Décision

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CONSEIL DE DISCIPLINE

ORDRE DES INGÉNIEURS DU QUÉBEC

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

No°:

22-19-0600

 

DATE :

 Le 2 octobre 2019

______________________________________________________________________

 

LE CONSEIL :

Me LYNE LAVERGNE

Présidente

M. ÉRIC GERMAIN, ingénieur

Membre

Mme FRANÇOISE POLIQUIN, ingénieure

Membre

______________________________________________________________________

 

PHILIPPE-ANDRÉ MÉNARD, ingénieur, en sa qualité de syndic adjoint de l’Ordre des ingénieurs du Québec

Plaignant

c.

 

BERTRAND SAMSON, ingénieur (membre : 22192)

Intimé

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

APERÇU

[1]         M. Philippe-André Ménard, le plaignant, reproche à M. Bertrand Samson, l’intimé, de s’être prêté à des procédés malhonnêtes lors d’appels d’offres et d’avoir incité un collègue à agir de cette façon.  

PLAINTE

[2]         La plainte disciplinaire, déposée par le plaignant en sa qualité de syndic adjoint de l’Ordre des ingénieurs du Québec le 6 juin 2019, comporte deux chefs d’infraction ainsi libellés :

1.        À Saint-Eustache, entre les années 2007 et 2009, dans le cadre de l’exercice de sa profession, alors qu’il était président fondateur de la firme BSA Groupe Conseil, Bertrand Samson a fait défaut de s’acquitter de ses obligations professionnelles alors, qu’ étant témoin et conscient du fait qu’un système de partage de contrats avait été mis en place afin de permettre de contourner le processus d’appels d’offres de la ville de Saint-Eustache, a toléré et n’a rien fait afin d’en empêcher le maintien non plus qu’afin de dénoncer une telle pratique, s’y étant même prêté à au moins deux (2) reprises, contrevenant ainsi à l’article 3.02.08 du Code de déontologie des ingénieurs ou, à défaut d'application de cet article, engendrant ainsi la commission d’un acte dérogatoire à l’honneur et à la dignité de la profession ou à la discipline des membres de l'Ordre aux termes de l'article 59.2 du Code des professions;

2.        À Mirabel, au cours de l’année 2001, dans le cadre de l’exercice de sa profession, alors qu’il était président fondateur de la firme BSA Groupe Conseil, Bertrand Samson a commis un acte dérogatoire en incitant un confrère à participer à un système préalablement établi, permettant de contourner le processus d’appels d’offres de la ville de Mirabel, contrevenant ainsi à l’article 4.02.03 c) du Code de déontologie des ingénieurs.

[Transcription textuelle]

[3]         Bien que l’intimé reconnaisse les faits, il ne plaide pas coupable aux deux chefs d’infraction de la plainte.

[4]         Les parties demandent au Conseil de se prononcer sur la culpabilité après que le plaignant présente sa preuve sur culpabilité.

CONTEXTE ET PREUVE

[5]         Le Conseil retient les faits suivants de la preuve soumise.

[6]          L’intimé devient ingénieur junior et membre de l’Ordre le 1er janvier 1972. Il est reclassé ingénieur le 18 octobre 1973 et le demeure depuis.

[7]          L’intimé travaille comme ingénieur à la ville de Saint-Eustache (la Ville) puis devient directeur des services techniques pendant quelques années.

[8]          Par la suite, il fonde son cabinet de génie-conseil sous le nom de BSA Groupe Conseil (BSA).

[9]          Dans les années 2000, les contrats que BSA obtient proviennent à près de 50 % du secteur public, dont de la Ville.

[10]       À la suite des révélations de la Commission sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction (la Commission), le plaignant rencontre plusieurs ingénieurs dans le cadre de son enquête sur le partage des contrats publics et le nom de l’intimé est mentionné à plusieurs reprises.

[11]       Il entame donc une enquête à l’égard de la conduite professionnelle de l’intimé.

[12]       Il ressort de l’enquête du plaignant qu’entre 2007 et 2009, alors que plusieurs grands cabinets de génie-conseil instaurent un système de collusion à l’égard de l’attribution des contrats publics, tel qu’établi par les conclusions de la Commission, l’intimé et les dirigeants des trois autres firmes de génie-conseil situées à Saint-Eustache décident de se partager entre eux les quatre contrats pour lesquels la Ville les invite à soumissionner par appel d’offres (chef 1).

[13]        Ainsi les quatre firmes obtiennent chacune un contrat de la Ville. Ces contrats sont tous d’une valeur inférieure à 100 000 $.

[14]       Par ailleurs, BSA et l’intimé n’émettent pas de facture factice et n’instaurent pas ni ne participent à un système de collusion systémique comme il s’est vu chez certains grands cabinets de génie-conseil.

[15]       Le 11 septembre 2001, l’intimé incite M. Talbot, un ingénieur d’une autre firme de génie-conseil faisant alors une première tentative d’obtention d’un contrat public à la ville de Mirabel (Mirabel), à gonfler le prix de sa soumission, ce que fait M. Talbot (chef 2).

[16]       Il s’agit alors d’un contrat d’une valeur de 40 000 $ à 45 000 $.

[17]       Enfin, le plaignant dépose une déclaration assermentée de l’intimé datée du 7 juin 2019 dans laquelle ce dernier reconnaît tous les faits inscrits dans le libellé des chefs d’infraction[1].

DÉCLARATION DE CULPABILITÉ

[18]       Après avoir délibéré sur la preuve offerte, le Conseil déclare l’intimé coupable du  chef 1 de la plainte en vertu de l’article 3.02.08 du Code de déontologie des ingénieurs (le Code de déontologie) et de l’article 59.2 du Code des professions, pour les motifs exposés ci-dessous.

[19]       Puisque les parties recommandent de retenir l’article 3.02.08 du Code de déontologie comme disposition de rattachement pour les fins de la détermination de la sanction et que cet article est spécifique au comportement reproché, le Conseil ordonne la suspension des procédures quant au renvoi à l’article 59.2 du Code des professions.

[20]       Il déclare également l’intimé coupable du chef 2 en vertu de l’article 4.02.03 c) du Code de déontologie.

[21]       Les parties se disant dès lors prêtes à procéder sur sanction, considérant que l’intimé est présent dans la salle d’audience au moment du prononcé de la culpabilité, le Conseil, se fondant sur l’article 150 du Code des professions, procède immédiatement à entendre les représentations sur sanction.

RECOMMANDATION CONJOINTE

[22]      Les parties suggèrent au Conseil d’imposer à l’intimé les sanctions suivantes :

·        Chef 1 : une amende de 10 000 $;

·        Chef 2 : une amende de 5 000 $.

[23]       Elles demandent également que l’intimé soit condamné au paiement des déboursés pour un montant maximal de 500 $ et qu’un délai d’un mois à compter de la date d’exécution de la décision lui soit accordé pour s’acquitter des amendes et des frais.

QUESTION EN LITIGE

[24]       Le Conseil doit déterminer si la recommandation conjointe proposée par les parties déconsidère l’administration de la justice ou est contraire à l’intérêt public.

[25]       Pour les motifs qui suivent, le Conseil, après avoir délibéré, donne suite à la recommandation conjointe sur sanction, celle-ci satisfaisant les critères établis par la jurisprudence.

ANALYSE

La recommandation conjointe proposée par les parties déconsidère-t-elle l’administration de la justice ou est-elle contraire à l’intérêt public?

[26]       Lorsque des sanctions sont suggérées conjointement par les parties, le Conseil n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence des suggestions conjointes, mais doit y donner suite s’il les considère raisonnables, non contraires à l’intérêt public, ni de nature à déconsidérer l’administration de la justice[2].

[27]       Par ailleurs, la finalité du droit disciplinaire n’est pas de punir le professionnel fautif, mais vise plutôt la réhabilitation, ce qui signifie trouver une sanction juste et appropriée, ayant un effet de dissuasion sur le professionnel, d’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession et ainsi, veiller à assurer la protection du public, sans empêcher indûment le professionnel d’exercer sa profession[3].

[28]       Pour déterminer si la sanction n’est pas déraisonnable, le Conseil doit regarder les facteurs objectifs et subjectifs propres à la situation de l’intimé[4].

[29]       Cependant, les facteurs subjectifs doivent être utilisés avec soin, puisque l’on ne doit pas leur accorder une importance telle qu’ils prévalent sur la gravité objective de l’infraction, et ce car ils « portent sur la personnalité de l’intimé alors que la gravité objective porte sur  l’exercice de la profession »[5].

[30]       En effet, la Cour d’appel rappelle que la gravité objective d’une faute donnée ne devrait jamais « être subsumée au profit de circonstances atténuantes relevant davantage de la personnalité du professionnel que de l’exercice de sa profession »[6].

[31]       Par ailleurs, si la sanction recommandée par les parties se situe dans la fourchette des sanctions imposées en semblable matière[7], le Conseil peut alors considérer que la sanction n’est pas déraisonnable eu égard aux facteurs objectifs et subjectifs retenus.

[32]       Toutefois, il est important de rappeler les enseignements de la Cour suprême dans l’affaire Lacasse[8] selon lesquels le Conseil doit voir les fourchettes de peines comme des outils visant à favoriser l'harmonisation des sanctions et non pas comme des carcans, celles-ci n’ayant pas un caractère coercitif.

[33]       D’ailleurs, le Tribunal des professions dans la décision Chbeir[9] ajoute que le fait de déroger à ces fourchettes de sanction ne constitue pas en soi une erreur.

[34]       Enfin, le Conseil doit tenir compte des principes de gradation et de globalité de la sanction.

[35]       C’est à la lumière de ces préceptes que le Conseil répond à la question en litige.

Dispositions de rattachement

[36]       La plainte a pour fondement les dispositions suivantes du Code de déontologie des ingénieurs (Code de déontologie) :

3.02.08. L’ingénieur ne doit pas recourir, ni se prêter à des procédés malhonnêtes ou douteux, ni tolérer de tels procédés dans l’exercice de ses activités professionnelles.

4.02.03. L’ingénieur ne doit pas surprendre la bonne foi d’un confrère, abuser de sa confiance, être déloyal envers lui ou porter malicieusement atteinte à sa réputation. Sans restreindre la généralité de ce qui précède, l’ingénieur ne doit pas notamment:

(…)

c)   inciter un confrère à commettre une infraction aux lois et règlements régissant l’exercice de la profession.

[37]       La plainte a également pour fondement l’article 59.2 du Code des professions interdisant à un professionnel de poser un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de la profession.

Les facteurs propres au présent cas

Les facteurs objectifs

[38]       Le Conseil retient que les infractions reprochées constituent des manquements graves en lien avec la profession.

[39]       En effet, ces infractions mettent en cause l’intégrité professionnelle de l’intimé, qui constitue une valeur fondamentale à la profession d’ingénieur.

[40]       En s’entendant avec ses confrères pour décider d’avance l’octroi de contrats publics à la ville de Saint-Eustache, l’intimé porte ainsi atteinte à la libre concurrence dans le domaine de la construction municipale qui, elle, est destinée à favoriser les meilleurs services au meilleur coût pour l’ensemble des citoyens.

[41]       Un tel comportement fait perdre au public la confiance en la profession, car il porte atteinte aux valeurs intrinsèques de toute profession, dont l’intégrité, l’honnêteté, la probité et la dignité.

[42]       Inciter un confrère à employer des procédés illicites, comme le fait l’intimé en 2001, pour s’assurer l’obtention d’un contrat de la ville de Mirabel, porte autant atteinte aux valeurs fondamentales de la profession d’ingénieur.

[43]       Ces infractions se situent donc au cœur même de la profession.

[44]       Par ailleurs, il n’est pas nécessaire qu’il y ait eu réalisation de conséquences néfastes à l’égard du public pour constater la gravité des infractions, puisque l’absence de conséquence ne constitue pas un facteur atténuant.[10]

[45]       Le Conseil retient également que nous ne sommes pas en présence d’un acte isolé puisque l’intimé incite un confrère à utiliser des procédés illicites en 2001 puis entre 2007 et 2009, il s’entend secrètement avec des confrères pour se partager quatre contrats de la Ville.

[46]       En revanche, l’intimé n’a pas établi un stratagème de collusion systémique et n’a pas non plus émis des factures factices pour ensuite détourner des fonds ou retirer des montants d’argent au comptant, comme il s’est vu dans le cas de plusieurs dossiers de collusion dans le domaine des contrats d’ingénierie dans l’industrie de la construction du secteur public.

[47]       Enfin, à titre d’éléments à retenir pour la détermination de la sanction, il y a la protection du public, l’exemplarité à l’égard des membres de la profession et la dissuasion de l’intimé de récidiver.

Les facteurs subjectifs

[48]       Le Conseil retient comme facteur aggravant la longue expérience professionnelle de l’intimé de plus de 30 ans au moment des infractions. Cette expérience aurait dû le mettre en garde contre ce genre de comportement, et ce, même s’il voulait assurer la pérennité de son entreprise.

[49]       En revanche, on retrouve les facteurs subjectifs atténuants suivants :

·           L’intimé reconnaît les faits à la première occasion même s’il ne plaide pas coupable;

·           Il exprime des regrets que le Conseil considère sincères;

·           Il n’a pas d’antécédents disciplinaires.

[50]       L’intimé explique avoir agi ainsi en 2001 et entre 2007 et 2009 en réponse à la venue des grandes firmes de génie-conseil voulant accaparer tout le marché des contrats publics dans l’industrie de la construction. Il témoigne que la venue de ces grandes firmes compromet alors la viabilité de sa société et qu’il a eu du mal à résister au « rouleau compresseur » de celles-ci.

[51]       Il ajoute qu’en agissant comme il l’a fait, il est allé contre sa nature, ce qu’il a détesté faire. Il témoigne avoir toujours auparavant été capable de faire des affaires sans verser dans la collusion.

[52]       Il ajoute ne pas s’être enrichi par cette façon illicite de fonctionner. 

[53]      Dans la détermination de la sanction, il est également important d’évaluer le risque de récidive.

[54]       Dans le présent cas, les parties considèrent le risque de récidive faible puisque l’intimé est présentement en phase de transition vers la retraite, ayant transféré la direction de BSA à son fils qui en est maintenant président.

[55]       De plus, le volume d’affaires de BSA provenant du secteur public est réduit puisque la firme reçoit maintenant 70 % de son volume d’affaires du secteur privé. En effet, la société travaille beaucoup avec des promoteurs immobiliers dans le développement de projets résidentiels.

[56]       Par ailleurs, la tenue, suivie des conclusions, de la Commission ont permis de rétablir un climat plus favorable aux petites firmes de génie-conseil.

[57]       Enfin, l’intimé témoigne avoir expliqué à son fils les bonnes pratiques et lui avoir fait comprendre qu’il n’est pas nécessaire d’avoir recours à des pratiques illicites pour prospérer en affaires.

[58]       Considérant l’évaluation du risque de récidive par les parties et l’absence de preuve que ce risque est plus élevé, le Conseil se rallie à la position des parties à cet égard.

La jurisprudence

[59]       Pour étayer leur recommandation conjointe d’imposer des amendes, et non pas des périodes de radiation temporaire assorties d’amendes, les parties relèvent le caractère ponctuel des infractions commises, et ce à deux périodes différentes éloignées dans le temps l’une de l’autre.

[60]       Elles retiennent également le faible risque de récidive de l’intimé et son absence d’antécédents disciplinaires.

[61]       Elles réfèrent ainsi à quelques décisions qui placent la fourchette des sanctions quant au chef 1 à des amendes variant entre 7 000 $[11], 7 500 $[12], 8 000 $[13] et 10 000 $[14] pour des infractions de même nature commises dans des circonstances similaires à ceux du cas à l’étude.

[62]       Le Conseil rappelle que lorsque la sanction recommandée par les parties s’insère dans la fourchette des sanctions imposées en semblables matières, la jurisprudence enseigne qu’elle peut être considérée comme raisonnable, sous réserve de l’appréciation par le Conseil des circonstances particulières du cas à l’étude[15].

[63]       Bien que la recommandation conjointe quant au chef 1 se situe dans le haut de la fourchette des sanctions, le Conseil considère que celle-ci n’est pas contraire à l’intérêt public ni de nature à déconsidérer l’administration de la justice.

[64]       Quant au chef 2, les parties expliquent ne pas avoir trouvé beaucoup de jurisprudence rendue en vertu de l’article 4.02.03 c) du Code de déontologie, car le conseil de discipline retient souvent une autre disposition de rattachement pour les fins de la détermination de la sanction  lorsqu’un chef d’infraction y fait référence.

[65]       Les parties suggèrent l’imposition d’une amende moins élevée que celle pour le chef 1, car elles considèrent la gravité du manquement reproché au chef 2 moindre que celle pour le manquement reproché au chef 1.

[66]       À cet égard, le Conseil ne partage pas l’opinion des parties car l’intimé manque autant d’intégrité en incitant un collègue à contourner le processus d’appel d’offres  de la ville de Mirabel qu’en s’entendant avec les autres firmes de génie-conseil pour contourner celui de la ville de Saint-Eustache.

[67]       Toutefois, la question à laquelle le Conseil doit répondre n’est pas de déterminer le degré du manque d’intégrité de l’intimé dans les circonstances, mais plutôt de déterminer si la recommandation conjointe est contraire à l’intérêt public ou de nature à déconsidérer l’administration de la justice

[68]       Pour appuyer leur recommandation conjointe d’imposer à l’intimé une amende de 5 000 $ relativement au chef 2, elles réfèrent à des décisions dont les faits sont beaucoup plus graves que les faits en l’espèce et pour lesquels le conseil de discipline impose des périodes de radiation temporaire[16].

[69]       Il s’agit dans tous les cas de dossiers d’une ampleur qui ne saurait s’appliquer au cas à l’étude et sans aucune commune mesure avec ce dernier.

[70]       Dans les circonstances, le Conseil retient la fourchette des sanctions fournie quant au chef 1 sous l’article 3.02.08 du Code de déontologie pour apprécier la recommandation conjointe quant au chef 2.

[71]       Bien que la sanction sur le chef 2 soit en deçà de la fourchette fournie par les parties pour l’infraction sous l’article 3.02.08 du Code de déontologie, le Conseil rappelle que lorsque les parties présentent des suggestions conjointes sur sanction, il doit les entériner à moins qu’elles soient déraisonnables et inadéquates au point d’en être contraires à l’intérêt public ou de nature à déconsidérer l’administration de la justice.

[72]       À cet égard, la Cour suprême précise la règle à appliquer en matière de recommandation conjointe dans l’affaire R. c. Anthony-Cook[17]. Ainsi, une recommandation conjointe déconsidérera l’administration de la justice ou sera contraire à l’ordre public si elle « correspond si peu aux attentes de personnes raisonnables instruites des circonstances de l’affaire que ces dernières estimeraient qu’elle fait échec au bon fonctionnement du système de justice pénale ». 

[73]       Le Conseil est d’avis ici que la sanction proposée par les parties tant sur le chef 1 que sur le chef 2 ne déconsidère pas l’administration de la justice et n’est pas contraire à l’intérêt public.

[74]       De plus, le Conseil accorde comme il se doit un grand respect à une recommandation conjointe car elle contribue à l’efficacité du système de justice disciplinaire[18].

[75]       De surcroît, elle est présentée par des procureurs expérimentés au fait de tous les éléments du dossier, qui sont ainsi en mesure de suggérer une sanction appropriée.

[76]       Considérant l’ensemble des circonstances de la présente affaire, le Conseil est d’avis que la sanction suggérée d’un commun accord par les parties doit être retenue.

EN CONSÉQUENCE, LE CONSEIL, UNANIMEMENT LE 17 SEPTEMBRE 2019 :

Sur le chef 1 :

[77]       A DÉCLARÉ l’intimé coupable en vertu de l’article 3.02.08 du Code de déontologie des ingénieurs et de l’article 59.2 du Code des professions.

[78]       A ORDONNÉ la suspension conditionnelle des procédures quant au renvoi à l’article 59.2 du Code des professions.

Sur le chef 2 :

[79]       A DÉCLARÉ l’intimé coupable en vertu de l’article 4.02.03 c) du Code de déontologie des ingénieurs.  

ET CE JOUR :

[80]       IMPOSE à l’intimé les sanctions suivantes :

·           Chef 1 : une amende de 10 000 $;

·           Chef 2 : une amende de 5 000 $;

[81]       CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés jusqu’à concurrence de la somme de 500 $.

[82]       ACCORDE à l’intimé un délai d’un mois à compter de la date d’exécution de la présente décision pour acquitter le paiement des amendes et déboursés.

[83]      PREND ACTE de l’engagement de l’intimé de confirmer la réception de la notification de la présente décision et du mémoire de frais.

[84]       ORDONNE que la présente décision ainsi que le mémoire de frais soient notifiés à l’intimé par courriel.

 

 

_____________________________________

Me LYNE LAVERGNE

Présidente

 

 

 

_____________________________________

M. ÉRIC GERMAIN, ingénieur

Membre

 

 

 

_____________________________________

Mme FRANÇOISE POLIQUIN, ingénieure

Membre

 

 

Me Jean-François Corriveau

Avocat du plaignant

Me Daniel R. Guay

Avocat de l’intimé

Date de l’audience :

17 septembre 2019

 



[1]     Pièce P-2.

[2]     Chan c. Médecins (Ordre professionnel des), 2014 QCTP 5.

[3]     Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA).

[4]     Ibid.

[5]     Marston c. Autorité des marchés financiers, 2009 QCCA 2178.

[6]     Ibid., reprenant Pierre Bernard, « La sanction en droit disciplinaire: quelques réflexions », (2004) 206 Développements récents en déontologie, droit professionnel et disciplinaire 73, p. XX, p. 87-88.

[7]       R. c. Dumont, 2008 QCCQ 9625.

[8]      R. c. Lacasse, [2015] 3 RCS 1089, 2015 CSC 64.

[9]      Médecins (Ordre professionnel des) c. Chbeir, 2017 QCTP 3.

[10]    Ubani c. Médecins (Ordre professionnel des), 2013 QCTP 64.

[11]    Ingénieurs (Ordre professionnel des) c. Bégin, 2017, CanLII 86509 (QC CDOIQ).

[12]    Ingénieurs (Ordre professionnel des) c. St-Cyr, 2018, CanLII 13937 (QC CDOIQ).

[13]    Ingénieurs (Ordre professionnel des) c. Crispin, 2017, CanLII 73280 (QC CDOIQ).

[14]    Ingénieurs (Ordre professionnel des) c. Frigon, 2017 CanLII 16751 (QC CDOIQ), Ingénieurs (Ordre professionnel des) c. Fallu, 2018, CanLII 78508 (QC CDOIQ); Ingénieurs (Ordre professionnel des) c. Fallu, 2019 CanLII 53738 (QC CDOIQ).

[15]    R. c. Dumont, supra, note 7.

[16]    Ingénieurs (Ordre professionnel des) c. Paulhus, 2015, CanLII 75236 (QC CDOIQ); Ingénieurs (Ordre professionnel des) c. Moffet, 2017, CanLII 58060 (QC CDOIQ); Ingénieurs (Ordre professionnel des) c. Asselin, 2018, CanLII 43740 (QC CDOIQ); Ingénieurs (Ordre professionnel des) c. Chagnon, 2018, CanLII 69943 (QC CDOIQ).

[17]    R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43.

[18]    R. c. Anthony-Cook, supra, note 17, Langlois c. Dentistes (Ordre professionnel des), 2012 QCTP 52; Malouin c. Notaires, 2002 QCTP 15.

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