Décision

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Gabarit EDJ

Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Laflamme

2015 QCCDBQ 065

 

 

 
 CONSEIL DE DISCIPLINE

Barreau du Québec

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

06-13-02759  

 

DATE :

2 octobre 2015

______________________________________________________________________

 

LE CONSEIL :

Me JEAN PÂQUET

Président

Me DANIEL BRUNET   

Membre

Me FRANCE JOSEPH

Membre

______________________________________________________________________

 

Me STEPHEN WISHART, en sa qualité de syndic adjoint du Barreau du Québec

Partie plaignante

c.

Me JEAN J. LAFLAMME

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

Le syndic adjoint plaignant agit pour lui-même. Il est assisté de Me Chantal Fafard à compter de 11 h 00 à l’audience du 13 mars 2015.

 

Me Jean-Claude Dubé représente l’intimé présent à toutes les audiences.

 

LA PLAINTE

[1]           L’intimé fait l’objet d’une plainte disciplinaire dont les chefs d’infraction sont ainsi libellés :

 

« Je, soussigné, STEPHEN WISHART, avocat, régulièrement inscrit au Tableau de l’Ordre des avocats du Québec, en ma qualité de syndic adjoint du Barreau du Québec, déclare que;

 

ME JEAN J. LAFLAMME (182339-6), régulièrement inscrit au Tableau de l’Ordre des avocats du Québec, a commis des actes dérogatoires à l’honneur et à la dignité du Barreau, à savoir :

1.         À l’Hôtel Four Points de Gatineau, le ou vers le 3 février 2012, en présence d’autres avocats et à l’occasion d’une activité de formation destinée aux avocats, a harcelé sexuellement une consoeur, Me X, en tenant des propos à caractère sexuel, déplacés ou inconvenants à savoir notamment, en lui demandant si elle « avait déjà fait ça à quatre » et en posant à son endroit des gestes à caractère sexuel, déplacés ou inconvenant, contrevenant ainsi à l’article 4.02.01 y) du Code de déontologie des avocats et à l’article 59.2 du Code des professions;

 

2.         À l’Hôtel Four Points de Gatineau, le ou vers le 3 février 2012, en présence d’autres avocats et à l’occasion d’une activité de formation destinée aux avocats, a manqué à ses devoirs d’agir avec dignité, honneur, respect, modération et courtoisie envers une consoeur, Me X, en tenant des propos à caractère sexuel, déplacés ou inconvenants à savoir notamment, en lui demandant si elle « avait déjà fait ça à quatre » et en posant à son endroit des gestes à caractère sexuel, déplacés ou inconvenants, contrevenant ainsi à l’article 2.00.01 du Code de déontologie des avocats et à l’article 59.2 du Code des professions.

 

Se rendant ainsi passible des sanctions prévues à l’article 156 du Code des professions.

 

ET LE PLAIGNANT DEMANDE JUSTICE.

 

Montréal, le 7 janvier 2013

 

(S) STEPHEN WISHART

 

Me Stephen Wishart, en sa qualité

de syndic adjoint du Barreau du

Québec »

 

(Reproduction intégrale de la plainte)

[2]           Les parties ont été convoquées pour l’instruction et l’audition de cette plainte disciplinaire les 25 et 26 novembre 2013.

[3]           Dès le début de l’instruction et de l’audition de cette plainte disciplinaire le 25 novembre 2013, un amendement au deuxième chef d’infraction a été autorisé par le Conseil, séance tenante et unanimement, les mots « à l’occasion » à la deuxième ligne de ce deuxième chef d’infraction étant remplacés par les mots « suite à ».

[4]           Cet amendement faisait l’objet d’un consensus entre les parties tout en étant conforme aux dispositions de l’article 149 du Code des professions.

[5]           À la suite de cette décision préliminaire, l’intimé a enregistré un plaidoyer de non-culpabilité sous tous les chefs de cette plainte disciplinaire telle qu’amendée.

[6]           Le syndic adjoint plaignant a ensuite été invité à présenter sa preuve.

[7]           Le syndic adjoint plaignant a d’abord offert, ce jour-là, le témoignage de la demanderesse d’enquête, Me X, et le témoignage de Me Jean-Philippe Fortin, avocat œuvrant au cabinet de cette dernière, avant que le Conseil n’ajourne ses travaux au lendemain, 26 novembre 2013.

[8]           Le 26 novembre 2013, le syndic adjoint plaignant a offert le témoignage de Me Guy Bélanger, avocat exerçant à son compte à Gatineau, avant d’annoncer le témoignage de témoins ayant eu des échanges avec la demanderesse d’enquête dans les heures qui ont suivi les événements ayant mené au dépôt de cette plainte disciplinaire à l’encontre de l’intimé.

[9]           L’annonce de ces témoignages par le syndic adjoint plaignant a fait l’objet de discussions entre les procureurs et finalement d’une objection formelle de la part du procureur de l’intimé.

[10]        Le Conseil a ainsi disposé de cette objection lors de la même audience de la façon suivante :

« (…)

Le Conseil entend maintenant disposer séance tenante, unanimement, de la façon suivante de la problématique soumise par les parties juste avant que l’on suspende.

Dans le cadre de la gestion de sa preuve, le syndic adjoint plaignant a annoncé son intention de faire entendre plusieurs témoins ayant eu des échanges avec la demanderesse d’enquête dans les heures qui ont suivi l’événement se situant au cœur de la présente plainte disciplinaire.

Sans s’objecter de façon formelle à ces témoignages le procureur de l’intimé s’est interrogé sur les objectifs recherchés par le syndic adjoint plaignant. Cette interrogation, qui est devenue rapidement une sérieuse préoccupation de la part du procureur de l’intimé, a fait l’objet d’échanges avec le syndic adjoint plaignant dès avant la présente audience.

Le syndic adjoint plaignant recherche essentiellement à rencontrer deux objectifs par les témoignages annoncés.

Le premier réside dans la démonstration de la réaction de la demanderesse d’enquête dans les heures suivant l’événement se situant encore une fois au cœur de cette plainte disciplinaire.  Cet objectif ne semble pas soulever de problèmes du côté du procureur de l’intimé.

Le deuxième objectif du syndic adjoint plaignant réside dans la force probante et la crédibilité que l’on devrait retenir du témoignage principal de la demanderesse d’enquête en prenant en compte, pour ce faire, ses échanges avec les témoins annoncés dans les heures qui ont suivi encore une fois l’événement se situant au cœur de cette plainte disciplinaire, et c’est ici que l’interrogation du procureur de l’intimé se transforme non seulement en sérieuse préoccupation, mais surtout en objection formelle à ce que les témoignages annoncés permettent de conclure à la véracité du témoignage principal de la demanderesse d’enquête.

Voilà donc pourquoi, à cette étape-ci de l’instruction et audition de cette plainte disciplinaire, le Conseil est saisi de l’objection du procureur de l’intimé.

Ce dernier, à l’instar du syndic adjoint plaignant, souhaite que le Conseil se prononce sur le droit applicable et, surtout, sur la façon dont il entend prendre en compte les témoignages annoncés.

Au soutien de leurs représentations, les plaideurs citent différentes autorités, rappelant les règles de droit en semblable situation.  Qu’en est-il?

Le souhait exprimé par les plaideurs soulève une première difficulté.  Il apparaît impétueux à cette étape-ci de la gestion de cette plainte disciplinaire et il rebute au Conseil de disposer de l’objection sans avoir entendu la preuve annoncée.  Cependant, des constats s’imposent.

La preuve annoncée est admissible et recevable, ne serait-ce qu’en fonction du premier objectif recherché par le syndic adjoint plaignant, auquel ne s’oppose pas le procureur de l’intimé.

Quant au reste, le Conseil est bien au fait, comme le lui enseignent les autorités soumises, que les témoignages annoncés ne pourront faire preuve de la véracité du témoignage de la demanderesse d’enquête, mais pourront, d’autre part, par contre, être pris en compte quant à sa réaction dans les heures suivant les événements se situant au cœur du débat de cette plainte disciplinaire, mais aussi quant à sa crédibilité et la force probante de son témoignage.

Il s’agit là de la seule déclaration que le Conseil entend formuler à cette étape-ci de la gestion de cette plainte disciplinaire.

Il va sans dire que les parties auront non seulement la possibilité de faire valoir tout argument complémentaire au fur et à mesure de la preuve annoncée, dans le meilleur intérêt, évidemment, de leur client respectif, mais aussi à l’étape de leurs représentations finales une fois la preuve close, généralement.

Voilà donc ce que le Conseil entendait vous dire à la suite des représentations qui nous ont été formulées avant la suspension.

(…) »

[11]        À la suite de ces propos du Conseil, le syndic adjoint plaignant a offert le témoignage de Me Isabelle Fortin, associée de la demanderesse d’enquête à son cabinet.

[12]        Au début de son témoignage, celle-ci, après avoir brossé un bref tableau de son cheminement professionnel, déclare qu’avant les événements reprochés à l’intimé le 3 février 2012, elle connaissait ce dernier pour l’avoir rencontré dans quelques dossiers.

[13]        Elle ajoute cependant que ces rencontres avec l’intimé n’étaient pas toujours agréables, ce dernier lui formulant alors souvent des remarques à connotation sexuelle.

[14]        Le procureur de l’intimé s’est immédiatement objecté à cette déclaration du témoin.

[15]        Il argue que cette déclaration du témoin annonce une preuve de faits similaires et que, quant à lui, la communication de la preuve a été muette à ce chapitre.

[16]        Un nouveau débat s’est alors engagé entre les procureurs.

[17]        Après avoir entendu les représentations des procureurs, le Conseil a décidé de suspendre le témoignage de Me Isabelle Fortin, le temps de permettre au syndic adjoint plaignant de communiquer à son confrère, le procureur de l’intimé, de façon plus explicite ses intentions et surtout, la teneur du témoignage de Me Isabelle Fortin.

[18]        Les travaux du Conseil se sont cependant poursuivis et le syndic adjoint plaignant a offert les témoignages de Me Julie Duguay, notaire œuvrant au cabinet de la demanderesse d’enquête, de Me Nicholas D’Aoust, avocat œuvrant au cabinet de la demanderesse d’enquête, avant d’ajourner ses travaux.

[19]        Le 6 décembre 2013, une conférence téléphonique de gestion arrêtait les dates des 18 février et 11 mars 2014 pour la suite de l’instruction et de l’audition de cette plainte disciplinaire.

[20]        À la reprise des travaux du Conseil le 18 février 2014, le débat engagé avant la suspension du témoignage de Me Isabelle Fortin a repris. En effet, la communication de la preuve divulguée par le syndic adjoint plaignant au procureur de l’intimé renforce l’argumentaire de ce dernier.

[21]        Après avoir entendu les représentations soutenues des autorités soumises par chacune des parties, le Conseil a pris l’objection en délibéré. En raison de ce délibéré du Conseil, l’audience prévue le 11 mars 2014 fut annulée.

[22]        Par décision écrite, le 8 octobre 2014, motifs à l’appui, le Conseil disposait de l’objection du procureur de l’intimé en accueillant celle-ci en ces termes :

« ACCUEILLE l’objection formulée par le procureur de l’intimé avec pour conséquence que le témoignage de Me Isabelle Fortin qu’entend offrir le syndic adjoint plaignant en ce qui concerne la preuve de faits similaires proposée à cette étape-ci de la gestion de cette plainte disciplinaire ne sera pas permis. »

[23]        Le 7 novembre 2014, une nouvelle conférence téléphonique de gestion arrêtait les dates des 12 et 13 mars 2015 pour la suite de l’instruction et de l’audition de cette plainte disciplinaire.

[24]        C’est ainsi que le 12 mars 2015, le syndic adjoint plaignant complétait le témoignage de Me Isabelle Fortin dans le respect de la décision rendue par le Conseil quant à ce témoignage, alors que le procureur de l’intimé offrait le témoignage de ce dernier.

[25]        Le 13 mars 2015 fut d’abord consacré à la présentation d’une contre preuve, les procureurs faisaient entendre une nouvelle fois Me Isabelle Fortin, Me X et l’intimé avant de procéder à leurs représentations sur le mérite de cette plainte disciplinaire.

[26]        Le Conseil a enfin pu tenir une séance de délibéré le 15 mai 2015 après avoir pris en compte l’ensemble des autorités soumises par le syndic adjoint plaignant et le procureur de l’intimé.

[27]        Ces autorités apparaissent à la fin de la présente décision; elles ont le mérite de bien circonscrire les enjeux reliés à cette plainte disciplinaire.

[28]        Nous y reviendrons.

[29]        Aux témoignages inventoriés précédemment, s’ajoute la preuve documentaire (pièces P-1 à P-25 et I-1 à I-15 en liasse).

LA PREUVE

MISE EN SITUATION : LE TÉMOIGNAGE DE LA DEMANDERESSE D’ENQUÊTE

[30]         Le vendredi 3 février 2012, se tenait à l’Hôtel Sheraton Four Points de Gatineau une conférence portant sur l’évaluation des dommages-blessures corporelles (pièce P-2).

[31]        Cette conférence s’inscrivait dans le programme de formation continue du Barreau du Québec.

[32]        Cette conférence intéressait plus particulièrement les membres du Barreau et, selon les témoignages entendus, une trentaine d’entre eux s’y étaient inscrits.

[33]        Parmi ceux-ci, Me X, la demanderesse d’enquête, Me Jean-Philippe Fortin, un avocat oeuvrant à son cabinet, l’intimé et l’un de ses amis, Me Guy Bélanger, tous avocats membres du Barreau de l’Outaouais.

[34]        À la fin de la conférence, les participants quittent l’hôtel et ceux identifiés au paragraphe précédent se retrouvent près de l’ascenseur devant les mener dans le lobby de l’hôtel, la salle de conférence étant située au 4ième étage.

[35]        La preuve établit que l’ascenseur est particulièrement exigu, il mesure à peine cinq (5) pieds par cinq (5) pieds, ne comporte qu’une seule porte et prend environ vingt-cinq (25) secondes pour rejoindre le lobby de l’hôtel.

[36]        Alors que le petit groupe attendait l’arrivée de cet ascenseur, l’intimé suggère d’un ton moqueur, à la demanderesse d’enquête, de « peser sur le piton » pour faire venir cet ascenseur.

[37]        À l’arrivée de celui-ci, on s’y entasse, une 5ième personne, un homme que l’on n’a jamais pu identifier se joignant au groupe.

[38]        La porte de l’ascenseur se referme et encore une fois, l’intimé suggère à la demanderesse d’enquête de « peser sur le piton », mais devant son hésitation, il appuie lui-même à l’endroit requis sur le panneau de contrôle de l’ascenseur pour descendre au rez-de-chaussée.

[39]        Pendant la descente vers le lobby, l’intimé interpelle la demanderesse d’enquête en lui tenant ces propos : « As-tu déjà fait ça à quatre? ».

[40]        La demanderesse d’enquête prétend par ailleurs, ce qui est contesté par l’intimé, que ce dernier aurait prononcé ses propos en y ajoutant un mouvement de la langue et des lèvres comme on le fait quand on échange un baiser de type « french kiss ».

[41]        Ce mouvement de la langue et des lèvres était par ailleurs accompagné de bruits suggestifs, selon la demanderesse d’enquête.

[42]        Plus encore, l’intimé aurait simulé prendre sa collègue dans ses bras, sans pour autant ce faire, ni la toucher.

[43]        La demanderesse d’enquête ajoute que l’intimé l’aurait ensuite interpellée une deuxième fois en ces mots : « Aimerais-tu faire ça à quatre? ».

[44]        Cette deuxième intervention, contrairement à la première, est niée par l’intimé.

[45]        À l’occasion de son témoignage, la demanderesse d’enquête explique que ces deux (2) interventions de l’intimé l’ont « figée » complètement.

[46]        Elle ne s’attendait vraisemblablement pas à ce genre de propos et elle affirme être « restée sans voix », sauf pour dire à trois (3) reprises « dégueulasse ».

[47]        L’intimé, tout comme Me Jean-Philippe Fortin, reconnaît avoir entendu la demanderesse d’enquête prononcer le mot « dégueulasse », mais à une seule reprise.

[48]        Après avoir quitté l’ascenseur, la demanderesse d’enquête s’est dirigée vers la sortie de l’hôtel pour rejoindre le stationnement avant de réaliser qu’elle avait oublié de valider son billet de stationnement, de telle sorte qu’elle a dû revenir sur ses pas.

[49]        Elle a alors croisé l’intimé et Me Guy Bélanger qui échangeaient entre eux quelques propos, le premier, un fumeur de longue date, profitant de ce moment pour satisfaire son habitude.

[50]        Elle impute à Me Guy Bélanger ces propos : « As-tu changé d’idée, c’est moins pire, on est juste deux maintenant? ».

[51]        Ce dernier nie avoir prononcé ces paroles et les impute plutôt à l’intimé, alors que ce dernier n’en a pas un souvenir précis mais croit qu’il est probable que ce soit lui plutôt que Me Guy Bélanger qui ait prononcé ces paroles.

[52]        La demanderesse d’enquête s’est, par la suite, rendue à son bureau, déchirée par, à la fois, un sentiment de colère, parce qu’elle n’avait pas su répliquer aux interventions de l’intimé, et un sentiment de détresse et de souffrance provoqué par l’humiliation dont elle avait été l’objet dans l’ascenseur en présence de quatre (4) hommes : trois (3) confrères dont l’un était employé à son bureau et un (1) étranger.

[53]        Elle s’est sentie « rabaissée et traitée comme une femme facile » par l’intimé.

[54]        Après avoir réfléchi à la situation, et sur les conseils et encouragements de ses collègues de bureau, et notamment de son associée Me Isabelle Fortin et de Me Jean-Philippe Fortin, son employé, elle décidait, quelques jours plus tard, de saisir le Bureau du syndic du Barreau afin qu’une enquête soit faite sur la conduite de l’intimé.

[55]        Il y a lieu de noter qu’il n’existe aucun lien de parenté entre Me Isabelle Fortin et Me Jean-Philippe Fortin.

[56]        C’est dans ce contexte qu’une fois son enquête complétée, le syndic adjoint plaignant déposait la plainte disciplinaire portée à l’encontre de l’intimé.

LE TÉMOIGNAGE DE L’INTIMÉ

[57]        L’intimé se définit lui-même comme étant doté d’un bon sens de l’humour; il a la répartie facile, possède un bon lot de blagues souvent à connotation sexuelle, qu’il sert régulièrement à son entourage en toute circonstance.

[58]        « Je fais de l’humour à tour de bras, j’ai la réplique facile, je suis reconnu comme quelqu’un de comique qui peut faire dérider les autres. J’ai de l’imagination, je suis vite et je suis habile à faire tourner en humour des situations », d’affirmer l’intimé.

[59]        Pour illustrer davantage son propos, l’intimé dépose deux (2) photographies d’un petit clown en porcelaine reçu en cadeau à la fin de ses études en droit en mai 1980 qui lui avait alors été offert par ses confrères de classe (pièces I-12 a) et I-12 b)).

[60]        Son ami, Me Guy Bélanger, dit de l’intimé qu’il est un « blagueur invétéré peu importe la situation ».

[61]        « Il aime faire des blagues, on le connaît de même », d’ajouter Me Guy Bélanger.

[62]        Dans l’esprit de l’intimé, l’événement rapporté du 3 février 2012 n’était qu’une « simple et banale blague » parmi tant d’autres et il a été stupéfait d’apprendre qu’il faisait l’objet d’une enquête du Bureau du syndic à ce sujet.

[63]        Il ne s’attendait surtout pas à faire l’objet d’une plainte de la demanderesse d’enquête qu’il connaissait depuis de nombreuses années et qu’il affirme avoir conseillée à ses tout débuts en pratique.

[64]        Il a souvenir d’avoir agi dans un seul dossier où la demanderesse d’enquête était son adversaire; ce dossier avait fait l’objet d’une conférence de règlement amiable et réglé à la satisfaction des parties (pièces I-4, I-5 et I-6).

[65]        Sa relation avec la demanderesse d’enquête avait toujours été bonne et c’est pourquoi il comprend mal sa réaction aux événements du 3 février 2012, imputant davantage la décision de porter plainte contre lui à son employé, Me Jean-Philippe Fortin, plutôt qu’à la demanderesse d’enquête elle-même.

[66]        L’intimé se souvient par ailleurs qu’en 2006, lors d’un 5 à 7 de réseautage parmi un petit nombre d’avocats et d’avocates dans un bar de Gatineau, la demanderesse d’enquête et son associée, Me Isabelle Fortin, s’étaient embrassées publiquement dans un contexte festif bien arrosé, à l’occasion de la formation de leur nouveau cabinet, encouragées à ce faire par une enchère à laquelle il avait participé avec quelques autres confrères.

[67]        C’est pourquoi l’intimé affirme s’être senti « relativement intime » avec la demanderesse d’enquête pour faire la blague qui lui est reprochée.

[68]        « Avec une étrangère, je n’aurais pas fait cette blague », d’ajouter l’intimé.

[69]        L’intimé nie catégoriquement avoir fait les mouvements décrits par la demanderesse d’enquête avec sa langue et ses lèvres et avoir émis des bruits suggestifs, tout comme avoir simulé la prendre dans ses bras.

[70]        À ce chapitre, il explique que le fait de s’être penché pour appuyer sur le bouton de l’ascenseur et l’exigüité de celui-ci ont peut-être laissé croire à la demanderesse d’enquête ce qu’elle lui reproche.

[71]        Quant aux bruits suggestifs invoqués, il les impute aux sons que l’on fait lorsque l’on veut faire avancer un cheval et qu’il a émis en appuyant lui-même sur le bouton d’envoi au rez-de-chaussée, après avoir invité la demanderesse d’enquête à ce faire.

[72]        Fort de ces explications et des excuses qu’il a offertes dès sa rencontre avec le syndic adjoint plaignant le 20 février 2012, l’intimé ne comprend pas que ce dernier maintienne sa plainte, seule la volonté de la demanderesse d’enquête de vouloir lui « donner une leçon » militant dans cette voie.

[73]        « Je reconnais faire des blagues à caractère sexuel. J’en ai de toutes les sortes dans mon répertoire. Je n’ai pas reçu une statuette de clown pour rien », de conclure l’intimé.

LES AUTRES TÉMOIGNAGES

[74]        Me Jean-Philippe Fortin, employé de la demanderesse d’enquête, a été choqué par la conduite de l’intimé.

[75]        Il est le seul avec la demanderesse d’enquête à se souvenir que l’intimé a interpellé son employeur à deux (2) reprises dans les mots que l’intimé a reconnu avoir prononcés une seule fois.

[76]        Il explique avoir manifesté son désaccord de façon un peu maladroite en disant après l’interpellation de l’intimé auprès de la demanderesse d’enquête : « On n’est pas quatre (4), on est cinq (5) », cherchant ainsi à rappeler à l’intimé qu’il était en public et qu’un collègue de travail de la demanderesse d’enquête était présent.

[77]        En quittant l’ascenseur, Me Jean-Philippe Fortin a ajouté : « On n’est plus au 18ième siècle… ».

[78]        À son retour au bureau, il a rencontré privément la demanderesse d’enquête pour lui conseiller « de ne pas laisser ce geste impuni et de faire une plainte au syndic du Barreau et/ou de poursuivre l’intimé devant les tribunaux ».

[79]        En raison de sa position dans l’ascenseur, Me Jean-Philippe Fortin ne peut témoigner des mouvements de langue et de lèvres invoqués par la demanderesse d’enquête.

[80]        Il s’est cependant interrogé sur le mouvement de l’intimé qui s’est penché vers la demanderesse d’enquête pour savoir s’il l’avait ainsi embrassée, ne pouvant lui-même répondre à la question en raison, encore une fois, de sa position dans l’ascenseur, mouvement que l’intimé explique par sa seule intention d’atteindre le bouton de l’ascenseur.

[81]        Le Conseil a de plus entendu les témoignages de Me Julie Duguay et Me Nicholas D’Aoust, tous deux (2) oeuvrant au cabinet de la demanderesse d’enquête.

[82]        Ils ont été unanimes à décrire cette dernière comme particulièrement dévastée dans les heures suivant les événements reprochés, mais aussi, et paradoxalement, suffisamment en contrôle pour assumer ses engagements professionnels, et notamment un rendez-vous fixé au préalable ce jour-là.

[83]        À ce chapitre, on reconnaît à la demanderesse d’enquête, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats depuis 1999, sa force de caractère, sa capacité à « tenir son bout » et de mener à terme ses dossiers.

[84]        Me Jean-Philippe Fortin lui a remis le lundi suivant les événements du 3 février 2012, un affidavit détaillé décrivant ce qu’il avait constaté.

[85]        Cet affidavit détaillé et un projet de demande d’enquête qu’elle avait préparé durant la fin de semaine, associés aux encouragements de ses collègues et de son associée, ont convaincu la demanderesse d’enquête de la pertinence de saisir le Bureau du syndic du Barreau de la conduite de l’intimé à son égard.

[86]        Il n’était alors plus question de reculer, même si la décision avait été difficile à prendre.

[87]        Les excuses offertes quelques jours plus tard par l’intimé auprès du syndic adjoint plaignant n’étaient pas suffisantes ni acceptables dans les circonstances.

[88]        « Je pense qu’il ne peut s’en tirer comme si c’était une « simple blague » avec des excuses seulement », de conclure la demanderesse d’enquête.

LES PRÉTENTIONS DES PARTIES

LES PRÉTENTIONS DU SYNDIC ADJOINT PLAIGNANT

[89]        Le syndic adjoint plaignant soumet que la conduite de l’intimé, le 3 février 2012, relève de la nature de harcèlement sexuel, en plus de faire état d’un manque de respect, de modération et de courtoisie envers sa consoeur, la demanderesse d’enquête.

LES PRÉTENTIONS DU PROCUREUR DE L’INTIMÉ

[90]        Le procureur de l’intimé, quant à lui, soumet que la conduite de ce dernier, le 3 février 2012, ne peut s’apparenter d’aucune façon à du harcèlement sexuel, ses propos ce jour-là ne reflétant que le sens de l’humour qu’on lui connaît, une simple blague, de mauvais goût sans doute, mais sans aucune intention de vouloir offenser ni blesser la demanderesse d’enquête.

LES AUTORITÉS

[91]        Au soutien de leurs prétentions, le syndic adjoint plaignant et le procureur de l’intimé citent de nombreuses autorités qu’ils ont longuement commentées.

[92]        Ces autorités, articles de doctrine et jurisprudence ont le mérite d’apporter un éclairage pertinent, notamment sur la notion d’harcèlement sexuel reproché à l’intimé, une infraction rarement alléguée dans le répertoire des plaintes disciplinaires émanant  du Bureau du syndic du Barreau.

DISCUSSION

[93]        Les gestes reprochés à l’intimé, et pour lesquels il a enregistré un plaidoyer de non-culpabilité, contreviennent-ils aux dispositions du Code de déontologie des avocats et à l’article 59.2 du Code des professions, que le Conseil croit utile de reproduire ci-après ?

« 4.02.01.  En outre des actes dérogatoires mentionnés aux articles 57, 58, 59.1 et ceux qui peuvent être déterminés en application du deuxième alinéa de l'article 152 du Code des professions (chapitre C-26), est dérogatoire à la dignité de la profession le fait pour un avocat:

y)      de harceler sexuellement toute personne à l'occasion de l'exercice de sa profession; »

 

« 2.00.01.  L'avocat doit agir avec dignité, intégrité, honneur, respect, modération et courtoisie. »

 

59.2. Nul professionnel ne peut poser un acte dérogatoire à l'honneur ou à la dignité de sa profession ou à la discipline des membres de l'ordre, ni exercer une profession, un métier, une industrie, un commerce, une charge ou une fonction qui est incompatible avec l'honneur, la dignité ou l'exercice de sa profession.

[94]        L’article 4.02.01 précité du Code de déontologie des avocats est contenu dans la sous section 2 de la section IV dudit Code traitant des actes dérogatoires et des dispositions générales.

[95]        L’article 2.00.01 précité du Code de déontologie des avocats est contenu dans la section II dudit Code traitant des devoirs généraux et des obligations des avocats envers le public.

[96]        Quant à l’article 59.2 du Code des professions, il impose notamment à l’ensemble des professionnels l’obligation de ne poser aucun acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de sa profession. 

[97]        En matière de gravité, les gestes reprochés à l’intimé sont sérieux, notamment en raison de leur nature, mais aussi des conséquences qu’ils ont engendrées auprès de la demanderesse d’enquête.

LE PREMIER CHEF D’INFRACTION

[98]        Le dispositif de l’article 4.02.01 y) précité du Code de déontologie des avocats soulève une première interrogation.

[99]        Il est défendu d’harceler sexuellement toute personne à l’occasion de l’exercice de sa profession. (Le souligné est de nous)

[100]     Il y a donc deux (2) éléments essentiels à démontrer : premièrement, il doit y avoir harcèlement sexuel et deuxièmement, ce harcèlement sexuel doit avoir eu lieu « à l’occasion de l’exercice de sa profession ».

L’ÉLÉMENT ESSENTIEL DU GESTE POSÉ «  À L’OCCASION DE L’EXERCICE DE SA PROFESSION »

[101]     Bien que les mots « à l’occasion de l’exercice de sa profession » n’aient pas fait l’objet d’un long débat, le Conseil est d’avis que les événements du 3 février 2012, tels que relatés par la preuve, constituent des gestes posés « à l’occasion de l’exercice de sa profession ».

[102]     Le Programme de formation continue obligatoire en vigueur depuis le 1er avril 2009 qui oblige l’ensemble des avocats et des avocates à participer à trente (30) heures de formation reconnues par le Barreau par période de deux (2) ans milite en ce sens.

[103]     L’exercice de la profession ne se limite pas aux seuls actes décrits aux articles 128 et 129 de la Loi sur  le Barreau, la participation à des activités de formation étant particulièrement utile, pour ne pas dire nécessaire, à cet exercice, d’autant plus que cette participation à de semblables activités revêt maintenant un caractère obligatoire.

[104]     Le fait que les gestes reprochés auraient été posés lors du déplacement à l’intérieur de l’édifice dans lequel s’est produite l’activité de formation professionnelle, présente une connexité spacio-temporelle immédiate avec l’activité de formation elle-même.

L’ÉLÉMENT ESSENTIEL DU « HARCÈLEMENT SEXUEL »

[105]     Le Code de déontologie des avocats ne définit pas le harcèlement sexuel; il le qualifie seulement d’acte dérogatoire à la dignité de la profession.

[106]     Dans la Collection de droit 2013-2014 traitant d’Éthique, déontologie et pratique professionnelle, l’auteur Me Brigitte Deslandes s’exprime ainsi :

« D’abord, le harcèlement sexuel est défini en terme de situation de pouvoir pour imposer des exigences sexuelles dans le milieu de travail, ou encore de toute conduite qui a pour effet de nuire à la dignité ou à l’égalité des victimes.

(…)

Le harcèlement illustré prend toutes sortes de formes, blagues sexistes, publications ou affichages, remarques ou plaisanteries, etc. »

[107]     Le Code de déontologie professionnelle de l’Association du Barreau canadien est, quant à lui, plus explicite.

[108]     On y retrouve notamment la disposition suivante :

« 7. Le harcèlement sexuel, comme tout autre harcèlement, constitue un forme de discrimination. Le harcèlement comprend toute conduite incorrecte, abusive ou importune qui blesse, embarrasse, humilie ou porte atteinte à autrui. L’avocat devrait s’abstenir de faire des réflexions vexatoires ou de se comporter d’une manière qui est communément considérée comme déplacée ou qui devrait être raisonnablement considérée comme du harcèlement ou du harcèlement sexuel. »

[109]     Le syndic adjoint plaignant a, par ailleurs, cité de nombreux extraits des codes de déontologie des provinces canadiennes qui, à l’instar de celui du Barreau canadien, ne lient pas les avocats et avocates exerçant au Québec.

[110]     On peut cependant affirmer dans ce dernier cas, comme le souligne avec pertinence Me Fannie Pelletier, dans un document publié le 24 février 2011, à l’occasion d’une conférence tenue le même jour :

« Même si ce code n’a aucune portée réglementaire, la Cour suprême a déjà reconnu qu’il constitue un important énoncé de principe. Ainsi, les tribunaux québécois se réfèrent occasionnellement à ce Code de déontologie qui constitue une importante autorité morale. »

[111]     Le syndic adjoint plaignant a de plus cité diverses décisions de Comités et Conseils de discipline de d’autres ordres professionnels, de même que des décisions traitant de relations de travail et d’emploi.

[112]     À ce chapitre, il y a lieu de rappeler que l’article 81.18 de la Loi sur les normes du travail définit ainsi le harcèlement psychologique :

« 81.18.  Pour l’application de la présente loi, on entend par « harcèlement psychologique » une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne pour celui-ci un milieu de travail néfaste.

 

Une seule conduite grave peut aussi constituer du harcèlement psychologique si elle porte une telle atteinte et produit un effet nocif continu pour le salarié. »

[113]     Il est généralement reconnu que la définition du harcèlement psychologique dans la Loi sur les normes du travail précitée peut aussi inclure le harcèlement sexuel.

[114]     Dans le présent dossier, il y a lieu de noter que les reproches formulés à l’encontre de l’intimé ne se situent pas dans un contexte de relations de travail.

[115]     Le syndic adjoint plaignant se réfère de plus à la Charte québécoise des droits et libertés de la personne qui interdit toute forme de discrimination et notamment celle reliée au sexe.

[116]     Le syndic adjoint plaignant souligne par ailleurs que dans les recours fondés sur la charte, contrairement au droit criminel, l’intention du défendeur n’a pas à être prouvée.

[117]     Le syndic adjoint plaignant se réfère enfin aux dispositions des articles 276 et suivants du Code criminel qui édictent des règles particulières de preuve en matière d’accusations à caractère sexuel.

[118]     Dans la Collection de droit 2013-2014 traitant de droit pénal-infractions, moyens de défense et peine, les auteurs s’expriment ainsi :

« Pour un ensemble d’infractions énumérées à cette disposition, dont les contacts et les agressions sexuels, il est interdit de mettre en preuve toute activité sexuelle du plaignant avec l’accusé ou d’autres personnes dans le seul but de démontrer par le caractère sexuel de cette activité qu’il est plus susceptible d’avoir consenti à l’acte faisant l’objet de l’accusation ou pour entacher sa crédibilité.

(…)

Une requête qui aurait pour but d’interroger le plaignant sur ses activités sexuelles en général afin de déterminer s’il en existe une qui permettrait de déduire son consentement ou son absence de crédibilité, serait donc vouée à l’échec.

(…)

L’article 277 du Code criminel interdit en tout temps la preuve de la réputation sexuelle du plaignant afin d’attaquer ou de rehausser sa crédibilité »

[119]     S’appuyant sur l’ensemble des références qui précèdent, le syndic adjoint plaignant invite le Conseil à tirer les conclusions suivantes :

1.1.        La demanderesse d’enquête a été victime de harcèlement sexuel de la part de l’intimé.

1.2.        Les propos de ce dernier et sa gestuelle au moment de les prononcer constituent une forme d’harcèlement sexuel.

1.3.        Un seul événement suffit pour conclure à du harcèlement.

1.4.        L’intention de l’intimé n’a pas à être prise en compte pour conclure à du harcèlement.

 

1.5.        Il en est ainsi de l’événement de l’année 2006 dans un bar de Gatineau; l’intimé ne peut y trouver là une justification à sa conduite.

1.6.        L’intimé doit être déclaré coupable des reproches formulés à son encontre sous le premier chef d’infraction de cette plainte disciplinaire.

[120]     Le procureur de l’intimé ne partage pas cet avis.

[121]     Il argue que la preuve offerte ne permet pas de conclure à du harcèlement sexuel.

[122]     Il ajoute qu’il faut mettre en contexte l’intervention de l’intimé qui ne cherchait qu’à faire une blague.

[123]     Ce dernier pouvait, au surplus, s’autoriser à ce faire en raison de la connaissance qu’il avait de la demanderesse d’enquête, notamment pour l’avoir conseillée au début de sa pratique et pour avoir réglé un dossier avec elle.

[124]     La contre preuve a cependant fortement mitigé le rôle de conseiller dont s’est investi l’intimé à l’occasion de son témoignage.

[125]     L’événement de l’année 2006, dans un bar de Gatineau, a de plus contribué, de l’avis du procureur de l’intimé, à laisser croire à ce dernier que la demanderesse d’enquête avait suffisamment d’ouverture d’esprit pour accepter une blague de semblable nature.

[126]     Qu’en est-il?

[127]     Si la preuve des paroles reprochées à l’intimé est prépondérante, claire et convaincante, la gestuelle qui lui est aussi reprochée l’est moins.

[128]     En effet, alors que l’intimé reconnaît les propos reprochés et que les témoins entendus les valident, aucune semblable corroboration ne prévaut pour la gestuelle qui les accompagnait.

[129]     Personne, outre la demanderesse d’enquête, ne peut témoigner des mouvements répétés de langue et des lèvres.

[130]     Le Conseil ne doute pas de la bonne foi de la demanderesse d’enquête.

[131]     L’ascenseur qu’elle a emprunté avec quatre (4) autres personnes mesurait à peine cinq (5) pieds par cinq (5) pieds.

[132]     On y était forcément à l’étroit, si l’on compte les cinq (5) personnes adultes portant des vêtements d’hiver, en sus, pour certains d’entre eux, de leur porte-documents.

[133]     On peut comprendre la demanderesse d’enquête lorsqu’elle affirme s’être « sentie coincée » dans cet ascenseur, surtout si l’on prend en compte les reproches qu’elle formule à l’encontre de l’intimé.

[134]     À ce chapitre, l’intimé nie catégoriquement la gestuelle reprochée et fournit des explications plausibles.

[135]     L’exigüité de l’ascenseur et la position des témoins entendus peuvent sans doute expliquer l’absence de témoignage concordant sous cet aspect.

[136]     Il est par ailleurs étonnant de constater que tous les témoins entendus ne se situent pas au même endroit dans l’ascenseur; les nombreux croquis préparés et confectionnés par ceux-ci font état de positions différentes (pièces P-3, P-4, P-5, P-13, P-14, P-15, P-16, P-17, P-20, I-7 et I-8).

[137]     Les versions sont contradictoires.

[138]     Même la demanderesse d’enquête impute à Me Guy Bélanger les propos reprochés lorsqu’elle revient à l’hôtel pour y faire valider son billet de stationnement, alors qu’il est plus probable que ces propos doivent être attribués à l’intimé lui-même, ce que ce dernier, au surplus, reconnaît.

[139]     Le Conseil ne met pas en doute les sentiments éprouvés par la demanderesse d’enquête à l’occasion de ces événements; elle en a souffert et son témoignage de même que ceux de ses collègues de travail sont particulièrement éloquents à cet égard.

[140]     Elle a fondu en larmes dans les bras de son adjointe à son retour au bureau et pleuré durant la fin de semaine qui a suivi, malgré le soutien de son conjoint.

[141]     Mais en parallèle de cette détresse et de cette souffrance, la demanderesse d’enquête a trouvé la force et l’énergie nécessaires pour discuter avec ses collègues d’un recours possible devant les tribunaux ou le Bureau du syndic du Barreau.

[142]     Elle a pu préparer, durant cette même fin de semaine, un projet de demande d’enquête, qu’elle a complété dans les jours suivants avant de l’acheminer auprès du Bureau du syndic du Barreau.

[143]     Elle a démontré avoir la capacité de maîtriser ses émotions afin de respecter ses obligations professionnelles envers sa clientèle et d’honorer un rendez-vous avec un client dès son retour au bureau dans l’après-midi de ce 3 février 2012.

[144]     Comprenons nous bien, le caractère admirable de la maîtrise de soi professionnelle de la demanderesse d’enquête dans les heures qui suivent l’événement n’amoindrit nullement la conduite inappropriée de l’intimé à son égard.

[145]     L’intimé a manqué de jugement.

[146]     Selon lui, il croyait faire une bonne blague, comme c’est son habitude, et n’avait pas l’intention malveillante de blesser, ni même d’offenser la demanderesse d’enquête, dont il se croyait « relativement intime », en raison de l’événement de 2006 pour agir comme il l’a fait.

[147]     Le Conseil est d’avis que l’intimé s’est volontairement adressé de façon grossière, humiliante et insultante à l’égard de sa collègue en présence de trois (3) autres hommes, dont un inconnu et au moins deux (2) avocats, l’un employé par sa collègue et l’autre, ami de longue date de l’intimé.

[148]     La grossièreté consiste à suggérer l’accomplissement des actes sous-entendus. L’humiliation provient du fait que les propos sont tenus en public, devant d’autres hommes, dont l’un est l’employé de sa collègue, plaçant ainsi la demanderesse d’enquête dans une situation de vulnérabilité réputationnelle. Le caractère insultant tient au fait que l’intimé s’attaque à la moralité de sa collègue.

[149]     Prenant en compte l’ensemble de ce qui précède, peut-on conclure à du harcèlement sexuel de la part de l’intimé envers la demanderesse d’enquête?

[150]     Pour répondre à cette question, le Conseil fait sien l’exercice suggéré par le Tribunal des droits de la personne et retenu par la Cour d’appel dans l’affaire Dhawan c. Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse), REJB 2000-18924 :

« Le Tribunal a, par ailleurs, déjà indiqué que la norme pour évaluer le caractère acceptable ou inacceptable d’une conduite de nature sexuelle était celle de la raisonnabilité fondée sur le seuil de tolérance « qu’une personne raisonnable aurait à l’endroit d’un acte (semblable) posé envers une femme qui lui est proche ».

[151]     Si l’on doit retenir le caractère répétitif des gestes ou paroles reliés à la conduite vexatoire, le fait qu’ils soient hostiles, en plus d’être non désirés, et que ceux-ci portent atteinte à la dignité et l’intégrité de la demanderesse d’enquête et entraînent pour elle un milieu de travail néfaste, pour conclure à une conduite relevant de la nature d’harcèlement sexuel, comme nous y invite la Loi sur les normes du travail précitée, la preuve offerte dans le présent dossier n’est pas suffisante pour ce faire.

[152]      La seule conduite du 3 février 2012, pendant les 25 secondes qu’a duré la descente en ascenseur, même en considérant la remarque additionnelle imputée à l’intimé et formulée dans les minutes qui ont suivi à la sortie de l’hôtel,  ne revêt pas non plus, comme nous y invite la Loi sur les normes du travail, une gravité telle qu’elle a emporté un effet nocif continu pour la demanderesse d’enquête.

[153]     Rappelons par ailleurs, une nouvelle fois, que les événements du 3 février 2012 ne se situent pas en contexte de relations de travail.

[154]     On n’y retrouve pas le lien d’employeur à employé, de commettant à préposé ou le statut de salarié.

[155]     La conduite de l’intimé s’est limitée à une seule intervention le 3 février 2012.

[156]     La preuve ne permet pas de conclure que cette intervention était préméditée.

[157]     La conduite de l’intimé, le 3 février 2012, ne revêt pas le caractère de gravité ni ne rencontre les divers éléments auxquels réfèrent les autorités citées et discutées pour conclure à du harcèlement sexuel.

[158]     C’est pourquoi l’intimé sera acquitté des reproches formulés sous le premier chef d’infraction de cette plainte disciplinaire.

[159]     Il en va cependant tout autrement pour les reproches formulés à l’encontre de l’intimé sous le deuxième chef d’infraction de cette plainte disciplinaire.

LE DEUXIÈME CHEF D’INFRACTION

[160]     Les relations entre confrères et consoeurs devraient toujours être empreintes de respect.

[161]     Il ne fait aucun doute que les propos tenus par l’intimé, le 3 février 2012, étaient inappropriés.

[162]     Ce jour-là, l’intimé a manifestement manqué de respect envers la demanderesse d’enquête.

[163]     Il est clair qu’en tenant ces propos, l’intimé n’a pas agi avec dignité, honneur, respect, modération et courtoisie.

[164]     Le Code des professions assujettit les professionnels à des standards de conduite à l’occasion de l’exercice de leur profession qui ne permet aucun laxisme de la nature de celui que s’est accordé l’intimé et qui pourrait être observé par exemple dans une scène de vaudeville ou dans un festival d’humour vulgaire. Ainsi, il est inadmissible qu’à l’occasion de l’exercice de sa profession, un professionnel puisse faire des plaisanteries vulgaires ou des blagues de mauvais goût qui rabaissent les êtres humains, les déconsidèrent et les ramènent au rang de simples objets tout en portant atteinte à leur intégrité et à leur dignité.

[165]     Rien n’excuse une semblable conduite par un professionnel envers un autre professionnel à l’occasion de l’exercice de sa profession.

[166]     Cette affaire est un exemple des conséquences peu souhaitables susceptibles d’affecter ceux et celles qui en sont victimes par un professionnel à l’occasion de l’exercice de sa profession.

[167]     La demanderesse d’enquête a beaucoup souffert des propos de l’intimé.

[168]     Son entourage aussi.

[169]     Voilà autant de raisons qui militent en faveur de retenue.

[170]     C’est avant tout une question de respect, de dignité et de modération dans le choix de ses interventions, particulièrement dans le cadre de l’exercice de la profession, même si semblable conduite devrait toujours être de mise.

[171]     L’intimé aurait avantage à réfléchir à ses obligations professionnelles d’agir avec dignité, honneur, respect, modération et courtoisie en toute circonstance à l’occasion de l’exercice de sa profession.

[172]     L’intimé sera donc déclaré coupable des reproches formulés à son encontre sous le deuxième chef d’infraction de cette plainte disciplinaire.

[173]     Cependant, et en raison des règles découlant de l’arrêt Kienapple[1], qui interdit les condamnations multiples au regard de mêmes faits, l’intimé sera déclaré coupable de l’infraction spécifique prévue à l’article 2.00.01 du Code de déontologie des avocats et une suspension conditionnelle des procédures sera prononcée quant au renvoi à l’article 59.2 du Code des professions.

DÉCISION

EN CONSÉQUENCE, LE CONSEIL, UNANIMEMENT :

Sous le premier chef :

ACQUITTE l’intimé.

Sous le deuxième chef :

DÉCLARE l’intimé coupable de l’infraction spécifique prévue à l’article 2.00.01 du Code de déontologie des avocats;

PRONONCE la suspension conditionnelle des procédures quant au renvoi à l’article 59.2 du Code des professions.

 

 

__________________________________

Me JEAN PÂQUET, président

 

__________________________________

Me DANIEL BRUNET, membre

 

__________________________________

Me FRANCE JOSEPH, membre

 

 

Me Stephen Wishart, syndic adjoint, assisté de Me Chantal Fafard à compter de 11 h 00 à l’audience du 13 mars 2015

Plaignant

 

Me Jean-Claude Dubé

Procureur de l’intimé

 

Dates d’audience : 25 et 25 novembre 2013, 18 février 2014, 12 et 13 mars 2015

 

 

AUTORITÉS CITÉES

 

-    Law Society of Upper Canada v. Sunday [2007] L.S.D.D. No. 56, 2007 ONLSHP 63;

-    Law Society of Upper Canada v. Clifford Michael Sunday, 2008 ONLSAP 11         (CanLII);

-    Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Yampolsky, 2009 CanLII 604 (QC         CDOPQ);

-    Langlois c. Dentistes (Ordre professionnel des), 2012 QCTP 52;

-    7020040 Canada inc. c. 9148-7520 Québec inc., 550-17-007056-136, 10 novembre        2014;

-    GUAY, Patrice, Éthique, déontologie et pratique professionnelle, Collection de droit         2007-2008, École du Barreau du Québec, vol. 1, 2007, La procédure disciplinaire du          Barreau du Québec et les infractions spécifiques à caractère sexuel, pages 31 et    suivantes;

-    Prud’Homme c. Gilbert, 2012 QCCA 1544;

-    DESLANDES, Brigitte, « Les infractions à caractère sexuel », dans Éthique,         déontologie et pratique professionnelle, Collection de droit 2013-2014, volume 1,        Cowansville, Yvon Blais, 2013, p. 222;

-    « Harcèlement sexuel et harcèlement » dans le Code de déontologie professionnelle,    Association du Barreau canadien, 2009, p. 127-129;

-    BILODEAU, Guy, « Éthique et diversité : L’impact des changements démographiques     dans la pratique du droit » dans Congrès annuel du Barreau du Québec (2009);

-    Code de déontologie, Barreau du Haut-Canada / Law society of Upper Canada, « Le        harcèlement sexuel », règle 5.03;

-    WOOLEY, Alice et al. Lawyer’s Ethics and Professional Regulation, Lexis Nexis,   Markham, 2008, p. 68-71;

-    Guimont c. Roy, Conseil de discipline, Barreau du Québec, 06-12-02738, 12 juin   2013;

-    Law society of Alberta v. Jeffrey, 2007 LSA 22 (CanLII);

-    In the Matter of Richard A. Gole, 715 N.E.2d 399 (Ind. 1999);

-    Oklahoma Bar Association v. Wilburn, 142 P.3d 420;

-    Collège des médecins c. Oiknine, 2012 CanLII 69414 QC CDCM;

-    Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Guilbault, D.D.E. 98D-5;

-    Architectes (Ordre professionnel des) c. Ruest, 2012 EXP-2215;

-    Tremblay c. Dionne, J.E. 2006-2206 (C.A.); 2006 QCCA 1441 (CanLII), p. 9;

-    BRUN, Henri et al., Chartes des droits de la personne - Législation, jurisprudence et       doctrine, Wilson Lafleur, 2013 p. 747, 991;

-    Dhawan c. Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la      jeunesse), REJB 2000-18924 (C.A.);

-    Recycan Inc. et Union internationale des travailleuses et travailleurs unis de        l’alimentation et du commerce, section locale 1991-P, D.T.E. 2004T-459 (Tribunal d’arbitrage) p. 4, 8, 40, 41, 45;

-    DESLANDES, Brigitte, « Certains autres devoirs et obligations de l’avocat », dans           Éthique, déontologie et pratique professionnelle, Collection de droit 2013-2014,           volume 1,        Cowansville, Yvon Blais, 2013, p. 77, 108-109;

-    Comité-Avocats-7, [1978] D.D.C.P. 27;

-    Tribunal-Avocats-2, [1980] D.D.C.P. 266 (T.P.);

-    Dumais c. Roy, Comité de discipline du Barreau du Québec, 06-98-01281, 26       novembre 1999;

-    Avocats (Ordre professionnel des) c. Walsh, D.D.E. 2004D-53;

-    Mandron c. Fine, Comité de discipline du Barreau du Québec, 06-01-01610, 29 avril        2002;

-    Avocats (Ordre professionnel des) c. Goldwater, 2013EXP-2343 (en appel devant le         Tribunal des professions);

-    Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Galletta, 2008 QCCDBQ 142 (CanLII);

-    Malek et Agence des services frontaliers Canada, 2008 QCCLP 3213;

-    Boivin et Centre communautaire juridique de l’Estrie, 2011 QCCLP 2645;

-    Assurances générales Caisses Desjardins inc. et Lacombe, 2010 QCCLP 4506;

-    Lyne Doyon et Hydro-Québec, AZ-50208104, C.L.P.E. 2003LP-207 (résumé);

-    Collection de droit 2013-2014, Droit pénal - Infractions, moyens de défense et peine,      Infractions criminelles, École du Barreau, p. 101;

-    R. c. Darrach, [2000] 2 R.C.S., 443;

-    PELLETIER, Fanie, Le droit à l’égalité, la discrimination et le harcèlement : les     enjeux déontologiques, 24 février 2011.


Barreau  du Québec (syndic adjoint) c. Laflamme

                                             2016 QCCDBQ 027

 

 
 CONSEIL DE DISCIPLINE

Barreau du Québec

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

06-13-02759 

 

DATE :

17 mars 2016

______________________________________________________________________

 

LE CONSEIL :

Me JEAN PÂQUET

Président

Me DANIEL BRUNET  

Membre

Me FRANCE JOSEPH

Membre

______________________________________________________________________

 

Me STEPHEN WISHART, en sa qualité de syndic adjoint du Barreau du Québec

Partie plaignante

c.

Me JEAN J. LAFLAMME

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

 

Le syndic adjoint plaignant agit pour lui-même. Il est assisté de Me Janou Théorêt.

 

Me Jean-Claude Dubé représente l’intimé présent à l’audience.

 

ORDONNANCE AYANT POUR BUT LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE (ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS)

[1]   Le Conseil émet une ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion de la pièce SP-5.

 

 

LA PLAINTE

[2]   Le 2 octobre 2015, l’intimé était déclaré coupable des reproches formulés sous le deuxième chef d’infraction d’une plainte disciplinaire amendée ainsi libellée :

« Je, soussigné, STEPHEN WISHART, avocat, régulièrement inscrit au Tableau de l’Ordre des avocats du Québec, en ma qualité de syndic adjoint du Barreau du Québec, déclare que;

 

ME JEAN J. LAFLAMME (182339-6), régulièrement inscrit au Tableau de l’Ordre des avocats du Québec, a commis des actes dérogatoires à l’honneur et à la dignité du Barreau, à savoir :

 

3.         À l’Hôtel Four Points de Gatineau, le ou vers le 3 février 2012, en présence d’autres avocats et à l’occasion d’une activité de formation destinée aux avocats, a harcelé sexuellement une consoeur, Me X, en tenant des propos à caractère sexuel, déplacés ou inconvenants à savoir notamment, en lui demandant si elle « avait déjà fait ça à quatre » et en posant à son endroit des gestes à caractère sexuel, déplacés ou inconvenant, contrevenant ainsi à l’article 4.02.01 y) du Code de déontologie des avocats et à l’article 59.2 du Code des professions;

 

4.         À l’Hôtel Four Points de Gatineau, le ou vers le 3 février 2012, en présence d’autres avocats et suite à une activité de formation destinée aux avocats, a manqué à ses devoirs d’agir avec dignité, honneur, respect, modération et courtoisie envers une consoeur, Me X, en tenant des propos à caractère sexuel, déplacés ou inconvenants à savoir notamment, en lui demandant si elle « avait déjà fait ça à quatre » et en posant à son endroit des gestes à caractère sexuel, déplacés ou inconvenants, contrevenant ainsi à l’article 2.00.01 du Code de déontologie des avocats et à l’article 59.2 du Code des professions.

 

Se rendant ainsi passible des sanctions prévues à l’article 156 du Code des professions.

 

ET LE PLAIGNANT DEMANDE JUSTICE.

 

Montréal, le 7 janvier 2013

 

(S) STEPHEN WISHART

 

Me Stephen Wishart, en sa qualité

de syndic adjoint du Barreau du

Québec »

 

(Reproduction intégrale de la plainte)

[3]   Cependant, et en raison des règles découlant de l’arrêt Kienapple[2] qui interdit les condamnations multiples au regard de mêmes faits, l’intimé était déclaré coupable de l’infraction spécifique prévue à l’article 2.00.01 du Code de déontologie des avocats et une suspension conditionnelle des procédures était prononcée quant au renvoi à l’article 59.2 du Code des professions.

[4]   L’intimé avait par ailleurs été acquitté des reproches formulés sous le premier chef d’infraction de cette plainte disciplinaire.

[5]   Les parties ont été convoquées pour l’instruction et l’audition de cette plainte disciplinaire, à l’étape de la sanction, le 8 décembre 2015.

[6]   À la suite de l’audience tenue ce jour-là, soit le 8 décembre 2015, les parties ont été autorisées à compléter leurs représentations par écrit.

[7]   Les représentations complémentaires du syndic adjoint plaignant ont été transmises au greffe de discipline le 9 décembre 2015, alors que celles du procureur de l’intimé l’ont été le 21 décembre 2015.

[8]   Le Conseil a pu tenir une première séance de délibéré le 7 janvier 2016.

LA PREUVE

[9]   Dès le début de l’audience, les parties ont été invitées à procéder à leurs représentations sur la sanction à être imposée à l’intimé.

[10]        Avant de ce faire cependant, les parties ont présenté leur preuve respective.

[11]        Du côté du syndic adjoint plaignant, cette preuve est essentiellement documentaire (pièces SP-1 à SP-7 A).

[12]        Parmi les documents ainsi déposés par le syndic adjoint plaignant, il y a lieu de noter deux (2) décisions rendues par une autre division du Conseil de discipline dans une autre affaire où le syndic adjoint plaignant avait déposé une plainte disciplinaire à l’encontre de l’intimé (pièces SP-1 et SP-2).

[13]        Nous y reviendrons.

[14]        Le procureur de l’intimé a, de son côté, fait entendre ce dernier et déposé divers documents (pièces SI-1 à SI-9).

[15]        La preuve documentaire associée au témoignage de l’intimé constitue l’essentiel de la preuve dans le présent dossier.

LE TÉMOIGNAGE DE L’INTIMÉ

[16]        « J’ai fait une gaffe ».

[17]        « J’ai trop parlé ».

[18]        « Je ne pensais pas provoquer une telle réaction ».

[19]        C’est en ces termes que l’intimé débute son témoignage.

[20]        S’autorisant une métaphore sportive, il ajoute : « J’ai échappé le ballon… ».

[21]        Avant d’ainsi conclure : « Mes babines ne sont plus aussi mobiles qu’avant ».

[22]        « Je me sens comme avec un étrangleur (choker) que l’on fait porter aux chiens dans leur cou pour les contrôler ».

[23]        « J’ai appris beaucoup de ces événements ».

[24]        « Vous ne me reverrez plus ici ».

[25]        L’intimé nous révèle par ailleurs que la décision du Conseil le déclarant coupable a été fortement médiatisée, non seulement dans sa région mais aussi à l’échelle provinciale.

[26]        Plusieurs journaux, sites Internet et radios ont diffusé la décision tout en commentant ses conclusions (pièces SI-3 à SI-6).

[27]        L’intimé a complété la formation reliée à l’entrée en vigueur du nouveau Code de déontologie des avocats (pièce SI-2).

[28]        Il a de plus transmis une lettre d’excuses à l’attention de la demanderesse d’enquête dans les jours qui ont suivi la signification de la décision du Conseil sur le mérite de cette plainte disciplinaire (pièce SI-7).

[29]        L’intimé a enfin été longuement contre-interrogé par le syndic adjoint plaignant quant au contenu d’un formulaire de candidature à la fonction de juge à la Cour du Québec que ce dernier prétendait mensonger (pièce SP-5).

[30]        Ce document a fait l’objet, du consentement des parties, d’une ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion, conformément au dispositif de l’article 142 du Code des professions.

LES REPRÉSENTATIONS DES PARTIES

LES REPRÉSENTATIONS DU SYNDIC ADJOINT PLAIGNANT

[31]        Invoquant la gravité objective des propos et de la conduite inappropriée de l’intimé le 3 février 2012, un antécédent disciplinaire, de même que la conduite de ce dernier après les événements reprochés, le syndic adjoint plaignant suggère qu’une sanction relevant de la nature d’une courte période de radiation temporaire ou d’une forte amende soit imposée à l’intimé.

[32]        Le syndic adjoint plaignant suggère de plus que l’intimé soit condamné au paiement des entiers débours.

[33]        Au soutien de ses prétentions, le syndic adjoint plaignant cite les autorités apparaissant à la fin de la présente décision.

LES REPRÉSENTATIONS DU PROCUREUR DE L’INTIMÉ

[34]        Le procureur de l’intimé, quant à lui, suggère plutôt une sanction relevant de la nature d’une simple réprimande ou tout au plus d’une amende légère, auquel cas un délai devrait être accordé à l’intimé pour son paiement.

[35]        Le procureur de l’intimé conteste la portée que confère le syndic adjoint plaignant à l’antécédent disciplinaire de l’intimé, de même que la conduite de ce dernier après la perpétration de l’infraction qui lui est reprochée.

[36]        Le procureur de l’intimé suggère par ailleurs qu’en raison de l’acquittement de ce dernier des reproches formulés sous le premier chef d’infraction de cette plainte disciplinaire, les débours soient partagés également entre les parties.

[37]        Au soutien de ses prétentions, le procureur de l’intimé cite les autorités apparaissant à la fin de la présente décision.

DISCUSSION

[38]        Les propos et la conduite de l’intimé, le 3 février 2012, contreviennent à cette disposition du  Code de déontologie des avocats :

 

« 2.00.01.  L'avocat doit agir avec dignité, intégrité, honneur, respect, modération et courtoisie. »

 

[39]        L’article 2.00.01 précité du Code de déontologie des avocats a été adopté en 2004[3] il est contenu dans la section II dudit Code traitant des devoirs généraux des avocats. Cette disposition est maintenant la première règle déontologique du nouveau code de déontologie des avocats entré en vigueur le 1 avril  2015[4].

[40]        En matière de gravité objective, les propos et la conduite inappropriée de l’intimé sont sérieux.

 

 

[41]        Manquer de respect, de dignité et de modération à l’égard de ses confrères ou consœurs dans l’exercice de la profession constitue une faute qui porte ombrage à l’ensemble de la profession.

[42]        Les auteurs Mes Gibeau et Pépin expriment bien dans ce court propos cette réalité :

« Le respect de notre profession commence par nous, entre nous »[5].

[43]        Le Conseil entend maintenant décider de la sanction à être imposée à l’intimé.

[44]        Pour ce faire, il y a lieu de rappeler les principes généraux émanant de la doctrine et la jurisprudence qui instruisent et servent les conseils de discipline dans la détermination des sanctions à imposer aux professionnels ayant contrevenu à leurs obligations déontologiques.

[45]        Dans le Précis de droit professionnel, les auteurs s’expriment ainsi [6] :

« L’objectif de la sanction est d’assurer la protection du public et de satisfaire aux critères d’exemplarité et de dissuasion, tout en considérant le droit du professionnel d’exercer sa profession.

Il est depuis longtemps acquis en jurisprudence disciplinaire que l’objectif de la sanction n’est pas de punir le professionnel, mais de corriger un comportement fautif. En droit disciplinaire, l’attention se porte sur l’individu en fonction du geste qu’il a posé et du type de personne qu’il représente. La nature, la gravité et les conséquences de l’infraction constituent des facteurs essentiels dans la détermination d’une sanction appropriée, tout comme le sont les éléments propres à la personnalité du professionnel. »

[46]        Dans l’évaluation de la sanction la plus appropriée, les conseils de discipline doivent prendre en compte tous les éléments mis en preuve leur permettant de porter un jugement de valeur sur la nature des actes reprochés, leur gravité, de même que l’attitude du professionnel contrevenant.

[47]        La jurisprudence fait état des nombreux facteurs objectifs et subjectifs pertinents, inventoriés au fil des ans, les premiers, traitant de l’infraction comme telle et des faits entourant sa perpétration, alors que les seconds portent sur le comportement du professionnel contrevenant.

[48]        Selon les circonstances, ces facteurs peuvent être qualifiés d’aggravants ou d’atténuants.

[49]        Dans un article intitulé « La sanction en droit disciplinaire : quelques réflexions »,  Me Pierre Bernard s’exprime ainsi [7]

« Au Québec, autant au niveau des auteurs que de la jurisprudence, même si on reprend régulièrement ces termes de facteurs aggravants et atténuants, on peut constater une tendance généralisée, semble-t-il, à privilégier une analyse de tous ces facteurs par le moyen d’un rattachement qui consiste à les mettre en relation soit d’une part avec l’infraction, soit d’autre part en les regroupant par une caractéristique qui est leur relation avec la personnalité du coupable. On parle en ce sens de facteurs objectifs pour ce qui a trait à l’infraction et de facteurs subjectifs pour dire qu’ils concernent le professionnel coupable. Les facteurs objectifs et les facteurs subjectifs peuvent être selon le cas des facteurs aggravants ou des facteurs atténuants. »

[50]        Par ailleurs, le Tribunal des professions rappelait en 1995 dans l’affaire Legendre c. Dentistes (Ordre professionnel des), ce qui suit [8] :

« Lors de l’application d’une sanction, le Comité ou le tribunal doit dans un premier temps apprécier la gravité de l’infraction qui lui est soumise et apprécier par la suite l’ensemble des critères, soit objectifs ou subjectifs qui conduiront au choix de la sanction appropriée. »

[51]        Ce faisant, le Tribunal des professions validait l’approche du Conseil de discipline du Barreau en 1994 dans l’affaire Avocats (Corp. professionnelle des) c. Schneiberg [9] :

« Les facteurs subjectifs doivent être utilisés avec soin. On ne doit pas leur accorder une importance telle qu’ils prévalent sur la gravité objective de l’infraction puisqu’ils portent sur la personnalité de l’intimé alors que la gravité objective porte sur l’exercice de la profession ».

[52]        On retient de ce qui précède que les conseils de discipline doivent d’abord, à l’étape de la détermination de la sanction, se pencher sur la nature de l’infraction ou les facteurs objectifs, et ensuite sur la personnalité du professionnel contrevenant ou les facteurs subjectifs, ces facteurs pouvant être, comme nous l’avons vu précédemment, aggravants ou atténuants, selon le cas.

[53]        Au chapitre des facteurs subjectifs, et notamment de la personnalité, du caractère et de la réputation du professionnel contrevenant, les tribunaux reconnaissent comme pertinente la conduite d’un professionnel postérieurement à la perpétration d’une infraction; l’exercice permet notamment d’évaluer les risques de récidive auprès de ce professionnel.

[54]        L’affaire Drolet-Savoie du Tribunal des professions confirmait ainsi ce qui précède [10] :

« (…)

Or, les tribunaux d’appel reconnaissent comme pertinente la conduite d’une personne postérieurement à l’infraction dans l’évaluation du risque de récidive.

(…) »

[55]        Qu’en est-il dans la présente affaire?

[56]        Les circonstances encourant la perpétration de l’infraction reprochée à l’intimé sont particulièrement singulières.

[57]        Elles ne connaissent pas de précédent dans l’ensemble des décisions rendues à ce jour par le Conseil de discipline du Barreau.

[58]        Elles se distinguent notamment des autorités citées par les parties en ce que ces dernières font état d’infractions commises dans l’exercice de la profession, bien sûr, mais à l’occasion surtout de la préparation et rédaction de divers documents, procédures ou échanges de lettres entre procureurs.

[59]        Ces autorités font aussi état de propos inappropriés tenus à l’égard de la magistrature, de confrères ou consoeurs et leurs clients, souvent en lien avec l’irritation ou la frustration provoquée par la conduite de ces derniers et l’intention vengeresse d’y répliquer.

[60]        Ici, les propos reprochés résultent plutôt de l’intention de faire une blague improvisée aux dépends d’une consoeur en public d’une façon qui s’est avérée être grossière, humiliante et insultante.[11]

[61]        L’intimé n’a pas mesuré, avant de s’exprimer, l’impact de son propos et la preuve a démontré que la demanderesse d’enquête en a beaucoup souffert.

[62]        L’intimé a tout simplement manqué de jugement.

[63]        Le respect, comme nous l’avons exprimé précédemment, est à la base des relations entre confrères et consoeurs.

[64]        Cela est particulièrement vrai en tout temps, mais plus encore dans le cadre de l’exercice de la profession.

[65]        Faire preuve de retenue et de modération a toujours meilleur goût.

[66]        Or, l’intimé semble ignorer qu’il y a une ligne que l’on ne peut franchir.

[67]        À l’occasion de l’enquête et audition sur le mérite de cette plainte disciplinaire, le président a dû intervenir auprès de l’intimé pour le rappeler à l’ordre, alors qu’il prenait plaisir, à l’occasion de son contre-interrogatoire, à imiter l’accent du syndic adjoint plaignant pour qui la langue de Molière n’est pas la langue maternelle.

[68]        Quelques instants auparavant, l’intimé a exprimé qu’il trouvait amusant de plaisanter, à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, à propos d’un nom d’un justiciable qu’il avait appelé « Ali Baba » en public à défaut de pouvoir prononcer son nom correctement.

[69]        Par ailleurs, le syndic adjoint plaignant a fait grand état d’un antécédent disciplinaire de l’intimé.

[70]        Que retenir de cet antécédent disciplinaire?

[71]        Rappelons d’abord que l’intimé a été déclaré coupable, le 19 mars 2015, sous trois chefs d’infraction lui reprochant d’avoir, le 19 décembre 2003, fait une fausse déclaration à un syndic de faillite, le 11 décembre 2008, pour avoir communiqué avec un demandeur d’enquête sans la permission du syndic et enfin, entre le 11 avril 2003 et le 19 janvier 2006, pour avoir fait défaut de fournir à un client des explications nécessaires à la compréhension de ses honoraires (pièce SP-1).

[72]        Le 19 novembre 2015, une décision rectifiée sur culpabilité et sur sanction maintenait la déclaration de culpabilité de l’intimé sous ces trois chefs d’infraction (pièce SP-2).

[73]        Cette autre plainte disciplinaire portait la date du 16 septembre 2013 et avait été signifiée à l’intimé le 20 septembre 2013.

[74]        La présente plainte disciplinaire porte la date du 7 janvier 2013 et a été signifiée à l’intimé le 21 janvier 2013 pour des reproches datant du 3 février 2012.

[75]        L’intimé a été déclaré coupable sous le deuxième chef d’infraction de cette plainte disciplinaire le 2 octobre 2015.

[76]        À la lumière de ce qui précède, les constats suivants s’imposent.

[77]        En janvier 2013, lors du dépôt de la présente plainte disciplinaire, l’autre plainte disciplinaire n’avait pas encore été déposée et forcément aucune décision rendue, même si les reproches formulés dans cette autre plainte disciplinaire étaient antérieurs à ceux reprochés dans la présente plainte disciplinaire.

[78]        On ne peut donc parler ici de la présence d’un antécédent disciplinaire.

[79]        Tout au plus peut-on, comme le souhaite le syndic adjoint plaignant, faire un lien entre la conduite de l’intimé après la perpétration de l’infraction reprochée le 3 février 2012 et les reproches formulés à son encontre dans l’autre plainte disciplinaire portée à son encontre, notamment pour avoir fait une fausse déclaration à un syndic de faillite et pour avoir communiqué avec un demandeur d’enquête sans la permission du syndic.

[80]        À ce chapitre, il y a lieu d’écarter les prétentions du syndic adjoint plaignant qui reproche à l’intimé une omission volontaire en novembre 2012, dans la complétion du formulaire de candidature à une fonction de juge à la Cour du Québec, les explications fournies par l’intimé à l’audience étant tout à fait satisfaisantes et crédibles pour contrer cette prétention.

[81]        Il en va autrement cependant de la conduite de l’intimé quelques semaines après le 3 février 2012, alors qu’il est sous enquête du Bureau du syndic et qu’il intimide Me Jean-Philippe Fortin après lui avoir demandé à quelques reprises quel âge il avait et laissé entendre « qu’il commençait bien mal sa pratique ».

[82]        L’intimé devait savoir qu’il ne pouvait ainsi entrer en contact avec ce témoin, après avoir pris engagement en ce sens auprès du Bureau du syndic.

[83]        Cette conduite s’apparente à celle reprochée dans l’autre plainte disciplinaire, notamment lorsqu’il fut déclaré coupable pour avoir communiqué avec un demandeur d’enquête sans la permission du syndic.

[84]        Il y a lieu de noter cependant que cette autre plainte disciplinaire a été portée en appel le 17 décembre 2015 par le syndic, mais pour d’autres éléments qui n’influent pas sur la culpabilité prononcée à l’encontre de l’intimé antérieurement.

[85]        L’affaire étant toujours pendante, on ne peut parler ici de facteurs aggravants, tout au plus peut-on prendre en compte ces décisions comme faisant partie du « bagage professionnel » de l’intimé pour les seules fins d’évaluer les possibilités de récidive auprès de ce dernier.

[86]        Malgré les bonnes paroles de l’intimé lorsqu’il affirme « avoir beaucoup appris de ces événements » et sa lettre d’excuses transmise à l’attention de la demanderesse d’enquête, sa conduite postérieure à l’infraction reprochée laisse planer un doute réel sur la possibilité de récidive.

[87]        Quant au mérite que s’accorde l’intimé pour avoir complété la formation reliée à l’entrée en vigueur du nouveau Code de déontologie des avocats, il est amoindri par le caractère obligatoire de cette formation.

[88]        C’est pourquoi prenant en compte l’ensemble de ce qui précède, la suggestion d’une amende emporte l’adhésion du Conseil.

[89]        L’amende imposée à l’intimé ne sera ni trop forte, comme le suggère le syndic adjoint plaignant, ni trop légère, comme le suggère le procureur de l’intimé, mais suffisamment sévère pour rencontrer les objectifs d’exemplarité pour la profession.

[90]        Cette amende sera fixée à 2 500 $.

[91]        Elle devrait de plus avoir pour mérite d’empêcher la récidive auprès de l’intimé.

[92]        S’autorisant enfin de la discrétion que lui confère le dispositif de l’article 151 du Code des professions, le Conseil est d’avis que le paiement des débours devra être partagé également entre les parties, le syndic adjoint plaignant ayant échoué dans sa tentative de faire déclarer l’intimé coupable des reproches formulés sous le premier chef d’infraction de cette plainte disciplinaire.

[93]        Le  Conseil accordera à l’intimé un délai de six (6) mois pour le paiement de l’amende et la moitié des débours.

DÉCISION

EN CONSÉQUENCE, LE CONSEIL, UNANIMEMENT :

émet une ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion de la pièce SP-5.

Sous le deuxième chef :

IMPOSE à l’intimé une amende de 2 500 $;

CONDAMNE les parties à payer chacune pour moitié l’ensemble des débours.

ACCORDE à l’intimé un délai de six (6) mois pour le paiement de l’amende et la moitié des débours.

 

 

 

 

__________________________________

Me JEAN PÂQUET, président

 

 

__________________________________

Me DANIEL BRUNET, membre

 

 

__________________________________

Me FRANCE JOSEPH, membre

 

 

Me Stephen Wishart, syndic adjoint, assisté de Me Janou Théorêt.

Plaignant

 

Me Jean-Claude Dubé

Procureur de l’intimé

 

Date d’audience : 8 décembre 2015

 

AUTORITÉS CITÉES

 

Par le syndic adjoint plaignant

 

-        Développements récents en déontologie, droit professionnel et disciplinaire,   Service de la formation continue, Barreau du Québec, Volume 399, 2015, Éditions          Yvon Blais;

-        Marston c. Autorité des marchés financiers, 2009, QCCA 2178;

-         Précis de droit professionnel, Me Jean-Guy Villeneuve, Me Nathalie Dubé, Me   Tina Hobday, Me Delbie Desharnais, Me François LeBel, Me Marie Cossette,    Éditions Yvon Blais, 2007, p. 244;

-        Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Archambault, 2012 QCCDBQ 20 (CanLII), 2     février 2012;

-        Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Karkar, 2015 QCCDBQ 11 (CanLII) (en appel devant le T.P.);

-        Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Montambault, 2012 QCCDBQ 4 (CanLII);

-        Bernard, Pierre, La sanction en droit disciplinaire : quelques réflexions, 2004;

-        Avocats (Ordre professionnel des) c. Goldwater, 2012 QCCDBQ 100;

-        Avocats (Ordre professionnel des) c. Drolet-Savoie, 2014 QCTP 115;

-        Barreau du Québec (syndic) c. Méthot, 2011 QCCDBQ 069;

-        Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Rosenberg, 2015 QCCDBQ 059;

-        Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Roy, 06-98-01281, 26 novembre 1999;

-        Architectes (Ordre professionnel des) c. Ruest, 2012 EXP-2215;

-        Architectes (Ordre professionnel des) c. Ruest, 2011 CanLII 97300 (QC OARQ);

-        Néron c. Médecins (Ordre professionnel des), 2015 QCTP 31;

-        Leduc c. Avocats, 2004 QCTP 038;

-        Dufour c. Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des), 2009 QCTP 54;

 

 

Par l’intimé

 

-        Barreau du Québec (syndique adjointe) c. Goldwater, 2013 QCCDBQ 043;

-        Ouellet c. Médecins (Ordre professionnel des), 2006 QCTP 74;

-        Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Carignan, 2013 QCCDBQ 37;

-        Avocats (Ordre professionnel des) c. Drolet-Savoie, 2014 QCTP 115.

-        Code des professions annoté 3e édition, Éditions Yvon Blais, JUGE GUY           COURNOYER, j.c.s., et juge à la Cour d’appel de la cour martiale, ERICK           VANCHESTEIN, j.c.q., Myriam Corbeil, Magali Cournoyer-Proulx, extrait pages     533 à 556.

 



[1] Kienapple c. La Reine, [1975] 1 RCS 729

 

[2] Kienapple c. La Reine, [1975] 1 RCS 729;

 

[3] D. 351-2004, a.3

[4] D. 129-2015, 2015 G.O. 2, 456; chapitre B-1, r. 3.1, Titre ll (règles déontologiques), chapitre l (devoirs généraux), section l (règles générales), a.4

 

 

[5] Gibeau, Nicole et Pépin, Jocelyne, Développements récents, Volume 250-Développements récents en droit familial 2006. L’éthique au quotidien : comment se faciliter la vie, Barreau du Québec, p. 3 et 4.

[6] Précis de droit professionnel, Me Jean-Guy Villeneuve, Me Nathalie Dubé, Me Tina Hobday, Me Delbie Desharnais, Me François LeBel, Me Marie Cossette, Éditions Yvon Blais, 2007, p. 244.

[7]  Pierre Bernard, « La sanction en droit disciplinaire : quelques réflexions », dans Développements récents en déontologie, droit professionnel et disciplinaire, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2004, p. 87-88.

[8]   Legendre c. Dentistes (Ordre professionnel des) D.D.O.P. 215;

[9]  Avocats (Corp. professionnelle des) c. Schneiberg [1994] D.D.O.P. 34, 54

[10] Avocats c. Drolet-Savoie, 2014 QCTP 115;

[11] Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Laflamme, 2015 CCDBQ 65, para 145, 146, 147, 148, 164 et 165

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