[1] L'appelante se pourvoit contre deux jugements de la Cour supérieure prononcés à la suite d'une scission d'instance. Le jugement du 10 février 2012, rectifié le 14 mars 2012, district de Roberval (l'honorable Gratien Duchesne), partage la responsabilité des dommages subis à 50 % entre l'appelante et Duc Duy Nguyen. Le deuxième jugement, prononcé le 17 janvier 2014, district de Roberval (l'honorable Sandra Bouchard), condamne l'appelante à payer 446 860 $ à l'intimée Nguyen Thi Thu Thao, 76 610 $ à l'intimée Lai Thi Ai Phuong et 11 457 $ à l'intimée Pham Thi My Dieu, en reprise d'instance de Nguyen Van Sau.
[2] Par appel incident, les intimées contestent l'évaluation des dommages.
[3] Pour les motifs de la juge Dutil, auxquels souscrivent les juges Émond et La Rosa (ad hoc), la Cour :
[4] Rejette l'appel principal et l'appel incident, avec dépens.
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MOTIFS DE LA JUGE DUTIL |
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[5] Le 4 août 2007, Duc Duy Nguyen (« Dany ») se noie dans la rivière Ashuapmushuan sous les yeux de sa fiancée, Nguyen Thi Thu Thao (« Thao »), et de plusieurs de ses amis. L’appelante, le Site Touristique Chute à L’Ours de Normandin inc., est-elle responsable des dommages subis par les intimées à la suite de ce triste événement?
[6] Il y a eu scission d’instance et deux jugements ont été prononcés.
[7] Celui rendu par le juge Gratien Duchesne, le 10 février 2012 et rectifié le 14 mars 2012[1], déclare l’appelante responsable à 50 % des dommages subis par Nguyen Van Sau (« Van Sau ») et par l’intimée Lai Thi Ai Phuong (« Phuong »), respectivement le père et la mère de Dany. Il accueille en partie la demande de l’intimée Thao pour ses dommages personnels seulement.
[8] Le jugement du 17 janvier 2014, prononcé par la juge Sandra Bouchard[2], condamne l’appelante à payer 446 860 $ à Thao, 76 610 $ à Phuong et 11 457 $ à l’intimée Pham Thi My Dieu (« Pham »), en reprise d’instance de Van Sau.
Les faits
[9] Le juge Duchesne résume bien les faits de cette tragique affaire[3] :
[4] Dans la nuit du 4 août 2007, vers deux heures du matin, un groupe de 10 Vietnamiens, dont Dany et Thao arrivent au terrain de camping géré par la défenderesse, ci-après appelé « terrain de camping du Site ». Ils sont reçus par le surveillant de nuit. Ils sont à bord de deux automobiles; la première est conduite par Dany; sa fiancée Thao occupe le siège avant et trois autres personnes sont assises à l'arrière dont le témoin Nguyen Vu.
[5] Le surveillant aurait remis une copie des règlements du camping à Dany et aurait conversé avec lui. Cependant, selon la preuve, Dany ne parle pas français alors que Thao se débrouille bien dans la langue de molière. Selon Thao, le surveillant ne leur aurait remis que les clés et aucun document, pas plus qu'il est allé les reconduire au chalet no 13, comme il l'a affirmé à l'audience.
[6] Le lendemain matin vers 10 heures, le groupe sort du chalet no 13 et emprunte la rue de l'Étang en direction de la rivière. Une minute plus tard, ils arrivent près d'un poteau d'Hydro-Québec à un endroit que les témoins ont appelé « le haut de la chute ». Il faut savoir qu'il n'y a pas d'obstacle ni affiche. Sur une largeur d'une dizaine de mètres, il n'y a pas de clôture. Les photos D-7, P-1, P-7-3 et P-12 montrent assez bien les lieux où sont situés le poteau et le « haut de la chute ». Ils accèdent alors à une grosse roche plate située à une quinzaine de mètres du poteau après avoir marché aisément sur un fond de roc assez lisse. Ils attendent que d'autres visiteurs quittent la roche sur laquelle ils étaient assis pour s'y rendre eux aussi et s'y asseoir. À l'extrême gauche est assise Thao. Dany est le deuxième de la gauche, soit assis à droite de Thao. Nguyen Vu prend la photo P-1 et un autre, la photo P-2.
[7] Les photos P-1 et P-2 démontrent que les sept membres du groupe ont accédé à la roche sur la droite sans avoir eu besoin de se mouiller. D'une part, tous conviennent que la rivière était à un niveau bas et que d'autre part, la voie pour accéder à la roche était dégagée, sans obstacle et évidemment sans eau. La rivière coulait à l'extrémité de la roche et à la gauche de celle-ci.
[8] Une fois les photographies prises, chacun se relève à partir de la droite. Selon le témoignage de Thao, lorsque Dany a voulu se lever, il aurait porté sa jambe droite vers la partie arrière du rocher et est tombé dans la rivière. Le courant fort le ramène à gauche de la roche. Il se retrouve debout, l'eau à la hauteur de la ceinture. Il est à deux mètres de Nguyen Vu, lui-même debout sur la partie sèche, au bord de la rivière. Dany est incapable d'avancer et de se rapprocher de la berge en raison du haut débit de la rivière. Nguyen Vu attache un ou deux, peut-être trois chandails, pour former une corde, mais la longueur est insuffisante et de toute façon, le courant empêche la ligne de chandails d'atteindre Dany. Dany a été capable de lancer son téléphone portable à Nguyen Vu. On cherche quelques objets susceptibles d'aider le sauvetage de Dany, mais en vain. Il est emporté par le courant cinq minutes après la chute. Des membres du groupe dont Thao tentent de le suivre le long de la rivière en marchant sur les roches. Dany s'immobilise quelques instants à deux reprises sur des roches et est de nouveau emporté par le courant pour disparaître complètement dans un vaste remous en « bas de la chute ». C'est à cet endroit que les plongeurs de la sûreté du Québec le retrouveront le soir même, plusieurs centaines de mètres du « haut de la chute ».
[Référence omise]
La norme d’intervention
[10] Comme nous le verrons, les moyens d’appel soulevés par les parties touchent des questions mixtes de fait et de droit ou encore des questions de fait.
[11] Il est bien établi que la détermination de la faute en matière de responsabilité civile est considérée comme une question mixte puisqu’il s’agit d’appliquer une norme juridique à un ensemble de faits[4]. Pour ce qui est du partage de responsabilité, notre Cour a déclaré qu’il s’agit également d’une matière qui relève de l’appréciation de la preuve par le juge de première instance[5]. Selon les enseignements de la Cour suprême dans Housen c. Nikolaisen[6], ces questions sont sujettes en appel à la norme d’intervention de l’erreur manifeste et déterminante[7].
[12] De plus, la Cour suprême reconnaît que l’établissement d’un lien de causalité et l’évaluation des dommages sont des questions purement factuelles, sur lesquelles une cour d’appel ne peut intervenir que si le juge de première instance a commis une erreur manifeste, n’a pas tenu compte d’un élément de preuve déterminant ou pertinent, a mal compris la preuve ou en a tiré des conclusions erronées[8].
L’appel principal
[13] Bien que l’appelante indique se pourvoir contre les deux jugements, elle ne soulève des moyens d’appel qu’à l’encontre de celui sur la responsabilité prononcé par le juge Duchesne.
Le jugement sur la responsabilité
[14]
Le juge indique d’abord que Dany est décédé sans testament. Thao, sa
fiancée, n’est donc pas son héritière puisqu’elle n’était ni mariée avec lui ni
unie civilement (art.
[15] Il retient la responsabilité de l’appelante puisque, même si elle n’est ni locataire ni propriétaire de la rivière dans laquelle Dany s’est noyé, elle encourage ses clients à s’y rendre pour l’observer et y pêcher. Selon le juge, l’obligation de sécurité de l’appelante comporte deux volets : un devoir d’information et un devoir de mise en place de mesures de protection ou de sauvetage aux abords de la rivière, en haut de la chute. Il mentionne que l’obligation de sécurité s’apprécie à la lumière du standard objectif de la personne raisonnable, ce qui implique que l’appelante devait se prémunir contre les risques prévisibles de chute et de noyade par la mise en place de mesures et de moyens de sécurité. Il s’agit d’une obligation de moyen.
[16] Le juge conclut que l’obligation relative au devoir d’information, quant au danger de noyade, n’est pas déterminante en l’espèce. Dany avait également l’obligation de se prémunir contre le danger de chuter dont il était conscient. En se rendant sur la grosse roche, il a accepté le risque de glisser.
[17] Toutefois, l’appelante a manqué à son obligation de mettre en place des mesures de protection ou de sauvetage. Elle aurait dû connaître le danger résultant d’une chute à cet endroit où elle encourageait ses clients à aller observer la rivière. L’accident est d’ailleurs survenu à l’un des points d’observation qui apparaît sur le plan remis aux usagers.
[18] Pour le juge, les trois ou quatre noyades survenues au cours des 40 dernières années dans la rivière Ashuapmushuan, dans le secteur du terrain de camping de l’appelante, illustrent le danger qui guette chaque personne tombant dans la rivière à cet endroit. L’examen des nombreuses photos le convainc qu’en cas de chute, la noyade est non seulement prévisible, mais probable sans mesures de protection.
[19]
Le juge considère donc que Dany a accepté le risque de tomber à l’eau
(art.
[20] En somme, le juge conclut que la responsabilité doit être partagée. Si Dany n’avait pas chuté dans la rivière, il ne se serait pas noyé. Toutefois, si l’appelante n’avait pas commis de faute d’omission, il aurait été sauvé de la noyade. Il impose donc 50 % de la responsabilité à l’appelante.
Les questions en litige
[21] Avant d’aborder les questions en litige, il me semble utile de préciser le fondement du recours intenté par les intimées, et ce, bien que cela ne modifie pas les conclusions auxquelles en sont parvenus le juge Duchesne et la juge Bouchard puisqu’en l’espèce, l’obligation de sécurité en est une de même intensité, qu’il s’agisse du régime contractuel ou extracontractuel.
[22]
Le juge Duchesne mentionne que le recours repose sur l’article
[23]
Cependant, le fondement du recours des intimées, autre que celui de la
succession de Dany, est bien l’article
[24] Comme l’énonçait la Cour suprême dans l’arrêt Banque de Montréal c. Bail, « [l]es parties à un contrat sont donc délictuellement responsables des dommages qu'elles pourraient causer aux tiers dans le cadre de leur relation contractuelle, de par leur manquement à la norme de conduite raisonnable dans les circonstances de cette relation. »[10].
Le juge de première instance a-t-il erré en imposant à l’appelante une obligation de sécurité relativement à la rivière?
[25] L’appelante plaide que le juge a erré en lui imposant une obligation de sécurité relativement à la rivière. Elle mentionne ne pas encourager ses clients à se rendre sur les rochers. Au contraire, elle les avise, par son règlement et des affiches, que les promenades sur le bord de la rivière sont à leurs risques et que les rochers sont glissants. Par ailleurs, elle souligne que le niveau de l’eau était particulièrement bas à l’été 2007, ce qui explique que Dany et ses amis ont pu se rendre à la roche qui est habituellement submergée.
[26] Pour l’appelante, le fait de gérer le site ne peut entraîner sa responsabilité pour des accidents qui surviennent dans la rivière, laquelle fait partie du domaine public. Inviter ses clients à observer la chute n’est pas un encouragement à pénétrer dans la rivière.
[27] À mon avis, le fait que l’appelante n’est pas propriétaire de la rivière ne l’exonère aucunement de sa responsabilité. Dans sa publicité, elle utilise la rivière et la chute pour promouvoir son site. Elle incite ses clients à se rendre à proximité de la rivière, particulièrement aux points d’observation qu’elle identifie sur un plan, et les invite à y pêcher. Le juge l’explique bien[11] :
[29] Selon la preuve, la défenderesse utilisait la rivière et les chutes dans ses publicités, sans réserve. Elle disait que son terrain était « aménagé le long de la rivière Ashuapmushuan ». Elle invitait le public à la pêche. Elle se comportait comme si la berge faisait partie de son emplacement; elle avait identifié trois points d'observation sur ou à proximité de la grève. Rien ne pouvait laisser croire au groupe de Vietnamiens le matin du 4 août 2007 que la berge et les roches, la rivière et les remous de même que les chutes ne faisaient pas partie des activités de la défenderesse, telles la pêche et l'observation.
[30] C'est précisément l'attrait de la rivière et des chutes qui avait convaincu Thao de réserver elle-même le séjour sur le terrain de camping du Site. En quelque sorte, la défenderesse encourageait ses clients à s'y rendre. Il faut ici rappeler que le matin du 4 août, un autre groupe s'était assis sur la roche avant que Dany et ses amis s'y assoient à leur tour.
[31] L'argument de la défenderesse selon lequel elle n'est pas responsable des dommages survenus chez un voisin paraît rudimentaire, voire même simpliste. La défenderesse n'était ni locataire ni propriétaire du terrain qu'elle exploitait, mais même sans titre, elle était responsable de l'exploitation du terrain de camping du Site.
[Je souligne]
[28] Cette conclusion trouve appui dans la preuve :
§ Un autre groupe s’était rendu sur la roche plate avant que Dany et ses amis ne s’y assoient à leur tour le matin du 4 août 2007;
§ L’appelante utilisait la rivière dans ses publicités[12];
§ Sur le plan du site, l’appelante indiquait plusieurs points d’observation sur le bord de la rivière.
[29] L’appelante soutient que l’arrêt Société des établissements de plein air du Québec c. Gratton[13] indique qu’une municipalité ne peut être tenue responsable d’un accident qui survient sur un terrain voisin, sous prétexte qu’il est accessible de son territoire. Selon elle, le même principe devrait être appliqué dans la présente affaire puisque la noyade a eu lieu dans la rivière voisine à laquelle on peut accéder du terrain de camping qu’elle exploite.
[30] Dans cet arrêt, notre Cour a confirmé le jugement de la Cour supérieure qui avait retenu la responsabilité de la Société des établissements de plein air du Québec (« SÉPAQ ») pour un accident survenu en dessous du Rocher Percé, au motif que cette dernière n’avait pas pris les moyens appropriés pour prévenir les randonneurs des risques inhérents à l’excursion[14]. À l’instar du juge Duchesne[15], je suis d’avis que le parallèle que tente de tracer l’appelante entre sa propre situation et celle de la Ville de Percé est inadéquat. Dans cette affaire, la responsabilité de la SÉPAQ a pu être retenue puisqu’elle utilisait le Rocher comme attraction. C’est donc à cette dernière que doit s’identifier l’appelante, qui, comme il a été mentionné, attire ses visiteurs en grande partie grâce à la rivière Ashuapmushuan et à ses chutes.
[31] L’appelante cite également la décision Gagnon c. Bélanger[16] qui concernait une victime devenue tétraplégique à la suite d’un plongeon effectué dans un lac à partir d’une embarcation de plaisance. Dans cette affaire, le juge de première instance avait affirmé que la responsabilité du Centre de loisirs, qui exploitait la plage publique bordant le lac, ne pouvait être retenue, car l’accident était survenu sur le domaine public[17]. Encore ici, je crois qu’il est nécessaire de distinguer cette décision du cas qui nous occupe. Le Centre de loisirs n’avait aucun lien avec l’organisation de la promenade sur le lac. Si ce dernier avait été l’organisateur de cette activité, ou s’il l’avait simplement publicisée, la conclusion aurait pu être différente. Dans notre affaire, comme je l’ai déjà mentionné, l’appelante invitait clairement les gens à se rendre près de la rivière. Elle désignait des points d’observation, dont celui près duquel est survenu l’accident.
[32] Le juge n’a donc pas commis d’erreur en concluant que la faute reprochée à l’appelante pouvait être retenue même si elle n’est pas propriétaire de la rivière. Comme il le souligne, la situation de son établissement, la publicité et l’aménagement de celui-ci font en sorte que la rivière et la chute en sont les principales attractions.
[33] L’appelante plaide en outre que le juge a erré en lui imputant une faute d’omission parce qu’elle n’a pas mis en place une mesure de sauvetage en haut de la chute[18]. Elle souligne qu’il n’y a pas d’obligation légale ou de norme qui lui impose cette obligation. Selon elle, il n’existe aucune obligation de réduire le préjudice une fois le risque matérialisé.
[34] L’appelante soutient que les visiteurs peuvent avoir accès à la rivière à de nombreux endroits. Elle ne peut prévoir où une personne pourrait tomber à l’eau. En conséquence, comment décider à quel endroit installer une bouée?
[35] Le juge explique ainsi sa décision de conclure à une faute d’omission d’avoir mis en place des mesures de protection et de sauvetage au bord de la rivière[19] :
E - LES NOYADES ANTÉRIEURES
[52] Selon la preuve, au cours des 40 dernières années, trois ou quatre noyades en plus de celle de Dany seraient survenues dans la rivière Ashuapmushuan, dans le secteur du terrain de camping du Site. L'une d'elles serait survenue lors d'un accident de canot et une autre serait le résultat d'un suicide.
[53] Les demandeurs y voient un signe de prévisibilité, la défenderesse le signe inverse.
[54] L'examen des nombreuses photos convainc le Tribunal qu'en cas de chute dans l'eau, la noyade qui en ait résulté était non seulement prévisible, mais probable, sans mesure de protection.
[55] Les noyades antérieures ne font qu'illustrer le danger de se noyer à chaque fois qu'une personne tombe dans la rivière Ashuapmushuan à la hauteur des remous.
[56] Il faut ici rappeler qu'il n'a jamais été question de baignade dans la rivière, mais d'observation de la rivière et des chutes et de photographies.
F - LA FAUTE DE LA DÉFENDERESSE
[57] Les pièces P-6 et D-5 corroborent le témoignage de MM. Bhérer et Noël et démontrent que l'observation de la rivière fait partie des activités pratiquées par les visiteurs en « bas et en haut de la chute ».
[58] Selon le plan D-5, les sentiers pédestres ont été aménagés sur le bord de la rivière à deux endroits du site de la défenderesse.
[59] De plus, l'accident s'est produit vis-à-vis l'un des points d'observation qui apparaît sur le plan D-5.
[60] L'obligation de sécurité comportait pour la défenderesse un devoir de mise en place de mesures de protection ou de sauvetage aux abords de la rivière en « haut de la chute ».
[61] La personne raisonnable connaissait ou aurait dû connaître le danger résultant d'une chute à cet endroit que la défenderesse encourageait à observer et à fréquenter sans avoir disposé quelques obstacles que ce soient pour empêcher sa clientèle de s'y rendre. La défenderesse était tenue de prendre toutes les précautions utiles pour assurer la sécurité des personnes qui avaient accès « au haut de la chute ».
[62] Il eut été si simple de prévoir la présence d'une bouée, d'une corde, d'une perche, etc., au cas où un accident surviendrait. Inviter la clientèle à observer le « haut de la chute » et laisser le public se rendre sur les roches au « haut de la chute », comportait pour la défenderesse l'obligation de se prémunir contre le danger de la noyade en cas de chute.
[63] La faute de la défenderesse doit être retenue.
[…]
[69] La défenderesse a commis une faute en ne dotant pas les abords du « haut de la chute » de moyens de sauvetage telles une corde, une bouée ou autre. Une personne raisonnable aurait procédé à munir les usagers et le terrain de camping du Site de mesures de protection de cette nature.
[70] Dany aurait vraisemblablement pu être sauvé par ses amis s'ils avaient eu à leur portée de tels moyens.
[Reproduction textuelle]
[36] Dans ce genre d’entreprise, l’exploitant a une obligation de sécurité envers ses clients. Il faut toutefois déterminer si, en l’espèce, l’obligation de sécurité de l’appelante, envers ses clients, inclut celle de mettre en place des mesures de sécurité et de sauvetage dans le secteur du haut de la chute. Il s’agit là, à mon avis, de la principale question de l’appel principal.
[37] Contrairement à ce que plaide l’appelante, la faute d’omission n’est pas toujours liée à un devoir d’agir, comme l’expliquent les auteurs Baudouin, Deslauriers et Moore[20] :
1-186
- Pertinence de la distinction - À propos de la faute d’omission, il
existe une confusion, plus apparente que réelle, chez certains auteurs et
certaines décisions. D’aucuns, en effet, prétendent que l’omission n’est
fautive que s’il existe un devoir ou une obligation spécifique d’agir. On voit
ici une influence de la common law qui, pour qu’il y ait responsabilité, impose
comme préalable d’analyse juridique un « duty to act ». Cette proposition n’est
pas exacte en droit civil et mérite d’être nuancée. D’une part, comme le
fait la doctrine française, il faut distinguer l’omission pure et simple, de
l’omission dans l’action qui est en réalité une abstention à l’intérieur d’un
processus actif. Ainsi le médecin qui, lors de l’administration d’une
anesthésie, omet de vérifier les raccordements de tuyaux d’oxygène commet une
faute d’omission dans l’action. D’autre part, et plus fondamentalement, s’il
est certain que l’omission pure et simple constitue une faute lorsqu’il existe
une obligation d’agir spécifique, celle-ci n’est pas pour autant indispensable
pour qu’il y ait faute extracontractuelle. En effet, le devoir général de
se comporter en personne prudente et diligente contenu à l’article
[Je souligne - Références omises]
[38] Si la loi est silencieuse quant à l’obligation de sécurité, le juge doit en déterminer l’intensité. Il s’agit toutefois d’une obligation de moyen[21] :
1-57 - Obligation de sécurité - intensité - […]
Lorsque la loi est silencieuse, il revient donc au juge de déterminer l’intensité de l’obligation de sécurité avec toutes les incertitudes que la chose entraîne. Il est d’ailleurs regrettable que la jurisprudence n’ait pas encore statué sur la question alors que des espèces s’y prêtaient bien. Dans la majorité des cas cependant, l’obligation de sécurité est considérée par la jurisprudence comme une simple obligation de moyens. Une récente décision de la Cour d’appel, à propos d’un accident de ski semble avoir modulé l’intensité de l’obligation en fonction des circonstances particulières de l’espèce. En revanche, dans certaines décisions, les tribunaux ont statué qu’elle était de résultat. […]
[Je souligne - Références omises]
[39]
À mon avis, l’obligation de sécurité, en l’espèce, existait malgré
l’absence de norme à ce sujet. Il s’agit d’une obligation implicite qui existe,
que l’on soit en matière contractuelle (art.
[41] Au sujet de la responsabilité d'un exploitant d'un centre récréatif, il y a lieu de citer l'arrêt de base en cette matière, soit Bouchard c. Blouin dans lequel M. le juge Turgeon écrit :
« 64.1 - L'exploitant d'un centre de sport que le public fréquente moyennant rémunération assume, en plus de l'obligation principale qui fait l'objet du contrat, une obligation accessoire de sécurité envers ses clients. Il s'agit d'une obligation générale de vigilance en vertu de laquelle il est tenu de prendre toutes les précautions utiles pour assurer la sécurité des personnes qui fréquentent son établissement. Toutefois, il n'est pas réputé avoir manqué à cette obligation par le seul fait qu'un accident arrive à l'une d'elles; il n'y a pas de présomption de droit contre lui, bien que des présomptions de fait établissant sa faute puissent résulter des circonstances et de la preuve. » (Soulignement ajouté)
[Soulignement dans l’original - Référence omise - Reproduction textuelle]
[40] L’appelante se prévaut aussi du raisonnement de notre Cour, dans l’arrêt Joly c. Salaberry-de-Valleyfield (Ville de)[23], pour soutenir qu’elle n’avait pas « à prendre des mesures destinées à empêcher qu’on accède à l’eau [de la chute], qu’on s’y baigne, qu’on y plonge ou qu’on s’y livre à des activités aquatiques et encore moins à des activités aquatiques dangereuses ou risquées »[24]. En eux-mêmes, le terrain de camping et ses équipements ne présentaient aucun danger particulier pour une personne raisonnable.
[41] Dans l’arrêt Joly, il s’agissait du cas d’un homme de 26 ans devenu tétraplégique après avoir plongé dans un lac à un endroit très peu profond. Ma collègue la juge Bich s’exprime ainsi[25] :
[25] D'une part, la corporation municipale qui met à la disposition de ses citoyens un terrain bordant un plan d'eau, terrain qu'elle n'exploite pas comme une plage publique, n'a pas de ce seul fait à prendre des mesures destinées à empêcher qu'on accède à l'eau, qu'on s'y baigne, qu'on y plonge ou qu'on s'y livre à des activités aquatiques et encore moins à des activités aquatiques dangereuses ou risquées. Comme le répètent volontiers la doctrine et la jurisprudence, la corporation municipale « n'est pas l'assureur des personnes qui utilisent ses parcs et ses équipements sportifs » et je ne crois pas qu'elle ait l'obligation de prévenir les dangers que l'individu raisonnable peut constater de lui-même et doit par conséquent éviter en adoptant le comportement prudent qu'imposent les circonstances.
[…]
[28] Ce n'est pas dire que les corporations municipales ne peuvent pas, en certaines circonstances, être responsables de ce qui se produit dans leurs parcs : évidemment, leur responsabilité pourrait être engagée, par exemple, dans le cas où elles installent dans un parc des équipements défectueux qui sont la cause d'un préjudice. Mais ce n'est pas ce dont il est ici question : en lui-même, le parc des Hirondelles et ses équipements ne présentaient pas de danger particulier pour une personne raisonnable (ou un enfant dûment supervisé par une personne raisonnable).
[Référence omise]
[42] En l’espèce, le juge ne reproche nullement à l’appelante de ne pas avoir pris de mesures pour empêcher qu’on accède à l’eau. La faute retenue est d’un autre ordre.
[43] Quant à l’argument de l’appelante selon lequel aucune faute ne peut lui être reprochée puisque ses installations ne présentaient pas de danger particulier pour une personne raisonnable, il ne peut être retenu. Ce n’est pas non plus cette faute qui lui est reprochée, mais bien son omission d’avoir placé des équipements de sauvetage en haut de la chute alors qu’elle encourage ses clients à se rendre sur les bords de la rivière à des points d’observation déterminés. Selon la preuve, le haut de la chute est un endroit particulièrement dangereux si une personne glisse sur un rocher et tombe dans la rivière. En effet, le courant l’entraîne rapidement vers la chute et les remous et la noyade est alors presque inévitable. C’est ce qui est arrivé à Dany. L’appelante ne pouvait ignorer ce danger apparent.
[44] Par ailleurs, le fait que le niveau de l’eau était particulièrement bas en 2007 faisait en sorte que les clients de l’appelante pouvaient facilement accéder au rocher à partir duquel l’accident est survenu. Lorsque Dany et ses amis se sont rendus près de la rivière, le matin du 4 août, plusieurs personnes étaient déjà installées sur la roche pour la prise de photos. À mon avis, le bas niveau de l’eau, cet été-là, faisait en sorte d’aggraver le danger potentiel de chute. L’appelante ne pouvait l’ignorer.
[45] La preuve indique par ailleurs qu’une personne raisonnablement prudente et diligente aurait mis en place des mesures de sauvetage à l’endroit où est survenu l’accident de Dany. L’appelante devait se prémunir contre les éventualités probables et normalement prévisibles d’accident. Or, plusieurs éléments portent à croire que l’accident était « normalement prévisible ». Ce faisant, l’omission de l’appelante de mettre en place des mesures pour l’empêcher constitue une faute civile.
[46] Le juge retient, entre autres, qu’il y a déjà eu des noyades dans la rivière Ashuapmushuan dans le secteur du terrain de l’appelante[26] :
[52] Selon la preuve, au cours des 40 dernières années, trois ou quatre noyades en plus de celle de Dany seraient survenues dans la rivière Ashuapmushuan, dans le secteur du terrain de camping du Site. L'une d'elles serait survenue lors d'un accident de canot et une autre serait le résultat d'un suicide.
[47] Bien que le juge n’en fasse pas mention, il ressort par ailleurs du témoignage de Jacques S. Noël, un des administrateurs de l’appelante qui connaît le site depuis les années 70, que deux des noyades au cours des années sont survenues après que les victimes eurent glissé sur une roche. Ces accidents étaient connus de l’appelante.
[48] Les témoignages de Éric Bhérer, directeur général de l’appelante, et de M. Noël indiquent en outre que l’appelante était parfaitement au courant que les clients s’approchaient de la rivière pour regarder les rapides, dans le secteur du haut de la chute. Elle savait également que les roches étaient glissantes puisque des affiches prévenaient les clients de ce fait.
[49] L’appelante plaide qu’une personne raisonnable n’aurait pas installé d’équipements de sauvetage dans ce secteur puisqu’elle n’aurait pu prévoir à quel endroit exactement un accident surviendrait. En effet, le site longe la rivière sur une longueur de 2,5 km alors que les rapides s’étendent sur 1,5 km.
[50] Cet argument ne peut être retenu. L’appelante invite ses clients à observer la rivière en mettant en évidence cinq points d’observation. Ce sont à ces endroits que les visiteurs s’approchent de celle-ci. Les endroits appropriés étaient donc facilement identifiables. L’appelante avait d’ailleurs déjà installé une bouée au bas de la chute, un secteur moins dangereux, selon la preuve, que celui du haut de la chute.
[51] Je conclus donc que le juge n’a pas commis d’erreur révisable en imputant à l’appelante une faute d’omission. Sa conclusion trouve appui dans la preuve et n’est entachée d’aucune erreur manifeste.
Le juge de première instance a-t-il erré en déclarant que l’appelante était en partie responsable de la noyade de Dany?
[52] L’appelante allègue que l’absence de bouée dans le secteur du haut de la chute n’est pas la cause du décès de Dany. Il s’agit simplement d’une occasion manquée d’empêcher qu’il survienne. Le fait que la présence d’une bouée aurait pu augmenter les chances de survie de Dany ne fait pas en sorte qu’elle avait le devoir d’en mettre une en place. Il y en avait une au bas de la chute et celle-ci n’a pas permis de sauver Dany.
[53] Le juge, quant au lien de causalité entre la faute de l’appelante et la noyade de Dany, tire la conclusion suivante[27] :
[70] Dany aurait vraisemblablement pu être sauvé par ses amis s'ils avaient eu à leur portée de tels moyens [de sauvetage].
[54] L’argument de l’appelante selon lequel une bouée n’aurait pas pu sauver Dany, puisqu’il y en avait une au bas de la chute et qu’elle a été inutile, est mal fondé. En effet, immédiatement après avoir glissé, Dany est resté environ cinq minutes dans l’eau, à deux mètres environ du bord de la rivière. Pendant ce laps de temps, une bouée, une perche ou encore une corde aurait été d’une aide précieuse et aurait probablement permis de le sauver. Après avoir été emporté par le courant, Dany s’est immobilisé quelques instants, à deux reprises, sur des roches, pour ensuite disparaître dans les remous. Lorsque ses amis sont arrivés près de la bouée qui se trouvait en bas de la chute, il était trop tard pour l’utiliser, car ils avaient totalement perdu Dany de vue. Son corps a été repêché en soirée à cet endroit. Il était resté prisonnier des remous.
[55] Pour l’appelante, la témérité de Dany a rompu le lien de causalité. Dans l’appel incident, les intimées plaident pour leur part que c’est l’omission de l’appelante qui a provoqué une rupture du lien de causalité et entraîné la noyade de Dany. Il s’agirait, selon les intimées, d’un novus actus interveniens. Je trancherai donc immédiatement ce moyen d’appel des intimées.
[56] Le juge s’exprime ainsi en ce qui concerne le partage de responsabilité[28] :
[72] En l'espèce, si Dany n'avait pas chuté, il ne se serait pas noyé. Mais si la défenderesse n'avait pas commis une faute d'omission, Dany aurait été sauvé de la noyade.
[73] Par conséquent, si
chacune des parties avait pu éviter que la noyade survienne, il faut conclure
que la faute de la défenderesse est commune avec celle de Dany entraînant un
partage de responsabilité au sens du deuxième alinéa de l'article
[74] La défenderesse devra supporter 50 % de la responsabilité des dommages subis par les demandeurs.
[75] La défenderesse ne serait être exonérée en raison de la faute de Dany à moins qu'il ne s'agisse d'une « nouvelle cause intervenant » (novus actus interveniens). En l'espèce, la faute de la défenderesse est contributoire, sans rupture entre les deux fautes et n'est donc pas nouvelle.
[Référence omise - Reproduction textuelle]
[57] Je partage ce point de vue. Les auteurs Baudouin, Deslauriers et Moore expliquent de la manière suivante la position générale du droit québécois en matière de causalité[29] :
1-683 - Position générale - La seule constante véritable de toutes les décisions est la règle selon laquelle le dommage doit avoir été la conséquence logique, directe et immédiate de la faute. Maintes fois mise de l’avant par les tribunaux, cette règle révèle un désir de restreindre le champ de la causalité et de ne retenir comme cause que le ou les événements ayant un rapport logique et intellectuel étroit avec le préjudice dont se plaint la victime. […]
[Référence omise]
[58] En l’espèce, le juge retient que la noyade de Dany a été « la conséquence logique, directe et immédiate » de l’absence de mesures de sauvetage dans le secteur du haut de la chute[30]. Il s’agit ici, comme je l’ai déjà souligné, d’une question purement factuelle qui est, à mon avis, exempte d’erreur. Il faut toutefois se demander si la témérité de Dany a provoqué une rupture du lien de causalité, comme le soutient l’appelante.
[59] À cet égard, les auteurs Baudouin, Deslauriers et Moore expliquent en quoi consiste le novus actus interveniens[31] :
1-691 - Constatations générales - Dans sa recherche d’un lien causal ayant un caractère logique, direct et immédiat, la jurisprudence accorde une importance particulière à l’effet du novus actus interveniens, c’est-à-dire à l’événement nouveau, indépendant de la volonté de l’auteur de la faute et qui rompt la relation directe entre celle-ci et le préjudice, même si, selon le système de la causalité adéquate, l’acte fautif pouvait à lui seul objectivement provoquer le dommage et l’agent en prévoir les conséquences.
1-692 - Critique - Toutefois, l’hypothèse du novus actus interveniens est souvent invoquée dans des circonstances qui ne le justifient pas. Pour que ce principe puisse s’appliquer, deux conditions essentielles sont requises. D’une part, il faut qu’il existe une disparition complète du lien entre la faute initiale et le dommage subi. D’autre part, il faut que ce lien survienne à nouveau, mais cette fois-ci en raison de l’existence d’un acte sans aucun rapport avec la faute initiale. Dans les autres hypothèses, il y a seulement continuation d’un même processus qui peut mener, dans certains cas, à un partage de responsabilité.
[Je souligne - Références omises]
[60] À mon avis, Dany, en s’aventurant sur la roche pour la prise d’une photo, n’a pas, par son imprudence, rompu le lien de causalité. Cette faute ne fait pas en sorte de faire disparaître tout lien entre l’omission de mettre à la disposition des clients une bouée dans le secteur du haut de la chute et la noyade. L’on ne peut considérer l’omission de mettre en place une bouée comme une faute initiale sans conséquence avec la noyade. Toutefois, il faut reconnaître que ce n’est qu’après que Dany a eu un comportement risqué que cette faute de l’appelante est devenue déterminante.
[61] La présente affaire se distingue de celle qui a mené au jugement de la Cour supérieure dans Sloutsky c. Régie intermunicipale du Parc régional de la Rivière-du-Nord[32], bien que les faits puissent sembler assez similaires au premier abord. M. Sloutsky, voulant se faire prendre en photo près d’une chute dans le Parc Régional de la Rivière-du-Nord, à Saint-Jérôme, est tombé dans la rivière et a été emporté par le fort courant. Il s’est noyé en une minute.
[62] Le juge Pinsonnault a rejeté la requête en dommages-intérêts des demandeurs pour deux motifs distincts. Premièrement, il a estimé que l’absence de pancartes signalant le danger dans le secteur où M. Sloutsky a glissé n’a pas été une cause du décès de ce dernier. Selon lui, le risque était tellement évident que la présence de tels avertissements n’aurait rien changé à la décision de la victime de s’approcher de la rivière. Deuxièmement, il a déclaré que l’absence d’équipements de sauvetage n’était pas non plus une cause directe du décès, dans les circonstances, puisque seulement une minute s’était écoulée entre la chute de M. Sloutsky et sa disparition dans les remous de la rivière. Ainsi, l’utilisation d’une bouée de sauvetage n’aurait vraisemblablement pas été utile[33].
[63] Par la suite, le juge a décidé que le comportement fautif de M. Sloutsky avait rompu le lien de causalité entre les possibles fautes de la Régie (omission d’aviser des risques et de fournir le matériel de sauvetage) et le préjudice[34] :
[78] This case is a perfect example of a novus actus interveniens, a new intervening act (or cause). Mr. Sloutsky’s decision to sit on the rock, combined with his own negligence and imprudence to take reasonable care for his safety in doing so, constitute a novus actus interveniens. If the Régie committed any fault of omission (that has not been determined by the Tribunal) that may have directly caused Mr. Sloutsky’s prejudice, such causal link was broken by his last decision and gesture immediately before his accidental fall in the water.
[Je souligne]
[64] Au soutien de cette conclusion, le juge a cité de longs extraits de l’arrêt Joly. Dans cette affaire, la juge Bich a considéré que même si la Ville avait été fautive en tolérant la baignade dans le lac qui bordait son parc et en omettant d’installer une signalisation adéquate, sa responsabilité ne pouvait être retenue en raison de la faute de la victime, qui constituait un novus actus interveniens[35]. Elle mentionne ceci[36] :
[40] Il en va de même ici : si faute de la Ville il y a, en ce qu'elle a négligé de faire appliquer le règlement par lequel elle interdit la baignade et a par ailleurs toléré, en toute connaissance de cause, la violation de ce règlement sans prendre les précautions qui auraient assuré la sécurité des personnes qu'elle laissait ainsi contrevenir au règlement, cette faute n'est pas la cause du préjudice subi par l'appelant, dont la témérité constitue un événement nouveau qui est seul à l'origine de l'ensemble du dommage qu'il a subi.
[Je souligne]
[65] Dans le contexte particulier de l’affaire Joly, la témérité de la victime a rompu le lien de causalité qui aurait pu naître entre les fautes de la Ville et le préjudice subi. En effet, je crois qu’il n’y a pas là une « continuation d’un même processus »[37]. Compte tenu du comportement imprudent de la victime, l’absence de signalisation adéquate et la tolérance quant à la baignade perdaient presque toute leur importance dans la chaîne des événements qui ont suivi. La juge Bich a d’ailleurs indiqué que ces fautes n’ont été que « l’occasion de la réalisation du préjudice mais non pas sa cause »[38].
[66] Cependant, avec égards, je crois qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer cet arrêt dans l’affaire Sloutsky. Alors que dans Joly, les possibles fautes de la Ville étaient d’avoir omis d’informer correctement du danger et d’avoir toléré la baignade, il s’agissait plutôt, dans Sloutsky, de ne pas avoir mis en place des mesures de sauvetage comme une bouée, une perche ou une corde. J’estime que si l’imprudence de la victime peut entraîner une rupture du lien causal dans le premier scénario, il en est autrement dans le deuxième.
[67] Toutefois, je suis d’accord avec le juge Pinsonnault quant à l’absence de lien de causalité entre l’omission de mettre à la disposition des visiteurs des mesures de sauvetage et le décès de M. Sloutsky. En effet, la preuve démontrait qu’il n’aurait pas été possible de le sauver en utilisant une bouée vu la rapidité avec laquelle il a été emporté par le courant[39]. Ce motif pouvait fonder la conclusion à laquelle il en est venu de rejeter la requête des demandeurs dans cette affaire. La très courte période de temps entre la chute de M. Sloutsky et sa disparition dans les remous pouvait être considérée comme l’élément rompant le lien de causalité entre la faute d’omission et la noyade puisqu’il aurait été impossible d’empêcher cette dernière malgré la mise en place de mesures de sauvetage.
[68] Le juge Duchesne n’a donc pas commis d’erreur en partageant la responsabilité également entre Dany et l’appelante.
L’appel incident SUR LA RESPONSABILITÉ
[69] Par leur appel incident, les intimées soulèvent deux moyens d’appel concernant le jugement sur la responsabilité. Les quatre autres portent sur les dommages.
[70] En ce qui concerne la responsabilité, un des deux moyens concerne le partage de responsabilité. J’ai tranché cette question dans le cadre de l’appel principal. Il me reste donc à traiter du moyen relatif au devoir d’information.
Le juge de première instance a-t-il erré en décidant que l’appelante n’a pas manqué à son devoir d’information envers Dany?
[71] Les intimées allèguent que l’appelante était en possession de plusieurs informations dont Dany ne disposait pas, ce qui a fait en sorte qu’il n’a pas pu prendre de décision éclairée d’aller ou non sur le rocher. Il n’avait pas connaissance, entre autres, de la conséquence probable d’une chute dans la rivière à cet endroit, soit la noyade. Il s’agissait donc d’un piège.
[72] Pour le juge, l’obligation de sécurité assumée par l’appelante comportait effectivement un devoir d’information et de mise en garde. Toutefois, il a estimé que le groupe d’amis connaissait le danger. Ainsi, selon lui, on ne pourrait prétendre que le fait de fournir plus d’informations aurait eu une influence sur le comportement de Dany. En d’autres termes, il conclut qu’il n’existe aucun lien de causalité entre un éventuel manquement au devoir d’information et le préjudice subi[40] :
[35] L'obligation de sécurité comportait un devoir d'information et de mise en garde. Cependant, que les avertissements aient été suffisants ou non, la preuve démontre que le groupe est arrivé la nuit et que de toute façon, il connaissait le danger. Thao était consciente du danger de marcher sur des roches le long de la rivière ou de s'asseoir sur un rocher à demi immergé. La pièce P-1 illustre la présence de sept personnes dont une seule a glissé à la suite d'une fausse manœuvre équivalant à de la distraction et de l'imprudence. Le Tribunal ne peut certes pas retenir que la défenderesse a manqué à son devoir d'information; cette information eusse-t-elle été idéale n'aurait pas empêché le groupe de savoir qu'il était dangereux et risqué de tomber dans la rivière lorsque sont assises sept personnes l'une à côté de l'autre, sans grand espace pour manœuvrer.
[36] Pour empêcher le groupe de se rendre à la grosse roche plate, il eut fallu que l'on condamne l'accès à la rivière. Ce n'était pas ce que souhaitait ou voulait la défenderesse. Bien au contraire, elle laissait les visiteurs observer la rivière et les chutes à partir des abords de la rivière.
[Je souligne]
[73] Cette conclusion du juge est essentiellement factuelle et, à mon avis, il n’a pas commis d’erreur révisable sur cette question. Sa conclusion est supportée par la preuve. La vidéo déposée en preuve, de même que les photographies, indiquent que le danger était évident. Thao a d’ailleurs témoigné qu’elle était consciente du fait que les roches aux abords de la rivière pouvaient être glissantes. Comme le juge l’a déterminé, la présence d’avertissements dans le secteur du haut de la chute n’aurait probablement pas influencé le comportement de Dany et ses amis. Au surplus, un autre groupe prenait place sur la même roche au moment où ils se sont approchés de la rivière.
[74] Dans l’arrêt Joly, ma collègue la juge Bich s’exprime ainsi en ce qui concerne la présence d’affiches avertissant du danger[41] :
[31] C'est précisément le cas ici et, pour paraphraser le juge Chevalier dans Beck, même si des affiches avaient été posées interdisant de plonger ou avertissant du danger qu'il y avait de le faire, même si un gardien avait été chargé de voir à la sécurité du public utilisant les lieux, cela ne saurait annuler l'existence d'une faute de la part du baigneur Joly, qui, affiche ou non, connaissait les lieux et ne pouvait en ignorer le danger, ce qui ne l'a pas empêché de plonger. Ou encore, pour paraphraser cette fois la Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans Duddle : la Ville ne peut pas être tenue responsable de n'avoir pas informé l'appelant des dangers dont il était ou aurait dû être conscient. Il est vrai que, dans l'affaire Duddle, la ville avait pris certaines mesures qui sont ici absentes, mais le principe de la responsabilité personnelle devant un danger que l'on connaît transcende, il me semble, cette différence.
[Je souligne]
[75] Je partage ce point de vue. Ce moyen d’appel est donc rejeté. Le juge n’a pas commis d’erreur révisable en concluant que l’appelante n’a pas manqué à son devoir d’information envers Dany.
L’appel incident sur les dommages
Le jugement sur les dommages
[76]
La juge Bouchard analyse d’abord les réclamations pour les pertes
pécuniaires. Elle explique que l’article
[77] Elle examine les différents scénarios proposés par les experts actuaires et retient le revenu moyen que Dany aurait pu tirer comme « informaticien ayant une formation en sciences informatiques », soit 73 631 $ en 2012, comme prémisse aux calculs pour évaluer la perte de soutien futur. Il s’agit de l’opinion de l’expert de l’appelante.
[78]
En ce qui concerne Thao, la juge applique le principe de la minimisation
des dommages (art.
[79] La juge accorde 406 975 $ (soit 813 949 $ ÷ 2) à Thao pour perte de soutien passé et futur.
[80] Selon la juge, la preuve permet de conclure aussi que la coutume vietnamienne implique que Dany aurait versé 10 % de son revenu familial annuel à ses parents, à titre de soutien financier[43]. Elle établit la perte subie par Van Sau, le père de Dany, à 10 913 $[44]. Celle de Phuong, la mère de Dany, est fixée à 12 043 $ pour la période antérieure au 12 avril 2013, date d’actualisation, et à 62 888 $ pour les années futures, plus 6 289 $ pour les majorations d’impôts[45]. Par ailleurs, la juge signale qu’il n’y a pas lieu de retenir un abattement pour aléas de la vie[46].
[81] La juge évalue ensuite les pertes non pécuniaires[47].
[82] Pour la douleur morale causée par la mort de Dany, elle octroie 70 000 $ à Thao[48], 70 000 $ à Phuong[49] et 10 000 $ à Van Sau[50]. Enfin, elle accorde 4 000 $ pour la douleur et les souffrances vécues par Dany pendant les sept ou huit minutes précédant son décès, montant partagé entre ses parents qui sont ses héritiers légaux[51].
* * *
[83] En ce qui concerne l’évaluation des dommages, les intimées formulent quatre reproches à la juge : 1) l’évaluation du salaire futur de Dany, 2) l’évaluation du salaire futur de Thao, 3) le pourcentage de salaire que Dany aurait versé à ses parents, et 4) le montant des pertes non pécuniaires.
La juge a-t-elle erré, pour établir le salaire futur de Dany, en retenant le salaire moyen des informaticiens ayant une formation en science informatique au lieu du salaire maximal du groupe?
[84] Selon les intimées, la juge n’aurait pas dû retenir le salaire moyen des professionnels en informatique comme prémisse au calcul des dommages. Elle aurait plutôt dû retenir le salaire maximal, comme le proposait l’actuaire Carolyn Martel. Pour elles, l’absence de références relatives au comportement et aux performances de Dany en milieu de travail n’est pas nécessairement problématique.
[85] Le professeur Gardner, dans son ouvrage Le Préjudice corporel, explique les grands principes qui guident les tribunaux dans l’évaluation des pertes salariales futures. La situation d’un étudiant est particulière. Il s’agit d’une tâche difficile[52] :
2.4 Les grandes catégories de victimes
506 - Évaluation personnalisée. Si l'on veut respecter le principe d'une évaluation réellement compensatoire du préjudice, l'approche perte de revenus n'est pas plus acceptable que l'approche perte de capacité de gains comme méthode unique d'évaluation. D'une part, la situation de la victime au moment de l'accident est une donnée de base qui ne peut être négligée. En ce sens, une évaluation in abstracto de sa capacité de générer des revenus futurs doit être tempérée par certains facteurs qui influent sur cette capacité de gains : historique personnel de travail, contexte familial et socio-économique, etc. D'autre part, il faut éviter de figer l'évaluation des pertes salariales futures en ne retenant que les faits contemporains à la date de l'accident. On doit tenter d'établir les gains dont la victime a été privée (art. 1611 C.c.Q.) et non reproduire statiquement dans l'avenir la situation passée.
Devant cette tâche difficile, où on ne saura jamais si les prédictions du tribunal se sont révélées justes, il faut accepter que l'évaluation se fasse sur une base approximative, ce qui est différent d'une évaluation arbitraire. Pour plusieurs catégories de victimes, l'utilisation de moyennes constituera le meilleur moyen mis à la disposition des juges. […]
[…]
2.4.4 Étudiants
524 - Limite naturelle. Au sens premier, la catégorie des étudiants comprend toutes les personnes qui fréquentent une institution de niveau primaire, secondaire ou post-secondaire. En pratique cependant, une distinction est faite entre les étudiants du primaire et du secondaire d'une part, et les étudiants de niveau post-secondaire d'autre part. Dans ce dernier cas, l'avancement dans les études permet de déterminer avec plus de certitude la situation future de la victime sur le marché du travail. C'est pourquoi nous en faisons une catégorie particulière à l'intérieur de ce chapitre.
[…]
525 - Carrière prévisible. Il est évident que les chances de prédire correctement la carrière future de la victime augmentent au fur et à mesure de l'avancement de ses études. C'est ce qui s'est passé dans l'affaire Dugal, où la victime avait passé avec succès quatre des cinq examens nécessaires à l'obtention de son brevet de navigateur. Cela permit au tribunal de conclure que M. Dugal « se destinait sérieusement vers une carrière en navigation qui aurait rapidement fait de lui un capitaine en cabotage ». Le cas d'une finissante du Cégep, inscrite au baccalauréat en communications au moment de l'accident, a incité le juge O. Laflamme à évaluer ses revenus futurs sur la base du salaire d'un diplômé en communications de la Fonction publique du Québec. Il en est de même pour la victime qui allait terminer son cours de techniques policières, qui avait complété les deux tiers de son baccalauréat en biologie, qui était sur le point d'obtenir son brevet de pilote d'avion ou de passer l'examen de l'Ordre des comptables agréés. En revanche, une carrière de pilote de ligne apparaît trop éloignée pour être jugée suffisamment probable alors que la victime « venait de compléter son secondaire IV [et qu'] aucune démarche n'avait encore été faite pour s'inscrire à une école de pilotage ».
[…]
[Je souligne - Références omises]
[86] Je retiens que l’évaluation des pertes salariales futures doit être personnalisée. Lorsque la victime est étudiante, comme c’était le cas pour Dany, il faut déterminer quelle aurait été sa future carrière sur le marché du travail.
[87] En l’espèce, les experts des parties s’entendent sur la méthode de calcul appropriée, la date de l’actualisation, la table de mortalité applicable et la provision pour impôt. L’expert de l’appelante propose toutefois de retenir, pour Dany, le salaire moyen des professionnels en informatique pour calculer les dommages. Pour sa part, l’experte des intimées est d’avis que c’est le salaire maximal qui devrait être retenu.
[88] Les intimées font valoir que Dany était « un premier de classe ». Il était le meilleur de sa ville au Vietnam, à l’école secondaire, a obtenu un premier diplôme universitaire dans son pays natal à 21 ans et était parmi l’élite étudiante à l’Université Concordia. En outre, il était un membre invité du Golden Key International Honour Society. Bref, il se distinguait des autres étudiants et était promis à un brillant avenir professionnel.
[89] La juge était bien au fait des succès scolaires universitaires de Dany. Toutefois, elle estimait devoir tout de même utiliser le revenu moyen des professionnels en informatique et non le revenu maximal, et ce, parce qu’elle ignorait quels auraient été son comportement et ses performances en milieu de travail. Elle s’exprime ainsi[53] :
[50] Malgré les réussites académiques de Dany, le Tribunal n’a aucune référence sur son comportement en milieu de travail ni sur ses performances à ce niveau. L’emploi utilisé comme référence est approprié et correspond aux études de Dany, mais le Tribunal estime raisonnable d’utiliser le revenu moyen et non le revenu maximal aux fins de calcul.
[90] À mon avis, la juge ne commet aucune erreur en concluant ainsi. La preuve ne lui permettait pas de déterminer les performances professionnelles futures de Dany. Elle tire des inférences de la preuve et une cour d’appel doit faire preuve de déférence à cet égard en l’absence d’une erreur manifeste et déterminante, ce qui n’a pas été établi en l’espèce.
La juge a-t-elle erré en retenant comme base de calcul, pour établir le salaire futur de Thao, le salaire moyen d’une personne ayant sa formation universitaire au lieu de retenir son véritable revenu?
[91]
Les intimées soutiennent que la juge a commis une erreur en utilisant le
salaire moyen d’une personne ayant sa formation, plutôt que le revenu réel de
l’emploi qu’elle a choisi parce qu’il ne lui cause pas de stress. Elle a voulu
appliquer les mêmes standards d’évaluation que pour Dany alors que Thao
occupait un emploi au moment de l’accident. Selon les intimées, la juge ne
pouvait pas pénaliser Thao d’avoir privilégié sa qualité de vie plutôt qu’un
salaire plus élevé. Elles plaident la théorie des prédispositions (thin skull rule).
Selon elles, le principe de la minimisation des dommages ne trouve pas
application en l’espèce (art.
[92] Afin de bien comprendre le raisonnement de la juge quant à l’évaluation du salaire futur de Thao, il est utile de résumer brièvement la preuve à cet égard.
[93] De 2001 à 2009, Thao a étudié au Cégep, puis à l’Université McGill en biochimie. Elle a terminé son baccalauréat en 2005. Avant de s’inscrire à la maîtrise, elle a consacré une année au travail dans un laboratoire de l’université. En 2006 et 2007, elle a étudié à la maîtrise, toujours à l’Université McGill et a reçu une bourse de 18 000 $ par année. Elle a terminé ses études en 2009.
[94] Depuis juin 2010, Thao occupe un poste d’assistante de recherche à l’Hôpital Douglas pour lequel elle reçoit un salaire annuel de 38 500 $. Elle n’a pas cherché à trouver un emploi plus rémunérateur, car elle apprécie son emploi lequel ne lui cause pas de stress. Elle est aussi propriétaire d’un immeuble à revenus.
[95] Afin d’évaluer la perte de soutien financier futur de Thao, les experts ont retenu la méthode de la dépendance croisée (cross-dependancy approach)[54]. Le professeur Gardner souligne que cette approche « tient compte du fait que les revenus des deux conjoints servent à acquitter les charges de la maisonnée. »[55]. L’emploi de cette méthode fait en sorte que plus le revenu du conjoint survivant est élevé, plus la perte à compenser est réduite.
[96]
La juge a choisi d’évaluer le salaire de Thao sur la même base que celui
de Dany, c’est-à-dire selon le salaire moyen correspondant à l’échelle reconnue
pour le type d’emploi qu’elle pourrait occuper en fonction de sa formation
universitaire. Elle applique l’article
[60] De l'avis du Tribunal, il serait déraisonnable, dans l'évaluation du revenu familial potentiel de Dany et Thao, d'évaluer leur revenu selon deux poids, deux mesures. C'est-à-dire d'une part, avec le salaire moyen correspondant à l'échelle reconnue pour ce type d'emploi en fonction de la formation académique de Dany et, d'autre part, en faisant fi de la formation de Thao et en ne considérant que son historique de revenus.
[61] Il s'agit d'un cas
où l'article
[62] Tel que mentionné, c'est délibérément que Thao choisit d'occuper son emploi plutôt qu'un autre, et ce, sans aucune relation à une restriction physique ou d'autre nature. Elle est capable d'exécuter un emploi que sa formation lui permet d'occuper.
[63] Au même titre que pour Dany, l'échelle de salaire correspondant à la formation de Thao sera considérée, tel qu'estimé par l'expert Lemay : […]
[64] Notons les revenus de location d'un immeuble dont Thao est propriétaire à considérer, tout comme ils le sont dans le rapport de l'experte Martel aux fins d'évaluation de ses revenus.
[65] Par conséquent, les revenus de Thao retenus pour le calcul de la perte sont évalués à 84 710 $ pour l’année 2013 (incluant les revenus de location de son immeuble) avec les indexations applicables.
[Références omises - Accentué dans l’original]
[97] À mon avis, la juge n’a pas commis d’erreur en tranchant ainsi cette question. En effet, au moment du décès de Dany, Thao était étudiante à la maîtrise en bio-informatique à l’Université McGill. Elle avait complété sa première année d’étude à ce niveau et était âgée de 26 ans. Par la suite, elle a interrompu ses études pendant un an, mais les a complétées au cours de l’année 2008-2009, après le décès de Dany. La preuve indique par ailleurs que c’est un choix personnel de Thao d’occuper un emploi de moindre niveau que ce que lui permettrait sa formation. Elle explique celui-ci parce qu’elle privilégie sa qualité de vie et désire subir moins de stress. Aucune preuve ne démontre qu’elle souffre d’une condition physique ou psychologique qui l’empêche d’occuper un emploi plus rémunérateur.
[98] À mon avis, la théorie des prédispositions (thin skull rule) ne trouve pas application en l’espèce. Aucune preuve n’établit que Thao ne peut pas occuper un emploi du niveau des études supérieures qu’elle a réussies. D’ailleurs, elle en est au tout début de sa vie professionnelle et peut très bien trouver un emploi qui lui convient en bio-informatique dans un avenir rapproché. Comme le mentionne le professeur Gardner, « […] avant l’âge de 30 ans, la situation du travailleur n’est pas suffisamment fixée pour que sa rémunération pré-accident constitue la base unique d’évaluation. Les possibilités d’avancement et de réorientation de carrière jouent habituellement en sa faveur. »[57].
[99]
En l’espèce, ce n’est pas à l’appelante à supporter le préjudice
entraîné par le choix de Thao d’occuper un emploi moins rémunérateur que celui
qu’elle pourrait obtenir (art.
[100] La juge a apprécié la preuve et elle a retenu que, tant pour Dany que pour Thao, le salaire futur devait être calculé sur le salaire moyen correspondant à l’échelle reconnue pour ce type d’emploi en fonction de la formation. Je n’y vois aucune erreur révisable.
La juge de première instance a-t-elle erré en établissant à 10 % la proportion du salaire que Dany aurait versée comme support à ses parents?
[101] Les parents de Dany, Van Sau et Phuong, invoquent une coutume vietnamienne pour réclamer des dommages pour perte de soutien futur. Ils soutiennent qu’au Vietnam, les enfants soutiennent leurs parents jusqu’à leur décès.
[102] La juge retient cette preuve et conclut que Dany aurait fourni un soutien financier à ses parents. Elle était toutefois en présence d’une preuve contradictoire en ce qui concerne le pourcentage des revenus qui est envoyé aux parents. Selon les intimées, il s’agit de 40 à 50 % alors que l’appelante a déposé une étude qui indique que c’est plutôt 10 %. La juge retient 10 % et s’en explique ainsi[58] :
[76] Tel que soulevé par le procureur de la défense, ce document est le seul élément de preuve désintéressé établissant cette coutume vietnamienne. En fait, le contenu de ce document confirme les propos de Thao et Phuong, mais diffère quant au pourcentage des revenus versé aux parents.
[77] Les statistiques montrent que les femmes vietnamiennes envoient à leurs parents 17 % du revenu familial annuel, alors que les hommes n’enverraient que 10 %.
[78] Le Tribunal n'a pas une connaissance d’office de la coutume vietnamienne invoquée, mais considère que les témoignages de Thao et de Phuong, combinés à l'étude produite, sont des éléments de preuve suffisants pour soutenir l'existence de cette coutume.
[79] De plus, les moyens financiers de Phuong et de Van Sau, âgés respectivement de 48 et 52 ans au moment du décès de leur fils, étant limités, il est raisonnable de croire que Dany aurait subvenu à leur besoin en conformité avec la coutume vietnamienne.
[80] Quant au pourcentage des revenus qu'il aurait versé à sa famille, le Tribunal retient la valeur de 10 %, validée par les statistiques pour une proportion de 5 % pour chaque parent.
[Je souligne - Références omises - Accentué dans l’original]
[103] Dans cette appréciation de la preuve, la juge a fait un choix. Elle a préféré une preuve indépendante, déposée par l’expert de l’appelante. Les intimées n’ont pas établi qu’elle a commis une erreur manifeste et déterminante en décidant ainsi.
Au chapitre des pertes non pécuniaires, la juge a-t-elle erré en étant trop modérée dans les montants alloués?
[104] La juge a accordé 70 000 $ en pertes non pécuniaires à Thao et Phuong, la mère de Dany, alors qu’elles réclamaient 125 000 $ chacune. Van Sau, son père, qui demandait 60 000 $ à ce poste, a reçu 10 000 $. Quant à Dany, la juge a évalué à 4 000 $ le montant qui devait être attribué à cet égard, plutôt qu’à 15 000 $, montant de la réclamation.
[105] Les intimées estiment que les montants accordés par la juge sont insuffisants. Plus particulièrement en ce qui concerne Van Sau, elles soulignent qu’il a éprouvé beaucoup de peine au décès de son fils qui demeurait avec lui au Vietnam jusqu’à son déménagement à Montréal pour poursuivre ses études, en 2005. Il est décédé en 2012 et n’aura jamais pu profiter des sommes d’argent que lui aurait versées son fils, de 2008 à 2012, en raison de la faute de l’appelante. Quant à Phuong, elle a quitté le Vietnam pour venir rejoindre son fils unique à Montréal.
[106] Dany, pour sa part, a vécu une grande angoisse durant les longues minutes où il a été immobilisé dans la rivière sans pouvoir recevoir d’aide.
[107] Il est utile de résumer la preuve qui a été présentée à la juge afin de soutenir les réclamations pour pertes non pécuniaires puisque la nature et la qualité des relations qui unissaient Dany à sa famille sont des facteurs à considérer dans la fixation de l’indemnité relative au solatium doloris.
[108] Dany et son père, Van Sau, entretenaient des liens étroits. Dany a longtemps été le fils unique de son père, jusqu’à ce que ce dernier ait un deuxième enfant avec sa nouvelle épouse en 2010. Lorsqu’il demeurait encore au Vietnam, Dany était très proche de son père. En 2005, il est venu s’installer au Canada et ne l’a revu qu’une seule fois avant son décès, soit lorsqu’il est retourné au Vietnam pour se fiancer. Néanmoins, il communiquait souvent avec lui par courrier électronique et par téléphone.
[109] Avant le décès de Dany, Van Sau était confronté à différents problèmes de santé, dont l’alcoolisme. Après le décès de son fils, ses problèmes se sont aggravés. Il pleurait beaucoup et ne mangeait plus. Van Sau est décédé d’un cancer de la vésicule biliaire en 2012.
[110] La mère de Dany, Phuong, entretenait aussi une belle relation avec son fils. C’était son unique enfant et ils étaient très proches. Ils se parlaient au téléphone et se visitaient de deux à trois fois par semaine.
[111] Lorsqu’elle a appris le décès de son fils, Phuong a « perdu conscience de la réalité ». Elle ne voulait plus vivre. Depuis 2010, elle demeure dans un temple bouddhiste, ce qui lui permet de mieux supporter la douleur liée à la perte de Dany. Elle est sans emploi.
[112] Thao, quant à elle, a affirmé qu’elle a vécu la période la plus noire de son existence lorsqu’elle a réalisé que son fiancé était décédé. Dans les trois mois suivant l’accident, elle n’arrivait pas à dormir et avait mal à la poitrine. Pendant l’année qui a suivi, elle a laissé les affaires de Dany à leur endroit habituel. Elle a ensuite décidé de déménager et a repris ses études. Elle a terminé sa maîtrise en 2009 plutôt qu’en 2008, comme cela était initialement prévu, en raison de problèmes de concentration liés au décès de Dany.
[113] Enfin, il faut noter que sept ou huit minutes se sont écoulées entre la chute de Dany et son décès. Pendant ce temps, il était conscient et montrait des signes de panique.
* * *
[114] Au Canada, les dommages pour pertes non pécuniaires sont plafonnés depuis la trilogie de 1978[59]. En 2008, la limite était de 311 600 $[60].
[115] Depuis l’arrêt Augustus c. Gosset[61], l’indemnisation pour le préjudice psychologique résultant du décès d’un proche est acceptée en droit civil québécois. Il est toutefois difficile à évaluer. La Cour suprême soulignait d’ailleurs, dans l’arrêt Andrews, que « [l]’évaluation monétaire des pertes non pécuniaires est plus un exercice philosophique et social qu’un exercice juridique ou logique »[62].
[116] La Cour suprême indique cependant certains critères pouvant guider les tribunaux à cet égard[63] :
50 Ces deux extraits mettent particulièrement en évidence les objectifs apparemment contradictoires de la délicate fonction des tribunaux en matière d’évaluation du préjudice moral découlant du décès d’un être cher: l’indemnisation intégrale de la douleur morale unique à une personne d’une part et, de l’autre, l’appréciation de chaque cas dans une perspective plus vaste afin d’assurer, notamment, une certaine mesure entre les dommages moraux accordés dans différents contextes. Cet exercice étant assujetti, dans tous les cas, aux circonstances particulières de l’espèce, les tribunaux devraient considérer notamment les critères suivants: les circonstances du décès, l’âge de la victime et du parent, la nature et la qualité de la relation entre la victime et le parent, la personnalité du parent et sa capacité à gérer les conséquences émotives du décès, l’effet du décès sur la vie du parent à la lumière, entre autres, de la présence d’autres enfants ou de la possibilité d’en avoir d’autres. Puisque la compensation monétaire, quelle qu’elle soit, n’atténuera pas la douleur du parent, le chiffre sera nécessairement arbitraire dans une grande mesure.
[Je souligne]
[117] Dans l’arrêt de Montigny c. Brossard (Succession), elle indique une fourchette des indemnités qui sont généralement accordées pour la perte d’un enfant majeur[64] :
[32] Une étude de la jurisprudence québécoise postérieure à l’arrêt Augustus démontre que cet appel à la modération et à la prévisibilité a été relativement bien entendu, même si l’approche basée sur la considération de toutes les circonstances de l’espèce suppose nécessairement une certaine variabilité des quantums accordés. Dans son ouvrage, aux p. 668 à 671, le professeur Gardner recense les indemnités octroyées de 1997 à 2009 pour les pertes non pécuniaires résultant d’un décès. Cette étude démontre que les montants octroyés en première instance par le juge Trudel se situent bien à l’intérieur de la fourchette des indemnités acceptables en la matière. Cette fourchette s’étend (en valeur de 2009), dans le cas d’un parent pour la perte de son enfant âgé de 18 à 34 ans, de 12 400 $ à 79 700 $ et, dans le cas d’un frère ou d’une sœur, de 5 800 $ à 34 200 $. Quant au grand-parent ou à l’oncle ou la tante d’un enfant âgé de moins de 18 ans, le jugement dont appel fait en lui-même figure de précédent, puisque le professeur Gardner ne recense aucun cas similaire. Selon ces données, les indemnités accordées en l’espèce semblent raisonnables, et ce, même si les niveaux d’indemnisation de ce type de préjudice demeurent modérés.
[Je souligne]
[118] Dans cette affaire, une indemnité de 30 000 $ avait été accordée à Marcel de Montigny pour la perte de sa fille assassinée par son conjoint. La Cour suprême rappelle aussi, dans cet arrêt, la norme d’intervention en cette matière[65] :
[36] En l’absence d’erreur manifeste et dominante, j’estime donc qu’il n’y a pas lieu pour notre Cour d’intervenir afin de modifier les sommes accordées aux appelants en compensation du préjudice moral qu’ils ont subi en raison des actes de Martin Brossard. Si ces sommes peuvent sembler relativement faibles par rapport aux circonstances tragiques ayant mené à leur octroi, il convient de rappeler que l’exercice de quantification de ce type de préjudice, pour le transformer en une valeur pécuniaire abstraite, demeure guidé par la preuve soumise et encadré par la pratique jurisprudentielle en la matière. Comme l’a rappelé le juge Pelletier de la Cour d’appel, un juge d’appel ne peut modifier une somme accordée à ce titre en première instance pour la simple raison qu’il aurait lui-même octroyé une somme plus élevée. Malgré toute la sympathie que l’on puisse éprouver pour la famille de Montigny, les règles de droit applicables exigent que soit rejeté ce premier moyen d’appel.
[119] À mon avis, la juge n’a pas commis d’erreur révisable dans la fixation des indemnités accordées tant à Thao qu’aux parents de Dany. Comme elle s’exprime elle-même, « [i]l est difficile de mettre un chiffre sur la douleur et la peine qui accompagnent la perte d’un proche […] »[66].
[120] En ce qui concerne Dany, les auteurs Baudouin, Deslauriers et Moore écrivent à ce sujet que « [l]es sommes accordées varient généralement entre 5 000 $ et 20 000 $, la somme la plus élevée ayant été accordée étant de 50 000 $ »[67]. Par exemple, dans la décision Tremblay c. Kyzen inc.[68], confirmée par notre Cour[69], les parents d’Alexandre Tremblay ont reçu 10 000 $ pour les douleurs et souffrances que ce dernier a subies avant sa mort. Il est décédé à l’hôpital quelques heures après avoir été écrasé sous une pièce de machinerie pesant au moins 5 000 livres[70].
[121] Bien que la somme de 4 000 $ puisse paraître peu dans les circonstances, je suis d’avis qu’il n’y a pas lieu d’intervenir. Tel que l’a rappelé la Cour suprême dans l’arrêt de Montigny[71], en l’absence d’erreur manifeste et dominante, il ne doit pas y avoir d’intervention pour la simple raison qu’un juge d’appel aurait octroyé un montant différent. Encore ici, attribuer une valeur abstraite à la souffrance de Dany lors de ses derniers moments de vie est un exercice difficile et la juge n’a pas commis d’erreur révisable à cet égard.
[122] Pour ces motifs, je propose de rejeter l’appel principal et l’appel incident, avec dépens.
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JULIE DUTIL, J.C.A. |
[1]
Nguyen (Succession de) c. Site touristique Chute à l'ours de Normandin
inc.,
[2]
Nguyen c. Site touristique Chute à l'ours de Normandin inc.,
[3] Jugement frappé d’appel (responsabilité), supra, note 1, paragr. 4-8.
[4]
Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc.,
[5]
Évaluation Val Beq inc. c. Digico Réseau global inc.,
[6]
[2002] 2 R.C.S. 235,
[7] Ibid., paragr. 10. Voir aussi St-Jean c. Mercier, supra, note 4, paragr. 104.
[8]
Housen c. Nikolaisen, supra, note 6, paragr. 159. Voir aussi
pour l’établissement d’un lien de causalité : St-Jean c. Mercier, supra,
note 4, paragr. 98 et 104; Clements c. Clements,
[9]
Stations de la Vallée de St-Sauveur inc. c. M.A.,
[10]
Banque de Montréal c. Bail Ltée,
[11] Jugement frappé d’appel (responsabilité), supra, note 1, paragr. 29-31.
[12] La brochure indique, notamment : « Le site de la Chute à l’Ours est aménagé le long de la rivière Ashuapmushuan », « Pêche à la ouananiche, doré et brochet ».
[13]
[14] Ibid., paragr. 18.
[15] Jugement frappé d’appel (responsabilité), supra, note 1, paragr. 44-49.
[16] Gagnon c. Bélanger, C.S. Montmagny, no 300-05-000067-911, 19 juin 1996, j. Rioux.
[17] Ibid., p. 11.
[18] Jugement frappé d’appel (responsabilité), supra, note 1, paragr. 60.
[19] Ibid., paragr. 52-63 et 69-70.
[20] Jean-Louis Baudouin, Patrice Deslauriers et Benoît Moore, La responsabilité civile, 8e éd., vol. 1, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2014, no 1-186, p. 178 et 179.
[21]
Ibid., no 1-57, p. 43 et 44, citant notamment, à propos
d’un accident de ski, M.A. c. Stations de la vallée de St-Sauveur inc.,
[22] Jugement frappé d’appel (responsabilité), supra, note 1, paragr. 41.
[23]
[2007] R.R.A. 867,
[24] Ibid., paragr. 25.
[25] Ibid., paragr. 25 et 28.
[26] Jugement frappé d’appel (responsabilité), supra, note 1, paragr. 52.
[27] Ibid., paragr. 70.
[28] Ibid., paragr. 72-75.
[29] J.-L. Baudouin, P. Deslauriers et B. Moore, supra, note 20, no 1-683, p. 720.
[30] Jugement frappé d’appel (responsabilité), supra, note 1, paragr. 70 et 72.
[31]
J.-L. Baudouin, P. Deslauriers et B. Moore, supra, note 20, no
1-691 et 1-692, p. 727 et 728. Voir aussi Ediger c. Johnston, supra,
note 8, paragr. 28; Clements c. Clements, supra, note 8, paragr. 8-16
; Athey c. Leonati,
[32]
EYB 2014-236514 (C.S.),
[33] Ibid., paragr. 76.
[34] Ibid., paragr. 78.
[35] Joly c. Salaberry-de-Valleyfield (Ville de), supra, note 23, paragr. 38.
[36] Ibid., paragr. 40.
[37] J.-L. Baudouin, P. Deslauriers et B. Moore, supra, note 20.
[38] Joly c. Salaberry-de-Valleyfield (Ville de), supra, note 23, paragr. 29.
[39] Sloutsky c. Régie intermunicipale du Parc régional de la Rivière-du-Nord, supra, note 32, paragr. 73 et 74.
[40] Jugement frappé d’appel (responsabilité), supra, note 1, paragr. 35 et 36.
[41] Joly c. Salaberry-de-Valleyfield (Ville de), supra, note 23, paragr. 31.
[42] Jugement frappé d’appel (dommages), supra, note 2, paragr. 52-65.
[43] Ibid., paragr. 66-80.
[44] Il faut noter que Van Sau est décédé le 13 novembre 2012 : voir jugement frappé d’appel (dommages), Ibid., paragr. 81 et 82.
[45] Ibid., paragr. 82 et 83.
[46] Ibid., paragr. 85-88.
[47] Ibid., paragr. 99-129.
[48] Ibid., paragr. 104-108.
[49] Ibid., paragr. 109-112.
[50] Ibid., paragr. 113-124.
[51] Ibid., paragr. 125-129.
[52]
Daniel Gardner,
[53] Jugement frappé d’appel (dommages), supra, note 2, paragr. 50.
[54] Ibid., paragr. 52. Relativement à la méthode de la dépendance croisée, voir les explications du professeur Gardner : D. Gardner, supra, note 52, no 623, p. 579.
[55] D. Gardner, Ibid., no 624, p. 581; La juge d’instance réfère également à Daniel W. Payette, « Décès du conjoint et perte de soutien financier : pour sortir de l'impressionnisme », dans Service de la formation continue, Barreau du Québec, Tendances en droit de la santé, vol. 287, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008 (voir les pages 4, 14 et 23).
[56] Jugement frappé d’appel (dommages), supra, note 2, paragr. 60-65.
[57] D. Gardner, supra, note 52, no 508, p. 489.
[58] Jugement frappé d’appel (dommages), supra, note 2, paragr. 76-80.
[59]
Andrews c. Grand Toy Alberta Ltd.,
[60] D. Gardner, supra, note 52, no 397, p. 383.
[61] [1996] 3 R.C.S. 268.
[62] Andrews c. Grand Toy Alberta Ltd., supra, note 59, 261.
[63] Augustus c. Gosset, supra, note 61, paragr. 50.
[64] Supra, note 8, paragr. 32.
[65] Ibid., paragr. 36.
[66] Jugement frappé d’appel (dommages), supra, note 2, paragr. 108.
[67] J.-L. Baudouin, P. Deslauriers et B. Moore, supra, note 20, no 1-525, p. 545. Voir aussi Jocelyn Aucoin, « Chronique - Les indemnités en cas de décès : quantifier l’inquantifiable », dans Repères, mai 2012, La Référence Droit civil, EYB2012REP1186.
[68] J.E. 2006-2104, 2006 QCCS 3275.
[69] Kysen inc. c. Tremblay,
[70] Tremblay c. Kyzen inc., supra, note 68, paragr. 3, 42, 205-208.
[71] de Montigny c. Brossard (Succession), supra, note 8.
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