LA COMMISSION D'APPEL EN MATIERE DE LESIONS PROFESSIONNELLES QUEBEC MONTREAL, le 18 juillet 1990 DISTRICT D'APPEL DEVANT LA COMMISSAIRE: Françoise Garneau Fournier DE MONTREAL REGION: MONTREAL ASSISTEE DE L'ASSESSEUR: Pierre Taillon, médecin DOSSIER: 08553-60-8807 DOSSIER BR: R60072149 DOSSIER CSST: 6934 642 AUDIENCE TENUE LE: 16 mai 1990 A: Montréal ANTONIO ARDAGNA 6195, rue Villanelle Saint-Léonard, (Québec) H1S 1W2 PARTIE APPELANTE et LUSSIER CENTRE DE CAMION LTEE a/s Mme Johanne Masson 1341, rue Principale Sainte-Julie, (Québec) J0L 2C0 PARTIE INTERESSEE D E C I S I O N Le 11 juillet 1988, monsieur Antonio Ardagna, (le travailleur) dépose à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) une déclaration d'appel, à l'encontre d'une décision rendue le 2 juin 1988, par le bureau de révision de l'Ile-de-Montréal.Cette décision unanime confirme la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) le 16 mars 1987, qui refuse la réclamation du travailleur aux motifs que l'arrêt de travail du 21 octobre 1986, ne constitue pas une rechute, récidive ou aggravation en relation avec l'accident de travail initial survenu le 23 mai 1979.
OBJET DE L'APPEL Le travailleur demande à la Commission d'appel d'infirmer la décision du bureau de révision et de déclarer qu'il a été victime, le 21 octobre 1986, d'une rechute, récidive ou aggravation d'une lésion professionnelle au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles1.
LES FAITS Le travailleur est au service de l'employeur depuis une dizaine d'années à titre de mécanicien. Le 23 mai 1979, il subit un accident de travail alors que le capot d'un camion dont il essayait de faire démarrer le moteur, tombe sur son épaule gauche et son dos.
Après quelques jours de repos, le travailleur consulte le docteur Bouillon en date du 28 mai 1979, qui suite aux allégations de douleurs par le travailleur à l'hémithorax droite fait subir une radiographie pulmonaire à cette même date, qui s'avère normale.
Aucune réclamation n'est adressée à la Commission. Le travailleur reprend ses fonctions à cette même date, soit le 28 mai 1979.
La prochaine consultation médicale est effectuée le 8 février 1982, où le travailleur rencontre le docteur Bissonnette. Un extrait du dossier médical du travailleur fait état d'un problème de fatigue alors en cause. Puis le 24 février 1982, une nouvelle consultation a lieu et le dossier médical indique qu'il s'agissait alors de malaises au genou droit.
Le 15 août 1983, le travailleur consulte le docteur Charles David pour des douleurs au genou droit.
Puis, le 8 mars 1984, le travailleur consulte pour des malaises dans le dos et dans les deux genoux. Il subit alors une radiographie de la colonne lombo-sacrée et des deux genoux en date du 9 mars 1984. Le docteur Jacques Beaulieu, radiologiste, produit un rapport à cette même date dans lequel il constate ce qui suit: «Colonne lombo-sacrée: Très légère courbure lombaire droite peut-être antalgique, sans pincement ou glissement lombaire ni arthrose. Petit spina bifida occulta au niveau de S1 et sacro-iliaques intactes.
Deux genoux: Absence de séquelle traumatique, arthrite chronique ou épanchement articulaire.» En mars 1986, un extrait du dossier médical du travailleur nous révèle qu'il consulte à nouveau pour des douleurs au dos et aux genoux. Devant l'absence d'amélioration, il est référé au rhumatologue le docteur M' Seffar en avril 1986. Au cours des mois d'août et septembre 1986, ce dernier procèdera à des infiltrations de cortisone. Puis, le 16 octobre 1986, une première attestation médicale du docteur M' Seffar est émise dans laquelle le diagnostic suivant est posé: «Lombalgies chroniques récidivantes, type mécanique augmenté par l'activité physique -réduire travail à 1 L.R.Q., chapitre A-3.001 trois journées par semaine.» Le 24 octobre 1986, une lettre adressée par l'employeur à la Commission confirme l'entente prise avec le travailleur concernant le travail à temps partiel du travailleur à raison de trois jours semaines.
Puis, le 6 novembre 1986, le travailleur complète une réclamation auprès de la Commission dans laquelle il indique que son état s'est aggravé et ce, en relation avec l'accident du 23 mai 1979, et qu'il est incapable de travailler depuis le 21 octobre 1986.
Le 10 décembre 1986, la Commission adresse une demande d'évaluation médicale sommaire auprès du docteur M' Seffar dans laquelle la question suivante lui est posée: «Est-ce que sa lombalgie chronique est en relation avec son accident de travail de 1979? Si oui, veuillez expliquer comment.» Le 20 janvier 1987, le docteur M' Seffar répond dans les termes suivants: «Il m'est impossible de répondre de façon définitive à cette question: bien que les douleurs dorsales pourraient être imputées à un traumatisme antérieur, je n'ai pas au dossier ni les circonstances exactes ni l'investigation qui a été faite par la suite ni de lésion pouvant me permettre de me prononcer à ce sujet.
Ce monsieur a été évalué en rhumatologie pour la dernière fois le 2 décembre 1986. Je lui ai suggéré de la physiothérapie et son congé lui a été donné en rhumatologie.» Le 27 janvier 1987, la Commission informe le travailleur qu'elle n'a pas reçu le rapport du médecin qui en a charge et qu'à défaut de le recevoir dans les 10 jours, elle lui désignera un médecin.
Le 11 décembre 1986 et le 10 février 1987, des rapports médicaux du docteur Magovac-Svarc, physiatre seront émis et dans lesquels il indique que le travailleur sera dirigé en physiothérapie.
Le 11 février 1987, le travailleur complète une nouvelle réclamation auprès de la Commission alléguant une rechute.
Devant l'insatisfaction de la Commission quant à la réponse du docteur M' Seffar à la question qui lui était posée, celle-ci convoque le travailleur devant le docteur Jacques Murray, à titre de médecin désigné. Après avoir examiné le travailleur en date du 13 février 1987, le docteur Murray complète un rapport en date du 17 février 1987, dans lequel il pose le diagnostic final de lombalgie et indique qu'à son avis la relation entre l'accident du 23 mai 1979 et la lombalgie actuelle du travailleur n'est pas acceptable car il s'agit d'une condition personnelle à ce dernier.
Le 16 mars 1987, la Commission informe le travailleur que, faisant suite à l'évaluation du docteur Murray, sa réclamation pour la rechute du 21 octobre 1986, n'est pas acceptée. De plus, elle ajoute qu'il est possible pour le travailleur de demander qu'un arbitrage médical soit effectué.
Le 19 mars 1987, le docteur Magovac-Svarc produit un rapport final dans lequel il précise que la rechute de l'entorse dorso- lombaire est guérie et indique comme date de consolidation le 23 mars 1987. De plus, il ajoute qu'il n'y a aucune atteinte permanente à l'intégrité physique du travailleur ni aucune limitation fonctionnelle.
Le 25 avril 1987, le travailleur consulte le docteur Lalonde, qui produit un rapport médical faisant état d'un diagnostic de séquelles d'entorse dorso-lombaire et indique que le travailleur est inapte au travail. Il le réfère en physiothérapie et il demande de nouvelles radiographies. Le travailleur ne recevra que quatre traitements de physiothérapie du 1er mai au 8 mai 1987.
Le 21 mai 1987, des radiographies de la colonne lombaire du travailleur sont effectuées et le docteur Daniel Tremblay, radiologiste, constate ce qui suit: «L'alignement des corps vertébraux est satisfaisant.
Les espaces inter-vertébraux sont bien maintenus. Les corps vertébraux sont un peu moins haut qu'habituellement mais de morphologie cependant normale.
Les clichés en oblique ne montrent pas d'ar-throse apophysaire franche. Les articulations sacro-iliaques paraissent perméables.» Puis le travailleur est examiné par le docteur François Dubuc, le 30 juin 1987, qui émet un rapport médical faisant état de la possibilité d'une chémonucléolyse. Celle-ci sera effectivement pratiquée le 4 août 1987. Le compte-rendu opératoire consigné par le docteur Dubuc à cette même date mentionne que la discographie est normale en L4 - L5 mais que le disque en L5 - S1 est dégénéré. Le rapport médical qu'il complète indique un diagnostic de hernie L5 -S1 et confirme la chémonucléolyse au niveau de L5 -S1.
De nouvelles radiographies de la colonne lombaire du travailleur sont prises le 13 octobre 1987 et le docteur Tremblay note ce qui suit: «L'alignement des corps vertébraux est satisfaisant.
Les plateaux vertébraux, de part et d'autre, de L4-L5 et de L5-S1 paraissent nets.
Les espaces sont d'épaisseur adéquate mais L5-S1 a peut-être légèrement diminué de hauteur depuis l'examen antérieur du 21 mai dernier.» Le travailleur est par la suite revu périodiquement par le docteur Dubuc et, après une visite en date du 7 mars 1988, ce dernier produit une expertise médicale datée du 11 mars 1988, dans laquelle il précise ce qui suit: «Plaintes: Le patient a repris son travail de mécanicien maintenant mais ne peut pas faire une journée complète et doit faire deux jours où il est plus tranquille et trois jours où il fait des activités un peu plus importantes, comme mécanicien de diésel.
Les symptômes remontent à 1979 alors qu'il a reçu une cabine de camion sur le dos. Il a pu continuer son travail difficilement et surtout depuis 1982, s'est plaint régulièrement de lombalgie avec sciatalgie, aggravation graduelle, et finalement arrêt de travail en 1986. La chémonucléolyse a aidé la sciatalgie, lui a permis maintenant de reprendre ses activités mais avec des symptômes persistants.» De plus, il conclut que le problème du travailleur est un résiduel évident en rapport avec le traumatisme causé lors de l'accident de 1979.
Faisant suite à l'audition du présent dossier devant le bureau de révision, l'employeur dépose une expertise préparée par le docteur Jacques Provost, neurochirurgien en date du 21 avril 1988. Après étude du dossier du travailleur, celui-ci est d'avis que les faits ne peuvent supporter une relation entre l'accident de 1979 et l'arrêt de travail de 1986. En effet, il estime que s'il y avait eu traumatisme important en 1979, la radiographie de la colonne lombo-sacrée du travailleur en 1984, aurait démontré une atteinte sévère au niveau de cette colonne, or celle-ci est négative. De plus, il souligne que les consultations pour lombalgie n'ont débuté qu'en 1984, soit plus de cinq ans après l'événement en question. Enfin, il note que le travailleur présente une anomalie congénitale sous forme de spina bifida occulta à S1.
Le 22 août 1988, le travailleur est examiné par le docteur Gilles R. Tremblay, pour fins d'une expertise médicale. Celui-ci produit un rapport à cette dernière date dans lequel il émet l'opinion qu'en l'absence de lésion radiologique pré-existante et devant un suivi médical continu depuis 1979, le travailleur souffre d'une lésion induite par son accident de travail de 1979.
Il ajoute que la condition du travailleur s'est améliorée partiellement par une chémonucléolyse mais elle rend encore le patient hypo-fonctionnel comparé à ce qu'il était auparavant.
Le 3 octobre 1988, une nouvelle radiographie de la colonne lombo- sacrée du travailleur est effectuée et le docteur Jacques Lesage, radiologiste, note qu'à part de la présence d'un petit spina bifida occulta de S1, il n'y a aucune anomalie spécifique décelable.
Au cours de l'année 1989, le travailleur subira plusieurs examens radiologiques: Un Scan lombaire le 27 juin 1989, une discographie lombaire le 5 octobre et un myélographie le 19 octobre 1989.
Le travailleur est référé au cours de cette même année au docteur Serge Ferron, chirurgien-orthopédiste. Celui-ci en date du 2 octobre 1989, rédige un rapport dans lequel il émet l'opinion que celui-ci souffre d'un failed back syndrome post Chémopapaïne et présente possiblement une dégénérescence L4 - L5 et L5 - S1.
Suite à d'autres examens radiologiques, celui-ci sera finalement hospitalisé le 29 janvier 1990 et subira le 30 janvier 1990, une intervention chirurgicale, soit une fusion antérieure L4 - L5, L5 - S1 par greffe, pratiquée par le docteur Serge Ferron.
Lors de l'audience devant la Commission d'appel, le travailleur est venu relater l'accident du 23 mai 1979. Ainsi, il précise que le capot du camion lui était tombé sur l'épaule gauche et le dos. Il explique qu'il avait ressenti des douleurs au dos et qu'il avait de la misère à respirer. Il est par la suite rentré chez lui. Après quelques jours de repos, il a effectivement repris le travail le 28 mai 1979, date où il a aussi subi des radiographies pulmonaires et rencontré un chiropraticien de l'employeur. De 1979 à 1982, il témoigne qu'il n'a jamais fait de consultation médicale.
En 1982, il précise qu'il a alors décidé de consulter le docteur Bissonnette parce qu'il était fatigué et qu'il devait marcher beaucoup. De plus, il ajoute qu'il avait mal au dos et qu'il trouvait que le problème s'intensifiait. Toutefois, il précise qu'il ne se souvient pas s'il avait alors fait part de l'accident de 1979. Quant à la consultation du 24 février 1982, elle concernait son problème aux genoux. Puis de 1982 à 1984, il ne fait aucune autre consultation sauf celle auprès du docteur David dont il ne se souvient plus la raison. En 1984, suite à la radiographie de sa colonne, il précise avoir reçu alors des médicaments mais n'avoir entrepris aucune autre forme de traitement. Puis en 1986, il revoit le docteur Bissonnette, qui le réfère au docteur M' Seffar. Après avoir reçu trois infiltrations de cortisone au mois de septembre 1986, il convient avec son employeur de travailler que sur une base de trois jours par semaine et ce, sur recommandation du docteur M' Seffar.
Quant à sa réclamation du mois d'octobre 1986, il précise que durant les journées précédentes, il se sentait de plus en plus incapable de continuer son travail et avait des douleurs dans le dos et dans les jambes.
Lors de cette même audience devant la Commission d'appel, madame Nicole Lussier, représentante de l'employeur, est venue confirmer les dates des absences et des présences du travailleur de 1986 à aujourd'hui.
Finalement, le travailleur a également déposé une liste exhaustive qu'il a préparée faisant état des journées d'absence qu'il a subies depuis 1986, la liste des médecins et autres spécialistes qu'il a consultés, les dates de consultation et les traitements qu'il a alors reçus et la liste de tous les médicaments prescrits par ces derniers.
ARGUMENTATION DES PARTIES Le travailleur soumet essentiellement qu'il a été victime d'un accident de travail en 1979, où il a été alors soumis à un traumatisme important qui sont à l'origine de ses problèmes lombaires. Celui-ci estime que la preuve révèle que les premières consultations médicales reliées à ce problème lombaire remonte à 1984, même si ce n'est qu'en 1988 qu'un véritable diagnostic de hernie discale est posé et pour lequel le travailleur subit une chémonucléolyse. Finalement, ce n'est qu'en 1989, que le problème de discopathie dégénérative chez le travailleur est découvert. Or, selon le travailleur, cette maladie dégénérative connaît plusieurs étapes et au cours de laquelle des périodes prolongées sont asymptomatiques. Par conséquent, ce phénomène explique l'absence de consultation du travailleur pendant plusieurs années. Quant à l'origine de cette maladie dégénérative, le travailleur est d'avis qu'elle fait suite au traumatisme dont il a été victime en 1979, et réfère aux expertises du docteur Tremblay et du docteur Dubuc qui vont dans ce sens.
Par ailleurs, le travailleur soulève l'irrégularité de la décision rendue par la Commission le 16 mars 1987, étant donné qu'elle fait suite à l'expertise du docteur Murray à titre de médecin désigné. Le travailleur prétend que la Commission ne pouvait se justifier par cette expertise et qu'elle doit être écartée. De plus, il ajoute que la réponse qu'avait apportée le docteur M' Seffar en date du 20 janvier 1987, ne constituait pas un refus de répondre.
Pour sa part, l'employeur rétorque que le travailleur a failli à sa preuve de démontrer qu'il y avait relation entre l'accident de 1979 et l'arrêt de travail de 1986. En effet, le docteur M' Seffar n'était pas en mesure de répondre à ces questions en 1987.
De plus, s'il y avait eu déplacement de disques suite à cet accident, ceci aurait été constaté peu de temps après. De plus, l'employeur souligne l'absence de traitement entre 1979 et 1986, et précise que la preuve révèle qu'une première consultation concernant le problème lombaire du travailleur remonte à 1984. A ce sujet, l'employeur précise que lors de l'examen du travailleur par le docteur Murray en 1987, celui-ci s'était avéré normal.
Quant à l'expertise du docteur Tremblay, l'employeur souligne que celle-ci fait état d'éléments importants tant dans la description de l'accident de travail que des problèmes subséquents éprouvés par le travailleur qui proviennent de l'opinion même du docteur Tremblay et non des propos du travailleur. Enfin, il réfère à l'expertise du docteur Provost qui souligne que des signes seraient apparus c'est-à-dire des pincements ou de l'arthrose bien avant. En dernier lieu, l'employeur mentionne que le dossier médical du travailleur postérieur à 1986, notamment les dernières interventions chirurgicales en 1990, n'établissent aucunement de relation entre 1979 et la rechute de 1986, et que les problèmes actuels du travailleur sont d'ordre personnel ou peuvent être reliés à des conséquences non souhaitables suite à une intervention chirurgicale.
MOTIFS DE LA DECISION Dans la présente instance, la Commission d'appel doit décider si le travailleur a été victime d'une lésion professionelle le 16 octobre 1986.
Dans un premier temps, et suite à l'argumentation soulevée par le travailleur, la Commission d'appel doit décider de la régularité de la décision rendue par la Commission le 16 mars 1987.
En effet, afin de rendre sa décision, la Commission avait désigné le docteur Jacques Murray, en vertu de l'article 204, pour examiner le travailleur et ce, eu égard au fait qu'elle avait considéré qu'il avait eu absence de réponse par le docteur M' Seffar quant à la relation entre la rechute du 21 octobre 1986, et l'accident du 23 mai 1979.
Or, l'article 204 édicte ce qui suit: 204. Lorsque le médecin qui a charge d'un travailleur refuse ou néglige de fournir à la Commission, dans le délai prescrit, un rapport qu'il doit fournir, celle-ci en informe sans délai le travailleur et l'avise qu'elle le réfèrera à un médecin désigné par elle si, dans les 10 jours de cet avis, elle n'a pas reçu le rapport du médecin en défaut ou les nom et adresse d'un autre médecin choisi par le travailleur et qui en prend charge.
La Commission d'appel souligne que cet article vise à permettre à la Commission d'interroger le médecin qui a charge d'un travailleur quant aux divers éléments prévus à l'article 212 de la loi et que l'établissement de la relation entre l'état du travailleur et l'accident du travail n'est pas un sujet visé à cet article 212.
Cependant, puisque la Commission exerce sa compétence pour décider d'une réclamation et doit, pour ce faire, établir le lien de causalité entre l'accident de travail et la condition du travailleur, celle-ci peut requérir l'avis d'experts médicaux afin de rendre une telle décision2.
Par conséquent, la Commission d'appel estime que malgré le fait que la procédure utilisée par la Commission en vue d'obtenir l'expertise du docteur Murray était mal fondée, elle ne rend pas pour autant irrégulière la décision prise, par la suite, par la Commission. Cette décision fait voir que la Commission a exercé sa discrétion.
Ainsi la Commission, bien que n'étant pas liée par l'opinion du docteur Murray, pouvait s'en inspirer pour rendre la décision du 16 mars 1987. De plus, la Commission d'appel souligne que la Commission a par la suite acheminé correctement la demande de révision faite par le travailleur à l'encontre de sa décision du 16 mars 1987, devant le bureau de révision.
Par surcroît, la Commission d'appel ajoute que même si elle déclarait illégale la décision de la Commission du 16 mars 1987, les pouvoirs du bureau de révision et de la Commission d'appel sont ceux d'une instance d'appel et à ce titre, ils peuvent remplacer ou rendre la décision au fond et non seulement contrôler la légalité de la décision de la Commission. A cet égard, et en ce qui concerne la Commission d'appel, l'article 400 de la loi édicte ce qui suit: 400. La Commission d'appel peut confirmer la décision, l'ordre ou l'ordonnance porté devant elle; elle peut aussi l'infirmer et doit alors rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, selon elle, aurait dû être rendu en premier lieu.
Dans un deuxième temps, la Commission d'appel doit examiner la preuve au dossier afin de s'enquérir de la prépondérance de celle-ci quant à l'existence d'une rechute en octobre 1986, en relation avec l'accident de travail initial du 23 mai 1979.
Pour ce faire, la Commission d'appel doit se référer à la définition de la notion de lésion professionnelle qui se retrouve à l'article 2 de la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles: «lésion professionnelle»: une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation; De plus, la Commission d'appel souligne que, dans le présent dossier, sa compétence est circonscrite à l'article 555 de cette même loi dans les termes suivants: 555. Une personne qui, avant la date de l'entrée en vigueur du chapitre III, a été victime d'un accident du travail ou a produit une réclamation pour une maladie professionnelle en vertu de la Loi sur les accidents du travail (chapitre A-3) et qui subit une récidive, une rechute ou une aggravation à compter de cette date devient assujettie à la présente loi.
Cependant, cette personne n'a pas droit à une indemnité de remplacement du revenu si, lors de la récidive, de la rechute ou de l'aggravation, elle n'occupe aucun emploi et elle: 1 est âgée d'au moins 65 ans; ou 2 reçoit une rente pour incapacité totale permanente, en vertu de la Loi sur les accidents du travail, quel que soit son âge.
La Commission d'appel précise, comme elle l'a d'ailleurs déjà signalé que: «de l'avis de la Commission d'appel, il n'est par ailleurs pas nécessaire que la récidive, rechute ou aggravation 2 Communauté Urbaine de Montréal et Gérard Blouin, 1987 CALP 71; et Camille Fortin et Ministère de la Justice dossier numéro 01904-05-8701, le 27 février 1989 devant la Commis saire Suzan Blais.
résulte d'un nouveau fait à caractère accidentel ou non. Il faut toutefois que la preuve prépondérante établisse qu'il y a une relation entre la pathologie présentée par un travailleur à l'occasion de la récidive, rechute ou aggravation alléguée et celle survenue par le fait ou à l'occasion de l'accident de travail initial.»3.
La preuve révèle que suite à cet accident du 23 mai 1979, le travailleur a repris les mêmes fonctions quelques jours plus tard, soit le 28 mai 1979. Outre une radiographie pulmonaire faite à cette période, aucun autre examen n'a eu lieu.
Ce n'est qu'en 1982, que le travailleur a d'abord consulté pour un problème de fatigue et de malaises aux genoux. A ce sujet, la Commission d'appel ne peut conclure qu'il y a preuve prépondérante d'un problème chez le travailleur à la région lombaire et ce, compte-tenu des écrits consignés au dossier médical du travailleur et du témoignage contradictoire de ce dernier à cet égard.
C'est au cours de l'année de 1984 que le dossier médical du travailleur nous révèle qu'il éprouvait des douleurs à la région lombaire. Des radiographies alors prises démontrent l'absence de pincement et d'arthrose sauf la présence d'un petit spina bifida occulta au niveau S1.
Entre cette dernière période et 1986, la Commission d'appel souligne qu'il y a absence de traitement médical relativement à son dos. Puis, au cours de l'année 1986, le travailleur connaît une intensification de douleurs à la région lombaire qui l'oblige à travailler à raison de trois jours/semaine et le conduisent à un arrêt le 16 octobre 1986, pour lequel il produit une réclamation alléguant une rechute.
Par ailleurs, la Commission d'appel réfère à l'expertise du docteur Provost du 21 avril 1988, qui met en doute l'opinion du docteur Dubuc quant à la relation entre les problèmes lombaires du travailleur et l'accident du mois de mai 1979. En effet, il y a lieu de s'interroger sur l'importance du traumatisme à la région dorso-lombaire lorsqu'un laps de temps de près de cinq ans s'écoule entre cet événement et la première consultation médicale à ce propos. De plus, la Commission d'appel souligne que le travailleur a d'ailleurs consulté pour d'autres problèmes médicaux avant cette période, soit en ce qui concerne ses problèmes aux genoux.
Quant à l'expertise du docteur Tremblay, en date du 22 août 1988, la Commission d'appel constate que celui-ci fait une description des douleurs ressenties par le travailleur immédiatement après l'accident du mois de mai 1979, soit qu'il y a eu irradiation dans la fesse gauche. De plus, il ajoute dans son opinion que le travailleur a toujours depuis ce temps, un enraidissement douloureux du rachis cervical et une lombosciatalgie chronique gauche. Or, ces éléments n'ont jamais été affirmés comme tel par le travailleur. Enfin, le docteur Tremblay parle d'un suivi médical continu depuis 1979. Or, la preuve révèle l'absence de suivi médical de 1979 à 1984 et de 1984 à 1986.
Qui plus est, la Commission d'appel précise que le docteur M' Seffar, en date du 20 janvier 1987, n'était pas en mesure d'établir s'il y avait eu relation entre les problèmes lombaires du travailleur et l'accident de travail de 1979.
Dans cette affaire, la Commission d'appel estime qu'il y a absence de preuve contemporaine à l'arrêt de travail du 21 octobre 1986 et prépondérante lui permettant de reconnaître que le travailleur aurait subi le 16 octobre 1986, une rechute, récidive ou aggravation de sa condition physique en relation avec l'accident de travail du 23 mai 1979.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIERE DE LESIONS PROFESSIONNELLES: REJETTE l'appel du travailleur, monsieur Antonio Ardagna; CONFIRME la décision rendue le 2 juin 1988, par le bureau de révision de l'Ile-de-Montréal; ET 3 Maurice Laporte et la compagnie minière Québec Cartier, 1989 CALP page 43.
DECLARE que le travailleur n'a pas subi le 16 octobre 1986, une lésion professionnelle au sens de la loi.
____________________________ Françoise Garneau Fournier Commissaire IONATA, LAZARIS ET ASSOCIES a/s Me Joseph Ionata 615, René Lévesque Ouest, B.920 Montréal, (Québec) H3P 1P5 Représentant de la partie appelante Me Jacqueline Tremblay 1030 Brunel Chomedey, Laval H7W 5G4 Représentant de la partie intéressée
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.