Leggettwood St-Nicola et Nadeau |
2007 QCCLP 3694 |
______________________________________________________________________
______________________________________________________________________
[1] Le 8 février 2007, Leggettwood St-Nicolas (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) à la suite d’une révision administrative le 1er février 2007.
[2] Par cette décision, la CSST confirme une décision qu’elle a initialement rendue le 4 décembre 2006 à l’effet que l’assignation temporaire de monsieur François Nadeau (le travailleur) n’était pas conforme aux prescriptions de l’article 179 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001) (la loi) et que ce dernier n’était pas tenu d’accomplir l’assignation proposée par son employeur.
[3] Les parties sont présentes et représentées à l’audience tenue par la Commission des lésions professionnelles à Lévis le 19 juin 2007.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] L’employeur ainsi que le travailleur demandent à la Commission des lésions professionnelles de statuer sur la question en litige, et ce, à la lumière des faits qu’ils ont admis à l’audience.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Suivant la teneur des faits admis par les parties à l’audience, il appert que les renseignements qu’ils ont fournis respectivement à la CSST concernant l’assignation temporaire proposée au travailleur étaient incomplets, voire inexacts. Il appert des faits établis en l’instance que le travailleur était raisonnablement en mesure d’accomplir le travail en cause. Ce dernier ne présentait pas de danger pour sa santé, sa sécurité et son intégrité physique compte tenu de sa lésion professionnelle. Ce travail était également favorable à la réadaptation du travailleur. Il s’agissait par conséquent d’une assignation temporaire conforme à la loi. Le travailleur ayant dûment contesté cette assignation à l’époque, il n’était pas tenu de l’accomplir avant qu’elle ait été confirmée par la présente décision finale rendue par la Commission des lésions professionnelles.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[6] La Commission des lésions professionnelles doit décider du bien-fondé de la décision en litige par laquelle la CSST déclare que l’assignation temporaire proposée par l’employeur n’était pas conforme à la loi et que le travailleur n’était pas tenu de l’accomplir.
[7] L’article 179 de la loi stipule ce qui suit :
179. L'employeur d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle peut assigner temporairement un travail à ce dernier, en attendant qu'il redevienne capable d'exercer son emploi ou devienne capable d'exercer un emploi convenable, même si sa lésion n'est pas consolidée, si le médecin qui a charge du travailleur croit que:
1° le travailleur est raisonnablement en mesure d'accomplir ce travail;
2° ce travail ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion; et
3° ce travail est favorable à la réadaptation du travailleur.
Si le travailleur n'est pas d'accord avec le médecin, il peut se prévaloir de la procédure prévue par les articles 37 à 37.3 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1), mais dans ce cas, il n'est pas tenu de faire le travail que lui assigne son employeur tant que le rapport du médecin n'est pas confirmé par une décision finale.
__________
1985, c. 6, a. 179.
[8] L’historique du dossier et des circonstances qui ont donné lieu au présent litige sont déjà résumés en ces termes dans le cadre de la décision dont la Commission des lésions professionnelles est saisie :
(…)
Des éléments au dossier, la Révision administrative retient que monsieur Nadeau a été victime d’un accident du travail le 18 août 2006 qui a entraîné une blessure aux 3e et 4e doigts de la main droite, de même qu’une lacération des tendons des extenseurs. La Révision administrative doit ensuite retenir que monsieur Nadeau a aussi été victime d’un autre accident du travail le 12 octobre 2006, événement qui a entraîné une coupure à la main droite, blessure survenue alors qu’il occupait des tâches qui lui ont été présentées dans le cadre d’une assignation temporaire.
Le 10 novembre 2006, le médecin traitant du travailleur, docteur Yves Angers, conclut en ce qui touche l’assignation temporaire telle qu’elle lui a été présentée : que le travailleur est raisonnablement en mesure d’accomplir ce travail; que ce travail ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion; et que ce travail est favorable à la réadaptation du travailleur.
Les tâches visées par cette assignation temporaire sont décrites comme : « peinturer de la machinerie industrielle au pinceau - debout avec une main; peinturer des bouts de paquets avec un fusil à air - debout avec une main; collecter des données pour temps d’arrêt - debout ou assis avec un crayon (une main); classement de papiers/dossiers au séchoir - debout ou assis. »
L’article 179 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles précise que l’employeur d’un travailleur victime d’une lésion professionnelle peut assigner temporairement un travail à ce dernier, en attendant qu’il redevienne capable d’exercer son emploi ou devienne capable d’exercer un emploi convenable, même si sa lésion n’est pas consolidée, si le médecin qui a charge du travailleur croit que : le travailleur est raisonnablement en mesure d’accomplir ce travail; ce travail ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion; et ce travail est favorable à la réadaptation du travailleur. Le troisième alinéa précise ensuite que si le travailleur n’est pas d’accord avec le médecin, il peut se prévaloir de la procédure prévue par les articles 37 à 37.3 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1), mais dans ce cas, il n’est pas tenu de faire le travail que lui assigne son employeur tant que le rapport du médecin n’est pas confirmé par une décision finale.
L’article 37 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) précise que si le travailleur croit qu’il n’est pas raisonnablement en mesure d’accomplir les tâches auxquelles il est affecté par l’employeur, il peut demander au comité de santé et de sécurité, ou à défaut de comité, au représentant à la prévention et à l’employeur d’examiner et de décider la question en consultation avec le médecin responsable des services de santé de l’établissement ou, à défaut de médecin responsable, avec le directeur de la santé publique de la région où se trouve l’établissement. L’article 37.1 LSST précise par ailleurs qu’une personne qui se croit lésée par une décision rendue en vertu de l’article 37 peut, dans les 10 jours de sa notification, en demander la révision par la Commission conformément aux articles 358.1 à 358.5 de la LATMP.
Dans une lettre du 21 novembre 2006, le travailleur conteste l’assignation temporaire qui lui a été présentée par son employeur. Il prétend que ce travail est inutile, puisque les temps d’arrêt qu’il doit mesurer sont déjà contrôlés par une machine et que les travaux de peinture ne l’ont occupé qu’environ 1 heure sur une période de 3 semaines. C’est suite à cette contestation que la Commission a rendu la décision qui fait l’objet du présent litige, soit celle du 4 décembre 2006.
La Révision administrative doit retenir des éléments au dossier, plus particulièrement les notes évolutives du 4 décembre 2006, que l’employeur a modifié l’assignation temporaire du travailleur pour n’affecter celui-ci qu’à la collecte de données, lui enlevant les tâches de repeindre les équipements. Ces tâches de peinture étaient demandées au travailleur sans qu’il n’ait reçu de formation ni de support, et il apparaît au dossier que tant l’employeur que le travailleur en étaient insatisfaits. La Révision administrative doit en conclure que les commentaires du travailleur à l’effet que les tâches de peintures ne l’occupaient que quelques heures par semaine étaient fondées.
Des informations au dossier, la Révision administrative retient ensuite que monsieur Nadeau a eu à effectuer des mesures des temps d’arrêt sans avoir en main l’équipement requis pour mener à bien une telle tâche, soit qu’il n’avait pas de chronomètre, et qu’à cause de ce manque d’équipement il n’a pu compléter ce travail.
La Révision administrative doit par ailleurs constater que rien au dossier ne permet de conclure que les tâches présentées à monsieur Nadeau constituent un danger pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion. En effet, rien au dossier ne démontre que le travailleur pouvait aggraver sa blessure, ou s’en infliger une nouvelle par le fait des tâches qui lui ont été présentées.
Toutefois, la Révision administrative estime que les éléments au dossier permettent de conclure que monsieur Nadeau ne pouvait effectuer la tâche de mesurer les temps d’arrêt puisqu’il n’avait pas l’équipement requis pour le faire.
La Révision administrative doit conclure que les tâches offertes en assignation temporaire à monsieur Nadeau telles que présentées au dossier ne peuvent être considérées comme étant favorables à sa réadaptation. D’une part, les tâches de peinture ne permettaient d’occuper le travailleur que quelques heures par semaine, il ne peut ainsi s’agir d’activités pouvant être considérées comme productives qui concourent directement aux fins de l’entreprise et qui font partie des activités normales de l’entreprise. Il ne peut s’agir d’un « vrai travail ». En ce qui touche la mesure des temps d’arrêt, la Révision administrative doit retenir la même conclusion. Il apparaît au dossier que ces mesures ne se prennent pas de façon régulière, qu’il s’agit d’une partie de la tâche du contremaître, et que ce n’est pas là une tâche qui peut occuper le travailleur de façon régulière.
En conséquence, la Révision administrative confirme la décision du 4 décembre 2006, déclare que l’assignation temporaire présentée au travailleur le 10 novembre 2006 n’est pas conforme aux exigences de l’article 179 de la loi, déclare que le travailleur n’est pas raisonnablement en mesure d’accomplir le travail proposé dans le cadre de l’assignation temporaire en cause, que ce travail est sans danger pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique du travailleur, déclare que monsieur François Nadeau n’était pas tenu d’accomplir l’assignation temporaire proposée par son employeur à compter du 10 novembre 2006.
(…)
[9] La preuve documentaire révèle, en outre, que les médecins ayant charge du travailleur ont autorisé l’assignation temporaire de ce dernier à différents postes incluant la collecte des données pour les temps d’arrêt dans le cadre de sa première lésion professionnelle, soit à compter du 29 septembre 2006.
[10] À la suite d’une autre lésion professionnelle qu’a subie le travailleur le 12 octobre 2006, une assignation temporaire a de nouveau été autorisée par les médecins du travailleur et accomplie par ce dernier entre le 16 octobre 2006 et le 21 novembre 2006. À cette dernière date, le travailleur a cessé l’assignation qu’il a contestée le jour même.
[11] À l’audience, le tribunal prend acte des admissions de faits suivantes de la part des parties présentes et représentées à cette occasion.
[12] Les parties reconnaissent que le travailleur a valablement contesté, en toute bonne foi, son assignation temporaire auprès de la CSST le 21 novembre 2006, et ce, à la suite d’un imbroglio survenu lors de l’analyse de la question par le comité de santé et de sécurité de l’entreprise.
[13] La principale tâche à laquelle le travailleur a été assigné temporairement par l’employeur à compter du 16 octobre 2006 consistait en la prise des temps d’arrêt aux planeurs et au plan de lattage à raison de demi-journées les trois premières semaines (vu les traitements de physiothérapie en cours) et à temps plein par la suite.
[14] Les informations obtenues par la CSST de la part des parties concernant cette assignation temporaire étaient incomplètes, voire inexactes.
[15] Ce sont non seulement les contremaîtres mais aussi les travailleurs en poste, incluant ceux en assignation temporaire, qui procèdent quotidiennement sur les quarts de travail de jour et de soir à la prise des temps d’arrêt depuis de nombreuses années. Il ne s’agit pas d’une tâche automatisée.
[16] Cette tâche s’inscrit dans le cours des opérations régulières de l’entreprise afin d’apporter immédiatement les correctifs requis de manière à optimiser la production et permettre à l’entreprise de demeurer concurrente sur le marché.
[17] Les équipements requis pour l’accomplissement de cette tâche sont disponibles aux fins d’être utilisés par les travailleurs qui y sont assignés.
[18] À la lumière des faits précités qu’ont admis les parties à l’audience et qui diffèrent de ceux invoqués à la CSST, la Commission des lésions professionnelles se doit de conclure à la conformité de l’assignation temporaire qui était proposée au travailleur et autorisée par ses médecins à compter du 16 octobre 2006.
[19] Le travailleur était raisonnablement en mesure d’accomplir le travail proposé par l’employeur considérant la disponibilité de l’équipement requis à cette fin. L’assignation en cause ne comportait pas de danger pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion professionnelle. Cette assignation était favorable à sa réadaptation. Il appert désormais que la principale tâche à laquelle le travailleur était affecté de façon régulière, soit la prise des temps d’arrêt, était à la fois concrète et utile à la production de l’entreprise. Cette activité productive était exercée par différents travailleurs depuis plusieurs années. Cette tâche permettait au travailleur de garder le contact avec son milieu de travail et de conserver ses habitudes de travail. Dès lors, les prescriptions de l’article 179 de la loi étaient rencontrées.
[20] Comme le précise le dernier alinéa de l’article 179 de la loi, le travailleur n’était toutefois pas tenu d’accomplir l’assignation temporaire qu’il avait dûment contestée par le biais de la procédure prévue à cette fin, et ce, jusqu’à la présente décision finale statuant sur la conformité de cette assignation.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE en partie la requête de Leggettwood St-Nicolas (l’employeur);
MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) à la suite d’une révision administrative le 1er février 2007;
DÉCLARE que l’assignation temporaire proposée à monsieur François Nadeau (le travailleur) était conforme aux prescriptions de l’article 179 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001) (la loi).
DÉCLARE que le travailleur n’était toutefois pas tenu d’accomplir le travail que lui proposait son employeur dans le cadre de l’assignation temporaire qu’il a dûment contestée, et ce, jusqu’à la présente décision finale confirmant cette assignation.
|
|
|
Geneviève Marquis |
|
Commissaire |
|
|
|
|
Me Annie Parent |
|
OGILVY RENAULT |
|
Représentante de la partie requérante |
|
|
|
|
|
M. Robert Després |
|
T.C.A. (local 1044) |
|
Représentant de la partie intéressée |
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.