Béliveau c. R. |
2016 QCCA 1549 |
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COUR D’APPEL |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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GREFFE DE
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N° : |
500-10-005224-124 /
500-10-005377-138 |
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(500-73-002669-063, SEQ. ACC. 003 et SEQ. ACC. 006) |
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DATE : |
26 septembre 2016 |
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500-10-005224-124 |
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MARILYN BÉLIVEAU |
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APPELANTE - accusée |
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c. |
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SA MAJESTÉ LA REINE |
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INTIMÉE - poursuivante |
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500-10-005377-138 |
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SA MAJESTÉ LA REINE |
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APPELANTE - poursuivante |
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c. |
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MARILYN BÉLIVEAU |
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INTIMÉE - accusée |
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500-10-005223-126 |
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500-10-005371-131 |
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[1] L’appelante Marilyn Béliveau se pourvoit contre un jugement de la Cour du Québec, district de Montréal, rendu le 14 juin 2012, par l’honorable Sylvie Durand, qui l’a reconnu coupable de corruption, de corruption au profit d’une organisation criminelle, de deux chefs de complot en vue d’importer une drogue, de deux chefs de complot en vue d’importer une drogue au profit d’une organisation criminelle, de deux chefs de complot en vue d’introduire au Canada par contrebande ou non clandestinement des marchandises passibles de droits ou dont l’importation est prohibée, contrôlée ou réglementée ainsi que de deux chefs de complot pour contrebande de marchandises au profit ou sous la direction d’une organisation criminelle;
[2] L’appelant Samir Salame se pourvoit, quant à lui, contre le même jugement qui l’a reconnu coupable de deux chefs de complot en vue d’importer une drogue, de deux chefs de complot en vue d’importer une drogue au profit d’une organisation criminelle, de deux chefs de complot en vue d’introduire au Canada par contrebande ou non clandestinement des marchandises passibles de droits ou dont l’importation est prohibée, contrôlée ou réglementée ainsi que de deux chefs de complot pour contrebande de marchandises au profit ou sous la direction d’une organisation criminelle;
[3] La poursuivante-appelante a, pour sa part, interjeté appel des peines imposées à Marilyn Béliveau et Samir Salame;
[4] Pour les motifs du juge Gagnon, auxquels souscrivent les juges Morissette et Dufresne, LA COUR :
[5] REJETTE l’appel de Marilyn Béliveau des verdicts de culpabilité;
[6] REJETTE l’appel de Samir Salame des verdicts de culpabilité;
[7] REJETTE l’appel de la poursuivante relativement à la peine imposée à Marilyn Béliveau;
[8] REJETTE l’appel de la poursuivante relativement à la peine imposée à Samir Salame.
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MOTIFS DU JUGE GAGNON |
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[9] Les appelants ont interjeté appel des verdicts de culpabilité prononcés contre eux le 14 juin 2012, par la Cour du Québec du district de Montréal (l’honorable Sylvie Durand).
[10] Ma collègue, la juge Marie St-Pierre, a, par ailleurs, autorisé le ministère public à appeler des peines d’emprisonnement dans la collectivité de deux ans moins un jour, suivies de périodes de probation pour une durée de trois ans assorties de conditions, infligées à chacun des deux intimés.
[11] Je suis d’avis que tous les pourvois doivent être rejetés, voici pourquoi :
[12] Brossé à grands traits, le contexte qui a donné lieu aux accusations peut être ainsi décrit.
[13] Une vaste enquête policière appelée « Projet Colisée » visant les activités criminelles de membres influents du crime organisé et s’échelonnant sur plusieurs années a notamment permis la mise au jour de plusieurs projets d’importation de drogue ainsi que l’arrestation des têtes dirigeantes et des hommes de main d’une importante organisation criminelle œuvrant à l’échelle internationale.
[14] Au terme d’un procès conjoint, les deux appelants ont été déclarés coupables de plusieurs infractions criminelles.
[15] Les verdicts de culpabilité prononcés à l’endroit de Marilyn Béliveau [« Béliveau »] visent les chefs d’accusation de :
- corruption (1 chef) (art. 120(a) C.cr.) et abus de confiance (1 chef) (art. 122 C.cr.);
- corruption en association avec une organisation criminelle (1 chef) (art. 467.12(1) C.cr.);
- complot pour importer de la drogue (deux chefs) (art. 465 C.cr. et art. 6 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances) [« LRCDAS »];
- complot d’importation en association avec une organisation criminelle (deux chefs) (art. 465, 467.12(1) C.cr. et art. 6 LRCDAS);
- complot pour introduire illégalement au Canada des marchandises susceptibles de droits (deux chefs) (art. 465 C.cr. et art. 159 de Loi sur les douanes);
- complot pour introduire illégalement au Canada des marchandises susceptibles de droits en association avec une organisation criminelle (deux chefs) (art. 465, 467.12(1) C.cr. et art. 159 de la Loi sur les douanes).
[16] Béliveau est, aux époques énoncées dans les actes d’accusation, à l’emploi de l’Agence des services frontaliers du Canada [« l’Agence »]. En tant qu’agente, elle participe au processus de dédouanement de la marchandise importée par bateau, train ou camion. À ce titre, elle est notamment affectée à la vérification des documents, à la prise de la décision d’examiner ou non la marchandise importée ou, le cas échéant, à l’exécution de ces inspections. Elle a été recrutée par l’organisation criminelle pour communiquer à ses dirigeants certains renseignements glanés sous de faux prétextes dans les bases de données de son employeur ainsi que pour prodiguer à ceux-ci les conseils permettant d’éluder l’inspection discrétionnaire ou aléatoire des contenants qui devaient dissimuler la drogue importée.
[17] Exception faite des chefs relatifs à la corruption et à l’abus de confiance, Samir Salame [« Salame »] a été déclaré coupable des mêmes accusations de conspiration (huit chefs) que Béliveau.
[18] Il a été enrôlé en raison de sa fonction d’administrateur de Dispo-Plus, une entreprise ciblée par les têtes dirigeantes de l’organisation pour importer la drogue sous le couvert d’une transaction commerciale légitime d’achat d’épices et d’acide nitrique en provenance de l’Inde.
[19] Bien qu’ils visent l’importation de la même marchandise, les huit chefs de conspiration se distinguent ainsi :
a) d’une part, quatre de ceux-ci sont poursuivis en vertu du Code criminel (art. 465 et 467.12(1)) et de la Loi réglementant certaines drogues et d’autres substances (art. 6) alors que les quatre autres le sont conformément au Code criminel (art. 465 et 467.12(1)) et à la Loi sur les douanes (art. 159) et ciblent la contrebande de marchandises sur lesquelles des droits doivent être payés; et
b) d’autre part, quatre chefs concernent la période écoulée entre les mois d’août et décembre 2005 et identifient les coconspirateurs comme étant, outre les appelants, Rony Bardales [« Bardales »], Guiseppe Torre [« Torre »], Ray Khano [« Khano »], Kamel Mahmoud Aoude [« Aoude »], Gino Di Lena [« Di Lena »], Franco Pellegrino [« Pellegrino »] et Bajaj Tarlochan [« Tarlochan »]. Les quatre autres chefs indiquent plutôt la période du complot qui s’étend de décembre 2005 à mai 2006 et identifient les membres de la conspiration comme étant, outre les appelants, Bardales, Khano, Torre et Angelo Follano [« Follano »].
[Je souligne]
[20] Selon la thèse soutenue par l’intimée, les appelants ont adhéré à deux ententes successives d’importation de drogue. La première a existé entre les mois d’août et décembre 2005 et visait l’introduction au Canada d’éphédrine dissimulée dans un conteneur transporté par bateau sous le couvert d’une importation de chaussures par une entreprise accréditée, détenant la qualification d’importateur, pour donner une apparence légitime à l’entrée de la cargaison. Lorsque Gino Di Lena s’est désisté en septembre 2005, l’organisation s’est mise à la recherche d’un nouveau partenaire. Salame a alors été approché en raison de son lien avec Dispo-Plus, une entreprise qui obtient, peu de temps après son adhésion à l’entente illégale, la délivrance d’un numéro d’importateur conformément aux informations fournies par Béliveau aux membres de l’organisation dirigée par Torre.
[21] La preuve produite par l’intimée au procès est essentiellement constituée :
1) d’enregistrements de conversations interceptées entre les conspirateurs;
2) de surveillance de rencontres entre les participants dont certaines sont enregistrées sur un support vidéo;
3) de témoignages de policiers et de membres du personnel de l’Agence;
4) d’admissions relatives à la preuve d’écoute électronique.
[22] L’ensemble démontre qu’un groupe d’individus dirigé par Torre envisage d’importer une drogue, vraisemblablement de l’éphédrine. Ils se sont associés, dans le cadre du premier complot, à Aoude et Tarlochan, qui avaient des contacts en Inde, pour y acheter la drogue et la faire transporter par bateau vers le Canada sous le couvert d’une importation de chaussures.
[23] La compagnie Abella Shoes est alors désignée pour tenir le rôle d’agent importateur. Béliveau fait d’ailleurs des vérifications pour confirmer à l’organisation que cette entreprise est en règle et est autorisée pour importer des marchandises au Canada.
[24] Lorsqu’en septembre 2005 Di Lena se dissocie de l’entente, le plan doit être revu et il n’est alors plus question d’importer des souliers en provenance de l’Inde, mais plutôt des épices et de l’acide nitrique.
[25] Torre et Khano se tournent alors vers Salame pour convaincre ce dernier de mettre l’entreprise Dispo-Plus au service de l’organisation. Béliveau fournit alors à Torre, Khano et Bardales les informations pertinentes à l’obtention, par Dispo-Plus, des autorisations requises pour importer les épices et l’acide nitrique en provenance de l’Inde. Les renseignements transmis sont ensuite relayés à Salame qui, conformément aux instructions reçues de Khano et Torre, effectue les démarches pertinentes auprès de l’Agence.
[26] Béliveau fait également des vérifications additionnelles pour s’assurer que la précieuse cargaison n’est pas déjà ciblée par l’Agence avant d’être expédiée.
[27] Les conversations interceptées démontrent, par ailleurs, que Béliveau espère recevoir du groupe dirigé par Torre une récompense substantielle en échange des services rendus à l’organisation pour faciliter l’importation projetée.
[28] Salame a témoigné pour sa défense et a relaté que, durant l’été 2005, il s’est associé à son cousin Slim dans l’entreprise Dispo-Plus dont il est devenu le vice-président. Il y effectue principalement des tâches administratives. Il rencontre par hasard Khano qu’il avait connu auparavant dans les bars et lui fait visiter les locaux de Dispo-Plus. Peu de temps après, le partenaire d’affaires de Khano, Torre, se présente au commerce et lui confie détenir de bons contacts pour leur permettre d’acheter des épices à bon prix en Inde.
[29] Son cousin et lui ont flairé la bonne affaire et accepté de transiger avec Torre. Il a lui-même effectué les démarches pour obtenir en faveur de Dispo-Plus la délivrance d’un numéro d’importateur. C’est dans ce contexte qu’il aurait eu des conversations et des rencontres avec Khano, Torre, Bardales et Follano. Toutefois, le constat que le coût total des achats en Inde s’avérait être plus élevé que celui des transactions locales l’aurait convaincu, le 2 avril 2006, de mettre un terme à sa relation avec ces derniers. Il affirme qu’il n’a jamais été question pour lui d’importer autre chose que des épices et de l’acide nitrique.
[30] Béliveau a également choisi de rendre témoignage. Elle raconte que son ami de cœur, un trafiquant de drogue connu, lui avait demandé son aide pour importer de la drogue au Canada et que, pour éviter de s’impliquer avec celui-ci, elle aurait inventé de toutes pièces un projet plus lucratif au même effet dans lequel elle s’était déjà engagée avec l’organisation de Torre. C’est dans ce même contexte qu’elle aurait fabriqué un faux rapport de saisie de drogue pour justifier à son copain l’échec de la combine inventée et l’absence des revenus escomptés de cette transaction.
[31] Elle relate, de plus, que, par l’entremise d’un ami d’enfance, Bardales, elle a rencontré Khano et ce dernier l’aurait ensuite mise en contact avec Torre. Elle admet, par ailleurs, la communication à ces trois individus d’informations relatives au fonctionnement du système douanier sans pour autant, dit-elle, connaître précisément la nature du produit que ceux-ci désiraient importer et affirme qu’elle ne les questionnait jamais à ce sujet. Elle aurait cependant compris d’elle-même, lors des vérifications effectuées pour leur compte, que les compagnies importatrices étaient dans un premier temps Abella Shoes et par la suite Dispo-Plus.
[32] Elle admet également être l’auteure de recherches de renseignements dans le système informatique de l’Agence et la communication de ceux-ci à Khano, Torre ou Bardales dans l’espoir d’être récompensée par eux, en croyant à tort que leur projet visait à importer légalement au Canada des marchandises.
[33] La juge relate de façon précise et minutieuse les divers éléments de preuve produits par les deux parties, ne négligeant aucun détail.
[34] La narration de la trame factuelle révélée par la preuve comprend, en effet, 458 paragraphes au cours desquels la juge cible notamment les conversations interceptées des conspirateurs en soulignant parfois même le verbatim de celles-ci.
[35] Les faits ainsi campés, elle procède ensuite, conformément aux enseignements de l’arrêt Carter, à l’analyse de la preuve pertinente à chacune des trois étapes déterminées pour en conclure :
1) de l’ensemble de la preuve, à l’existence d’ententes distinctes, aux deux périodes indiquées dans l’acte d’accusation pour importer illégalement au Canada de l’éphédrine et sans débourser les droits prescrits par la Loi sur les douanes;
2) que la preuve directement admissible contre chacun des deux appelants, considérés individuellement, rend probable leur participation aux différentes conspirations;
3) et, finalement, en considérant toute la preuve admise, incluant les témoignages des deux appelants, analysée suivant les critères énoncés par le juge Cory dans R. c. W. (D.)[1], à l’existence d’une preuve hors de tout doute raisonnable de leur participation aux complots pour chacune des deux périodes visées par les accusations.
[36] En ce qui concerne Salame, la juge n’accorde aucune crédibilité à ses explications invraisemblables qui, loin de soulever un doute raisonnable, ont plutôt eu l’effet d’ajouter à la preuve déjà abondante de l’intimée.
[37] Elle est d’avis que, s’il paraît indéniable qu’il a été l’instrument de l’organisation, Salame a néanmoins adhéré à l’entente illégale, s’est conformé aux instructions de Torre et a posé, en connaissance de cause, des gestes nécessaires à la réalisation de la fin illégale commune : l’importation de drogue en provenance de l’Inde au Canada, en contravention du Code criminel, de la Loi réglementant certaines drogues et d’autres substances et de la Loi sur les douanes.
[38] La juge ajoute que, bien qu’il n’en soit pas un dirigeant, les actes et paroles de Salame démontrent hors de tout doute raisonnable que, de façon tout à fait intentionnelle, il agissait au profit ou en association avec celle-ci. La juge conclut, en conséquence, à sa culpabilité sur chacun des huit chefs d’accusation de conspiration portés contre lui.
[39] Comme je l’indiquais plus tôt, Béliveau plaidait également qu’elle ne connaissait pas la nature criminelle de l’importation, qu’elle avait été naïve et manipulée par Khano, Bardales et Torre. Or, la juge n’en croit rien et considère que sa version, analysée dans le contexte de l’ensemble de la preuve, est tout à fait invraisemblable et ne soulève aucun doute raisonnable de sa participation aux crimes qui lui sont reprochés.
[40] Bien qu’elle ait été, elle aussi, utilisée par l’organisation criminelle dirigée par Torre, la juge est d’avis qu’elle s’est rapidement rendu compte de ce qui se tramait et qu’elle s’est consciemment impliquée avec d’autres dans une entreprise criminelle d’envergure au sein de laquelle elle était, en raison de son emploi, un maillon essentiel.
[41] Les conversations qu’elle a eues, entre autres, avec Gauthier et Semino ainsi que les démarches effectuées à partir de son poste de travail pour l’avancement du projet sont, pour la juge, une démonstration circonstancielle évidente de son adhésion à l’entente illégale et de sa volonté de collaborer à la concrétisation de l’objectif illégal poursuivi.
[42] La juge retient, notamment des conversations enregistrées, que Béliveau, une fonctionnaire publique à l’emploi de l’Agence, a sciemment accepté de servir l’organisation criminelle dirigée par Torre et de faciliter la commission des infractions d’importation de drogue, en échange d’une récompense financière.
[43] La juge considère, en conséquence, être en présence d’une preuve hors de tout doute raisonnable de la commission des infractions reprochées et déclare Béliveau coupable de onze chefs d’accusation portés contre elle. Cependant, en raison des verdicts de culpabilité sur les chefs de corruption de fonctionnaire (art. 120 C.cr.) et de la règle prohibant les condamnations multiples[2], elle ordonne un arrêt des procédures relativement au chef d’abus de confiance (art. 122 C.cr.).
[44] Les deux appelants soulèvent des moyens d’appel distincts.
[45] Salame énonce ainsi les questions litigieuses que soulève son pourvoi :
1) La juge a-t-elle erré en rejetant la requête pour détails présentée par Salame?
2) La juge a-t-elle erré dans son analyse de la justification de Salame aux complots allégués, plus particulièrement l’intention?
3) La juge a-t-elle erré en déclarant Salame coupable sous les accusations telles que portées, alors que son analyse est basée sur un complot général commis entre les mois d’août 2005 et mai 2006?
4) La juge a-t-elle erré en ne considérant pas l’adhésion à un complot existant?
[46] Les questions 2, 3 et 4, qui concernent essentiellement la nature du rôle joué par lui dans le cadre d’une ou de plusieurs conspirations ainsi que la suffisance de la preuve le reliant à celles-ci, peuvent se fondre en une seule.
[47] Le mémoire de Béliveau énonce quatre questions mixtes de fait et de droit que je me permets, par ailleurs, de regrouper ainsi :
1) La juge a-t-elle erré en rejetant la requête en exclusion de preuve et en arrêt des procédures pour délai déraisonnable?
2) La juge a-t-elle erré en déclarant Béliveau coupable de complot (chefs 6 à 13) alors qu’en réalité elle n’a fait que conseiller la perpétration d’une infraction, un acte criminel prévu à l’article 22 C.cr. qui n’est pas inclus dans l’accusation de complot?
1.5.1.1 La requête pour précisions
[48] Les chefs 6, 7, 8 et 9 de l’acte d’accusation reprochent à Salame sa participation à des complots pour importer une drogue dont la nature n’est pas précisée, si ce n’est que pour énoncer qu’il s’agit d’une des substances inscrites à l’une ou l’autre des annexes I à VI de la LRCDAS.
[49] Se prévalant de l’article 587 C.cr., Salame présente à la juge, dès l’ouverture de son procès, une demande pour que soit précisée la nature de la drogue et de l’objet de l’entente afin, soutient-il, d’être informé des risques auxquels il est exposé et de pouvoir exercer de façon éclairée son droit à une défense pleine et entière.
[50] La juge rejette, le 28 septembre 2011, sa demande en prenant d’abord acte de l’incapacité de l’intimée « d’identifier avec certitude la nature exacte des substances en cause »[3]. Elle ajoute que (1) Salame a reçu communication de toute la preuve depuis novembre 2006, (2) une enquête préliminaire a été tenue durant cinq jours, (3) Salame a été avisé dès le mois de septembre 2009 que l’acte d’accusation comprendrait quatre nouveaux chefs de complot en contravention de l’article 159 de la Loi sur les douanes[4], (4) Salame était informé que la preuve au procès serait essentiellement la même qu’à l’enquête préliminaire, et (5) Salame n’avait adressé à l’intimée aucune demande de divulgation supplémentaire depuis novembre 2006.
[51] Elle conclut que Salame ne démontre pas que les précisions demandées sont nécessaires pour bien identifier les crimes reprochés par l’acte d’accusation.
[52] Le paragraphe 581(3) C.cr. prévoit :
Un chef d’accusation doit contenir, à l’égard des circonstances de l’infraction présumée, des détails suffisants pour renseigner raisonnablement le prévenu sur l’acte ou l’omission à prouver contre lui et pour identifier l’affaire mentionnée, mais autrement l’absence ou l’insuffisance de détails ne vicie pas le chef d’accusation.
[53] Le chef d’accusation sert essentiellement à notifier formellement un accusé du risque qu’il encourt au plan juridique[5]. C’est l’acte d’accusation qui définit les questions litigieuses[6], il est donc primordial que celui-ci soit suffisamment précis pour qu’un prévenu sache de quoi il est accusé[7] et puisse être en mesure de repousser l’accusation portée[8] et faire valoir pleinement sa défense[9].
[54] Cela dit, il convient aussi de rappeler qu’en principe l’intimée est tenue de prouver tous les détails allégués au chef d’accusation, d’où l’intérêt pour cette dernière d’utiliser uniquement les termes nécessaires pour décrire adéquatement l’infraction[10].
[55] Le juge, saisi de la suffisance d’un chef d’accusation et, le cas échéant, de la nécessité de fournir à l’accusé des précisions additionnelles, doit, pour sa part, considérer les circonstances de l’affaire, la nature et le caractère juridique des infractions[11], de même que la communication de la preuve et la preuve administrée à l’occasion de l’enquête préliminaire[12]. L’examen de la décision attaquée révèle que la juge a suivi cette démarche et a exercé, à l’égard de cette question, la discrétion qui lui est attribuée de façon judicieuse.
[56] En ce qui concerne la nécessité d’identifier la nature de la drogue, la juge s’est référée aux propos de la juge McLachlin dans l’arrêt Saunders qui soulignent qu’en matière d’importation de drogue :
Il existe un principe fondamental en droit criminel que l’infraction, précisée dans l’acte d’accusation, doit être prouvée. Dans l’arrêt Morozuk c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 31, à la p. 37, notre Cour a décidé que lorsque le ministère public a précisé le stupéfiant dans un chef d’accusation, l’accusé ne peut être déclaré coupable si on fait la preuve d’un autre stupéfiant que celui qui est précisé. Le ministère public a choisi de particulariser l’infraction en l’espèce en précisant qu’il s’agissait d’un complot pour importer de l’héroïne. Ayant fait cela, il était obligé de faire la preuve de l’infraction ainsi précisée. Permettre au ministère public de faire la preuve d’une autre infraction ayant des caractéristiques différentes reviendrait à miner la raison pour laquelle des détails sont apportés, c’est-à-dire permettre à « l’accusé […] [d’]être raisonnablement informé de l’infraction qu’on lui impute, pour lui donner ainsi la possibilité d’une défense complète et d’un procès équitable » : R. c. Côté, [1978] 1 R.C.S. 8, à la p. 13.
Le substitut du procureur général prétend que l’arrêt de la Cour d’appel signifie que le ministère public échouera nécessairement dans chaque cas s’il ne peut prouver que le complot se rapportait à un stupéfiant particulier par opposition à un stupéfiant quelconque interdit. Je ne puis retenir cette prétention. Je partage l’avis du substitut du procureur général que l’essence de l’infraction est le complot pour importer un stupéfiant plutôt qu’un genre particulier de stupéfiant. La raison pour laquelle il faut préciser le stupéfiant dans un cas comme celui-ci est d’identifier l’opération à l’origine du complot reproché. Il existe diverses façons de respecter la condition fondamentale que l’accusation fournisse suffisamment de détails pour que l’accusé puisse raisonnablement identifier l’opération précise. Lorsque le ministère public a la preuve du stupéfiant particulier qui est visé, il peut à juste titre être obligé de la présenter comme un détail permettant d’identifier l’opération. Mais lorsque le ministère public ne connaît pas avec certitude le stupéfiant particulier qui faisait l’objet du complot, il peut à juste titre refuser de préciser le stupéfiant. L’acte d’accusation peut néanmoins être maintenu pourvu qu’il identifie assez clairement le complot reproché d’une autre façon. En l’espèce, il doit y avoir un nouveau procès non pas parce qu’une déclaration de culpabilité relativement à un complot pour importer un stupéfiant ne peut être justifiée sans la preuve du type de stupéfiant visé, mais plutôt parce que le ministère public a choisi en l’espèce de préciser le stupéfiant visé et n’a pas fait la preuve du complot ainsi particularisé.[13]
[Je souligne]
[57] De plus, la juge a pris en compte que Salame avait en sa possession la communication de toute la preuve cinq ans avant que ne débute un procès qui a essentiellement repris la même preuve que celle présentée à l’enquête préliminaire tenue deux années plus tôt sans que ce dernier ait cru bon, durant toutes ces années, de demander la divulgation d’éléments de preuve additionnels dont il se serait senti privé.
[58] Tout comme la juge, je suis d’avis que Salame était suffisamment informé de la nature et des circonstances pertinentes des accusations portées contre lui et de la théorie de l’intimée sans qu’il ait été nécessaire de préciser davantage en mentionnant l’annexe concernée de la LRCDAS qui n’avait, à mon avis, de pertinence que pour la détermination de la peine. Or, il appert que la preuve du procès a, par la suite, démontré, à la satisfaction de la juge, que la substance que les appelants projetaient importer était de l’éphédrine. C’est donc en fonction de ce facteur que la peine a été imposée[14].
1.5.1.2 Membre ou participant aux conspirations
[59] L’existence d’une conspiration pour importer une drogue n’est pas en l’espèce contestée. Salame nie, cependant, être un membre de la conspiration et y avoir participé puisqu’il a toujours cru que l’objectif visé était d’importer légalement au Canada des épices et de l’acide nitrique en provenance de l’Inde.
[60] L’infraction prévue à l’article 465 C.cr. se définit comme une entente entre au moins deux personnes qui ont l’intention de participer ensemble à la poursuite d’une fin illégale. « L’essence du complot criminel est la preuve de l’entente »[15]. La conclusion d’une entente en vue de commettre l’acte illégal est nécessaire à la perpétration du complot. Le simple désir de commettre un crime, communiqué ou discuté entre plusieurs personnes, ne suffit pas pour engager la responsabilité pénale du délinquant.
[61] Le fait qu’une personne adhère à un complot déjà formé ne fait pas non plus échec à sa condamnation[16]. De la même façon, le complot demeure intact malgré le départ d’un conspirateur.
[62] Par son abandon, le conspirateur se dissocie du but commun avec la conséquence qu’on ne saurait lui imputer la responsabilité criminelle des actes subséquents auxquels il a refusé de participer ou a renoncé à poser. Toutefois, si la conspiration est déjà consommée, son refus d’y donner suite ou son retrait subséquent n’absout pas le conspirateur[17].
[63] L’adhésion à un complot déjà existant est également génératrice de responsabilité criminelle lorsqu’elle trahit l’intention de faire sien le plan illégal et de consentir à son achèvement[18].
[64] Le juge Dickson écrit à cet égard dans l’arrêt Papalia :
De nouvelles personnes peuvent se joindre au projet en cours alors que d’autres peuvent l’abandonner. Aussi longtemps qu’il existe un plan général ininterrompu, des changements peuvent intervenir quant aux méthodes, aux conspirateurs ou aux victimes sans que le complot prenne fin…[19]
[65] Je signale, finalement, que la Cour suprême a, en rendant la décision R. c. J. F.[20], mis un terme à une controverse opposant deux courants jurisprudentiels au Canada relativement à la participation à un complot criminel. Ainsi, il est désormais reconnu que ne devient partie à l’infraction de complot que celui qui aide ou encourage quelqu’un à la commettre (art. 21(1)b) et c) C.cr.). La responsabilité du participant n’est alors engagée que par une aide ou un encouragement à l’égard de l’actus reus, soit l’acte consistant pour les conspirateurs à s’entendre.
[66] La responsabilité du participant à un complot est engagée de la même façon si l’aide vise à la formation d’une nouvelle entente ou si cette aide est fournie à l’égard d’une entente qui existe déjà[21].
[67] Bien que l’aide ou l’encouragement consistant à accomplir des gestes qui permettent la réalisation de la fin illégale ne soit pas source de responsabilité criminelle en tant que participant à la conspiration, il demeure que le fait qu’une personne ayant connaissance de l’existence du complot accomplit une chose dans la poursuite de la fin illégale commune, et ce, au su ainsi qu’avec le consentement d’un ou plusieurs conspirateurs, peut constituer une preuve circonstancielle solide de son adhésion au complot[22] (art. 21(1)a) C.cr.).
[68] En l’espèce, c’est cette dernière situation qui trouve application dans le cas de Salame. La preuve que retient la juge établit (1) que Salame acquiert, à compter du 21 septembre 2005, la connaissance des complots visant l’importation et la conscience de la nature illégale de la marchandise importée, (2) qu’il avait l’intention de se joindre aux autres membres des complots et de participer avec eux à la réalisation de la fin illégale, et (3) qu’il a, entre les mois de septembre 2005 et mai 2006, effectué des démarches de concert avec Khano, Torre, Bardales et Follano pour que se concrétise l’importation projetée.
[69] Bref, le juge conclut à l’existence d’une preuve circonstancielle répondant aux critères reconnus en matière criminelle démontrant que Salame est d’abord devenu membre d’un complot préexistant (août à décembre 2005) et, dans un second temps, d’une nouvelle conspiration (décembre 2005 à mai 2006).
[70] Il s’agit là d’une détermination qui relève essentiellement d’une appréciation de la preuve et Salame ne pointe pas du doigt d’erreur manifeste et déterminante dans la démarche suivie par la juge qui puisse servir d’assise à une intervention de la Cour[23].
[71] Salame soutient également qu’il n’a existé qu’un seul complot général pour importer de la drogue et non deux, comme le suggèrent les accusations portées par l’intimée et pour lesquelles il a été déclaré coupable.
[72] L’existence d’un seul ou de deux complots successifs est également tributaire des circonstances révélées par la preuve.
[73] La juge écrit à cet égard :
[485] La preuve volumineuse présentée par la poursuite établit sans contredit l’existence de ces deux complots en vue d’importer de la drogue.
[486] La défense l’a, d’ailleurs, admis. [24]
[74] Or, la preuve soutient l’inférence de la juge selon laquelle le premier complot a avorté, notamment la conversation interceptée du 16 décembre 2015 à laquelle participe Béliveau qui dit alors à une amie, en parlant de Khano, Torre et Bardales : « … là on a discuté « affaires » pis euh… je t’en reparlerai là. C’est pas… on oublie ça pour cette shot-là. Il est arrivé un problème… ».
[75] La juge retient d’ailleurs que les événements subséquents démontrent qu’un nouveau projet d’importation de drogue, auquel s’est également associé Salame, a vu le jour avec le parrainage de la même organisation criminelle. Cette conclusion trouve également appui dans la preuve.
[76] Or, selon la norme de contrôle judiciaire applicable aux conclusions de fait, celles-ci ne sont reconsidérées par une cour d’appel que s’il est démontré qu’elles comportent une erreur manifeste et déterminante[25], ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
[77] Salame reproche également aux motifs de la juge de ne pas distinguer les éléments de preuve admissibles à l’égard du premier et du second complot et de plutôt analyser la preuve sous l’angle d’un complot général s’étendant entre août 2005 et mai 2006.
[78] Il propose, en conséquence, que l’analyse ainsi effectuée est lacunaire et conduit à un résultat inapproprié en ce que la juge lui a imputé la connaissance du premier complot en se servant d’un élément de preuve du 6 mars 2006, soit bien après que le premier complot a pris fin en décembre 2005.
[79] La proposition ainsi formulée omet de prendre en compte que c’est plutôt à partir des événements survenus entre les mois de septembre et décembre 2005, combinés aux justifications invraisemblables de Salame, que la juge a conclu à sa connaissance de la nature illégale du complot et à son adhésion à l’entente illégale. L’entretien qu’il a eu avec l’émissaire de Torre le 6 mars 2006 n’en constitue qu’un élément de preuve circonstancielle qui renforce la conclusion.
[80] En outre, l’argument formulé est pour le moins étonnant si on considère que l’existence des deux complots a été admise par les parties lors du procès et que toute l’analyse de la juge vise, en conséquence, à établir si Salame est devenu membre ou a adhéré à chacune des ententes conclues afin de réaliser la même fin illégale.
1.5.1.3 Conclusion
[81] Il y a lieu, en conséquence, de conclure que les motifs soulevés par Salame au soutien de son pourvoi sont infondés et ne justifient pas la conclusion recherchée.
1.5.2.1 La requête pour arrêt des procédures et exclusion de la preuve fondée sur les articles 11(b) et 24(2) de la Charte
[82] Béliveau a été arrêtée le 1er décembre 2006 dans le cadre de l’opération policière de ratissage consécutive au « Projet Colisée » en même temps que 90 autres individus. L’intimée avait, en effet, demandé et obtenu, le 17 novembre précédent, la délivrance de plusieurs dénonciations conjointes regroupant, en différentes cellules, les prévenus à l’égard desquels les mêmes infractions étaient principalement reprochées. Celle à laquelle appartient Béliveau comprend, outre Salame, messieurs Bardales, Aoude, Follano, Khano et Torre.
[83] Béliveau comparaît le jour même de son arrestation devant la Cour du Québec pour répondre à divers chefs d’accusation comprenant notamment des complots pour importer de la drogue et de corruption de fonctionnaire public. Elle n’est remise en liberté que le 29 décembre 2006.
[84] À l’ouverture de son procès, le 20 septembre 2011, invoquant une violation du droit garanti par l’article 11(b) de la Charte, elle demande à la juge, conjointement avec Salame, d’ordonner l’arrêt des procédures criminelles intentées contre elle par l’intimée.
[85] Le 26 septembre suivant, la requête est rejetée au motif que les délais à procéder (58 mois) ne sont pas déraisonnables compte tenu que les appelants ont renoncé à invoquer une période de 21 mois, que 16 mois sont attribuables à des délais inhérents et 21 mois à des délais institutionnels que la juge qualifie d’acceptables compte tenu des facteurs liés à la complexité de l’affaire et au nombre d’accusés (90) que le projet « Colisée » a traduits devant les tribunaux québécois.
[86] Elle conclut également que les inconvénients subis par Béliveau, bien que n’étant pas anodins, ont pour la plupart une autre cause que le délai pris pour tenir son procès et que celle-ci n’a pas manifesté de réel empressement à procéder.
[87] Le procès, qui dure en tout 18 jours, se poursuit alors jusqu’au 14 mars 2012 lorsque la juge met la cause en délibéré. Les verdicts de culpabilité sont rendus le 14 juin 2012 et les peines infligées à chacun des appelants sont prononcées le 21 février 2013.
1.5.2.1.1 Le droit applicable
[88] La Cour suprême a récemment défini un nouveau cadre d’analyse qui doit être appliqué pour déterminer s’il y a atteinte au droit d’être jugé dans un délai raisonnable que garantit l’alinéa 11b) de la Charte (R. c. Jordan, 2016 CSC 28).
[89] Ce nouveau cadre prévoit un plafond présumé au-delà duquel le délai écoulé, entre le dépôt des accusations et la conclusion du procès, est réputé déraisonnable à moins que des circonstances exceptionnelles le justifient.
[90] Ce plafond, dans le cas d’un procès instruit devant la Cour du Québec à l’issue d’une enquête préliminaire, comme celui de l’espèce, est fixé à 30 mois. Les délais imputables à l’accusé, et ceux auxquels il a renoncé, doivent être soustraits du calcul servant à établir si le plafond a été atteint.
[91] Lorsque le plafond ainsi calculé est dépassé, il incombe au ministère public de réfuter la présomption du caractère déraisonnable du délai en démontrant des circonstances exceptionnelles. Seules seront véritablement exceptionnelles celles qui sont indépendantes de la volonté du ministère public, soit parce qu’elles sont raisonnablement imprévues ou inévitables et que l’avocat du ministère public ne peut raisonnablement remédier aux délais lorsqu’ils surviennent.
[92] Lorsque le délai est inférieur au plafond présumé, l’accusé assume par ailleurs le fardeau d’établir le caractère déraisonnable du délai en démontrant un effort soutenu de sa part pour accélérer l’instance et une durée de procès nettement plus longue que ce qu’il aurait dû raisonnablement être.
[93] Consciente que le nouveau cadre d’analyse s’écarte des règles jusque-là applicables aux demandes fondées sur 11b) de la Charte, la Cour suprême reconnaît que, pour les affaires déjà en cours, celui-ci doit être appliqué avec souplesse et en tenant compte du contexte.
[94] Il serait en effet inéquitable de juger rigoureusement le comportement des juges et avocats sur la base de règles qui n’existaient pas au moment où ils ont été appelés à agir.
[95] De plus, évoquant le souvenir des dizaines de milliers d’accusations qui ont fait l’objet d’un arrêt des procédures en Ontario, en raison des conséquences consécutives au prononcé de l’arrêt Askov en 1990, la Cour suprême invite les juges à appliquer le nouveau cadre aux affaires pendantes de façon contextuelle pour éviter que ce chapitre regrettable de l’histoire judiciaire canadienne se répète.
[96] Le nouveau cadre d’analyse prévoit donc, pour les causes en cours d’instance, une mesure transitoire exceptionnelle applicable aux affaires où, comme c’est le cas en l’espèce, le délai excède le plafond :
[96] Premièrement, dans les cas où le délai excède le plafond, une mesure transitoire exceptionnelle peut s’appliquer lorsque les accusations ont été portées avant le prononcé du présent jugement. C’est le cas lorsque le ministère public convainc la cour que le temps qui s’est écoulé est justifié du fait que les parties se sont raisonnablement conformées au droit tel qu’il existait au préalable. Cela suppose qu’il faille procéder à un examen contextuel, eu égard à la manière dont l’ancien cadre a été appliqué et au fait que la conduite des parties ne peut être jugée rigoureusement en fonction d’une norme dont ils n’avaient pas connaissance. Par exemple, le préjudice subi et la gravité de l’infraction ont souvent joué un rôle décisif dans la décision quant au caractère raisonnable du délai lorsqu’il s’est agi d’appliquer l’ancien cadre d’analyse. Pour les causes en cours d’instance, ces considérations peuvent donc aider à déterminer si les parties se sont raisonnablement fondées sur l’état antérieur du droit. Bien entendu, si, après le prononcé du présent jugement, les parties ont eu le temps de corriger leur conduite et le système a disposé d’un certain temps pour s’adapter, le juge du procès doit en tenir compte.
[97] Par ailleurs, le délai peut excéder le plafond parce que la cause est moyennement complexe dans une région confrontée à des problèmes de délais institutionnels importants. Les juges qui œuvrent dans les juridictions où sévissent de longs délais institutionnels tenaces et connus doivent tenir compte de cette réalité, puisque les problèmes de délais systémiques limitent ce que peuvent faire les avocats du ministère public. Ces derniers, le Parlement et les législateurs ont besoin de temps pour réagir à la présente décision et des arrêts de procédures ne peuvent être accordés en bloc uniquement parce qu’il existe présentement des problèmes importants de délais institutionnels. Comme nous l’avons souligné, l’administration de la justice ne peut pas se permettre une répétition des conséquences qu’a eues la décision Askov. La mesure transitoire exceptionnelle dont il est question ici reconnaît qu’il faut du temps pour implanter des changements et que les délais institutionnels - même s’ils sont importants - ne donneront pas automatiquement lieu à des arrêts des procédures.
[98] Les droits de tous les accusés protégés par l’al. 11b) ne peuvent pas pour autant être suspendus pendant que le système cherche à s’adapter au nouveau cadre d’analyse établi en l’espèce. Les tribunaux vont donc continuer à conclure à la violation des droits protégés par l’al. 11b) et des causes pendantes feront encore l’objet d’ordonnances d’arrêt des procédures. Par exemple, dans une cause simple, si le délai excède considérablement le plafond en raison d’erreurs et d’impairs répétés du ministère public, le délai pourrait être jugé déraisonnable même si les parties agissaient en fonction de l’ancien cadre d’analyse. L’examen doit toujours être contextuel. Nous nous fions au bon sens des juges de première instance pour juger du caractère raisonnable du délai dans les circonstances de chaque cas.[26]
[Je souligne]
[97] Pour justifier la raisonnabilité du délai et bénéficier de la mesure transitoire exceptionnelle, le ministère public doit alors convaincre le tribunal que les parties se sont raisonnablement conformées aux règles de droit applicables à l’époque concernée.
[98] Dans l’arrêt Tremblay c. R., notre Cour définit ainsi le cadre d’analyse tel qu’il existait avant l’arrêt Jordan :
[43] Pour déterminer s’il y a violation de ce droit, le tribunal « soupèse les intérêts que l’alinéa est destiné à protéger et les facteurs qui, inévitablement, entraînent un délai ou sont autrement la cause du délai ». Les facteurs pertinents à cet exercice sont la longueur du délai, la renonciation à invoquer certaines périodes dans le calcul, les raisons du délai, notamment les délais inhérents à la nature de l’affaire, les actes de l’accusé, les actes du ministère public, les limites des ressources institutionnelles, les autres raisons du délai et le préjudice subi par l’accusé.
[44] Le tribunal décide ensuite si le délai est déraisonnable. Il faut tenir compte des intérêts que l’alinéa 11b) vise à protéger, de l’explication du délai et du préjudice subi par l’accusé.
[45] La Cour suprême ajoutait plus récemment, dans l’arrêt R. c. Godin :
[18] […] Par la force des choses, cette démarche demande souvent un examen minutieux de différentes périodes et d’une foule de questions factuelles concernant les raisons de certains retards. Toutefois, au cours de cet examen minutieux, il faut veiller à ce que l’attention que nous portons aux détails ne nous fasse pas perdre de vue l’ensemble de la situation.
[46] Pour ce qui concerne les intérêts que l’alinéa 11b) de la Charte cherche à protéger, il faut mentionner son objet principal, la protection des droits individuels de l’accusé, soit le droit à la sécurité de la personne, le droit à la liberté et le droit à un procès équitable :
L’alinéa 11b) protège le droit à la sécurité de la personne en tentant de diminuer l’anxiété, la préoccupation et la stigmatisation qu’entraîne la participation à des procédures criminelles. Il protège le droit à la liberté parce qu’il cherche à réduire l’exposition aux restrictions de la liberté qui résulte de l’emprisonnement préalable au procès et des conditions restrictives de liberté sous caution. Pour ce qui est du droit à un procès équitable il est protégé par la tentative de faire en sorte que les procédures aient lieu pendant que la preuve est disponible et récente.
[47] L’intérêt de la société doit aussi être considéré. Il ressort de façon évidente lorsqu’il correspond à celui de l’accusé :
La société dans son ensemble a intérêt à ce que le moins fortuné de ses citoyens qui est accusé de crimes soit traité de façon humaine et équitable. À cet égard, les procès qui sont tenus rapidement ont la confiance du public […]. Toutefois, dans certains cas, l’accusé n’a aucun intérêt dans la tenue d’un procès hâtif et l’intérêt de la société ne correspond pas alors à celui de l’accusé.
[48] L’intérêt de la société dans l’application de la loi peut aussi être contraire aux intérêts de l’accusé de sorte que :
[…] Plus un crime est grave, plus la société exige que l’accusé subisse un procès. Le rôle de cet intérêt est des plus évidents et son influence des plus apparentes lorsqu’on cherche à absoudre des personnes accusées de crimes graves simplement dans le but d’alléger le rôle.
[49] L’évaluation du caractère raisonnable des délais doit donc être globale. Les délais doivent être examinés attentivement :
[…] Les tribunaux ne siègent pas jour et nuit. Il faut du temps pour traiter l’accusation, retenir les services d’un avocat, régler les demandes de cautionnement et les autres procédures préalables au procès. Il faut du temps pour que l’avocat se prépare. En plus de ces délais inhérents à la nature de l’affaire, la poursuite ou la défense peut avoir besoin de temps. Toutefois, aucune partie ne peut invoquer ses propres délais à l’appui de sa position. Lorsqu’une affaire est prête pour le procès, il est possible que le juge, la salle d’audiences ou le personnel essentiel à la cour ne soient pas disponibles et qu’ainsi l’affaire ne puisse être entendue. Ce denier genre de délai est appelé délai institutionnel ou systémique.
[Notre soulignement]
[50] Plus un dossier est complexe, plus les délais inhérents seront importants. Lorsque plusieurs personnes sont accusées conjointement, les délais inhérents augmentent inévitablement. Par ailleurs, les actes de l’accusé doivent être considérés, sans qu’il s’agisse, pour autant, de le blâmer. Le juge Sopinka écrit, à ce sujet, dans l’arrêt Morin :
[…] Rien n’exige que des motifs incorrects soient attribués à l’accusé dans l’examen de ce facteur. Cette rubrique comprend toutes les mesures prises par l’accusé qui peuvent avoir entraîné un délai. Sous cette rubrique, je me préoccupe des actes de l’accusé qui ont été entrepris volontairement. Les actes de cette catégorie peuvent comprendre notamment les requêtes en renvoi devant une autre cour, les contestations en matière d’écoute électronique, les ajournements qui n’équivalent pas à une renonciation, les contestations de mandat de perquisition, etc. Je ne voudrais pas que l’on croit que je préconise que les accusés sacrifient toutes les procédures préliminaires et leur stratégie, mais je souligne simplement que s’ils choisissent de prendre une telle mesure, il faudra en tenir compte pour déterminer le délai qui est raisonnable.
[51] Ajoutons que l’établissement d’un calendrier pour le déroulement d’une instance requiert une disponibilité et une coopération raisonnables. En ce qui concerne les actes du ministère public, il s’agit d’examiner ceux qui ont pour effet de retarder le procès. Il peut s’agir de demandes d’ajournement, du défaut ou du retard en matière de communication de la preuve, de requêtes en renvoi devant une autre cour.
[52] Dans un autre registre, les limites des ressources institutionnelles correspondent à la « période qui commence lorsque les parties sont prêtes pour le procès, mais le système ne peut leur permettre de procéder ».
[53] Enfin, la notion de préjudice doit être considérée. Or, l’on « peut déduire qu’un délai prolongé peut causer un préjudice à l’accusé ». Ainsi :
[…] Plus le délai est long, plus il est vraisemblable qu’on pourra faire une telle déduction. Dans des circonstances où on ne déduit pas qu’il y a eu préjudice et où celui-ci n’est pas autrement prouvé, le fondement nécessaire à l’application du droit individuel est gravement ébranlé.
[54] Au surplus, ce droit « peut souvent se transformer en arme offensive entre les mains de l’accusé » et il doit être interprété de manière à reconnaître que certains accusés peuvent chercher à profiter de la situation :
[…] L’alinéa 11b) a pour but d’accélérer les procès et de réduire les préjudices et non pas d’éviter qu’une personne subisse son procès sur le fond. Le tribunal doit tenir compte de l’action ou de l’inaction de l’accusé qui ne correspond pas à un désir d’être jugé rapidement.
Toutefois, outre le fait de pouvoir déduire qu’il y a eu préjudice, chaque partie peut se fonder sur la preuve pour démontrer qu’il y a eu préjudice ou pour écarter une telle conclusion […]
[…] la poursuite peut démontrer au moyen d’éléments de preuve que l’accusé fait partie de la majorité qui ne souhaite pas avoir un procès rapproché et que le délai lui a profité plutôt que de lui causer un préjudice. La conduite de l’accusé qui ne correspond pas à une renonciation peut servir à démontrer qu’il n’y a pas eu préjudice […]
[55] Les auteurs Béliveau et Vauclair écrivent au sujet du préjudice :
2181. La Cour suprême, dans la trilogie Morin, Sharma et CIP Inc., a fait du préjudice un élément essentiel à l’existence d’une violation de l’alinéa 11b) de la Charte et, surtout, en a imposé le fardeau de la preuve à l’accusé, bien que dans certains cas, il puisse s’inférer de la longueur des délais […]
2185. Sur le plan conceptuel, il y a peu à dire sur la notion de préjudice. Toutefois, le seul préjudice pertinent est celui que subit l’accusé; les souffrances, les angoisses et les problèmes émotifs et financiers subis par la famille et les amis de la victime sont exclus. De même, il doit s’agir d’un préjudice lié à l’accusation, comme cela peut être le cas avec des conditions sévères de remise en liberté […] Rappelons toutefois qu’à la vue d’une preuve démontrant que l’accusé a fait peu d’efforts pour obtenir un procès plus rapide, une cour peut décider que le préjudice est, en pratique, annulé.
[Notre soulignement] [Références omises]
[56] L’appréciation du préjudice peut donner lieu à une erreur mixte de fait et de droit. En évaluant une violation fondée sur l’alinéa 11b) de la Charte, « il faut faire preuve d’une grande déférence quant aux conclusions de fait du juge de première instance ». La qualification des délais est, par contre, examinée selon la norme de la décision correcte. La juge en chef McLachlin s’exprimait ainsi à ce sujet, dans l’arrêt R. c. MacDougall :
63 Les juges de première instance et les cours d’appel provinciales sont généralement les mieux placés pour déterminer si un délai était déraisonnable, car ils connaissent la situation particulière qui existe dans leur ressort. Toutefois, comme l’a souligné le juge Sopinka dans R. c. Stensrud, [1989] 2 R.C.S. 1115, à la p. 1116, cette décision doit s’appuyer sur des principes justes.[27]
[Références omises]
1.5.2.1.2 Application aux faits
[99] Il s’est, en l’espèce, écoulé 67 mois entre la délivrance de la dénonciation visant l’arrestation de Béliveau (17 novembre 2006) et le prononcé des verdicts de culpabilité (14 juin 2012). De ce délai global, il y a lieu de déduire les délais qui sont attribuables aux actes de Béliveau et ceux qui ont fait l’objet d’une renonciation de sa part.
[100] Compte tenu que la décision sur la requête fondée sur l’article 11(b) de la Charte est rendue le 26 septembre 2011, la juge établit à 58 mois le délai global duquel elle déduit les 21 mois qui ont fait l’objet d’une renonciation de la part de Béliveau. La partie soustraite comprend la période écoulée entre la citation à procès et le moment où une date pour sa tenue a pu être fixée (du 28 janvier 2008 au 23 juin 2009) au cours de laquelle le dossier a été reporté à 13 reprises du consentement des parties, dont cinq fois à la demande de Béliveau, ainsi que celle (du 13 novembre 2009 au 17 mars 2010) qui sépare l’audition de la requête de l’intimée pour que l’avocat de Béliveau soit déclaré inhabile et la décision qui y fait droit. C’est aussi durant ce délai que l’assignation des témoins aurait été annulée et que le procès, qui devait se tenir à compter du 8 février 2010, a été reporté au 19 septembre 2011 (19 mois plus tard).
[101] La juge conclut, par ailleurs, qu’aucune portion du délai global n’est attribuable aux actes de Béliveau ou de l’intimée.
[102] Le délai découlant des limites des ressources institutionnelles totalise, selon la juge, 21 mois qu’elle répartit ainsi :
- cinq mois en attente de l’enquête préliminaire;
- cinq mois dans l’attente d’une date d’audition de la requête d’inhabilité;
- 11 mois (du 20 octobre 2010 au 20 septembre 2011) durant lesquels les parties, bien que prêtes à procéder, doivent attendre le début du procès.
[103] Finalement, la juge considère que les délais inhérents à la nature de l’affaire sont de 16 mois.
[104] Les parties contestent toutes deux la qualification attribuée aux différentes composantes du délai global. D’une part, Béliveau soutient que la juge a erré en retenant que du 28 janvier 2008 au 23 juin 2009 (17 mois) son consentement aux reports équivalait à une renonciation de se prévaloir du délai en raison de l’absence d’une preuve d’un acquiescement de sa part devant l’inévitable. Elle précise que c’est plutôt l’intimée qui a fait défaut d’établir, selon les critères applicables à cet égard, l’existence d’une renonciation valide et qu’en conséquence une période de 17 mois a été erronément soustraite du délai global.
[105] Béliveau ajoute que les propos tenus par son avocat de l’époque (Me Martin), en décembre 2009, ne peuvent être interprétés comme étant le reflet d’une renonciation expresse et éclairée à invoquer les quatre mois subséquents passés à attendre la décision du juge saisi de la demande d’habilité.
[106] Béliveau plaide, en outre, que la juge aurait dû attribuer aux actes de l’intimée le délai de 34 mois écoulé entre le moment où cette dernière a constaté ce qui lui semblait être un conflit d’intérêts flagrant (le 1er décembre 2006) et la présentation de la requête en inhabilité fondée sur ce motif (21 septembre 2009).
[107] L’intimée plaide, d’autre part, que la juge a erronément attribué à une période de 184 jours (6 mois) le qualificatif de délai institutionnel alors qu’il s’agit en réalité d’un délai inhérent.
[108] Bien qu’elles remettent toutes deux en question l’étiquette attribuée par la juge à certains éléments composant le délai, les parties n’ont pas inclus dans leur mémoire respectif les transcriptions et les procès-verbaux des audiences susceptibles de soutenir leurs points de vue et de démontrer le contexte de même que les motifs justifiant les nombreux ajournements de la cause. Elles se sont plutôt contentées de confectionner et de produire des tableaux intitulés « Plan d’évolution », dans le cas de Béliveau, et « Développements » pour celui préparé par l’intimée, qui relatent la chronologie de certaines procédures, accompagnée de commentaires énonçant leur perception des événements qui se sont déroulés devant le tribunal.
[109] Ces outils sont toutefois peu utiles, en l’absence des documents qui permettent de prendre connaissance du contexte des reports, pour déterminer l’existence d’une renonciation éclairée et expresse et apprécier la justesse de leurs arguments.
[110] Par ailleurs, en ce qui concerne les consentements de Béliveau à plusieurs ajournements, la juge écrit « … les requérants n’ont présenté aucune preuve permettant de conclure que leur consentement à ces ajournements équivalait à un acquiescement devant l’inévitable »[28] et conclut qu’il s’agit plutôt de délais auxquels elle a renoncé.
[111] Or, Béliveau a témoigné (1) qu’elle ne comprenait pas pourquoi l’attente était si longue, qu’elle se sentait à la remorque des décisions des autres accusés, (2) qu’elle s’est plainte de cette situation intenable à ses avocats qui lui ont fourni pour toute réponse qu’elle n’était pas la seule accusée, et (3) qu’elle n’a pas manifesté davantage sa déception, ne croyant pas avoir le droit de faire plus.
[112] Le juge Sopinka rappelle dans l’arrêt Smith ce qui suit :
L’acceptation d’une date par un accusé permet dans la plupart des circonstances de déduire que l’accusé renonce à son droit d’alléguer par la suite qu’il y a eu délai déraisonnable. Bien que le fait de demeurer silencieux ne constitue pas une renonciation, l’acceptation d’une date pour la tenue d’un procès ou d’une enquête préliminaire aurait généralement plus de signification que le silence. Par conséquent, en l’absence d’autres facteurs, on pourrait en déduire que l’appelant a renoncé aux droits que lui garantit l’al. 11b).[29]
[113] Béliveau propose que l’extrait précité démontre que la juge lui a attribué un fardeau de preuve indu.
[114] Il est vrai qu’il incombe généralement à l’intimée d’établir, selon la balance des probabilités, que les actes d’un accusé constituent une renonciation au droit garanti par l’article 11(b) de la Charte[30], mais si la préoccupation de l’accusé ou de son avocat à l’égard d’un report de la cause n’est pas exprimée, cela équivaut, en l’absence d’une preuve que ces consentements représentent un acquiescement à l’inévitable, une renonciation de sa part à invoquer le délai ainsi causé[31].
[115] Compte tenu de la crédibilité pour le moins douteuse de Béliveau et en l’absence de preuve du contexte précis qui a donné lieu au consentement de cette dernière à chacun de ces ajournements, je considère qu’il n’est pas opportun de remettre en question la conclusion selon laquelle les actes de cette dernière constituent une renonciation. La juge qui était en possession de l’ensemble de la preuve pertinente, comprenant bien entendu la version de Béliveau à cet égard, était autorisée à conclure à l’insuffisance de la preuve d’acquiescements de sa part devant l’inévitable et à déduire des actes de cette dernière qu’elle avait, en demandant 5 ajournements et en consentant à 8 autres, renoncé à invoquer le délai de 17 mois écoulé entre le 28 janvier 2008 et le 23 juin 2009.
[116] En ce qui concerne la période de quatre mois durant laquelle la requête en inhabilité de l’avocat de Béliveau est mise en délibéré, la juge conclut n’avoir d’autre choix que de considérer qu’il y a une renonciation :
[92] En effet, lors de la séance du 2 décembre 2009, Me Martin a réitéré à plusieurs reprises, en français comme en anglais, qu’il n’y avait pas de préjudice pour les accusés en liberté, que les délais n’étaient pas en cause. « It is not an issue », a-t-il dit. Il a ajouté qu’il fallait être réaliste et qu’il avait été, de toute façon, convenu dès le départ que les personnes détenues suite à l’Opération Colisée auraient priorité.[32]
[117] Béliveau ne pointe pas du doigt une erreur manifeste ou déterminante qui puisse miner ce constat qui relève principalement d’une appréciation factuelle.
[118] Pour sa part, l’intimée, qui avait elle-même expressément suggéré à la juge de considérer la période du 23 juin 2009 au 13 novembre 2009 (144 jours) comme étant un délai institutionnel, lui reproche maintenant de ne pas avoir qualifié la période de délai inhérent. Ainsi, selon cet argument, les mois de juillet et d’août de chaque année deviennent, à la Cour du Québec, des délais inhérents dans toutes les causes. Le même sort serait réservé au délai couru avant de tenir une conférence préparatoire et au temps que laisse écouler une partie avant de produire ses requêtes préliminaires.
[119] Je suis d’avis que l’argument est dénué de fondement.
[120] J’estime, en conséquence, qu’il n’est pas approprié de réviser la qualification attribuée par la juge aux différents délais. La période de 21 mois imputable aux renonciations expresses ou implicites de Béliveau doit, en conséquence, être déduite du délai global.
[121] Cela dit, il convient de considérer ces conclusions en tenant compte du délai additionnel qui s’est écoulé jusqu’au prononcé des verdicts. Le calcul révèle alors un délai réel de 46 mois (67 mois - 21 mois) dépassant largement le plafond de 30 mois établi dans Jordan et qui est en conséquence présumé être déraisonnable.
[122] Compte tenu de la date de l’inculpation de Béliveau, il convient maintenant de se demander si le ministère public me convainc que le délai « qu’il a fallu pour instruire l’affaire est raisonnable suivant le cadre d’analyse applicable auparavant et sur lequel se sont raisonnablement fondées les parties »[33].
[123] Je suis d’avis, qu’en l’espèce, cette mesure transitoire exceptionnelle trouve application.
[124] La comparution, dans l’espace de quelques jours, d’environ 90 prévenus additionnels arrêtés dans le cadre du « Projet Colisée », pour un grand nombre de crimes présentant un niveau de complexité élevé en matière de preuve, a soudainement imposé aux ressources judiciaires disponibles du Palais de justice de Montréal, qui, de façon notoire, peinaient déjà à maintenir des délais d’audition acceptables, un fardeau supplémentaire important dont les répercussions ont été, quoique temporaires, perceptibles pendant quelques années.
[125] La poursuite du procès des deux appelants, des acteurs de soutien dans la hiérarchie de l’organisation criminelle démantelée, en constitue une démonstration patente, puisqu’elle a nécessité 18 jours d’audition répartis sur 7 semaines non consécutives durant une période d’environ 7 mois.
[126] En raison de la nature et du nombre d’accusations portées, la présentation de la preuve de l’intimée nécessitait, entre autres choses, la production et l’écoute de plusieurs centaines de conversations privées interceptées conformément à la partie VI du Code criminel. La cause présentait, en conséquence, des écueils juridiques importants pour les juges et avocats impliqués, qui se sont traduits par des délais inhérents qui ont inévitablement retardé la tenue des procès et que la juge a établis à environ 15 mois, mais qu’il y a lieu d’augmenter à 21 mois en raison de la période écoulée jusqu’au prononcé des verdicts de culpabilité.
[127] Les 21 mois, que la juge a qualifiés de délai institutionnel, dépassent par ailleurs de trois mois la fourchette supérieure prévue par les lignes directrices énoncées par la Cour suprême dans l’arrêt Morin[34]. J’estime, pour ma part, qu’il faut ajouter à ce délai 4 des 10 mois qu’a nécessités l’achèvement du procès[35] après le rejet de la demande d’arrêt des procédures et que la juge ne pouvait alors raisonnablement anticiper ou prévoir.
[128] Le délai institutionnel ainsi augmenté (25 mois) est comparable à celui qu’a considéré la Cour suprême dans Williamson à la différence importante, qu’en l’espèce, le dossier soumis par Béliveau ne démontre aucun empressement ni aucune insistance de sa part à accélérer la tenue du procès.
[129] En outre, les arrêts Morin[36], Sharma[37] et CIP inc.[38] ont fait du préjudice un élément essentiel de la violation du droit garanti par l’article 11(b) de la Charte.
[130] Le préjudice pertinent est celui qui découle du délai pour instruire l’affaire et n’inclut pas tous les inconvénients qui résultent du fait de l’inculpation[39].
[131] La juge a, à juste titre, souligné l’importance du facteur lié au préjudice dans la détermination du délai institutionnel qui peut être raisonnablement toléré. Elle a alors conclu que les inconvénients subis par Béliveau sont plutôt dus aux accusations portées qu’au délai pris pour les instruire et que le préjudice est en conséquence minime.
[132] Même s’il est permis « de déduire qu’un délai prolongé peut causer un préjudice »[40] et de considérer que « plus le délai est long, plus il est vraisemblable qu’on pourra faire une telle déduction »[41], la preuve demeure néanmoins un élément crucial pour déterminer l’existence ou l’absence de préjudice.
[133] L’appréciation du préjudice peut toutefois donner lieu à une erreur mixte de droit et fait[42]. Je rappelle, à cet égard, la grande déférence due aux conclusions factuelles de la juge de première instance.
[134] Cette dernière a, à bon droit, pris en compte le peu d’effort manifesté par Béliveau pour accélérer la tenue du procès et déterminé que le préjudice subi en raison du délai à procéder n’était pas suffisamment significatif ni de nature à justifier une ordonnance d’arrêt des procédures.
[135] Je suis d’avis que l’analyse de la juge reflète qu’elle a adéquatement soupesé les intérêts que l’alinéa 11(b) de la Charte est destiné à protéger et les facteurs qui sont la cause de délai. Un examen minutieux a été effectué qui tient compte à la fois des arguments avancés pour expliquer le délai et de la preuve relative au préjudice résultant de la longueur du délai.
[136] Il en résulte une conclusion de raisonnabilité du délai qui respecte les principes de droit reconnus au moment où la décision est prononcée et qui considère l’ensemble de la preuve soumise ainsi que les arguments des parties.
[137] Bref, la décision relative à l’absence de violation du droit garanti par l’alinéa 11(b) de la Charte s’inscrit à l’intérieur du cadre d’analyse en vigueur au moment où elle est prononcée.
[138] J’estime, en conséquence, que la mesure transitoire exceptionnelle trouve application en l’espèce et qu’il n’y a pas lieu d’infirmer la conclusion de la juge d’instance à cet égard.
1.5.2.2 La participation de Béliveau au complot
[139] Béliveau plaide également que la preuve ne révèle pas qu’elle est devenue membre des conspirations alléguées, mais plutôt qu’elle a perpétré l’infraction prévue à l’article 22 du Code criminel : avoir conseillé la commission d’un crime.
[140] L’argument est essentiellement fondé sur un extrait tronqué du paragraphe 678 de la décision sur la culpabilité (« donner des conseils en vue d’aider les coconspirateurs à importer une drogue »), dont Béliveau se sert pour affirmer que la juge a reconnu que sa seule contribution illégale a été de conseiller la commission d’un crime. Or, le paragraphe en question est beaucoup plus explicite que ne l’avance cette dernière sur son rôle au sein de la conspiration :
678 La preuve est donc sans équivoque : Marilyn Béliveau a, en toute connaissance de cause, alors qu’elle était douanière, donné des conseils en vue d’aider les coconspirateurs à importer une drogue. La preuve a notamment démontré qu’elle a posé des gestes à son poste de travail en vue de vérifier si certaines compagnies étaient ciblées.
[Je souligne]
[141] En outre, tel que je le soulignais plus tôt, la preuve circonstancielle qui amène la juge à conclure à sa culpabilité comprend d’autres éléments incriminants, notamment les conversations qu’elle a avec Gauthier où elle évoque ses espoirs de récompense de la part de l’organisation. S’ajoutent à cela les invraisemblances de son témoignage, notamment qu’elle aurait inventé l’histoire de sa participation à une importation illégale de drogue pour ne pas avoir à s’impliquer dans la commission d’une infraction criminelle similaire avec son ami de cœur, un trafiquant notoire.
[142] Béliveau affirme, à tort, que la juge a confondu le fait d’être membre de la conspiration, celui d’appartenir à une organisation criminelle et celui d’agir au profit ou en association avec une organisation criminelle.
[143] La preuve considérée dans son ensemble autorisait, en l’espèce, la juge à conclure que Béliveau était partie à la conspiration, qu’elle a posé des gestes avec l’intention de voir se concrétiser l’objectif illégal et qu’elle a consciemment agi ainsi en association avec une organisation criminelle. Béliveau ne pointe pas du doigt d’erreur manifeste et déterminante dans le cheminement intellectuel suivi par la juge pour en arriver à ces conclusions.
[144] Force est donc de conclure que la juge s’est bien dirigée en droit, qu’elle a correctement analysé et interprété la preuve produite et que les verdicts de culpabilité sont fondés.
[145] Il y a lieu, en conséquence, de rejeter les appels des déclarations de culpabilité.
[146] Tel que je le soulignais précédemment, le ministère public a demandé et obtenu l’autorisation d’appeler des peines infligées aux intimés et ainsi modulées :
Dans le cas de Salame :
1. Emprisonnement avec sursis de 18 mois pour les chefs n° 6, 8, 10 et 12 à être purgés concurremment entre eux (chefs de complot);
2. Emprisonnement avec sursis de 6 mois moins un jour pour les chefs n° 7, 9, 11 et 13 à être purgés de façon concurrente entre eux, mais consécutivement à la peine de 18 mois avec sursis (chefs de gangstérisme).
Dans le cas de l’intimée Béliveau :
1. Emprisonnement avec sursis de 18 mois pour les chefs n° 3, 6, 8, 10 et 12 à être purgés concurremment entre eux (chefs de complot et corruption);
2. Emprisonnement avec sursis de 6 mois moins 1 jour pour les chefs n° 4, 7, 9, 11 et 13 à être purgés de façon concurrence entre eux, mais consécutivement à la peine de 18 mois de sursis (chefs de gangstérisme).
Les deux seront soumis à diverses conditions, dont :
1. Présence 24 heures sur 24 au domicile pour les 12 premiers mois, et de 23 h à 7 h pour les 12 mois suivants (moins 1 jour);
2. Éviter les personnes avec casier judiciaire, la drogue, les bars et discothèques;
3. Répondre au téléphone en tout temps et donner libre accès à l’agent en tout temps;
4. Interdiction de possession d’armes.
La probation de trois (3) ans interdisant la possession d’armes, la communication avec des personnes ayant un casier judiciaire et les lieux où on fait usage ou la vente de drogue.
[147] Après avoir résumé la preuve produite par les intimés et énoncé les principes et objectifs pertinents à la détermination des peines prévues aux articles 718 à 718.2 C.cr., la juge procède à la pondération des divers facteurs pertinents qu’elle énonce ainsi :
Facteurs aggravants
1. Gangstérisme :
La juge note qu’il s’agit d’un facteur aggravant énuméré à l’article 718.2 mais nuance son importance étant donné le rang occupé par les accusés dans la hiérarchie du groupe. Elle note le caractère consécutif de la peine (article 467.14 C.cr.).
2. Gravité objective :
Elle est sérieuse, selon la juge, le gangstérisme étant passible d’une peine maximale de 14 ans, le complot de 10 ans et la contrebande de 5 ans.
3. Implication sur une longue période de temps :
La participation sur une période de 10 mois constitue un facteur aggravant, qu’il faut nuancer en fonction du rôle joué par les accusés.
4. Pour l’intimée Béliveau, son emploi comme agente des services frontaliers :
Elle jouait un rôle important de protection de nos frontières et a ouvert la porte à une organisation criminelle.
Facteurs atténuants
1. Absence d’antécédents judiciaires :
Atténuant pour les deux, mais dans une moindre mesure pour l’intimée Béliveau puisque s’agissant d’un préalable à l’embauche à l’Agence des services frontaliers.
2. Rôle joué par les accusés :
Ils étaient dans le bas de l’échelle et ne connaissaient pas précisément la nature de la drogue qui devait être importée.
3. Jeune âge :
L’intimé Salame avait 21 ans et l’intimée Béliveau 25 ans.
4. Temps écoulé depuis les événements :
La juge considère que le temps écoulé entre la dénonciation et la condamnation (59 mois) constitue un facteur atténuant.
5. Conditions imposées depuis les événements :
La juge tient compte des conditions de remise en liberté et de la détention provisoire subie par l’intimée Béliveau.
6. Bon comportement depuis les événements :
Indicateur important du potentiel de réhabilitation d’un individu, il peut être pris en considération au moment de déterminer la sentence, une fois soupesé avec les autres objectifs comme la dénonciation et la dissuasion.
[Références omises]
[148] La juge retient ensuite, à bon droit, qu’en matière de complot pour importer de la drogue et de gangstérisme, la dissuasion générale est l’objectif prédominant, mais que la doctrine et la jurisprudence reconnaissent que l’emprisonnement avec sursis constitue généralement un moyen adéquat pour atteindre cet objectif.
[149] Puis, constatant que les conditions d’ouverture à l’emprisonnement dans la collectivité sont réunies, notamment parce que la détention dans un pénitencier et un sursis de peine ne seraient pas appropriés dans le cas des intimés, la juge énonce les raisons pour lesquelles elle estime que cette forme de sanction est, en l’espèce, la peine juste et indiquée :
1. Le risque de récidive est minime voire même nul et le mode de vie des intimés est indicateur d’une réhabilitation bien amorcée.
2. La naïveté et la jeunesse des intimés qui ont été contaminés par des criminels expérimentés et organisés.
3. Leur degré de participation et la nécessité d’harmoniser leurs peines avec celles des coconspirateurs.
4. Les infractions ont été commises avant le 30 novembre 2007, date d’entrée en vigueur des modifications à l’article 742.1 C.cr. qui ont eu pour effet d’exclure la possibilité d’emprisonnement avec sursis dans le cas d’une infraction d’organisation criminelle.
5. L’aspect punitif de la peine sera assuré par l’imposition de conditions restrictives et strictes.
6. Le volet dissuasif découle par ailleurs des stigmates subis, des inquiétudes résultant de l’incertitude quant au sort que leur réservait la justice, des conditions restrictives de leur liberté imposées durant presque six ans, des dépenses liées aux procédures ainsi que des travaux communautaires qu’ils devront accomplir et de la probation qui suivra.
[150] L’appelante formule ainsi les questions que soulève son appel dans le cas de la peine infligée à Béliveau :
1. La juge a-t-elle erré en omettant de déterminer, de façon préliminaire, la fourchette des peines applicables pour déterminer l’admissibilité de la douanière Béliveau à l’emprisonnement avec sursis?
2. La juge a-t-elle erré en réduisant la peine de la douanière Béliveau pour la détention provisoire sans avoir déterminé la durée de l’emprisonnement appropriée avant la réduction?
3. La juge a-t-elle erré en décidant que les conditions d’application du sursis à l’emprisonnement étaient en l’espèce réunies?
[151] Seule la troisième question relative aux conditions d’application de l’emprisonnement avec sursis est soulevée par l’appelante dans le cas de Salame.
[152] Pour l’appelante, la détermination de l’admissibilité de Béliveau à l’emprisonnement dans la collectivité nécessitait d’abord d’établir la fourchette des peines applicables pour chacune des infractions ayant fait l’objet d’un verdict de culpabilité. Un tel examen aurait permis à la juge de constater, notamment dans le cas d’un douanier, qu’une peine de pénitencier s’impose au moment de juxtaposer à la sanction du crime de corruption d’un fonctionnaire public (art. 120 C.cr.) et de complot pour importer une drogue (art. 465 C.cr. et 6 de la LRCDAS) celle de gangstérisme (467.12(1) C.cr.). Or, les motifs de la décision attaquée seraient, selon elle, lacunaires en ce que la juge ne discute pas spécifiquement des fourchettes des peines applicables à chacune des infractions et sont le prélude à une peine globale manifestement non indiquée dans les circonstances.
[153] L’article 742.1 était, à l’époque pertinente, rédigé comme suit :
742.1 Lorsqu’une personne est déclarée coupable d’une infraction - autre qu’une infraction pour laquelle une peine minimale d’emprisonnement est prévue - et condamnée à un emprisonnement de moins de deux ans, le tribunal peut, s’il est convaincu que le fait de purger la peine au sein de la collectivité ne met pas en danger la sécurité de celle-ci et est conforme à l’objectif et aux principes visés aux articles 718 à 718.2, ordonner au délinquant de purger sa peine dans la collectivité afin d’y surveiller le comportement de celui-ci, sous réserve de l’observation des conditions qui lui sont imposées en application de l’article 742.3. |
Where a person is convicted of an offence, except an offence that is punishable by a minimum term of imprisonment, and the court a) imposes a sentence of imprisonment of less than two years, and b) is satisfied that serving the sentence in the community would not endanger the safety of the community and would be consistent with the fundamental purpose and principles of sentencing set out in sections 718 to 718.2, the court may, for the purpose of supervising the offender’s behaviour in the community, order that the offender serve the sentence in the community, subject to the offender’s complying with the conditions of a conditional sentence order made under section 742.3. |
[Je souligne]
[154] Dans R. c. Proulx, le juge en chef Lamer décrit ainsi la démarche pertinente qui précède l’imposition d’emprisonnement dans la collectivité :
Les tribunaux canadiens devraient suivre une démarche analogue. Partant, l’interprétation téléologique de l’art. 742.1 ne commande pas le recours à une démarche rigide en deux étapes dans le cadre de laquelle le tribunal devrait d’abord infliger une peine d’emprisonnement d’une durée déterminée puis décider si cette peine même peut être purgée au sein de la collectivité. À mon avis, le tribunal peut s’acquitter de l’obligation qui lui est faite de condamner le délinquant à un emprisonnement de moins de deux ans en déterminant de façon préliminaire la fourchette des peines applicables. En conséquence, suivant la démarche que je propose, le juge doit encore accomplir deux étapes. Toutefois, il n’a pas à infliger une peine d’emprisonnement d’une durée déterminée à la première étape de l’analyse. À ce stade, le tribunal n’a simplement qu’à déterminer s’il y a lieu d’écarter deux possibilités : a) les mesures probatoires, et b) l’emprisonnement dans un pénitencier. Si l’une ou l’autre de ces sanctions est appropriée, l’emprisonnement avec sursis ne devrait pas être prononcé.
Pour rendre cette décision préliminaire, il suffit au tribunal de prendre en compte l’objectif essentiel et les principes de la détermination de la peine énoncés aux art. 718 à 718.2 dans la mesure nécessaire pour délimiter la fourchette des peines applicables au délinquant. Quoiqu’elles ne lient pas le tribunal, les observations des parties peuvent s’avérer utiles à cet égard. Par exemple, les deux parties peuvent convenir que la peine appropriée est l’emprisonnement pour une période de moins de deux ans.
Une fois qu’il a pris cette décision préliminaire, et en supposant que tous les autres préalables prévus par la loi sont réunis, le tribunal passe alors à la seconde étape de l’analyse et se demande si le prononcé d’une condamnation à l’emprisonnement avec sursis est conforme à l’objectif essentiel et aux principes visés aux art. 718 à 718.2. Contrairement à la première étape, les principes de détermination de la peine sont alors examinés de manière exhaustive. De plus, c’est au cours de cette seconde étape que le tribunal doit fixer la durée de la peine d’emprisonnement et l’endroit où elle sera purgée, et, s’il rend une ordonnance de sursis à l’emprisonnement, la nature des conditions dont elle sera assortie.[43]
[Je souligne]
[155] S’exprimant pour la majorité dans R. c. Fice, le juge Bastarache résume cette première étape de l’examen requis par l’article 742.1 du Code criminel :
2 La condition prévue par l’art. 742.1 requérant que le délinquant soit condamné à un emprisonnement de moins de deux ans pour pouvoir être admissible au sursis à l’emprisonnement a reçu une interprétation téléologique dans l’arrêt R. c. Proulx, [2000] 1 R.C.S. 61, 2000 CSC 5. Notre Cour a jugé que, pour décider si cette condition est respectée, le tribunal détermine de façon préliminaire la fourchette des peines applicables. Pour ce faire, il suffit au tribunal de décider s’il y a lieu d’écarter deux possibilités : a) les mesures probatoires; b) l’emprisonnement dans un pénitencier. Il n’a pas à infliger une peine d’emprisonnement d’une durée déterminée à la première étape de l’examen de cette condition. On peut en conséquence affirmer que la condition en question a pour objet d’exclure certaines catégories de délinquants du régime de sursis à l’emprisonnement sur la base de la fourchette des peines qui leur seraient applicables. Plus particulièrement, les délinquants pour lesquels la probation ou une peine d’emprisonnement dans un pénitencier serait jugée appropriée ne peuvent bénéficier d’un sursis à l’emprisonnement.[44]
[Je souligne]
[156] La démarche suivie par la juge, en l’espèce, est manifestement inspirée de ces enseignements :
[139] Qu’en est-il du préalable concernant l’imposition d’une peine de moins de deux ans? L’arrêt Proulx nous propose tout d’abord de déterminer s’il y a lieu d’écarter une mesure probatoire et une peine de pénitencier. En d’autres termes, la Cour doit établir si les accusés sont admissibles au sursis à l’emprisonnement.
[140] Les accusés devraient-ils purger leur peine dans un pénitencier, donc se mériter une peine de plus de deux ans? Ils ne seraient alors pas admissibles au sursis. Devraient-ils au contraire bénéficier d’une sanction plus clémente, telle qu’une sentence suspendue et une mesure probatoire? Ils ne seraient alors pas admissibles non plus.
[141] Dans le cas de l’accusée Béliveau et de l’accusé Salame, ces deux mesures situées aux extrémités du spectre des peines ne me semblent pas appropriées. En effet, la peine envisagée dans leur cas en est une de moins de deux ans. Ils deviennent donc admissibles à l’octroi d’un sursis.[45]
[Référence omise]
[157] Il est vrai, comme le souligne l’appelante, que les motifs de la décision sur la peine ne mentionnent pas de façon spécifique la fourchette des peines particulière à chacun des crimes pour lesquels Béliveau a été déclarée coupable.
[158] Mais telle n’est pas non plus l’exigence posée par les arrêts Proulx et Fice qui nécessite plutôt de décider s’il y a lieu d’écarter deux possibilités : les mesures probatoires et l’emprisonnement dans un pénitencier. Par ailleurs, les motifs exprimés respectent les impératifs de l’article 726.2 C.cr. Ceux-ci permettent également (1) aux parties de savoir pourquoi les peines sont imposées, (2) de rendre compte de la légitimité de l’exercice du pouvoir judiciaire, et (3) de fournir la matière à un examen efficace en appel[46].
[159] En outre, il m’apparaît que les frontières des fourchettes des peines pour les crimes de corruption de fonctionnaire (art. 120 C.cr.), d’abus de confiance (art. 122 C.cr.) et de complot pour importer de l’éphédrine (art. 465 C.cr. et 6 LRCDAS) n’étaient pas aussi définies que l’affirme l’appelante et n’excluaient pas, comme elle le propose, que l’emprisonnement avec sursis puisse être infligé même si l’accusé est un agent des douanes.
[160] Je rappelle à cet égard que dans R. c. Cedeno[47], une douanière, qui s’était laissée corrompre par la même organisation criminelle que celle de l’espèce, en vendant à ses dirigeants des déclarations de douane préestampillées afin de permettre aux colis contenant de la cocaïne importée d’échapper aux vérifications aléatoires de l’Agence, a écopé d’une peine d’emprisonnement dans la collectivité.
[161] Dans R. c. Laplante[48], l’accusé, un agent assigné au poste frontalier de Frelighsburg, avait permis l’entrée au Canada d’un camion loué par son frère. Ce dernier s’était procuré 150 kilogrammes de cocaïne en Floride et avait embauché un conducteur pour faire entrer la marchandise au Canada en lui donnant instructions de se présenter au poste frontalier le 20 juin 2004 après minuit au moment où « la porte sera ouverte ». L’accusé, qui était alors seul en devoir, a laissé passer le camion comme convenu sans en vérifier le contenu.
[162] Il a plaidé coupable à l’accusation de complot pour commettre l’infraction prévue à l’article 159 de la Loi sur les douanes[49], le ministère public ne pouvant établir hors de tout doute raisonnable sa connaissance de la nature de la substance importée et fut condamné à purger une peine d’emprisonnement dans la collectivité.
[163] Je retrouve également dans la jurisprudence des cas ou des peines analogues imposées pour des infractions de complot pour importer[50], pour trafic de drogue[51] ainsi que pour importation de drogue[52].
[164] Je suis conscient que, dans la plupart de ces cas, les peines infligées sont de 2 ans moins 1 jour d’emprisonnement dans la communauté, alors que celle imposée à l’intimée est plutôt de 18 mois, mais cette différence n’a pas pour effet d’invalider la conclusion de la juge relativement à son admissibilité à cette forme de sanction.
[165] Comme le rappelle le juge Wagner dans l’arrêt Lacasse[53], les fourchettes de peines, dont l’objectif est l’harmonisation de celles-ci, ne sont que des lignes directrices. La dérogation à la fourchette des peines ne constitue pas une erreur de droit ou de principe.
[166] Cela dit, j’estime que l’admissibilité de l’intimée à une peine avec sursis a été établie en respectant à la fois la première étape de la démarche suggérée par l’arrêt Proulx ainsi que les exigences prévues à l’article 742.1 C.cr. La conclusion qui émerge de cet examen est par ailleurs soigneusement motivée.
[167] Il n’y a, en conséquence, pas lieu de retenir ce moyen d’appel.
[168] La juge écrit à cet égard :
[184] Le Tribunal tient compte du fait que Marilyn Béliveau a déjà purgé l’équivalent de deux mois en détention provisoire et impose la même peine aux deux accusés.
[185] En conséquence et pour tous ces motifs, le Tribunal impose à Marilyn Béliveau et à Samir Salame une peine de 2 ans mois un jour d’emprisonnement dans la collectivité, laquelle peine sera suivie d’une période de probation pour une durée de 3 ans.
[Référence omise]
[169] Ce passage indique, selon l’appelante, que la peine retenue par la juge aurait, sans une déduction pour la période passée en détention provisoire (équivalente à deux mois), sûrement été supérieure à deux ans d’emprisonnement et ne pouvait en conséquence être purgée dans la collectivité. Cette façon de procéder irait à l’encontre des enseignements de la haute instance dans l’arrêt R. c. Fice[54] et de notre Cour dans R. c. Girard[55].
[170] Le texte de la décision attaquée me convainc que la juge a d’abord déterminé que la sanction globale applicable à l’intimée était une peine d’emprisonnement inférieure à deux années sans prendre en compte la détention provisoire. C’est à la seconde étape de l’analyse que la juge a considéré l’incarcération de l’intimée entre le 1er et le 29 décembre 2006.
[171] Il s’agit là d’une application qui ne déroge pas aux principes qui se dégagent des propos du juge Bastarache dans Fice :
À mon avis, la période passée en détention présentencielle doit être prise en compte à la deuxième étape de l’analyse, qui concerne la durée de la peine, plutôt qu’à la première, qui concerne la fourchette des peines applicables. J’ai déjà expliqué pourquoi la période de détention présentencielle ne devait pas influer sur la fourchette des peines applicables. Voyons maintenant pourquoi ce facteur doit être pris en compte pour ce qui est de la durée de la peine.
[…]
Pour toutes ces raisons, je conclus que la période passée en détention présentencielle ne doit pas influer sur la détermination de la fourchette des peines applicables et, partant, sur la possibilité de prononcer une condamnation à l’emprisonnement avec sursis. Il s’agit plutôt d’un facteur que le tribunal doit prendre en compte pour fixer la durée de la peine infligée dans les faits. Toute autre conclusion serait contraire à la nature du régime d’emprisonnement avec sursis, tel qu’il a été défini dans l’arrêt Proulx.[56]
[172] Je ne partage pas l’opinion de l’appelante selon laquelle la seule façon de prendre en compte la détention provisoire consiste à établir son équivalence en termes d’emprisonnement qui est ensuite déduit de la peine envisagée.
[173] L’emprisonnement précédant le verdict est un facteur dont le juge du procès peut tenir compte pour déterminer la peine appropriée[57] autrement qu’en appliquant une simple déduction. Ce facteur peut notamment être considéré pour établir la pertinence d’une période probatoire, sa durée et ses conditions[58].
[174] Il est vrai que les motifs de la décision attaquée n’indiquent pas de façon spécifique le rôle joué par ce facteur dans la détermination imposée. On ne peut cependant en conclure automatiquement que l’usage que la juge en a fait est inapproprié au point de justifier une intervention correctrice. Je crois cependant que l’ensemble des motifs formulés contient les renseignements qui permettent un examen efficace de la justesse de la peine sans que la juge ait été tenue d’énoncer le poids relatif de chacun des facteurs considérés sur le résultat final de l’analyse.
[175] L’appelante cible par ce moyen le fondement de la peine de six mois d’emprisonnement dans la collectivité imposée pour crime, gangstérisme (art. 467.12 C.cr.) de façon consécutive à celles infligées pour les infractions sous-jacentes de corruption et de complot.
[176] Elle reproche à la juge de ne pas avoir appliqué un principe voulant que lorsque la gravité objective de l’infraction sous-jacente est égale à celle de l’infraction de gangstérisme prévue à l’article 462.12 C.cr., les peines infligées pour chacun de ces deux crimes doivent être égales ou à tout le moins proportionnelles. Sans cette erreur, Béliveau et Salame n’auraient pu se qualifier pour l’octroi de peine avec sursis.
[177] Or, l’existence même d’un tel principe est pour le moins problématique puisque celui-ci implique l’infliction d’une peine minimale que les articles 467.12 et 467.14 C.cr. ne prévoient pas.
[178] Je rappelle également que le fait que l’infraction sous-jacente a été commise au profit ou sous la direction d’une organisation criminelle ou en association avec celle-ci constituait une circonstance aggravante dont la juge a tenu compte[59] pour établir la peine appropriée pour celle-ci.
[179] Un examen de la jurisprudence révèle, par ailleurs, que la peine pour l’infraction de gangstérisme est parfois moindre[60], parfois égale[61], ou même supérieure à celle du crime sous-jacent[62].
[180] Les auteurs Hugues Parent et Julie Desrosiers soulignent relativement à la peine applicable à l’infraction de gangstérisme que :
Bien que l’infraction reliée à l’organisation criminelle soit un crime tout à fait distinct, celle-ci ne peut être dissociée de l’infraction principale sans entraîner une désincarnation de la peine. Résultat : la sanction qui est infligée spécifiquement pour l’infraction de gangstérisme découle généralement de la ventilation de la peine effectuée afin de respecter le principe de la totalité. Les peines infligées en matière de gangstérisme étant consécutives à celles infligées pour l’infraction substantive, les tribunaux doivent parfois, souvent même, aménager la peine afin d’arriver à un résultat qui, une fois considéré dans son ensemble, reflétera la gravité de l’infraction et le degré de responsabilité du délinquant […].[63]
[Référence omise]
[181] L’argument de l’appelante qui prend assise sur la décision de la Cour supérieure de justice de l’Ontario dans R. c. Evans[64] ne me convainc pas que la juge a, en l’espèce, commis une erreur révisable en imposant aux intimés, pour l’infraction de gangstérisme, des peines d’emprisonnement dans la collectivité de 6 mois moins 1 jour consécutives à celles de 18 mois pour corruption et complot.
[182] Il appert plutôt qu’elle a considéré le facteur aggravant de l’article 718.2a)(iv) C.cr. pour établir la fourchette de peines applicables et l’admissibilité des intimés à une peine d’emprisonnement dans la collectivité et qu’elle a, par la suite, déterminé la peine globale en prenant en compte l’exigence prévue à l’article 467.14 ainsi que les principes et objectifs des articles 718 à 718.2 C.cr.
[183] J’estime que la peine totale infligée à chaque intimé n’est pas, compte tenu des circonstances, manifestement déraisonnable ou non indiquée. La ventilation des peines pour chacun des crimes commis, si tant est qu’elle soit peu appropriée en l’espèce, ne justifie pas une intervention.
[184] La motivation des peines infligées est, en l’espèce, soignée et détaillée. La juge a considéré des principes juridiques reconnus, le rôle des intimés dans l’organisation, leur responsabilité dans les crimes commis, la nécessité de dénoncer et de dissuader, les facteurs particuliers à chacun de même que les impacts qu’ont eus les accusations sur la vie présente et future des intimés.
[185] Les peines infligées sont certes clémentes, particulièrement dans le cas de Béliveau compte tenu de son statut à l’époque de la perpétration des crimes, mais il ne faut pas perdre de vue que lorsqu’elles auront été complètement purgées, les deux intimés auront été judiciairement encadrés et soumis à des conditions contraignantes imposées par les tribunaux criminels durant environ 15 années, ce qui est loin d’être négligeable lorsque l’on considère la protection et la sécurité du public ainsi que la nécessité de dissuader et de dénoncer.
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[186] Je propose, en conséquence, de rejeter les pourvois des déclarations de culpabilité et des peines.
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CLAUDE C. GAGNON, J.C.A. |
[1] [1991] 1 R.C.S. 762.
[2] Kienapple c. R., [1975] 1 R.C.S. 729.
[3] Décision sur la demande de précisions rendue oralement le 28 septembre 2011, mémoire de l’appelant Salame, p. 1095.
[4] Loi sur les douanes, LRC 1985, c. 1 (2e supp).
[5] R. c. G. R., [2005] 2 R.C.S. 371, 2005 CSC 45, paragr. 11.
[6] R. c. Pointejour-Salomon, 2011 QCCA 771, paragr. 21.
[7] R. c. Giguère, [1988] R.L. 614 (C.A.); R. c. Douglas, [1991] 1 R.C.S. 301.
[8] R. c. G. R., supra, note 5, paragr. 2-13.
[9] R. c. Côté, [1978] 1 R.C.S. 8, 13.
[10] Martin Vauclair, Traité de preuve et de procédure pénales, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2014, p. 2067; R. c. Saunders, [1990] 1 R.C.S. 1020; R. c. Côté et Vézina, [1986] 1 R.C.S. 2.
[11] R. c. B. (G.), [1990] 2 R.C.S. 30, 44-45; R. c. Douglas, supra, note 7, p. 314.
[12] R. c. Munyaneza, 2014 QCCA 906, paragr.86.
[13] R. c. Saunders, supra, note 10, 1024-1025.
[14] R. c. Béliveau, 2013 QCCQ 1309, paragr. 13.
[15] R. c. Papalia, [1979] 2 R.C.S. 256, paragr. 46.
[16] R. c. Lamontagne (1999), 142 C.C.C. (3d) 561 (C.A.)J
[17] R. c. Lacoursière, [2003] RJQ 12, paragr. 24 (C.A.).
[18] R. c. Lamontagne, supra, note 16, paragr. 21.
[19] R. c. Papalia, supra, note 15, paragr. 46.
[20] [2013] 1 R.C.S. 565, 2013 CSC 12.
[21] R. c. J. F., supra, note 20, paragr. 74.
[22] Ibid., paragr. 73.
[23] Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235, 2002 CSC 33, paragr. 1; R. c. Sheppard, [2002] 1 R.C.S. 869, 2002 CSC 26, paragr. 25; R. c. Grant, [2009] 2 R.C.S. 353, 2009 CSC 32, paragr. 129 et R. c. Mabior, [2012] 2 R.C.S. 584, 2012 CSC 47, paragr. 82.
[24] R. c. Béliveau, 2012 QCCQ 4912, paragr. 485-486.
[25] Housen c. Nikolaisen, supra, note 23, paragr. 1.
[26] R. c. Jordan, 2016 CSC 27, paragr. 96-98.
[27] Tremblay c. R., 2014 QCCA 690.
[28] Béliveau c. R., 2011 QCCQ 11235, paragr. 81.
[29] R. c. Smith, [1989] 2 R.C.S. 1120, 1136.
[30] R. c. Askov, [1990] 2 R.C.S. 1199, 1229; R. c. Morin, [1992] 1 R.C.S. 771, 790.
[31] R. c. Brassard, [1993] 4 R.C.S. 287, paragr. 1; R. c. Rogalsky, [1995] 4 R.C.S. 48, paragr. 3.
[32] Béliveau c. R., supra, note 28, paragr. 92.
[33] R. c. Williamson, 2016 CSC 28, paragr. 24.
[34] R. c. Morin, supra, note 30.
[35] R. v. Satkunanan Than, (2001) 152 CCC (3d) 321 (Ont. C.A.).
[36] R. c. Morin, supra, note 30.
[37] R. c. Sharma, [1992] 1 R.C.S. 814.
[38] R. c. CIP Inc., [1992] 1 R.C.S. 843.
[39] R. c. Rahey, [1987] 1 R.C.S. 588, paragr. 624; Tremblay c. R., 2014 QCCA 690, paragr. 115.
[40] R. c. Morin, supra, note 30, paragr. 807.
[41] Ibid., paragr. 808.
[42] R. c. Camiran, 2013 QCCA 452, paragr. 20.
[43] R. c. Proulx, [2000] 1 R.C.S. 61, 2000 CSC 5, paragr. 58 à 60.
[44] R. c. Fice, [2005] 1 R.C.S. 742, 2005 CSC 32, paragr. 2.
[45] R. c. Béliveau, supra note 14, paragr. 139-141.
[46] R. c. R.E.M. 2008 CSC 51, [2008] 3 R.C.S. 3, paragr. 13; R. c. Cardinal, 2012 QCCA 1838, paragr. 34-35.
[47] 2010 QCCQ 4050; 2013 QCCA 1528.
[48] 2009 QCCS 1365
[49] Loi sur les douanes, supra, note 4.
[50] R. c. Hamilton (2004), 186 C.C.C. (3d) 129 (Ont. C.A.); R. c. Lanthier, 2011 QCCQ 5802, autorisation de pourvoi rejetée, 2011 QCCA 1027.
[51] R. c. Stevens, [1997] M.J. n° 269 (Man. C.A.), autorisation de pourvoi à la CSC refusée, 9 décembre 1998, 27017; R. v. Kane, 2012 NLCA 53.
[52] R. v. John Doe (1999), 142 C.C.C. (3d) 330 (Ont. Sup. Ct. J.).
[53] R. c. Lacasse, 2015 3 R.C.S. 1089, 2015 CSC 64.
[54] R. c. Fice, supra, note 44, paragr. 29 et 33.
[55] R. c. Girard, 2011 QCCA 1271, paragr. 22.
[56] R. c. Fice, supra, note 44, paragr. 29 et 33.
[57] Art. 719(3) C.cr.
[58] R. c. Mathieu, [2008] 1 R.C.S. 723, 2008 CSC 21, paragr. 17-19.
[59] R. c. Béliveau, supra, note 24, paragr. 44, 47-50.
[60] R. c. Girard, supra, note 55; R. c. Dufour, 2011 QCCS 6150; R. c. Duchesne, 2011 QCCS 6139; R. c. Anderson, 2009 QCCS 520; R. v. Smith, 2006 SKQB 137; R. c. Lavoie, 2013 QCCQ 491; R. c. Berthiaume, 2011 QCCA 14806.
[61] R. c. Flores, 2011 QCCA 2082; R. c. Arruda, 2011 QCCA 2081; R. c. Sardocchio, 2010 QCCA 2362.
[62] R. c. Hinse, 2009 QCCS 4065.
[63] Hugues Parent et Julie Desrosiers, La peine, Traité du droit criminel, t. 3, Montréal, Éditions Thémis, 2012, n° 600, p. 642.
[64] R. c, Evans, 2013 ONCS 7003.
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