CONSEIL DE DISCIPLINE
CHAMBRE DES NOTAIRES DU QUÉBEC
C A N A D A
PROVINCE DE QUÉBEC
NO : 26-14-01281
DATE : Le 5 novembre 2014
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LE CONSEIL: Me JACQUES LAMOUREUX, avocat Président
Me JEAN-GUY DIAMOND, notaire Membre
Me PIERRE PÉLADEAU, notaire Membre
__________________________________________________________________________
Me DOMINIQUE CLOUTIER, notaire, en sa qualité de syndic adjoint de la Chambre des notaires du Québec, ordre professionnel régi par le Code des professions, dont le siège social est à Montréal, district de Montréal,
Plaignante
c.
Me MARTIN GRÉGOIRE, notaire,
Intimé
__________________________________________________________________________
DÉCISION SUR REQUÊTE POUR L’ÉMISSION D’UNE ORDONNANCE
DE RADIATION PROVISOIRE IMMÉDIATE
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ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION, NON-DIFFUSION ET NON-DIVULGATION DES PIÈCES RP-2 EN LIASSE, RP-3 EN LIASSE, RP-6, RP-8 EN LIASSE, RP-10 EN LIASSE, RP-13, RP-15 EN LIASSE, RP-16, RP-18 EN LIASSE, RP-19, RP-20 EN LIASSE, RP-22
(1) Le Conseil s’est réuni, le 16 octobre 2014, pour entendre une requête pour l’émission d’une ordonnance de radiation provisoire et immédiate contre l’intimé.
(2) Les parties étaient présentes.
(3) Ladite requête est ainsi libellée :
« 1. Le 3 octobre 2014, la requérante a été assermentée sur une plainte disciplinaire, tel qu’il appert de cette décision communiquée comme pièce R-1.
2. Tel qu’il appert de
cette pièce R-1, il est allégué au chef 1 a), b), c), d) et e) d’infraction que
l’intimé a contrevenu aux dispositions des articles 1, 13 et/ou
3. L’article
« […]
2 o Lorsqu’il lui est reproché de s’être approprié sans droit des sommes d’argent et autres valeurs qu’il détient pour le compte d’un client ou d’avoir utilisé des sommes d’argent et autres valeurs à des fins autres que celles pour lesquelles elles lui avaient été remises dans l’exercice de sa profession ;
3o Lorsqu’il lui est reproché d’avoir commis une infraction de nature telle que la protection du public risque d’être compromise s’il continue à exercer sa profession ; »
4 o Lorsqu’il lui est reproché d’avoir contrevenu à l’article 114 ou au deuxième alinéa de l’article 122.»
4. Il est
respectueusement soumis que les actes reprochés à l’intimé à la plainte R-1
sont visés par le paragraphe, 2 de l’article
5. En conséquence, la requérante allègue que l’intimé a commis des infractions de nature telle que la protection du public risque d’être compromise si il continue à exercer sa profession. »
(4) La plainte disciplinaire (R-1) qui est à la base de la requête en radiation provisoire immédiate est la suivante :
« 1. À Saint-Hubert, aux dates ci-après mentionnées, l’intimé, à même les fonds qu'il détenait en fidéicommis a détourné et/ou utilisé à des fins autres que celles indiquées par ses clients, les sommes suivantes qui lui avaient été confiées dans l'exercice de ses fonctions :
|
Numéro de chèque |
Date |
Montant |
Bénéficiaire |
a) |
470 |
6 juin 2014 |
20 000,00 $ |
Martin Grégoire |
b) |
471 |
6 juin 2014 |
23 000,00 $ |
Martin Grégoire |
c) |
477 |
19 juin 2014 |
2 800,00 $ |
Martin Grégoire |
d) |
481 |
27 juin 2014 |
13 800,00 $ |
Martin Grégoire |
e) |
482 |
2 juillet 2014 |
20 000,00 $ |
Martin Grégoire |
Ainsi, l’intimé a contrevenu aux
dispositions des articles
2. À Saint-Hubert, le ou vers le 30 septembre 2014, il a été constaté que l'intimé a fait défaut d’avoir tenu à jour son répertoire depuis 2 août 2014.
Ainsi, l'intimé a contrevenu aux dispositions des
articles
PREUVE DE LA PARTIE PLAIGNANTE
SUR LA REQUÊTE EN RADIATION PROVISOIRE
(5) La procureure de la plaignante a déposé, sous la cote RP-1, le certificat d’inscription de l’intimé au Tableau de l’Ordre.
(6) La plaignante a ensuite témoigné.
(7) Elle a déposé les pièces suivantes, qu’elle a commentées :
RP-2 en liasse :
- photocopie d’une note adressée à Me Diane Gareau par Me Martine Arial en date du 26 septembre 2014 et ses annexes;
RP-3 en liasse :
- photocopie de 3 chèques recto verso émis à l’ordre de Me Martin Grégoire In Trust « retournés »;
RP-4 : photocopie du résultat de recherche au Registraire des entreprises concernant 9202-9404 Québec inc. en date du 29 septembre 2014;
RP-5 : photocopie du résultat de recherche au Registraire des entreprises concernant 6240674 Canada inc. en date du 29 septembre 2014.
RP-6 : photocopie d’une lettre adressée à la Caisse Desjardins St-Hubert par Me Dominique Cloutier en date du 29 septembre 2014;
RP-7 : photocopie d’une note de conversation téléphonique entre Me Martin Grégoire et Brigitte Cloutier en date du 30 septembre 2014;
RP-8 en liasse :
- photocopie des relevés de compte de Me Martin Grégoire en fidéicommis pour les mois de juin et juillet 2014 à la Caisse Desjardins de Saint-Hubert pour les mois de juin à août 2014 accompagnés des chèques recto verso, du relevé d’opérations pour le mois de septembre 2014, des reçus en fidéicommis portant les numéros 396, 399, 401 et 425,et du chèque retourné au montant de 43 000 $;
RP-9 : photocopie d’une autre note de conversation téléphonique entre Me Martin Grégoire et Brigitte Cloutier en date du 30 septembre 2014;
RP-10 en liasse :
- photocopie d’une lettre adressée à la Caisse Desjardins St-Hubert par Me Dominique Cloutier en date du 30 septembre 2014 pour bloquer le compte en fidéicommis de Me Martin Grégoire, notaire, et ses annexes, d’une télécopie adressée à la Banque de Montréal par Me Dominique Cloutier en date du 30 septembre 2014 pour bloquer le compte en fidéicommis de Me Martin Grégoire, notaire, et d’un courriel adressé à Me Martin Grégoire en date du 30 septembre 2014;
RP-11 : photocopie d’échange de courriels entre Me Martin Grégoire et syndic externe, les 30 septembre et 1er octobre 2014;
RP-12 : photocopie d’un autre échange de courriels entre Me Martin Grégoire et syndic externe, les 30 septembre et 1er octobre 2014;
RP-13 : photocopie d’une lettre adressée à Me Martin Grégoire par Me Dominique Cloutier en date du 1er octobre 2014;
RP-14 : photocopie d’un échange de courriels entre Me Martin Grégoire et syndic externe, le 1er octobre 2014;
RP-15 en liasse:
- photocopie d’une lettre adressée à la Banque Scotia par Me Dominique Cloutier en date du 1er octobre 2014 et la réponse de la Banque Scotia en date du 2 octobre 2014;
RP-16 : photocopie d’une lettre adressée à Me Dominique Cloutier par la Banque de Montréal en date du 2 octobre 2014 et ses annexes;
RP-17 : photocopie du résultat de recherche au Registraire des entreprises concernant 9127-8200 Québec inc. en date du 1er octobre 2014;
RP-18 en liasse :
- photocopie de documents transmis par courriel par Me Martin Grégoire en date du 2 octobre 2014;
RP-19 : photocopie d’une lettre adressée à Me Martin Grégoire par Me Dominique Cloutier en date du 2 octobre 2014;
RP-20 en liasse :
- photocopie d’une lettre adressée à la Caisse Desjardins St-Hubert par Me Dominique Cloutier en date du 3 octobre 2014 et la réponse de la Caisse Desjardins St-Hubert en date du 3 octobre 2014;
RP-21 : photocopie d’un courriel de Me Martin Grégoire en date du 8 octobre 2014;
RP-22 : photocopie d’un extrait du répertoire de Me Martin Grégoire du 15 mai 2014 au 26 septembre 2014.
RP-23 : photocopie d’une convention de stage de perfectionnement de Me Martin Grégoire signée le 14 janvier 2014;
RP-24 : photocopie du rapport de tutorat concernant Me Martin Grégoire en date du 29 août 2014.
(8) La plaignante a été saisie du présent dossier suite à une note adressée au bureau du syndic par Me Martine Arial, présidente du Comité d’inspection professionnelle, le 26 septembre 2014 (RP-2 en liasse).
(9) Cette note attirait l’attention sur le relevé du compte en fidéicommis de l’intimé à la Caisse Desjardins de Saint-Hubert pour les mois de juin et juillet 2014.
(10) Ces relevés indiquaient qu’au cours de cette période, trois chèques déposés dans ce compte en fidéicommis avaient été retournés par l’institution financière avec comme conséquence que le compte en fidéicommis de l’intimé était à découvert.
(11) La plaignante a déposé une photocopie des trois chèques (RP-3 en liasse) retournés par l’institution financière en raison de « compte fermé ».
(12) La plaignante a vérifié au Registre des entreprises du Québec les propriétaires des compagnies qui avaient émis les chèques (RP-4 et RP-5).
(13) Le 29 septembre 2014, la plaignante a écrit (RP-6) à la directrice aux opérations de la Caisse Desjardins de Saint-Hubert.
(14) La plaignante cherchait à obtenir des informations et des documents concernant ce compte en fidéicommis de l’intimé.
(15) Le 30 septembre 2014, la plaignante a demandé à Me Yves Morissette, syndic adjoint de la Chambre des notaires, de se rendre à l’étude de l’intimé. La rencontre a effectivement eu lieu.
(16) Lors de cette rencontre, Me Yves Morissette a obtenu de l’intimé plusieurs documents relatifs à ce compte en fidéicommis. Ces documents ont été déposés sous la cote RP-8 en liasse.
(17) Suite à la réception de ces documents, la plaignante a pu valider lesdites informations avec la Caisse Desjardins de Saint-Hubert.
(18) La plaignante a également déposé une copie de ses notes (RP-9) d’une conversation téléphonique avec l’intimé, le 30 septembre 2014.
(19) Lors de cette conversation téléphonique, l’intimé l’a assurée qu’il verserait à son compte en fidéicommis les sommes manquantes, au plus tard dans les deux prochains jours.
(20) À ce moment, la plaignante a demandé à la Caisse Desjardins de Saint-Hubert et à la Banque de Montréal, située à Longueuil, de geler les comptes en fidéicommis de l’intimé (RP-10 en liasse).
(21) Elle a avisé l’intimé de sa décision.
(22) Le 1er octobre 2014, l’intimé a fait parvenir un courriel au syndic externe (RP-11), à 7h17 a.m.
(23) L’intimé écrivait ce qui suit dans ce courriel :
« Me Cloutier m’a demandé le dossier ci-joint. Nous devions faire la vente pour la fin du mois de juillet ou tout début août à la demande des parties. Par la suite, l’acheteur a dû partir travailler l’extérieur. L’acheteur est de retour et serait bientôt prêt à conclure l’achat.
J’ai honte d’avoir agi de la sorte en faisant confiance à la provenance des fonds sans vraiment en vérifier le type de transfert. Croyant que j’avais affaire à une traite bancaire. Je promets sur la tête de mes enfants que JAMAIS il n’entrera un sou dans mon compte qui sera traité sans que j’aille vérifié la qualité du transfert. »
(24) Le 1er octobre 2014, la plaignante demanda à l’intimé sa version des faits (RP-13)
(25) Elle lui demandait de déposer immédiatement la somme de 79 600 $ dans son compte en fidéicommis.
(26) Le même jour, l’intimé informait la plaignante par courriel (RP-14) qu’il avait pris connaissance de sa lettre et qu’il en partageait le contenu.
(27) Toujours le 1er octobre 2014, la plaignante s’adressa à la Banque Scotia (RP-15 en liasse) pour obtenir une photocopie de trois chèques totalisant 42 800 $ tirés du compte en fidéicommis de l’intimé à la Caisse Desjardins de Saint-Hubert.
(28) Elle demandait également le nom du détenteur du compte dans lequel lesdits chèques avaient été déposés.
(29) Elle fut informée que le détenteur du compte dans lequel les chèques avaient été déposés était l’intimé.
(30) Le 2 octobre 2014, la plaignante a reçu de la Banque de Montréal (RP-16) une copie de deux chèques totalisant 36 800 $ tirés du compte en fidéicommis de l’intimé à la Caisse Desjardins de Saint-Hubert.
(31) De plus, elle était informée que lesdits chèques avaient été déposés dans le compte d’une compagnie à numéro.
(32) La plaignante a vérifié au Registre des entreprises du Québec (RP-17) à savoir qui était le détenteur de ladite compagnie.
(33) L’actionnaire majoritaire et le président de cette compagnie était l’intimé lui-même.
(34) Le 2 octobre 2014, l’intimé (RP-18 en liasse) donna suite à la lettre de la plaignante du 1er octobre.
(35) L’intimé disait ne pas avoir reçu l’argent nécessaire pour renflouer son compte en fidéicommis et informait la plaignante qu’il rencontrerait un prêteur privé pour obtenir personnellement l’argent à rembourser.
(36) Le 2 octobre, la plaignante informait l’intimé qu’elle ne pouvait faire débloquer son compte en fidéicommis à la Caisse Desjardins de Saint-Hubert (RP-19).
(37) Le 3 octobre, la Caisse Desjardins de Saint-Hubert informait la plaignante (RP-20 en liasse) que le solde du compte en fidéicommis de l’intimé était de 135 088,59 $ au moment où ledit compte fut bloqué.
(38) Toujours le 3 octobre, la plaignante a déposé une plainte disciplinaire contre l’intimé ainsi que la présente requête en radiation provisoire.
(39) Le 8 octobre, l’intimé avisa la plaignante (RP-21) que les sommes manquantes dans ses comptes en fidéicommis, représentant un total de 79 600 $, seraient déposées le lendemain et demanda l’autorisation d’instrumenter une vente à laquelle il a fait allusion dans son courriel du 1er octobre 2014.
(40) La plaignante a déposé, sous la cote RP-22, une photocopie d’un extrait du répertoire de l’intimé pour la période du 15 mai 2014 au 26 septembre 2014.
(41) Ce document est incomplet, plusieurs actes ne sont pas inscrits au répertoire à compter du 1er août 2014 jusqu’au 26 septembre 2014.
(42) La plaignante a affirmé que l’intimé n’avait aucun antécédent disciplinaire.
(43) Cependant, le comité exécutif lui a imposé un stage de perfectionnement, tel qu’en fait foi la convention de stage de perfectionnement signé par l’intimé, le 14 janvier 2014 (RP-23).
(44) Il s’agissait du deuxième stage de perfectionnement imposé à l’intimé.
(45) Sa pratique devait être supervisée par un tuteur désigné par la Chambre des notaires pour une période de six mois.
(46) Le 29 août, la tuteure désignée a produit son dernier rapport (RP-24).
(47) Ledit rapport comprenait notamment les remarques suivantes :
« Suite à notre rapport précédent, nous avons rencontré Me Grégoire à deux reprises afin de terminer les 6 rencontres prévues à la convention de stage de perfectionnemen.
……………
La dernière visite a donc eu lieu le 11 juillet dernier.
…………..
La comptabilité en fidéicommis
Au cours de nos mandats, nous avons constaté que la comptabilité était bien tenue sur le support informatique. Les conciliations bancaires faites régulièrement. Me Grégoire a par ailleurs réussi une formation portant exclusivement sur la tenue de la comptabilité en fidéicommis. Il n’a cependant jamais trouvé le temps de mettre en place la consignation de ses recettes dans un bordereau de dépôt. Cette lacune lui a d’ailleurs été soulevée par le vérificateur de son compte en fidéicommis et il nous a assuré que tout rentrerait dans l’ordre d’ici la prochaine vérification de son compte en fidéicommis.
…………..
Constats et conclusion
Nous avons constaté que Me Grégoire éprouve de la difficulté à maintenir ses efforts dans le temps. (cf. rencontre du 30 mai 2014). Est-ce dû aux cours de maîtrise en fiscalité? Un manque de motivation? La pratique solo, sans collaboratrice, demande une certaine discipline.
Dans les mois à venir, Me Grégoire devra écrire un essai de fin d’études afin de compléter sa maîtrise en fiscalité. Saura-t-il maintenir ses efforts et continuer de mettre en pratique les méthodes et les conseils prodigués pendant le tutorat. Nous l’espérons.
En conséquence, nous sommes d’avis que Me Martin Grégoire :
- a atteint le niveau de maîtrise requis pour chacune des habilités relevant des champs de compétences mentionnés à la grille Notaire : les compétences requises utilisées dans le cadre du stage de formation préadmission;
- possède la compétence requise pour l’exercice de la profession;
- a accompli avec succès le stage de perfectionnement lui ayant été imposé par résolution du comité exécutif en date du 18 septembre 2013;
SOUS RÉSERVE TOUTEFOIS que Me Grégoire fasse l’objet d’un suivi de la part de la Direction de l’inspection professionnelle.
Nous sommes à votre disposition pour discuter du présent rapport. »
(48) La plaignante a souligné que les événements qui ont mené au dépôt de la plainte et de la présente requête se sont déroulés vers la fin du stage de perfectionnement de l’intimé.
PREUVE DE LA PARTIE INTIMÉE
SUR LA REQUÊTE EN RADIATION PROVISOIRE
(49) L’intimé a témoigné et a tenté d’expliquer ce qui était survenu.
(50) Il a raconté qu’une certaine Joanne Leclerc cherchait des investisseurs pour des projets immobiliers.
(51) Selon lui, certains investisseurs auraient demandé à Mme Leclerc de leur remettre les sommes investies en argent comptant.
(52) Mme Leclerc par le biais d’un intermédiaire aurait émis des chèques à l’intimé qui ont été refusés pour fonds insuffisants.
(53) L’intimé a déposé ou s’est fait déposé les chèques dans son compte en fidéicommis et a aussitôt transféré ces fonds par chèques dans son compte personnel et dans le compte de sa compagnie.
(54) Par la suite, l’intimé aurait sorti de son compte d’importantes sommes qu’il aurait remises à un certain M. Célestin, en argent comptant.
(55) Durant ce temps, les chèques déposés dans son compte en fidéicommis avaient été refusés.
(56) L’intimé a déclaré qu’il agissait comme conseiller juridique dans ces dossiers et non comme investisseur.
(57) À l’occasion, il pouvait faire des recherches de titre.
(58) Il ressort de son témoignage qu’il percevait 9% des sommes qui transitaient dans son compte en fidéicommis.
(59) Il a raconté toutes les démarches qu’il a faites pour obtenir l’argent et rembourser le compte en fidéicommis.
(60) Toutes ses démarches ont été vaines et il est en attente d’une nouvelle marge de crédit qu’il pourrait utiliser pour combler son compte en fidéicommis.
(61) En contre-interrogatoire, il a reconnu qu’il n’a jamais rencontré Joanne Leclerc mais qu’il a participé à une conversation téléphonique avec elle.
(62) Il a confirmé qu’il a remis l’argent transféré dans ses comptes à M. Célestin et une grande partie de cet argent remis, l’était en comptant.
(63) À un certain moment, il avait une somme de 20 000 $ dans son compte personnel mais il n’a pas déposé cette somme dans son compte en fidéicommis.
(64) Il a reconnu qu’à ce jour la somme de 79 600 $ est due et qu’il entend la remettre bientôt.
REPRÉSENTATIONS SUR LA REQUÊTE
(65) La procureure de la plaignante a soumis trois décisions[1] en semblable matière, qu’elle a commentées.
(66) L’article
« 130. La plainte peut requérir la radiation provisoire immédiate de l’intimé ou la limitation provisoire immédiate de son droit d’exercer des activités professionnelles :
1o lorsqu’il lui est reproché d’avoir posé un acte dérogatoire visé à l’article 59.1;
2o lorsqu’il lui est reproché de s’être approprié sans droit des sommes d’argent et autres valeurs qu’il détient pour le compte d’un client ou d’avoir utilisé des sommes d’argent et autres valeurs à des fins autres que celles pour lesquelles elles lui avaient été remises dans l’exercice de sa profession;
3o lorsqu’il lui est reproché d’avoir commis une infraction de nature telle que la protection du public risque d’être compromise s’il continue à exercer sa profession.
4o lorsqu’il lui est reproché d’avoir contrevenu à l’article 114 ou au deuxième alinéa de l’article 122. »
(67) Or, selon la procureure de la plaignante, la preuve documentaire et testimoniale a révélé qu’une somme de 79 600 $ n’a toujours pas été remboursée par l’intimé et ce, depuis plus de trois mois.
(68) Elle a fait remarquer que les chèques ont été déposés dans le compte en fidéicommis de l’intimé par des étrangers.
(69) Fait particulier, ces chèques ont été déposés au comptoir d’autres banques que celles où l’intimé avait ses comptes.
(70) L’intimé s’est ensuite empressé de sortir les sommes déposées avant d’avoir la confirmation que les fonds nécessaires étaient disponibles pour que lesdits chèques reçus soient honorés.
(71) L’intimé a retiré des sommes de ses comptes et remis cet argent à un certain M. Célestin, en argent comptant.
(72) Selon la procureure, l’intimé n’a pas fait la preuve qu’il faisait du travail dans ces dossiers qui le justifiait d’utiliser son compte en fidéicommis et de percevoir des honoraires.
(73) Il a utilisé son compte en fidéicommis de façon complaisante.
(74) La protection du public est compromise par les agissements de l’intimé.
(75) Elle a rappelé que l’intimé est dans l’impossibilité de finaliser une vente parce que les fonds nécessaires ne sont plus dans son compte en fidéicommis.
(76) Elle a mentionné que le témoignage de l’intimé n’est guère sécurisant et que la façon la plus sure de rassurer la plaignante aurait été le remboursement de la somme de 79 600 $.
(77) À ce moment-ci, l’intimé a détourné des fonds.
(78) Selon la procureure, la preuve prima facie ainsi que les aveux de l’intimé, contenus à la pièce RP-14 dans laquelle l’intimé reconnaît qu’il doit rembourser, démontrent que la présente requête doit être accordée.
(79) L’intimé a déclaré qu’il n’a pas pris l’argent pour le détourner car il avait l’autorisation de retirer cet argent.
(80) Il reconnaît avoir retiré l’argent trop rapidement, il le regrette et assure que cela ne se reproduira plus.
(81) Il a affirmé qu’il n’était pas un fraudeur. Il n’avait aucune intention malicieuse.
(82) Il a simplement été naïf.
(83) Il a mentionné que, s’il était radié, il ne pourrait plus rencontrer ses obligations et encore moins remettre la somme de 79 600 $ qu’il doit.
DÉCISION
(84) Tel que le Conseil de discipline le mentionne dans l’affaire St-Pierre[2], pour émettre une ordonnance de radiation provisoire et immédiate, le Conseil doit prendre en considération les quatre critères suivants :
« [24] La jurisprudence a, au cours des dernières années, établi quatre (4) critères que le Conseil doit prendre en considération lorsqu’il est appelé à se prononcer sur une requête en radiation provisoire immédiate;
[25] Ces quatre (4) critères sont :
1. La plainte doit faire état de reproches graves et sérieux;
2. Ces reproches doivent porter atteinte à la raison d’être de la profession;
3. La protection du public risque d’être compromise;
4. La preuve prima facie démontre que le professionnel a commis les gestes reprochés; »
(85) Dans le présent dossier, il ne fait aucun doute que les reproches faits à l’intimé sont graves et sérieux.
(86) L’intimé a émis des chèques de son compte en fidéicommis pour une somme totalisant 79 600 $ qu’il a ensuite déposée dans son compte personnel et dans le compte de sa compagnie et ce, sans respecter les règles de compensation.
(87) Il a ensuite remis une grande partie de ces sommes en argent comptant à M. Célestin et a gardé le solde pour lui.
(88) Or, dans les faits, l’argent qu’il a partagé avec M. Célestin appartenait à ses clients et aurait dû demeurer dans son compte en fidéicommis.
(89) D’autre part, ces reproches portent atteinte à la raison d’être de la profession notariale.
(90) Encore plus que la preuve accablante de la partie plaignante, le témoignage de l’intimé est un facteur aggravant et très inquiétant.
(91) Son témoignage est nébuleux et confus.
(92) Il implique plusieurs personnes dans le présent dossier mais ne les connaît pratiquement pas.
(93) Il est incapable de définir le travail notarial qu’il a fait dans ces dossiers et pour lequel il a été payé et utilisé son compte en fidéicommis.
(94) L’intimé a prétendu qu’on a abusé de sa naïveté.
(95) Le Conseil croit plutôt qu’il a utilisé sciemment son compte en fidéicommis pour permettre à certaines personnes de commettre des actes illégaux.
(96) Un notaire ne peut être naïf au point de déposer de l’argent dans son compte en fidéicommis, le transférer dans son compte personnel et remettre cet argent en comptant à ceux qui le lui ont remis.
(97) Ladite opération sert à cacher quelque chose.
(98) Dans l’affaire Shatner[3], le Conseil s’exprime ainsi :
« [82] Il ne fait aucun doute que les gestes reprochés dans la présente plainte sont au cœur même de l’exercice de la profession d’avocat.
[83] Il est de jurisprudence constante que toute plainte disciplinaire reliée à l’utilisation irrégulière d’un compte en fidéicommis est non seulement grave et sérieuse mais porte aussi atteinte à la raison d’être de la profession d’avocat. »
(99) Cet extrait de l’affaire Shatner s’applique mutatis mutandis en ce qui concerne la pratique notariale.
(100) La protection du public risque-t-elle d’être compromise?
(101) Le Conseil n’hésite nullement à répondre « oui ».
(102) Les explications de l’intimé sur la présente affaire confirment que ce dernier a une pratique dangereuse pour le public.
(103) Il a surtout insisté sur les efforts qu’il a faits pour rembourser la somme de 79 600 $.
(104) Certes, il doit s’en préoccuper.
(105) Cependant, la légèreté avec laquelle il a accepté de faire ce que lui demandaient des inconnus, soit d’utiliser son compte en fidéicommis de façon complaisante, a convaincu le Conseil que la protection du public risque d’être compromise si l’intimé continue à pratiquer.
(106) Est-il utile de rappeler que le comité exécutif de la Chambre lui a déjà imposé deux stages de perfectionnement et que les événements reprochés sont survenus à la fin de son deuxième stage?
(107) Finalement, la preuve prima facie et les aveux de l’intimé démontrent que ce dernier a commis les actes reprochés.
(108) La preuve testimoniale et documentaire convainc le Conseil de la nécessité d’accueillir la présente requête.
(109) Le témoignage de l’intimé et ses explications n’ont fait que renforcer cette décision.
POUR CES MOTIFS, LE CONSEIL :
ORDONNE la non-publication, non-diffusion et non-divulgation des pièces RP-2 en liasse, RP-3 en liasse, RP-6, RP-8 en liasse, RP-10 en liasse, RP-13, RP-15 en liasse, RP-16, RP-18 en liasse, RP-19, RP-20 en liasse, RP-22;
ACCUEILLE la requête en radiation provisoire immédiate de l’intimé;
ORDONNE la radiation provisoire immédiate de l’intimé;
ORDONNE à la secrétaire du Conseil de discipline de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans la localité où l’intimé a son domicile professionnel.
Le CoNSEIL de discipline :
______________________________________
Me JACQUES LAMOUREUX, Président
_______________________________________
Me JEAN-GUY DIAMOND, notaire, Membre
________________________________________
Me PIERRE PÉLADEAU, notaire, Membre
Procureure de la plaignante
Me Julie Charbonneau
CHARBONNEAU GAUVIN
Date d’audience : le 16 octobre 2014
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.