Décision

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Décision

Vanderwerf c. Dolan

2019 QCRDL 37417

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Gatineau

 

No dossier :

293930 22 20160829 G

No demande :

2072512

 

 

Date :

25 novembre 2019

Régisseur :

Stéphane Sénécal, juge administratif

 

Derrick Vanderwerf

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

William Paul Dolan

 

Locateur - Partie défenderesse

D É C I S I O N

 

 

[1]      Le Tribunal est saisi d'une demande du locataire qui réclame du locateur une somme totale de 6 750 $ en dommages matériels et moraux. Il réclame, de plus, de constater le bail résilié à compter du 15 octobre 2016 ainsi que les intérêts et frais.

[2]      Les parties sont liées par un bail de logement d’une durée de 23 mois, soit du 1er octobre 2015 au 31 août 2017, au loyer mensuel de 1 500 $.

[3]      Le locateur est absent lors de l’audience. Le locataire a tenté de lui faire parvenir la demande ainsi que l’avis d’audition par courrier recommandé, mais sans succès. Toutefois, le 28 septembre 2018, le locateur est présent lors de la gestion d’audience et une date en décembre 2018 a été fixée. Date pour laquelle le locateur a demandé une remise. La nouvelle audience a alors été fixée au 16 septembre 2019.

[4]      Ainsi, vu ce qui précède et du fait que le locateur savait très bien qu’il y avait un dossier le concernant à la Régie, le Tribunal prend la décision de procéder en l’absence du locateur.

[5]      Les dommages réclamés par le locataire sont ventilés comme suit :

-       2 250 $ pour frais de déménagement

-       2 000 $ pour troubles et inconvénients

-       1 500 $ en dépôt de sécurité versé par le locataire au locateur

-       1 000 $ en frais légaux


[6]      Le locataire allègue principalement ce qui suit :

[7]      Il a quitté le logement, le 15 octobre 2016, parce qu’il a découvert la présence de radon dans l’air. Il soumet un rapport de Accustar qui mentionne qu’il y a près de 699 Bq/m3 alors que le taux normal est de 200 Bq/m3.

[8]      Au moment des événements, sa conjointe est enceinte et qu’il est dangereux qu’elle soit exposée au radon.

[9]      Il mentionne s’être informé auprès du locateur si l’immeuble avait été vérifié pour le radon et ce dernier lui a répondu par la négative.

[10]   Ainsi, vu la présence élevée de radon dans l’immeuble, il a pris la décision de quitter le logement le 15 octobre 2016 pour sa sécurité et celle de sa conjointe.

[11]   Il dépose en preuve des échanges courriel entre lui et le locateur relativement à la présence de radon dans le logement. Ces échanges démontrent clairement que le locateur connaissait ce fait. D’autant plus qu’une mise en demeure lui a également été signifiée le 11 août 2016.

[12]   De plus, il soumet des factures relativement à des frais encourus à la suite de son déménagement en octobre 2016.

[13]   En ce qui concerne le dépôt de sécurité, le locataire affirme qu’il a versé la somme de 1 500 $, équivalent à un mois de loyer supplémentaire avant d’habiter le logement. Il dépose en ce sens une copie d’un chèque portant le numéro 088 daté du 26 juillet 2015 avec la mention « security deposit ». Également, il soumet une copie de son relevé bancaire qui démontre que la somme a été prélevée. Lors de son témoignage, il confirme que cette somme a été versée en plus des tous les autres loyers payés au cours du bail.

ANALYSE ET DROIT APPLICABLE

[14]   Tout d’abord, le Tribunal rappelle qu’il n’a pas eu la chance d’entendre le locateur vu son absence lors de l’audition.

[15]   En vertu de l'article 2803 du Code civil du Québec, il appartient aux locataires de démontrer le bien-fondé de leur demande par prépondérance de preuve.

[16]   Afin de considérer un logement impropre à l'habitation, il doit constituer une menace sérieuse pour la santé ou la sécurité des locataires et occupants. Il peut également être déclaré comme tel par le Tribunal ou par une autorité compétente.[1]

[17]   À ce sujet, le Code civil du Québec mentionne ce qui suit :

« 1913. Le locateur ne peut offrir en location ni délivrer un logement impropre à l'habitation.

Est impropre à l'habitation le logement dont l'état constitue une menace sérieuse pour la santé ou la sécurité des occupants ou du public, ou celui qui a été déclaré tel par le tribunal ou par l'autorité compétente. »

« 1915. Le locataire peut abandonner son logement s'il devient impropre à l'habitation. Il est alors tenu d'aviser le locateur de l'état du logement, avant l'abandon ou dans les dix jours qui suivent.

Le locataire qui donne cet avis est dispensé de payer le loyer pour la période pendant laquelle le logement est impropre à l'habitation, à moins que l'état du logement ne résulte de sa faute. »

« 1916. Dès que le logement redevient propre à l'habitation, le locateur est tenu d'en aviser le locataire, si ce dernier l'a avisé de sa nouvelle adresse; le locataire est alors tenu, dans les dix jours, d'aviser le locateur de son intention de réintégrer ou non le logement. 

Si le locataire n'a pas avisé le locateur de sa nouvelle adresse ou de son intention de réintégrer le logement, le bail est résilié de plein droit et le locateur peut consentir un bail à un nouveau locataire. »

« 1917. Le tribunal peut, à l'occasion de tout litige relatif au bail, déclarer, même d'office, qu'un logement est impropre à l'habitation; il peut alors statuer sur le loyer, fixer les conditions nécessaires à la protection des droits du locataire et, le cas échéant, ordonner que le logement soit rendu propre à l'habitation. »


[18]   De ce fait, le locataire doit établir, par prépondérance de preuve, que l'état du logement constituait une menace sérieuse pour sa santé ou sa sécurité, ainsi que pour sa conjointe.

[19]   Selon la jurisprudence, il faut retenir des critères objectifs pour établir le caractère impropre du logement.

[20]   Dans l'affaire Gestion immobilière Dion[2], le juge Jean-Guy Blanchette écrit :

« (...) pour évaluer si l'impropreté d'un logement à habitation constitue une menace sérieuse pour la santé, la Cour doit procéder à ladite évaluation d'une façon objective et se demander si une personne ordinaire peut vivre objectivement dans les conditions exposées lors de l'audition. Ce ne sont pas les appréhensions subjectives ni l'état psychologique du locataire ou des occupants qui doivent prévaloir, mais bien la situation ou l'état des lieux compris et analysé objectivement lors de la prise de décision du déguerpissement (...) »

[21]   Ainsi, en espèce, la preuve soumise lors de l’audition, autant par preuve documentaire et par le témoignage du locataire, il ne fait aucun doute qu’il y avait présence de radon dans le logement habité par le locataire, soit plus de trois (3) fois la limite de la normale qui se situe à 200 Bq/m3.

[22]   La preuve révèle de surcroît que le locateur ne s’est pas soucié des demandes du locataire à cet effet et qu’il était malsain pour sa santé et celui de sa conjointe enceinte de rester dans le logement contaminé au radon.

[23]   Dès lors, le Tribunal est justifié de déclarer le logement visé en espèce impropre à l'habitation, et ce, rétroactivement au 15 octobre 2016.

[24]   Par conséquent, le Tribunal considère que le locataire est en droit recevoir une compensation détaillée comme suit :

-       1 000 $ en dommages moraux pour les troubles et inconvénients;

-       2 000 $ en frais de déménagement (1 854,55 $ déménageurs et 145,45 $ en rebranchements divers);

[25]   Relativement au dépôt de sécurité de 1 500 $, la preuve est sans équivoque que cette somme a été versée par le locataire en plus des loyers au cours du bail et cette somme doit être remboursée au locataire.

[26]   Finalement, en ce qui concerne la réclamation pour les frais extrajudiciaires (avocat et signification de mise en demeure), le Tribunal ne peut accéder à cette demande.

[27]   En effet, La Cour de Québec s’est déjà prononcée à ce sujet :

« Tous les autres montants réclamés par le requérant, soit les frais de signification, les frais d'un procès-verbal d'huissier, les frais d'expertise et le coût des photographies représentent des frais judiciaires ou extrajudiciaires et non un dommage proprement dit.

Les seuls frais qui peuvent être accordés par la Régie du logement ou la Cour du Québec sur une demande relative à un bail sont ceux établis par le règlement adopté en vertu de l'article 108, 4e de la Loi. Ces frais se limitent au montant de 41 $ qui a été accordé par le régisseur.[3] »

[28]   De la sorte, les frais de consultation de l’avocat et de signification de la mise en demeure ne sont pas prévus par le Tarif des frais exigibles par la Régie du logement.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[29]   CONSTATE que le locataire a abandonné son logement à bon droit;

[30]   DÉCLARE le logement impropre à l'habitation rétroactivement au 15 octobre 2016;


[31]   CONDAMNE le locateur à payer au locataire la somme de 4 500 $, plus les intérêts, l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec depuis la date de la production de la demande (le 29 août 2016), en plus de 73 $ à titre de frais judiciaires;

[32]   REJETTE la demande du locataire quant au surplus.

 

 

 

 

 

 

 

 

Stéphane Sénécal

 

Présence(s) :

le mandataire du locataire

Date de l’audience :  

16 septembre 2019

 

 

 


 



[1] Alexandre Choko c. Elvira Casali, RDL, 31-110505-075; 31 20110505 G; 31-110505-088; et 31 20110505 G.

[2] Gestion immobilière Dion, Lebeau inc. c. Grenier (C.Q., 1990-12-11), SOQUIJ AZ-91031063, J.E. 91-345.

[3] Giguère c. Karmouche, C.Q. 200-02-000241-952, 19 juin 1995.

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