Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Laurentides

Montréal, le 29 septembre 2000

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

130142-64-0001

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Me Lucie Couture

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Jean E. Boulais

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Claudette Lacelle

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DE L'ASSESSEUR :

Docteur Bernard Gascon

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

112774443

AUDIENCE TENUE LE :

26 juillet 2000

 

 

 

 

EN DÉLIBÉRÉ LE :

18 septembre 2000

 

 

 

 

 

 

À :

Saint-Antoine

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CLAUDE DUROCHER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

TRANSPORT CABANO-KINGSWAY INC.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 17 janvier 2000, monsieur Claude Durocher, le travailleur, dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle, il conteste la décision rendue le 12 janvier 2000, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, (la CSST), à la suite d'une révision administrative.

[2]               Par cette décision, la CSST confirme celle qu'elle a rendue initialement le 2 juillet 1999 (sic) et conclut qu'il n'y a pas lieu de reconsidérer la décision rendue antérieurement le 10 mai 1999.  Il faut préciser que la décision de la CSST, rendue en juillet 1999, est datée du 9 juillet 1999 et non du 2 juillet 1999.  Cette décision avait pour effet également de confirmer que le travailleur n’avait pas été victime d’une récidive, rechute ou aggravation, le 19 avril 1999, et qu’il devait, par conséquent, rembourser la somme correspondant aux 14 premiers jours.

[3]               Les parties sont présentes à l'audience du 26 juillet 2000 et représentées.

[4]               Lors de l’audience, un délai supplémentaire a été laissé aux parties pour produire un complément de preuve.  Ces documents ont été reçus par la Commission des lésions professionnelles.  Par la suite, la Commission des lésions professionnelles a requis des parties qu'elles produisent un complément d'argumentation.  La Commission des lésions professionnelles a reçu les derniers documents le 18 septembre 2000, date à laquelle, la requête a été prise en délibéré.

L'OBJET DE LA CONTESTATION

[5]               Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d'infirmer la décision du 12 janvier 2000 et de déclarer qu'il a subi, le 19 avril 1999, une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle du 18 mars 1997 et qu’il a droit aux indemnités prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1]  (la loi).

LES FAITS

[6]               Le 18 mars 1997, le travailleur a subi une lésion professionnelle, s'infligeant une contusion à l'épaule gauche, lorsque son camion remorque a heurté un banc de neige.  Cette réclamation est acceptée par la CSST.  Le 24 mars 1997, le travailleur consulte le docteur Blaizel.  Les notes de consultation de cette visite font état d’un examen neurologique normal.  Cependant, le médecin rapporte toutefois des ecchymoses au bras droit et au menton. Il mentionne que le travailleur avait été mis en arrêt de travail, le 18 mars 1997, à la suite d’une visite à l’urgence de l’hôpital de Chicoutimi avec un retour au travail, le 24 mars 1997.  Le travailleur reprend le travail.

[7]               Les notes de consultation du docteur P.A. Bossé, de la clinique de Ste-Thérèse, datées du 12 janvier 1998, mentionnent des problèmes aux deux épaules, mais plus importants à droite depuis trois mois.  Il mentionne, comme antécédent, l’accident de camion en 1997.  À l’examen, il rapporte une sensibilité à la face antérieure de l’épaule, à la coiffe des rotateurs.  Le travailleur est dirigé au docteur Lamarre qui, le même jour, pose un diagnostic de tendinite de l'épaule droite avec légère périarthrite ankylosante.  Ce médecin rapporte que, depuis l'accident de mars 1997, le travailleur présente des douleurs au niveau des deux épaules.  Lors de cette visite, la douleur est plus marquée à droite.  Il constate une tendinite sans faiblesse en rotation interne et sans signe de rupture de la coiffe des rotateurs.  Il revoit ce médecin, les 23 février 1998 et 20 avril 1998.  Lors de cette dernière visite, le docteur Lamarre indique que le travailleur continue à présenter des douleurs dans son épaule droite.  Il note des frottements au niveau de l'épaule droite.

[8]               Le 16 juin 1998, une arthrographie a démontré une déchirure de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite.  Le 3 août 1998, les notes du docteur Lamarre mentionnent que le travailleur a continué de présenter des problèmes chroniques dans son épaule droite, que l'arthrographie est positive, mais que le travailleur n'est pas assez incommodé pour subir une intervention immédiatement.

[9]               Le travailleur consulte de nouveau le docteur Blaizel, le 26 janvier 1999, relativement à des douleurs aux deux épaules et aux deux membres supérieurs, mais plus importantes à droite.  Ce dernier rapporte que les radiographies avec infiltration ont démontré une déchirure de la coiffe des rotateurs pour laquelle, il dirige le travailleur en orthopédie.

[10]           Les notes de consultation du Dr Cojocaru, chirurgien orthopédiste, datées du 25 mars 1999, rapportent des douleurs à l’épaule droite depuis 1998.  Le médecin mentionne que les résultats d’examen antérieurs ont démontré une déchirure de la coiffe des rotateurs.  Malgré les traitements, la douleur est demeurée la même.  Il suggère une acromioplastie et une réparation de la coiffe des rotateurs.  Il procède à une infiltration et demande l’admission du travailleur. 

[11]           Le 19 avril 1999, le travailleur a subi une acromioplastie de l'épaule droite et une réparation de la coiffe des rotateurs.

[12]           Le 28 avril 1999, le travailleur produit une réclamation à la CSST, alléguant avoir subi une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle de 1997.  Dans l'annexe jointe à sa réclamation, le travailleur soumet avoir accusé des douleurs depuis l'accident, mais il pensait qu'elles passeraient avec le temps. Le 10 mai 1999, la CSST refuse sa réclamation au motif qu'il n'y a pas de lien entre la réparation de la coiffe des rotateurs et l'événement de 1997.  Puis, le 12 mai, elle lui réclame le montant de 1 182,00 $, correspondant aux quatorze premiers jours d'indemnités.

[13]           Le 17 mai 1999, le travailleur conteste les décisions du 10 et 12 mai 1999.  Le 2 juillet 1999, la CSST refuse de reconsidérer la décision du 10 mai 1999.  Le 7 juillet 1999, le travailleur conteste à nouveau cette décision.  Le 7 septembre 1999, le docteur Cojocaru consolide la lésion à cette date, avec une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, mais sans limitations fonctionnelles.

[14]           Le 12 janvier 2000, la CSST, à la suite d'une révision administrative, maintient le refus de reconsidérer d'où la présente requête du travailleur.

[15]           Lors de l'audience, le travailleur a témoigné quant aux circonstances entourant l'événement du 18 mars 1997.  Il relate que ce jour-là, il conduisait un camion remorque de 45 pieds en direction du Lac St-Jean.  Deux autres camions de sa compagnie le suivaient.  À un moment donné, il constate qu’un autre camion de même dimension, transportant des billes de bois, barrait la route de façon transversale.  Il n'a pu apercevoir ce camion qu'au dernier moment, en raison de la configuration des lieux et de la visibilité réduite.  Il a préféré, plutôt que de foncer dans le camion arrêté, se lancer sur le côté de la route, bordé d'un haut banc de neige et de glace d'environ 8 pieds de hauteur, pensant ainsi pouvoir se freiner à l'aide du banc de neige.  Son camion filait à environ 90 kilomètres à l’heure, à ce moment.  Il est donc entré de plein fouet, dans le banc de glace et de neige, pour finalement s'arrêter sur le camion qui obstruait la route.  Durant cette manœuvre, il s'est agrippé des deux mains à son volant, en se penchant vers la droite, afin d'éviter d'être éjecté du camion et aussi pour ne pas être heurté par le tuyau d'échappement de son camion, situé derrière lui et qui menaçait de le frapper.  La force de l'impact a été telle que la cabine du camion est sortie de son cadre et le volant du camion a été arraché et lui est resté dans les mains.  Il faut ajouter que deux autres camions du même employeur, qui suivaient celui du travailleur ont également été impliqués dans cet accident.  Il a été ensuite dirigé au centre hospitalier de Chicoutimi où les premiers soins lui ont été prodigués. 

[16]           Le travailleur ne sait pas s'il a heurté les côtés de la cabine du camion avec ses épaules.  Il rapporte s'être plaint de douleurs à l'épaule gauche et au cou.  À l'hôpital, on a suspecté une fracture cervicale, mais finalement les résultats des radiographies n'ont révélé aucune fracture.  On a parlé de contusion de l’épaule gauche.  Le travailleur a ensuite reçu son congé de l'hôpital avec une prescription d'anti-inflammatoires et un arrêt de travail jusqu'au 24 mars 1997.  Il rapporte qu'il présentait des bleus aux deux épaules.  À cette date, il a vu le docteur Blaizel, son médecin de famille, parce qu'il accusait des douleurs à l'épaule droite.  Cette douleur est apparue lentement après l'accident.  Le travailleur rapporte que le médecin lui a mentionné qu'il pouvait s'agir d'une tendinite, mais n'a prodigué aucun traitement ni prescrit de médicament.

[17]           Le travailleur a repris le travail tout en continuant d'accuser des douleurs à l'épaule droite.  Ces douleurs ne l’ont toutefois pas empêché de travailler, même s’il devait à l’occasion modifier ses méthodes de travail.  En janvier 1998, il consulte le docteur Lamarre.  Cette consultation a eu lieu parce que le travailleur avait demandé au docteur Bossé, médecin de sa connaissance, de lui référer un orthopédiste pour son épaule droite.  Le travailleur a continué d'accuser des douleurs à son épaule droite.  Il a reçu deux infiltrations sans soulagement notable.  Il soumet n'avoir jamais cessé le travail durant tout ce temps, à cause de son épaule droite.  Il a toujours continué de présenter, depuis l'accident de 1997, des douleurs à son épaule droite.  Les douleurs fluctuaient en intensité.  Il avait parfois de la difficulté à faire son travail.  Il a pris durant toute cette période des anti-douleurs.  Il a attendu avant de consulter un autre orthopédiste parce qu'il craignait les interventions chirurgicales.  Il a cessé le travail, le 17 avril 1999, pour être finalement opéré le 19 avril 1999.  Il soumet n'avoir jamais accusé de douleurs similaires à son épaule droite avant l'événement de 1997.  Il rapporte toutefois avoir reçu antérieurement, un traitement d'antibiotiques pour une cellulite du coude droit.

[18]           Il soutient, que le fait d'avoir forcé de toutes ses forces sur le volant, est la cause de ses problèmes à son épaule droite.  Il note accuser également des douleurs à l'épaule gauche, mais sans que ces douleurs l'incommodent au travail.  Il n'est pas question d'opération pour cette épaule.

QUESTION PRÉLIMINAIRE

[19]           Le procureur de l'employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer irrecevable la réclamation du travailleur, au motif qu'elle a été logée en dehors des délais prévus à la loi.  Elle soumet que le travailleur a consulté le docteur Lamarre en janvier 1998 et n'a soumis sa réclamation qu'en avril 1999, soit plus d'un an plus tard, contrairement aux dispositions de l'article 270 de la loi qui impose un délai de six mois de la lésion, pour produire une réclamation à la CSST.  Elle a soumis de la jurisprudence au soutien de ses prétentions.[2]

[20]           Le procureur du travailleur soumet quant à elle, que le délai est respecté puisque le travailleur a soumis sa réclamation lorsqu'il a dû cesser de travailler en raison de cette lésion.  Elle a soumis de la jurisprudence au soutien de ses prétentions[3].

 

L'AVIS DES MEMBRES SUR LA QUESTION PRÉLIMINAIRE

[21]           Le membre issu des associations d'employeurs, monsieur Jean E. Boulais, et le membre issu des associations syndicales, madame Claudette Lacelle sont d'avis que la réclamation logée par le travailleur, en avril 1999, est recevable et n'a pas été logée en dehors des délais prévus à l'article 270 de la loi, puisqu'elle concerne l'intervention chirurgicale subie par le travailleur le 19 avril 1999, à savoir l'acromioplastie et la réparation pour déchirure de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite.  Cette réclamation respecte donc le délai de six mois prévu à l'article 270 de la loi. 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION SUR LA QUESTION PRÉLIMINAIRE

[22]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si la réclamation du travailleur, logée le 28 avril 1999, respecte le délai prévu à la loi.

[23]           Les articles 270 et 271 de la loi stipulent ce qui suit :

270. Le travailleur qui, en raison d'une lésion professionnelle, est incapable d'exercer son emploi pendant plus de 14 jours complets ou a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique ou, s'il décède de cette lésion, le bénéficiaire, produit sa réclamation à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de la lésion ou du décès, selon le cas.

 

      L'employeur assiste le travailleur ou, le cas échéant, le bénéficiaire, dans la rédaction de sa réclamation et lui fournit les informations requises à cette fin.

 

      Le travailleur ou, le cas échéant, le bénéficiaire, remet à l'employeur copie de ce formulaire dûment rempli et signé.

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1985, c. 6, a. 270.

 

 

271. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle qui ne le rend pas incapable d'exercer son emploi au-delà de la journée au cours de laquelle s'est manifestée sa lésion ou celui à qui aucun employeur n'est tenu de verser un salaire en vertu de l'article 60, quelle que soit la durée de son incapacité, produit sa réclamation à la Commission, s'il y a lieu, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de sa lésion.

________

1985, c. 6, a. 271.

 

 

[24]           Le procureur de l'employeur prétend que le travailleur, en soumettant sa réclamation en avril 1999, excède le délai de six mois puisque ce délai se compute à compter de la lésion.  Elle soumet que la première consultation pour l'épaule droite intervient en janvier 1998, alors que le docteur Lamarre pose un diagnostic de tendinite.  Le travailleur devait, selon elle, soumettre sa réclamation dans les six mois de ce diagnostic ou, selon une autre hypothèse, dans les six mois du rapport médical daté d'août 1998, qui atteste que le travailleur est porteur d'une déchirure de la coiffe des rotateurs. 

[25]           La Commission des lésions professionnelles ne peut être de cet avis.  Il est vrai que le travailleur consulte le docteur Lamarre durant l'année 1998.  Lors de ces consultations, divers diagnostics sont posés et diverses investigations médicales sont suggérées pour lesquelles des rapports médicaux sont soumis à la Commission de la santé et de la sécurité du travail par le docteur Lamarre.  La Commission des lésions professionnelles note d'ailleurs que copies de ces rapports ont été expédiés au médecin désigné par l'employeur, selon ce qui est indiqué au dossier.  Ce dernier ne peut donc prétendre avoir été pris par surprise et n'avoir jamais été mis au courant de ces visites médicales.  Il faut préciser cependant, qu'à aucun moment lors de ces visites, le travailleur ne cesse de travailler.  Il ne soumet nullement de réclamations pour ces diagnostics ou pour ces investigations, demandant d'être remboursé pour des frais de déplacement ou des absences du travail ou pour des médicaments.  La Commission des lésions professionnelles n'est pas saisie de ces diagnostics ni de ces investigations.  Tout ce que le travailleur soumet, c'est une réclamation datée du 28 avril 1999, concernant un arrêt de travail, à compter du 19 avril 1999, rendu nécessaire à la suite d'une intervention chirurgicale subie ce jour-là afin de réparer sa coiffe des rotateurs.  La Commission des lésions professionnelles n'est pas saisie de réclamation pour des lésions antérieures à cette date du 19 avril 1999 et n'a pas à en décider. 

[26]           Quel est l'intérêt de produire une réclamation à la CSST, si ce n'est de rechercher le bénéfice de la loi soit, entre autres choses, d'être indemnisé pour les pertes de revenu.  C'est précisément ce qu'a fait le travailleur lorsque, à la fin avril 1999, il produit sa réclamation pour l'arrêt de travail rendu nécessaire à la suite de l'intervention chirurgicale d'avril 1999.  Antérieurement à cet arrêt, il n'avait aucun intérêt à soumettre de réclamation puisque aucun des bénéfices de la loi n'était demandé.  La CSST n'a pas non plus requis, en 1998, de réclamation du travailleur alors qu'elle recevait certains rapports médicaux.  Elle n'a pas demandé à l'employeur de produire un «Avis de l'employeur et demande de remboursement», puisque ce dernier n'avait dû effectuer aucun paiement au travailleur en 1998.  Qui plus est, cet avis avait déjà été produit lors de l'accident du travail de janvier 1997.  Un dossier était donc ouvert à la CSST concernant cet événement.  L'intérêt de produire une réclamation à la CSST, dans un délai donné, est de faciliter la preuve pour le travailleur de l'existence d'un lien entre une lésion donnée et un événement survenu au travail, permettant de qualifier cette lésion de professionnelle.  L'intérêt est également de permettre à l'employeur d'avoir connaissance de la survenance d'un tel événement, dans un délai lui permettant de faire valoir ses prétentions quant à l'existence ou non de cette lésion.  Or, en l'espèce, l'événement de janvier 1997 a bel et bien été déclaré tant par le travailleur que par l'employeur et ce, dans le délai prévu à la loi.  La CSST a même qualifié la lésion diagnostiquée à l'époque, de professionnelle.  Le travailleur et l'employeur avaient satisfait aux exigences de la loi.  La Commission des lésions professionnelles estime qu'il en est de même concernant l'incapacité résultant de l'intervention subie en avril 1999, afin de réparer la coiffe des rotateurs.  Elle estime également que de faire droit aux prétentions de l'employeur en déclarant irrecevable la réclamation du travailleur irait à l'encontre de ce que la loi prévoit, soit l'indemnisation des conséquences d'un accident du travail.

[27]           La Commission des lésions professionnelles estime qu’il deviendrait exorbitant d’exiger d’un travailleur qu’il produise une nouvelle réclamation pour chaque visite médicale qu’il effectue, même si aucun arrêt de travail ne fait suite à ces visites.

[28]           Elle ne peut que rejeter la question préliminaire, puisqu'elle constate que la réclamation du travailleur a été faite dans le délai prévu à la loi.  En effet, la Commission des lésions professionnelles estime que le délai prévu à l'article 270 court à compter de l'incapacité entraînée par une lésion professionnelle et rejette ainsi la demande préliminaire soulevée par la procureure de l'employeur.  La Commission des lésions professionnelles reprend ici les conclusions retenues par la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles dans plusieurs décisions antérieures[4], à savoir que le délai prévu à l'article 270 de la loi court à compter de l'incapacité du travailleur de travailler en raison de cette lésion professionnelle.  Le délai de cet article est donc respecté puisque le travailleur a soumis sa réclamation à la fin avril 1999, alors qu'il avait été opéré le 19 avril 1999 et cessé le travail à cette date.

L'ARGUMENTATION DES PARTIES

[29]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d'infirmer la décision de la CSST et de déclarer qu'il a subi, le 19 avril 1999, une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle de 1997 et qu'il a droit aux indemnités prévues par la loi.   Elle soumet que la preuve rencontre les critères développés par la jurisprudence et permet d'arriver à une telle conclusion.  La gravité de l'accident initial, la continuité dans la symptomatologie, la compatibilité des symptômes accusés par le travailleur avec l'événement initial permettent de conclure à la relation entre l'intervention chirurgicale de 1999 et l'événement de 1997.

[30]           Le procureur de l'employeur soumet quant à elle que le seul facteur de la gravité du fait accidentel ne peut suffire à établir la relation entre l'intervention chirurgicale d'avril 1999 et l'événement de 1997.  En effet, aucune preuve médicale n'établit un tel lien.  De plus, il n'y a pas de relation entre le diagnostic posé à l'époque, de contusion de l'épaule gauche et l'acromioplastie de l'épaule droite subie deux ans plus tard.  Aucune mention contemporaine à l'événement ne concerne l'épaule droite, ceci malgré les prétentions de travailleur à l'effet qu'il accusait une douleur à l'épaule droite depuis l'accident de 1997.  Elle est d'avis qu'il y a absence de preuve de relation entre le diagnostic et l'intervention chirurgicale et l'événement de 1997.

L'AVIS DES MEMBRES

[31]           Le membre issu des associations d'employeurs, Monsieur Boulais et le membre issu des associations syndicales, Madame Lacelle sont d'avis de faire droit à la requête du travailleur.  La preuve soumise et le témoignage du travailleur permettent d'établir qu'il y a une relation entre l'intervention chirurgicale subie en avril 1999 et le fait accidentel important dont a été victime le travailleur en mars 1997.  Le travailleur a donc droit aux indemnités prévues par la loi.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[32]           Bien que la décision contestée par le travailleur traite à la fois d’un refus de reconsidérer la décision initiale et d’un refus de réclamation, la Commission des lésions professionnelles n’entend pas disposer de la question du refus de reconsidérer, puisque dans les faits, le travailleur a contesté à la fois le refus de sa réclamation et le refus de reconsidérer.  La Commission des lésions professionnelles doit donc décider si l'intervention chirurgicale du 19 avril 1999 est en relation avec l'événement du 18 mars 1997, constituant ainsi une lésion professionnelle et si le travailleur a droit aux indemnités prévues par la loi.

[33]           La loi définit ainsi la lésion professionnelle :

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation ;

 

 

[34]           La loi ne définit cependant pas ce qu'est une récidive, rechute ou aggravation.  Selon la jurisprudence, on doit comprendre de ces termes, qu'il s'agit d'une recrudescence, d'une reprise évolutive ou de l'aggravation d'une lésion professionnelle initiale. 

[35]           En l'espèce, tant le travailleur que l'employeur ont prétendu que l'intervention chirurgicale constituait ou non, selon le point de vue, une récidive, rechute ou aggravation de la lésion professionnelle initiale et les arguments ont été soulevés de part et d'autres en regard de cette position.  Durant le délibéré et compte tenu que seul ce point de vue avait été discuté à l’audience, la soussignée a requis des parties qu’elles produisent des notes et autorités relativement à la possibilité que l’intervention chirurgicale subie par le travailleur représente une lésion professionnelle en soi, sans qu’il s’agisse d’une récidive, rechute ou aggravation.  Un délai a donc été donné aux parties pour faire valoir leurs arguments respectifs sur cette question.  La Commission des lésions professionnelles a donc pris en délibéré le dossier le 18 septembre 2000, date à laquelle, elle a reçu les derniers arguments.

[36]           Le procureur de l'employeur a soumis essentiellement les mêmes motifs que ceux présentés lors de l'audience demandant à la Commission des lésions professionnelles de rejeter la requête du travailleur, quant au fait que la preuve ne permet nullement de relier les soins reçus en avril 1999 à l'accident du travail de janvier 1997, compte tenu de l’absence de lésion au niveau de l'épaule diagnostiquée de façon contemporaine à l'événement.  Elle soumet une décision au soutient de ses prétentions[5].  Elle réitère que cette réclamation est hors-délai. 

[37]           La Commission des lésions professionnelles réfute ces arguments quant au hors-délai pour les mêmes motifs que ceux exprimés à la question préliminaire.  Quant à l’argumentation sur la requête proprement dite, elle constate que celle-ci touche plus particulièrement les critères permettant de reconnaître une récidive, rechute ou aggravation et non la relation pouvant exister entre une lésion et un événement donné. 

[38]           La procureure du travailleur soumet que l'acromioplastie est reliée à l'accident du travail de 1997, compte tenu de la gravité de cet accident, de la continuité dans la symptomatologie.  Il s'agit d'un diagnostic évolutif qui n'avait jamais été posé à l'époque.  Elle soumet une autre décision au soutien de son argumentation[6].

[39]           La Commission des lésions professionnelles est d’avis que l’acromioplastie et la réparation de la coiffe des rotateurs subies par le travailleur en avril 1999 constituent une lésion professionnelle pour laquelle le travailleur a droit d’être indemnisé et en ce sens, fait droit à la requête du travailleur. 

[40]           Il est vrai que le travailleur prétend, deux ans après le fait accidentel, que l'intervention chirurgicale qu'il a subie en avril 1999, découle ou est reliée à l'événement de 1997.  Cependant, cette prétention ne signifie pas pour autant que cette intervention doive obligatoirement et uniquement constituer une récidive, rechute ou aggravation pour qu'on puisse conclure à l'existence d'une lésion professionnelle.  La Commission des lésions professionnelles estime au contraire qu'on peut très bien envisager la question sous l'angle d'une lésion professionnelle distincte.  En effet, comme l'a fait remarquer avec justesse le procureur de l'employeur, le diagnostic à l'origine de cette intervention de 1999 n'est nullement similaire à celui posé lors de la lésion professionnelle initiale.  En effet, en mars 1997, le dossier hospitalier mentionne un diagnostic de contusion à l'épaule gauche.  On peut dès lors, difficilement relier l'acromioplastie  de l’épaule droite subie en 1999, à ce diagnostic de 1997.  Il ne peut donc s'agir d'une récidive, rechute ou aggravation de cette lésion de 1997.  En effet, bien que non définie à la loi, ces notions s’interprètent, selon la jurisprudence, comme étant une reprise évolutive, une recrudescence ou l’aggravation d’une première lésion professionnelle.  Il ne peut donc y avoir, en 1999, de reprise évolutive, de recrudescence ou d’aggravation d’une lésion professionnelle qui n’a jamais été diagnostiquée en mars 1997. 

[41]           La Commission des lésions professionnelles est cependant d’avis, après avoir entendu le témoignage du travailleur et constaté l'importance du choc ressenti par le travailleur au niveau de ses deux bras, lors de cet événement de mars 1997, qu'il est probable que l'intervention chirurgicale subie en 1999 est directement reliée à cet accident qui avait été reconnu à l’époque.

[42]           En effet, bien que le dossier hospitalier ne mentionne pas, le jour de l'événement, de problématiques particulières au niveau de l'épaule droite, la Commission des lésions professionnelles ne peut passer sous silence la consultation du docteur Blaizel, en date du 24 mars 1997, soit quelques jours après l'événement.  Ce dernier rapporte en effet, dans ses notes de consultation, que le travailleur présente des ecchymoses au niveau du bras droit.  Ceci atteste sans l'ombre d'un doute que le bras droit a été contusionné lors de cet accident.  La Commission des lésions professionnelles retient également le témoignage non contredit du travailleur et dont la crédibilité ne fait aucun doute, à l'effet qu'il a dû forcer de toutes ses forces afin de se retenir au volant du camion pour éviter d'être éjecté ou pour éviter d'être frappé par le tuyau d'échappement situé derrière lui.  Ces efforts combinés à l'impact du camion heurtant un banc de neige et de glace peuvent très bien expliquer la déchirure de la coiffe des rotateurs retrouvée plus tard et expliquer l'intervention chirurgicale subie par le travailleur en avril 1999.  Le silence médical que l'on retrouve au dossier ne peut suffire à convaincre la Commission des lésions professionnelles de la non-relation entre cette pathologie et l'événement de 1997, surtout compte tenu des explications fournies par le travailleur. 

[43]           La Commission des lésions professionnelles retient également qu'il présentait des douleurs à l'épaule droite depuis l'événement, même s'il a continué de travailler.  Ces douleurs fluctuaient selon les journées et étaient plus importantes lorsqu'il devait tourner la manivelle pour détacher la cabine de la remorque, lorsqu'il devait forcer pour ouvrir les portes, lors des changements de vitesses du camion ou lorsqu'il était couché sur son épaule droite.  Tous les gestes décrits par le travailleur, comme lui occasionnant des douleurs, sont de ceux sollicitant la coiffe des rotateurs et les douleurs alors ressenties sont compatibles avec le diagnostic de déchirure de la coiffe des rotateurs posés en août 1998, à la suite d'investigations plus poussées, rendant nécessaire l'intervention chirurgicale d'avril 1999.

[44]           La Commission des lésions professionnelles estime donc que cette intervention pour réparation de la coiffe des rotateurs et l’acromioplastie constituent une lésion professionnelle


découlant de l'événement de mars 1997.  Le travailleur a donc droit aux indemnités prévues par la loi.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la demande préliminaire soulevée par l’employeur;

DÉCLARE que la réclamation logée le 28 avril 1999 respecte le délai prévu à la loi et est donc recevable;

ACCUEILLE la requête du travailleur, monsieur Claude Durocher;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travaille, le 9 juillet 1999, à la suite d'une révision administrative;

DÉCLARE que l'acromioplastie et la réparation de la coiffe des rotateurs subies par le travailleur, en avril 1999, constitue une lésion professionnelle pour laquelle le travailleur a droit aux indemnités prévues par la loi.

 

 

 

 

Me Lucie Couture

 

Commissaire

 

 

 

 

 

Teamsters Québec

A/s Me Louise Hélène Guimond

8200, rue Grenache, # 201

Anjou, (Québec)

H1J 1C5

 

Représentante de la partie requérante

 

 

G.C.O.

A/s Me Mélanie Tardif

50, De Gaspé, local C-2

Bromont, (Québec)

J2L 2N8

 

Représentante de la partie intéressée

 

 



[1]           L.R.Q. c. A-3.001

[2]           Larose et Malo Transport, CLP 131726-63-0002, J.-M. Dubois, 2000-06-29

[3]           Borrega et CSST, C.A.L.P. 33837-60-9111, A. Leydet, 1994-07-19; Calogheros et Goodyear Canada inc. C.A.L.P. 51752-62A-9306, M. Lamarre, 1995-10-05

[4]           Lupien et C.K.S.M. AM 122, [1991] C.A.L.P. 1084 ; Sicurella et Fleuriste La Scala enr. 18913-60-9005, 92-031, J.-P. Dupont; Vigone et Restaurant Bélanger Pzzeria inc. 17729-60-9003, 92-09-08, B. Lemay; Séguin et Culinar 46281-60-9210, 94-08-16, L. Thibault; Arcan et Peter Rosembaum, 39355-64-9204, 94-09-13, F. Dion-Drapeau; Calogheros et Goodyear Canada inc., 51752-62-9306, 95-20-05, M. Lamarre; Grant et Technosil Canada inc., 82969-63-9609, 97-01-20, S. Moreau.

[5]           Woldeghiorghis et CSST et CDM Laminés inc. 74403-04-9511, 97-01-10, P. Brazeau

[6]           Patrice Cayer et Tye-Sil Corporation Ltée, 44437-62-9209, 95-01-04, G. Robichaud

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