Commission municipale du Québec ______________________________ |
||||
|
||||
|
||||
|
||||
Date : |
15 octobre 2013 |
|
||
|
|
|||
|
|
|||
Dossiers : |
CMQ-64198 et CMQ-64256 (27724-13) |
|
||
|
|
|||
|
|
|||
Juges administratifs : |
Thierry Usclat, vice-président Sylvie Piérard |
|
||
|
|
|||
|
|
|||
|
|
|||
|
|
|||
|
|
|||
|
|
|||
|
|
|||
|
|
|||
Personne visée par l’enquête : N... F... B... Conseiller municipal, Municipalité A
|
|
|||
|
|
|||
|
|
|||
____________________________________________________________________ |
|
|||
ENQUÊTE EN ÉTHIQUE ET DÉONTOLOGIE EN MATIÈRE MUNICIPALE |
|
|||
_____________________________________________________________________ |
|
|||
|
|
|||
DÉCISION
[1] Le 25 janvier 2012, le ministre des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire transmet à la Commission municipale du Québec (la Commission), conformément à l’article 22 de la Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale[1], une demande d’enquête en éthique et déontologie qui allègue une conduite dérogatoire de monsieur N... F... B..., conseiller municipal, à l’égard du Code d’éthique et de déontologie de la Municipalité A (la Municipalité).
[2] Le 29 mars 2012, le ministre des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire transmet à la Commission une seconde demande d’enquête visant la même personne.
[3] Lors des audiences, monsieur B... est présent et représenté par Me Jean-Carol Boucher[2].
[4] Avec le consentement de monsieur B... et de son avocat, la Commission décide de réunir aux fins d’enquête et de décision, les dossiers CMQ-64198 et CMQ-64256 puisque dans les deux cas, les demandes d’enquête sont initiées par le même plaignant et qu’elles visent la même personne.
[5] Aux fins de l’enquête, la Commission tient des audiences les 24 et 25 mai, les 15, 27 et 29 juin, le 3 août, le 17 septembre, les 10 et 12 octobre et les 13 et 14 novembre 2012 ainsi que le 4 octobre 2013.
[6] Les plaintes reprochent à monsieur B... de s’être placé en situation de conflit d’intérêts, de s’ingérer dans le travail des employés municipaux, d’avoir divulgué publiquement des informations confidentielles, d’avoir exercé un contrôle sur les membres du conseil municipal et d’avoir utilisé les ressources matérielles de la Municipalité à des fins personnelles.
[7] Aux fins de son enquête, la Commission résume ainsi les allégations de manquements reprochés à monsieur B...:
Allégations de conflits d’intérêts
1. En devenant actionnaire et directeur général de l’entreprise A ([Entreprise A]), monsieur B... se serait placé dans une situation où il devait faire un choix entre son intérêt personnel et celui de la Municipalité;
2. Comme membre du comité d’urbanisme et de développement de la Municipalité, monsieur B... aurait participé directement à la planification du développement résidentiel et commercial de la Municipalité, et ce, malgré le fait que [l’entreprise A] ait entrepris des démarches de développement de terrains lui appartenant, situés sur le territoire de la Municipalité;
3. En prenant part sciemment, par le biais de son entreprise, à un contrat avec la Municipalité, monsieur B... contreviendrait aux dispositions de l’article 304 de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités.[3]
4. En votant sur le retrait d’une disposition du Règlement sur la taxation et les compensations 2012 qui aurait eu un impact sur les taxes payables par l’entreprise A, monsieur B... se serait placé en situation de conflit d’intérêts, en devant faire un choix entre son intérêt personnel ou celui d’un proche et celui de la Municipalité;
5. En demeurant à la fois président du comité des finances et d’administration de la Municipalité et en agissant à titre de consultant en finance et fiscalité auprès de contribuables de la Municipalité, monsieur B... se serait placé dans une situation où il devait faire un choix entre son intérêt personnel ou celui d’un de ses proches et celui de la Municipalité;
Allégation d’avoir divulgué des informations confidentielles
6. Le 6 février 2012, lors d’une séance extraordinaire convoquée par le maire dans le but d’entendre les allégations de faits au soutien d’un vote de blâme contre le maire, monsieur B... aurait dévoilé publiquement que les taxes du maire avaient été payées en retard en 2011.
Allégation d’exercer un contrôle sur les membres du conseil
7. Monsieur B... aurait également exercé un contrôle indu sur les membres du conseil municipal, notamment en organisant des réunions avec certains conseillers favorables à ses idées, et ce, en l’absence du maire et des conseillers qui le soutiennent.
Allégations d’ingérence dans le travail des employés municipaux
8. Monsieur B... s’immiscerait régulièrement dans l’accomplissement des tâches administratives des cadres de la Municipalité, notamment en matière d’élaboration de budget et de contrôle des ressources humaines, et ce, en écartant expressément le maire du processus.
Allégations d’utilisation des ressources et des biens de la Municipalité à des fins personnelles
9. Monsieur B... se serait approprié des ressources appartenant à la Municipalité, soit du sable et du sel, pour les fins de l’entreprise A, sans avoir obtenu l’autorisation du conseil municipal.
ORDONNANCE DE CONFIDENTIALITÉ, DE NON-DIVULGATION ET DE NON - PUBLICATION
[8] Considérant qu’il est dans l’intérêt public afin de rencontrer les objectifs de la Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale (LEDMM), que l’identité des témoins, le contenu ou la teneur de leur témoignage soient protégés, la Commission a prononcé au tout début de l’enquête, une ordonnance de confidentialité, de non-divulgation et de non-publication pour valoir jusqu’à sa décision.
[9] Chaque témoin entendu a été informé que la Commission a prononcé une ordonnance de confidentialité, de non-divulgation et de non-publication dans les présents dossiers et en a reçu une copie.
LA PREUVE
[10] Dans le cadre de cette enquête, la Commission a entendu seize témoins ainsi que l’élu. Elle a également pris connaissance du Code d’éthique et de déontologie de la Municipalité A (le Code d’éthique et de déontologie) et des documents produits au soutien de la demande. Elle a de plus examiné les pièces produites au cours de l’audience et les procès-verbaux des séances du conseil municipal pertinents à l’enquête.
[11] À plusieurs reprises, la Commission a avisé le plaignant que son témoignage devait porter sur les allégations de manquements reprochés à monsieur B... et non sur les problèmes et les difficultés qui animent le conseil de la Municipalité.
[12] Lors de son témoignage, le plaignant expose longuement les raisons qui l’ont motivé à déposer sa plainte. Il fait entre autres référence à plusieurs événements qui ont eu lieu durant l’automne 2011, soit bien avant l’entrée en vigueur du Code d’éthique et de déontologie et le dépôt de la plainte.
[13] À cet égard, la Commission fait remarquer au plaignant que l’objet de son enquête est de déterminer si monsieur B... a commis un manquement au Code d’éthique et de déontologie entre la date d’entrée en vigueur du Code d’éthique et de déontologie et le dépôt des plaintes. Ainsi, la Commission examinera uniquement le comportement de monsieur B... pendant la période visée.
[14] Dans ce contexte, seuls les faits pertinents aux manquements reprochés durant cette période, seront examinés.
[15] Aux fins d’une meilleure compréhension, la Commission regroupe par sujet la preuve se rapportant aux allégations de manquements.
Fonctions de monsieur B...
[16] Monsieur B... est conseiller municipal A. Il est aussi membre de plusieurs comités de celle-ci, soit le comité des finances et d’administration, le comité de sécurité publique et le comité d’urbanisme et de développement. D’autre part, il exerce la profession de consultant en finance et fiscalité.
[17] Le plaignant reproche à monsieur B... d’être actionnaire et d’occuper un poste de direction de l’entreprise A indiquant que cette situation contrevient à l’article 8 du Code d’éthique et de déontologie.
[18] Monsieur B... a été embauché comme directeur général de [l’entreprise A] afin de redresser la compagnie. Cette dernière est située sur le territoire de la Municipalité. Selon le témoignage du secrétaire de la compagnie et celui de monsieur B..., ce dernier ne possède aucune action dans celle-ci.
[19] Il est rémunéré en vertu d’un contrat d’administration et de gestion, conclu entre [l’entreprise A] et la compagnie B appartenant à monsieur B....
Développement de terrains appartenant à [l’entreprise A]
[20] Le plaignant reproche entre autres à monsieur B... d’être en conflit d’intérêts et de profiter de ses fonctions de conseiller municipal et de membre du comité d’urbanisme et de développement de la Municipalité, pour favoriser le développement des terrains que la compagnie A possède [dans la région A].
[21] À cet égard, il soutient avoir reçu des informations lui permettant de croire qu’un agent d’immeubles aurait procédé à la mise en marché de certains lots appartenant à la compagnie A dans laquelle, selon le plaignant, monsieur B... détiendrait des actions.
[22] Cet agent d’immeubles a témoigné devant la Commission. Il confirme qu’aucune demande formelle n’a été faite par la compagnie ou un de ses représentants en vue de vendre ou de développer les terrains appartenant à [l’entreprise A]. Selon lui, les échanges sont demeurés informels et les discussions préliminaires.
Contrôle sur les membres du conseil
[23] Selon le plaignant, monsieur B... exerce un contrôle indu sur les membres du conseil municipal. Par exemple, il organise des réunions avec certains conseillers favorables à ses idées, et ce, en l’absence du maire et des autres conseillers.
[24] Tous les membres du conseil municipal ont témoigné devant la Commission. Certains soutiennent que monsieur B... est très impliqué parce qu’il a de bonnes connaissances en finance. D’autres membres du conseil sont plus catégoriques et précisent qu’il exerce plutôt un contrôle.
[25] Toutefois, tous sont unanimes pour dire que cela ne les a pas empêchés d’exercer leurs fonctions et, le cas échéant, leur droit de vote de façon libre et volontaire.
[26] Par contre, d’autres conseillers affirment au contraire que c’est le maire qui agit sans consulter les autres membres du conseil.
[27] Le plaignant ajoute que monsieur B... tente de mettre le maire à l’écart.
Ingérence dans le travail des employés cadres de la Municipalité
[28] Le plaignant allègue que monsieur B... s’immisce régulièrement dans le travail du personnel cadre de la Municipalité, notamment en matière d’élaboration du budget et de contrôle des ressources humaines.
[29] Plusieurs témoins confirment qu’ils n’ont subi aucune pression de la part de monsieur B..., même si celui-ci était présent dans les différents comités de la Municipalité.
[30] Sur ce point, monsieur B... affirme qu’il doit épauler les directeurs dans l’exercice de leurs fonctions. Il a pu comme membre du conseil ou de comités de la Municipalité, faire des recommandations, et ce, souvent à la demande des directeurs de service.
[31] Finalement, l’ancien directeur général confirme que monsieur B... s’implique beaucoup, particulièrement en matière d’élaboration du budget et de contrôle des ressources humaines. Il n’y voit toutefois pas d’ingérence.
[32] La vérificatrice de la Municipalité dit avoir mis en garde les élus sur le danger de mélanger la politique et l’administration municipale et plus particulièrement sur le fait que les membres du conseil municipal ne doivent pas s’ingérer dans le travail des employés.
[33] Elle ne peut confirmer que monsieur B... s’ingérait dans le travail des employés municipaux. Elle explique qu’il aime avoir le contrôle. Il veut bien faire les choses mais il n’est pas toujours d’accord avec les processus utilisés. Il a de la difficulté à comprendre que les élus ne doivent pas s’impliquer dans la régie interne de la Municipalité.
[34] La vérificatrice ajoute que l’administration globale revient aux élus. L’administration courante est la responsabilité des cadres et des employés municipaux.
[35] Elle affirme que la directrice du Service des finances s’est plainte des interventions de monsieur B... qui lui faisait des demandes d’informations ou de documents supplémentaires, comme la liste des comptes à recevoir.
Contrat de vente des bouteilles d’eau entre [l’entreprise A] et la Municipalité
[36] Le plaignant déclare devant la Commission que l’élu visé par la demande, serait également en conflit d’intérêts en raison d’un contrat intervenu entre la Municipalité et [l’entreprise A] pour la fourniture de bouteilles d’eau.
[37] Interrogé sur ce point par les membres de la Commission, il précise qu’il ne s’agit pas d’un reproche sur la conduite de monsieur B... mais plutôt d’un élément de mise en situation.
Monsieur B... exerce sa profession de consultant auprès de contribuables de la Municipalité
[38] Le plaignant reproche à monsieur B... de se placer dans une situation où il doit faire un choix entre son intérêt personnel et celui de la Municipalité lorsqu’il exerce sa profession de consultant en finance et fiscalité auprès des contribuables de la Municipalité, et ce, puisqu’il est président du comité des finances et d’administration.
[39] Notamment, il reproche à monsieur B... d’utiliser au bénéfice de ses clients des informations confidentielles obtenues dans le cadre de ses fonctions à la Municipalité.
[40] Interrogé sur ce point, le plaignant ne peut rapporter de cas concret pour appuyer ses prétentions.
Article 16 du Règlement sur la taxation et les compensations de l’année 2012
[41] Le 4 janvier 2012, les membres du conseil municipal se réunissent à huis clos pour faire l’étude du budget 2012 de la Municipalité.
[42] Lors d’une séance extraordinaire du 10 janvier 2012, le conseil municipal doit se prononcer sur le budget de la Municipalité pour l’année 2012, le programme triennal des immobilisations 2012, 2013 et 2014 ainsi que sur le Règlement R-104-11 sur la taxation et les compensations de l’année 2012 (Règlement sur la taxation 2012).
[43] Au moment de l’adoption de ce règlement, le maire propose un amendement dans le but d’introduire un nouvel article 16 prévoyant l’imposition d’un tarif de 300 000 $, visant les immeubles industriels desservis par une collectrice municipale, le tout, afin de compenser les frais d’entretien et le coût des travaux de reconstruction rendus nécessaires par le passage de camions lourds qui empruntent la collectrice. Cette tarification vise essentiellement deux entreprises dont [l’entreprise A].
[44] Une proposition en vue de retirer l’amendement relatif à l’article 16 est débattue; monsieur B... exerce son droit de vote sur cette proposition.
[45] Dans l’hypothèse où cette disposition avait été adoptée, elle aurait eu un impact significatif sur les obligations fiscales de [l’entreprise A] à l’égard de la Municipalité.
[46] Durant son témoignage, monsieur B... affirme qu’il s’est opposé à l’adoption de l’amendement parce qu’il était d’avis que la disposition était illégale. Il admet que ce règlement pouvait avoir des implications financières pour son employeur.
[47] Il précise que si la taxe avait été justifiée, il se serait retiré en raison de son lien d’emploi.
[48] Le procès-verbal de la réunion du conseil du 10 janvier 2012, indique :
« Le conseiller B... affirme qu’il n’y a pas de conflit d’intérêts qui l'empêche de voter sur cette question et il confirme son vote. »
[49] On retrouve également dans ce procès-verbal, une note qui indique :
« J… S… précise que la disposition est conforme aux engagements moraux pris historiquement par [Compagnie C] et [l’entreprise A] quant à leurs contributions financières respectives à la réfection des chemins municipaux empruntés par leurs camions lourds. »
Transmission d’informations confidentielles
[50] Le plaignant reproche également à monsieur B... d’avoir divulgué publiquement des informations confidentielles, notamment le fait que le maire ait payé en retard ses taxes de l’année 2011.
[51] Le 6 février 2012, lors d’une séance extraordinaire du conseil, une proposition de blâme contre le maire est discutée. Cette séance est enregistrée par un citoyen et la Commission a écouté cet enregistrement.
[52] Lors de cette rencontre, monsieur B... affirme publiquement que le maire de la Municipalité n’a pas payé ses taxes municipales avant l’échéance de celles-ci.
[53] Monsieur B... admet qu’il a tenu ces propos parce qu’il se sentait victime de harcèlement. De plus, il croyait que ces renseignements n’étaient pas confidentiels.
Utilisation des ressources et des biens de la Municipalité
[54] Le plaignant reproche à monsieur B... l’utilisation de ressources et de biens appartenant à la Municipalité à des fins personnelles, plus particulièrement d’avoir utilisé en janvier 2012 du sable pour rendre la chaussée du terrain de [l’entreprise A] et de son accès, moins glissante.
[55] Le 23 janvier 2012, alors que le sol était gelé et que des camions devaient se rendre sur le site de l’entreprise A, monsieur B... communique avec le directeur des travaux publics de la Municipalité pour qu’il lui livre huit tonnes de sable dans le but de rendre le chemin de l’entreprise praticable et ainsi libérer le chemin public. Lors de son témoignage, monsieur B... affirme avoir agi pour des motifs de sécurité publique.
[56] Avant de communiquer avec la Municipalité, monsieur B... a tenté de joindre une entreprise de paysagement locale; cette dernière n’était pas en mesure de fournir de sable.
[57] Le lendemain, à la demande de monsieur B..., la trésorière de la Ville fait une facture de 128,77 $ à l’entreprise A; cette facture est acquittée rapidement.
[58] La Municipalité ne possède pas de tarif relatif à la vente de sable; toutefois, la trésorière est d’avis que le coût facturé à l’entreprise représente la juste valeur marchande.
[59] Le directeur du Service des travaux publics de la Municipalité a également témoigné. Il confirme que monsieur B... a communiqué avec lui pour obtenir du sable. Il ajoute qu’il a accepté de vendre du sable à l’entreprise parce qu’il s’agissait d’une question de sécurité publique. Le coût du voyage de sable a été déterminé en fonction du coût moyen fixé par les sablières de la région; le directeur connaissait ce coût puisqu’il avait fait des vérifications au début de la saison hivernale. Il ajoute que par la suite, aucune autre demande à cet effet n’a été faite à la Municipalité par [l’entreprise A] ou monsieur B....
[60] Un entrepreneur entendu par la Commission confirme également l’état d’urgence qui existait lorsque la demande a été faite par monsieur B... à la Municipalité.
LES REPRÉSENTATIONS
[61] Selon l’avocat de monsieur B..., l’évaluation de la preuve sur les manquements allégués doit tenir compte du contexte dans lequel la Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale (LEDMM) a été adoptée. Il faut également tenir compte du contexte municipal qui existe au moment des faits.
[62] La Commission doit évaluer les témoignages rendus ainsi que les documents et les admissions en fonction d’une force probante suffisante, laquelle peut être décrite suivant le principe de la balance des probabilités.
[63] Il ajoute que les reproches faits à l’élu doivent s’appuyer sur des faits et non sur des craintes ou des appréhensions.
[64] Le devoir de surveillance et de contrôle du maire ne peut être invoqué lorsque l’objectif de celui-ci est d’être le seul à contrôler l’administration publique.
[65] Selon l’avocat, il ressort de la preuve que monsieur B... n’a aucun intérêt pécuniaire dans l’entreprise A.
[66] En ce qui concerne l’article 16 du Règlement sur la taxation 2012, monsieur B... s’est opposé à la modification parce qu’il la jugeait illégale et discriminatoire.
[67] Relativement à la question des taxes impayées du maire, ce dernier savait qu’il était en retard et les membres du conseil possédaient une liste des propriétaires qui n’avaient pas acquitté leurs taxes. L’article 5 du Code d’éthique et de déontologie ne peut s’appliquer puisque monsieur B... n’avait aucun objectif personnel au sens du Code d’éthique et de déontologie.
[68] L’élu visé par la demande a simplement voulu jouer son véritable rôle de conseiller comme dans l’affaire Prud’homme c. Prud’homme[4]. De plus, son avocat reproche au plaignant son comportement difficile.
[69] Il plaide que puisqu’il s’agit de droit nouveau, la Commission doit faire preuve de la même ouverture d’esprit que celle dont a fait preuve tout récemment la Cour suprême dans l’affaire R. c. Cole[5].
L’ANALYSE
[70] Soulignons tout d’abord que les deux plaintes s’inscrivent dans le contexte d’une lutte de pouvoir entre deux hommes qui désirent à leur façon gérer la Municipalité.
[71] Dans le cadre d’une enquête en vertu de la LEDMM, la Commission doit s’enquérir des faits afin de décider si l’élu visé par l’enquête a commis les actes ou les gestes qui lui sont reprochés et si ces derniers constituent une conduite dérogatoire au Code d’éthique et de déontologie.
[72] Pour ce faire, elle doit conduire son enquête dans un esprit de recherche de la vérité qui respecte les règles d’équité procédurale et le droit de l’élu visé par l’enquête à une défense pleine et entière.
[73] Le processus d’enquête édicté par la LEDMM n’est pas un processus contradictoire puisqu’il n’y a pas de poursuivant. C’est à la Commission qu’il appartient de conduire son enquête au terme de laquelle, elle rendra sa décision.
[74] Ainsi, et même si on ne peut parler de fardeau de preuve comme tel, la Commission doit tout de même être convaincue que la preuve qui découle des témoignages, des documents et des admissions, a une force probante suffisante suivant le principe de la balance des probabilités pour lui permettre de conclure que l’élu visé par l’enquête a manqué à ses obligations déontologiques et a enfreint le Code d’éthique et de déontologie.
[75] En raison du caractère particulier des fonctions occupées par un élu municipal et des lourdes conséquences que la décision pourrait avoir sur celui-ci au niveau de sa carrière et de sa crédibilité, la Commission est d’opinion que pour conclure à un manquement au Code d’éthique et de déontologie, la preuve obtenue doit être claire, précise, sérieuse et sans ambiguïté.
[76] De plus, on ne peut accorder aux doutes, aux impressions, aux insinuations, ou aux soupçons, la valeur probante nécessaire pour permettre de conclure à un manquement à une règle du Code d’éthique et de déontologie de la Municipalité[6].
[77] En ce sens et comme la Commission l’a décidé antérieurement[7], le principe établi par les tribunaux quant au degré de preuve requis en matière disciplinaire peut s’appliquer, avec les adaptations nécessaires, aux enquêtes de la Commission en éthique et déontologie en matière municipale.
[78] De plus, la Commission doit analyser la preuve en tenant compte de l’article 25 de la LEDMM qui précise :
« Les valeurs énoncées dans le code d’éthique et de déontologie ainsi que les objectifs mentionnés au deuxième alinéa de l’article 5 doivent guider la Commission dans l’appréciation des règles déontologiques applicables. »
L’ÉLU A-T-IL COMMIS UN MANQUEMENT AU CODE D’ÉTHIQUE ET DE DÉONTOLOGIE DE LA MUNICIPALITÉ A?
[79] Après avoir entendu plusieurs témoins relativement aux nombreux manquements invoqués dans les demandes, la Commission est d’avis que trois manquements aux règles du Code d’éthique et de déontologie doivent être retenus et analysés en détail.
[80] En ce qui concerne les autres reproches allégués dans les plaintes, les éléments de preuve recueillis ne sont pas de nature à convaincre la Commission qu’ils constituent des manquements au Code d’éthique et de déontologie.
[81] En effet, les reproches sont soit antérieurs à l’adoption du Code d’éthique et de déontologie, soit vagues ou imprécis, soit non fondés puisqu’il y a absence de preuve ou que celle-ci n’est pas suffisamment probante.
Le Code d’éthique et de déontologie de la Municipalité
[82] Les dispositions du Code d’éthique et de déontologie de la Municipalité auxquelles fait référence le demandeur, sont les suivantes :
ARTICLE 3 CONFLITS D’INTÉRÊTS
Toute personne doit éviter de se placer, sciemment, dans une situation où elle est susceptible de devoir faire un choix entre, d’une part, son intérêt personnel ou celui de ses proches et, d’autre part, celui de la municipalité ou d’un organisme municipal.
Le cas échéant, elle doit rendre publiques ces situations et s’abstenir de participer aux discussions et aux délibérations qui portent sur celles-ci.
Sans limiter la généralité de ce qui précède, il est interdit à toute personne d’agir, de tenter d’agir ou d’omettre d’agir de façon à favoriser, dans l’exercice de ses fonctions, ses intérêts personnels ou, d’une manière abusive, ceux de toute autre personne.
Il est également interdit à toute personne de se prévaloir de sa fonction pour influencer ou tenter d’influencer la décision d’une autre personne de façon à favoriser ses intérêts personnels ou, d’une manière abusive, ceux de toute autre personne.
ARTICLE 4 AVANTAGES
Il est interdit à toute personne :
· d’accepter, de recevoir, de susciter ou de solliciter tout avantage pour elle-même ou pour une autre personne en échange d’une prise de position sur une question dont un conseil, un comité ou une commission dont elle est membre peut être saisi;
· d’accepter tout avantage, quelle que soit sa valeur, qui peut influencer son indépendance de jugement dans l’exercice de ses fonctions ou qui risque de compromettre son intégrité.
La personne qui reçoit tout avantage qui excède 200 $ et qui n’est pas de nature purement privée ou visé par le paragraphe 2 du premier alinéa doit, dans les 3 jours de sa réception, produire une déclaration écrite au greffier ou au secrétaire-trésorier de la municipalité contenant une description adéquate de cet avantage, le nom du donateur, la date et les circonstances de sa réception.
ARTICLE 5 DISCRÉTION ET CONFIDENTIALITÉ
Il est interdit à toute personne, tant pendant son mandat qu’après celui-ci, d’utiliser, de communiquer ou de tenter d’utiliser ou de communiquer des renseignements obtenus dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions et qui ne sont généralement pas à la disposition du public pour favoriser ses intérêts personnels ou ceux de toute autre personne.
ARTICLE 6 UTILISATION DES RESSOUIRCES DE LA MUNICIPALITÉ
Il est interdit à toute personne d’utiliser ou de permettre l’utilisation des ressources, des biens ou des services de la municipalité ou des organismes municipaux à des fins personnelles ou à des fins autres que les activités liées à l’exercice de ses fonctions.
ARTICLE 7 RESPECT DU PROCESSUS DÉCISIONNEL
Toute personne doit respecter les lois, les politiques et les normes (règlements et résolutions) de la municipalité et des organismes municipaux relatives aux mécanismes de prise de décision.
ARTICLE 8 OBLIGATION DE LOYAUTÉ APRÈS MANDAT
Toute personne doit agir avec loyauté envers la municipalité après la fin de son mandat dans le respect des dispositions de la loi. Il lui est interdit d’utiliser ou de divulguer des renseignements confidentiels dont elle a pris connaissance dans l'exercice de ses fonctions.
Sans limiter la généralité de ce qui précède, il est interdit à toute personne, dans les 12 mois qui suivent la fin de son mandat, d’occuper un poste d’administrateur ou de dirigeant d’une personne morale, un emploi ou toute autre fonction de telle sorte qu’elle-même ou toute autre personne tire un avantage indu de ses fonctions antérieures à titre de membre d’un conseil de la municipalité.
Article 16 du Règlement sur la taxation et les compensations de l’année 2012
[83] La preuve démontre que le 10 janvier 2012, lors d’une séance extraordinaire du conseil, monsieur B... s’est prononcé sur un amendement au Règlement sur la taxation 2012 visant à imposer un tarif aux industries utilisant les chemins de la Municipalité, et ce, alors qu’il occupe un poste important au sein de la compagnie A.
[84] Cet amendement au règlement visait principalement les compagnies C et [l’entreprise A].
[85] À plusieurs reprises, que ce soit en public ou en privé, monsieur B... déclare être actionnaire de [l’entreprise A]. Lors des audiences, il se ravise et indique qu’il a fait cette admission par dépit, étant las de devoir répondre toujours à cette question.
[86] L’examen du livre de minutes de [l’entreprise A] et le témoignage de l’avocat de cette société permettent de conclure que monsieur B... n’est pas légalement un actionnaire de celle-ci.
[87] Toutefois, l’ambiguïté qu’il entretient sur les véritables liens qui l’unissent à [l’entreprise A] mine sérieusement sa crédibilité.
[88] Bien que légalement monsieur B... ne soit pas actionnaire de [l’entreprise A], la Commission est d’avis qu’il y occupe une place très importante.
[89] En effet, la preuve démontre que monsieur B... n’est pas un simple salarié de l’entreprise A mais un consultant qui administre et gère cette entreprise. Il a admis être rémunéré sur une base contractuelle en vertu d’un contrat intervenu entre [l’entreprise A] et sa propre compagnie B. C’est donc cette dernière qui facture des honoraires à [l’entreprise A].
[90] Lors de son témoignage, il prétend qu’il a accepté la direction de [l’entreprise A] pour permettre à celle-ci de continuer ses opérations commerciales et ainsi sauvegarder des emplois dans la région.
[91] Monsieur B... admet que l’adoption de l’article 16 aurait eu un impact financier significatif pour [l’entreprise A]. Il en est très conscient au moment où il prend part aux délibérations et vote sur ce sujet.
[92] En défense, monsieur B... explique qu’il s’est opposé à l’adoption de l’amendement parce qu’il croyait la disposition illégale. Il ajoute qu’il savait que ce règlement pouvait avoir des implications importantes pour son employeur.
[93] Peu importe quelle aurait été l’interprétation quant à l’application de l’article 16 s’il avait été adopté, il ressort clairement de la preuve que le but de la disposition telle qu’elle a été proposée et expliquée par le maire lors de la séance du conseil, était d’imposer un tarif à [la Compagie C] et [l’entreprise A]. D’ailleurs cela ressort clairement du procès-verbal.
[94] La Commission rappelle qu’à chaque fois qu’un membre du conseil municipal exerce ses fonctions et prend part aux délibérations ou se prononce sur une résolution, les règles du Code d’éthique et de déontologie relatives aux conflits d’intérêts et les valeurs qui s’y rattachent, doivent guider l’élu dans sa conduite.
[95] D’autre part, l’article 1 du Code d’éthique et de déontologie définit ainsi, les termes « Intérêts des proches » :
ARTICLE 1 INTÉRÊT DES PROCHES
Intérêt du conjoint de la personne concernée, de ses enfants, de ses ascendants ou intérêt d’une société, compagnie, coopérative ou association avec laquelle elle entretient une relation d’affaires. Il peut être direct ou indirect, pécuniaire ou non, réel, apparent ou potentiel. Il est distinct, sans nécessairement être exclusif, de celui du public en général ou peut être perçu comme tel par une personne raisonnablement informée.
[96] La preuve permet de conclure que monsieur B... entretient par le biais de sa compagnie des liens d’affaires étroits avec [l’entreprise A] et que cette dernière doit être considérée comme un proche de monsieur B....
[97] Après avoir analysé la preuve, la Commission est d’avis que le 10 janvier 2012, lorsqu’il a pris part aux délibérations concernant l’article 16 du Règlement sur la taxation 2012, monsieur B... s’est placé sciemment dans une situation où il était susceptible de devoir faire un choix entre d’une part l’intérêt d’un proche, soit celui de [l’entreprise A] et, d’autre part, celui de la Municipalité, le tout, contrairement à l’article 3 du Code d’éthique et de déontologie.
[98] En effet et contrairement à ce que prévoient les dispositions du Code d’éthique et de déontologie, monsieur B... n’a pas rendu publique sa situation et ne s’est pas abstenu de participer aux discussions et aux délibérations portant sur l’amendement au règlement.
Transmission d’informations confidentielles
[99] La preuve révèle sans l’ombre d’un doute qu’au moins à une occasion, soit lors de la séance du conseil du 6 février 2012, monsieur B... a révélé publiquement que le maire avait payé ses taxes municipales en retard.
[100] La Commission ne croit pas monsieur B... lorsqu’il justifie cette divulgation par le fait qu’il se sentait harcelé. Au surplus, il ne s’agit pas d’un moyen de défense valable.
[101] L’écoute de l’enregistrement de cette séance révèle que monsieur B... était choqué et utilisait un ton agressif envers le maire.
[102] L’article 5 du Code d’éthique et de déontologie interdit à toute personne, tant pendant son mandat qu’après celui-ci, d’utiliser, de communiquer ou de tenter d’utiliser ou de communiquer des renseignements obtenus dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions et qui ne sont généralement pas à la disposition du public, pour favoriser ses intérêts personnels ou ceux de toute autre personne.
[103] L’article 1 du Code d’éthique et de déontologie définit ainsi les termes « intérêt personnel » :
ARTICLE 1 INTÉRÊT PERSONNEL
Intérêt de la personne concernée, qu’il soit direct ou indirect, pécuniaire ou non, réel, apparent ou potentiel. Il est distinct, sans nécessairement être exclusif, de celui du public en général ou peut être perçu comme tel par une personne raisonnablement informée. Est exclut de cette notion le cas où l’intérêt personnel consiste dans des rémunérations, des allocations, des remboursements de dépenses, des avantages sociaux ou d’autres conditions de travail rattachées aux fonctions de la personne concernée au sein de la municipalité ou de l’organisme municipal.
[104] Le retard dans le paiement du compte de taxes municipales d’un citoyen n’est pas un renseignement généralement à la disposition du public.
[105] La preuve démontre que monsieur B..., en raison de ses fonctions au comité des finances et d’administration de la Municipalité, était au courant du fait que le maire avait payé ses taxes en retard.
[106] Cette information concernant les taxes dues par le maire n’était pas publique puisque aucune procédure de perception n’avait été initiée.
[107] Le vote de blâme demandé par monsieur B... à l’égard du maire, le conflit entre ces derniers et la relation difficile entre certains membres du conseil municipal et le maire, convainc la Commission que monsieur B... a agi dans le but de favoriser ses intérêts personnels lorsqu’il a divulgué ce renseignement confidentiel[8]. En effet, il ne fait aucun doute que cette divulgation s’est produite à des fins politiques dans le cadre d’une lutte de pouvoir entre lui et le maire, afin de discréditer ce dernier.
[108] La Commission est d’avis qu’en divulguant cette information relativement au retard dans le paiement des taxes du maire, monsieur B... a contrevenu à l’article 5 du Code d’éthique et de déontologie.
Utilisation des ressources et des biens de la Municipalité
[109] Le plaignant reproche également à monsieur B... d’avoir utilisé des biens appartenant à la Municipalité à des fins personnelles, plus particulièrement d’avoir utilisé du sable.
[110] Le 23 janvier 2012, alors que le sol était gelé et que des camions devaient se rendre sur le site de l’entreprise A, monsieur B... communique avec le directeur des travaux publics de la Municipalité pour qu’il lui livre huit tonnes de sable dans le but de rendre le chemin de l’entreprise praticable et ainsi libérer le chemin public. Lors de son témoignage, monsieur B... affirme avoir agi pour des motifs de sécurité publique.
[111] La preuve démontre qu’avant de communiquer avec la Municipalité, monsieur B... a tenté de joindre une entreprise locale; cette dernière n’était pas en mesure de fournir de sable.
[112] Considérant qu’il s’agissait d’une situation d’urgence et que dès le lendemain, à la demande de monsieur B..., la trésorière de la Ville faisait parvenir une facture de 128,77 $ à l’entreprise A qui l’a acquittée avec célérité, la Commission est d’avis qu’il ne s’agit pas dans les circonstances de ce dossier, d’un manquement au Code d’éthique et de déontologie.
LES SANCTIONS
[113] Les représentations sur les sanctions qui devaient avoir lieu le 20 juin 2013 ont dû être reportées en raison de recours intentés par monsieur B... en Cour supérieure et ultérieurement en Cour d’appel[9].
[114] Elles ont eu lieu le 4 octobre 2013, après que l’élu et son procureur aient reçu un nouvel avis d’audience sur sanction.
[115] Précisons que le 7 mai 2013, lors de la transmission du premier avis d’audience sur sanction, l’élu et son procureur ont été avisés des conclusions de la Commission relativement aux manquements de l’élu au Code d’éthique et de déontologie et des motifs à cet égard.
[116] De plus et lors de l’audience sur sanction, l’élu et son procureur ont pris connaissance de l’intégralité des motifs de la décision de la Commission par la lecture qu’en ont faite les juges administratifs soussignés.
Représentations sur sanctions
[117] Lors des représentations sur les sanctions, Me Boucher a plaidé en premier lieu sur le reproche relatif au dévoilement d’informations confidentielles. Sur ce point, il fait remarquer au tribunal que monsieur B... n’a pas dévoilé cette information confidentielle pour nuire au maire.
[118] Selon lui, il est évident que le fait de dévoiler des informations confidentielles qui ne sont pas à la disposition du public, constitue une faute déontologique. Toutefois, il ajoute que dans le présent cas, la situation était difficile lors des séances du conseil municipal et c’est dans ce contexte que le manquement au Code d’éthique et de déontologie s’est produit.
[119] Il ajoute que les deux plaintes déposées contre monsieur B... sont arrivées rapidement après l’entrée en vigueur du Code d’éthique et de déontologie. Le Code d’éthique et de déontologie était nouveau. Selon lui, les élus ne peuvent comprendre et intégrer toutes les règles déontologiques rapidement. Les bonnes pratiques, comme le choix pour un élu de poser un geste ou de s’en abstenir, doivent se développer.
[120] Il est d’avis que dans ce cas précis, ce n’était pas un automatisme de savoir que des informations relatives au paiement d’un compte de taxes étaient confidentielles.
[121] Pour ce manquement, il suggère de n’imposer aucune sanction ou seulement une réprimande. Le constat d’un acte dérogatoire constitue déjà en soit une sanction.
[122] En ce qui concerne le deuxième manquement relatif au conflit d’intérêts, il fait témoigner son client, monsieur B.... Essentiellement, celui-ci réitère les mêmes éléments que ceux soumis lors de son témoignage dans le cadre de l’enquête.
[123] Ainsi, il réitère avoir participé aux délibérations et au vote sur la question de l’article 16 du Règlement sur la taxation 2012 parce qu’il était d’avis que cette disposition était illégale puisqu’elle n’affectait que deux entreprises, soit [l’entreprise A] et [la Compagnie C].
[124] Il affirme avoir toujours dit la vérité, et notamment, que l’imposition d’un tarif affecterait [l’entreprise A].
[125] Après les représentations sur les sanctions, la Commission a autorisé Me Boucher à lui faire parvenir des notes et remarques complémentaires relativement à l’adoption de l’article 16 du Règlement sur la taxation 2012. La Commission a reçu ces commentaires additionnels le 7 octobre 2013.
[126] Essentiellement, Me Boucher revient sur la question de savoir si monsieur B... était réellement en conflit d’intérêts lorsqu’il a pris part aux délibérations concernant l’article 16 du Règlement sur la taxation 2012.
[127] En plus de revenir sur la question de fond déjà décidée par la Commission, Me Boucher tente d’invoquer dans le cadre des représentations sur sanctions de nouveaux éléments de preuve et de présenter des arguments qui n’ont pas été plaidés lors de l’argumentation sur les manquements.
[128] La Commission est d’avis que les nouveaux éléments invoqués par Me Boucher sont présentés tardivement puisqu’ils étaient disponibles, n’ayant pas été cachés à l’élu ou à son procureur. Il n’était pas impossible de les connaître avant.
[129] Au surplus, la Commission est d’avis que même s’ils avaient été mis en preuve en temps opportun, les nouveaux éléments ne sont pas de nature à changer sa conclusion sur les manquements commis en regard du vote sur l’article 16 du Règlement sur la taxation 2012.
[130] En effet, dans son argumentation, Me Boucher s’attarde à la légalité et à l’applicabilité de l’article 16 de ce règlement à [l’entreprise A].
[131] La Commission est d’avis que la légalité ou la question de l’applicabilité d’une disposition d’un règlement sur laquelle un élu s’est prononcé, ne constitue pas une défense valable à l’encontre d’une situation constituant par ailleurs une situation de conflits d’intérêts.
[132] La question de la légalité d’un règlement ou son applicabilité ne saurait exempter un élu d’éviter toute situation de conflit d’intérêts lorsque, en raison d’une croyance qui s’avère vraie ou fausse, il sait qu’une disposition peut avoir une influence réelle, apparente ou potentielle sur les intérêts d’une société avec laquelle il entretient des liens étroits. L’apparence de conflit d’intérêts est aussi néfaste que le conflit réel.
[133] À ce sujet, l’article 1 du Code d’éthique et de déontologie précise qu’il peut s’agir : « d’intérêt direct ou indirect, pécuniaire ou non, réel, apparent ou potentiel ». De plus, cet intérêt est : « distinct, sans nécessairement être exclusif, de celui du public en général ou peut être perçu comme tel par une personne raisonnablement informée ».
[134] Enfin, les valeurs de la Municipalité énoncées dans le Code d’éthique et de déontologie ainsi que les objectifs mentionnés au deuxième alinéa de l’article 5 de la LEDDM qui doivent guider la Commission dans l’appréciation des règles déontologiques applicables, vont dans le même sens.
Sanctions
[135] En matière d’éthique et de déontologie municipale, la sanction doit tenir compte de la gravité du manquement, ainsi que des dispositions de la LEDMM et des objectifs de celle-ci.
[136] De plus, la sanction doit permettre de rétablir la confiance que les citoyens doivent entretenir envers les institutions et les élus municipaux.
[137] Dans le choix de la sanction, la Commission a tenu compte de la gravité des manquements reprochés qui ont trait d’une part à l’exercice du processus décisionnel et, d’autre part, au respect de la confidentialité de renseignements qui ne sont généralement pas à la disposition du public.
[138] La Commission a également tenu compte des circonstances particulières de ce dossier, soit la situation difficile et les tensions qui régnaient au sein du conseil municipal.
[139] Elle tient également compte du fait que monsieur B... n’a pas d’antécédent déontologique en matière municipale.
[140] De plus et malgré qu’il tente de justifier encore certaines de ses actions, monsieur B... semble avoir pris conscience que ses actes étaient contraires aux règles du Code d’éthique et de déontologie de la Municipalité.
[141] En conséquence et dans les circonstances particulières de ce dossier, la Commission estime que pour ne pas avoir respecté lors de la séance du 10 janvier 2012, la règle relative aux conflits d’intérêts prévue à l’article 3 de son Code d’éthique et de déontologie et s’être placé en situation de conflit d’intérêts, l’imposition à monsieur B... d’une suspension de toutes ses fonctions d’élu municipal, sans rémunération ou allocation, pour une période de dix (10) jours, serait juste et appropriée.
[142] De même, la Commission estime que pour ne pas avoir respecté lors de la séance du 6 février 2012, la règle relative à la discrétion et la confidentialité prévue à l’article 5 de son Code d’éthique et de déontologie et avoir divulgué des informations confidentielles sur le paiement en retard des taxes municipales du maire, l’imposition à monsieur B... d’une suspension de toutes ses fonctions d’élu municipal, sans rémunération ou allocation, pour une période de dix (10) jours, serait juste et appropriée.
[143] Considérant que ces deux manquements au Code d’éthique et de déontologie ne découlent pas des mêmes faits et circonstances, les périodes de suspension seront consécutives et débuteront le 17 octobre 2013 pour une période totale de 20 jours.
EN CONSÉQUENCE, LA COMMISSION MUNICIPALE DU QUÉBEC :
CONCLUT QUE le 10 janvier 2012, lors de la séance extraordinaire du conseil municipal, la conduite de monsieur N... F... B... lorsqu’il a pris part aux délibérations concernant l’article 16 du Règlement R-104-11 sur la taxation et les compensation de l’année 2012, constitue un manquement aux règles prévues à l’article 3 du Code d’éthique et de déontologie de la Municipalité A;
IMPOSE à monsieur N... F... B... pour ce manquement une suspension, sans rémunération ou allocation, de toutes ses fonctions d’élu municipal de la Municipalité A, pour une période de dix (10) jours;
CONCLUT QUE le 6 février 2012, lors d’une séance du conseil municipal, la conduite de monsieur N... F... B... lorsqu’il a divulgué publiquement que le maire avait payé ses taxes municipales en retard, constitue un manquement à la règle prévue à l’article 5 du Code d’éthique et de déontologie de la Municipalité A;
IMPOSE à monsieur N... F... B... pour ce manquement une suspension, sans rémunération ou allocation, de toutes ses fonctions d’élu municipal de la Municipalité A pour une période de dix (10) jours;
DÉCIDE que ces deux périodes de suspension sans rémunération ou allocation de monsieur N... F... B... seront consécutives et qu’elles débuteront le 17 octobre 2013;
SUSPEND sans rémunération ou allocation monsieur N... F... B... de toutes ses fonctions d’élu municipal de la Municipalité A pour une période de vingt (20) jours à compter du 17 octobre 2013;
|
||||||||||
|
[1]. L.R.Q., c. E-15.1.0.1.
[3]. L.R.Q., c. E-2.2.
[4]. Prud’homme
c. Prud’homme,
[5]. R.
c. Cole,
[6]. Bourassa, CMQ-63969 et CMQ-63970, 30 mars 2012.
[7]. Bourassa, CMQ-63969 et CMQ-63970, 30 mars 2012; Moreau, CMQ-64261 et CMQ-64306, 14 décembre 2012; Savoie, CMQ-64348, 22 août 2012.
[8]. Moreau, CMQ-64261, 14 décembre 2012.
[9]. N.F.B. c. Commission municipale du Québec, no 500-17-077704-131, décision de l’Honorable juge Louis Lacoursière J.C.S., 19 septembre 2013.
N.F.B. c. Commission municipale du Québec 500-09-023906-134, décision de l’Honorable juge Marie St-Pierre J.C.A., 3 octobre 2013.