toute indemnité au travailleur.
[523] Le dossier ne contient qu’un seul rapport médical relatif à ces visites, soit celui rédigé à l’occasion de la visite du 3 mars 2005. Or, ce document révèle que le siège de la blessure diffère de celui de la lésion professionnelle (atteinte au genou plutôt que le problème lombaire reconnu). Il révèle également que la date d’événement est celle du 22 février 2005.
[524] Ce document ne soutient donc pas la conclusion voulant que la visite médicale ait été faite en raison de l’accident du travail subi le 7 janvier 2005.
[525] Dans ces circonstances, la présente formation conclut que l’employeur a démontré que les coûts relatifs aux visites médicales datées des 3 et 14 mars 2005 ne peuvent être considérés comme étant des « prestations dues en raison d’un accident du travail » et qu’en conséquence, il n’a pas à les supporter.
DOSSIER 391701 (CSST 125268755)
Opinion du tribunal
[526] Dans ce dossier, monsieur Robert Gagnon (le travailleur) est victime d’un accident du travail le 21 février 2004. Il s’inflige une entorse lombaire.
[527] Cette lésion est consolidée par le médecin qui a charge du travailleur le 30 août 2004, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[528] L’employeur s’oppose à cette date de consolidation, mais elle est confirmée par un membre du Bureau d’évaluation médicale. Toutefois, au terme du processus de contestation, une entente en conciliation est entérinée par la Commission des lésions professionnelles le 10 juillet 2007. La Commission des lésions professionnelles détermine que la lésion est plutôt consolidée le 2 mars 2004, que les soins ou les traitements ne sont plus requis à compter de cette date, que le travailleur est capable d’exercer son emploi depuis le 2 mars 2004 et qu’il n’a plus droit aux « prestations » à partir de cette date.
[529] Le 5 mars 2009, l’employeur réclame le retrait des coûts relatifs aux visites médicales et aux traitements après le 2 mars 2004.
[530] Le 2 avril 2009, la CSST rejette cette demande au motif que les faits sur lesquels se base l’employeur sont connus depuis plus de six mois et que, dès lors, cette requête est faite en dehors du délai prévu au Règlement sur la nouvelle détermination de l’imputation. L’employeur demande la révision de cette décision et, le 8 septembre 2009, la CSST, à la suite d’une révision administrative, la maintient invoquant l’article 365 de la loi et l’absence de démonstration de fait essentiel permettant de reconsidérer l’imputation de ces coûts.
[531] À l’audience, Me Lauzon dépose les documents extraits du système informatique de la CSST concernant les coûts imputés au dossier d’expérience de l’employeur.
[532] Il en ressort que l’employeur se voit imputer des coûts de 3 328,00 $ pour des traitements d’ergothérapie et de physiothérapie reçus par le travailleur du 23 mars au 30 août 2004 ainsi que des coûts relatifs à des visites médicales effectuées du 12 mars au 29 septembre 2004. Comme il n’y a pas de concordance entre le total de ces coûts et la somme imputée au dossier d’expérience de l’employeur, Me Lauzon explique que la CSST retire d’emblée les coûts rattachés au processus d’évaluation médicale, soit l’examen du membre du Bureau d’évaluation médicale ou le rapport complémentaire, pour les imputer à l’ensemble des employeurs.
[533] La CSST dispose de ce litige en invoquant que l’employeur n’a pas respecté les délais prévus au Règlement sur la nouvelle détermination de l’imputation ou les conditions donnant ouverture à la reconsidération au sens de l’article 365 de la loi.
[534] Or, en fonction des critères établis dans la présente décision, il y a lieu de conclure que, contrairement à ce qui est rapporté dans la décision rendue par la CSST à la suite d’une révision administrative, l’article 365 de la loi ne s’applique pas à la demande de l’employeur. Il convient également de préciser que le Règlement sur la nouvelle détermination de l’imputation ne s’applique pas non plus à cette demande. Les décisions rendues par la CSST, initialement et à la suite d’une révision administrative, ne peuvent donc être maintenues.
[535] Le tribunal se prononcera donc sur le fond de ce litige.
[536] Ainsi, il ressort des faits au présent dossier que la CSST a imputé au dossier de l’employeur les coûts des traitements d’ergothérapie et de physiothérapie et ceux relatifs à des visites médicales effectuées postérieurement à la date de consolidation de la lésion professionnelle.
[537] Dans la décision qui entérine l’accord des parties, la Commission des lésions professionnelles retient les conclusions du docteur Piette, à savoir qu’en date du 2 mars 2004, l’examen clinique est normal et qu’en conséquence la lésion est consolidée. Il est également reconnu qu’à cette date, l’état du travailleur ne nécessite plus de soins ou de traitements. De plus, il est statué que le travailleur est apte à exercer son emploi puisqu’il ne résulte aucune atteinte permanente ni limitation fonctionnelle de sa lésion professionnelle. Enfin, il est précisé que le travailleur n’a plus droit aux prestations à compter du 2 mars 2004, ce qui inclut non seulement les soins ou les traitements, mais également les coûts relatifs aux services des professionnels de la santé.
[538] Il faut donc donner son plein effet à cette décision de la Commission des lésions professionnelles et conclure que les soins ou traitements de même que les visites médicales effectuées au-delà du 2 mars 2004 n’étaient plus reliés à la lésion professionnelle.
[539] Dans ces circonstances, le tribunal conclut que l’employeur a démontré que les coûts relatifs à ces traitements et à ces visites médicales ne peuvent être assimilés à des « prestations dues en raison d’un accident du travail » et qu’en conséquence, il n’a pas à les supporter.
[540] Cependant, le tribunal constate que la visite médicale du 30 août 2004 est utile à la détermination des conséquences médicales finales de la lésion professionnelle puisque, à cette date, le médecin qui a charge du travailleur établit qu’il ne résulte aucune atteinte permanente ni limitation fonctionnelle de l’accident du travail subi par le travailleur le 21 février 2004.
[541] Les coûts relatifs à ce rapport final daté du 30 août 2004 doivent donc demeurer imputés au dossier d’expérience de l’employeur.
Opinion dissidente
[542] La soussignée estime qu’il s’agit ici d’un cas d’espèce. Elle conclut de la même manière mais strictement en raison du fait qu’une conclusion entérinée par la Commission des lésions professionnelles, voulant que le travailleur n’ait plus droit aux prestations prévues à la loi à compter du 2 mars 2004, soit devenue finale.
DOSSIER 391785 (CSST 124247701)
Opinion du tribunal
[543] Dans ce dossier, madame Michèle Cortes (la travailleuse) subit un accident du travail le 17 mars 2003. Elle se blesse au pied droit. Le 9 mai 2003, le médecin qui a charge de celle-ci prescrit un retour au travail régulier tout en prévoyant la revoir dans deux semaines.
[544] Le 23 mai 2003, ce médecin produit un rapport final. Il consolide la lésion à cette date, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[545] Le 30 mai 2003, la CSST note que ce dossier est fermé.
[546] Or, les documents informatiques émanant de la CSST démontrent qu’une visite médicale du 2 février 2005 est imputée au dossier d’expérience de l’employeur.
[547] Le 5 janvier 2009, ce dernier réclame le retrait des frais reliés à cette visite.
[548] Le 8 janvier 2009, la CSST rejette cette demande au motif que l’employeur n’a pas démontré que cette visite médicale, survenue près de deux ans après la fermeture du dossier, n’est pas reliée à la lésion professionnelle subie par la travailleuse le 17 mars 2003. Elle signale que la travailleuse a droit à l’assistance médicale que requiert son état et qu’aucune disposition légale ne précise la fin de ce droit. L’employeur demande la révision de cette décision et, le 8 septembre 2009, elle est maintenue par la CSST à la suite d’une révision administrative.
[549] Le tribunal constate que les questions des délais et de la reconsidération ne sont pas soulevées dans cette affaire.
[550] À l’audience, Me Lauzon remarque que la visite médicale du 2 février 2005 n’est appuyée d’aucun rapport au dossier. Il est donc impossible d’en connaître le motif et la teneur. Elle remarque également que la CSST impose à l’employeur le fardeau de démontrer l’absence de relation avec la lésion professionnelle, même si la visite médicale survient plus d’un an après la date de la consolidation de cette lésion sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[551] La preuve démontre donc que la CSST a imputé au dossier de l’employeur le coût d’une visite médicale effectuée près de deux ans après la consolidation de la lésion professionnelle sans nécessité de traitements additionnels, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle. Aucun document n’est produit quant à cette visite médicale de telle sorte qu’il est impossible pour l’employeur d’en connaître le motif.
[552] En fonction des critères déjà déterminés, le tribunal conclut que l’employeur a démontré que les coûts relatifs à cette visite médicale ne peuvent être assimilés à des « prestations dues en raison d’un accident du travail » et qu’en conséquence il n’a pas à les supporter.
Opinion dissidente
[553] La soussignée conclut de la même manière, mais souligne tenir compte surtout du fait que la visite médicale ne soit pas documentée par un rapport médical et du fait qu’une longue période s’est écoulée entre la date de la consolidation de la lésion professionnelle et la visite médicale faisant en sorte que le lien de causalité entre cette visite médicale et l’accident du travail ne peut être démontré.
DOSSIER 391851 (CSST 128162963)
Opinion du tribunal
[554] Dans ce dossier, madame Catherine Jobet (la travailleuse) est victime d’un accident du travail le 12 avril 2005. Elle s’inflige une entorse lombaire.
[555] Le 25 avril 2005, le médecin qui a charge de la travailleuse produit un rapport final. Il y consolide l’entorse lombaire le 1er mai 2005, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[556] Or, les traitements de physiothérapie se poursuivent et, le 9 mai 2005, le médecin qui a charge produit un second rapport final par lequel il consolide l’entorse lombaire à cette dernière date, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[557] Le 31 mai 2005, l’agente d’indemnisation de la CSST note avoir reçu ce rapport et elle ferme le dossier.
[558] Pourtant, les traitements se poursuivent malgré l’émission de ce rapport final. De plus, la travailleuse revoit son médecin à plusieurs reprises, plus d’un an après le 9 mai 2005, soit les 7, 8, 13 et 27 septembre 2006 et le 9 novembre 2006. Toutes ces visites médicales sont imputées au dossier d’expérience de l’employeur.
[559] Le 8 mars 2009, l’employeur réclame le retrait des coûts relatifs aux visites médicales et aux traitements à compter du 9 mai 2005. Le 12 mars 2009, la CSST rejette cette requête au motif que l’employeur n’a pas démontré que ces visites médicales ne sont pas reliées à la lésion professionnelle subie par la travailleuse le 12 avril 2005. Elle signale que cette dernière a droit à l’assistance médicale que requiert son état et qu’aucune disposition légale ne précise la fin de ce droit.
[560] L’employeur demande la révision de cette décision et, le 10 septembre 2009, elle est maintenue par la CSST à la suite d’une révision administrative.
[561] À l’audience, Me Lauzon signale que, dans cette affaire, le médecin émet parfois plusieurs rapports le même jour, lors de la même visite. Tous les coûts de ces rapports sont imputés au dossier d’expérience de l’employeur. En outre, ce médecin produit des comptes pour des visites médicales dont les rapports ne sont pas au dossier et qui ne peuvent être justifiés en raison de l’évolution de la lésion, compte tenu de la consolidation antérieure de celle-ci sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[562] Ainsi, la preuve démontre que la CSST a imputé au dossier de l’employeur les coûts des traitements et des nombreuses visites médicales effectuées après la date de consolidation de la lésion professionnelle sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle. De plus, ces visites médicales ne sont pas documentées de telle sorte qu’il est impossible pour l’employeur d’en connaître le motif.
[563] En fonction des critères déjà déterminés, le tribunal conclut que l’employeur a démontré que les coûts relatifs à ces visites médicales et à ces traitements ne peuvent être assimilés à des « prestations dues en raison d’un accident du travail » et qu’en conséquence, il n’a pas à les supporter.
Opinion dissidente
[564] La soussignée conclut de la même manière, mais souligne tenir compte surtout du fait que les visites médicales ne soient pas documentées par des rapports médicaux et du fait qu’une longue période s’est écoulée entre la date de la consolidation de la lésion professionnelle et les visites médicales faisant en sorte que le lien de causalité entre ces visites médicales et l’accident du travail ne peut être démontré.
DOSSIER 391502 (CSST 126884873)
Opinion de la présente formation
[565] Dans ce dossier, madame Pierrette Dorion (la travailleuse) subit un accident du travail le 11 décembre 2004. Elle présente une problématique à la ceinture scapulaire gauche.
[566] Le 26 avril 2005, un premier avis est émis par un membre du Bureau d’évaluation médicale. Il diagnostique une synovite acromio-claviculaire gauche avec une atteinte réflexe de la ceinture scapulaire. Il estime que cette lésion n’est pas encore consolidée. Il précise que la physiothérapie doit être cessée et que seules des infiltrations acromio-claviculaires sont indiquées. Or, les traitements de physiothérapie se poursuivent à la suite de cet avis.
[567] Le 17 novembre 2005, un deuxième avis est émis par un membre du Bureau d’évaluation médicale au sujet de la date de la consolidation et des traitements. La lésion est consolidée le 15 septembre 2005 sans nécessité de poursuivre tout traitement et toute investigation à partir de cette date.
[568] De son côté, le 16 septembre 2005, le médecin qui a charge de la travailleuse permet un retour au travail régulier tout en continuant les traitements de physiothérapie. Cependant, il a tôt fait d’imposer des restrictions puisque la travailleuse ne peut accomplir ses tâches habituelles. De plus, ce médecin note que cette dernière doit prendre des médicaments pour atténuer les douleurs résultant de la lésion professionnelle.
[569] La travailleuse poursuit donc son travail, avec restrictions, jusqu’au 1er juin 2006, date à laquelle le médecin qui a charge prévoit une « tentative » de reprise du travail régulier.
[570] Entre temps, le 22 septembre 2005, la CSST détermine que la travailleuse est capable d’exercer son emploi à compter du 16 septembre 2005 et qu’elle n’a plus droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu.
[571] Le 7 octobre 2005, la CSST avise la travailleuse qu’elle met fin aux traitements de physiothérapie à partir du 21 septembre 2005 puisque ces traitements ont été erronément poursuivis depuis le premier avis émis par le membre du Bureau d’évaluation médicale. Pourtant, il ressort des documents informatiques de la CSST que les coûts relatifs à ces traitements sont retirés du dossier d’expérience de l’employeur à compter du 14 mai 2005.
[572] Le 7 décembre 2005, la CSST détermine que la lésion professionnelle subie par la travailleuse le 11 décembre 2004 est consolidée le 15 septembre 2005 et, contrairement à ce qu’elle indique dans la décision du 22 septembre 2005, elle précise qu’elle poursuit le versement de l’indemnité de remplacement du revenu.
[573] Par ailleurs, le 3 mars 2006, la CSST rend une deuxième décision concernant la capacité de travail de la travailleuse. Elle soutient désormais que celle-ci est capable d’exercer son emploi à compter du 6 mars 2006. La CSST juge que, malgré l’absence de rapport final émis par le médecin qui a charge de la travailleuse, son retour au travail régulier depuis septembre 2005 démontre sa capacité à exercer son emploi.
[574] Le 5 mars 2009, l’employeur réclame le retrait des coûts à compter du 15 septembre 2005, date de la consolidation déterminée par le membre du Bureau d’évaluation médicale. Il ressort de la « Liste des comptes de médecin du dossier » que des frais relatifs aux visites médicales sont portés au dossier d’expérience de l’employeur les 16 septembre 2005, 12 et 21 octobre 2005, 16 et 17 novembre 2005, 14 décembre 2005, 17 février 2006, 24 mars 2006 et 1er juin 2006.
[575] Le 3 avril 2009, la CSST refuse d’accorder à l’employeur le retrait des coûts qu’il réclame puisque sa demande est déposée en dehors du délai de six mois prévu au Règlement sur la nouvelle détermination de l’imputation. L’employeur demande la révision de cette décision et, le 1er septembre 2009, la CSST, à la suite d’une révision administrative, la maintient puisque ce dernier ne respecte pas les conditions permettant une reconsidération en vertu de l’article 365 de la loi.
[576] À l’audience, Me Lauzon soutient que la décision établissant la capacité de travail de la travailleuse, le 16 septembre 2005, équivaut à une consolidation sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle. Dès lors, les coûts ne doivent plus être imputés au dossier d’expérience de l’employeur à compter de cette date.
[577] En fonction des critères établis dans la présente décision, il y a lieu de conclure que, contrairement à ce qui est rapporté dans la décision rendue par la CSST à la suite d’une révision administrative, l’article 365 de la loi ne s’applique pas à la demande de l’employeur. Il convient également de préciser que le Règlement sur la nouvelle détermination de l’imputation ne s’applique pas non plus à ladite demande. Les décisions rendues par la CSST, initialement et à la suite d’une révision administrative, ne peuvent être maintenues sur la base de ces motifs.
[578] La présente formation se prononcera donc sur le fond de ce litige.
[579] Or, il ressort de la preuve que la CSST a imputé au dossier de l’employeur les coûts de nombreuses visites médicales effectuées après la date de consolidation fixée par un membre du Bureau d’évaluation médicale.
[580] Ce membre considère également qu’en date du 15 septembre 2005, aucun traitement ou soin n’est requis en lien avec la lésion professionnelle. Il ne statue pas, toutefois, sur les questions de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles découlant de la lésion professionnelle.
[581] Le 16 septembre 2005, le médecin qui a charge de la travailleuse permet un retour au travail sans décrire d’atteinte permanente ou de limitations fonctionnelles. Cependant, les documents médicaux au dossier démontrent qu’il prévoit rapidement certaines restrictions et que ce n’est que le 1er juin 2006 qu’il autorise une « tentative » de retour au travail régulier.
[582] Dans ces circonstances, la présente formation estime que la preuve ne permet pas de conclure que la lésion professionnelle subie par la travailleuse le 11 décembre 2004 est « guérie » le 16 septembre 2005.
[583] Ainsi, bien que l’absence de rapport final ne constitue pas nécessairement une fin de non-recevoir à une demande de retrait des coûts reliés aux visites médicales, la présente formation considère que la preuve doit établir clairement l’absence de séquelles résultant de la lésion professionnelle. Or, l’employeur est loin d’avoir fourni une telle preuve dans le présent dossier.
[584] En conséquence, la présente formation conclut que les coûts relatifs aux visites médicales postérieures au 15 septembre 2005 sont générés en raison de la lésion professionnelle et ils doivent donc être assimilés à des « prestations dues en raison d’un accident du travail ». L’employeur doit donc les supporter.
DOSSIER 391499 (CSST 126887140)
Opinion du tribunal
[585] Dans ce dossier, madame Sonia Lamoureux (la travailleuse) est victime d’un accident du travail le 29 novembre 2004. Elle présente une atteinte au trapèze gauche.
[586] Le 8 février 2007, au terme du processus de contestation amorcé à la suite d’un avis émis par le membre du Bureau d’évaluation médicale, la Commission des lésions professionnelles confirme que cette lésion est consolidée le 22 mars 2005, sans nécessité de soins ou de traitements après cette date.
[587] Un autre membre du Bureau d’évaluation médicale est saisi des questions de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles relatives à cette lésion professionnelle et, le 28 juin 2005, il détermine qu’il ne résulte aucune atteinte permanente ou limitation fonctionnelle de la lésion professionnelle subie par la travailleuse le 29 novembre 2004.
[588] Le 8 juillet 2005, la CSST décide donc que la travailleuse est capable d’exercer son emploi à partir du 22 mars 2005 et elle met fin au versement de l’indemnité de remplacement du revenu à cette date.
[589] De plus, il ressort des documents provenant du site informatique de la CSST que les coûts relatifs aux soins et aux traitements sont retirés du dossier de l’employeur à compter du 22 mars 2005. Cependant, la « Liste des comptes de médecin du dossier » démontre que des coûts relatifs aux visites médicales sont imputés à ce dossier après le 22 mars 2005, soit les 23 mars 2005, 29 septembre 2005 et 13 décembre 2005.
[590] Le 5 mars 2009, l’employeur s’adresse à la CSST afin d’obtenir le retrait des coûts imputés depuis le 22 mars 2005. Le 2 avril 2009, la CSST refuse cette demande invoquant les délais du Règlement sur la nouvelle détermination de l’imputation. L’employeur demande la révision de cette décision et, le 1er septembre 2009, la CSST, à la suite d’une révision administrative, la confirme en s’appuyant plutôt sur le non-respect des conditions prévues à l’article 365 de la loi.
[591] En fonction des critères établis dans la présente décision, il y a lieu de conclure que, contrairement à ce qui est rapporté dans la décision rendue par la CSST à la suite d’une révision administrative, l’article 365 de la loi ne s’applique pas à la demande de l’employeur. Il convient également de préciser que le Règlement sur la nouvelle détermination de l’imputation ne s’applique pas non plus à cette demande. Le tribunal ne peut donc maintenir les décisions rendues.
[592] Le tribunal se prononcera donc sur le fond de ce litige.
[593] Or, il appert que la CSST a imputé au dossier de l’employeur les coûts de nombreuses visites médicales effectuées après la date de consolidation fixée par la Commission des lésions professionnelles. Le tribunal a pourtant statué que la lésion professionnelle était consolidée au 22 mars 2005 et que, au-delà de cette date, aucun soin ou traitement n’était requis. En outre, le 28 juin 2005, le membre du Bureau d’évaluation médicale détermine qu’il ne résulte aucune atteinte permanente ni limitation fonctionnelle de cette lésion professionnelle.
[594] Tous ces éléments permettent au tribunal de conclure que l’employeur a démontré que les coûts relatifs aux visites médicales postérieures au 22 mars 2005 ne peuvent être assimilés à des « prestations dues en raison d’un accident du travail ». En conséquence, il n’a pas à les supporter.
Opinion dissidente
[595] Outre, pour la visite du 23 mars 2005, aucun rapport médical correspondant à des visites médicales effectuées le 29 septembre et 13 décembre 2005 ne figure au dossier. Quant à la visite du 23 mars 2005, elle concerne le retour au travail de la travailleuse à la suite de sa lésion professionnelle.
[596] La soussignée estime que le coût pour les visites médicales du 29 septembre 2005 et du 13 décembre 2005 imputé au dossier financier de l’employeur doit être retiré du dossier étant donné l’absence de rapports médicaux.
DOSSIER 391604 (CSST 123190969)
Opinion du tribunal
[597] Dans ce dossier, madame Jocelyne Sigouin (la travailleuse) est victime d’un accident du travail le 19 février 2003 accepté par la Commission des lésions professionnelles le 21 décembre 2004. Le diagnostic retenu est celui d’entorse lombaire.
[598] Le 26 mars 2003, le médecin qui a charge de cette dernière consolide cette lésion à cette date, avec une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.
[599] Une procédure d’évaluation médicale est donc initiée et, le 7 septembre 2004, un membre du Bureau d’évaluation médicale estime qu’il ne résulte aucune atteinte permanente ou limitation fonctionnelle de cette lésion professionnelle.
[600] Le 5 janvier 2009, l’employeur réclame un retrait des coûts relatifs aux visites médicales effectuées après le 26 mars 2003. La CSST impute effectivement de tels coûts les 27 mars 2003, 26 mai 2003, 23 juin 2003, 18 juin 2004, 19 juillet 2004, 3 août 2004 et 26 novembre 2004.
[601] Le 27 février 2009, la CSST rejette cette demande en raison du non-respect du délai de six mois prévu au Règlement sur la nouvelle détermination de l’imputation. L’employeur demande la révision de cette décision et, le 3 septembre 2009, la CSST, à la suite d’une révision administrative, la maintient opposant à l’employeur les conditions édictées à l’article 365 de la loi.
[602] À l’audience, Me Lauzon précise qu’elle soumet ce cas afin que la présente formation statue sur l’imputation faite entre la date de la consolidation, le 26 mars 2003, et la date où le membre du Bureau d’évaluation médicale se prononce sur l’absence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles, le 7 septembre 2004, ainsi que sur l’imputation des coûts après cette dernière date.
[603] En fonction des critères établis dans la présente décision, il y a lieu de conclure que, contrairement à ce qui est rapporté dans la décision rendue par la CSST à la suite d’une révision administrative, l’article 365 de la loi ne s’applique pas à la demande de l’employeur. Il convient également de préciser que le Règlement sur la nouvelle détermination de l’imputation ne s’applique pas non plus à ladite demande. Le tribunal ne peut donc maintenir ces décisions.
[604] Le tribunal se prononcera donc sur le fond de ce litige.
[605] Comme l’a déjà décidé le tribunal, il n’y a pas lieu de faire de distinction entre la consolidation d’une lésion professionnelle déterminée par le médecin qui a charge de la travailleuse et celle acquise au terme d’un processus d’évaluation médicale. L’effet juridique des décisions prises à la suite d’un avis émis par le membre du Bureau d’évaluation médicale fait en sorte que, à compter de la date de la consolidation, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, les visites médicales subséquentes ne sont plus en lien avec la lésion professionnelle et les coûts qu’elles génèrent ne peuvent donc être imputés à l’employeur.
[606] Or, il appert des faits du présent dossier que la CSST a imputé au dossier de l’employeur les coûts des visites médicales postérieures à la date de consolidation de la lésion professionnelle, le 26 mars 2003, alors qu’il n’en résulte aucune atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[607] Tous ces éléments permettent au tribunal de conclure que l’employeur a démontré que les coûts relatifs aux visites médicales postérieures au 26 mars 2003 ne peuvent être assimilés à des « prestations dues en raison d’un accident du travail ». En conséquence, il n’a pas à les supporter.
[608] Cependant, le tribunal constate que la visite médicale du 19 juillet 2004 s’inscrit dans le processus d’évaluation médicale puisqu’elle a pour objet la production du rapport complémentaire prévu à l’article 205.1 de la loi. Cette visite médicale est donc utile à la détermination des conséquences médicales de l’accident du travail subi par la travailleuse le 19 février 2003 et les coûts relatifs à celle-ci doivent donc demeurer imputés au dossier d’expérience de l’employeur.
Opinion dissidente
[609] La soussignée conclut de la même manière, mais souligne tenir compte surtout du fait que les visites médicales ne soient pas documentées par des rapports médicaux faisant en sorte que le lien de causalité entre ces visites médicales et l’accident du travail ne peut être démontré.
Université McGill
DOSSIER 393675 (CSST 134262195)
Opinion du tribunal
[610] Dans ce dossier, monsieur Juan Moreno (le travailleur) est victime d’un accident du travail le 27 novembre 2008. Il s’inflige une entorse lombaire.
[611] Le 26 janvier 2009, le médecin qui a charge du travailleur consolide cette lésion sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[612] Le 13 août 2009, l’employeur réclame le retrait des coûts relatifs à des visites médicales effectuées les 1er et 2 avril 2009. Le 20 août 2009, la CSST rejette cette demande au motif que le travailleur a droit à l’assistance médicale que requiert son état en raison de sa lésion et qu’il est de la responsabilité de l’employeur de démontrer que ces visites ne sont pas en relation avec la lésion professionnelle. L’employeur demande la révision de cette décision et, le 21 octobre 2009, la CSST à la suite d’une révision administrative la maintient.
[613] La preuve démontre donc que la CSST a imputé au dossier de l’employeur les coûts de deux visites médicales effectuées après la date de consolidation de la lésion professionnelle alors qu’il n’en résulte aucune atteinte permanente ni limitation fonctionnelle. De plus, aucun document n’appuie ces visites médicales de telle sorte qu’il est impossible pour l’employeur d’en connaître le motif.
[614] En fonction des critères déjà déterminés, le tribunal conclut que l’employeur a démontré que les coûts relatifs à ces visites médicales ne peuvent être assimilés à des « prestations dues en raison d’un accident du travail » et qu’en conséquence, il n’a pas à les supporter.
Opinion dissidente
[615] La soussignée conclut de la même manière, mais souligne tenir compte surtout du fait que les visites médicales ne soient pas documentées par des rapports médicaux faisant en sorte que le lien de causalité entre ces visites médicales et l’accident du travail ne peut être démontré.
DOSSIER 383712 (CSST 131505554)
Opinion du tribunal
[616] Dans ce dossier, monsieur Napoléon Garay (le travailleur) subit un accident du travail le 14 mai 2007. Il souffre alors d’une lombalgie.
[617] Le 3 juillet 2007, cette lésion est consolidée par le médecin qui a charge de ce dernier sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[618] Le 17 mars 2008, l’employeur réclame le retrait des coûts reliés à une visite médicale survenue le 17 septembre 2007. L’employeur constate que cette visite lui a été facturée après avoir vérifié ses relevés mensuels.
[619] Le 10 avril 2008, la CSST refuse d’accorder à l’employeur le retrait des coûts qu’il revendique. Elle invoque l’article 188 de la loi et elle précise que c’est le médecin qui fixe les rendez-vous et que la CSST est liée par les décisions de celui-ci. De plus, elle admet ne pas avoir en sa possession le rapport du 17 septembre 2007, mais elle souligne que, selon l’article 201 de la loi, le médecin n’a pas d’obligation de fournir un tel rapport si l’évolution de la pathologie n’est pas modifiée de façon significative. L’employeur demande la révision de cette décision et, le 23 juin 2009, la CSST, à la suite d’une révision administrative, la maintient car l’employeur n’a pas démontré l’absence de relation entre cette visite médicale et la lésion professionnelle.
[620] La preuve démontre donc que la CSST a imputé au dossier de l’employeur le coût d’une visite médicale effectuée plusieurs mois après la date de consolidation de la lésion professionnelle alors qu’il n’en résulte aucune atteinte permanente ni limitation fonctionnelle. De plus, cette visite médicale n’est pas documentée de telle sorte qu’il est impossible pour l’employeur d’en connaître le motif.
[621] En fonction des critères déjà déterminés, le tribunal conclut que l’employeur a démontré que les coûts relatifs à cette visite médicale ne peuvent être assimilés à des « prestations dues en raison d’un accident du travail » et qu’en conséquence, il n’a pas à les supporter.
Opinion dissidente
[622] La soussignée conclut de la même manière, mais souligne tenir compte surtout du fait que la visite médicale ne soit pas documentée par un rapport médical faisant en sorte que le lien de causalité entre cette visite médicale et l’accident du travail ne peut être démontré.
DOSSIER 405142 (CSST 131505554)
Opinion du tribunal
[623] Dans ce dossier, monsieur Napoléon Garay (le travailleur) est victime d’une lésion professionnelle le 14 mai 2007, lésion qui est consolidée par le médecin qui a charge le 3 juillet 2007, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[624] Le 20 septembre 2009, l’employeur demande le retrait des coûts relatifs à une visite médicale effectuée par le travailleur le 20 septembre 2007. L’employeur réalise que cette visite lui a été facturée après étude de ses relevés mensuels.
[625] Le 7 décembre 2009, la CSST refuse d’accorder à l’employeur le retrait des coûts qu’il réclame.
[626] Elle invoque l’article 188 de la loi et elle soutient que l’employeur doit démontrer l’absence de relation entre la visite médicale dont il veut se voir décharger des coûts et la lésion professionnelle.
[627] De plus, elle admet ne pas avoir en sa possession le rapport du 20 septembre 2007, mais elle souligne que, selon l’article 201 de la loi, le médecin n’a pas d’obligation de fournir un tel rapport si l’évolution de la pathologie n’est pas modifiée de façon significative.
[628] L’employeur demande la révision de cette décision et, le 9 mars 2010, la CSST à la suite d’une révision administrative la maintient.
[629] La preuve démontre donc que la CSST a imputé au dossier de l’employeur les coûts d’une visite médicale effectuée plusieurs mois après la date de consolidation de la lésion professionnelle alors qu’il n’en résulte aucune atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[630] De même, aucun document n’est produit à la suite de cette visite médicale de telle sorte qu’il est impossible pour l’employeur d’en connaître le motif.
[631] En fonction des critères déjà déterminés, le tribunal conclut que l’employeur a démontré que les coûts relatifs à cette visite médicale ne peuvent être assimilés à des « prestations dues en raison d’un accident du travail » et qu’en conséquence, il n’a pas à les supporter.
Opinion dissidente
[632] La soussignée conclut de la même manière, mais souligne tenir compte surtout du fait que la visite médicale ne soit pas documentée par un rapport médical faisant en sorte que le lien de causalité entre cette visite médicale et l’accident du travail ne peut être démontré.
Entrepôt non-périssable (Montréal)
DOSSIER 405775 (CSST 131294118)
Opinion du tribunal
[633] Dans ce dossier, monsieur Normand Gratton (le travailleur) est victime d’un accident du travail le 12 mars 2007. Il s’inflige une entorse lombaire.
[634] Cette lésion est consolidée par le médecin qui a charge du travailleur le 10 juin 2007, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[635] Me Guimond explique que l’employeur vérifie les coûts trimestriellement au moyen des données informatiques fournies par la CSST.
[636] Elle dépose un relevé informatique obtenu par l’employeur le 29 juin 2009 dans lequel, à la ligne concernant le travailleur, il est inscrit que cette lésion a généré des coûts de 2 168,00 $, que ce dossier est fermé depuis le 10 juin 2007 et qu’il est microfilmé.
[637] Cependant, dans le relevé informatique obtenu par l’employeur le 6 octobre 2009, les coûts notés à la ligne concernant le travailleur sont dorénavant de 2 303,00 $.
[638] L’employeur réalise qu’il y a un problème étant donné les nouveaux coûts apparus, en 2009, dans ce dossier fermé depuis 2007.
[639] L’employeur consulte donc le portrait du travailleur dans les fichiers informatiques de la CSST et, plus particulièrement, la « Liste des comptes de médecin du dossier ». Il constate que les coûts de deux visites médicales, datées du 18 juin 2009 et totalisant la somme de 134,74 $, sont portés au dossier d’expérience de ce dernier.
[640] L’employeur se demande donc pourquoi, deux ans après la consolidation de la lésion professionnelle sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, des coûts sont imputés à son dossier entre juin et octobre 2009.
[641] Le 13 octobre 2009, l’employeur s’adresse à la CSST afin de faire retirer ces coûts de son dossier d’expérience.
[642] Le 14 octobre 2009, la CSST rejette cette demande de l’employeur.
[643] Elle invoque l’article 188 de la loi et précise qu’un travailleur victime d’une lésion professionnelle a droit à l’assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.
[644] Elle ajoute que l’employeur doit démontrer l’absence de relation entre la visite médicale dont il veut se voir décharger des coûts et la lésion professionnelle. De plus, elle admet ne pas avoir en sa possession le rapport du médecin en lien avec les visites médicales.
[645] En outre, elle souligne que l’augmentation des frais imputés à son dossier d’expérience est due à un remboursement fait à la RAMQ pour des comptes de médecins, concernant des services rendus à des travailleurs en lien avec une lésion professionnelle, pour les années 2004 à 2008.
[646] L’employeur demande la révision de cette décision et, le 3 février 2010, la CSST, à la suite d’une révision administrative, la maintient puisque l’employeur n’a pas démontré que cette visite médicale, qui survient plus de deux ans après la consolidation de la lésion professionnelle, n’était pas en relation avec celle-ci. Elle invoque que « même si une lésion professionnelle est consolidée, il est possible qu’une ou des visites médicales soient jugées nécessaires par le médecin qui a charge pour effectuer un suivi de l’état de santé du travailleur, qu’il y ait ou non présence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles ». L’employeur conteste cette dernière décision.
[647] Me Guimond précise que les deux visites médicales du 18 juin 2009 dont l’employeur veut se voir décharger des coûts ne sont appuyées d’aucun rapport ce qui rend difficile, voire impossible, d’en connaître les motifs afin de satisfaire au fardeau de non-relation imposé par la CSST.
[648] La preuve démontre donc que la CSST a imputé au dossier de l’employeur les coûts de deux visites médicales effectuées après la date de consolidation de la lésion professionnelle alors qu’il n’en résulte aucune atteinte permanente ni limitation fonctionnelle. De plus, ces visites médicales ne sont pas documentées de telle sorte qu’il est impossible pour l’employeur d’en connaître le motif. Ce dernier n’est même pas en mesure d’en déterminer la date exacte puisqu’il semble que, selon les informations fournies par la CSST, il s’agit de visites effectuées quelque part entre 2004 et 2008.
[649] En fonction des critères déjà déterminés, le tribunal conclut que l’employeur a démontré que les coûts relatifs à ces visites médicales ne peuvent être assimilés à des « prestations dues en raison d’un accident du travail » et qu’en conséquence, il n’a pas à les supporter.
Opinion dissidente
[650] La soussignée conclut de la même manière, mais souligne tenir compte surtout du fait que les visites médicales ne soient pas documentées et de fait qu’une longue période s’est écoulée entre la date de la consolidation de la lésion professionnelle et les visites médicales faisant en sorte que le lien de causalité entre cette visite médicale et l’accident du travail ne peut être démontré.
Sécurité des incendies de Montréal
DOSSIER 395433 (CSST 130807779)
Opinion du tribunal
[651] Dans ce dossier, monsieur Stephen Taylor (le travailleur) est victime d’un accident du travail le 4 novembre 2006. Il subit une entorse lombaire.
[652] Le médecin qui a charge de celui-ci consolide cette lésion le 7 juin 2007, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle. Toutefois, comme un processus d’évaluation médicale est déjà enclenché à cette époque, le 3 juillet 2007, le membre du Bureau d’évaluation médicale détermine que la lésion est plutôt consolidée le 30 mars 2007, sans nécessité de traitements après cette date, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[653] Le 18 juillet 2007, la CSST donne suite aux conclusions retenues par le membre du Bureau d’évaluation médicale. Elle ajoute que le travailleur est capable d’exercer son emploi à compter du 30 mars 2007.
[654] Or, dans un « Relevé des prestations accordées et des sommes imputées » émis le 8 septembre 2009, et visant les sommes inscrites au dossier d’expérience de l’employeur entre le 1er et le 31 août 2009, celui-ci constate que des coûts relatifs à des consultations et à des actes médicaux effectués les 12 et 26 avril 2007, les 5, 7 et 10 mai 2007 et le 7 juin 2007 sont imputés à son dossier.
[655] Le 28 septembre 2009, l’employeur réclame le retrait des coûts générés après le 30 mars 2007.
[656] Le 6 octobre 2009, la CSST rejette cette demande de l’employeur au motif que les coûts découlant d’une visite médicale effectuée après la date de la consolidation de même que les coûts des actes médico-administratifs nécessaires au processus d’évaluation médicale demeurent imputés au dossier d’expérience de l’employeur et que seule une preuve d’absence de relation permet à la CSST de reconsidérer sa décision en vertu de l’article 365 de la loi. L’employeur demande la révision de cette décision et, le 12 novembre 2009, la CSST à la suite d’une révision administrative la maintient.
[657] Toutefois, à l’audience, madame Caroline Dupras, conseillère principale au financement de la santé et de la sécurité au travail chez l’employeur, explique que, malgré ces refus apparents, la CSST retire du dossier d’expérience de ce dernier les coûts relatifs aux traitements postérieurs au 30 mars 2007 pour ne laisser que ceux rattachés aux visites médicales. Ces coûts sont de 257,19 $ et il s’agit donc du montant en jeu dans le présent dossier.
[658] La CSST invoque donc l’article 365 de la loi pour justifier son refus. Or, le tribunal le rappelle, cet article ne trouve pas application en l’espèce.
[659] Par ailleurs, comme l’a déjà décidé le tribunal, il n’y a pas lieu de faire de distinction entre la consolidation d’une lésion professionnelle déterminée par le médecin qui a charge du travailleur et celle acquise au terme d’un processus d’évaluation médicale. L’effet juridique des décisions prises à la suite de l’avis émis par le membre du Bureau d’évaluation médicale fait en sorte que, à compter de la date de la consolidation, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, les visites médicales subséquentes ne sont plus en lien avec la lésion professionnelle et les coûts qu’elles génèrent ne peuvent donc être imputés à l’employeur.
[660] Or, il appert des faits du présent dossier que la CSST a imputé au dossier de l’employeur les coûts des visites médicales postérieures à la date de consolidation de la lésion professionnelle, le 30 mars 2007, alors qu’il n’en résulte aucune atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[661] Tous ces éléments permettent au tribunal de conclure que l’employeur a démontré que les coûts relatifs aux visites médicales postérieures au 30 mars 2007 ne peuvent être assimilés à des « prestations dues en raison d’un accident du travail ». En conséquence, il n’a pas à les supporter.
Opinion dissidente
[662] Les visites médicales effectuées entre le 30 mars et le 7 juin 2007 sont toutes accompagnées de rapports médicaux dans lesquels le médecin qui a charge recommande certaines restrictions dans le cadre du retour au travail. La visite du 7 juin est le rapport final émis.
[663] La soussignée estime que la preuve démontre que ces visites médicales ont été effectuées en en raison de l’accident du travail survenu et que le coût de ces visites médicales doit demeurer au dossier financier de l’employeur.
Arrondissement Mercier/Hochelaga-Maisonneuve
DOSSIER 395831 (CSST 130840325)
Opinion du tribunal
[664] Dans ce dossier, madame Monique Devost (la travailleuse) subit un accident du travail le 8 novembre 2006. Elle s’inflige un étirement musculaire au thorax gauche.
[665] Cette lésion est consolidée par le médecin qui a charge de celle-ci le 11 décembre 2006, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[666] Or, dans un « Relevé des prestations accordées et des sommes imputées » émis le 8 septembre 2009, et visant les sommes inscrites au dossier d’expérience de l’employeur entre le 1er et le 31 août 2009, celui-ci constate que des coûts relatifs à une consultation et à des actes médicaux effectués les 5 janvier et 16 février 2007 sont dorénavant imputés à son dossier.
[667] Le 18 septembre 2009, il réclame le retrait de ces coûts vu la consolidation antérieure de la lésion professionnelle sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[668] Le 21 septembre 2009, la CSST refuse d’accorder à l’employeur le retrait des coûts qu’il revendique au motif qu’il n’a pas démontré l’absence de relation entre ces visites médicales et la lésion professionnelle. L’employeur demande la révision de cette décision et, le 11 novembre 2009, elle est confirmée par la CSST à la suite d’une révision administrative.
[669] La preuve démontre donc que la CSST a imputé au dossier de l’employeur les coûts de deux visites médicales effectuées après la date de la consolidation de la lésion professionnelle alors qu’il n’en résulte aucune atteinte permanente ni limitation fonctionnelle. De plus, ces visites médicales ne sont pas documentées de telle sorte qu’il est impossible pour l’employeur d’en connaître les motifs.
[670] En fonction des critères déjà déterminés, le tribunal conclut que l’employeur a démontré que les coûts relatifs à ces visites médicales ne peuvent être assimilés à des « prestations dues en raison d’un accident du travail » et qu’en conséquence, il n’a pas à les supporter.
Opinion dissidente
[671] La soussignée conclut de la même manière mais souligne tenir compte surtout du fait que les visites médicales du 5 janvier et du 16 février 2007 ne soient pas documentées faisant en sorte que le lien de causalité entre ces visites médicales et l’accident du travail ne peut être démontré.
DOSSIER 398826 (CSST 133280909)
Opinion du tribunal
[672] Dans ce dossier, monsieur Roger Sasseville (le travailleur) est victime d’un accident du travail le 10 juin 2008. Il se blesse alors aux membres supérieurs et à la tête.
[673] Ces lésions sont consolidées, à la suite d’un avis émis par un membre du Bureau d’évaluation médicale, le 11 septembre 2008, sans nécessité de traitements après cette date, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[674] L’employeur conteste la décision de la CSST donnant suite à cet avis et, au terme du processus de contestation, le dossier se retrouve devant la Commission des lésions professionnelles.
[675] Le 2 avril 2009, la Commission des lésions professionnelles entérine un accord intervenu entre les parties et elle détermine que la lésion professionnelle est consolidée le 4 juillet 2008, que les soins ou les traitements ne sont plus requis et que le travailleur est en mesure d’exercer son emploi à compter de cette date.
[676] Or, dans un « Relevé des prestations accordées et des sommes imputées » émis par la CSST le 7 octobre 2009, et visant les sommes inscrites au dossier d’expérience de l’employeur entre le 1er et le 31 septembre 2009, ce dernier constate que des coûts relatifs à des consultations et à des actes médicaux effectués les 8, 21 et 29 juillet 2008, les 19 et 21 août 2008, le 23 septembre 2008 et le 28 octobre 2008 sont imputés à son dossier.
[677] Le 5 novembre 2009, l’employeur demande donc à la CSST de retirer ces coûts de son dossier d’expérience puisque la lésion est consolidée depuis le 4 juillet 2008 et que le travailleur est capable d’exercer son emploi à partir de cette date.
[678] Le 5 novembre 2009, la CSST rejette cette demande au motif que ces coûts doivent être imputés au dossier d’expérience de l’employeur et qu’il lui revient de faire la preuve d’une absence de relation afin que la CSST reconsidère sa décision en vertu de l’article 365 de la loi. L’employeur demande la révision de cette décision et, le 17 décembre 2009, la CSST, à la suite d’une révision administrative, la maintient en invoquant la note provinciale élaborée à ce sujet.
[679] En fonction des critères établis dans la présente décision, il y a lieu de conclure que, contrairement à ce qui est rapporté dans la décision rendue par la CSST, l’article 365 de la loi ne s’applique pas à la demande de l’employeur. La décision rendue par la CSST à la suite d’une révision administrative ne peut donc être maintenue.
[680] Par ailleurs, comme l’a déjà décidé le tribunal, il n’y a pas lieu de faire de distinction entre la consolidation d’une lésion professionnelle déterminée par le médecin qui a charge du travailleur et celle acquise au terme d’un processus d’évaluation médicale. L’effet juridique des décisions prises à la suite de l’avis émis par le membre du Bureau d’évaluation médicale fait en sorte que, à compter de la date de la consolidation, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, les visites médicales subséquentes ne sont plus en lien avec la lésion professionnelle et les coûts qu’elles génèrent ne peuvent donc être imputés à l’employeur.
[681] Or, il appert des faits du présent dossier que la CSST a imputé au dossier de l’employeur les coûts des visites médicales postérieures à la date de consolidation de la lésion professionnelle, le 4 juillet 2008, alors qu’il n’en résulte aucune atteinte permanente ni limitation fonctionnelle. Il y a certes un rapport complémentaire émis le 29 juillet 2008 en vertu de l’article 205.1 de la loi, mais il y a également un rapport d’évolution versé au dossier à cette même date.
[682] Comme le tribunal est incapable de distinguer quel est le rapport visé par l’imputation des coûts le 29 juillet 2008 et comme la preuve révèle que la CSST retire habituellement du dossier d’expérience d’un employeur les coûts relatifs au rapport complémentaire, le tribunal estime que les coûts imputés le 29 juillet 2008 sont fort probablement ceux reliés à un simple rapport médical. Dès lors, elle considère que ces coûts doivent également être soustraits du dossier de l’employeur.
[683] Tous ces éléments permettent donc au tribunal de conclure que l’employeur a démontré que les coûts relatifs aux visites médicales postérieures au 4 juillet 2008 ne peuvent être assimilés à des « prestations dues en raison d’un accident du travail ». En conséquence, il n’a pas à les supporter.
Opinion dissidente
[684] Les faits au dossier sont confus. Certains rapports médicaux y figurent et ne sont pas imputés alors que d’autres n’y figurent pas et sont imputés.
[685] La soussignée constate qu’un rapport médical daté du 19 août 2008 pour une visite médicale en lien avec la lésion professionnelle a eu lieu de même que le coût facturé pour le 29 juillet 2008 concerne le rapport complémentaire. Ils doivent donc demeurer au dossier financier de l’employeur.
[686] Toutefois, quant aux autres frais, la soussignée ne peut établir une relation. Ils doivent donc être retirés du dossier financier de l’employeur.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 383712-71-0907 (CSST 131505554)
ACCUEILLE la requête déposée par l’employeur, Université McGill;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 23 juin 2009 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que l’employeur ne doit pas supporter les coûts relatifs à la visite médicale effectuée par monsieur Napoléon Garay le 17 septembre 2007, soit après la date de la consolidation sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle de son accident du travail du 14 mai 2007.
Dossier 391499-62-0910 (CSST 126887140)
ACCUEILLE la requête déposée par l’employeur, Centre hospitalier de l’Université de Montréal-Pavillon Mailloux;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 1er septembre 2009 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que l’employeur ne doit pas supporter les coûts relatifs aux visites médicales effectuées par madame Sonia Lamoureux les 23 mars 2005, 29 septembre 2005 et 13 décembre 2005, soit après la date de la consolidation sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle de son accident du travail du 29 novembre 2004.
Dossier 391502-62-0910 (CSST 126884873)
REJETTE la requête déposée par l’employeur, Centre hospitalier de l’Université de Montréal-Pavillon Mailloux;
CONFIRME, pour d’autres motifs, la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 1er septembre 2009 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que l’employeur doit supporter les coûts relatifs aux visites médicales effectuées par madame Pierrette Dorion les 16 septembre 2005, 12 et 21 octobre 2005, 16 et 17 novembre 2005, 14 décembre 2005, 17 février 2006, 24 mars 2006 ainsi que 1er juin 2006 à la suite de son accident du travail du 11 décembre 2004.
Dossier 391595-62-0910 (CSST 127170983)
ACCUEILLE la requête déposée par l’employeur, Centre hospitalier de l’Université de Montréal-Pavillon Mailloux;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 1er septembre 2009 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que l’employeur ne doit pas supporter les coûts relatifs aux visites médicales effectuées par monsieur Jean Champagne les 3 mars et 14 mars 2005, soit après son retour au travail à la suite de l’accident du travail subi le 7 janvier 2005.
Dossier 391604-62-0910 (CSST 123190969)
ACCUEILLE la requête déposée par l’employeur, Centre hospitalier de l’Université de Montréal-Pavillon Mailloux;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 3 septembre 2009 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que l’employeur ne doit pas supporter les coûts relatifs aux visites médicales effectuées par madame Jocelyne Sigouin les 27 mars 2003, 26 mai 2003, 23 juin 2003, 18 juin 2004, 3 août 2004 et 26 novembre 2004, soit après la date de la consolidation sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle de son accident du travail du 19 février 2003.
DÉCLARE que les coûts reliés à la visite médicale effectuée le 19 juillet 2004 doivent demeurer imputés au dossier d’expérience de l’employeur.
Dossier 391701-62-0910 (CSST 125268755)
ACCUEILLE la requête déposée par l’employeur, Centre hospitalier de l’Université de Montréal-Pavillon Mailloux;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 8 septembre 2009 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que l’employeur ne doit pas supporter les coûts relatifs aux traitements d’ergothérapie et de physiothérapie reçus du 23 mars au 30 août 2004 ainsi que ceux relatifs aux visites médicales effectuées par monsieur Robert Gagnon du 12 mars au 29 septembre 2004, soit après la date de la consolidation sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle de son accident du travail du 21 février 2004;
DÉCLARE que les coûts reliés à la visite médicale effectuée le 30 août 2004 doivent demeurer imputés au dossier d’expérience de l’employeur.
Dossier 391785-71-0909 (CSST 124247701)
ACCUEILLE la requête déposée par l’employeur, Centre hospitalier de l’Université de Montréal-Pavillon Mailloux;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 8 septembre 2009 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que l’employeur ne doit pas supporter les coûts relatifs à la visite médicale effectuée par madame Michèle Cortes le 2 février 2005, soit après la date de la consolidation sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle de son accident du travail du 17 mars 2003.
Dossier 391851-71-0909 (CSST 128162963)
ACCUEILLE la requête déposée par l’employeur, Centre hospitalier de l’Université de Montréal-Pavillon Mailloux;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 10 septembre 2009 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que l’employeur ne doit pas supporter les coûts relatifs aux visites médicales effectuées par madame Catherine Jobet les 7, 8, 13 et 27 septembre 2006 ainsi que le 9 novembre 2006, soit après la date de la consolidation sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle de son accident du travail du 12 avril 2005.
Dossier 393675-71-0910 (CSST 134262195)
ACCUEILLE la requête déposée par l’employeur, Université McGill;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 21 octobre 2009 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que l’employeur ne doit pas supporter les coûts relatifs aux visites médicales effectuées par monsieur Juan Moreno les 1er et 2 avril 2009, soit après la date de la consolidation sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle de son accident du travail du 27 novembre 2008.
Dossier 395433-62-0911 (CSST 130807779)
ACCUEILLE la requête déposée par l’employeur, Sécurité des incendies de Montréal;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 12 novembre 2009 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que l’employeur ne doit pas supporter les coûts relatifs aux visites médicales effectuées par monsieur Stephen Taylor les 12 et 26 avril 2007, les 5, 7 et 10 mai 2007 et le 7 juin 2007, soit après la date de la consolidation sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle de son accident du travail du 4 novembre 2006.
Dossier 395831-71-0911 (CSST 130840325)
ACCUEILLE la requête déposée par l’employeur, Arrondissement Mercier/Hochelaga-Maisonneuve;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 11 novembre 2009 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que l’employeur ne doit pas supporter les coûts relatifs aux visites médicales effectuées par madame Monique Devost les 5 janvier et 16 février 2007, soit après la date de la consolidation sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle de son accident du travail du 8 novembre 2006.
Dossier 398826-62-0912 (CSST 133280909)
ACCUEILLE la requête déposée par l’employeur, Arrondissement Mercier/Hochelaga-Maisonneuve;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 17 décembre 2009 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que l’employeur ne doit pas supporter les coûts relatifs aux visites médicales effectuées par monsieur Roger Sasseville les 8, 21 et 29 juillet 2008, les 19 et 21 août 2008, ainsi que le 23 septembre 2008 et le 28 octobre 2008, soit après la date de la consolidation sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle de son accident du travail du 10 juin 2008.
Dossier 405142-71-1003 (CSST 131505554)
ACCUEILLE la requête déposée par l’employeur, Université McGill;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 9 mars 2010 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que l’employeur ne doit pas supporter les coûts relatifs à la visite médicale effectuée par monsieur Napoléon Garay le 20 septembre 2007, soit après la date de la consolidation sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle de son accident du travail du 14 mai 2007.
Dossier 405775-71-1003 (CSST 131294118)
ACCUEILLE la requête déposée par l’employeur, Entrepôt non-périssable (Montréal);
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 3 février 2010 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que l’employeur ne doit pas supporter les coûts relatifs aux deux visites médicales effectuées par monsieur Normand Gratton le 18 juin 2009, soit après la date de la consolidation sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle de son accident du travail du 12 mars 2007.
ANNEXE 1
1. Brasserie Labatt ltée et CSST,
C.L.P.
2. Hôpital Laval, C.L.P. 154509-32-0101-R, 17 juillet 2002, D. Beauregard;
3. Confort
Expert inc., C.L.P.
4. Provigo (Division Montréal
Détail), C.L.P.
5. MSSS (programme
emploi-service), C.L.P.
6. Vêtements Golden Brand Canada
ltée, C.L.P.
7. MSSS (Programme
emploi-service), C.L.P.
8. Industries Beco ltée, C.L.P. 238785-72-0407 et 248061-72-0411, 8 juin 2005, N. Lacroix;
9. Logistec
Arrimage inc., C.L.P.
10. Rampes Alumi-Fibre inc.,
C.L.P.
11. Hôpital
Laval, C.L.P.
12. Résidence Laurendeau,
C.L.P.
13. Les Viandes P.P. Hallé ltée,
C.L.P.
14. Construction Jean-Yves Dionne
inc. et CSST, C.L.P.
15. Société de terminus Cast,
C.L.P.
16. Compagnie d’arrimage Empire ltée, C.L.P. 260053-71-05-4, 5 décembre 2005, C. Racine;
17. A.D.M. Agri Industries ltd,
C.L.P.
18. I.B.M. Canada ltée, C.L.P. 256437-62B-0503, 9 février 2006, M.-D. Lampron;
19. CLSC-CHSLD
Thérèse-De-Blainville, C.L.P.
20. Métallurgie Brasco enr., C.L.P. 268225-05-05-8, 22 février 2006, M.-C. Gagnon;
21. CSSS Nord de l’Île &
Saint-Laurent, C.L.P.
22. Polane Excavation, C.L.P.
23. Ganotec inc. et CSST, C.L.P. 278714-02-0512 et 278715-02-0512, 25 septembre 2006, S. Lemire;
24. Centre de santé de Portneuf,
C.L.P.
25. Centre de S.S.S. Portneuf,
C.L.P.
26. Hôpital Notre-Dame de la Merci inc., C.L.P.
27. Ganotec
inc., C.L.P.
28. Provigo distribution (Division
Maxi), C.L.P.
29. C.T.R. Réadaptation Déficience intellectuelle, C.L.P. 280289-31-0601, 13 décembre 2006, M. Beaudoin;
30. McKerlie Millen (Carquest) et
CSST, C.L.P.
31. Ganotec
inc., C.L.P.
32. Résidence Laurendeau, C.L.P. 295890-71-0608, 1er mars 2007, Y. Lemire (décision rectifiée le 6 mars 2007);
33. Expertech Bâtisseur de réseaux
inc., C.L.P.
34. HVAC
inc., C.L.P.
35. Reitmans
Canada ltée, C.L.P.
36. Projets Préparation Emploi
(Messf), C.L.P.
37. Hôpital Rivière des Prairies, C.L.P. 291099-71-0608, 11 juillet 2007, M. Gauthier;
38. C.L.S.C.-CHSLD Thérèse de
Blainville, C.L.P.
39. Hôtel
Spa Excelsior, C.L.P.
40. Provigo Distribution inc.,
C.L.P.
41. Ganotec, C.L .P. 322726-04-0707, 14 novembre 2007, D. Lajoie;
42. Provigo Distribution inc.,
C.L.P.
43. Provigo Distribution inc.,
C.L.P.
44. Provigo Distribution (Division
Québec Gros), C.L.P.
45. Provigo Distribution inc.,
C.L.P.
46. Ambulances St-Amour de
Lanaudière, C.L.P.
47. Produits
Bell inc., C.L.P.
48. Provigo Distribution (Maxi
& Cie), C.L.P.
49. CP
Ships Limited, C.L.P.
50. C.H.S.L.D. Biermans-Triest,
C.L.P.
51. Les Industries Benco,
C.L.P.
52. Résidence Laurendeau,
C.L.P.
53. Agromex
inc., C.L.P.
54. Résidence Légaré, C.L.P.
55. Provigo Distribution inc.,
C.L.P.
56. Provigo Distribution inc.,
C.L.P.
57. Mittal
Canada inc., C.L.P.
58. Casino
de Montréal, C.L.P.
59. Arcelor Mittal Montréal inc.,
C.L.P.
60. Instech Télécommunications inc.,
C.L.P.
61. Produits American Biltrite (Canada) ltée, C.L.P. 351084-05-0806 et 365158-05-0812, 14 mai 2009, L. Boudreault;
62. Provigo Québec inc.-Division
Loblaws, C.L.P.
63. Coopérative forestière
Hautes-Laurentides, C.L.P.
64. CSSS du Nord de Lanaudière,
C.L.P.
65. Sœurs Sainte-Croix (Pavillon
Saint-Joseph), C.L.P.
66. Mittal Canada Lachine inc.,
C.L.P.
67. Mittal Canada Contrecoeur-ouest
inc., C.L.P.
68. Arcelor Mittal Montréal inc.,
C.L.P.
69. Hôpital Jean-Talon, C.L.P.
70. CLSC-CHSLD de l’Érable,
C.L.P.
71. I.B.M. Canada ltée, C.L.P.
72. I.B.M. Canada ltée, C.L.P.
73. I.B.M. Canada ltée, C.L.P.
74. I.B.M. Canada ltée, C.L.P.
75. I.B.M. Canada ltée, C.L.P.
76. Cascades Groupe Tissus inc.,
C.L.P.
77. Hôpital Louis-Hyppolite
Lafontaine, C.L.P.
78. CSSS de la Pointe-de-l’Île, C.L.P.
79. Résidence Pierre-Joseph-Triest,
C.L.P.
80. Métoplus
inc., C.L.P.
81. Provigo Distribution (Division
Maxi), C.L.P.
82. Hôpital Maisonneuve-Rosemont, C.L.P. 389121-71-0909, 391714-71-0910, 392083-71-0910, 392465-71-0910, 392524-71-0910, 392530-71-0910 et 396109-71-0911, 31 mars 2010, M. Zigby;
83. Logistec
Arrimage inc., C.L.P.
84. Québec (Ministère de l’Emploi
et de la Solidarité sociale, C.L.P.
85. Centre de données Maritimes
inc., C.L.P.
86. Résidence Laurendeau,
C.L.P.
87. Provigo
Distribution inc., C.L.P.
88. Casino de Charlevoix, C.L.P. 395857-31-0911 et 385190-31-0907, 30 septembre 2010, M.-A. Jobidon;
89. Orbi Métal Construction inc.,
C.L.P.
90. Casino de Charlevoix,
C.L.P.
91. CSSS Haut-Richelieu/Rouville,
C.L.P.
92. Iron Mountain Canada Corporation, C.L.P. 413318-61-1006 et 422165-61-1010, 10 décembre 2010, M. Langlois;
93. Lefebvre et Centre de santé et de services sociaux d’Arthabaska-et-de-l’Érable, C.L.P. 395472-04B-0911 et 412906-04B-1006, 23 décembre 2010, D. Beaulieu;
94. Québec (Ministère de l’Emploi
et la solidarité sociale), C.L.P.
95. Société Terminaux Montréal
Gateway, C.L.P.
96. CTR Défi Intel Mauricie Centre
Qc, C.L.P.
97. I.B.M. Canada ltée, C.L.P. 406238-62B-1003 et 408954-62B-1004, 31 janvier 2011, Alain Vaillancourt;
98. Centre de petite enfance
Gaminville, C.L.P.
99. C.P.E. Aux Portes du Matin,
C.L.P.
100. PAG Produits alimentaires enr.,
C.L.P.
101. C.P.E.
Lafontaine, C.L.P.
102. CHSLD
Paul Lizotte, C.L.P.
103. Meubles Cathedra inc. (Confort
2000), C.L.P.
104. Ventes Rudolph 2000 inc., C.L.P. 413692-61-1006 et 423494-61-1011, 14 mars 2011, M. Cuddihy;
105. Meubles Cathedra inc. (Confort 2000), C.L.P. 420062-63-1009 et 423636-63-1011, 17 mars 2011, J. David;
106. Coop. Ambulanciers Mauricie inc.,
C.L.P.
107. C.P.E.
Bilbo inc., C.L.P.
108. CSSS d’Ahuntsic &
Montréal-Nord, C.L.P.
109. Casino de Charlevoix, C.L.P.
110. CLSC Rivière-des-Prairies, C.L.P. 437020-63-1104, 3 octobre 2011, C.A. Bergeron.
111. Hôpital du Haut-Richelieu,
C.L.P.
ANNEXE 2
1. Brassette 101 enr. et Bernier et associés inc. (Syndic), 213948-08-0308, 14 janvier 2004, J.-M. Charette;
2. Hubbell Canada inc.,
C.L.P.
3. Mittal Canada inc.,
4. Provigo Distribution (Div.
Halpern Fisher), C.L.P.
5. Ganotec inc.et CSST et Fournier, C.L.P. 259028-63-0503, 268434-63-0505, 268456-63-0505 et 269473-63-0508, 8 mars 2006, J.-P. Arsenault;
6. Couvreurs Augusto Moniz inc.,
C.L.P.
7. Ambulance de Montcalm inc.,
C.L.P.
8. Centre universitaire de santé
McGill, C.L.P.
9. Pavillon
Hôpital Général, C.L.P.
10. Peinture
S. Bérubé, C.L.P.
11. Programme emploi-service,
C.L.P.
12. Entrepôt non-périssable Montréal, C.L.P.
13. Sobeys Group (IGA Extra #442), C.L.P.
14. Entrepôt non-périssable Montréal, C.L.P.
15. Hôpital Louis-H. Lafontaine, C.L.P.
16. Les Constructions L.P.J. inc. (Maxi & Cie),
C.L.P.
17. Hôpital Louis-H. Lafontaine, C.L.P.
18. CHSLD de la MRC de Champlain, C.L.P.
19. C.L.S.C. Rivière-des-Prairies, C.L.P.
20. Industries Plastique Transco ltée, C.L.P.
21. Empire Stevedoring cie ltée, C.L.P.
22. Place Montcalm Hôtel
inc., C.L.P.
23. Provigo Division Loblaws Québec, C.L.P.
24. Provigo Distribution (Div. Maxi), C.L.P.
25. Centre de santé et de services sociaux Haut-Richelieu-Rouville C.L.P.393997-62A-0911, 23 août 2010, P. Perron;
26. Logistec Arrimage inc., C.L.P.
27. Société Terminaux Montréal Gateway, C.L.P.
28. Aramark Québec inc. C.L.P.
29. Casino de Montréal C.L.P.
30. Vêtements Perless inc. C.L.P.
31. Bois Kennebec ltée
32. CHSLD Juif de
Montréal
33. Casino de Montréal
34. Résidence Louvain
35. Société de terminaux Montréal Gateway
36. Casino de Montréal
[1] Voir l’annexe I pour un relevé non exhaustif de ces décisions.
[2] L.R.Q., c. A-3.001.
[3] Voir l’annexe 2 pour un relevé non exhaustif de ces décisions.
[4] Pour un historique plus détaillé concernant la désignation de
cette formation et le but visé par cette démarche, voir la décision rendue sur
la question préliminaire dans l’affaire Université McGill et la CSST
[5] Précitée, note 4.
[6] L.R.Q., c. A-3.001.
[7] [1998] 130 G.O. 2, 6435, applicable aux présentes affaires.
[8] L.R.Q., C.C.Q., article 2925.
[9] L.R.Q., c. I-16.
[10] 2007 QCCLP 834 .
[11] Précitée, note 10.
[12] 2010 QCCLP 3746 .
[13] Outre les affaires Boulanger et Bouchard
précitées : Dumont et CHSLD de Matane
[14] S.T.M. et Bouchard et CSST
[15] Commission administrative des régimes de retraite et
d’assurances (CARRA) c. Turbide
[16] Me Guimond dépose les décisions suivantes à ce
sujet : C.P.E. Bilbo inc.
[17] Outre ces décisions déposées au long : Métoplus inc.
[18] Voir les affaires Société Terminaux Montréal Gateway
[19] Le petit Larousse illustré, 2006, éditions Larousse, Paris, p. 334.
[20] S.T.M. et Bouchard, Polane Excavation, Bertrand
et Manoir Saint-Sauveur, Roland Boulanger & Cie et CSST, Abattoir
Colbex inc. et Les Ailes de la Mode précitées aux notes 10, 14 et 16
ainsi que Sodexho Québec ltée et Laberge
[21] Outre les affaires Polane Excavation et Maintenance
Eureka ltée et Auclair précitées aux notes 14 et 20, Multi-Marques inc. et
Multi-Marques Distribution inc. et CSST
[22] Me Guimond dépose et commente les affaires : Pavages
Abénakis ltée et Paquet
[23] CSSS d’Ahuntsic & Montréal-Nord
[24] L.R.Q. c. S-4.2.
[25] C.L.P.
[26] Ils déposent une définition du terme « équité » extraite du site Internet suivant : http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/displayp.exe?28:s=2590317030:i=ft-1-5.htm.
[27] Ville de Drummondville c. Commission des lésions professionnelles, C.S. Drummond : 405-17-000337-035, le 27 janvier 2005, j. Dufresne.
[28] [1998], 130 G.O. 2, 5470.
[29] Les Attaches Remorques Srg inc.
[30] Ils citent à ce sujet l’affaire Roland Boulanger & Cie et CSST précitée à la note 10.
[31] Les représentants de la CSST invoquent deux décisions sur cette
question : Les Nettoyeurs Pellican inc.
[32] Industries Plastique Transco ltée
[33] Lafontaine et Forage Orbit inc.
[34] Précitée, note 25.
[35]
[36] Précitée, note 4.
[37] C.P.Q.M.C. et I.U.E.C. local 89 et autres,
[38] Précitée, note 21.
[39] [1998], 130 G.O. 2, 5470.
[40] Précitée, note 10.
[41] Par surcroît, face à un processus d’analyse qui est ici totalement absent.
[42] Précitée, note 10.
[43] Précitée, note 16.
[44] Précitée, note 20.
[45] Ford du Canada Ltée, précitée, note 20; Multi-Marques inc.,
précitée, note 21; McKerlie Millen (Carquest), précitée, note 21; Polane
Excavation, précitée, note 14; Projets Préparation Emploi (Messf),
C.L.P.
[46] Sécurité Kolossal et Shakamay, C.L.P.
[47] Voir le dossier Arrondissement Mercier/Hochelaga-Maisonneuve numéro 395831-71-0911.
[48] L.R.Q., c. J-3.
[49] Précitée, note 14.
[50] Précitée, note 15.
[51]
[52] Le petit Larousse illustré 2005, Paris, Larousse, p. 947.
[53] Précitée, note 52, p. 1024.
[54] Le petit Larousse illustré, précitée note 52, p. 529.
[55] Le petit Larousse illustré, précitée note 52, p. 529.
[56] Jean HAMBURGER, Flammarion Médecine-Sciences, 1975, Édisem inc, Saint-Hyacinthe, p.342.
[57] Voir le dossier 405775-71-1003, Entrepôt Non-périssable (Montréal), où la CSST allègue des remboursements faits à la RAMQ en 2009 pour des services rendus entre 2004 et 2008.
[58] Précitée, note 23 et annexe I, no. 10.
[59] Précitée, note 23 et annexe I, no. 10.
[60] Annexe I, no. 46.
[61] Annexe I, no. 66.
[62] Centre Petite Enfance Gaminville, précitée note 17 et annexe I, no. 98.
[63] Précitée, note 25.
[64] Voir, à titre d’exemples, les affaires Hôpital Notre-Dame de la Merci inc., Coopérative Forestière Hautes-Laurentides et Mittal Canada Contrecoeur-ouest inc. précitées à l’annexe I aux numéros 26, 63 et 67.
[65] Afin d’alléger, le terme « consolidée sans déficit anatomo-physiologique ni limitations fonctionnelles » sera utilisé sans répéter « sans nécessité de soins ou de traitements ».
[66]
[67] Ville de Drummondville et CSST
[68] Pierre-André CÔTÉ,
[69] Précitée, note 67.
[70] 2333-2224 Québec inc. et Thériault,
C.L.P.
[71] Chabot et Sel Warwick inc.,
C.L.P.
[72] CSN Construction, Fédération des
employées et employés de service public CSN et
Confédération des syndicats nationaux c. CLP,
[73] C.S.S.S. de la vieille Capitale et Beaupré,
[74] L.R.Q., c. M-9.
[75] Annexe 2, numéro 12.
[76] Annexe 2, numéro 31.
[77] Annexe 2, numéro 21.